Maladies rares / maladies fréquentes
Même combat

Dossier réalisé avec le concours de Ségolène Aymé et Nicolas Lévy

Le 29 février est la journée internationale des maladies rares. Un jour si rare, d’ailleurs, que cette journée s’est tenue, cette année encore, le 28 ! Après le Téléthon début décembre, voici une nouvelle occasion de mettre en avant ces maladies hétérogènes qui touchent près d’une personne sur 20, soit trois millions de Français et trente millions d’Européens. Pourquoi maladies « rares » ? Parce que chacune d’entre elles affecte moins d’une personne sur 2 000 et, par conséquent, est tout sauf fréquente au sein d’une population. La base de données française Orphanet en recense 6 000. Elles peuvent être graves, chroniques ou évolutives, et diminuer considérablement l’espérance de vie. Souvent invalidantes, elles empêchent le patient de voir, de comprendre, d’entendre, de bouger ou, tout simplement, de respirer. Elles sont aussi dites « orphelines » car, dans un grand nombre de cas, aucun traitement n’existe, ou aucune recherche dédiée n’est en cours. La plupart du temps liées au défaut d’un mécanisme physiologique unique, elles contribuent à mieux comprendre les mécanismes complexes sous-tendant des maladies plus fréquentes, et même à éclairer certaines fonctions physiologiques fondamentales. Invisibles jusqu’à l’arrivée du « Projet génome humain » en mars 1990, les maladies rares, parce qu’elles permettent de déterminer le rôle d’un gène unique, ont alors suscité une grande curiosité chez les scientifiques, qui se sont attelés à identifier les gènes en cause et à les cloner : une démarche qui a nécessité d’accéder aux familles atteintes. Et c’est bien leur intérêt scientifique et leur importance pour mieux comprendre les autres pathologies qui ont sorti les maladies rares de l’anonymat. Cette année, les associations organisatrices de cette 4e journée mondiale ont souhaité sensibiliser le grand public autour du slogan Rares, mais égaux devant la maladie. Un moyen de rappeler que, si elles peuvent contribuer à éclairer la genèse de pathologies largement plus répandues, les maladies rares méritent un effort de recherche soutenu pour améliorer leur prise en charge.

Maladies orphelines : De précieux modèles d’étude

Plus de la moitié des publications scientifiques ou médicales mondiales leur est consacrée. À juste titre, car les maladies rares constituent une mine d’informations pour étudier les pathologies communes. En effet, elles ont souvent pour origine directe le défaut d’un seul gène, à l’inverse des affections plus courantes, qui relèvent de l’interaction entre gènes, ou entre gènes et environnement, et sont le fruit d’un ensemble de mécanismes perturbés qui, pour certains, sont à l’origine de maladies rares.

C’est une évidence. Il est plus facile pour un chercheur d’étudier une maladie rare qu’une pathologie soumise à plusieurs facteurs, qu’il aura souvent du mal à aborder et dont le point d’entrée est plus difficile à identifier. « Effectivement, explique José SahelJosé Sahel
Unité 968 Inserm/CNRS/Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris 6
, directeur de l’Institut de la vision ,une constellation de maladies rares peut permettre de modéliser ce qui se passe dans une affection commune . Avec les maladies rares, nous sommes, de façon relative, face à une sorte de simplicité scientifique. Et dans ces pathologies spécifiques, nous pouvons disposer de modèles théoriques ou réels, animaux ou cellulaires, qui nous permettent d’observer des stades précoces de la maladie . »
De son côté, Ségolène Aymé, fondatrice d’Orphanet, le seul inventaire international et exhaustif des maladies rares , souligne que « même si nous sommes dans la situation bien connue "un gène, une protéine", le chemin reste ardu, car il faut disséquer point par point la chaîne de mécanismes qui part du gène et aboutit à la fabrication de la protéine défaillante. Mais si des parades contre le dysfonctionnement unique sont identifiées, elles auront toutes les chances de pouvoir être utilisées pour la mise au point de traitements de formes pathologiques plus communes. Prenons l’exemple de la maladie de Parkinson : les avancées réalisées ces dernières années afin d’en ralentir les effets résultent pour une grande part de travaux effectués sur des maladies mitochondrialesLes maladies mitochondriales
sont liées à des mutations de l’ADN de la mitochondrie, organite producteur de l’énergie cellulaire. Elles affectent principalement les tissus grands consommateurs d’énergie comme le cerveau ou le muscle.
qui, elles, sont "hyper" rares. De même pour le diabète et la maladie d’Alzheimer, où les dernières découvertes ont été faites sur des formes extrêmement rares. Cela a aussi permis d’identifier les gènes de prédisposition. »
Autre exemple significatif : l’apport de l’étude des maladies rares de la rétine dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), une pathologie du vieillissement qui constitue la première cause de malvoyance après 50 ans dans les pays industrialisés.

Rétinopathies rares, un autre regard sur la DMLA

Composé de plus de 130 millions de cellules, l’œil ne livre pas facilement ses secrets. Et c’est grâce à l’étude de nombreuses maladies rares que les chercheurs commencent à comprendre son fonctionnement et à identifier les protéines majeures impliquées dans la vision. À l’aide de modèles animaux et de dispositifs d’imagerie à très haute définition disponibles pour observer la rétine, des corrélations morphologiques et histologiques ont été établies, qui permettent de mieux comprendre la mécanique de l’œil et valider certaines théories, notamment concernant la DMLA. Cette maladie typique du vieillissement n’est pas génétique au sens strict, mais il existe une prédisposition avérée. Un lien important avec les facteurs familiaux et héréditaires a été mis en évidence. Toutefois, des facteurs extérieurs comme l’alimentation, la lumière, le tabagisme et le stress sont aussi souvent mis en cause. « Nous espérions que certains gènes responsables de rétinopathies rares seraient, à quelques variantes près, retrouvés à l’origine de maladies plus complexes telles que la DMLA, raconte José Sahel. Par exemple, certains mécanismes physiopathologiques de deux maladies rares, la rétinopathie pigmentaire et la maladie de Stargardt, sont parallèles à ceux de la DMLA. De nombreuses recherches en cours sur ces deux pathologies permettent de développer des approches thérapeutiques pour la DMLA (la thérapie génique, la neuroprotection avec des facteurs de croissance et certaines greffes de cellules), dont certaines devraient entrer en recherche clinique dans les trois ans à venir. » Dans le cas de la DMLA, on observe plusieurs phénomènes élémentaires : néovascularisation (formation de nouveaux vaisseaux sanguins), atrophie et accumulation de dépôts dans les cellules de la rétine et sous la rétine. « Ces dépôts, continue le chercheur, sont retrouvés dans un certain nombre de maladies, notamment celle de Stargardt. Grâce à cette dernière, on peut quantifier l’évolution de la pathologie. Ce qui nous a permis de comprendre les mécanismes qui engendrent l’accumulation des débris, marqueurs importants de la DMLA. Potentiellement, on peut estimer que certaines thérapeutiques qui empêchent la fabrication de ces débris ou leur accumulation dans la maladie de Stargardt pourraient permettre de soigner ou, au moins, de ralentir la DMLA. Des essais cliniques devraient d’ailleurs être rapidement mis en place. »
Les maladies rares permettent donc d’étudier des maladies plus communes, mais aussi de mieux comprendre certaines grandes fonctions physiologiques. Deux exemples sont tout à fait significatifs à cet égard : le vieillissement, d’abord, dont les mécanismes se dévoilent grâce à la progéria, l’audition, ensuite, avec l’étude des surdités profondes.

La progéria, une autre approche du vieillissement

Appelée aussi syndrome de Hutchinson-Gilford, la progéria est due à l’accumulation d’une protéine toxique dans les cellules. « Jusque très récemment , explique Nicolas LévyNicolas Lévy
Unité 910 Inserm/Université de la Méditerranée, Faculté et Hôpital de la Timone, Marseille
, on se contentait d’en parler comme d’une maladie du vieillissement, puisque les enfants atteints (moins de 1 naissance pour 100 000) présentent les symptômes rappelant un vieillissement, certes précoce et très accéléré : ostéoporose majeure, athérosclérose galopante, anomalies de la peau, etc. Pour autant, malgré les similitudes symptomatiques, nous n’avions pas la preuve que le mécanisme - l’accumulation de protéines toxiques - impliqué dans cette maladie rare constituait l’un des processus du vieillissement physiologique. » En 2003, l’équipe de Nicolas Lévy met en cause une mutation du gène LMNA , situé sur le chromosome 1, dans la progéria. Ce gène code pour les protéines lamines A et C, qui tapissent l’enveloppe du noyau des cellules et participent à l’organisation des chromosomes. Le gène LMNA muté produit une protéine tronquée, la progérine, qui reste ancrée dans la membrane du noyau des cellules, s’y accumule, et entraîne sa déformation. Un peu plus tard, une équipe américaine montre que le même mécanisme intervient dans le vieillissement normal. « Mais cette protéine modifiée s’accumule alors à bas bruit et de façon lentement progressive, précise le chercheur marseillais. Il est important de comprendre que le vieillissement est lié à une multitude de mécanismes complexes : des centaines ou des milliers de processus ou voies métaboliques sont modifiés au cours de la vie. Dans le cas des similitudes décrites entre progéria et vieillissement, il s’agit d’un unique mécanisme dont nous ne pouvons pas, aujourd’hui, quantifier l’importance par rapport aux autres. »
En parallèle, l’équipe de Nicolas Lévy fait une découverte qui devrait se révéler utile… à la lutte contre le sida : une mutation entraînant le dysfonctionnement d’une enzyme est identifiée chez les patients atteints de progéria ou d’autres maladies rares et graves du vieillissement. Or cette enzyme, une protéase, est la cible de molécules pharmacologiques utilisées dans les trithérapies anti-sida. « En effet, explique le chercheur, ces traitements ne ciblent pas de façon spécifique les protéases du VIH qui, une fois inhibées, bloquent l’invasion des cellules par le virus. Ils agissent aussi sur des protéases qui ne fonctionnent pas chez les enfants atteints de progéria. C’est d’ailleurs très probablement une des raisons pour lesquelles les patients traités par trithérapie anti-VIH développent des signes de vieillissement cliniquement assez proches, visuellement et sur le plan mécanistique, de ceux observés chez nos jeunes patients. La différence, c’est que, dans le cas des patients séropositifs au VIH, l’origine est iatrogène. D’où notre projet de développer un protocole utilisant les molécules testées pour améliorer la vie des jeunes atteints par la progéria comme adjuvant aux trithérapies anti-sida. Pour l’instant, ce projet, dirigé au sein de l’équipe par Pierre Cau, en est au stade préclinique. Mais si tout se passe bien, des essais cliniques pourraient démarrer d’ici 2 à 3 ans. »
Ces résultats amènent les chercheurs à réfléchir à l’intérêt que pourrait avoir l’utilisation plus large des molécules qui permettent de ralentir les effets de la progéria pour lutter contre certains effets du vieillissement. Serait-il ainsi possible de prévenir certaines pathologies comme l’athérosclérose et l’ostéoporose, par exemple ? « Le vieillissement n’est pas une maladie, rappelle Nicolas Lévy, mais il est vrai qu’on vieillit plus ou moins bien. Si nous pouvons lutter efficacement contre les conséquences délétères de l’âge en faisant appel à l’une des molécules employées dans le cadre d’essais cliniques sur des maladies comme la progéria, pourquoi ne pas explorer cette piste ? » Il y a quelques années, son équipe a créé, grâce à l’Agence nationale de recherche, la start-up Predibio. Les chercheurs y exploitent les brevets issus de leurs travaux, développent de nouvelles formes galéniques et testent des molécules pour lutter contre la maladie, contre certains effets secondaires des médicaments et, enfin, contre les effets physiologiques du vieillissement. Plusieurs essais précliniques sont d’ailleurs en cours, essentiellement sur des modèles cellulaires.
Pour autant, à côté des maladies neuromusculaires, la progéria reste l’un des axes de recherche privilégiés de Nicolas Lévy. Tout dernièrement, son équipe a établi un lien entre la détérioration des mécanismes de réparation de l’ADN et la progéria. « Encore une fois, insiste le généticien, l’ADN est abîmé chez tout être humain, et cela tout au long de la vie. Mais il est très vite réparé par la machinerie cellulaire . Dans les maladies du vieillissement prématuré comme la progéria, les cassures de l’ADN sont réparées plus tardivement et de façon beaucoup moins efficace. Un parallèle peut ici aussi être établi avec des mécanismes impliqués dans certaines formes de cancer liées à des déficits des mécanismes de réparation de l’ADN. » Vieillissement, sida, cancer… autant de retombées potentielles pour des recherches visant à améliorer, en premier lieu, la prise en charge des jeunes patients atteints de progéria.
De même, les études de certaines maladies orphelines entraînant une surdité profonde constituent un tremplin pour la compréhension de l’ouïe.

Les surdités rares pour comprendre l’audition

Christine Petit
Christine Petit, pionnière dans l’approche génétique des atteintes des systèmes sensoriels
© François Guénet/Inserm
Constat : malgré de nombreuses avancées, l’audition reste le sens le moins connu. À cela, deux raisons. L’organe est profondément enchâssé dans l’organisme, au cœur d’un os, le rocher, et, contrairement aux autres organes des sens, il n’est composé que de quelques milliers de cellules. Génétique et approches pluridisciplinaires, notamment avec le développement de modèles animaux, ont permis aux chercheurs d’avoir une idée plus précise des mécanismes moléculaires qui permettent d’entendre et de communiquer. « Afin de comprendre le fonctionnement de la cochlée, l’élément qui reçoit les sons, explique Christine PetitChristine Petit
Directrice de l’unité 587 Inserm/Université Pierre-et-Marie-Curie, Institut Pasteur, Paris
, nous nous sommes intéressés aux surdités neurosensorielles, tout simplement parce qu’elles sont à plus de 95 % d’origine héréditaire. Dans les années 1990, nous connaissions déjà bien la physiologie et la mécanique de l’audition, mais nous n’avions aucune donnée moléculaire . » 
La cochlée est une sorte d’appareil « électroacoustique » qui traite le son de façon assez élaborée. Quelques milliers seulement de cellules sensorielles forment la touffe ciliaire, qui permet aux cellules de recevoir des sons. « Afin de mettre en évidence l’ensemble des molécules impliquées dans le développement et le fonctionnement de cet organe, poursuit la chercheuse, nous avons, dans un premier temps, recherché les gènes de surdité. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur des maladies rares monogéniques de surdité profonde, qui sont le plus souvent des atteintes autosomiquesMutation autosomique
portée par un chromosome non sexuel (autosome). Mutation récessive : ne s’exprimant lorsque les deux copies (allèles) du gène sont mutées.
récessives. Nous avons étudié de grandes familles consanguines vivant dans des isolats géographiques. Sur les 150 gènes estimés impliqués dans les surdités, l’analyse nous a permis d’en isoler plus de 50, dont 20 ont été découverts ici, dans ce laboratoire. »
Ensuite, les chercheurs ont pu s’intéresser aux processus pathogéniques et tenter de comprendre le rôle des molécules dont les gènes sont défectueux dans les différentes surdités observées. « Le syndrome d ’Usher nous a beaucoup aidés, ajoute Christine Petit. Cette maladie rare, constituée de plusieurs types cliniques en fonction de la sévérité de la surdité, associe surdité neurosensorielle et rétinopathie pigmentaireRétinopathie pigmentaire
Maladie dégénérative de la rétine pouvant conduire à la cécité dans les cas les plus graves.
. »
Et c’est le syndrome d’Usher de type 1 qui intéresse tout particulièrement notre chercheuse. Il implique 5 gènes, que l’on connaît bien maintenant, codant pour des molécules qui, en s’associant, forment un complexe moléculaire critique pour la cohésion précoce de la touffe ciliaire et pour la mécanotransduction. En effet, dans ce syndrome, les seules molécules qui permettent de convertir l’onde sonore mécanique en signal électrique pour informer le cerveau, fonction essentielle de la cochlée, sont défectueuses. Son étude a donc permis aux scientifiques d’aller directement au cœur du mécanisme de la cochlée et de sa touffe ciliaire.

Olivier Frégaville-Arcas

La cochlée
La cochlée, organe récepteur de l’audition.
© Auteur inconnu/Unité 229 Inserm/Inserm

Questions a Ségolène Aymé : Plans « Maladies rares », une continuité ?

Tant attendu par les malades, les familles et les chercheurs, le second plan « Maladies rares » vient d’être annoncé, le 28 février, par le ministre de la Recherche. L’heure est donc au bilan, mais aussi aux perspectives. Éclairage avec Ségolène Aymé, directrice de recherche à l’Inserm, fondatrice d’Orphanet et présidente du Comité d’experts « Maladies rares » de la Commission européenne.

Depuis plus de 30 ans, les maladies rares sont au coeur de sa vie. Dès le début de sa carrière; elle a été confrontée à l'impuissance d'un diagnostic faute d'information. Elle décide alors de constituer la première base bibliographique regroupant des données sur les maladies rares, Orphanet, née le 1° janvier 1997

Ségolène Aymé
Ségolène Aymé. Ségolène Aymé, médecin, généticienne et épidémiologiste, créatrice d’Orphanet.
© François Guénet/Inserm

Atlantic Bio GMP : La fabrique à thérapies géniques

Deux ans seulement après son ouverture, la structure nantaise de production de vecteurs de thérapie génique tient ses promesses. Un essai clinique devrait bientôt être lancé, évaluant l’efficacité d’un traitement innovant d’une maladie cécitante jusque-là incurable, l’amaurose congénitale de Leber.

Atlantic Bio GMP1
Atlantic Bio GMP. Plate-forme de production de médicaments de thérapie innovante, Atlantic BIO GMP, Nantes
© François Guénet/Inserm
Tout commence avec les travaux de Fabienne RollingFabienne Rolling
Unité mixte de recherche 649 Inserm/Université de Nantes, Institut de recherche thérapeutique, Nantes
, directrice de recherche Inserm dans le laboratoire dirigé par Philippe MoullierPhilippe Moullier
Unité mixte de recherche 649 Inserm/Université de Nantes, Institut de recherche thérapeutique, Nantes
. Comme le résume Sandy DoutheSandy Douthe
Responsable contrôle qualité à l’ABG et de la partie développement analytique à l’UMR 649
, responsable du contrôle qualité de l’Atlantic Bio GMP (ABG) : « En cinq ans, Fabienne Rolling a fait la preuve de concept de ses recherches sur le traitement de l’amaurose de LeberAmaurose congénitale de Leber
Maladie génétique rare, due à une mutation du gène RPE65, provoquant l’altération de la rétine et conduisant inéluctablement à une cécité complète.
en validant plusieurs critères : la possibilité de l’expression d’un transgène dans la rétine grâce à un vecteur appelé AAV4, la stabilité de cette expression, la non-toxicité du vecteur, sa répartition ciblée, l’absence d’effets nocifs sur la rétine et, enfin, l’efficacité chez l’animal. »
En l’occurrence le chien briard, naturellement sujet à cette maladie qui est, comme chez l’homme, due à une mutation du gène RPE65. C’est la récupération de la vue chez les chiens, un mois seulement après leur traitement, qui a déclenché la décision du passage en phase clinique : nous sommes en 2005.
L’objectif, alors, est de « développer un procédé de production du vecteur à plus grande échelle, afin de disposer de doses suffisantes pour mener des essais cliniques chez l’homme, explique Christophe DarmonChristophe Darmon
Responsable de la production de l’ABG et membre de l’équipe développement des procédés de production à l’UMR 649.
, responsable de production. L’ensemble devait aussi répondre aux exigences de la réglementation applicable aux médicaments stériles injectables, notamment en termes de pureté et de biosécurité.  » C’est chose faite en 2008 : des lots de médicaments sont produits afin de réaliser une étude de toxicologie pharmacologique, conformément à la réglementation, qui montre que les vecteurs produits n’ont aucun effet toxique après injection sous-rétinienne.
La fabrication des lots cliniques de médicaments est donc lancée en juin 2009, pour s’achever treize mois plus tard. « En tout, 60 doses de 0,5 ml ont été fabriquées, précise Frédéric DehautFrédéric Dehaut
Directeur et pharmacien responsable de l’ABG
, directeur et pharmacien responsable de l’ABG, la moitié d’entre elles étant utilisée pour les tests de contrôle qualité. »
L’essai clinique de phase I/II pourrait démarrer au début de l’été 2011, dès le feu vert de l’Afssaps. Les neuf malades candidats pris en charge au CHU de Nantes par les équipes de Michel Weber, chef du service d’ophtalmologie, bénéficieront d’une injection d’AAV4. « Les essais devraient durer deux ans, selon Sandy Douthe. Les patients seront répartis en trois groupes qui, chacun, recevront des doses croissantes de vecteur. Ils seront traités l’un après l’autre. À chaque fois, le nombre de cellules rétiniennes transduites augmentera. »Trois ans plus tard, « nous ferons une évaluation finale et, si ces essais sont concluants, ajoute Christophe Darmon, ils seront étendus à un plus grand nombre de patients  ». Enfin, la possibilité d’une thérapie génique pour une maladie rare comme l’amaurose congénitale de Leber ouvre des perspectives pour le traitement d’une affection bien plus commune, la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Les laboratoires de production d’ABG ne sont donc pas près de s’arrêter…

Yann Cornillier

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Atlantic Bio GMP. Production du vecteur AAV4 en salle blanche
© François Guénet/Inserm
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Atlantic Bio GMP. Filtration par chromatographie
© François Guénet/Inserm