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Med Sci (Paris). 2009 December; 25(12): 1189–1192.
Published online 2009 December 15. doi: 10.1051/medsci/200925121189.

Anticorps thérapeutiques : la recherche française s’organise

Delphine Watiez1* and Hervé Watier2*

1Journaliste scientifique, 16-32 résidence Breteuil, parc Saint-Maur, 59800 Lille, France
2Équipe Immunogénomique et anticorps thérapeutiques, UMR 6239 CNRS, Université François Rabelais de Tours, Tours, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Académies et instituts, Anticorps monoclonaux, Comportement coopératif, Systèmes de délivrance de médicaments, Conception de médicament, Industrie pharmaceutique, France, Agences gouvernementales, Humains, Services d'information, Relations interinstitutionnelles, Universités

 

La création en janvier 2009 du groupement de recherche CNRS « Anticorps et ciblage thérapeutique » marque une reconnaissance des compétences et des savoir-faire dans ce domaine encore trop peu visible en France. Avec ce réseau national, la recherche française sur les anticorps thérapeutiques tient une réelle opportunité d’acquérir une visibilité à la hauteur des enjeux économiques et de société couverts par les biomédicaments.

Certes, l’industrie pharmaceutique française a pris un retard inquiétant en la matière. Mais compte tenu des connaissances et de la reconnaissance internationale acquises par nombre d’équipes à l’origine d’innovations majeures, elle peut revenir dans la course, à condition toutefois de pouvoir s’appuyer sur des savoirs et savoir-faire compétitifs à l’échelle mondiale. Incontestablement, en France, les capacités existent, mais elles sont morcelées, géographiquement d’abord, et au sein même des laboratoires. Souvent en effet, le sujet ne concerne qu’une poignée de chercheurs isolés dans de grandes unités. Intellectuellement ensuite, car dans un domaine qui devient de plus en plus vaste et multidisciplinaire, aucune équipe n’est en mesure d’embrasser l’ensemble du secteur. D’où la nécessité de rassembler les compétences disponibles et les acteurs dans une même structure, véritable « plateau ressources » pour les chercheurs, les cliniciens et les industriels.

C’est chose faite depuis le 1er janvier 2009, date de naissance officielle du groupement de recherche CNRS n° 3260 « Anticorps et ciblage thérapeutique » (GDR ACCITH). Au premier jour, il comptait déjà une soixantaine d’équipes réparties dans l’hexagone, preuve que de nombreux chercheurs du secteur public comme du privé ont la volonté de réinvestir ce domaine dans un réel esprit de recherche et développement.

Interactions, formation, promotion

Ce réseau à vocation unique - les anticorps et molécules dérivées - affiche des objectifs clairs : étendre leur utilisation thérapeutique et optimiser leur action, tout en maintenant des rapports bénéfice/risque et bénéfice/coût acceptables par la société. Pour y parvenir, le GDR, sous la conduite d’Hervé Watier, compte sur le triptyque interactions-formation-promotion.

Au service de ses membres, le GDR ACCITH se veut d’abord un lieu d’échanges réguliers, de confrontation d’idées et d’interactions d’où naîtront des collaborations et des partenariats entre acteurs du secteur public et/ou privé. Ce qui devrait faciliter l’accès des équipes françaises à tous les programmes de recherche dédiés, notamment les programmes européens.

Pour assurer une mise à niveau permanente des équipes, et donc maintenir et accroître leur compétitivité, le GDR ACCITH souhaite mettre en place des « écoles d’été » en partenariat avec les structures partenaires comme le LEEM (Les entreprises du médicament), ou des sociétés savantes telle que la Société française d’immunologie, également partie prenante du réseau. Colloques internes et ouverts sur l’extérieur, échanges de jeunes chercheurs, veille scientifique et partage de savoirs vont se mettre en place progressivement. Tout comme le site internet et les autres outils de communication externe, indispensables pour faire connaître les activités du GDR afin d’alerter les décideurs et l’opinion publique sur les enjeux sociétaux.

Une dynamique boostée par le réseau

Le chemin de la notoriété peut sembler encore long. Même si le GDR ACCITH est tout jeune, il ne part pas de rien, loin s’en faut. La dynamique existe ; elle ne demande qu’à être amplifiée. Créé en 2001, le GDR CNRS 2352 « Immuno-ciblage des tumeurs » fut l’un des premiers réseaux nationaux au sein desquels pouvaient se retrouver les équipes travaillant sur les anticorps thérapeutiques. Pendant huit ans, sous la conduite de Lee Leserman puis de Daniel Baty, la structure a suscité des rapprochements qui, à l’évidence, ont facilité l’émergence du présent GDR. De la même façon, le réseau structurant MAb IMPACT (Improving activation of Fcγ RIIIa-expressing effector cells, pharmacogenetic-based optimisation of monoclonal antibody (MAb) therapy for cancer) en place de 2005 à 2008 au sein du Cancéropôle Grand Ouest grâce à un financement de l’INCa, a généré des interactions sans doute fructueuses entre les seize équipes participantes, puisque plusieurs d’entre elles ont choisi de les prolonger en intégrant le GDR ACCITH.

Aujourd’hui, le GDR en tant que tel fait partie de structures aux domaines d’intervention plus larges, dont l’Institut thématique multi-organismes des technologies pour la santé (ITMO ITS). Le 23 octobre dernier, le colloque annuel de l’ITS a d’ailleurs offert une première opportunité aux équipes du GDR de communiquer sur leur activité. La veille, lors de sa première réunion interne, le réseau ACCITH s’est étoffé de onze nouvelles équipes, portant dorénavant à 74 leur nombre. À l’image du paysage français, varié, les équipes publiques partenaires du GDR (deux tiers des membres) relèvent de nombreuses universités réparties sur tout le territoire (Figure 1). Trois sont des équipes universitaires ; les autres ont pour tutelle l’Institut des sciences biologiques du CNRS (21), l’Inserm (21), le CEA (2), le Service de santé des armées (1) ou le CHRU de Tours (1). Quant aux équipes du secteur privé (25), elles couvrent presque tout l’éventail industriel, allant des grands établissements pharmaceutiques adhérents du LEEM (dont le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le Centre d’immunologie Pierre-Fabre et l’Institut de recherche Servier) aux start-up en phase d’incubation.

La porte reste bien entendu ouverte aux équipes dont les travaux touchent aux anticorps thérapeutiques, de la recherche de cibles moléculaires jusqu’aux analyses pharmacologiques en clinique humaine, en passant par l’isolement d’anticorps et l’ingénierie moléculaire, voire cellulaire, la production et l’analyse préclinique.

Si le cancer, l’auto-immunité et les maladies infectieuses constituent les domaines thérapeutiques privilégiés du GDR ACCITH, toute équipe académique ou industrielle travaillant sur l’utilisation d’anticorps dans les maladies cardiovasculaires, métaboliques ou neurodégénératives est aussi la bienvenue.

Pour conclure, ajoutons que le GDR ACCITH étant aussi un club de la Société française d’immunologie, la pérennité du réseau est assurée au-delà des quatre (ou huit) ans que durera statutairement le GDR ACCITH.

Conflit D’Intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

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