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Med Sci (Paris). 2010 March; 26(3): 231–233.
Published online 2010 March 15. doi: 10.1051/medsci/2010263231.

Les inhibiteurs de la voie Hedgehog
Un espoir pour le traitement des carcinomes basocellulaires

Valérie Vidal*

Inserm U636, Centre de biochimie, Université de Nice-Sophia Antipolis, Laboratoire de génétique du développement normal et pathologique, Parc Valrose, 06108 Nice, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Anilides, usage thérapeutique, Antinéoplasiques, Naevomatose basocellulaire, traitement médicamenteux, génétique, Carcinome basocellulaire, Régulation de l'expression des gènes tumoraux, Protéines Hedgehog, Humains, Mutation, Pyridines, Transduction du signal

 

Le carcinome basocellulaire (CBC) a été pour la première fois décrit par le Dr Jacob en 1827. Cette lésion affecte essentiellement les personnes à peau claire et se localise dans 80% des cas dans le cou et sur le visage. Environ les deux tiers des cancers cutanés non mélanocytaires dans les pays occidentaux sont des CBC. Leur incidence augmente avec l’âge et avec la fréquence et la durée des expositions solaires. Les CBC se développent également chez les patients atteints du syndrome xeroderma pigmentosum, d’albinisme et du syndrome de Gorlin [ 11]. Par ailleurs, des études épidémiologiques ont montré une augmentation de l’incidence des CBC durant les trois dernières décennies et indiquent que cette tendance va se poursuivre [ 1].

La mortalité due au CBC est faible, et ces cancers métastasent très rarement. Toutefois, certains sous-types très invasifs se propagent dans le derme détruisant les structures sous-jacentes. Ces sous-types, associés à une forte morbidité, s’observent essentiellement dans les CBC longtemps négligés par les patients.

Le choix du traitement se fait en fonction de critères comme la localisation et la taille de la tumeur, l’existence d’une lésion unique ou de lésions multiples, ou une situation de rechute tumorale. Lorsque cela est possible, l’exérèse chirurgicale est le traitement de choix. Cependant 20 % à 30 % des patients présentent des lésions multiples ou des lésions localisées dans des zones à haut risque de récidive (région rétro-auriculaire, paupière, sillon nasogénien, extrémités) rendant l’acte chirurgical inapproprié. Dans ces cas, d’autres solutions thérapeutiques comme la cryochirurgie, le curetage, la radiothérapie, la thérapie photodynamique, des traitements locaux avec des crèmes contenant du 5-fluoro-uracile ou de l’imiquimod sont appliquées.

Analyse génétique des carcinomes basocellulaires

Les patients atteints du syndrome de Gorlin, une maladie de transmission autosomique dominante [11], présentent une forte prédisposition à l’apparition précoce de multiples CBC ainsi qu’à d’autres tumeurs comme des médulloblastomes du cervelet [ 2]. Leur analyse génétique a permis l’identification de mutations germinales dans le gène codant pour le récepteur de la voie de signalisation Hedgehog (HH), appelé homologue Patched (Ptch) [ 3, 12]. D’autres analyses génétiques effectuées sur des cas sporadiques de CBC ont détecté des mutations dans les effecteurs de la voie HH. Toutes ces mutations activent constitutivement cette voie moléculaire (Figure 1B).

L’activation constitutive de la voie Hedgehog dans la peau induit la formation de carcinomes basocellulaires

La voie de signalisation HH contrôle un ensemble de processus activés au cours du développement embryonnaire comme la différenciation et la prolifération cellulaires et l’organogenèse. Chez l’adulte, cette voie est impliquée dans le maintien et la réparation des tissus.

Les protéines HH sont des glycoprotéines sécrétées qui se lient au récepteur transmembranaire homologue de Patched (PTCH). En l’absence de HH, PTCH interagit avec la protéine transmembranaire SMO (smoothened) la maintenant ainsi inactive. La fixation de HH va libérer SMO et lui permettre d’induire une cascade d’évènements moléculaires, en particulier la translocation nucléaire des facteurs de transcription GLI (GLI1, GLI2 et GLI3) (Figure 1A). Ces facteurs vont induire l’expression de gènes cibles, comme Ptch1, Gli1, des membres de la famille Wnt, ainsi que des gènes impliqués dans la croissance et la division cellulaires [ 5].

Des modèles murins chez lesquels la voie HH est activée constitutivement dans la peau développent des lésions qui ressemblent d’un point de vue histologique et moléculaire aux CBC. Lorsque cette voie n’est plus activée, les lésions régressent mais quelques cellules quiescentes survivent. La réactivation de la voie HH induit la division de ces cellules entraînant la formation de nouvelles tumeurs [ 6]. Ces résultats prouvent que l’activation de la voie HH est à l’origine de la formation des CBC et suggèrent que le ciblage de cette voie pourrait apporter de nouvelles solutions thérapeutiques.

Traitement des carcinomes basocellulaires par l’utilisation d’inhibiteurs de la voie Hedgehog

Les premiers inhibiteurs de la voie HH utilisés ont été la cyclopamine et la jervine. Ces molécules sont des alcaloïdes d’origine végétale qui se lient directement à SMO bloquant ainsi la voie HH. D’autres inhibiteurs qui possèdent une plus grande affinité pour SMO ou interagissent avec d’autres composants de la voie HH ont été identifiés [ 7].

Pour le traitement des CBC, le premier inhibiteur testé fut la cyclopamine. Quatre patients atteints de CBC ont été traités localement avec une crème contenant cette molécule. Une régression des lésions cutanées a été obtenue, mais l’analyse n’a pas été poursuivie et les lésions ont été excisées après six jours d’application [ 8]. Ce n’est qu’en septembre 2009 que pour la première fois une étude clinique de phase I utilisant des inhibiteurs de la voie HH dans les CBC a été publiée dans la revue The New England Journal of Medecine [ 9]. Cette étude rapporte l’utilisation d’un inhibiteur de la voie HH, le GDC-0449, dans le traitement de CBC à un stade avancé et métastatique (Figure 1C). Pour cet essai clinique, trente-trois patients ont été recrutés, 18 présentaient des CBC métastatiques et 15 à des stades avancés. Le GDC-0449 était administré par voie orale, en moyenne pendant 40 semaines. Les résultats obtenus sont très encourageants. Dix-huit de ces patients ont répondu au traitement, deux d’entre eux par une amélioration remarquable des lésions ; les 16 autres présentaient une réponse partielle. Pour les 15 patients restants, la pathologie est soit restée stable (11 patients), soit elle a progressé (4 patients). Aucun effet toxique important du GDC-0449 n’a été rapporté.

L’activation constitutive de la voie HH est associée au développement de nombreuses pathologies graves autres que les CBC, ce qui explique que le GDC-0449 représente un grand espoir thérapeutique. Cet inhibiteur a également été testé pour traiter un patient atteint d’un cas extrême de médulloblastome réfractaire à toute thérapie [ 10], et des essais cliniques pourraient être proposés dans le traitement de cancers colorectaux métastatiques et de cancers ovariens avancés [ 13].

La voie HH est impliquée dans de nombreux processus biologiques au cours de l’organogenèse. Aussi dans les cas de pathologies résultant du dérèglement de cette voie au cours de l’organogenèse [ 14] ou chez l’enfant (comme dans l’exemple des médulloblastomes), l’enjeu consistera à trouver un moyen pour cibler l’inhibition de la voie HH dans les organes malades, voire même de la restreindre aux seules cellules cancéreuses. Mais compte tenu des études effectuées décrites ci-dessus dans les modèles murins [6], en cas de régression des tumeurs, il sera important de s’assurer qu’aucune cellule quiescente capable de reformer une tumeur ne survivra au traitement. Dans le cas contraire, une prise à vie du GDC-0449 sera peut-être nécessaire, augmentant la fréquence des cas de rémission.

L’étude clinique présentée dans le New England Journal of Medicine représente donc une avancée considérable dans le traitement des CBC avancés ou métastatiques. Indirectement, cette étude confirme l’importance des connaissances des processus biologiques fondamentaux impliqués dans l’embryogenèse et dans l’homéostasie adulte pour la conception de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Conflit d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

References
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