Déficiences intellectuelles

2016


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Recommandations

Recommandation générale

Inscrire toute action dans le cadre des définitions internationales de la déficience intellectuelle (DI)

Selon l’AAIDD (2010) et le DSM-5 (2013), la déficience intellectuelle est définie par trois critères : des limitations significatives du fonctionnement intellectuel (critère 1) et du comportement adaptatif (critère 2), lesquelles se manifestent dans les capacités conceptuelles, sociales et pratiques et entraînent une incapacité de l’individu à répondre aux exigences socioculturelles d’indépendance personnelle et de responsabilités sociales déterminées en fonction de son âge. Ces limitations intellectuelles et adaptatives doivent se manifester pendant la période développementale (critère 3).
L’application de cette définition dans le cadre du diagnostic et de projets de soutien personnalisés repose sur cinq postulats fondamentaux :
1. Un diagnostic valide ne se limite pas à la mesure de l’efficience intellectuelle, il inclut toujours une évaluation du comportement adaptatif dans ses dimensions conceptuelles, sociales et pratiques.
2. Le diagnostic s’intègre dans une procédure d’évaluation multidimensionnelle du fonctionnement comprenant : les capacités intellectuelles, le comportement adaptatif, l’étiologie, la santé physique et mentale, le fonctionnement socio-émotionnel, la participation sociale et les facteurs contextuels (environnement et facteurs personnels).
3. Une évaluation valide du niveau de fonctionnement de la personne tient compte de la diversité culturelle et linguistique.
4. Chez une même personne, des forces coexistent souvent avec des limitations. Il ne suffit pas d’analyser les limites du fonctionnement. Il est nécessaire d’explorer les forces et les ressources de la personne dans chaque dimension évaluée du fonctionnement.
5. Toute évaluation se fait dans la perspective d’améliorer le fonctionnement et d’optimiser la qualité de vie de la personne. C’est à cette fin que le projet personnalisé est mis en place. Il comporte une partie qui détaille les objectifs et perspectives visés pour et avec la personne, une autre qui définit les stratégies utilisées et les ressources mobilisées pour apporter le soutien nécessaire.
Que ce soit dans les politiques publiques, les pratiques professionnelles et la recherche, toute action doit s’appuyer sur la définition internationale en y associant les cinq postulats fondamentaux (mentionnés ci-dessus).

Recommandations d’actions

I. Mieux repérer précocement un trouble neurodéveloppemental

Repérer précocement un trouble du neurodéveloppement est essentiel pour la mise en œuvre d’une intervention précoce pluridisciplinaire. Cependant, il est nécessaire de bien différencier un trouble du neurodéveloppement d’une simple variante du développement.
Le diagnostic d’un trouble du neurodéveloppement est un processus dynamique, nécessitant de repérer les enfants à risque ou ayant des signes de retard de développement, d’évaluer la trajectoire développementale de l’enfant et d’estimer l’effet d’une stimulation précoce pluridisciplinaire associant les parents.

1. Favoriser le repérage précoce d’un trouble neurodéveloppemental chez les enfants « tout-venant »

Le décalage dans le développement psychomoteur d’un enfant « tout-venant » sans facteur de risque familial, anté- ou périnatal est une situation clinique fréquente. Les parents, de même que les proches ou les professionnels de la petite enfance, sont souvent les premiers à repérer les signes d’un décalage du développement psychomoteur avant deux ans.
Les professionnels doivent prendre en considération les doutes et inquiétudes des parents et ne pas les banaliser. Ils doivent également sensibiliser les parents à un éventuel retard de développement constaté chez leur enfant et leur proposer de consulter des professionnels formés aux troubles neurodéveloppementaux.
Le groupe d’experts recommande de sensibiliser les professionnels de la petite enfance des champs sanitaire, social et éducatif (PMI, crèches, pédiatres, écoles maternelles, médecins généralistes, psychologues, orthophonistes…) aux signes d’alerte d’un trouble neurodéveloppemental. Pour les aider dans cette tâche, le groupe d’experts préconise de s’appuyer sur des questionnaires et/ou des échelles de développement précoce validés en France (par exemple l’échelle révisée de développement psychomoteur de la première enfance de Brunet-Lézine), mais également sur des questionnaires parentaux. Les experts attirent l’attention sur l’existence d’outils reposant sur une approche plus dynamique et intégrée facilitant le lien entre l’évaluation de l’enfant et l’intervention précoce (exemple : EIS, Évaluation, Intervention, Suivi).
Pour les enfants scolarisés, le groupe d’experts recommande également d’aider les enseignants au repérage des troubles des apprentissages, ceux-ci pouvant être l’expression d’une déficience intellectuelle légère ou modérée, ou d’autres troubles neurodéveloppementaux.

2. Renforcer le dépistage systématique d’un trouble neurodéveloppemental lors des examens obligatoires

Le carnet de santé qui doit être rempli et consulté par les professionnels de santé, est un outil d’alerte permettant le repérage de troubles du neurodéveloppement et l’orientation vers des professionnels compétents dans le domaine.
Le groupe d’experts recommande que les différents acteurs de santé (médecins généralistes, pédiatres, PMI, médecins scolaires) s’appuient sur les examens obligatoires du carnet de santé pour détecter d’éventuels troubles neurodéveloppementaux. Il recommande de soutenir et renforcer les missions de dépistage des PMI et de la médecine scolaire.
Le groupe d’experts recommande de poursuivre le suivi des populations à risque (anciens prématurés) au-delà des examens obligatoires, c’est-à-dire au-delà de 6 ans et de l’élargir à d’autres populations (SAF1 , anomalies prénatales…).

II. Développer une évaluation multidimensionnelle et individualisée pour un meilleur diagnostic et un accompagnement adapté

Dans le cadre du diagnostic de la DI, un examen des capacités adaptatives doit systématiquement accompagner un test du QI. Une évaluation de qualité doit se faire sur la base d’outils actualisés et scientifiquement validés afin d’éviter des diagnostics erronés ou incomplets pouvant conduire à une mauvaise orientation des personnes et, par conséquent, à un retard dans la mise en place de projets éducatifs adaptés.
Pour comprendre et évaluer le fonctionnement de la personne avec une DI, il est indispensable d’adopter une approche multidimensionnelle et de s’appuyer sur les modèles envisageant le handicap comme résultant d’une interaction entre la personne avec ses caractéristiques d’une part, et l’environnement d’autre part. Ces modèles comprennent les dimensions de la capacité intellectuelle, les capacités adaptatives, la santé physique et mentale, l’étiologie, le contexte personnel et environnemental, la participation sociale.
Dans la perspective d’améliorer le fonctionnement et la qualité de vie de la personne, une telle évaluation permet d’identifier les besoins de soutien de la personne elle-même et de son environnement proche comme point de départ d’un projet de vie.
Par ailleurs, identifier et évaluer les besoins de soutien de la personne supposent une analyse fine du profil de ses compétences et des limites qu’elle rencontre. De même, l’apport actuel des travaux relatifs à certains syndromes génétiques nécessite de prendre en compte leurs spécificités.
Le groupe d’experts recommande de développer une approche diagnostique multidimensionnelle, intégrant outre le bilan clinique somatique, l’étiologie, les dimensions du développement, du comportement adaptatif, et des fonctionnements neuropsychologique, langagier et moteur.
Le groupe d’experts recommande, pour l’évaluation du fonctionnement et des besoins de soutien, de s’appuyer sur les modèles interactionnels du handicap comme ceux de l’AAIDD, de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) ou du Processus de production du handicap (PPH) (P. Fougeyrollas).

1. Améliorer l’évaluation des capacités intellectuelles

L’usage de tests standardisés dans le respect des conditions de leur utilisation offre des garanties de validité et de fiabilité à l’évaluation clinique de l’intelligence. En l’occurrence, il est indispensable qu’un diagnostic de déficience intellectuelle soit posé par un professionnel qualifié (psychologue) avec un examen psychométrique détaillé des capacités cognitives de la personne. Rappelons que l’usage du QI doit respecter trois règles :
• le QI doit toujours être accompagné d’une indication concernant l’intervalle de confiance, laquelle donne une estimation de l’erreur de mesure ;
• il doit toujours être accompagné d’informations sur les conditions de déroulement de la passation et les caractéristiques de la personne (fatigabilité, problèmes/particularités linguistiques, difficultés motrices, etc.) ;
• il doit toujours être accompagné d’une interprétation qui intègre la valeur obtenue dans l’ensemble des éléments cliniques collectés à propos de la personne.
Au-delà de leur fonction diagnostique, les tests d’intelligence permettent une analyse du fonctionnement cognitif grâce aux profils psychométriques. Cette analyse est une première étape pour l’identification des forces et des faiblesses cognitives de la personne et constitue un élément susceptible de guider l’élaboration des projets individualisés de soutien.
L’évaluation du niveau intellectuel des personnes qui présentent une déficience intellectuelle peut poser des problèmes. Le score du QI peut varier d’un instrument de mesure à l’autre. L’hétérogénéité des indices empêche souvent un calcul du QI total. On relève assez souvent des effets « planchers »2 dans les notes standards. La plupart des tests sont peu adaptés à l’évaluation de formes sévères de déficience intellectuelle.
Les experts recommandent d’utiliser les versions les plus récentes des outils d’évaluation des capacités intellectuelles. Ces derniers doivent être étalonnés et avoir des qualités métrologiques dûment validées. Le recours aux anciens tests (Terman-Merill, WISC-R, etc.) est à proscrire en raison du risque de surestimation des capacités intellectuelles de la personne, lequel accroît le risque de faux négatifs. Les experts soulignent la nécessité de rédiger un compte-rendu détaillé de l’ensemble des résultats des épreuves.
Les versions complètes des tests sont à préférer aux versions abrégées, car celles-ci ne sont pas suffisamment précises et, par conséquent, sources d’erreur diagnostique. Le choix des épreuves doit être adapté à l’âge chronologique et au niveau de fonctionnement de la personne, ainsi qu’à ses difficultés spécifiques (sensorielles, motrices, etc.).

2. Compléter systématiquement l’évaluation des capacités intellectuelles par une évaluation des comportements adaptatifs à l’aide d’outils validés

Les échelles d’évaluation du comportement adaptatif apportent des informations très utiles pour orienter les accompagnements éducatifs. En complément, il est possible d’utiliser des échelles spécialisées destinées à évaluer l’intensité des soutiens nécessaires à la personne en fonction de différents domaines (par exemple, l’échelle SIS, Support Intensity Scale ou SIS-F, Échelle d’intensité de soutien). Ces évaluations se font dans la perspective d’améliorer le fonctionnement et d’optimiser la qualité de vie. Elles débouchent sur l’élaboration de projets personnalisés de soutien.
Les experts recommandent que des évaluations des capacités adaptatives et des besoins de soutien soient systématiquement réalisées chez chaque personne avec DI, y compris celles présentant un syndrome identifié comme par exemple la trisomie 21.
Ils recommandent vivement d’utiliser dès à présent la Vineland II, la seule échelle récemment validée sur la population française et actuellement disponible.

3. Évaluer les compétences socio-émotionnelles

Les compétences socio-émotionnelles interviennent non seulement dans les apprentissages mais aussi dans les interactions sociales et dans l’adéquation du comportement de la personne tout au long de la vie. Les troubles du comportement socio-émotionnel ont un impact négatif important sur l’adaptation sociale et causent beaucoup de stress chez les aidants proches.
Le groupe d’experts recommande de prendre en considération les compétences émotionnelles et sociales :
• en se basant sur un modèle heuristique intégré des compétences sociales à trois niveaux de complexité : (1) la cognition sociale comprenant le traitement de l’information sociale et la compréhension des états mentaux ; (2) les interactions sociales et la régulation socio-émotionnelle en divers contextes et (3) la qualité des relations sociales avec les pairs et les adultes et la perception de ces derniers ;
• en évaluant et intervenant sur les facteurs de protection environnementaux propices à soutenir ces capacités et à limiter ces difficultés chez l’enfant et l’adolescent avec DI : en l’occurrence les réactions, les conversations et l’expression à propos des émotions, des états mentaux, des événements sociaux critiques, en famille et dans les milieux éducatifs (école ou autres).

4. Évaluer les capacités cognitives et langagières

La déficience intellectuelle a des répercussions majeures sur la communication et les différentes composantes du langage oral (phonologique, lexicale, morphosyntaxique et pragmatique) ainsi que sur les apprentissages scolaires, en particulier la maîtrise de la numératie et de la littéracie, et par là même, sur le devenir et la qualité de vie des personnes avec DI.
Le groupe d’experts préconise que chaque enfant bénéficie d’une évaluation complète de son fonctionnement cognitif (raisonnement, mémoire, praxies, fonctionnement visuo-perceptif) et d’un bilan de langage détaillé afin d’identifier ses compétences et ses difficultés.
Pour les enfants d’âge scolaire, le groupe d’experts recommande une évaluation des compétences acquises ou émergentes, centrée sur l’accès à la lecture et au calcul. Ces évaluations cognitives et scolaires, exprimées sous la forme de profils de forces et de faiblesses, serviront de base à l’élaboration du projet personnalisé de scolarisation (PPS) et/ou du Projet Individualisé d’Accompagnement (PIA). Ce bilan et ses mises à jour périodiques devraient être inclus systématiquement dans son dossier, au même titre que celui relatif aux conduites adaptatives.
Concernant les données du dossier du patient (diagnostic médical, bilans de langage, psychométrique, etc.), le groupe d’experts recommande de faciliter le partage de toute information qui pourrait être jugée utile pour éclairer les professionnels impliqués dans l’accompagnement de la personne avec DI, dans le respect du secret professionnel. Cet objectif requiert une réflexion nationale, déclinée au niveau des territoires, concernant les systèmes d’information, la définition des droits d’accès en accord avec le patient et son représentant légal. Le groupe d’experts recommande l’implication des associations de patients et de familles dans cette réflexion, en particulier pour rendre l’information accessible à tous. Elle pourrait être rédigée en Français Facile à Lire et à Comprendre (FALC).

5. Améliorer le diagnostic des troubles psychopathologiques

La fréquence de certains troubles psychopathologiques est plus élevée (de l’ordre de 4 à 10 fois plus) chez les personnes avec DI qu’en population générale. Par ailleurs, certains troubles tels que les TDAH, les troubles de l’humeur, ou encore les troubles du spectre autistique seraient insuffisamment repérés en raison de la non disponibilité d’outils ad hoc et d’une recherche diagnostique insuffisante. La présence de ces troubles constitue un sur-handicap qui peut entraver la participation sociale, le développement personnel et les apprentissages. Aussi des soins adaptés par des professionnels spécialistes de ce domaine sont requis.
Pour améliorer l’identification des troubles psychopathologiques associés à la DI, le groupe d’experts recommande :
• d’harmoniser les pratiques diagnostiques des troubles psychiatriques en France, sur la base des modifications apportées aux systèmes de classifications dans les pays anglo-saxons (Diagnostic Criteria for Psychiatric Disorders for Use With Adults With Learning Disabilities/mental Retardation, DC-LD et Diagnostic Manual-Intellectual Disability, DM-ID) et, ce faisant, d’anticiper l’évolution de ces modifications avec l’introduction récente du DSM-5 (donnant lieu au DM-ID 2), ainsi que la parution imminente de la CIM-11. Le DC-LD a pour avantage de différencier les comportements-défis des troubles psychiatriques ;
• d’élaborer des guides de bonnes pratiques de prise en charge des différents troubles psychopathologiques associés à la DI.

6. Promouvoir une approche multidimensionnelle des comportements-défis3

Il est nécessaire de différencier et de ne pas assimiler un comportement-défi (qui résulte d’une interaction individu/environnement) à des troubles psychiatriques.
Le groupe d’experts rappelle que :
• les douleurs liées aux pathologies somatiques peuvent s’exprimer sous forme de comportements-défis (agressivité, automutilation). Inversement, les comportements-défis peuvent provoquer des lésions physiques ;
• des facteurs environnementaux et éducatifs et notamment l’absence de moyens de communication contribuent souvent aux troubles du comportement et doivent être pris en compte.
C’est pourquoi, les comportements-défis nécessitent une approche multidimensionnelle. Au vu des expériences pilotes existantes en France et à l’étranger, le groupe d’experts recommande la création d’unités pluridisciplinaires d’évaluation et de traitement des situations de crise ou de « comportement-défi », en étroite collaboration avec le secteur médico-social et les familles, reliées par des équipes mobiles de prévention et d’évaluation des situations de crises. Les modalités pratiques de mise en place de telles équipes et les acteurs concernés dépassent le cadre de cette expertise et doivent être étudiées au niveau des territoires en fonction des ressources existantes.

7. Permettre l’accès au diagnostic étiologique génétique

En génétique, l’apparition des techniques de séquençage haut débit est en train de révolutionner les pratiques du diagnostic étiologique, et donne paradoxalement une part essentielle à la clinique. Ces techniques vont certainement évoluer avec une meilleure couverture et une baisse des coûts, et il est probable que l’approche actuelle récente utilisant les panels de gènes connus ne soit qu’une étape intermédiaire avant la généralisation du WES4 , puis du WGS5 . Néanmoins, malgré l’apport de ces nouvelles technologies, la démarche diagnostique n’est pas toujours aisée et encore très dépendante des possibilités locales.
Le groupe d’experts recommande que les principes généraux suivants soient appliqués :
• tout patient présentant un retard de développement ou une déficience intellectuelle doit bénéficier d’une évaluation médicale visant à établir un diagnostic étiologique de certitude, quelle que soit la gravité du retard de développement ou de la DI ;
• même avec l’avènement des techniques de NGS6 , il reste fondamental d’adopter une démarche systématisée qui doit toujours débuter par la phase clinique, comportant un certain nombre d’étapes (arbre généalogique sur 3 générations, histoire personnelle du patient depuis la conception, examen clinique en insistant sur l’examen morphologique et sur l’examen neurologique). L’étape clinique peut permettre de poser d’emblée une hypothèse diagnostique ;
• dans un grand nombre de cas, des « regards croisés » associant neuro-pédiatre, généticien clinicien, et parfois pédo-psychiatre sont requis ;
• les modalités de l’évaluation peuvent être variables selon l’organisation locale (accès facile ou non à une consultation de génétique clinique et/ou de neuropédiatrie). Le médecin traitant (ou le pédiatre) doit être un interlocuteur privilégié, capable d’orienter les familles vers les consultations spécialisées. Pour cela, une meilleure visibilité des ressources médicales disponibles sur chaque territoire est nécessaire ;
• lorsque l’étape clinique ne permet pas de poser un diagnostic, les examens génétiques préconisés de première intention sont la recherche d’X fragile par biologie moléculaire (quel que soit le sexe), et l’analyse chromosomique par puce à ADN (ACPA) ;
• une IRM cérébrale de première intention est recommandée devant les situations suivantes : retard moteur important, signes neurologiques à l’examen, épilepsie, anomalie du périmètre crânien (microcéphalie ou macrocéphalie) ;
• l’orientation peut se faire ensuite vers le NGS. La littérature ne tranche pas pour recommander l’une ou l’autre approche de NGS (exome versus panel de gènes ciblés). L’approche du diagnostic par NGS pose des problèmes éthiques qui doivent être compris par les prescripteurs, et dont les enjeux doivent être expliqués en consultation aux patients concernés (ou personnes les représentant). Le groupe d’experts rappelle que la prescription des examens par NGS ne peut se faire que par un généticien clinicien, ou en lien très étroit avec celui-ci. Les règles habituelles de prescription et de rendu des examens génétiques s’appliquent, selon la loi française en vigueur ;
• les techniques de séquençage haut débit en diagnostic nécessitent une très étroite collaboration clinico-biologique, indispensable pour déterminer et valider le variant pathogène parmi les nombreux variants identifiés. Le groupe d’experts recommande d’officialiser la mise en place et le financement (temps médical, visioconférences…) de Réunions de Concertation Pluridisciplinaires (RCP), à l’instar de celles mises en œuvre dans d’autres domaines comme celui de la cancérologie ;
• en l’absence de diagnostic étiologique (actuellement dans environ 50 % des cas après le bilan diagnostique), le groupe d’experts recommande un accompagnement et un suivi médical ainsi qu’une réévaluation diagnostique à intervalles réguliers afin de ne pas pénaliser les patients pour lesquels il n’y a pas encore de diagnostic étiologique ;
• si une cause génétique est identifiée, le groupe d’experts recommande une orientation vers une consultation de génétique, et dans le cas de maladie héréditaire, de veiller, selon la loi, à la transmission de l’information au sein de la famille.

III. Développer les capacités de la personne présentant une DI tout au long de sa vie

Rappelons que la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies se centre sur les droits des personnes à l’autodétermination dans tous les domaines de la vie sociale. L’accent est également mis sur les enjeux liés à l’amélioration de la qualité de vie des personnes et à celle de leur réseau personnel et professionnel.

1. Favoriser le développement de la communication et du langage

Une intervention précoce centrée sur la communication est primordiale sans attendre que l’enfant parle ou soit en « âge » d’apprendre à parler. À cet égard, le groupe d’experts recommande de favoriser la communication et l’acquisition du langage par des interventions précoces centrées sur l’acquisition de codes de communication verbaux et/ou non verbaux. Un travail visant à améliorer l’intelligibilité des productions verbales est également indispensable. En effet, les difficultés phono-articulatoires qui peuvent avoir un effet délétère sur le processus de communication, doivent faire l’objet d’une attention toute particulière.
Il s’agit, dans un premier temps, de mettre en place des modes de communication basés sur des vocalisations, des gestes ou l’utilisation de pictogrammes élémentaires. L’acquisition de ces conduites de communication prélinguistiques facilitera les interventions ultérieures visant à favoriser l’expression verbale. Pour les enfants présentant des troubles graves de l’expression et/ou de la compréhension verbale, le recours permanent à des modes de communication alternatifs devra être envisagé. À cet égard, les dispositifs électroniques high-tech (téléthèses) avec générateur de parole constituent une solution prometteuse, sans qu’il faille, bien entendu, exclure le recours au PECS7 , à la langue des signes ou à des approches mixtes comme le Makaton8 .
En complément, il importe de former les professionnels (orthophonistes, personnels éducatifs) aux interventions centrées sur la communication préverbale, verbale et les codes de communication alternatifs. Il s’agit également de parfaire leurs connaissances quant au développement du langage des enfants présentant une DI. Des mesures incitatives, comme la bonification des actes professionnels, doivent être envisagées pour amener ces professionnels à travailler davantage avec ces enfants, en particulier les plus jeunes d’entre eux ou les plus en difficulté sur le plan intellectuel.
Les orthophonistes assurent un rôle central en matière d’intervention langagière. Néanmoins, au-delà des séances individuelles conduites directement auprès des enfants, leur rôle devrait être élargi auprès des équipes éducatives et des parents dans un but de soutien et de conseil pour la mise en place d’activités éducatives visant l’acquisition du langage et de guidance parentale. Par ailleurs, la formation des personnels éducatifs (professeurs des écoles, éducateurs spécialisés, éducateurs de jeunes enfants, enseignants spécialisés, etc.) devrait être renforcée dans le domaine du développement du langage et de son éducation. Cette combinaison des approches (orthophonique et éducative) permettrait d’assurer à l’enfant un accompagnement optimal. Les projets éducatifs individualisés devraient comporter obligatoirement un volet « langage et communication ».
À l’instar des pratiques recommandées pour les troubles spécifiques des apprentissages, le langage et les praxies des enfants avec DI doivent être évalués et rééduqués de la même manière que chez les enfants atteints de troubles cognitifs spécifiques sans DI. En aucun cas, la déficience intellectuelle ne doit être un argument justifiant une absence de rééducation spécifique (en particulier en orthophonie, psychomotricité, orthoptie, ergothérapie). Des réseaux coordonnés de professionnels (libéraux et institutionnels) doivent être encouragés sur le modèle de ceux mis en place pour les enfants « dys ».

2. Favoriser l’acquisition de la numératie et de la littéracie

Les compétences en numératie et en littéracie sont essentielles à l’autonomie dans la vie quotidienne (compter, comparer des prix, lire une facture ou un ticket de caisse, relever les indications sur un thermomètre, etc.). Les difficultés en numératie et en littéracie rencontrées par les personnes avec une DI peuvent résulter de perturbations dans les processus cognitifs généraux comme par exemple, la mémoire de travail ou les fonctions exécutives. Elles peuvent aussi être liées à des troubles spécifiques des processus numériques (subitizing9 , estimation, processus de représentation symbolique) ou des mécanismes plus précisément impliqués dans la lecture ou la manipulation de l’écrit. Les difficultés peuvent aussi relever d’un manque d’opportunités d’apprentissage. Le plus souvent, elles résultent de l’interaction entre ces différents facteurs. Le groupe d’experts recommande une évaluation approfondie et un enseignement adapté pour favoriser la maîtrise de la numératie et de la littéracie et ainsi améliorer l’autonomie des personnes avec DI.
La numératie, comme la littéracie, doivent devenir une des priorités des apprentissages à l’école et dans la formation ultérieure. Le groupe d’experts recommande la mise en place de plans d’action prioritaires de l’enseignement de la numératie et de la littéracie fonctionnelles pour transmettre les savoirs et les connaissances en lecture, écriture et mathématiques dans une perspective appliquée. Il s’agit notamment de créer les conditions permettant d’exercer et de renforcer les bases conceptuelles sous-tendant la compréhension de l’écrit et du nombre, de renforcer l’automaticité, et d’adapter la tâche et le format des données aux caractéristiques de l’apprenant, d’utiliser les nouvelles technologies lorsque cela s’avère opportun.

3. Favoriser le développement de l’autodétermination

Les concepts « d’autodétermination » et « de qualité de vie » doivent être considérés, à la fois comme processus et comme résultats. À ce propos, le groupe d’experts recommande que les programmes d’apprentissages intègrent les composantes transversales qui y sont liées telles que le développement des capacités d’autorégulation et d’empowerment dès la formation initiale et tout au long du développement des personnes, y compris lors de l’avancée en âge. Il s’agit aussi de favoriser la maîtrise des compétences socio-émotionnelles nécessaires à la personne avec DI pour gérer au mieux ses interactions sociales. Des outils méthodologiques (version papier ou logiciel) tels que « C’est la vie de qui, après tout », « Je prépare mon projet de vie » élaborés au sein de projets multidisciplinaires et internationaux sont déjà utilisés en France mais de manière trop confidentielle.

4. Poursuivre le développement des compétences tout au long de la vie

Le groupe d’experts recommande de mettre en place un parcours éducatif personnalisé sur la base des ressources propres de la personne et de son environnement, intégrant des programmes d’apprentissages ambitieux et individualisés pour tous (quelle que soit la sévérité de la déficience), fondés sur des méthodes pédagogiques ajustées aux profils cognitifs. Cela suppose de faire le lien entre l’évaluation cognitive et l’action pédagogique, d’adapter des outils de communication qui pourront être utilisés dans tous les lieux de vie de l’enfant, et de considérer les technologies de l’information et de la communication comme des facilitateurs lors des apprentissages.
Le groupe d’experts recommande l’investissement dans une formation au long cours, c’est-à-dire jusqu’à l’âge adulte, voire tout au long de la vie car les compétences langagières et autres habiletés (en numératie, littéracie…) peuvent être soutenues à tout âge. Les apprentissages doivent porter non seulement sur le développement des capacités cognitives mais aussi sur toutes les aptitudes participant à la qualité de vie : vie sociale, autodétermination, exercice de ses droits.
L’impact et l’efficience de ces programmes et des diverses interventions proposées doivent être évalués.

IV. Accompagner le parcours de vie de la personne de la petite enfance à l’âge adulte

Au cœur du processus d’accompagnement se trouve le plan personnel de soutien. Ce plan sera rédigé en collaboration avec la personne, ses proches, et ses sources de soutien professionnels et non professionnels.
Une approche en termes de parcours de vie envisage la vie de l’individu comme une succession de phases et de transitions et prend en considération les interdépendances entre le sujet et le milieu. Si cette approche n’est pas propre aux personnes en situation de handicap, force est de reconnaître que dans cette situation, les liens d’interdépendance ne sont pas égalitaires : selon les opportunités d’apprentissage et les perceptions de l’entourage de la personne sur ses (in)capacités, celle-ci accédera ou non à une possibilité de s’autoréguler. Le soutien à la personne sera alors défini comme plus ou moins nécessaire et des ressources humaines et/ou matérielles seront alors réclamées en fonction de cette perception du « besoin ».
La notion de parcours de vie s’est révélée très pertinente pour aborder la déficience intellectuelle dans le cadre d’un modèle social. Cette approche permet de considérer des parcours singuliers, de révéler les obstacles, mais aussi les stratégies mises en place par les protagonistes pour les surmonter.
À un niveau plus macro, cette approche aide à comprendre comment un système social organise les transitions de manière institutionnelle ou structurelle.
Les caractéristiques de la personne et de son environnement changent au cours du temps. Aussi, il est très important de ne pas figer la personne dans son diagnostic et d’adapter les soutiens à ses besoins en fonction de son évolution, y compris avec l’avancée en âge.
Un des intérêts majeurs d’une évaluation multidimensionnelle adaptée aux périodes clés du développement de la personne, est de construire un projet de vie répondant à ses besoins en identifiant les soutiens nécessaires tout en favorisant son évolution et son intégration.
Les experts recommandent d’évaluer les capacités adaptatives (conceptuelles, pratiques et sociales) de la personne en fonction des modifications de son environnement, d’identifier les ressources familiales, les facilitateurs et obstacles de l’environnement tout au long de la vie, mais particulièrement lors des périodes charnières et de transition (entrée à l’école primaire, au collège, transition adolescent-adulte et avec l’avancée en âge).

1. Promouvoir le droit à l’intervention et à l’éducation précoces ainsi qu’à l’accès aux services communs de la petite enfance accessibles à tous les nourrissons et jeunes enfants repérés à risque de trouble du neurodéveloppement

L’intervention précoce est définie comme un ensemble d’actions pluridisciplinaires destinées à des enfants âgés de 0 à 6 ans présentant des signes ou des risques de déficiences, en alliance avec les parents.
De nombreux travaux menés aux États-Unis indiquent que des enfants « désavantagés » socialement ou avec retards de développement, dont des enfants avec DI, ayant bénéficié d’interventions précoces, font preuve d’un meilleur développement. Néanmoins, certaines conditions sont à respecter : ces actions doivent être structurées en réseau (c’est-à-dire impliquer des collaborations interprofessionnelles) ; être centrées sur le développement de compétences de l’enfant (et non uniquement sur les déficits constatés) ; et s’inscrire dans la continuité, c’est-à-dire au-delà de la petite enfance. Ces interventions sont d’autant plus efficaces qu’elles impliquent la participation directe et la valorisation des parents.
Le groupe d’experts recommande :
• pour permettre la mise en œuvre sans délai d’une intervention précoce par des professionnels formés, la mise à disposition d’un annuaire des ressources disponibles au niveau de chaque territoire en lien avec les MDPH, et de faciliter l’accessibilité géographique mais aussi financière à ces ressources (CAMSP, CMP, CMPP10 , professionnels libéraux, kinésithérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, psychologues, neuropsychologues, ergothérapeutes, orthoptistes…) ;
• de renforcer toutes les mesures nécessaires à ces interventions précoces en favorisant non seulement le développement de centres spécialisés (notamment les CAMSP, et les CMP, CMPP), mais également les réseaux mettant en synergie les différents professionnels concernés. L’objectif est que tout enfant présentant des difficultés liées à son développement puisse être accueilli dans un service d’intervention précoce, sans nécessairement attendre un diagnostic médical. L’offre devrait être souple, diversifiée et non stigmatisante pour l’enfant et les parents qui y ont recours ;
• de développer des actions visant à faciliter l’accès et la participation des enfants avec DI aux diverses institutions et activités ordinaires de la petite enfance, y compris les centres de loisirs. Il s’agit de développer une politique d’accueil mais aussi d’offrir un environnement éducatif de qualité destiné à tous sans exclusion. Des mesures incitatives pourraient être mises en place, impliquant le soutien aux professionnels, les compléments de formation et des collaborations interinstitutionnelles ;
• d’adopter les standards de qualité définis au niveau international mettant en avant la nécessité d’une approche centrée sur la famille et non sur l’enfant pris isolément de son contexte naturel, de favoriser un partenariat parents-professionnels, seul garant d’une qualité du travail permettant à l’enfant de progresser de manière significative dans son développement, de promouvoir à tout moment une approche en transdisciplinarité intégrant les interventions de professionnels appartenant à diverses disciplines dans un même service ou dans des services indépendants les uns des autres. Il s’agit aussi d’adopter une approche fonctionnelle telle que le propose par exemple la CIF.

2. Définir systématiquement des « projets personnalisés de scolarisation » dans une logique de parcours de formation

La loi du 11 février 2005, au nom d’une logique de parcours, a énoncé la priorité à la scolarisation en milieu ordinaire (par une inscription obligatoire dans un « établissement de référence »), se plaçant dans la perspective internationale de l’éducation inclusive. Cette loi permet également une scolarisation dite « adaptée », hors du milieu ordinaire, par exemple en milieu médico-éducatif, selon les « besoins » des enfants concernés, évalués par une équipe pluridisciplinaire.
Il en résulte un fonctionnement actuel des institutions françaises encore marqué par l’histoire de ces deux alternatives avec certes une progression de l’accueil en milieu ordinaire mais aussi une stabilité des effectifs en milieu médico-éducatif. Le maintien de l’offre d’accueil en ESMS (établissements et services médico-sociaux) reste essentiel pour les enfants et adolescents les plus vulnérables, ayant des besoins de soutien importants. En effet, environ 75 % de la population des Instituts médico-éducatifs relèvent de la DI modérée, sévère ou profonde.
Selon la loi de 2005, le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) définit les modalités de déroulement de la scolarisation, mais aussi, celles des diverses actions qui l’accompagnent en termes pédagogiques, psychologiques, éducatifs, sociaux, médicaux et paramédicaux. De plus, le PPS doit s’articuler au Projet Individualisé d’Accompagnement (PIA) conçu et mis en œuvre dans un établissement ou service médico-social.
Le groupe d’experts insiste sur l’importance de définir systématiquement et d’appliquer des « Projets Personnalisés de Scolarisation » reposant sur l’évaluation des besoins de soutien de chaque enfant ou adolescent avec DI, dans une logique de parcours de formation, ce qui implique d’être attentif au devenir de la personne.
Mieux répondre aux besoins des enfants et adolescents avec DI nécessite de mettre en place des coopérations et collaborations entre les services et les institutions (sanitaires, scolaires et médico-sociales) et entre les divers professionnels, d’identifier ce qui entrave les apprentissages et de prévenir les ruptures de parcours aux différents niveaux du système scolaire.
Dans cette orientation, devraient être encouragées toutes les initiatives favorisant les scolarités partagées et les transitions entre le milieu spécialisé et le milieu scolaire ordinaire. Les « unités d’enseignement » implantées dans les établissements scolaires ordinaires (et non plus dans le médico-social) peuvent offrir des occasions effectives de collaborations entre ces milieux au bénéfice des enfants avec DI.
Dans la perspective de l’accès au milieu scolaire ordinaire, le groupe d’experts préconise de valoriser les expériences innovantes de scolarisation et d’éducation d’enfants avec DI dont l’efficacité devra être évaluée.
En vue de l’adaptation aux besoins spécifiques de chaque enfant, le groupe d’experts recommande une réflexion approfondie sur les qualifications requises des aidants (ex-AVS, actuels AESH11 ), leur statut, les modalités pratiques de leur recrutement (actuellement dans le cadre du Contrat Unique d’Insertion) et de leur formation continue (référentiel théorique et pratique, délai entre la prise de fonction auprès de l’élève et la date des premières séances de formation).

3. Accompagner l’accès à l’emploi et à la vie sociale

La problématique de l’insertion professionnelle et sociale, et celle de l’ouverture du milieu de travail, sont similaires à celle de l’éducation inclusive. La perspective de plus en plus préconisée est celle de lieux d’accueil professionnels plus inclusifs, particulièrement pour les personnes avec DI. En France, comme dans de nombreux pays, les lieux de travail pour les personnes avec DI sont actuellement très divers, allant du plus ordinaire au plus spécialisé : entreprises ordinaires avec éventuellement un accompagnement des personnes, entreprises adaptées ou EA, établissements et services d’aide par le travail ou Esat.
Une meilleure participation des personnes avec DI dans le monde du travail nécessite une reconnaissance de leurs compétences et de leur vulnérabilité, afin de favoriser leurs relations avec le marché de l’emploi.
Pour favoriser la reconnaissance des compétences des personnes avec DI et leur insertion dans le monde du travail, le groupe d’experts recommande :
• une évaluation des compétences des personnes avec DI, reconnue par la délivrance d’attestations ;
• des actions de sensibilisation des milieux ordinaires et les aides techniques mais aussi psychosociales nécessaires ;
• la valorisation et la diffusion des expériences qui établissent des passerelles entre les établissements spécialisés et l’emploi en milieu ordinaire, en insistant sur les « bonnes pratiques » en matière d’accompagnement des personnes avec DI, de leurs proches et des milieux de travail eux-mêmes.

4. Faciliter les transitions dans le parcours de vie

La notion de « transition » repose sur le constat de ruptures ou de discontinuités dans le parcours de vie (en fonction des âges) des personnes avec déficience intellectuelle. Des ruptures et des difficultés sont souvent constatées pour passer d’une vie d’élève (en établissement scolaire ou en établissement médico-social) à une vie impliquant d’autres relations sociales, par exemple en milieu de travail.
Les phases de transition sont des moments clefs pouvant ou non permettre la poursuite du processus d’individuation par lequel l’individu se construit dans un mouvement à la fois de socialisation (intériorisation des normes sociales) et de subjectivation (constitution comme sujet autonome capable de faire ses propres choix).
L’absence de considération de la personne avec DI et de ses motivations est une des causes identifiées de ces difficultés. Ces situations peuvent être évitées en positionnant la personne comme acteur de son projet de vie et en favorisant son autodétermination. C’est un postulat à intégrer dans l’accompagnement des personnes.
Le groupe d’experts recommande de développer systématiquement un accompagnement lors des périodes de transition, au-delà du système scolaire, impliquant les établissements en amont (établissements scolaires et médicosociaux) et favorisant les synergies entre les différents acteurs. Cet accompagnement devra permettre aux jeunes adultes de nouvelles identifications dans les milieux de travail, préparées dès leur formation en milieu scolaire ou médico-social. Cet accompagnement doit également soutenir les familles dans leurs propres transitions.
Le groupe d’experts attire l’attention sur les expériences innovantes qui dépassent les cloisonnements administratifs et juridiques (barrière de l’âge de 20 ans) et développent des actions d’accompagnement de l’ensemble des acteurs (jeunes, familles, éducateurs, entreprises, etc.). Si de telles expériences se révèlent positives et efficaces, elles devraient être valorisées et diffusées.

V. Améliorer l’accès aux soins et le diagnostic des pathologies somatiques

Certains problèmes de santé courants (soins bucco-dentaires, troubles sensoriels, obésité) et certaines pathologies chroniques (épilepsie, troubles du sommeil, certains cancers) sont plus fréquents, moins bien dépistés et soignés chez les personnes avec DI qu’en population générale. Aussi, les personnes les plus vulnérables, dont celles présentant un polyhandicap, cumulent les facteurs de risque médicaux avec des pathologies souvent intriquées. Par ailleurs, de nouvelles situations complexes apparaissent avec l’augmentation de l’espérance de vie et le vieillissement.
Depuis la loi du 11 février 2005, plusieurs rapports, que ce soit au niveau national ou mondial12 , soulignent le caractère discriminatoire des inégalités d’accès aux soins des personnes avec DI. La difficulté d’accès aux services de soins primaires provoque un excès d’hospitalisations en urgence et une augmentation de la durée d’hospitalisation des personnes avec DI par rapport à la population générale.
Aussi, le groupe d’experts recommande :
• un dépistage et un suivi régulier des pathologies les plus fréquentes ;
• un accès facilité aux soins et à des équipes spécialisées ;
• des mesures de prévention adaptées aux spécificités de la DI.

1. Dépister et assurer un suivi régulier des pathologies souvent associées à la DI

Ces dépistages et suivis devraient concerner les problèmes de santé courants comme :
• les soins bucco-dentaires avec la poursuite de la mise en œuvre sur chaque territoire de soins bucco-dentaires adaptés selon les propositions de la HAS en 200813  ;
• les troubles de la vision et de l’audition avec un dépistage précoce et régulier. En cas de perte auditive, même légère, un appareillage devra être envisagé pour éviter que les difficultés phono-articulatoires ne perturbent l’acquisition du langage ;
• le surpoids et l’obésité avec un repérage précoce du surpoids. Les professionnels des ESMS doivent être formés sur la régulation du comportement alimentaire et des programmes de prévention doivent être proposés. Les recommandations concernant l’alimentation des personnes atteintes de polyhandicap doivent être diffusées aux professionnels et aux familles (s’appuyant sur des expériences telles Réseau Lucioles, Groupe Polyhandicap France, etc.) ;
• les troubles du sommeil qui ont un impact majeur sur le développement de la personne et la qualité de vie des proches. Il s’agit d’encourager la formation des professionnels au repérage des troubles du sommeil (questionnaires spécifiques, calendriers de sommeil) ainsi que la création de consultations multidisciplinaires spécialisées sur le sommeil des enfants et adultes avec DI, permettant une évaluation précise des causes (troubles psychoaffectifs, apnées du sommeil, crises épileptiques, médicaments, perturbation de la structure du sommeil) et faciliter l’accès à une polysomnographie (pour rechercher et traiter un syndrome d’apnées du sommeil) ;
• l’épilepsie avec une consultation spécialisée auprès d’un neuropédiatre ou d’un neurologue pour le diagnostic et le suivi du traitement. Pour les cas les plus complexes et pharmacorésistants, l’intervention d’équipes pluridisciplinaires comportant des unités d’hospitalisation d’épileptologie (avec EEG vidéo longue durée) couplées à une expertise en psychopathologie doit permettre une analyse multidimensionnelle de l’épilepsie et de ses conséquences psychologiques pour le patient et ses aidants proches.
Il existe peu de recommandations concernant le suivi au cours de l’avancée en âge des personnes avec DI, alors que par exemple, le vieillissement des personnes porteuses de trisomie 21 présente des spécificités connues. Le groupe d’experts préconise une diffusion plus large des guides de suivi clinique des personnes avec trisomie 21 vieillissantes auprès des médecins traitants et intervenants dans les ESMS ; un suivi médical, psychologique et social régulier des personnes avancées en âge, par une équipe pluridisciplinaire impliquant un gériatre. Tout changement de comportement ne doit pas être attribué hâtivement à une démence débutante mais nécessite une recherche d’autres causes somatiques, psychologiques ou environnementales.

2. Développer le suivi médical de proximité et prendre en compte les spécificités des personnes avec DI

Plusieurs expériences dans différents pays démontrent clairement l’impact bénéfique de bilans médicaux systématiques sur la santé des personnes avec DI : détection et traitement de pathologies non diagnostiquées, sensibilisation des médecins aux besoins de santé spécifiques des personnes avec DI, mise en œuvre d’actions de prévention et de dépistage.
De plus, plusieurs institutions ou associations ont publié des guides de bonnes pratiques pour le suivi médical des personnes avec DI en général ou atteintes d’un syndrome en particulier.
Le groupe d’experts recommande d’expérimenter sur quelques territoires pilotes différentes modalités d’organisation des bilans de santé systématiques chez les personnes avec DI (groupe de praticiens formés et rémunérés versus centre ressource DI), d’évaluer leur coût et le bénéfice en termes de pathologies ou besoins de santé dépistés et traités, par rapport à ceux repérés lors des soins courants.
Le groupe d’experts recommande pour les médecins généralistes, de déployer un outil d’évaluation de la santé des personnes avec DI avec un carnet de suivi et des conseils pour communiquer avec le patient et obtenir son consentement aux soins.
Le groupe d’experts recommande d’encourager la formation de réseaux de professionnels spécialisés, par exemple pour les troubles sensoriels (ophtalmologistes, orthoptistes, ORL, phoniatres, audioprothésistes, etc.) prenant en compte la difficulté d’examen et le temps nécessaire à l’évaluation sensorielle des personnes avec DI.

3. Développer la prévention et la diffusion de bonnes pratiques

Le groupe d’experts recommande la mise en œuvre de campagnes de prévention accessibles aux personnes avec DI, l’élaboration de supports pour l’obtention d’un consentement éclairé et pour une éducation pour la santé compréhensibles par les personnes avec DI, rédigés en FALC (Facile À Lire et à Comprendre).
Le groupe d’experts recommande la diffusion de supports d’information destinés aux médecins, concernant par exemple des messages de prévention spécifiques ou des modalités concrètes d’accès au dépistage des cancers ou d’autres pathologies.
Certains problèmes médicaux sont spécifiques de certains syndromes et requièrent un suivi particulier. Le groupe d’experts soutient la rédaction et la diffusion des PNDS (Protocoles Nationaux de Diagnostic et de Soins) spécifiques de chaque syndrome par les Centres de Références Maladies Rares en partenariat avec les associations syndromiques concernées.
Le groupe d’experts recommande de recruter des infirmiers formés à la DI au sein des établissements et services médico-sociaux (ESMS), dont le niveau de médicalisation varie selon l’établissement, ou le recours à des infirmiers référents coordonnateurs de soins pour la mise en place d’actions d’éducation à la santé, de prévention, de sensibilisation et de veille sanitaire au sein de l’établissement.

4. Améliorer les conditions d’accueil et de soins dans les hôpitaux et cliniques

L’accès aux soins pour les personnes avec DI se heurte à des obstacles liés à des facteurs personnels (mobilité réduite, difficulté de communication, troubles du comportement), mais aussi à des facteurs environnementaux (accessibilité et signalétique des locaux, temps dédié au recueil des symptômes…).
L’information, l’adhésion et la participation de la personne avec DI sont souvent, pour des motifs divers, difficiles à recueillir. Ces aspects peuvent être éludés au cours de l’hospitalisation. Aussi, il est important de diffuser des supports de sensibilisation aux professionnels de santé sur les obligations légales concernant les personnes vulnérables, au même titre que pour tous les patients. Par ailleurs, il semble également important d’accompagner la personne avec DI afin de faciliter concrètement l’accès aux soins.
Aussi, le groupe d’experts recommande :
• l’amélioration de l’environnement physique (accessibilité des locaux hospitaliers, signalétique adaptée) ;
• le renforcement de l’environnement humain avec le recrutement d’infirmiers de liaison (learning disability liaison nurse) pour préparer la visite, faciliter les hospitalisations et en limiter au maximum le caractère traumatique : être « ambassadeur » de la personne avec DI, pour faciliter la communication, le consentement du patient aux traitements, l’ajustement des soins à ses besoins spécifiques et promouvoir des soins coordonnés de l’admission à la sortie du patient. Par ailleurs, le détachement par les ESMS de personnels éducatifs ou soignants pour l’accompagnement aux diverses consultations médicales et hospitalisations devrait être pris en compte dans leur financement ;
• l’organisation de consultations pluridisciplinaires au sein des hôpitaux, soit en ambulatoire, soit en hospitalisation conventionnelle pour un temps d’observation et d’exploration parfois invasives, nécessitant une anesthésie générale et regroupant idéalement plusieurs examens (par exemple, dans certains cas d’examens ophtalmologiques ou de PEA [Potentiels Évoqués Auditifs]) ou soins dentaires.

VI. Créer des « Centres ressources déficience intellectuelle »

Le diagnostic, l’évaluation des besoins de soutien d’une personne avec DI, la coordination du parcours de soins et l’accompagnement dans le projet de vie nécessitent d’impliquer des acteurs multiples et d’accéder à différentes compétences professionnelles.
Des expériences développées à l’étranger pour les personnes avec DI ou bien en France dans d’autres domaines (cancer, Alzheimer, etc.), ont montré l’intérêt de la mise en œuvre d’un « processus de gestion holistique et intégré permettant d’organiser, de coordonner et d’optimiser les ressources humaines/financières/matérielles ainsi que les soins et les services requis par les individus et leur entourage afin de : satisfaire leurs besoins spécifiques en matière de santé et support psychologique et social, améliorer la qualité de leur accompagnement, améliorer leur qualité de vie. Il s’agit d’avoir les bonnes personnes prodiguant les bons services et soins au bon moment, au bon endroit et au meilleur coût » (selon une approche Case Management14 comme défini par l’Institut Universitaire International Luxembourg, 2013).
Pour répondre à ces objectifs, le groupe d’experts recommande la création de centres de ressources dédiés à la déficience intellectuelle (CRDI).
Ces centres de ressources « DI » rassembleraient les compétences nécessaires, sous la forme d’équipes pluridisciplinaires (médecins généralistes, pédiatres, gériatres, spécialistes de la douleur, neurologues, psychiatres, psychologues, infirmiers, éducateurs spécialisés, orthophonistes, assistantes sociales…) ayant pour fonction d’assurer une évaluation multidimensionnelle, d’organiser l’accompagnement requis et d’apporter une aide concrète et coordonnée qui pourrait s’inscrire tout au long du parcours de vie de la personne avec DI et de sa famille.
Les actions des CRDI se situeraient en amont de celles des MDPH et en lien avec celles-ci.
Les missions de ces CRDI seraient multiples :
• poser un diagnostic positif et différentiel en évaluant les fonctions cognitives, adaptatives et le contexte socio-environnemental ;
• s’assurer de la mise en œuvre d’une démarche étiologique et si nécessaire procéder à l’orientation vers les centres de diagnostic étiologique compétents ;
• réaliser ou coordonner des évaluations multidimensionnelles des capacités cognitives et adaptatives ainsi que des compétences scolaires et professionnelles de la personne avec DI pour proposer un programme d’intervention multidisciplinaire et individualisé ;
• attribuer un Référent du Parcours de Santé (RPS) en fonction des besoins de fonctionnement de la personne ;
• faciliter l’accès des personnes avec DI aux services de soins primaires somatiques et psychiatriques ;
• travailler avec les centres de soins, centres hospitaliers et services sociaux pour fournir des soins coordonnés ;
• accompagner les médecins généralistes et les équipes de soins de proximité à identifier et traiter les problèmes de santé des personnes avec DI ;
• proposer l’accès à un spécialiste quand les problèmes médicaux dépassent les compétences des centres de soins et des omnipraticiens ;
• proposer une éducation thérapeutique et des conseils aux patients, aux familles et aux professionnels.
De telles structures auraient pour intérêt d’être un guichet unique et visible pour les familles et les professionnels concernés. Par ailleurs, ce type de structure permettrait d’harmoniser les pratiques et les procédures sur le territoire français. La composition pluridisciplinaire des équipes aurait pour avantage de leur permettre d’élaborer un langage commun, d’assurer la complémentarité des approches d’évaluation pour un accompagnement efficace et d’apporter une aide concrète et coordonnée qui pourrait s’inscrire tout au long du parcours de vie de la personne avec DI et de sa famille.
Ces centres pourraient également travailler en collaboration avec des structures de recherche et universités pour :
• jouer un rôle dans la formation spécialisée de professionnels dans le domaine de la DI ;
• participer à des recherches scientifiques, entre autres sur la validation et le développement d’échelles et d’instruments de diagnostic, et l’évaluation des interventions.

VII. Apporter aux familles un soutien gradué, adapté et évolutif en valorisant leurs propres compétences

1. Accompagner l’annonce du diagnostic

Une consultation d’annonce peut avoir lieu dans différents contextes (consultation prénatale, néonatale, ou à tout âge de la vie) et concerner soit le diagnostic de la déficience intellectuelle, soit la confirmation de la cause, c’est-à-dire le diagnostic étiologique. Annoncer un diagnostic, quel qu’il soit, est toujours une mauvaise nouvelle, mais les conditions de l’annonce, ainsi que les propositions concrètes d’un accompagnement adapté ont un impact sur la capacité des parents et de l’enfant à rebondir et se réorganiser.
Le groupe d’experts recommande que la consultation d’annonce soit réalisée selon les pratiques préconisées (pièce dédiée, temps spécifiquement consacré à cette mission) et dans la mesure du possible, en présence des deux parents et de l’enfant. Le contenu de l’annonce doit insister sur le développement de l’enfant et ses potentialités, être juste, actualisé, et inclure des informations sur les associations de soutien et les professionnels à contacter pour l’accompagnement précoce. Les modalités de l’annonce à l’enfant lui-même dépendent de son âge, de ses capacités de compréhension et de son comportement.
Les professionnels doivent tenir compte du fait que les parents auront besoin d’un suivi personnalisé afin que les informations qu’ils reçoivent deviennent signifiantes pour eux et qu’ils puissent progressivement mobiliser leurs propres ressources pour faire face à la situation (principe de l’empowerment).
Le groupe d’experts recommande un accompagnement des diagnostics par un(e) psychologue, présent lors de la consultation médicale, ou disponible au décours du diagnostic puis tout au long du parcours du patient et de sa famille, avec une attention particulière pour les fratries. En l’absence de personnel disponible, le recrutement de psychologues dédiés aux consultations de génétique et de neuropédiatrie est recommandé.
Plus spécifiquement dans le contexte du diagnostic prénatal de syndromes malformatifs et/ou génétiques (dont la trisomie 21), le groupe d’experts recommande l’accès systématique à une information précise, basée sur les données objectives de la littérature médicale et délivrée par un praticien spécialiste de la pathologie en question, prenant en compte les progrès en termes de soins médicaux et de projets éducatifs et d’inclusion sociale, associés à une meilleure qualité de vie des personnes atteintes. Dans le cadre de la trisomie 21, les experts recommandent la diffusion de documents d’information destinés aux femmes enceintes telles que la plaquette d’information rédigée par les sociétés savantes (gynécologues-obstétriciens, sages-femmes, radiologues)15 .

2. Apporter un soutien adapté

La plupart des familles sont capables de faire face à l’éducation de leur enfant présentant une déficience intellectuelle. Elles sont également des « expertes du vécu ». Aussi le groupe d’experts souligne l’importance de reconnaître leur expertise propre et leurs compétences et de leur proposer davantage une position de partenaire en les associant aux projets d’accompagnement de leur enfant. Par ailleurs, une attention particulière doit être apportée aux familles vulnérables (parents isolés, précarité sociale, présence d’un handicap chez un des parents).
Les familles ont par ailleurs besoin de soutiens appropriés en informations, en conseils pratiques voire en apprentissages ciblés (éducation thérapeutique pour les épilepsies, gestion des comportements-défis). L’accent doit aussi être mis sur les ressources environnementales pour éviter l’isolement social des familles avec un enfant présentant une déficience intellectuelle. Elles ont également besoin de périodes de répit, en particulier en cas de comportements-défis ou de déficience très sévère.
Le groupe d’experts recommande d’organiser un soutien social non envahissant reposant sur des apports pragmatiques et concrets à la famille, y compris à la fratrie. Il s’agit de proposer une approche holistique proposant aux familles des interventions graduées et à divers niveaux : informations générales, apprentissage de techniques, apprentissages approfondis pour des situations difficiles.
Des lieux d’écoute permettant aux parents une analyse sereine de leurs besoins afin de leur proposer différentes solutions seraient à généraliser.

3. Envisager la distanciation psychologique entre la personne avec DI et sa famille

Dans la majorité des familles ayant un enfant avec DI, l’investissement parental est particulièrement important et peut conduire à la difficulté voire dans certains cas, à l’impossibilité d’une séparation avec la personne avec DI ayant atteint l’âge adulte. Cette séparation doit être vue comme une évolution dans le parcours de vie nécessitant de nouvelles adaptations à découvrir et accepter. Ce processus suppose des apprentissages et de nouveaux modes de relation. Ce passage à la vie adulte est une transformation des identités de chacun qui ouvre vers un devenir, pouvant tour à tour être inquiétant, plein d’inconnues, mais aussi très riche d’opportunités et de nouvelles appartenances pour chacun.
Le groupe d’experts recommande aux professionnels d’envisager ce moment de la séparation enfant/parent non comme un « problème » particulier et ponctuel mais bien comme le résultat d’un processus qui a débuté depuis la naissance. Cela suppose de toujours considérer le parcours singulier de chaque famille et de préparer la transition vers l’âge adulte bien avant la survenue d’un moment critique (par exemple, placement en urgence suite à une maladie ou décès d’un parent). Il s’agit d’élaborer dès l’âge de 15-16 ans un plan de transition et d’y impliquer les parents et les autres membres de la famille. Ce plan doit ouvrir vers un projet de vie le plus complet possible (logement, emploi, loisirs, vie citoyenne…) et envisager le maintien de réseaux sociaux existants (très souvent perdus lors de la sortie de services s’adressant à des jeunes) mais surtout le développement de nouveaux réseaux autour de la personne avec DI. En effet, ces réseaux sociaux sont à la base des capacités de résilience de chaque individu mais aussi du système familial lui-même.

VIII. Développer et encourager la formation sur la déficience intellectuelle pour tous les professionnels dans une perspective inclusive

Si les pratiques professionnelles ont pour objectif de promouvoir la qualité de vie des personnes avec DI, leur autodétermination et, plus largement, leur inclusion, il importe d’identifier les savoirs théoriques et les compétences nécessaires pour y répondre favorablement. À ce titre, la perspective inclusive nécessite une mobilisation active de l’ensemble de l’environnement au sein du processus en vigueur.
Néanmoins, tout au long de ce travail d’expertise, quels que soient les domaines ou les activités professionnelles analysés, un constat récurrent a été fait sur le manque de formation des professionnels sur la DI.

1. Développer la formation pour tous les professionnels à partir de référentiels communs

Pour tous les professionnels de différents champs disciplinaires pouvant être amenés à rencontrer et accompagner des personnes avec DI dans le cadre de leur activité professionnelle, le groupe d’experts recommande de développer des programmes nationaux de formation sur la DI ayant un tronc commun. Les programmes doivent promouvoir la connaissance et l’utilisation de modèles multidimensionnels intégratifs du fonctionnement humain dans le domaine du handicap, tels que les modèles de l’AAIDD, de la CIF (OMS) et du Processus de production du handicap (P. Fougeyrollas).
Ce type de formations devrait permettre de partager des notions essentielles et un langage commun, facilitant ainsi la communication et le dialogue entre les différentes disciplines, le décloisonnement des pratiques et activités professionnelles et enfin permettre d’intégrer les informations de différentes sources de spécialistes.
Ces formations peuvent avoir différents objectifs : sensibiliser dans un cadre de prévention ou de diagnostic de la DI ou d’un sur-handicap, alerter le professionnel sur les risques d’incompréhension de certains comportements, connaître et comprendre le fonctionnement de la personne avec DI, sensibiliser à certaines particularités propres à certains syndromes, savoir communiquer pour conduire des examens ou des actions adaptés à la personne, connaître l’utilisation d’outils (par exemple, les échelles d’évaluations), et des pratiques d’intervention.
Elles peuvent être mises en place lors de la formation initiale ou dans le cadre du DPC (Développement Professionnel Continu) avec par exemple des modules thématiques (diagnostic des troubles du neurodéveloppement, niveau de fonctionnement des personnes avec DI, spécificités propres à chaque syndrome…). Elles pourraient s’appuyer sur le e-learning.
Certaines formations pourraient associer l’expertise des parents, mais être aussi dispensées aux familles.
Le groupe d’experts recommande de prendre en compte les besoins de formation spécifiques selon les professions :
• dans le milieu médical (médecins traitants, généralistes ou de PMI, pédiatres), formation initiale aux différentes dimensions de la DI, à la démarche diagnostique, et aux outils utilisés (en particulier génétiques). La démarche diagnostique étiologique devant un trouble du neurodéveloppement doit faire partie explicitement du programme de deuxième cycle (item 53 du Référentiel des Objectifs d’Apprentissage des étudiants en médecine [DFASM] « Diagnostiquer une anomalie du développement somatique, psychomoteur, intellectuel et affectif »), mais aussi pour les psychiatres, neurologues, gériatres, et tous médecins spécialistes impliqués dans l’offre de soins (urgentistes, gynécologues, dentistes, ORL, ophtalmologistes, etc.) ;
• pour les orthophonistes : éducation du langage, code de substitution…
• pour les psychologues : diagnostic, méthodologie de l’intervention…
• dans le milieu éducatif, pour les enseignants, les métiers de l’accompagnement scolaire pour les enfants handicapés, les professeurs des Réseaux d’aide spécialisés pour les élèves en difficultés (Rased) : sensibilisation aux processus cognitifs qui sous-tendent les apprentissages. De nouveaux modules de formation pourraient être communs aux enseignants et aux éducateurs spécialisés afin de constituer des bases de travail partagées.

2. Former les différents membres des réseaux de soutien sur des notions essentielles comme la douleur, la qualité de vie, l’autodétermination et la prévention de la maltraitance

Étant donné l’importance d’une évaluation et d’un accompagnement multidisciplinaire des personnes avec DI, il paraît nécessaire de valoriser des formations (initiales et continues) inter-catégorielles (par exemple entre enseignants, éducateurs spécialisés et autres accompagnants) autour de notions essentielles telles que la douleur, la qualité de vie, l’autodétermination et la prévention de la maltraitance.
Le groupe d’experts recommande :
• la mise en œuvre de programmes de formation des professionnels de santé, des éducateurs et des proches à l’utilisation de nouveaux outils cliniques d’évaluation de la douleur, adaptés aux personnes avec DI. L’expression de la douleur par les personnes avec DI est souvent difficile, se manifestant fréquemment par une modification de comportement, retardant le diagnostic de pathologies graves ou urgentes ;
• de sensibiliser et former les professionnels de l’accompagnement à la qualité de vie et à sa mesure. Intégrer le concept reflétant les conditions de vie de la personne dans le cadre de l’accompagnement et du soutien peut faciliter une collaboration efficace entre des professionnels de la DI aussi bien qu’avec des non-professionnels (la famille, les bénévoles, les divers acteurs et décideurs concernés) ainsi qu’entre les services spécialisés et les milieux ordinaires de la communauté. Cette formation doit viser à développer les compétences des professionnels permettant d’analyser et de comprendre ce qui constitue l’environnement social d’une personne avec DI (réseau social, quartier, écoles, emploi, droits), les possibilités de soutien de l’environnement « naturel » et l’identification des barrières qui limitent l’adaptation ;
• de développer la formation théorique et méthodologique sur l’autodétermination, intégrant les notions, les mécanismes et les techniques de promotion de l’autodétermination pour les professionnels psycho-médico-sociaux, les parents et les personnes elles-mêmes en vue d’améliorer la qualité de la relation et des services offerts. Les programmes d’interventions existants devraient être développés et généralisés avec une évaluation continue des réalisations et une adaptation permanente répondant à l’évolution des diverses situations de vie ;
• de sensibiliser les professionnels au risque de maltraitance et à la vulnérabilité des personnes à l’exploitation. Le but est de renforcer toutes les mesures, actives et passives, destinées à prévenir toute situation d’abus. Il s’agit de donner aux professionnels les moyens de soutenir les mécanismes de protection (résilience des personnes avec une DI, actions sur les facteurs de protection dans l’environnement, les exo- et macro-systèmes) en veillant à ce que les mesures ne remettent pas en question les aspirations des personnes concernées à une plus grande autonomie.

Recommandations de recherche

Principes généraux

La recherche dans le champ des déficiences intellectuelles s’est développée considérablement au cours des dernières décennies avec le doublement du nombre de publications scientifiques essentiellement anglo-saxonnes depuis les années 1980. Ces travaux internationaux ont permis d’objectiver l’importance d’une approche systémique et fonctionnelle de la DI. Néanmoins, le groupe d’experts souligne qu’il a été confronté lors de l’analyse de la littérature, à des défauts méthodologiques limitant la portée des résultats ou conclusions dans un nombre non négligeable de travaux. Le manque d’homogénéisation du recrutement des populations ou d’informations sur les échantillons étudiés qui par ailleurs sont souvent petits, ne permet pas toujours la comparaison des résultats.
En préambule à toutes recommandations de recherche, le groupe d’experts souligne la nécessité de promouvoir une recherche plus respectueuse des standards méthodologiques, plus écologique (c’est-à-dire attentive aux principes de validité sociale) et plus collaborative pour capturer toute la complexité et la finesse des enjeux des objets.
Aussi, le groupe d’experts souhaite formuler les recommandations générales suivantes concernant la recherche dans le champ de la déficience intellectuelle :
• accroître la qualité des études et encourager celles qui respectent les standards en matière de recherche scientifique de qualité avec une définition précise de l’échantillon et une explication suffisamment détaillée de la procédure d’échantillonnage utilisée : nature et degré de sévérité de la (ou des) déficiences, étiologies, âge, sexe, contexte de vie et facteurs psychosociaux ; promouvoir également les recherches basées sur des protocoles à cas unique qui répondent aux critères de rigueur en sciences humaines et permettent de pallier aux difficultés liées à l’hétérogénéité de l’échantillon et tout en étant souvent davantage écologiques ;
• analyser les résultats en distinguant les niveaux de sévérité (DIS/DIL), et les groupes de DI selon qu’il s’agit d’une DI syndromique ou DI non syndromique associée, ou non, à d’autres symptômes ; contrôler les variables socioéconomiques, en particulier pour les études portant sur les personnes avec DIL ;
• outre les informations de QI, recueillir celles sur le score de comportement adaptatif en utilisant une échelle normée ;
• couvrir la diversité des tranches d’âge (vie adulte, personnes âgées) et/ou les types et degrés de déficience intellectuelle (notamment DI sévères et profondes), la grande majorité des recherches concernant l’enfance et l’adolescence ;
• privilégier des recherches multicentriques et longitudinales avec suivi de cohortes nationales, voire internationales afin de constituer des bases de données importantes à la disposition des chercheurs ;
• impliquer les personnes concernées (acteurs de terrain, personnes avec DI et proches) dans une forme de recherche plus diversifiée : écologique, collaborative, participative, permettant ainsi l’appropriation et la diffusion des connaissances. L’élaboration des projets doit être précédée d’une réflexion approfondie et d’un choix clair sur la nature de la collaboration, mettant en évidence les motivations des différents acteurs, leur rôle et leur implication respectifs16  ;
• encourager les méta-recherches sur les méthodologies de recherche adaptées au public avec DI (par exemple, travaux sur la manière de faire participer, de recueillir l’assentiment et/ou le consentement éclairé des personnes avec DI, etc.).
De même, pour encourager la recherche sur la DI, le groupe d’experts suggère une politique de recherche volontariste avec une programmation d’envergure sur les troubles neurodéveloppementaux et notamment la DI s’inscrivant dans une perspective longitudinale à long terme :
• appels d’offre plus nombreux ;
• identification des organismes susceptibles de financer les recherches ;
• ouverture des financements de recherche à l’international pour favoriser les collaborations et le partage des données ;
• valorisation des recherches sur la DI en termes de carrière des chercheurs ;
• reconnaissance et valorisation des activités de recherche dans les structures hospitalières, les établissements médico-socio-éducatifs, ainsi que dans les contextes inclusifs. Pour cela, former a minima le personnel intéressé à la méthodologie de recherche.
Il est important de poursuivre les recherches afin d’établir les forces et les limites des interventions pour un meilleur développement et accompagnement des personnes avec DI. Par ailleurs, de nombreux domaines restent à explorer. Le groupe d’experts recommande que la recherche sur les thèmes ci-dessous soit particulièrement encouragée.

I. Valider et développer des outils de diagnostic et d’évaluation de la personne

Disposer d’outils et d’échelles standardisés, validés et adaptés à la population avec DI dans le cadre du repérage, du diagnostic, de l’évaluation des compétences et des besoins de soutien est une nécessité cruciale. Il en est de même des outils d’évaluation de l’efficacité des programmes d’intervention ; ils existent, mais trop peu sont encore validés.
La disponibilité d’outils standards validés devrait non seulement permettre la comparaison des résultats des travaux de recherches sur la base d’instruments communs, mais surtout apporter des éléments utiles aux praticiens pour les guider dans le choix d’outils les mieux adaptés et favoriser ainsi un meilleur repérage, la mise au point de protocole de diagnostic et d’évaluation, etc. À ce jour, la France accuse un retard qu’il serait important de combler.
Divers outils de bonne qualité sont disponibles à l’étranger. Le groupe d’experts recommande un travail d’adaptation et de validation dans un contexte français de ces outils (validité, étalonnage, pertinence, faisabilité et acceptabilité par les professionnels) et si nécessaire le développement de nouveaux outils.
Concernant le repérage précoce (questionnaires parentaux, échelles de développement précoce, échelles préverbales…), le groupe d’experts recommande :
• d’évaluer la pertinence et la qualité des outils disponibles ;
• d’harmoniser au niveau national le choix des échelles précoces d’évaluation du neurodéveloppement ;
• concernant le repérage de la DI légère, pour pallier à l’accès difficile à des tests psychométriques standardisés réalisés par des psychologues et en l’absence d’un outil validé dans la littérature internationale, développer des questionnaires pour les parents et les enseignants. À titre d’exemple, valider une version française du CAIDS-Q (Child and Adolescent Intellectual Disability Screening Questionnaire) ;
• pour repérer des enfants avec DI légère et les distinguer des enfants atteints de troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA), d’évaluer la pertinence des deux batteries de dépistage des troubles cognitifs et d’apprentissage chez les enfants d’âge scolaire actuellement disponibles en France : BSEDS (Bilan de Santé Évaluation de Développement pour la Scolarité) et EDA (Évaluation Des fonctions cognitives et Apprentissages).
Concernant le diagnostic de la déficience intellectuelle (échelles de QI et échelles de comportements adaptatifs), le groupe d’experts recommande de :
• développer des échelles alternatives de QI adaptées aux personnes dont les déficiences et/ou les troubles associés ne permettent pas une évaluation avec des instruments psychométriques classiques, notamment aux DIS, les échelles psychométriques disponibles étant adaptées à la déficience légère ;
• étudier dans le contexte français, la pertinence des outils d’évaluation du comportement adaptatif et des besoins de soutien développés outre-Atlantique présentant de bonnes qualités psychométriques (tels que DABS17 et SIS) et remplissant ces deux fonctions d’évaluation, expérimenter leur adaptation française.
Concernant l’évaluation des interventions précoces : évaluer la valeur ajoutée du programme EIS (Évaluation Intervention Suivi), adaptation francophone de l’AEPS (Assessment, Evaluation and Intervention Program System), outil peu connu en France qui se distingue des autres inventaires de développement précoce par son caractère dynamique et intégré, conçu pour faciliter le lien entre l’évaluation de l’enfant, la programmation et l’évaluation de l’intervention précoce.
Concernant l’évaluation de l’impact des crises d’épilepsie : valider des versions françaises et des échelles adaptées aux personnes avec DI mesurant les effets des crises comme par exemple GEOS-C (Glasgow Epilepsy Outcome Scale-Client version), ou mesurant les effets indésirables des antiépileptiques sur le comportement et les fonctions cognitives (exemple : Seizes B, Scale of the Evaluation and Identification of Seizures, Epilepsy, and Anticonvulsivant Side Effects-B) ; diffuser ces échelles en pratique clinique.
Concernant l’évaluation de la qualité de vie : développer des outils pour mieux apprécier la qualité de vie des personnes avec DI sévère et des personnes vieillissantes ainsi que des méthodologies permettant à l’ensemble des personnes concernées par une situation, de réfléchir et de décider ensemble des améliorations à faire.
Ce travail de développement et de validation nécessite de disposer de grandes bases populationnelles et la constitution de groupes de travail au niveau national.
Il est également nécessaire d’initier des recherches en sciences humaines et sociales sur l’appropriation des outils par les différents professionnels et recueillir leurs besoins éventuels de nouveaux outils.

II. Mieux connaître les déficiences intellectuelles et les trajectoires des personnes

1. Mieux connaître les comorbidités associées à la DI

La DI est très souvent associée à des comorbidités dont les manifestations sont multiples. Si dans les DI syndromiques, les comorbidités sont à peu près identifiées, dans les DI non syndromiques, elles restent moins caractérisées (que ce soit sur les plans somatiques, cognitifs ou psychiatriques). Il existe aussi peu de données sur leur fréquence et leur évolution dans le temps.
Le groupe d’experts recommande de réaliser des recherches en épidémiologie descriptive et analytique des comorbidités ainsi que des recherches cliniques s’appuyant sur des outils validés afin de mieux appréhender les troubles associés à la déficience intellectuelle et autres problèmes de santé qui sont fréquents dans ces populations.
Ces recherches porteront sur :
• les comorbidités psychiatriques dont l’expression peut être différente chez les personnes avec DI, pouvant même masquer certains symptômes (pathoplasticité, overshadowing) et conduire à un diagnostic erroné, ceci afin de mieux caractériser et comprendre les expressions des troubles psychopathologiques chez l’enfant et l’adolescent avec DI, en tenant compte de la sévérité de la DI. Les résultats de ces études viendront alimenter la construction d’outils diagnostiques adaptés ;
• les différentes comorbidités somatiques (cancers, maladies cardiovasculaires et autres maladies chroniques, épilepsie, troubles du sommeil, obésité, signes précoces du vieillissement et complications apparaissant au cours de l’avancée en âge) en association avec l’étiologie (syndromes…), les caractéristiques individuelles (âge, habitudes et conditions de vie, niveau socioéconomique, médicaments consommés…) ainsi que les effets des traitements ;
• le retentissement de l’épilepsie sur la qualité de vie des personnes avec DI : sur-handicap psychique, adaptatif, social de l’épilepsie (danger des crises, chutes, crises nocturnes, effets indésirables des médicaments) chez la personne avec DI et ses proches (famille ou professionnels) ;
• l’incidence des sur-handicaps, les besoins en santé, les marqueurs de pronostic vital et tout autre indicateur utile à un meilleur accompagnement dans les situations de polyhandicap, avec la mise en place de cohortes nationales incluant des indicateurs communs, l’épidémiologie descriptive et analytique des comorbidités et des besoins en santé étant encore insuffisante.

2. Mieux comprendre les relations génotypes/phénotypes

Les causes de DI peuvent être liées à l’environnement ou à la génétique, mais les DI idiopathiques représentent le groupe majoritaire. Les nouvelles technologies développées en génétique et leur puissance apportent des éléments nouveaux au diagnostic étiologique, mais également des questionnements (interprétation des résultats, questions éthiques…) avec la mise en évidence de nombreux gènes impliqués (plus de 400) et le très faible nombre de personnes concernées par chacun d’eux. À cet égard, établir des corrélations génotype/phénotype cliniquement pertinentes pour identifier des signes mineurs pathognomoniques ne peut reposer que sur la base de collaborations nationales et internationales permettant l’accès à de grandes cohortes.
Le groupe d’experts recommande de favoriser les recherches nationales et internationales en réseau capables d’évaluer la prévalence de chaque gène et les relations génotype/phénotype. Ces recherches permettraient d’établir des bases de données internationales répertoriant données/variants génétiques et phénotypes associés. La combinaison de l’ensemble des données devrait contribuer à mieux cibler les modèles expérimentaux pour les études physiopathologies (iPSC [induced pluripotent stem cells], zebrafish [poisson zèbre], souris…) afin d’identifier de nouvelles pistes thérapeutiques.
Par ailleurs, les recherches en imagerie du cerveau conduites dans le champ de la DI devraient être encouragées car il y a en ce domaine une absence notable de données. Dans le même ordre d’idée, le groupe d’experts recommande également le développement des recherches en épigénétique, en neurophysiologie et en neuropsychologie afin de mieux comprendre les processus cognitifs impliqués dans les déficiences intellectuelles.

3. Favoriser les recherches sur le suivi de trajectoires et l’articulation des services offerts

La plupart des recherches sont menées chez l’enfant. Or, des situations complexes de jeunes adultes et d’adultes vieillissants sont de plus en plus fréquentes compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie des personnes avec DI.
Le groupe d’experts recommande de mettre en place des études longitudinales permettant :
• de suivre le parcours des personnes sur le plan médical, développemental, social, scolaire ainsi que sur le plan de la qualité de vie et le cas échéant, de mieux appréhender les particularités des trajectoires développementales ;
• de mieux cerner la nature des difficultés dans la vie sociale et affective des personnes avec DI et leurs proches à chacun des cycles de la vie (incluant les questions relatives à la sexualité et à la parentalité), ceci en identifiant également les ressources et les stratégies de dégagement, les adaptations et les compensations mises en œuvre par les personnes et leurs proches ;
• de repérer l’impact des facteurs de risque et de protection sur le parcours de vie, quel que soit le milieu de vie (inclusif ou non).
L’étude de cohortes suivies sur plusieurs années, retraçant des parcours de vie, notamment la répartition dans les différentes structures pour l’éducation, le déroulement des différentes transitions d’un dispositif à un autre, les parcours professionnels, permettra de mieux comprendre ce qui favorise ou non l’acquisition de compétences, et d’examiner comment aménager les périodes de transition (enfance/adolescence/âge adulte/vieillissement). Enfin, ces travaux devraient permettre également de mieux répondre aux exigences d’une vie autonome posées dans le cadre de la Convention des Nations Unies.
Cependant, se pose la question de l’inclusion de participants dans une cohorte avant même que ne soit posé le diagnostic de DI. Aussi, il peut s’agir de cohortes d’enfants ayant des troubles du neurodéveloppement (sans distinction au départ), et/ou de cohortes de patients vulnérables (comme c’est le cas pour les prématurés) en raison de malformation cérébrale, de nuque épaisse, d’exposition à des toxiques (médicaments, alcool…), de pathologies maternelles, de retard de croissance intra-utérin.
L’avancée en âge est associée à des événements qui influencent de manière significative la vie et sa qualité, comme le départ à la retraite, la disparition d’un proche ou encore l’émergence d’une pathologie gériatrique. Les experts recommandent de développer des recherches qui prennent en compte le vieillissement des personnes avec DI et de créer des outils d’évaluation diagnostiques réservés à cette tranche d’âge.
Là encore, des recherches multicentriques au niveau européen permettraient de constituer une base de données importante à la disposition des chercheurs, évitant ainsi de solliciter constamment les familles et les personnes avec déficience intellectuelle.

III. Mieux comprendre le développement des compétences de la personne avec DI

1. Comprendre les liens entre apprentissages et spécificités cognitives

Les personnes avec DI ont par définition des difficultés à apprendre. Toutefois, les études longitudinales indiquent qu’il ne faut pas sous-estimer leurs capacités à optimiser leur fonctionnement et/ou à progresser tout au long de la vie. Le fonctionnement optimal et les progrès sont tributaires d’une bonne compréhension de leurs spécificités cognitives et d’une évaluation précise de leurs forces et de leurs faiblesses ainsi que de la pertinence des interventions éducatives choisies.
Afin de rendre compte des changements au niveau des trajectoires développementales et/ou de la stabilité du profil comportemental et cognitif à l’intérieur de chaque type d’atteinte et de compléter les données des études anglo-saxonnes disponibles dans des domaines comme le langage, la littéracie, la numératie, les compétences sociales, etc., le groupe d’experts recommande que soient particulièrement étudiés dans le cadre d’études longitudinales :
• les facteurs personnels (profils cognitifs et d’apprentissage) et facteurs environnementaux (opportunité d’apprentissage, interventions pédagogiques et leurs effets) qui contribuent au développement des capacités de communications, sociales, scolaires (numératie, littéracie), ainsi qu’à l’accroissement de l’autonomie et de l’autodétermination ;
• le rôle de certains facteurs et/ou médiateurs cognitifs dans la construction des capacités adaptatives et des apprentissages et à déterminer leur poids au cours du développement.
Par exemple, les recherches sur le développement du langage de l’enfant avec DI sont quasiment inexistantes en France. L’ensemble des aspects du développement du langage (phonologiques, lexicaux, morphosyntaxiques, pragmatiques) doivent être investigués afin de servir de base aux interventions éducatives. Dans ce cadre, des travaux portant sur des groupes étiologiques bien identifiés (trisomie 21, syndrome de Williams, X fragile, Prader-Willi, SAF, etc.) constitueraient une aide certaine pour l’ajustement des programmes d’intervention langagière. Le groupe d’experts recommande aussi que soient davantage étudiées les modalités de communication des enfants utilisant des codes de substitution.
Ces recherches permettraient de répondre à la question du niveau de compétence et de la marge de progression pouvant être atteinte par les personnes avec une DI dans les apprentissages.

2. Encourager les études sur l’effet des interventions éducatives

Le fonctionnement et/ou la capacité à progresser des personnes avec DI sont aussi fonction de la présence d’opportunités d’apprentissage et d’un enseignement adapté à leur mode de fonctionnement cognitif. L’efficience des interventions pédagogiques et des programmes d’éducation est actuellement sous-investiguée dans la population avec une DI.
Le groupe d’experts recommande la mise en œuvre de recherches pour évaluer :
• l’efficience des interventions pédagogiques et des programmes d’éducation reposant sur les modèles théoriques actuels et spécifiques aux domaines d’apprentissage concernés ;
• les apports de ces programmes non limités à certains domaines d’apprentissage en particulier, mais sur l’ensemble des apprentissages favorisant la participation sociale (apprentissage des compétences sociales, apprentissage de l’autonomie et de l’autodétermination, du langage et de la communication), apprentissages scolaires (numératie, littéracie, etc.) ;
• les apports de ces programmes non seulement au cours de l’enfance, mais aussi leur contribution tout au long de la vie, chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte.

IV. Mieux appréhender les différents aspects d’un accompagnement adapté

1. Mieux évaluer l’accompagnement médical des personnes

Si l’utilité individuelle des bilans de santé pour les personnes avec DI a été démontrée et justifie en soi cette approche, la littérature manque d’études démontrant l’intérêt médico-économique à long terme de bilans de santé sur la consommation de soins (dépistage plus précoce de problèmes de santé graves, diminution des hospitalisations en urgence pour problèmes somatiques ou troubles graves du comportement, taux de comorbidités). Le groupe d’experts recommande des études médico-économiques sur l’impact des bilans de santé.
Le groupe d’experts recommande de réaliser des études en sciences humaines permettant :
• d’améliorer les pratiques professionnelles concernant l’annonce du diagnostic que ce soit en prénatal, en néonatal ou à tout âge de la vie ainsi que l’information donnée aux parents ;
• d’améliorer l’accès aux soins en utilisant des indicateurs de santé fiables et comparables entre différents territoires. Ces recherches permettraient entre autres de déterminer les facteurs d’inégalité d’accès aux soins ;
• d’évaluer les obstacles et les facteurs facilitateurs de l’accueil du patient dans les hôpitaux en prenant en compte le rôle de la personne avec DI, de l’aidant et des professionnels impliqués au quotidien dans l’accompagnement de la personne ;
• d’évaluer l’effet des interventions visant l’amélioration du système de santé (par exemple, 15 indicateurs du projet Européen Pomona).
En ce qui concerne la prévention et les différentes interventions d’accompagnement, le groupe d’experts recommande :
• de répertorier et évaluer les initiatives pertinentes d’information, de prévention et d’intervention en région (comme par exemple pour l’alcoolisation fœtale les centres ressource SAF, les réseaux de santé) ;
• de définir un cahier des charges de dispositifs efficaces ;
• de promouvoir leur généralisation au niveau des territoires ;
• d’étudier en quoi ce qui est démontré (prévention, intervention) pour un syndrome est applicable/transférable ou pas aux autres syndromes et autres DI sans syndrome connu.
À propos des essais thérapeutiques, le groupe d’experts recommande le développement d’instruments d’évaluation pouvant servir de critères de jugement d’efficacité des thérapeutiques neuropharmacologiques, cognitivo-comportementales, psycho-sociales en fonction du profil des personnes (syndrome connu ou non).

2. Réaliser des études participatives sur les processus de l’autodétermination et de la qualité de vie

De nombreuses études ont porté sur l’évaluation de l’autodétermination, de l’empowerment, de la qualité de vie des populations fragilisées mais sans impliquer les personnes concernées.
Le groupe d’experts recommande de réaliser des recherches dans lesquelles les personnes avec DI et leurs aidants proches (résidants, familles, professionnels) sont impliqués comme expert dans l’analyse des questions touchant le handicap.
Cette méthodologie contraint dès lors le chercheur à adopter le rôle de facilitateur offrant la possibilité aux différents participants impliqués d’exercer leurs compétences et savoirs dans les différentes étapes de la recherche. En participant activement à la recherche, ils peuvent ainsi évaluer les effets de cette (re)prise de pouvoir sur des construits tels que ceux de qualité de vie des personnes et de qualité des services des structures au sein desquels ils évoluent au quotidien.

3. Développer une recherche qui aborde les comportements-défis de façon systémique et multidimensionnelle

Il existe peu de données quantitatives et qualitatives sur les comportements-défis. Pour certains comportements d’agressivité, comme par exemple les attitudes sexuelles inappropriées, aucun chiffre n’est proposé en raison de difficultés de définition.
Le groupe d’experts recommande des recherches ciblées abordant la problématique des comportements-défis de façon systémique et multidimensionnelle reposant sur une meilleure caractérisation et harmonisation des critères d’inclusion dans les études afin d’améliorer l’évaluation de ces troubles, les conséquences sur la vie de la personne avec DI comme celle de son entourage familial et professionnel. Cela nécessite d’abord une réflexion sur les définitions et concepts d’agressivité, l’utilisation d’outils diagnostiques validés rendant compte à la fois des troubles psychiatriques et des comportements-défis.

4. Mener des études sur la famille, les proches, les aidants informels

Une analyse des besoins d’une personne avec DI ne peut faire l’économie d’un regard sur son histoire personnelle, qui est liée à celle de sa famille, et d’une prise en compte de la manière dont des ressources ont été mobilisées ou non, ainsi que de la manière dont les phases de transition ont été préparées ou non et ont pu modifier les attentes. Cela suppose aussi que la personne en situation de handicap ainsi que tous ses aidants proches, non professionnels comme professionnels, puissent confronter leurs perceptions des capacités de la personne.
Afin de mieux connaître l’évolution des besoins des aidants et des proches des personnes adultes avec DI, le groupe d’experts recommande de développer des études longitudinales sur des cohortes de familles. Les objectifs sont de mieux comprendre comment s’équilibre le recours aux ressources intrafamiliales et aux soutiens externes, comment évoluent les soutiens en fonction de l’évolution des besoins de la personne et enfin d’examiner comment les parents seniors peuvent continuer à faire face à la déficience de leur enfant devenu adulte.
Ces études devraient aussi permettre de mieux identifier, au sein de l’entourage proche des personnes avec DI, les facteurs de protection et de risque permettant une bonne qualité de vie et une réponse adéquate aux besoins des personnes.
Les parents et aidants naturels, premiers accompagnateurs des personnes avec DI dans leurs parcours de soins, se retrouvent face à des situations complexes à gérer qui se surajoutent aux difficultés du parcours scolaire et/ou de réadaptation de la personne handicapée. Ils doivent souvent se former, afin d’assurer au mieux le lien entre les multiples professionnels de santé. Ils sont parfois aussi amenés à prendre en charge des soins techniques complexes à domicile.
Le groupe d’experts recommande de mener des études-actions basées sur l’analyse de « situations traceuses », évaluant le rôle des parents dans la prise en charge médicale (surveillance, prise de décision, coordination des soins), et la prise en compte par les professionnels de santé de leur expertise de terrain (experts en expérience).

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