III. Accompagnement tout au long de la vie

2016


ANALYSE

16-

Accompagnement et lieux de vie

La « prise en charge » de personnes ayant une déficience intellectuelle (DI) représente un système complexe de paradigmes professionnels, de politique publique sociale, de disponibilité et d’organisation de services et de régimes de financement. En analysant la littérature, on peut constater des développements significatifs dans tous ces domaines au cours des dernières décennies.
Une remarque préalable sur la terminologie concerne l’expression « prise en charge », qui à l’heure actuelle, peut évoquer l’idée de « faire l’objet » d’actions d’autres personnes, voire de soumission des personnes aux systèmes. Cette expression risque d’éclipser l’esprit d’autodétermination et d’égalité qui depuis quelques décennies est clairement présent dans les services et les systèmes. Aussi, nous lui préférons les termes « accompagnement » et « soutien » ou parfois, de mettre l’expression prise en charge entre guillemets pour indiquer son usage plutôt technique.
Dans une première partie seront présentés les résultats d’analyses de la littérature sur les développements scientifiques et professionnels concernant l’accompagnement individuel. La deuxième partie décrit les développements socio-politiques comme cadre sociétal. La troisième partie est consacrée aux développements des services professionnels. Il est inévitablement question d’une interdépendance de ces trois domaines. Enfin, une quatrième partie résume les constats et formule des conclusions.

Développements scientifiques et professionnels

À partir des années 1970, des modèles socio-écologiques ont de plus en plus remplacé les modèles de défectologie pour comprendre la DI. Comme décrit dans le chapitre « Terminologie, définitions, classifications », la prise en compte du fonctionnement global de la personne en situation de handicap, y compris son fonctionnement social et sa participation à la société, a conduit à des modèles intégrant la qualité du contexte dans lequel vit la personne. Dans l’interaction de la personne avec son contexte, le problème essentiel de la DI n’est pas tant le déficit d’intelligence et le manque d’habiletés en tant que tel, que l’écart entre les compétences de la personne et les exigences de l’environnement (Thompson et coll., 2010renvoi vers). Dès lors, la question centrale pour accompagner la personne n’est plus d’établir un aperçu de déficit d’intelligence et de manque d’habiletés mais d’établir un état des besoins de soutien qui puissent promouvoir une qualité de vie satisfaisante pour la personne, comparable aux conditions de personnes typiques du même âge et de même culture. Le point de départ pour l’accompagnement individualisé se rapproche alors de l’intention originale de Binet, c’est-à-dire d’identifier des besoins spéciaux de soutien (Arnold et coll., 2011renvoi vers) pour que l’on y prête attention. Bien sûr, ce changement de focus ne diminue en aucune façon l’importance d’un diagnostic complet du fonctionnement (y compris de l’intelligence, des habiletés adaptatives et de l’étiologie), point de départ pour une analyse des besoins de soutien.
Avec l’introduction de la notion de soutien, le noyau de l’accompagnement a été fondamentalement défini comme une intervention individualisée. L’examen du fonctionnement multidimensionnel et des besoins de soutien doit aboutir à un plan de soutien personnalisé (Schalock et coll., 2010renvoi vers).
Le premier point à considérer pour le plan de soutien est de définir les objectifs de vie souhaités (aspect subjectif) et les besoins de soutien objectivés par un examen professionnel. Le processus d’élaboration d’un plan de soutien individualisé précède la sélection de programmes ou de services (« plan de service »).
La figure 16.1Renvoi vers (Comité AAIDD, 2014renvoi vers, p. 120) représente le processus d’évaluation, de planification, de monitorage et de constatation des résultats d’un soutien individualisé.
L’étape 1 consiste à identifier les souhaits, les objectifs et les aspirations de la personne présentant une DI. Dans la littérature, il n’est pas retrouvé d’instruments spécifiques permettant une telle identification. Pour aborder des objectifs personnels pertinents, une méthode évidente est simplement de s’entretenir avec la personne, de lui poser des questions et si ce n’est pas possible, de parler à un mandataire ou d’interviewer par procuration un tiers familier de la personne (parent, proche important, professionnel). Les domaines de la qualité de vie ou des instruments de l’étape 2 peuvent être utiles en tant que cadre de référence pour une telle interview.
L’étape 2 représente un examen standardisé par un professionnel à l’aide d’un instrument comme par exemple la SIS (Supports Intensity Scale) ou le I-Can (détaillés plus loin).
L’étape 3 comprend la sélection d’objectifs, de stratégies et de ressources appropriés. Il est important de développer et d’appliquer un plan optimiste mais qui, en même temps, demeure réaliste.
L’étape 4 exige que l’équipe de planification s’occupe du monitorage et de l’évaluation continue du plan mis en place.
L’étape 5 comprend l’évaluation des résultats obtenus en termes de qualité de la vie en général et par rapport aux objectifs personnels choisis (dans l’étape 1).
Figure 16.1 Processus d’identification, de planification, de monitorage et d’évaluation de résultats d’un soutien individualisé (d’après le Comité Ad Hoc de P AAI DD sur la terminologie et la classification, 2014renvoi vers)

Besoins de soutien

Schalock et coll. (2010renvoi vers, p. 108 ; Comité AAIDD, 2014renvoi vers) et Thompson et coll. (2004renvoi vers et 2009renvoi vers, p. 136) ont conceptualisé le besoin de soutien comme un concept psychologique qui se réfère au type et à l’intensité de soutien requis par une personne pour participer aux activités liées au fonctionnement humain. Le soutien même est défini comme « l’ensemble des ressources et stratégies visant à promouvoir le développement, l’éducation, les intérêts et le bien-être d’une personne et qui améliorent le fonctionnement individuel  » (Comité AAIDD, 2014renvoi vers).
La figure 16.2Renvoi vers illustre le modèle de soutien conçu par l’AAIDD. Ce modèle montre les deux fonctions globales du soutien individualisé. La première rend compte des écarts entre les capacités de la personne et les attentes de son environnement ; la seconde vise la bonification des résultats personnels en améliorant le fonctionnement de la personne.
Figure 16.2 Modèle de soutien (d’après Comité AAIDD, 2014renvoi vers, p. 114)
Il est à noter que le soutien en tant que tel, est tout à fait normal dans la vie de toute personne. Dans nos sociétés complexes, personne n’est capable de fonctionner sans le soutien d’autres personnes et d’institutions. Les personnes présentant une DI ont des besoins supplémentaires et différents (spéciaux) pour pouvoir fonctionner comme membres de la société et pour atteindre une qualité de vie satisfaisante.
Pour identifier ces besoins spéciaux (c’est-à-dire des besoins supplémentaires et particuliers en relation avec la DI), l’examen diagnostique classique doit être étendu à un examen des besoins de soutien. Les problèmes de fonctionnement entraînant des besoins particuliers pour pouvoir fonctionner en tant que personne « valide » et participer à la société, il est ainsi nécessaire d’identifier ces besoins et leurs intensités (Thompson et coll., 2009renvoi vers et 2010renvoi vers ; Schalock et coll., 2010renvoi vers). Le postulat de cet examen est que le fonctionnement humain se trouve amélioré quand l’incongruence entre la personne et son environnement est réduite. La réduction de cette incongruence est précisément l’objectif du soutien.

Instruments

Il existe à présent deux instruments qui rendent opérationnelle la notion de besoin de soutien : l’échelle d’intensité de soutien (SIS-F) et le I-Can.

Échelle d’intensité de soutien (SIS-F)

L’échelle d’intensité de soutien (AAIDD, 2007renvoi vers) est la traduction française du Supports Intensity Scale (SIS), publiée en 2004 par Thompson et collrenvoi vers. Elle permet de mettre en évidence la structure et d’opérationnaliser la notion de besoin de soutien. Elle comprend 7 domaines d’activités du fonctionnement humain qui sont compatibles avec la notion de qualité de la vie :
• activités de la vie quotidienne ;
• activités communautaires ;
• activités d’apprentissage ;
• activités reliées au travail ;
• activités reliées à la santé et à la sécurité ;
• activités sociales ;
• protection et défense des droits.
La SIS prend aussi en considération deux domaines spécifiques qui peuvent affecter considérablement le fonctionnement et les besoins de soutien d’une personne :
• besoins exceptionnels de soutien médical ;
• besoins exceptionnels de soutien comportemental.
La SIS comporte 9 sous-échelles et restitue un profil des besoins de soutien ainsi qu’un index général (score total des composantes). Elle permet d’évaluer d’une manière standardisée l’intensité des besoins de soutien d’une personne avec une DI et de situer la personne par rapport à la distribution générale de résultats de la population de personnes présentant une DI.
La SIS répond aux critères de validité et fiabilité (Bossaert et coll., 2009renvoi vers ;
Lamoureux-Hebert et Morin, 2009renvoi vers ; Kuppens et coll., 2010renvoi vers).

I-Can

Le I-Can (Arnold et coll., 2009renvoi vers ; Riches et coll., 2009renvoi vers) est un instrument australien inspiré par la CIF (OMS, 2001renvoi vers).
Une première section est conçue pour identifier les aspirations, les objets de vie de la personne aussi bien que sa situation actuelle en termes de famille, travail, école, relations, santé et la description du réseau social de la personne (activité similaire à l’étape 1, figure 16.1Renvoi vers).
Une deuxième section est réservée à l’identification des besoins de soutien relatifs à la santé physique et mentale. Le I-Can suit les domaines de la CIF concernant les « Structures et Fonctions Corporelles ». Les problèmes comportementaux y sont inclus.
Une troisième section aborde les besoins de soutien relatifs au domaine d’« Activité et de Participation » de la CIF, notamment l’application d’habiletés dans la vie quotidienne, la communication, la vie domestique, la mobilité, les interactions sociales et les relations, l’éducation et la formation continue, la vie sociale et civique. Le I-Can connaît deux catégories de scores : la fréquence du soutien requis et le niveau de soutien.
Le I-Can n’aboutit pas à un index ou à des scores normalisés. Il est plutôt un instrument qui peut servir de guide pour un examen/interview clinique.

Ressources de soutien

Les éléments essentiels dans un plan de soutien sont les ressources sur lesquelles les stratégies de soutien peuvent s’appuyer. En termes d’accompagnement, ces ressources ne sont pas limitées aux services professionnels ou « payés ». Il est important de distinguer plusieurs types de ressources qui peuvent contribuer aux activités de soutien (figure 16.3Renvoi vers).
Figure 16.3 Ressources de soutien
La personne elle-même, ses habiletés et ses atouts même relativement modestes représentent une source d’activité et d’engagement dans le cadre d’un plan de soutien. Cela permet de s’entendre avec la personne sur une contribution ou un effort personnel pour atteindre des objectifs.
Ensuite, la famille et les proches de la personne constituent des sources de soutien. Dans la pratique, ce sont très souvent les parents et la famille qui offrent la majeure partie du soutien requis par une personne avec une DI. Une autre source de soutien informel est par exemple les collègues (au travail), les autres élèves (en école), les amis (dans des clubs sportifs). Les services génériques comme les médecins, les services communaux, les clubs sportifs, la bibliothèque, les associations culturelles… sont des ressources potentielles pour faciliter la participation sociale. Enfin viennent les services spécialisés.
Chaque cercle de soutien contribue à une combinaison appropriée de ressources en vue des objectifs choisis. Il est aussi utile de considérer l’appui que pourrait offrir un service spécialisé à un cercle de soutien, par exemple, en termes de connaissances ou d’assistance à la famille, au club sportif… pour permettre d’offrir leur soutien d’une manière plus efficace.

Plan de soutien

La fonction des plans de soutien (Comité AAIDD, 2014renvoi vers) est d’identifier les ressources et les stratégies qui vont permettre d’atteindre l’équilibre entre les défis rencontrés dans la vie quotidienne par la personne avec une DI et ses expériences de vie en lien avec les opportunités qui lui ont été offertes (résultats personnels). Un plan de soutien est alors différent d’un « plan de réussite » qui met l’accent sur l’acquisition d’habiletés et décrit d’une manière plus ou moins détaillée les étapes qui permettront d’atteindre certains objectifs.
Un plan de soutien est aussi différent d’un plan de service. Des services sont des moyens organisés en vue d’offrir du soutien, des thérapies ou d’autres formes d’assistance. Dans un plan de soutien, on peut faire référence à un plan de service mentionnant les types de service et le nombre d’heures d’intervention auprès d’une personne présentant une DI. La planification de services dans un plan de soutien sert à identifier les fournisseurs de service qui peuvent offrir le soutien requis ou d’autres types d’assistance (Comité AAIDD, 2014renvoi vers).
Une qualité caractéristique d’un plan de soutien est qu’il s’agit d’un travail d’équipe auquel peuvent participer la personne, ses proches (parents, famille, personnes importantes) et des fournisseurs de soutien professionnels ou bénévoles.
Le statut d’un plan de soutien est alors un ensemble d’ententes entre des personnes et des institutions qui s’engagent à assister et à soutenir la personne en situation de DI. Comme l’explique Racine-Gagne (2010renvoi vers), une telle collaboration peut être caractérisée par un partenariat où la confiance entre les différents participants, la reconnaissance de la contribution parentale et une vision commune du bien-être/qualité de vie de la personne en situation de DI sont des facteurs essentiels. Comme le montre aussi Racine-Gagne, un modèle socio-écologique peut favoriser la compréhension, la mise en pratique et l’utilisation de plans de soutien. Un plan de soutien peut être considéré comme un instrument de dialogue entre la personne en situation de DI, ses proches et des personnes et des organisations d’accompagnement professionnel.
Bien que la littérature soit univoque sur la nécessité d’un plan de soutien, même les manuels de l’AAIDD ne donnent pas de format précis, ni de suggestions ou d’exemples pour sa rédaction. À partir des réglementations officielles et du consensus des acteurs concernés (associations de personnes avec une DI, associations de parents, fonctionnaires en charge du suivi de la qualité des services, de l’inspection des services de santé) dans le contexte des services pour les personnes avec une DI aux Pays-Bas, Herps et coll. (soumis pour publicationrenvoi vers) proposent une liste de caractéristiques considérées comme importantes pour un plan de soutien (tableau 16.Irenvoi vers).

Tableau 16.I Liste des caractéristiques considérées comme importantes pour un plan de soutien

Aspect
Caractéristiques
Contenu
Besoins et souhaits de la personne
Objectifs par rapport à une amélioration de la qualité de la vie
Ressources et stratégies pour arriver aux objectifs souhaités
Médicaments
Mesures de restreinte et méthodes de contention (y compris la perspective de la personne)
Risques et mesures de prévention
Résumé de l’examen des problèmes de fonctionnement (motifs pour demander du soutien professionnel)
Besoins de soutien au sujet des relations intimes et de la sexualité (souvent omis des plans)
Processus
La personne ou au moins un représentant de la personne doit être impliqué
Le plan suit un Plan-Do-Check-Act cycle
Le plan est accordé par la personne et son représentant
Évaluation annuelle au minimum Le professionnel responsable pour (la gestion du) plan de soutien sera mentionné
Le plan de soutien fait partie du dossier du client au service
Une équipe multidisciplinaire sera impliquée
Qualité
Le processus/la procédure (pour arriver à un plan) sera décrit et disponible
Le processus/la procédure du plan de soutien sera évalué régulièrement
Un plan de soutien sera en place au plus tard dans 6 semaines après le commencement de service
La vie privée de la personne sera respectée
Approche centrée sur la personne
Le plan sera compréhensible pour la personne et/ou son représentant
La personne et/ou son représentant fait partie du processus complet de développement, implémentation et évaluation du plan
La personne concernée sera traitée dans un esprit d’égalité
La personne et ses représentants auront l’opportunité de se préparer au développement et à l’évaluation du plan de soutien
La personne sera mise en mesure de faire des choix concernant les objectifs, les ressources et les stratégies de son plan de soutien
La personne est en possession de son plan de soutien (accès direct)
La personne est considérée dans le contexte de son réseau social
Fonctionnel
Promouvoir une approche centrée sur la personne
Promouvoir le professionnalisme
Promouvoir la responsabilité

Alignement des éléments

On peut se demander quels liens existent entre de nouveaux concepts émergents comme le « soutien », le « besoin de soutien », la « qualité de vie » et les notions classiques de diagnostic et d’évaluation du fonctionnement (cf. aussi chapitre « Terminologie, définitions, classifications ») et leur sens pour la pratique professionnelle.
La pratique professionnelle clinique de l’accompagnement peut être organisée autour de 4 questions centrales (Buntinx et Schalock, 2010renvoi vers ; figure 16.4Renvoi vers) :
• quels sont les problèmes et les forces du fonctionnement de la personne ? Évaluation (diagnostic) de l’intelligence, du comportement adaptatif, de la situation sociale (relations, réseau social), de la santé et de l’étiologie, des facteurs environnementaux (physique, social, attitudes, budgets) et personnels (sexe, race, âge, style de vie, habitudes, éducation, événements passés et présents de la vie, caractère) ;
• quels sont les besoins de soutien de la personne ? Évaluation de l’incongruence entre la compétence de la personne et les attentes de son environnement, prise en considération de son âge et de sa culture ; identification des expériences de vie de la personne et des objectifs souhaités ;
• comment planifier le soutien ? Congruent aux besoins de soutien : prioriser les objectifs et les besoins de soutien ; identifier les ressources de soutien requises ; écrire un plan ; monitorage du plan ;
• quels sont les résultats des interventions de soutien ? A quel point ont été atteints les résultats personnels souhaités ; dans quelle mesure la personne a-t-elle profité du soutien offert ; comment a été améliorée la qualité de sa vie 1
Figure 16.4 Relations entre les fonctions cliniques de la prise en charge
Bien qu’on puisse imaginer que le processus clinique s’organise dans l’ordre des 4 questions proposées, dans la pratique, certains éléments représentent des aspects du processus qui peuvent être activés pendant tout le processus d’accompagnement. Parfois, il sera souhaitable de répéter un aspect du diagnostic ou de l’analyse des besoins de soutien même si la réalisation du soutien est bien avancée. Il s’agit d’abord d’un modèle mental.
Pour chaque question, des modèles peuvent servir de cadres de référence :
• Question 1 : modèle du fonctionnement humain de l’AAIDD ou la CIF ;
• Question 2 : modèle de besoins de soutien (figures 16.1Renvoi vers, 16.2Renvoi vers ; les domaines de la SIS) ;
• Question 3 : pas de modèle standardisé disponible ; utilisation comme domaines de soutien du modèle de qualité de la vie ;
• Question 4 : modèles de qualité de la vie (par exemple : Schalock et Verdugo Alonso, 2002renvoi vers et 2008renvoi vers).

Évaluation

À l’heure actuelle, il existe peu d’études d’évaluation de la pratique de plans de soutien individuels. Herps et coll. (2013renvoi vers) ont mené des entrevues avec 61 personnes en situation de DI légère qui bénéficiaient des services professionnels résidentiels aux Pays-Bas. Parmi les personnes interviewées, 82 % ont dit être impliquées dans le processus du plan individuel d’une manière ou d’une autre, 57 % ont rapporté avoir effectivement assisté à une réunion avec les professionnels au sujet de leur plan de soutien. Les personnes avaient eu rarement l’occasion d’inviter à cette réunion, une personne de confiance susceptible de les soutenir et d’être leur porte-parole. Par ailleurs, les interviewés indiquaient que les conversations se déroulaient surtout entre les professionnels et dans un jargon professionnel. Cette étude rapporte que 34 % des interviewés étaient effectivement en possession de leur plan de soutien ; 74 % des interviewés considéraient leur plan de soutien comme important quand 21 % supposaient qu’un plan de soutien est un instrument pour les professionnels, en tout cas, un instrument qui a peu à voir avec leur vie personnelle.
Carnaby (1997renvoi vers) constate que le plan de soutien est souvent un instrument des services plutôt qu’un instrument de consensus sur les services et le soutien convenu entre la personne en situation de DI et un service professionnel.
Comme Herps et coll. (2013renvoi vers) le montrent, le plan de soutien est principalement un instrument sous la responsabilité du service : le fournisseur de soutien professionnel est responsable du processus et des résultats du plan.
Aux Pays-Bas par exemple, ce sont les organisations des services de soins et du soutien aux personnes avec une DI qui sont juridiquement responsables des plans de soutien. Il est aussi possible qu’un plan de soutien soit rédigé sous la responsabilité d’une agence extérieure du service (résidentiel, centre de soins de jour/garderie…) dans une régie partagée entre professionnels et les personnes concernées telle que proposée par Racine-Gagne (2010renvoi vers). En France, le système des Commissions des droits et de l’autonomie pour des personnes handicapées (CDAPH) sont de bons exemples de la formulation indépendante d’un projet personnalisé de scolarisation.
Après la rédaction d’un plan, les services génériques comme professionnels sont recherchés pour le mettre en œuvre. Le fournisseur de services est ainsi dans une position qui lui permet de moins influencer ou « dicter » les besoins et les « services achetés ». Le processus de soutien ne doit servir que les intérêts de la personne, les stratégies de soutien doivent être créées autour de ses besoins et il ne doit pas être recherché à insérer la personne dans le service. À cet égard, on peut signaler l’initiative en Belgique des « Services de Plans de Soutien », services indépendants qui s’occupent d’éclaircir les questions des personnes en situation de handicap et de leurs familles, d’identifier les besoins de soutien et les ressources de la personne avec une déficience intellectuelle comme base du plan de soutien (Colla et Maes, 2013renvoi vers).

Développements politico-sociaux

La Déclaration universelle des droits de l’homme en 1947 par les Nations Unies marque l’adoption de principes fondamentaux pour l’organisation des sociétés en garantissant des droits égaux à toute personne, c’est-à-dire y compris les personnes en situation de handicap. Néanmoins, il parut nécessaire de renforcer l’application de ces droits aux personnes handicapées et de déclarer spécifiquement que le « déficient mental » doit, dans toute la mesure du possible, jouir des mêmes droits que les autres êtres humains. S’en est suivi alors, en 1971, la Déclaration « des droits du déficient mental », puis en 1975, la Déclaration sur les droits des personnes handicapées qui définissent des normes pour l’égalité de traitement de ces personnes et leur accès à des services leur permettant d’accélérer leur insertion sociale. Pourtant, « être en possession de droits » ne suffit pas à garantir l’accès à la société, ni la mise en place de mesures et de services nécessaires. Ces déclarations ont été suivies en 1993 d’une résolution des Nations Unies sur les règles pour l’égalisation des chances des personnes handicapées, règles qui expliquent les conditions qui doivent être mises en place pour réaliser les droits.
Enfin en 2006, ces règles non obligatoires de 1993 ont été suivies de la « Convention relative aux droits des personnes handicapées » (CDPH) qui présente un cadre universel et juridiquement obligatoire pour les législations nationales des nations parties de l’ONU. Cette convention consiste en 50 articles demandant que les États Parties prennent des mesures appropriées pour assurer aux personnes en situation de handicap : le droit de la famille, y compris le mariage et l’adoption, et la protection contre la stérilisation contrainte ; le droit à l’éducation sans discrimination ; le droit à la communication améliorée et alternative ; le droit à la santé sans discrimination et l’accès à un service de santé de même qualité que la population en général ; le droit au travail ; le droit de protection contre la discrimination et le harcèlement ; le droit au travail et l’interdiction du travail forcé ; le droit à la protection sociale ; le droit à la participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports.
La Convention demande que les États Parties prennent des mesures pour donner aux personnes handicapées la possibilité de développer et de réaliser leur potentiel créatif, artistique et intellectuel, non seulement dans leur propre intérêt, mais aussi pour l’enrichissement de la société. Aussi, les personnes handicapées ont droit, sur la base de l’égalité avec les autres, à la reconnaissance et au soutien de leur identité culturelle et linguistique spécifique, y compris les langues des signes et la culture des sourds.
La Convention détermine la coopération internationale dans un comité des droits des personnes handicapées auquel les personnes handicapées elles-mêmes peuvent participer. Ce Comité est un organe composé d’experts indépendants qui surveille l’application de la Convention par les États Parties. Chaque État doit présenter au Comité un rapport détaillé sur les mesures qu’il a prises pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la présente Convention et sur les progrès accomplis à cet égard, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État Partie intéressé.
L’Union Européenne a signé la Convention le 30 mars 2007. La Convention s’applique à l’Union sur l’étendue de sa compétence dans les domaines régis par la convention. La stratégie de l’Union Européenne pour la période 2010-2020 s’occupe de soutenir la Convention et de faciliter ses objectifs. Le rapport Getting a Life-Living Independently and Being Included in the Community contient une analyse des possibilités du EU Structural Funds pour contribuer à la mise en œuvre de la Convention. L’Union Européenne suit d’une manière systématique le progrès des États européens en ce qui concerne la mise en place de la Convention (Union Européenne, 2012renvoi vers).
La signification de cette Convention pour la prise en charge ne peut pas être sous-estimée. Elle forme le cadre socio-politique et précise implicitement la mission des disciplines et services professionnels pour contribuer à la valorisation du fonctionnement des personnes ayant une DI dans un esprit d’égalité sociale et à leur inclusion dans la société. Pour l’accompagnement, il est important de se rendre compte que les valeurs sous-jacentes de la Convention et de la notion de qualité de la vie sont les mêmes (tableau 16.IIrenvoi vers).

Tableau 16.II Relations entre les domaines de qualité de vie et les articles de la Convention des Nations Unies (2006)

Domaines de qualité de vie
Articles de la Convention relative aux droits des personnes handicapées
Développement personnel
Art 24
Autodétermination
Art 14, 19, 21
Relations interpersonnelles
Art 23
Inclusion sociale
Art 8, 9, 18, 20, 27, 29, 30
Droits
Art 5, 6, 7, 10, 11, 12, 13, 15
Bien-être émotionnel
Art 16, 17
Bien-être physique
Art 16, 25, 26
Bien-être matériel
Art 22, 28
Cette mission a bien été exprimée par Michael Bach, le vice-président de l’Association Canadienne pour l’Intégration Communautaire dans son discours à la plénière d’ouverture du Congrès mondial de l’Association internationale pour l’étude scientifique de la déficience intellectuelle, à Halifax, le 9 Juillet 2012, quand il a demandé à la communauté scientifique de faire que la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées soit un point de départ pour la recherche, et de se concentrer non pas sur les questions de « si » les personnes ayant une déficience intellectuelle peuvent être pleinement comprises, mais plutôt « comment » faire pour que cela se produise1 .
La signification de la Convention pour l’accompagnement est telle que ses valeurs fondamentales sont universellement reconnues et acceptées par la vaste majorité des nations comme cadre pour leur législation sociale. Ces valeurs sont complètement compatibles avec le but de l’intervention professionnelle individuelle qui devrait s’occuper d’identifier le soutien requis d’une personne avec une DI et ensuite, de mettre en place un soutien individuel approprié pour promouvoir la qualité de vie de cette personne. Aussi, de la ratification de la Convention suit l’obligation des États de faciliter la mise en place de services appropriés pour assurer une position d’inclusion et non de ségrégation de la société.

Évaluation

Bien que les développements de la politique officielle au niveau des Nations Unies et de l’Union Européenne laissent espérer une avancée vers la réalisation des objectifs d’inclusion et de participation, Cumella (2010renvoi vers) souligne que la politique est fortement formulée en termes généraux et abstraits et en intentions et principes. Il signale un écart entre les préconisations de la politique et la pratique : dans les services professionnels, on peut observer que les valeurs de la politique sont peu traduites dans la vie quotidienne des personnes, dans leurs activités, la communication et leurs relations avec le personnel accompagnant. Cet écart est souvent expliqué par le degré de déficience des personnes. Un problème sérieux dans les services professionnels de soutien est de combler l’écart entre la politique et la pratique.
Malgré l’importance de la législation, les effets de son application ne doivent pas être surestimés. Des lois peuvent « ouvrir des portes » mais ne peuvent pas garantir ce qui va arriver quand une personne entre par « cette porte » (Reinders, 1997renvoi vers). Bien que des lois puissent ouvrir une perspective sur l’inclusion, beaucoup de créativité et de travail seront nécessaires afin de réaliser ses objectifs.
Il manque des études systématiques sur l’évaluation des mises en place des politiques publiques, et également une approche qui implique les disciplines pertinentes de la politique publique et de l’éthique, dans la pratique comme dans les recherches. Cumella signale le risque d’un isolement intellectuel des chercheurs et des professionnels dans le domaine de la déficience auxquels manquent des perspectives de politique sociale, de sciences sociales et d’économie. L’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société implique une collaboration entre disciplines qui va au-delà des disciplines classiques du champ du handicap (comme la psychologie, la pédagogie, la médecine) et qui s’étend à d’autres disciplines, comme le droit, l’économie, les sciences sociales et surtout l’éthique.

Développements des services professionnels

L’histoire moderne des services spécialisés pour personnes ayant une DI commence avec les travaux de Pinel et Itard en France, puis de Seguin aux États-Unis. Au xixe siècle, le but des premiers services spécialisés était d’humaniser l’existence des personnes ayant une DI, tout d’abord par l’éducation qui devait aboutir à l’intégration dans la société en tant que citoyens productifs. En Suisse, Guggenbühl dirigeait un établissement avec l’idée d’éduquer mais aussi de « traiter » voire, « guérir » des personnes avec une DI. Saegert a mis en place des services en Allemagne, Connoly et Reid en Angleterre. Seguin a exporté les idées sur l’éducation de personnes présentant une DI vers les États-Unis après son émigration en 1850 (Braddock, 2002renvoi vers ; Cumella, 2010renvoi vers). À l’origine, les services étaient plutôt de taille réduite et se trouvaient dans les communautés. Malgré une expansion de ces services, la majorité des personnes avec une DI résidait en famille, ou en asiles. L’industrialisation, l’accroissement de la population et les migrations de régions rurales vers des régions urbaines, ont contribué à une surpopulation dans les services originaux qui a conduit à une détérioration de leur travail voire à une perte de confiance dans la conception initiale des services. À la fin du 19e et au début du xxe siècle, le caractère des institutions a changé, passant d’une « nécessité regrettable » à une incarcération tout au long de la vie, parfois justifiée par des théories eugéniques (Cumella, 2010renvoi vers). Cette période peut être caractérisée par un pessimisme reflété par une baisse de publications (aux États-Unis) sur le traitement et les soins en faveur de publications sur l’architecture des institutions et la gestion d’un grand nombre de résidents (Braddock, 2002renvoi vers). Bien que la théorie eugénique ait été contestée et n’ait pas influencé l’histoire des institutions partout en Europe, c’est surtout le consensus politique concernant l’égalité et les droits universels de l’homme qui ont influencé la demande d’intégration de toute personne sans aucune discrimination quelle qu’elle soit.
Ces idées ont inspiré une troisième vague de visions sur les services spécialisés soutenue par quatre moteurs de changement :
• premièrement, une réaction aux scandales publics liés à une moins bonne qualité des institutions et de leurs pratiques de soins, et aux résultats d’enquêtes officielles (surtout en Angleterre et aux États-Unis) sur les institutions résidentielles ;
• deuxièmement, l’avènement de mouvements de parents qui s’opposaient aux institutions ;
• troisièmement, la nouvelle vision de la « normalisation » qui a vu le jour en Scandinavie formulée d’abord par Bengt Nirje, Niels Bank-Mikkelson et Carl Grunewald et élaborée plus tard par Wolfensberger aux États-Unis ;
• et quatrièmement des recherches qui montraient la supériorité de services en milieu ordinaire comparée aux institutions, en termes de développement, de climat éducatif, de développement d’habiletés (King et coll., 1971renvoi vers ; Cumella, 2002).
Cette troisième vague a conduit à un accroissement de l’intérêt scientifique et professionnel aussi bien qu’à des investissements considérables dans la professionnalisation et la qualité des services.

Désinstitutionnalisation et décentralisation

Au début du xxe siècle, le nombre et la taille des institutions augmentaient partout en Europe. À partir des années 1960, la situation change en faveur de services en communauté (c’est-à-dire hors institution). Bien que décrire ce mouvement dans une perspective historique soit important, il est plus important encore d’évaluer la situation présente au vu des études sur la désinstitutionnalisation et le fonctionnement de services en communauté. Cela l’est d’autant plus que la Convention (CDPH) et particulièrement l’article 19, définit l’agenda international de l’accompagnement en termes de politique sociale et services de soutien. Cet article 19 dit que : « Les États Parties à la présente Convention reconnaissent à toutes les personnes handicapées le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes, et prennent des mesures efficaces et appropriées pour faciliter aux personnes handicapées la pleine jouissance de ce droit ainsi que leur pleine intégration et participation à la société, notamment en veillant à ce que :
• les personnes en situation de handicap aient la possibilité de choisir, sur la base de l’égalité avec les autres, leur lieu de résidence et où et avec qui elles vont vivre et qu’elles ne soient pas obligées de vivre dans un milieu de vie particulier ;
• les personnes en situation de handicap aient accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et à d’autres services sociaux d’accompagnement, y compris l’aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société, de s’y insérer et pour empêcher qu’elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation ;
• les services et équipements sociaux destinés à la population générale soient mis à la disposition des personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, et soient adaptés à leurs besoins ».

Désinstitutionnalisation en chiffres

Scandinavie

Le remplacement d’institutions par des services en milieu ordinaire s’est effectué d’une façon très avancée en Scandinavie. Tøssebro et coll. (2012renvoi vers) montrent qu’à partir des années 1960, les pays Scandinaves ont d’abord choisi une politique d’amélioration de leurs institutions, par exemple en réduisant leur taille, avant de se diriger dans les années 1990 vers une désinstitutionnalisation complète, voire un remplacement des institutions par des services (spéciaux) situés dans la société (figure 16.5Renvoi vers : montrant le rythme de remplacement de places en institution par des places dans de petits groupes, voir p. 881). La taille d’un foyer est de 4 ou 5 membres, suivant le modèle de petit groupe de Carl Grunewald, pour assurer une dynamique de groupe « normale » et pas « déviante » dans la communauté, parmi leurs concitoyens.
Par ailleurs, la responsabilité des services a été décentralisée vers le niveau local des municipalités : depuis 2011, dans tous les pays Scandinaves, les services pour les personnes ayant une DI sont sous une responsabilité locale.
Tøssebro et coll. (2012renvoi vers) signalent une augmentation récente du nombre de personnes par groupe : de 3,8 en moyenne en 1990 vers 7 en 2010 ; en 2012, 40 % des personnes concernées vivent dans des groupes d’une taille supérieure à 7. Les nouveaux groupes constitués après 2000, ont une taille moyenne de 25 habitants, ce qui aurait été impossible dans les années 1990 du fait des idées de normalisation. Les auteurs signalent que ces changements seraient liés à des raisons économiques (réductions de budgets). Aussi, les municipalités ont tendance à choisir un modèle standardisé pour l’accueil de différentes populations nécessitant un accueil spécialisé, comme les personnes avec des problèmes psychiatriques, ou les personnes âgées. Inspiré par le New Public Management, il y a aussi une tendance à comparer les coûts entre les municipalités (benchmarking) et à favoriser des solutions plus économiques.

Royaume-Uni

En Angleterre et dans le Pays de Galles, une désinstitutionnalisation importante a eu lieu dans les vingt-cinq dernières années du xxe siècle (figure 16.6Renvoi vers, communication personnelle Felce et coll., 2008). Les institutions ont été remplacées par des foyers collectifs en milieu ordinaire mais aussi par des unités d’hébergement supervisées groupées afin d’apporter des services à un plus grand nombre de personnes par une même équipe de personnels de soutien ou d’organisation. Les services groupés sont moins chers car ils offrent moins d’heures d’assistance par du personnel (Mansell et Beadle-Brown, 2009renvoi vers). En plus, les habitants ont plus de risques d’avoir un accompagnement inconsistant du fait de l’utilisation de services d’hébergement de courte durée et du recours accru à du personnel non permanent ; ils subissent plus de restrictions, risquent de mener des vies plus sédentaires, de connaître un éventail moins large d’activités de loisirs et des activités sociales avec des amis (Emerson, 2004renvoi vers).
Figure 16.5 Remplacement de places en institution (inst) par des places dans de petits groupes en communauté (cc) en Scandinavie (d’après Tossebro et coll., 2012renvoi vers)
Figure 16.6 Évolution de la capacité des institutions traditionnelles (hôpitaux) en Angleterre et Écosse de 1980 à 2002 (source : communication personnelle de David Felce à Wil Buntinx, 2013)

Autres pays en Europe

Pour les pays mentionnés, la question de l’institutionnalisation (oui ou non) a été résolue, pour les autres pays européens, les données sont moins claires. Pour des pays de l’Europe de l’Est, la question de l’institutionnalisation n’a guère été traitée. Dans d’autres pays comme les Pays-Bas, la Belgique et la France, le débat continue (Mansell et coll., 2010renvoi vers). Le rapport européen « Included in Society »2 de 2004 offre une analyse des conditions d’hébergement et des données de prévalence des grandes institutions résidentielles pour personnes handicapées dans 25 pays d’Europe. Les résultats cependant ne sont pas représentatifs pour les pays considérés et représentent plutôt des exemples que des données statistiques.
Se pose en plus la question de la définition d’une institution. Par exemple, en 2007, aux Pays-Bas, 46 296 personnes avec une DI résident officiellement en institutions (Van der Kwartel, 2009renvoi vers). Bien qu’en 2002 au moins 38 % de ces personnes vivaient déjà en groupe dans des foyers en communauté (Buntinx, 2004renvoi vers), leur nombre était considéré d’un point de vue administratif comme résidant dans des institutions. Pour compliquer cette analyse, il existe aussi en dehors du régime administratif d’institution, une population bénéficiant de services résidentiels de foyers en communauté qui ne sont pas inclus dans les statistiques des institutions. Leur nombre en 2008 était de 20 835. Le nombre total des personnes qui utilisent des services résidentiels est alors de 67 131 (Van der Kwartel, 2009renvoi vers, p. 16). Après 2008, les statistiques ne font plus la distinction entre la population des institutions et celle des foyers en communauté. Le rapport périodique de 2011 ne mentionne que le nombre de personnes utilisant les services résidentiels soit 60 636 (Van der Kwartel, 2011renvoi vers). Les statistiques à partir de ce moment ne mentionnent que les catégories de remboursement/allocation de moyens sans référence aux lieux de vie.

États-Unis

Aux États-Unis, l’évolution des services résidentiels a été très marquée. En 1977, il y avait un total de 9 303 établissements résidentiels (foyers) en communauté offrant un service à 16 % de tous les clients. À partir de 1982, il est observé une expansion rapide de ces services en communauté, suivie d’une diminution du nombre de clients par foyer. En 2007, 14 % de toutes les personnes présentant une DI et utilisant un service résidentiel, habitaient dans un foyer de plus de 16 personnes ; 72 % vivaient dans un foyer de 1 à 6 habitants (Alba et coll., 2008renvoi vers). Entre 1965 et 2002, la totalité des populations en institution s’est réduit de 75 % (Braddock, 2002renvoi vers ; Buntinx, 2004renvoi vers).

Désinstitutionnalisation/vie en communauté : conséquences et descriptions comparatives

Dans leur revue de la littérature, Mansell et coll. (2010renvoi vers) signalent que le processus de désinstitutionnalisation le plus avancé est en Scandinavie, aux États-Unis, au Canada, en Angleterre et en Australie. Selon ces auteurs, les caractéristiques principales des institutions étaient :
• de grands établissements prenant soin de centaines voire de milliers de personnes ;
• l’isolement physique et social par rapport à la communauté ;
• la difficulté pour les résidents de quitter l’établissement et d’aller vivre ailleurs ;
• des conditions matérielles moins favorables pour les résidents comparées à celles de la plupart des personnes vivant dans la communauté.
Le régime des soins dans les institutions a été typiquement décrit comme un climat de dépersonnalisation, de rigidité de la routine, de traitement en groupe, de distance sociale et de paternalisme (King et coll., 1971renvoi vers). Ce régime reflète une attitude du personnel pour maintenir l’ordre et faire face à sa tâche. Ces pratiques renforçaient l’attitude générale de la population à l’égard des résidents comme étant des personnes différentes des autres et moins estimables.
En contraste, vivre en communauté était défini comme :
• l’hébergement en milieu ordinaire bien accessible et approprié ;
• l’utilisation d’une gamme de commodités aussi disponibles que pour la population ;
• la possibilité de choisir avec qui et comment vivre ;
• des services de soutien à la portée des personnes en situation de DI pour rendre possible leur participation dans la communauté.
Mansell et coll. (2010renvoi vers) présentent un résumé d’études comparatives des deux types de résidence. Il s’agit d’études longitudinales de personnes ayant quitté une situation d’institution pour aller vivre en communauté (avant-après), aussi bien que d’études comparatives des types de service et d’études qualitatives d’évaluation de personnes ayant une DI, utilisant des services en communauté.
Les résultats principaux sont affichés dans le tableau 16.IIIrenvoi vers.

Tableau 16.III Études comparatives de deux types de service résidentiel (d’après Mansell et coll., 2010renvoi vers)

Études N = nombre d’études Pays
Amélioration
Recul-régression Résultats mixtes ou incertains
Pas de différence significative
Kim et coll., 2001renvoi vers
N = 19 (longitudinales)
États-Unis
Comportement adaptatif (13)
Problèmes de comportement (10)
Comportement adaptatif (2)
Problèmes de comportement (5)
Comportement adaptatif (4)
Problèmes de comportement (4)
Emerson et Hatton (1994renvoi vers)
N = 71
Royaume-Uni
Habiletés
Développement personnel
Problèmes de comportement observés
Participation
Engagement dans des activités intéressantes
Contact avec le personnel de prise en charge
 
Problèmes de comportement rapportés
Young et coll., 1998renvoi vers
N = 13
Australie
Comportement adaptatif
Satisfaction des clients
Participation
Contact avec famille et amis Interaction avec le personnel de prise en charge
Satisfaction des parents
 
Problèmes de comportement
Acceptation par la communauté Santé/mortalité
Beadle-Brown et coll., 2007renvoi vers
N = 12
International
Contacts avec la famille (voir aussi Stancliffe et coll., 2006renvoi vers ; McConkey et coll., 2007renvoi vers)
Contacts dans la communauté restent invariés
Réseaux sociaux des clients en communauté : 33 % des membres sont non liés au service, dont 14 % famille-réseaux sociaux ne deviennent pas plus inclusifs
Kozma et coll., 2009renvoi vers
N = 68
Royaume-Uni, États-Unis, et Australie principalement
Présence en communauté et participation
Réseau social et amitiés
Contact avec famille
Autodétermination
Choix
Qualité de la vie
Comportement adaptatif
Satisfaction clients et famille
Problèmes de comportement
Utilisation de psychotropes
Risques de santé (risque d’inactivité, fumer, mauvaise alimentation, obésité, exposition à la criminalité et aux abus)
Mortalité (en relation avec risques de santé)
 
Mansell et coll. (2010renvoi vers) signalent qu’il existe une grande variabilité de résultats pour des organisations du même type. Cette variabilité pourrait être liée en partie à l’hétérogénéité des caractéristiques des populations étudiées : les résultats sont moins concluants chez les personnes avec DI nécessitant des besoins de soutien intenses, ou ayant des problèmes de comportement ou encore un problème d’adaptation sociale.
Cependant, le facteur le plus important pour expliquer cette variabilité de résultats est lié à l’efficacité des actions de soutien du personnel d’accompagnement. Transférer la localisation du soutien de l’institution vers la communauté est une condition importante mais pas du tout suffisante pour améliorer les résultats du soutien.
Les conclusions présentées par Mansell et coll. (2010renvoi vers) sont :
• vivre en communauté offre une meilleure perspective pour améliorer la qualité de vie en général ;
• vivre en communauté n’est pas plus cher que vivre dans une institution si on prend en considération un même niveau de besoins et de qualité de soutien ;
• une vie réussie en communauté nécessite de donner beaucoup d’attention à la gestion du service et en particulier à la qualité et surtout à la performance du personnel d’accompagnement.
Les barrières à l’inclusion en milieu ordinaire sont les habiletés personnelles des personnes ; le niveau de fonctionnement intellectuel (niveau profond et lourd) (confirmé par Hamelin et coll. (2011renvoi vers) ; le rôle du personnel d’accompagnement et la gestion du service (règlementation et soutien offert pour sortir en communauté) ; la localisation de la maison par rapport à l’accessibilité aux transports, attitudes et facilités communales (confirmé par Abott et McConkey, 2006renvoi vers ; Beadle-Brown et coll., 2007renvoi vers ; Sherman et coll., 2013renvoi vers) ; l’incapacité financière pour participer à des activités de la communauté ; le manque d’acceptation et les attitudes négatives des concitoyens (Verdonschot et coll., 2009arenvoi vers).
Pour des personnes ayant une DI et habitant dans des services en communauté subsistent toujours des pratiques d’institutionnalisation entraînant moins de choix, d’autodétermination et d’inclusion. Donc, un « déménagement » en tant que tel, ne garantit pas la perte de la culture institutionnelle.
Échanger un modèle d’institution par un autre modèle qui consiste à vivre en milieu ordinaire n’est pas simplement une question de remplacement d’un type de bâtiment ou d’habitat par un autre. Le service doit être modelé soigneusement autour des besoins individuels des personnes.
Une méta-analyse incluant 23 études sur la désinstitutionnalisation par Hamelin et coll. (2011renvoi vers) confirme la tendance trouvée par Mansell et coll. : les personnes quittant une institution pour vivre en communauté (petit groupe partageant une maison ou un appartement) présentaient des gains modérés d’habiletés adaptatives. Pour les habiletés en communication et en développement physique, les gains sont très modérés. Les personnes avec une DI profonde et lourde ont moins bénéficié de ces changements (résultats statistiquement significatifs). Les auteurs signalent que la conception des études (notamment la composition de l’échantillon ; groupes semblables) influence les résultats. Des groupes de composition mixte par rapport au niveau de fonctionnement, l’utilisation de groupes comparables et aussi la durée des observations montrent des résultats plus favorables. Selon Hamelin et coll. (2011renvoi vers), beaucoup d’études sur la désinstitutionnalisation présentent des insuffisances, comme le peu de descriptions spécifiques de l’environnement en communauté (nombre et qualités du personnel d’accompagnement, nombre de résidents, budgets personnels). Cette observation mène les auteurs à conclure qu’après 20 ans de recherches dans le domaine du changement de services, nous connaissons très peu de facteurs qui pourraient favoriser un gain d’habiletés dans le fait de vivre en milieu ordinaire.
L’étude bien équilibrée de Perry et coll. (2005renvoi vers) rend compte de la qualité de vie de 154 personnes avec une DI, habitant dans 47 petits groupes dans la communauté. Ont été étudiés des indicateurs subjectifs et objectifs ainsi que des caractéristiques (structure, processus, méthode de travail) du personnel d’accompagnement. Les auteurs identifient trois types de facteurs :
• les facilitateurs de résultats positifs (estimés par la qualité de vie) : la performance et la méthode de travail du personnel sont plus importantes que les caractéristiques structurelles du foyer comme la taille (1-5 habitants) ; un niveau élevé de comportement adaptatif ;
• les facteurs indifférents : le ratio personnel-résidents ; l’étendue de l’attention du personnel pour les résidents. La relation entre les ressources (personnel disponible) et la qualité des résultats n’est pas évidente. Il existe une faible relation entre les indicateurs objectifs et subjectifs de la qualité de vie. Des mesures objectives et subjectives reflètent des fonctions potentielles différentes. Les mesures subjectives sont plus sensibles à la perturbation de la régulation homéostatique tandis que les mesures objectives sont plus sensibles pour évaluer la conception du service. Les auteurs ne trouvent pas de relation significatives entre le niveau des ressources et les résultats en termes de qualité de vie, ce qui ne veut pas dire que les ressources ne sont pas importantes, un niveau de base est nécessaire mais simplement ajouter des ressources ne garantit pas un accroissement de la qualité de vie des résidents ;
• les barrières : un niveau du comportement adaptatif plus réduit, le soutien du personnel ne pouvant pas compenser ce facteur.

Vivre en communauté (participation, intégration)

Une analyse systématique de la littérature incluant 23 études empiriques sur la participation de personnes avec une DI dans la communauté (Verdonschot et coll., 2009brenvoi vers) propose les conclusions qui peuvent être résumées comme suit :
• les personnes vivant en milieu communautaire participent davantage aux activités que les personnes vivant en milieu spécialisé ; néanmoins, la participation de ces personnes est toujours moindre que celle de personnes non-handicapées et de personnes présentant d’autres handicaps que la DI ; la participation aux activités se fait surtout en groupe et en présence d’un personnel d’accompagnement ;
• la participation à la vie domestique est largement ignorée dans les études (en foyer) ;
• les réseaux sociaux de personnes avec une DI sont plus restreints et intègrent surtout d’autres personnes avec une DI ;
• les personnes avec une DI sont 3 à 4 fois moins susceptibles d’avoir un emploi que des personnes sans handicap ; ceux qui ont du travail le trouvent pour la plupart dans des ateliers protégés ;
• l’intensité de participation augmente avec la durée de vie passée en communauté.
Dans une autre revue systématique de la littérature sur la participation de personnes avec une DI, Verdonschot et coll. (2009arenvoi vers) identifient les facilitateurs de participation suivants :
• les opportunités de choix ;
• les environnements variés et environnements stimulants ;
• les opportunités pour les personnes avec une DI de participer à la « politique du service » ;
• des tailles de structures résidentielles plus petites ;
• les opportunités pour l’autodétermination ;
• la présence de services d’orientation professionnelle ;
• l’engagement de la famille ;
• l’utilisation de technologie d’assistance ;
• des attitudes positives du personnel de prise en charge. Le rôle du personnel d’accompagnement et de gestion du service est aussi confirmé par McConkey et Collins (2010renvoi vers).
Un débat critique sur la notion « d’intégration » comme critère de qualité de vie souhaitée pour les personnes en situation de DI ainsi que sur les études de désinstitutionnalisation, est présenté par Robert Cummins et Anna Lau (2003renvoi vers). Dans une analyse de la littérature internationale sur la vie en communauté, ils arrivent aux conclusions suivantes sur la question de l’intégration.
Afin que l’intégration communautaire soit bénéfique pour la personne, il doit être question d’un « sens de la communauté » chez la personne. Ce « sens de la communauté » est une notion subjective qui fait référence aux relations personnelles et satisfaisantes avec des personnes avec qui on partage des intérêts. Dans ces conditions, des indicateurs objectifs rendant compte de contact avec la communauté (comme la localisation d’un service (maison, école, atelier), la taille d’un réseau social, le nombre d’activités en contact avec des gens de la communauté), ne sont pas des indicateurs valides d’intégration.
Pour beaucoup de personnes présentant une DI, la communauté qui pourrait produire un sentiment de communauté, n’est pas la communauté au sens large mais plutôt la famille et des groupes d’autres personnes en situation de DI.
Des études tenant compte de la satisfaction personnelle dans le domaine des relations sont indispensables.
Cummins et Lau critiquent l’interprétation de la notion d’ « intégration » limitée à la présence physique dans la communauté comme le font, selon eux, les fournisseurs de services. Des études montrent que, même si on vit en milieu ordinaire, les réseaux sociaux et les contacts avec des personnes en dehors de la famille et du personnel d’accompagnement du service, sont très réduits. Ils discutent et critiquent les hypothèses qui sous-tendent les bénéfices de vivre en communauté (p. 146) :
• « l’intégration est bénéfique pour la qualité de la vie des personnes avec une DI comme l’implique la théorie de la Normalisation ». Il est dangereux de considérer la désinstitutionnalisation comme base d’évaluation ou comme indicateur de qualité de vie si sont ignorés les conséquences sociales et surtout les besoins et les souhaits des personnes elles-mêmes ;
• « les ressources de la communauté seront plus facilement accessibles quand les groupes de personnes présentant une DI y seront visibles ». Cette hypothèse est incertaine, mais cet objectif peut être atteint par d’autres moyens, par exemple par des démarches auprès du gouvernement et des politiques locales ;
• « les générations futures vont profiter de l’intégration des personnes handicapées, la présence en communauté va améliorer les attitudes du public ».
Ceci n’est pas démontré car même dans une situation favorable, les intérêts des personnes handicapées restent une question éthique à considérer ;
• « l’intégration confère des avantages pour les personnes présentant une DI » ; les auteurs se demandent si la présence en communauté va inciter les concitoyens à créer des relations avec des personnes handicapées pour contribuer à leur propre qualité de vie ;
• « plus il y a intégration, mieux c’est (p. 149) », hypothèse soutenue par les politiques et les fournisseurs de services qui cherchent à formuler des objectifs d’intégration sans limite. C’est aussi une hypothèse résultant des études qui montrent que plus d’activités et de contacts en communauté sont préférables pour toutes les personnes en situation de DI.
Compte tenu des réflexions de Cummins et Lau, les résultats présentés par Thorn et coll. (2009renvoi vers) sont intéressants. Dans une grande institution de 556 résidents, les modèles de prise en charge ont été changés, favorisant la personnalisation de l’accompagnement par des plans individuels de soutien et promouvant des activités spontanées en communauté. En même temps, les processus d’allocation de ressources ont été simplifiés avec une réduction de leur rigidité pour favoriser des chances de contact en communauté. Les résultats montrent qu’il est possible de promouvoir et de maintenir des chances d’être en contact avec la communauté et de transformer un climat d’institution fermée en un climat de développement, de contacts avec la communauté en changeant surtout la culture des méthodes de travail (soutien) du personnel.
En Europe, les évolutions mixtes et hybrides des établissements rendent de plus en plus difficile l’évaluation de l’inclusion à partir du statut de l’établissement. Cependant, par exemple aux Pays-Bas, en 2002, selon la statistique officielle, le nombre de résidents avec une DI en institution était de 34 051 ; entre 15 % et 70 % de ces résidents (dépendant de la Province) et une moyenne de 38 % (au niveau national) résidaient déjà dans la communauté (en petit groupe) en dehors de l’établissement (Buntinx, 2004renvoi vers). À partir de cette date, il n’est même plus possible de produire des statistiques catégorisées suite au nombre de formules différentes de logement.
Il est à noter qu’avoir un logement dans la communauté n’est pas nécessairement synonyme de participation active individuelle.

Critique sur « l’intégration » comme « état favorable »

Dans leur revue de littérature, Cummins et Lau (2003renvoi vers) signalent que les gains de vivre en communauté ne sont pas très convaincants. Pour ces auteurs, les points les plus importants sont de savoir comment les gens s’estiment eux-mêmes et comment ils pensent leur propre vie. D’après leurs propres recherches, si les personnes avec une DI sont questionnées sur ce qu’ils trouvent important dans leur vie, ce n’est pas l’intégration en communauté mais les relations et les amitiés intimes qui sont le plus souvent nommées.
Dans la théorie de l’homéostasie de Cummins, le bien-être subjectif pour toute personne est maintenu dans une marge étroite par une combinaison de compétences et de mécanismes cognitifs qui défendent la personne contre des forces externes négatives. Pour des personnes ayant des compétences réduites, une exposition à un environnement communautaire (foyer, école, travail) peut causer du stress, surtout quand l’environnement est hostile, ce qui n’est pas rare. D’après Cummins et Lau, la littérature montre que l’intégration physique pourrait nuire aux personnes présentant une DI.
Si le « sens de la communauté », notion introduite par Cummins et Lau, est une notion importante, comment la faciliter ? L’exposition physique est une condition insuffisante pour réaliser le « sens de la communauté » et pourrait même aboutir à une forme d’aliénation. Aussi, même pendant des sorties dans la communauté, le contact social avec d’autres personnes (autres que des personnes handicapées et du personnel d’accompagnement) est minime. La question reste de savoir comment faciliter un sens de la communauté. Cummins et Lau décrivent quatre constats :
• le processus de normalisation implique en même temps une intégration physique et sociale (la dernière ne résulte pas automatiquement de la première) ;
• les réseaux sociaux des personnes présentant une DI sont moins larges que dans la population générale ;
• la plupart des membres du réseau social d’une personne avec une DI sont d’autres personnes avec une DI ;
• le bien-être est lié à la connectivité sociale, d’où la nécessité pour les interventions de viser et créer des opportunités sociales et l’apprentissage de compétences sociales, ce qui ne va pas sans problèmes.
L’extension des réseaux sociaux et des opportunités sociales n’est pas une garantie pour un plus grand bien-être ; ainsi le bien-être personnel doit être l’objectif principal d’interventions et non pas l’extension du réseau social en tant que tel. Tenter de rapprocher les personnes avec une DI et la communauté n’est pas une garantie pour réussir et parvenir à un « sens de la communauté ». D’ailleurs, bénéficier de contacts sociaux suppose des compétences sociales qui chez des personnes avec une DI sévère, sont peu présentes. Développer un « sens de la communauté » chez des personnes présentant une DI par l’intégration dans la communauté en général est très difficile et n’est pas une voie réaliste. Selon Cummins, l’important est de cesser de dévaluer des relations entre des personnes avec une DI et de supposer que des associations avec des personnes non-handicapées soient supérieures. Ensuite, il est important de considérer le rôle des professionnels et leurs interactions avec les personnes ayant une DI. Ces relations ne sont pas des substituts pour des amitiés naturelles mais elles sont plus que des relations purement fonctionnelles. Ces professionnels pourraient offrir un sentiment d’attachement et d’affectivité. Cela pose des questions d’éthique et de définition du rôle qui sont importantes à considérer.

Désinstitutionnalisation et politique d’inclusion

À côté des études empiriques sur l’évaluation des services en dehors des institutions, il existe des articles qui proposent une réflexion sur la désinstitutionnalisation3 , et plus particulièrement, sur la politique d’inclusion.
Hamlin et Oakes (2008renvoi vers) discutent le contexte et les motifs qui ont conduit à la désinstitutionnalisation à partir des années 1970, au Royaume-Uni. Ce mouvement a été déclenché par un document politique, le « White Paper : Better Lives » en 1971. Ce document n’était pas inspiré par les publications de Goffman mais plutôt par des scandales et par l’indignation publique concernant la condition des services hospitaliers pour des personnes en situation de DI. L’impact de ce document a été renforcé par les idées de la « normalisation » en Scandinavie et aux États-Unis qui reflètent la notion qu’une personne avec une DI est un être humain valide comme toute autre personne. Les objectifs et les moyens des services qui s’adressent au soutien de ces personnes ne peuvent pas être différents des objectifs et des moyens qui concernent la vie quotidienne des personnes qui ne sont pas considérées comme déviantes. Comme déjà évoqué, en 1960 vivaient 65 000 personnes avec une DI dans de grands hôpitaux en Angleterre et dans le Pays de Galles, tandis qu’en 2003 il n’en restait que 1 500. La question principale est de savoir si les personnes qui ont quitté les institutions, bénéficient d’une vie avec plus de choix, d’autonomie et d’une plus grande diversité d’activités. Les données fournies dans les statistiques officielles de 2004 montrent que 96 % de ceux qui avaient quitté les institutions, habitaient dans des foyers de groupe ou des foyers de soin. Le soutien y est offert par des organisations et des professionnels spécialisés. On constate que la prévalence de problèmes comportementaux n’a pas changé. Vivre en communauté a favorisé les contacts avec la famille, mais pas les amitiés et les relations avec la communauté.
Inspirés des idées dialectiques de Foucault, Hamlin et Oakes se demandent si le changement structurel de l’institutionnalisation vers la désinstitutionnalisation qui a effectivement eu lieu, a modifié la manière dont des personnes présentant une DI sont comprises et observées. Pour vérifier une transformation, il est nécessaire de questionner les personnes en situation de DI, les personnes qui les accompagnent, les services et la communauté.
Dans ce discours, trois notions sont importantes : la protection (des personnes avec une DI contre le public et vice versa), les relations de pouvoir (définies par Foucault comme les actions d’une personne qui affectent les actions possibles d’une autre) et la notion d’humanité. Entre deux personnes compétentes, il peut être question d’un équilibre de pouvoir si chacune a la possibilité de résister aux actions de l’autre, sinon, les relations sont asymétriques et risquent de bloquer et dominer une des parties. La position des personnes présentant une DI dans des institutions a sans doute été asymétrique. On doit se demander si cela a changé dans les foyers de groupe. Pour mener une vie « normale », il est nécessaire à chacun de prendre certains risques. Cela est difficile pour le personnel d’accompagnement à qui les services donnent la consigne que « rien ne puisse se produire » sur le plan de l’alimentation, des amitiés, des dépenses d’argent, de la sexualité et d’éviter tout risque de publicité négative pour le service. En ce qui concerne le pouvoir, les auteurs se rangent du côté de Foucault avec le constat que dans notre société moderne, le savoir c’est le pouvoir. Cela est reflété dans la dominance des professionnels dans le secteur des services ; il est important que tout savoir soit partagé et rendu accessible aux personnes présentant une DI, à leurs familles et leurs avocats, et au public. Il est aussi important de planifier tout soutien d’une manière personnalisée qui favorise les chances et les choix pour la personne ; il est aussi nécessaire de développer des modèles pour gérer des situations de risques possibles sur le plan de la santé, des abus en relation avec les choix de la personne. La question du pouvoir en termes d’information, de contrôle, d’indépendance, d’activités économiques doit être abordée par les personnes accompagnantes et le personnel de soutien quotidiennement mais aussi, au niveau de la communauté, par l’organisation des personnes en situation de DI et des groupes d’intérêts spécifiques. La conclusion est que malgré la réalité de la désinstitutionnalisation structurelle au Royaume-Uni, une action fondamentale sur la transformation des processus et des résultats au niveau des personnes concernées reste nécessaire. Ce sera difficile, compte tenu des positions et les intérêts des services spécialisés actuels.
Cumella (2008renvoi vers) signale qu’à côté d’un langage d’universalisme qui a accompagné la Déclaration des droits de l’Homme jusqu’à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, un langage de consumérisme a pris de plus en plus le dessus dans le discours politique au xxie siècle. Alors que les personnes handicapées ont profité d’approches non-discriminatoires (comme la « normalisation », la désinstitutionnalisation, la planification personnelle du soutien), elles rencontrent maintenant la culture de la « Nouvelle Gestion Publique » qui implique une critique du secteur public et surtout l’inflexibilité et la bureaucratie des services ; une préoccupation du choix et de l’avis du consommateur ; le rôle du gouvernement central et local comme « gestionnaire du marché » de services et de prestataires de service. La responsabilité du gouvernement devient alors une responsabilité d’inspection, de contrôle d’objectifs préétablis.
Dans le secteur des services de soutien pour des personnes présentant une DI, l’auteur se demande si un choix libre de services n’est pas illusoire. La centralisation du contrôle demande des instruments d’inspection comme des audits et des normes de qualité très spécifiques qui entraînent une bureaucratie considérable. Les services, confrontés à de tels objectifs et de telles normes, sont obligés d’installer des systèmes et des modèles qui répondent aux normes et de produire les données requises par des instances centrales. Des professionnels deviennent des administrateurs et des fonctionnaires ce qui, selon l’auteur, peut saper leur morale professionnelle et retarder des innovations dans le service et pire, peut modifier l’orientation vers les besoins des clients avec une DI et leurs familles.
Une évaluation de la politique de « Valuing People » au Royaume-Uni, qui est selon l’auteur, fortement inspirée par la « Nouvelle Gestion Publique », mène aux conclusions suivantes.
Bien que la politique de « Valuing People » annonce de renforcer le choix des consommateurs de services, il y a peu d’informations au sujet des plans de soutien personnels et il n’est pas clair si les plans de soutien aboutissent à un choix plus large de services.
Dans une situation de manque de ressources pour des services publics, il est peu question de choix. Ainsi dans une situation de pression économique, les personnes présentant une DI peuvent être regardées comme des « sources de risque et de coûts », avec comme conséquences de les laisser aux mains d’organisations caritatives.
Il est nécessaire de lancer des études comparatives et internationales pour éclairer les relations entre la politique sociale et les vies concrètes des personnes présentant une DI.
Clegg et coll. (2008renvoi vers) examinent les implications morales et pratiques du document « Valuing People » (Royaume-Uni, 2001) qui se fonde sur les principes de droits, indépendance, de choix et prône l’inclusion. « Inclusion » dans ce document signifie l’utilisation de services généraux et de participation complète dans leur communauté notamment dans les domaines de l’éducation et de l’emploi.
Clegg et coll. (2008renvoi vers) concluent que l’examen individuel et réaliste des problèmes de fonctionnement et des besoins de soutien, doit être indépendant d’une attention centrée uniquement sur des solutions ou des buts collectivistes. Ce qui signifie que l’intervention diagnostique et de planification de soutien doit être strictement guidée par le bien-être individuel et non un instrument d’une politique sociale.
Les relations sociales sont indispensables au développement du sens du soi. Les personnes en situation de handicap dépendent davantage de relations de soutien que d’autres personnes. Elles dépendent non seulement de leur famille et de professionnels mais aussi de leur environnement social dans la communauté. Les valeurs de la communauté et son engagement vis-à-vis des personnes avec une DI dans la pratique, jouent un rôle essentiel dans l’idée d’inclusion. Néanmoins, la politique sociale tient peu compte de conditions de participation de la société dans des relations avec des personnes présentant des déficiences intellectuelles.
En conclusion de leur étude, Clegg et coll. (2008renvoi vers) trouvent que la politique d’inclusion a sans doute des intentions positives, mais ils signalent deux problèmes. D’abord, les parents comme les professionnels rencontrent des problèmes non prévus par la politique d’inclusion comme par exemple un manque d’intérêt de la communauté pour s’engager dans des relations avec des personnes en situation de handicap intellectuel. Ensuite, une pression morale qui découle de la politique d’inclusion et qui complique les actions des parents et des professionnels dans les services et établissements spécialisés, par exemple par des sentiments de jugement négatif par d’autres parents ou par des professionnels qui estiment que ces parents servent moins les intérêts de leur enfant.
Les parents accordent peu de confiance dans des ressources générales, non-spécialistes de la communauté alors qu’ils s’interrogent peu sur les institutions et les établissements isolés. Ce que demandent les parents, ce sont des professionnels dévoués et hautement qualifiés et des relations qui témoignent d’un sentiment d’appartenance. D’après ces auteurs, on ne doit pas supposer que des relations vont suivre automatiquement une politique mais qu’il est nécessaire de stimuler et de faciliter des relations d’une manière directe, voire en face-à-face. On pourrait considérer des équipes qui travaillent dans la communauté en tenant compte des besoins spécifiques de la famille et des personnes avec une DI, aussi bien que de la situation locale.
Comme déjà cité, une politique de Droits peut ouvrir des portes mais ne peut pas changer ce qui arrive quand on passe la porte. Bien que l’idée soit valable, la politique d’inclusion ne garantit pas automatiquement des activités utiles et enrichissantes et des relations sociales en mettant les personnes avec une DI quelque part dans la communauté.
Bertoli et coll. (2011renvoi vers) observent qu’à Rome tous les enfants ayant le syndrome de Down sont dans le système scolaire public. Après l’école secondaire, seuls 10 % se trouvent dans une situation normale de travail et seuls 42 % ont une forme quelconque d’activités régulières, même pas au quotidien. Avec l’avancée en âge (après 30 ans), ces personnes sont de moins en moins engagées dans des activités et elles restent surtout à la maison chez leurs parents. Cette situation mène sans doute à une perte de compétences acquises. Cela veut dire que leurs besoins de soutien pour un fonctionnement sain et normal ne sont pas satisfaits. Bien qu’une inclusion dans le système scolaire ait été accomplie, la continuité de soutien dans un contexte d’évolution des besoins n’est pas garantie. Un système scolaire inclusif ne garantit pas aux personnes avec une DI une qualité de vie satisfaisante dans leur vie adulte.
Jackson (2011renvoi vers), en discutant l’article de Bertoli, ajoute que des élèves avec une DI dans le système scolaire inclusif, ressentent plus de solitude que les autres élèves, ce qui pose les questions de l’acceptation et de l’inclusion des personnes avec une DI. Cet auteur rapporte que pour les personnes avec DI vivant dans les logements dans la communauté, les contacts et des activités avec des personnes non-handicapées, sont peu fréquents. Une inclusion peu réussie peut mener à une vie plus stressée que bénéfique (voir aussi Cummins et Collins, 2003). Jackson souscrit aux idées de Wolfensberger (2003renvoi vers) : selon cet auteur, les idéologies d’individualisme radical en combinaison avec une autodétermination radicale ont contribué à une aliénation des personnes avec une DI par manque de soutien, d’encadrement, ou de tutelle. D’après Wolfensberger, l’idée de droits sans obligations a poussé certaines formations en confirmation de soi comme favorisé par le mouvement People First, hors des cadres d’une préparation réaliste à la vie en négligeant aussi les caractéristiques de la personne. Cela entraîne une situation dans laquelle on peut prétendre que « les droits sont à nous, les obligations aux autres ». Jackson, avec Wolfensberger, craint une radicalisation de mouvements militants et de groupes d’auto-défense, tout en s’aliénant des personnes avec une DI et des organisations qui sont essentielles pour leur soutien. Finalement, Jackson recommande d’améliorer les programmes de formation du personnel d’accompagnement, notamment de mettre l’accent sur des stratégies visant les aspects relationnels et expressifs du soutien au lieu de mettre l’accent sur des compétences instrumentales. En conclusion, Jackson soutient un plaidoyer non pas pour plus de recherches mais pour l’application appropriée de résultats de recherches déjà réalisées.
Burrell et Trip (2011renvoi vers) offrent des réflexions sur le phénomène de désinstitutionnalisation basées sur une approche Foucaldienne. Il est indiscutable que de nouveaux modèles de services (remplaçant des institutions ségréguées, surpeuplées et rigides) ont amélioré les vies de personnes avec une DI. Cependant, on peut se demander si les idéaux de vivre en communauté ont été atteints. Malgré des progrès, des problèmes d’organisation et de structures entravent toujours l’accès aux services de santé en communauté et le niveau de formation du personnel d’accompagnement. Parfois, le déplacement de résidents d’un institut vers la communauté a abouti à une forme de « trans-institutionnalisation », une institution plus petite, une imitation de l’institution. Ce qui en est resté sont : un manque d’activités utiles ou enrichissantes, un manque d’interactions sociales avec le personnel de prise en charge ; de programmes individuels de soutien. Ce qu’il faut, ce sont des modes d’accompagnement et de soutien actifs qui empêchent que les personnes avec DI deviennent des « spectateurs de leur propre vie ». Compte tenu des réalités financières et des forces du marché, les auteurs se demandent si les gouvernements ne sont pas en train d’abandonner l’idée de désinstitutionnalisation, notamment par une adhésion à la notion de dédifférenciation : des solutions moins spécialisées (des solutions plus standardisées pour différents groupes comme des personnes âgées, des personnes avec des problèmes de santé mentale, des personnes handicapées, des personnes avec une DI ; voir aussi l’article de Tøssebro et coll. 2012renvoi vers). Cela pourrait introduire une nouvelle forme d’institutionnalisation.
En conclusion, le bilan de littérature sur l’accompagnement montre l’intérêt d’une planification systématique des soutiens individuels à partir d’un examen de besoins de soutien qui tient compte des souhaits et des objectifs de la personne. Un plan de soutien comprend des stratégies, des ressources, leur mise en place et leur réalisation ainsi que leur monitorage, et enfin, une évaluation des résultats. Le point essentiel est que la « prise en charge » (l’accompagnement) soit une approche centrée sur la personne, continue, avec un cycle au moins annuel d’évaluation et de révision. Pour des enfants, ce cycle sera encore plus court.
Cette approche est contraire à celle qui cherche à « placer » la personne dans un service sur la base d’un QI ou d’autres caractéristiques du fonctionnement. Cependant, l’examen des problèmes de fonctionnement et d’autres aspects comme l’étiologie ne reste pas moins important, au contraire. La connaissance de problèmes de fonctionnement est essentielle pour formuler des mesures de soutien adaptées, par exemple concernant les traitements physiques, psychologiques ou psychiatriques.
Au cœur du processus de soutien, se trouve le plan de soutien qui sera rédigé en collaboration entre la personne, ses proches et les sources de soutien importantes y compris des ressources professionnelles. Il est souhaitable que le processus de planification puisse profiter d’une certaine objectivité et ne soit pas dominé unilatéralement par un fournisseur de services spécialisés. Les spécialistes professionnels jouent bien sûr un rôle dans ce processus, pas seulement pour poser des diagnostics mais aussi comme intervenants.
Il est important de sauvegarder des réseaux sociaux pertinents autour de la personne pour éviter un isolement social ou une privation d’environnements enrichissants.
Le rôle d’un plan de soutien est incontesté dans la qualité de l’accompagnement. Il est essentiel que le plan de soutien reste une activité dynamique autour de la personne avec une DI et ne devienne ni une coutume ni une obligation et encore moins une tâche de routine.
La pratique du plan de soutien paraît un principe universellement accepté dans le milieu professionnel. Malgré ce consensus et l’attention que reçoit le plan de soutien dans la littérature, il n’existe pas de formats standardisés, ce qui laisse relativement une grande liberté d’action aux centres de conseils et aux services pour concevoir des modes de travail sur ce plan. Sur la base d’une littérature rare, on peut néanmoins suggérer que ces modes de travail dans tous les cas, doivent inclure la personne avec DI ou au moins ses représentants (pas des professionnels du service), dans une procédure transparente et doivent éviter la bureaucratie. Une liste préliminaire de caractéristiques souhaitables d’un plan de soutien pourrait servir d’inspiration pour des professionnels qui sont engagés dans le processus de plans de soutien au sein de services (voir figure 16.4Renvoi vers).
Le paradigme évoluant de « la prise en charge » vers « le soutien » peut être résumé comme le montre le tableau 16.IVrenvoi vers.

Tableau 16.IV Notions de « prise en charge » et de « soutien »

Prise en charge
Soutien
Alternatives au dehors de la vie communautaire
Inclusion et participation en communauté
Participation aux programmes généraux
Soutiens individualisés
Interventions spécialisées
Intervenants spécialisés et naturels intégrés
Objectifs de l’intervention : le fonctionnement
Objectifs de l’intervention : la qualité de vie
Rôle social : patient/élève/handicapé
Rôle social : citoyen/client/utilisateur de services
Discours central : protection
Discours central : autonomisation
Services : bureaucraties professionnelles
Services axés sur le client
Stockage d’informations
Partage d’informations fonctionnelles dans le réseau de soutien
Professionnels = experts indépendants
Professionnel = partenaires
Dans la perspective d’un paradigme socio-écologique, l’environnement joue un rôle important dans le fonctionnement et la qualité de la vie de toute personne mais surtout des personnes en situation de handicap. Comme on peut dire que le développement et la réalisation d’un plan de soutien font partie du micro-environnement de la personne (des relations face-à-face au quotidien y compris des contacts avec des personnes de soutien professionnel), les attentes, les demandes et les opportunités de la culture et de la législation font partie du macro-environnement. La culture et la législation peuvent représenter des facilitateurs et des barrières pour le fonctionnement et la qualité de la vie des personnes en situation de handicap.
En ce qui concerne l’environnement juridique, la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies constitue à l’heure actuelle un cadre essentiel pour l’accompagnement aussi bien que pour les lieux de vie. La Convention vise à garantir la dignité, l’égalité des chances et la participation des personnes en situation de handicap dans tous les domaines de la vie. La congruence entre les articles de cette Convention et le modèle professionnel de qualité de la vie soutient « moralement » les efforts de professionnels de prise en charge pour accroître la participation des personnes avec une DI dans la société (car il s’agit des mêmes valeurs sous-jacentes).
Malgré cette perspective optimiste, la Convention est formulée en termes généraux de principes et d’intentions, ce qui n’assure pas que la participation au plan individuel suive directement ce genre de principes juridiques. Dans chaque situation individuelle, on devra travailler sur des solutions uniques pour servir l’objectif d’une vie digne, remplie de sens, équilibrée, de qualité.
Cela ne demandera pas seulement l’implication de disciplines comme la pédagogie, la médecine, la psychologie, ou le travail social mais nécessitera aussi de la collaboration avec des disciplines pertinentes de la politique publique et l’éthique. Comme « cadre d’opportunités », la Convention peut constituer un horizon important pour la participation des personnes avec une DI, mais le soutien pour arriver à une vie intéressante avec du sens, est un travail commun impliquant la personne avec une DI et des personnes et organisations qui puissent lui servir de soutien. Un cadre d’opportunités peut ouvrir des portes mais ne signifie pas une obligation aveugle de participation à tout prix ; la règle d’or sera plutôt le bien-être de la personne. Une pression morale découlant d’idéaux politiques est à éviter dans l’accompagnement des cas individuels. La Convention offre plutôt une garantie qu’une vie de ségrégation sociale qui, juridiquement n’est plus souhaitable ni nécessaire ni même possible, et que la « prise en charge » au plan de la politique sociale comprend un devoir de trouver des solutions pour garantir aux personnes avec une DI une place digne dans la société.
Dans la pratique, l’accompagnement aura besoin d’équipes qui non seulement considèrent d’une manière professionnelle, les besoins spécifiques de personnes avec une DI, mais également, ont une bonne connaissance du milieu communautaire local (avec les opportunités et ressources importantes) et des droits (en termes de la Convention et les opportunités de la législation).
En ce qui concerne les lieux de vie et l’accompagnement, un thème dominant au cours des 50 dernières années, a été la question de la désinstitutionnalisation ou de l’inclusion des personnes avec une DI dans la communauté. L’inclusion comme telle concerne l’accessibilité des services au sens large (logement, santé, scolaire, travail, commercial, culturel, sportif, etc.) pour des personnes avec une DI.
Il est à noter que la majorité des études scientifiques sur la désinstitutionnalisation sont anglo-saxonnes, le degré atteint de désinstitutionnalisation étant particulièrement significatif aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Scandinavie. Des pays comme les Pays-Bas, la Belgique et la France ont des modèles hybrides et mixtes, ce qui ne permet pas actuellement de clairement identifier ou définir « une institution ». Au niveau européen, des statistiques nationales comparatives ne sont pas disponibles, par exemple pour permettre une évaluation fiable du degré de désinstitutionnalisation. D’ailleurs, les évolutions des services résidentiels et leur diversification pendant les 20 dernières années ont rendu la notion « d’institution » presque obsolète ; une définition avec les termes de Goffman et même avec les critères de Mansell et Beadle-Brown (p. 22) n’est plus pertinente.
Si les caractéristiques d’une institution sont : de grands établissements de centaines de résidents ; l’isolement physique et fonctionnel de la communauté ; la difficulté à quitter l’institution ; des conditions matérielles de vie moins favorables en comparaison avec la population générale, et si les caractéristiques de la vie en communauté sont : le logement dans la communauté ; l’utilisation des services qui sont ouverts à la population générale ; la possibilité d’avoir le choix avec qui on veut vivre ; de disposer d’un soutien pour participer à la communauté ; alors, de nombreuses études permettent de conclure que vivre en communauté offre une meilleure perspective pour améliorer la qualité de vie en général à condition que la qualité et la gestion des services de soutien reçoivent beaucoup d’attention. Cela signifie que les résultats de la vie en communauté dépendent surtout du rôle du personnel de soutien (soutien actif, individualisé) dans des conditions de « degrés de liberté » suffisants contrastant avec un personnel suivant les prescriptions bureaucratiques et contraignantes et évitant tout risque dans la gestion du service. La question essentielle sur la qualité de l’accompagnement, est plutôt le degré de déségrégation des personnes avec une DI que le degré de désinstitutionnalisation des établissements. L’évolution actuelle table sur la promotion des personnes en tant que telles où il ne s’agit pas de les « prendre en charge » mais de leur permettre de développer leurs capacités (Plaisance, 2014renvoi vers).
Il est à noter que des personnes avec un niveau de fonctionnement intellectuel bas, profitent moins de l’inclusion en termes de développement d’habiletés. Il est aussi à noter qu’il existe des barrières à l’accessibilité des transports, des facilités communales, et une incapacité financière à participer à des activités dans la communauté.
Plusieurs études signalent que – y compris dans des pays avec un haut degré de services en communauté – la politique vis-à-vis de l’inclusion a tendance à dédifférencier et à offrir des solutions plus standardisées pour des groupes de personnes en différentes situations de handicap (personnes âgées, problèmes psychiatriques…), avec le risque d’aboutir à une nouvelle forme d’institutionnalisation voire de ségrégation.

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