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| Med Sci (Paris). 2009 August; 25(8-9): 751–755. Published online 2009 August 15. doi: 10.1051/medsci/2009258-9751.Le patient psychiatrique irresponsable, nouvel acteur de la procédure pénale L’évolution de la notion d’irresponsabilité pénale Françoise Caussé,1,2,3* Emile Aguilar,1 Jean-Christophe Coffin,3 Grégoire Moutel,3 Irène François-Purssell,3 Jean-Philippe Boulenger,1 Eric Baccino,2 and Christian Hervé3 1Service universitaire de psychiatrie adulte, CHU de Montpellier, Hôpital La Colombière, 39, avenue Charles Flahault, 34295 Montpellier Cedex,
France 2Service de médecine légale, CHU de Montpellier 3Laboratoire d’éthique médicale, Université René Descartes, Paris 5, France |
« Que penser d’une société qui ne reconnaît plus ses malades ? » demandait Jean-Michel Dumay dans son article intitulé « Punir les fous »1, une question que se posent bon nombre de professionnels devant la modification sensible des pratiques concernant le patient psychiatrique irresponsable (relevant d’un article 122-1 alinéa 1 du code pénal). La dernière réforme en date est la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Une loi qui, si elle apparaît de façon concomitante dans plusieurs faits divers particulièrement médiatisés, résulte de plusieurs années de réflexion et de débats mouvementés entre spécialistes des mondes judiciaire, médical et associatif. Elle émerge donc comme le point d’orgue législatif d’une évolution progressive du concept d’irresponsabilité pénale qui tend non plus à éloigner le malade du judiciaire mais à l’y confronter au travers notamment de sa comparution au cours d’un procès public et contradictoire devant la chambre d’instruction. |
Définition et repères historiques : la comparution pénale du malade alors impensable « Les aliénés, loin d’être des coupables qu’il faut punir, sont des malades dont l’état pénible nécessite tous les égards dus à l’humanité souffrante », explique Pinel dans ses travaux qui, avec ceux d’Esquirol, ont marqué la première moitié du xixe siècle. Ces deux auteurs vont, par leurs réflexions riches d’idéaux humanitaires, signifier un tournant dans la considération accordée aux malades ainsi que dans les pratiques en psychiatrie. Privé de sa raison, le malade n’était plus un être libre et devenait irresponsable au plan pénal. Le respect de son identité, telle qu’elle était envisagée à l’époque, générait des spécificités judiciaires visant à protéger le malade et à l’écarter de la procédure, où, de fait, sa présence, compte tenu de ses particularités, n’était pas requise [
2]. La psychiatrie légale est née de la psychiatrie actuelle. Les articles du nouveau code pénal concernant l’irresponsabilité pénale de juillet 1992 sont les héritiers de l’article 64 du Code de 1810. La responsabilité pénale [
6] réside dans l’obligation de répondre de ses actes délictueux et de subir la peine prévue par la loi. Elle est subordonnée à la faculté pour l’auteur d’avoir pu décider librement de commettre les faits incriminés et correspond à la réunion de deux notions que sont la culpabilité du délinquant et l’imputabilité de l’acte délictueux. Le droit prévoit que, dans certaines situations, la responsabilité de l’auteur d’une infraction pénale ne soit pas retenue : il s’agit des causes d’irresponsabilité et d’atténuation de la responsabilité. L’irresponsabilité pour trouble mental définie dans l’article 122-1 du code pénal en fait partie [
22]. L’alinéa 1 précise que « n’est pas pénalement responsable la personne qui est atteinte au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » Jusqu’à la loi du 25 février 2008, une fois la personne reconnue pénalement irresponsable, la procédure judiciaire pénale prenait fin avec prononciation d’un non-lieu et acquittement ou relaxe. L’article 122-1 alinéa 2 prévoit que « La personne qui est atteinte au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. » Au plan administratif, les articles L.3213-7 et 3213-8 du Code de la santé publique disposent de la suite médicale et hospitalière à donner, essentiellement sous la forme d’une hospitalisation d’office dans un centre psychiatrique adapté en fonction de l’état clinique et de la dangerosité de la personne. Au plan civil, l’irresponsabilité pénale laisse subsister la responsabilité de l’auteur ou de la personne qui en a ordinairement la charge (article 489-2 du Code civil). |
L’évolution de l’irresponsabilité pénale pour cause de maladie mentale depuis 1992 : vers la comparution du malade Entre 1995 et 2003, la tendance se fait vers une pénalisation des actes délictueux commis par les malades, vers une plus grande importance accordée aux parties civiles dans les affaires d’irresponsabilité pénale ainsi que vers la création d’une audience spécifique visant à mettre en scène l’arrêt d’une décision d’irresponsabilité pénale [
18]. Tout d’abord, en quelques chiffres :
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le nombre de prononciations de l’article 122-1 alinéa 1 a tendance à diminuer pour se stabiliser à un niveau très bas (0,4 % en 2007) alors que les faits divers causés par les malades évoluent proportionnellement à la démographie et à la délinquance globale [
1] ;
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parallèlement, l’incidence de l’article 122-1 alinéa 2 augmente avec des peines prononcées à l’encontre des auteurs de plus en plus lourdes, ce qui ne reflète pas l’esprit initial de la loi qui incitait plutôt aux soins [
17] ;
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la présence des malades psychiatriques dans les prisons est importante : autour de 7 % des détenus sont atteints de schizophrénie [
7,
12].Les prémices des remaniements dans la loi :
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depuis 1995, les victimes et leurs familles peuvent, par voie d’appel, demander une contre-expertise ainsi que la comparution personnelle de la personne mise en examen devant la chambre d’accusation (article 199-1 du Code de procédure pénale) ;
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depuis la loi du 9 mars 2004, le magistrat a l’obligation de préciser dans son ordonnance s’il existe des charges suffisantes établissant que l’intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés, pour ne pas laisser les victimes dans le doute. Le magistrat doit en outre notifier oralement les conclusions des experts à la partie civile.
Enfin, des projets de loi non retenus :
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en 2003, D. Perben propose la création d’une « décision juridictionnelle spécifique » pour les malades irresponsables [
3,
14] portant sur la réalité des faits commis, sur l’irresponsabilité médicalement constatée de l’auteur et sur la fixation des dommages et intérêts dus aux victimes au travers d’une audience spécifique. L’individu mis en cause comparaîtrait, si son état le permet, assisté d’un tuteur et d’un avocat.
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La loi du 25 février 2008 du Code de procédure pénale comme nouveau cadre législatif : la comparution pénale du malade dans la loi Elle entérine et renforce des possibilités qui existaient déjà dans la loi au travers d’un remaniement majeur du Code de procédure pénale. Le principe d’irresponsabilité pénale du malade est maintenu et le code pénal reste inchangé. Toutefois, la notion de non-lieu judiciaire disparaît [
16]. Lorsque le juge d’instruction envisage d’appliquer l’article 122-1 alinéa 1, il doit en informer les parties et le procureur qui pourront demander la saisine de la chambre d’instruction. Cette dernière devra statuer en audience publique et contradictoire sur l’applicabilité de l’article. La comparution personnelle du mis en examen, assisté d’un avocat, pourra être ordonnée à la demande du procureur ou des parties en fonction de son état de santé. Elle n’est pas systématique. Au cours de cette audience, l’ensemble des parties, dont les experts, les témoins et le malade, s’il est présent, seront amenées à être entendues. À l’issue de cette audience, trois cas de figure sont possibles :
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il n’y a pas de charge suffisante contre la personne mise en examen d’avoir matériellement commis les faits. L’affaire pourra être classée sans suite ;
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il y a des charges suffisantes contre la personne mise en examen d’avoir matériellement commis les faits mais l’article 122-1 ne peut être appliqué. Le mis en examen est donc renvoyé devant une juridiction de jugement (tribunal correctionnel, cours d’assise) ;
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il y a des charges suffisantes contre la personne mise en examen d’avoir matériellement commis les faits et l’article 122-1 peut être appliqué. La chambre rend un arrêt d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental mais dans un cadre très précis (pas de relaxe ou d’acquittement) :
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elle insiste sur l’établissement rigoureux de la matérialité des faits (charges suffisantes) ;
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elle prononce, s’il y a lieu, des mesures de sûreté à l’encontre de la personne (interdiction d’entrer en relation avec la victime ou des personnes spécialement désignées, de paraître en tout lieu spécialement désigné, de détenir ou de porter une arme) ;
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elle déclare une irresponsabilité pénale pour la personne qui était atteinte au moment des faits « d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes » ;
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cette décision est inscrite au casier judiciaire.
La responsabilité civile persiste. Les placements administratifs et les obligations attenantes sont jusqu’à ce jour inchangés même si un projet de réforme est aussi annoncé. |
Des hypothèses explicatives, des pistes de réflexion S’il paraît impossible d’aplanir la vaste onde de choc provoquée par la réforme, on peut toutefois rechercher des hypothèses explicatives sur l’origine de ces remaniements. Comment et pourquoi les magistrats, les psychiatres, la société, les politiques en sont arrivés à remettre en question un présupposé ancien et stable datant du xixe siècle qui consistait à écarter le malade irresponsable de la procédure ? Le statut de l’Homme Il semble qu’une partie de la réponse soit à chercher dans le lien qui unit les hommes entre eux. S. Tzitzis [
15,
20,
21] explique que, dans la pensée grecque, l’Homme fait partie intégrante du cosmos, dans une morale téléologique (les choses sont expliquées par leur finalité) et hétéronomique (il obéit à des lois extérieures, comme celle de la Nature). Toute perturbation à l’ordre du cosmos doit être restaurée pour un fonctionnement harmonieux de l’ensemble. Par la révolution kantienne l’Homme est placé, après n’avoir été qu’une partie du tout, au centre et au cœur de la Nature. Il est, à l’heure actuelle, envisagé dans une dimension individuelle, d’autonomie et de droits fondamentaux non négociables liés à son statut inhérent d’Homme. Parallèlement, le désinvestissement religieux qui a frappé le siècle dernier a placé l’Homme dans une position délicate, comme celui d’un dieu aux pieds d’argile ; toute-puissance et aspirations grandioses d’un côté, mais fragilité incontournable de la condition humaine et parfois risque de la démesure dans ses décisions de l’autre. De plus, la crise du lien social dans une société où précarité, chômage et exclusion sont toujours d’actualité génère, en écho, un fort sentiment d’insécurité pour aujourd’hui et pour l’avenir. Enfin, contrairement aux anciens qui préparaient l’avenir en respectant le passé, l’homme du xxi e siècle est profondément inscrit dans le temps présent ; ainsi, toute atteinte à l’ici et maintenant est difficilement supportable. Dans ce contexte, l’autre est souvent vécu comme menaçant, ce d’autant que la communication à établir avec lui est difficile, comme cela peut être le cas avec le malade mental. Face à ces valeurs remaniées, les individus recherchent des références, des points de repère forts, comme le sont l’État, la loi et la judiciarisation [
13,
19]. Une série de questions sociales est donc envisagée sous cet angle de vue sécuritaire : c’est aussi le cas de la question de la folie. Certains auteurs évoquent un retour à une conception ancienne de la santé mentale, qu’on espérait dépassée, où malades et délinquants ne faisaient qu’un dans les représentations. La place des victimes d’infraction pénale En parallèle, et grâce à un combat difficile, un long chemin a été parcouru au cours des deux dernières décennies quant à la promotion des droits des victimes d’infraction pénale [
4]. Elles ont d’abord été reconnues dans la procédure civile et plus tardivement pénale, et trois droits incontournables leur sont maintenant accordés : le droit à la reconnaissance, à l’accompagnement et à la réparation [
8,
9, 15]. Les victimes passent d’un statut passif à un statut actif de partie et font ainsi véritablement irruption dans le procès pénal, mais également dans la scène sociale et médiatique. Ainsi, l’équilibre juste entre la reconnaissance indispensable des victimes dans leur dignité de personne et leur humanité et certaines dérives victimaires est parfois difficile à trouver. De plus, la place de la médiatisation importante des faits divers entraîne une grande émotion et une péjoration de l’évaluation des risques. Après une période de transmission écrite et livresque de l’information, nous sommes passés à une circulation accélérée, proche de l’emballement frénétique, via des supports visuels (télévision, internet). Si l’homme n’a jamais été autant porteur de valeurs intrinsèques indiscutables, il n’a jamais connu un tel sentiment de solitude face aux risques de la vie. De même, la société a gagné en humanité et en stabilité par le progrès des connaissances scientifiques et pluridisciplinaires en victimologie et par la place plus importante réservée aux victimes, mais elle paraît en même temps agitée par les remous d’une insécurité latente, largement relayée par les médias, et génératrice des réassurances judiciaires et politiques [
10]. Le passage à l’acte du malade mental incarne par excellence l’irruption du non-sens dans le quotidien et plonge les citoyens, bien seuls face à la question de la finitude et du hasard, dans une grande incompréhension par rapport à laquelle ils demandent des réponses. C’est alors le début d’une quête d’explications et d’une demande croissante de justifications qui émergent sous la forme de demandes sociales pressantes faites de transparence et de visibilité. L’époque où le juge d’instruction donnait dans son bureau le compte rendu d’expertise a touché à sa fin. L’œil est l’organe des sens qui permet d’appréhender le monde, l’organe de la compréhension dans l’imaginaire du public. Lorsque les citoyens ne comprennent pas une situation, et parfois ne l’acceptent pas, ils demandent à voir lors d’une procédure au grand jour. La comparution du malade mental au procès Mais la question essentielle, qui anime beaucoup de psychiatres, est celle de l’intérêt du malade dans cette comparution avec l’éventualité de vertus thérapeutiques. La présence du malade mental irresponsable au procès pénal participerait-t-elle à sa guérison ou répondrait-elle à d’autres impératifs ou intérêts qui ne le concernent que peu ? Un travail récent sur le sujet [
5] ainsi qu’une bibliographie rejoignent deux axes d’intérêt évoqués : l’intérêt thérapeutique et l’intérêt symbolique. Il est amusant de constater que si l’on reprend la clinique psychiatrique classique, le malade psychotique, qui correspond à la majorité des prononciations des articles 122-1 alinéa 1, n’a pas accès au niveau symbolique [
11]. Il est pour la majeure partie de son existence collé au concret, au signifiant, il n’accède pas à la métaphore, en tout cas, pas dans le sens communément accepté. Quel est donc le sens de cette présence symbolique ? La société a sa représentation de l’homme malade psychique et elle n’envisage pas forcément l’autre différent du groupe, c’est-à-dire sans accès au symbolique et divisé au plan psychique (au sens de la dissociation psychique). Cette scission est l’essence même de sa condition : présence physique dans un lieu mais absence psychique du fait du délire et de la discordance ; action générée par le délire mais absence de conscience et de contrôle du passage à l’acte. Il est à la fois lui-même et un autre, autre auquel il n’a pas accès, à un instant donné et pas non plus par la suite. Demander ce face-à-face entre un patient psychotique et sa faute, même s’il va mieux, n’est-il pas de l’ordre du non-sens ? Ne s’agit-il pas en fait de la projection sur l’autre, malade et mal compris, de réponses symboliques que les citoyens attendent pour eux-mêmes ? Le risque majeur est que ce malade, scindé au plan psychique, soit sacrifié pour l’unité de l’idéal social. On peut également se demander si cette attente sociale ne correspond pas à un glissement entre responsabilité judiciaire et morale, référent où, de fait, toute action s’inscrit. Le malade psychiatrique irresponsable au plan pénal conserve sa responsabilité morale pour la société et les victimes. Le traitement de l’affaire par un procès pourrait permettre, dans l’inconscient collectif, une désignation publique de la responsabilité morale du malade. Pourtant, il semble bien difficile d’être tenu pour moralement responsable d’un acte réalisé lorsqu’on était privé de son libre arbitre. La comparution du malade : la question de la confrontation avec la victime Enfin, la question de l’intérêt de la victime dans cette procédure paraît difficilement dissociable du sens partagé par l’ensemble des parties en présence, dont le malade. Pour accepter le hasard d’un fait divers, un face-à-face avec une personne qui n’a pas accès au sens de la procédure semble démesuré. Peut-on parler d’un glissement des rôles de chacun ? L’avocat n’est pas le psychiatre et la loi est initialement là pour le juridique et non le thérapeutique. Répondre par le tout thérapeutique relève du mythe souvent annonciateur de déception. L’accompagnement des parties, le soutien et la prise en charge sont nécessaires mais le mirage de la réparation par la confrontation auteur/victime paraît risqué. Quel sens donner à un face-à-face avec une personne qui ne comprend pas son geste, qui ne peut pas s’excuser ? De plus, la cicatrisation d’une blessure personnelle est un processus complexe, qui dépasse largement la simple procédure judiciaire. Quant au rôle symbolique de la justice, il a, de fait, toujours existé. Ce rituel social avec une unité de temps, de lieu, avec des acteurs mis en scène dans un scénario bien rodé n’est pas nouveau. Pourtant, il n’a de sens que si les parties en perçoivent la dimension. La loi parle de la comparution du malade en fonction de son état clinique mais les interprétations sont multiples. Parle-t-on d’une activité délirante qui aurait régressé, de l’absence de troubles du comportement lors de la comparution ? Évoque-t-on les aptitudes de compréhension de la procédure ? S’agit-il des possibilités de verbalisation autour de l’acte délictueux ? Et quels moyens d’évaluation pour la capacité à comparaître ? Uniquement clinique, échelle d’évaluation sur un modèle américain, médecin expert ou équipe pluridisciplinaire ? De plus, en amont de la capacité du malade à comparaître, le président de la chambre d’instruction pose régulièrement la question de la capacité du sujet à donner à son avocat les éléments nécessaires à sa défense. Cette interrogation légitime renvoie au flou légal et à l’absence d’outils d’évaluation validés à ce jour. Là encore, à l’analyse standardisée anglo-saxonne la France oppose une réflexion au cas par cas, fonction de la clinique et des situations particulières. La réforme de protection des majeurs, par la loi du 5 mars 2007, a obligé les experts à revoir le contenu de leur certificat de demande de mesure de protection. Il y a été rajouté la question de la capacité du sujet, rencontré par le psychiatre traitant et/ou expert, à être entendu par le juge pour donner son avis sur la mesure proposée. On peut donc penser que pour les majeurs protégés ayant commis un acte délictueux, ce certificat pourra être utilisé comme un premier élément de référence permettant de répondre à la capacité du sujet à s’expliquer sur l’affaire en cours, voire à comparaître. Enfin, l’ensemble des travaux actuels sur l’ insight des malades (capacité à comprendre leurs troubles) semblent une piste d’avenir en psychiatrie légale pour mieux répondre aux attentes judiciaires, c’est-à-dire pour mieux évaluer la capacité des sujets à comprendre leur propre situation, les événements qui les entourent et les interactions qui se jouent. La question de l’égalité de tous devant la procédure judiciaire mérite d’être posée. Comment être l’égal d’un malade qui a perdu sa cohérence psychique ? N’est-ce pas là, au nom d’une plus grande humanité, le germe de l’inhumanité dans l’uniformisation des procédures ? La normalisation n’est-elle pas le support de l’exclusion, non plus cette fois de la victime mais du malade ? Le malade disparaîtra-t-il dans ses spécificités au profit d’une apparente égalité ? Sera-t-il encore possible d’être malade psychique au regard de la loi et déclaré à ce titre irresponsable dans les années à venir ? Face à ces remaniements, quel est le rôle du psychiatre ? Vraisemblablement celui de poser la question du sens de cette audience et de se positionner en tant que technicien humaniste aux côtés du malade, sans céder aux pressions sociales. Le soignant se doit d’accompagner la parole du malade qui ne peut la porter seul, mais a aussi, autour de lui, un rôle d’information et d’éducation sur la maladie psychique. |
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.
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Footnotes |
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