Brèves

Comment la taille finale d’un animal est-elle contrôlée ? Comment l’organisme s’assure-t-il que tous les organes ont atteint la bonne dimension avant de passer à l’étape suivante du développement, comme la puberté chez l’homme, ou l’entrée en chrysalide chez les larves de drosophile ? C’est justement sur ce modèle animal que Julien ColombaniJulien Colombani
Unité 1091 Inserm/Université de Nice, Institut de biologie Valrose
et ses collègues ont fait leur expérience. Pour cela, ils ont créé deux lignées transgéniques, dans lesquelles deux gènes différents étaient rendus silencieux par la fixation d’ARN interférents spécifiques (ARNi)ARNi
Spécifique d’un ARN messager, il conduit à sa dégradation et la diminution de sa traduction en protéine.
. Dans la première, la conséquence de ce mutisme entraînait une croissance ralentie. Chez les autres, la croissance n’était plus contrôlée et conduisait à une non-différenciation des tissus. Ainsi, ces deux systèmes retardaient, chacun à leur façon, l’entrée dans le stade développemental suivant. Seconde étape de la « manip » : identifier les ARNi qui restaurent la chronologie classique du développement. Et, dans les deux cas, sur les 11 000 gènes caractérisés de la mouche, seul le blocage du gène Dilp8, Drosophile insuline like proteine, en était capable. Et comme son nom l’indique, la protéine DILP8 appartient à la famille des insulines. Les tissus dont la croissance est altérée la sécrèteraient, pour prévenir les autres de réduire leur évolution, le temps que tous aient atteint la bonne taille. Mais DILP8 va encore plus loin car elle permet aussi d’inhiber la synthèse d’hormones stéroïdiennes par le système nerveux central et de retarder le développement. Prochaine étape ? Vérifier si les fonctions de dilp8 sont conservées chez l’homme.

J. C.

Un traitement de l’asthme pourrait se révéler utile pour soigner le diabète de type 2, maladie commune chez les personnes en surpoids. C’est ce que suggèrent les travaux de l’équipe Inserm de Jaap NeelsJaap Neels
Unité 1065 Inserm/Université de Nice-Sophia Antipolis
sur une famille de lipides, les leucotriènes. Les chercheurs ont montré que ces médiateurs chimiques, impliqués dans les réactions asthmatiques et allergiques, jouent un rôle important dans l’inflammation des tissus adipeux chez les personnes obèses. Ils ont aussi observé que l’administration à des souris obèses d’un anti-leucotriène, habituellement prescrit aux asthmatiques, réduit rapidement l’inflammation des adipocytes – les cellules des tissus adipeux. Or, ce type d’inflammation est connu pour induire une baisse de l’activité de l’insuline. Ce phénomène, appelé résistance à l’insuline, est caractéristique du diabète de type 2. Les traitements bloquant les leucotriènes pourraient donc potentiellement être détournés pour soigner ce type de diabète.

S. P.

C’est la biologie axée sur l’observation du comportement dynamique des atomes ou de molécules en temps réel, des réactions qui se produisent à une échelle de temps de l’ordre de la femtoseconde, soit un millionième de milliardième (10-15) de seconde. Ces observations sont possibles grâce à l’utilisation de lasers ultra-brefs et de techniques spectroscopiques à très hautes résolutions temporelles. Un domaine dont Yann Gauduel, chargé de recherche Inserm dans le groupe Femtochimie bioradicalaire, au Laboratoire d’optique appliquée est spécialiste. Parmi ses sujets de recherche, la détection d’états électroniques à très courte durée de vie.
Face au glioblastome, les thérapies actuelles sont peu efficaces. Cette tumeur cérébrale, de par sa localisation, est difficile à opérer. Et les médicaments actuellement utilisés ne prolongent la vie que de quelques mois. L’équipe de Joël EyerJoël Eyer
EA 3143, Laboratoire de neurobiologie et transgenèse
, à Angers, vient de découvrir un peptide qui pourrait changer la donne. In vitro, cette molécule est en effet capable de détruire les cellules de la tumeur. Injectée à des souris atteintes de glioblastome, elle atténue la croissance tumorale. NFL- TBS.40- 63, c’est son nom, agit en inhibant la formation des microtubules, ces filaments de la cellule, impliqués dans la division cellulaire. Intérêt supplémentaire de ce peptide, qui a fait l’objet d’un brevet : il cible les cellules de glioblastome et ne pénètre pas dans les autres cellules du cerveau. De plus, il est rapidement éliminé lorsqu’il est injecté à des souris saines et il ne déclenche pas d’effets secondaires. Les travaux sur cette molécule vont se poursuivre afin de pouvoir mettre en route au plus tôt des essais cliniques sur l’homme.

J. C.

L’étude du cytomégalovirus humain (CMVH), virus de la famille de l’herpès, pourrait avoir des conséquences inattendues dans la lutte contre le sida. Les équipes de Ralf JockersRalf Jockers
Unité 1016 Inserm/Université Paris Descartes
et de Morgane BomselMorgane Bomsel
Unité 1016 Inserm/Université Paris Descartes
de l’Institut Cochin, et leurs collaborateurs français et autrichiens, viennent de découvrir les effets de protéines, UL33 et UL78, exprimées par le CVMH sur les récepteurs de chimiokinesChimiokines
Protéines impliquées dans le déplacement des cellules guidé par des molécules chimiques
de certaines cellules. Ces derniers, CCR5 et CXCR4, jouent habituellement un rôle dans la migration et l’inflammation cellulaire. En cas d’infection par le VIH, ils permettent au virus du sida de pénétrer dans la cellule. Or, en présence des protéines codées par le CMVH, les caractéristiques de ces récepteurs sont modifiées, ce qui permet au CMVH de contourner les propriétés de la cellule hôte. Mais cette modification compromet aussi l’entrée du VIH. Des cellules qui ont été précédemment infectées par le CMVH seraient donc protégées de la surinfection par le VIH. Le mécanisme derrière ce phénomène n’est pas encore bien compris mais pourrait déboucher sur de nouvelles pistes thérapeutiques.

S. P.

Les gènes responsables de certaines maladies neuromusculaires ne sont pas toujours connus. Leur identification est habituellement obtenue en décodant l’ADN du patient, gène par gène. Jocelyn LaporteJocelyn Laporte
Unité 964 Inserm/Université de Strasbourg, Institut de génétique et de biologie moléculaire (IGBMC)
de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire et ses collègues ont prouvé qu’il était possible d’accélérer grandement le processus grâce aux nouvelles technologies de séquençage ADN. Leur méthode permet de tester, en parallèle, tous les gènes connus impliqués dans ces maladies, qui regroupent les myopathies et les neuropathies. Un diagnostic plus rapide permettrait une meilleure prise en charge des patients, un meilleur conseil génétique et des approches thérapeutiques plus ciblées.

S. P.

Les ribosomes sont des machineries cellulaires qui décodent l’information génétique contenue dans l’ADN et participent à la synthèse des protéines. Celle-ci se fait en deux temps. L’ADN est d’abord transcrit en ARN messagers (ARNm), eux-mêmes traduits ensuite en protéines. C’est durant cette phase de traduction que les ribosomes jouent un rôle central. Ils lisent les brins d’ARNm et sélectionnent les ARN de transfert (ARNt) correspondant. Ces derniers sont porteurs d’acides aminés qui, mis bout à bout, constituent alors la protéine codée par l’ADN. Ce décodage est très efficace : à peine une erreur se produit sur plusieurs milliers d’ARNt recrutés au sein du ribosome. Quels mécanismes lui permettent de sélectionner si précisément le bon parmi tous ceux présents dans la cellule et quand tous les transporteurs d’acides aminés peuvent accéder au site de décodage du ribosome ? C’est ce à quoi l’équipe Inserm de Marat YusupovMarat Yusupov
Unité 964 Inserm/Université de Strasbourg, Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire
s’est intéressée. Leurs travaux menés sous la responsabilité de Gulnara YusupovaGulnara Yusupova
Unité 964 Inserm/Université de Strasbourg, Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire
démontrent que lorsque l’ARNt entrant diffère légèrement de l’ARNm, le site du décodage force ce mauvais ARNt à se déformer pour entrer dans le site. C’est cette déformation de l’ARNt, et l’énergie qu’elle demande, qui provoquerait le rejet du mauvais ARNt et garantirait ainsi la fiabilité du processus de décodage. Prenant en compte la totalité de la structure ribosomique, ces résultats remettent en cause le processus couramment admis pour cette étape du décodage. Pourtant, des modèles se fondant sur ce mécanisme sont actuellement utilisés pour la mise au point de médicaments. De nouvelles études seront nécessaires pour lever le doute sur le mode d’action du ribosome.

S. P.

Figure 1
Libosome de la levure
© Adam Ben-Shen/Inserm
Certains types de neurones jouent le rôle de chef d’orchestre. Ils permettent en effet de synchroniser brièvement les autres neurones à haute fréquence (40 Hz) sur de grandes distances. L’équipe Inserm de Christophe BernardChristophe Bernard
Unité 1106 Inserm/Aix-Marseille Université
de l’Institut de neurosciences des systèmes a découvert que ce phénomène permet, en temps normal, de mettre en commun des informations distribuées dans différentes régions du cerveau. Or, les oscillations à haute fréquence sont aussi une signature de l’activité des zones épileptogènes. Cette découverte permettrait donc de comprendre pourquoi des régions distantes dans le cerveau peuvent se synchroniser pendant les crises d’épilepsie.

S. P.

Et si, pour lutter contre le cancer, on s’attaquait à son environnement ? C’est cette idée que Cédric CoulouarnCédric Coulouarn
Unité 991 Inserm/Université Rennes 1
, de l’unité « Foie, métabolisme, cancer » et ses collègues ont testé. En effet, le micro-environnement des cellules cancéreuses est un milieu complexe qui contient plusieurs types de cellules, en particulier des myofibroblastes, cellules responsables de la fibrose qui est associée à la plupart des cancers du foie. Grâce à un modèle de coculture associant des hépatocytes, cellules du foie, tumoraux et des myofibroblastes, les auteurs ont mis en évidence un dialogue moléculaire entre ces deux types cellulaires. Cette communication bidirectionnelle entraîne une modification du phénotype des hépatocytes : ceux-ci perdent leur capacité de différenciation et acquièrent des propriétés invasives. De plus, les chercheurs ont montré que l’expression des gènes responsables de ces interactions est corrélée à la progression tumorale dans des modèles murins de cancérogenèse hépatique et qu’elle est prédictive d’un mauvais pronostic dans des cancers du foie humains. Par ailleurs, la Trichostatine A, une molécule inhibitrice d’histone-désacétylaseHistone-désacétylase
Enzyme répressive de la transcription de l’ADN en ARN
, identifiée par criblage, inhibe la migration des hépatocytes et la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins. Ainsi, les interactions entre les hépatocytes et les myofibroblastes sont déterminantes dans la progression des cancers du foie : leur ciblage par des modulateurs épigénétiques, comme la Trichostatine A, pourrait représenter une nouvelle stratégie thérapeutique anticancéreuse.

J. C.