Autisme
Parole à la recherche

Janvier 2012, le Premier ministre déclare l’autisme Grande cause nationale. Objectif ? Rattraper le retard de la France, notamment en matière d’information auprès des parents et des médecins. Or, les équipes de l’Inserm participent activement à l’amélioration des connaissances sur ce trouble du développement qui touche une personne sur 156. Tour d’horizon des principales avancées.

Ce que dit l’imagerie cérébrale

En 2000, l’observation par tomographie par émission de positonsTEP
Méthode d’imagerie médicale qui permet de mesurer en trois dimensions l’activité métabolique d’un organe.
a permis à Monica ZilboviciusMonica Zilbovicius
Unité 1000 Inserm/Université Paris-Sud 11
, de l’unité Neuroimagerie et psychiatrie à l’hôpital Necker, de montrer qu’au repos, le débit sanguin cérébral était plus faible dans le sillon temporal supérieur (STS) des enfants autistes. De plus, la sévérité de l’anomalie est corrélée à celle du trouble autistique. « C’était la première fois qu’on localisait une anomalie fonctionnelle liée à l’autisme. À l’époque, on ne connaissait pas le rôle de cette structure cérébrale dans les fonctions sociales », rappelle la chercheuse. Aujourd’hui, on sait que la perception du mouvement biologique implique le STS, et d’autres structures cérébrales, comme le gyrus frontal inférieur pour lequel Joëlle MartineauJoëlle Martineau
Unité 930 Inserm/Université François-Rabelais, Tours
, de l’unité Imagerie et cerveau à Tours, a montré une activation particulière, grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf)IRMf
Imagerie permettant de visualiser en direct l’activité du cerveau.
chez les jeunes adultes avec autisme. En 2004, Monica Zilbovicus a noté chez les enfants autistes, grâce à l’imagerie par résonance magnétique, une diminution de la substance grise, toujours au niveau du sillon temporal supérieur. La même année, en collaboration avec Pascal Belin, professeur à l’Université de Montréal, la chercheuse montre que le STS n’est pas activé lorsque l’on fait écouter des sons vocaux (voix, souffle, rire...) à des personnes diagnostiquées autistes, contrairement à ce qui se produit dans le cerveau d’une population de contrôle. « Il n’est pas question de surdité, car ils entendent ce son. En revanche, ils ne font pas la distinction entre les sons vocaux et non vocaux », insiste Monica Zilbovicius. Des résultats qui rejoignent ceux trouvés par Nicole BruneauNicole Bruneau
Unité 930 Inserm/Université François-Rabelais, Tours
, de l’unité Imagerie et Cerveau à Tours, grâce à des études électrophysiologiques : la réponse spécifique à la voix culmine sur la région fronto-temporale droite dans la population contrôle alors qu’elle est absente ou atypique chez les adultes et enfants atteints d’autisme. Pour Monica Zilbovicus, lors de la construction des interactions sociales au cours du développement, les premières informations intégrées sont celles communiquées par le regard et la voix. Pour expliquer les problèmes d’interactions avec les autres que rencontrent les personnes atteintes, la chercheuse suggère, qu’incapables de tirer des informations sociales pertinentes par ce biais du regard et de la voix, elles seraient en difficulté pour construire des échanges sociaux. Les difficultés à traiter les stimulations de l’environnement portent également sur les informations non sociales. En effet, Marie GomotMarie Gomot
Unité 930 Inserm/Université François-Rabelais, Tours
, à Tours, a pu montrer, grâce à l’électrophysiologie et l’IRMf, que les patients présentent des anomalies de la réponse cérébrale à un changement survenant dans leur environnement sensoriel. Cette réactivité particulière au changement s’observe aussi bien dans la modalité visuelle qu’auditive et pourrait contribuer à la recherche d’immuabilité dont font preuve les personnes avec autisme.

Ce que dit la psychiatrie cognitive

L’équipe de Marion LeboyerMarion Leboyer
Unité 955 Inserm/Université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne, Institut Mondor de recherche biomédicale
, à l’Institut Mondor de recherche biomédicale, en collaboration avec Tiziana ZallaTiziana Zalla
UMR 8129, CNRS/EHESS/ENS, Institut Jean-Nicod, Paris
, a contribué à mettre en évidence chez les patients atteints d’autisme de haut niveau un déficit de perception de l’action et du contrôle cognitif. Une clé de compréhension pour expliquer les difficultés d’interactions. D’ailleurs, une collaboration avec Angela SiriguAngela Sirigu
UMR 5229 CNRS/Université Lyon 1, Centre de neuroscience cognitive
a montré que l’administration d’ocytocine par voie nasale à des patients atteints du syndrome d’Asperger améliore leur capacité à interagir. C’est la première fois que le potentiel thérapeutique de cette hormone, connue pour son rôle dans l’attachement maternel et le lien social, est mis en évidence. « Par ailleurs, souligne Marion Leboyer, en collaboration avec l’équipe de Thomas Bourgeron, nous avons également montré que la majorité des personnes autistes ont des taux très faibles de mélatonine. La baisse de cette hormone qui régule nos rythmes biologiques, en particulier le cycle veille/sommeil, est probablement liée à un ensemble d’anomalies de la voie des gènes impliqués dans sa synthèse, en particulier du gène ASMT, qui intervient en dernier. »

Ce que dit la génétique

La proportion plus forte de garçons affectés par l’autisme - 3 à 4 pour une seule fille - plaide en faveur de la génétique. Du moins, en faveur d’une vulnérabilité génétique, ce qu’ont confirmé les études sur les jumeaux. « Dès le début des années 2000, des gènes impliqués dans l’autisme ont été identifiés », commente Thomas BourgeronThomas Bourgeron
Institut Pasteur et université Paris-Diderot
, responsable de l’unité Génétique humaine et fonctions cognitives. Mais l’hétérogénéité des troubles rend complexes les recherches dans ce domaine. En réalité, des mutations dans plus d’une centaine de gènes ont déjà été associées aux troubles du spectre autistique, mais il est difficile d’évaluer le nombre total de gènes qui seront associés à l’autisme. Cependant, les gènes principaux liés à cette vulnérabilité sont impliqués dans la mise en place et le fonctionnement des synapses, ces points de jonction et de communication entre les neurones. C’est le cas des gènes codant pour la neurexine et la neuroligine, molécules d’adhésion cellulaire localisées au niveau des synapses. Depuis plus de 10 ans, des recherches sont menées à l’Institut Pasteur, par Thomas Bourgeron en collaboration avec Marion Leboyer, directrice de la Fondation FondaMentalLa Fondation FondaMental
Fondation de coopération scientifique dédiée aux maladies mentales, elle travaille en particulier autour de trois pathologies considérées parmi les plus invalidantes : la schizophrénie, les troubles bipolaires et l’autisme de haut niveau (syndrome d’Asperger). Elle a pour but d’allier toutes les intelligences pour améliorer la compréhension, le soin et la prévention et redonner espoir aux patients et à leurs proches.
. Dernier résultat en date : la mise en évidence de nouvelles mutations dans le gène SHANK2. Dans des cultures de neurones, ses mutations sont en effet associées à une diminution du nombre de synapses, entraînant une altération de la communication entre les neurones. « Maintenant que la première phase de nos recherches - découvrir des gènes impliqués dans l’autisme - est bien enclenchée et que les nouvelles stratégies de séquençage du génome humain accélèrent les découvertes, il reste à comprendre le rôle de ces gènes et à trouver de nouveaux traitements fondés sur la connaissance », rappelle Thomas Bourgeron.

Quels enjeux pour l’avenir?

En France, mais également dans le contexte international, les avancées de la recherche sont indispensables pour la compréhension de la physiopathologie de ce trouble et ainsi à terme mieux diagnostiquer et soigner les personnes avec autisme », souligne Catherine BarthélémyCatherine Barthélémy
Unité 930 Inserm/Université François-Rabelais, Tours
, ancienne responsable de l’équipe « Autisme », à Tours. Un propos partagé par Frédérique Bonnet-BrilhaultFrédérique Bonnet-Brilhault
Unité 930 Inserm/Université François-Rabelais, Tours
 qui lui a succédé dans la fonction : « Les études utilisant les différentes techniques d’imagerie cérébrale devront éclairer les anomalies structurelles et fonctionnelles et permettre au plus tôt de fournir des indices neurophysiologiques d’aide au diagnostic précoce. La compréhension de ces mécanismes, des bases moléculaires à l’expression phénotypiques, grâce aux études des correspondances génotype/phénotype, sera à la base du développement de molécules ciblées sur les processus clés de ce trouble. »

Julie Coquart