Les résultats, évidemment approximatifs, seraient en 2001 de 68 000 décès par le feu en milieu urbain, et 95 000 en milieu rural, 163 000 au total, dont 106 000 (65 %) chez des femmes, parmi lesquelles 57 % avaient entre 15 et 34 ans. En milieu urbain, 20 à 25 % de tous les décès de femmes âgées de 15 à 34 ans sont imputables au feu, et environ 12 % en milieu rural, mais cette différence entre milieu urbain et rural doit être considérée avec prudence compte tenu de l’imprécision des registres urbains. Ces données correspondraient à 22/100 000 femmes de 15 à 34 ans mourant par le feu chaque année (contre 6/100 000 hommes). Il est intéressant d’observer que les courbes des décès par le feu en fonction de l’âge et de la fertilité se superposent. Cette même distribution était constatée dans toutes les études locales, ainsi que le rapport de 3 à 1 du nombre de décès par le feu entre femmes et hommes jeunes.
Ces résultats ont fait l’objet de plusieurs comparaisons, notamment avec les données issues des rapports de police effectués, les seules publiées. Elles font état en 2005 de 19 033 décès par accidents de feu, et 8 978 suicides par le feu (dont les immolations). L’ordre de grandeur de ces résultats de police est environ 6 fois inférieur à ceux de l’enquête. En 2005 aussi, une enquête criminelle a relevé 6 787 décès liés à la dot (dowry death)1 ; cette dernière est un délit criminalisé en Inde par le Dowry Prohibition Act de 1961 (actualisé par un jugement du 16 avril 2008). Les résultats nationaux ont été comparés à des données régionales, aboutissant à des proportions similaires : 3 fois plus de femmes que d’hommes, tranche d’âge encore plus étroite de 21 à 30 ans. Enfin, si les données du SRS sont peu utilisables car 55 % des décès ne sont pas attribués à une cause définie, la redistribution sur les valeurs d’ensemble des proportions trouvées à partir du MCDD et du SCD aboutit à des chiffres comparables de décès par le feu : 104 200 femmes, 54 900 hommes, soit 159 000 au total (contre 163 000 dans l’enquête dont il est question ici).
La proportion anormalement élevée de décès de jeunes femmes par le feu en Inde pose non seulement un problème de santé publique mais s’avère aussi comme une des causes principales de mortalité féminine. Les accidents domestiques de cuisine, dus aux fourneaux à kérosène et au port de vêtements lâches (sari) facilement atteints par les flammes sont une explication insuffisante, et ne rendent pas compte de la décroissance brutale des décès après 34 ans. On doit aussi envisager des suicides par immolation (que pourraient expliquer la pauvreté et la violence domestique), ainsi que des homicides criminels, en particulier liés au problème de dot, qui peut être interprétée dans un sens très large [
2]. Un conflit, maquillé en suicide ou en accident domestique, est possible toutes classes sociales confondues. Un marchandage prolongé des années peut s’exercer vis-à-vis de la famille de la mariée et mettre la femme en danger s’il y a refus. L’estimation d’Amnesty International donne 98 assassinats de ce type chaque semaine dans l’ensemble du pays par le mari ou sa famille. Une enquête de terrain réalisée à Bangalore avance que la majorité des « accidents de cuisine » et suicides déclarés dans cette ville (environ 100 par mois) seraient en réalité des crimes liés à la dot (dowry death). Ce sont les conventions sociales, la dépendance économique, l’inertie de la police qui empêchent souvent de porter plainte.