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Med Sci (Paris). 2009 June; 25(6-7): 549–551.
Published online 2009 June 15. doi: 10.1051/medsci/2009256-7549.

Occludine, une clé de plus pour l’entrée du virus de l’hépatite C

Birke Andrea Tews* and Laurence Cocquerel*

Institut de biologie de Lille, UMR 8161 CNRS, Université Lille Nord-de-France
Institut Pasteur de Lille, 1, rue Calmette, BP 447, 59021 Lille, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Hepacivirus, Hépatite C, Humains, Protéines membranaires, Occludine, Récepteurs viraux

 

L’hépatite C est un problème majeur de santé publique, touchant environ 130 millions de personnes à travers le monde. En France, on estime que 600 000 à 1 million de personnes seraient atteintes par cette maladie. L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est le plus souvent chronique et elle est fortement associée au développement d’un carcinome hépatocellulaire. À l’heure actuelle, il n’existe aucun vaccin pour lutter contre le VHC et les thérapies antivirales utilisées actuellement ont une efficacité relativement limitée et des effets secondaires non négligeables (pour revue [ 1, 11]). Il est donc urgent de mettre au point de nouvelles stratégies pour lutter contre ce virus. C’est pourquoi depuis maintenant presque vingt ans, de nombreux laboratoires tentent d’élucider les mécanismes d’entrée du VHC dans ses cellules cibles : les hépatocytes. En effet, une connaissance détaillée des mécanismes impliqués dans l’entrée d’un virus permet non seulement de comprendre comment ce virus infecte ses cellules hôtes mais également d’entrevoir la possibilité de développer de nouvelles molécules antivirales.

Les facteurs cellulaires contrôlant la permissivité cellulaire à l’infection par le VHC

En 1998, la tétraspanine CD81 a été le premier facteur cellulaire identifié comme étant important pour l’entrée du VHC dans ses cellules cibles [ 2]. Cependant, il s’est rapidement avéré que l’entrée du VHC ne dépendait pas uniquement de CD81 mais était un processus extrêmement complexe faisant intervenir plusieurs facteurs cellulaires. En effet, SR-BI [ 3] et Claudine 1 (CL-1) [ 4], un transporteur de cholestérol et une protéine des jonctions serrées, ont par la suite été identifiés comme étant essentiels à l’entrée virale. De plus, deux facteurs supplémentaires, les glycosaminoglycanes (GAG) et le récepteur des lipoprotéines de faible densité (LDLR), semblent jouer un rôle important dans l’attachement des particules virales aux cellules cibles (pour revue [ 5]). Ces particules sont elles-mêmes associées à des lipoprotéines de faible et très faible densité dans le sang des personnes infectées. Néanmoins, il a été montré qu’après l’expression de l’ensemble des facteurs d’entrée, de nombreuses lignées cellulaires restaient résistantes au VHC, suggérant qu’un facteur additionnel restait à découvrir [4]. En effet, en février dernier, deux équipes américaines ont identifié l’Occludine (OCLN), une autre protéine des jonctions serrées, comme étant un facteur essentiel à l’entrée du VHC dans les cellules [ 6, 7]. A. Ploss et al. ont montré que, outre l’expression de CD81, SR-BI et CL-1, celle de l’OCLN rend permissives à l’entrée du VHC des lignées cellulaires d’origine humaine normalement résistantes à ce virus [7] et que l’entrée du virus dépend des formes humaines des protéines CD81 et OCLN. À l’inverse, la réduction de l’expression de l’OCLN par ARN interférence inhibe l’entrée du VHC dans les cellules traitées [6, 7]. Par ailleurs, il a été montré que l’OCLN interagissait directement avec E2, une glycoprotéine d’enveloppe présente à la surface des particules virales [6, 8].

Un grand pas vers le développement d’un modèle animal d’infection par le VHC

L’interaction sélective des virus avec leurs récepteurs spécifiques présents à la surface des cellules est une étape essentielle à l’initiation de leur cycle infectieux. Une telle interaction détermine souvent le spectre d’hôtes et le tropisme cellulaire ou tissulaire du virus et joue un rôle essentiel dans la pathogénicité du virus. Souvent, seulement certains types cellulaires d’espèces hôtes spécifiques disposent de l’ensemble des co-facteurs qui les rendent susceptibles à l’infection par un virus donné. Par exemple, dans le cas d’une infection par le VHC, le virus se multiplie quasi exclusivement dans les hépatocytes, qu’ils soient d’origine humaine ou issus de chimpanzés. Ainsi, les seuls modèles animaux actuellement disponibles pour étudier le cycle infectieux du VHC sont le chimpanzé et des souris immunodéficientes transplantées avec des hépatocytes humains. L’absence de modèles animaux de petite taille freine considérablement le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques et vaccinales. Un résultat essentiel des travaux de A. Ploss et al. est que l’OCLN humaine est capable de rendre permissives à l’entrée du VHC des cellules d’origine murine [7]. De plus, bien que le VHC ne semble pas faire de discrimination entre SR-BI et CL-1 d’origine humaine ou murine, l’OCLN humaine, tout comme CD81, ne peut être substituée pas son homologue murin [7]. CD81 et OCLN sont donc deux facteurs contribuant à la restriction d’espèce de l’infection par le VHC. Même si la spécificité d’espèces est également contrôlée par des facteurs régulant la réplication et l’assemblage du virus, cette découverte est une avancée majeure dans le domaine du VHC car elle ouvre la voie au développement de modèles murins.

Protéines des jonctions serrées et récepteurs de virus

Les jonctions serrées jouent un rôle crucial dans la régulation de la dynamique des flux paracellulaires et dans le maintien de la polarité cellulaire. Ces structures assurent l’étanchéité des épithéliums en constituant un rapprochement étroit et localisé des membranes de deux cellules voisines, limitant le passage des solutés à travers l’espace intercellulaire. Elles sont constituées de quatre protéines membranaires majeures : l’OCLN, la famille des Claudines, les molécules associées aux jonctions (JAM) et le récepteur des coxsackievirus et adénovirus (CAR). Les cellules cibles du VHC, les hépatocytes, sont des cellules hautement polarisées dans lesquelles le pôle basolatéral est au contact des capillaires sinusoïdes tandis que le pôle apical est au contact des canalicules biliaires. Il est à noter que S. Liu et al. ont montré que la localisation de CL-1 et OCLN dans les jonctions serrées est importante pour assurer leur rôle dans l’entrée du VHC [6].

L’utilisation de protéines des jonctions serrées par un virus n’est pas sans précédent puisque les JAM servent de récepteur à certains réovirus et, comme son nom l’indique, le CAR sert de récepteur aux coxsackievirus et aux adénovirus. Par analogie au coxsackievirus B (CVB), l’utilisation d’OCLN par le VHC apporte de nouvelles pistes sur la cinétique ainsi que sur les étapes tardives de l’entrée du VHC. En effet, il a été montré que le CVB se lie à la membrane apicale des cellules épithéliales via son récepteur primaire DAF (Decay accelerating factor), cette liaison active un certain nombre de tyrosine kinases et conduit à un réarrangement du réseau d’actine [ 9]. Le complexe virus-récepteur migre alors latéralement jusqu’aux jonctions serrées où le CVB va interagir avec le CAR, ce qui conduit à un changement conformationnel dans la capside virale nécessaire à la libération du génome viral après endocytose. Finalement, il a été montré récemment que, bien qu’elle n’interagisse pas directement avec le virus, l’OCLN joue un rôle essentiel dans l’internalisation des particules de CVB [ 10].

Un modèle d’entrée du VHC dans les hépatocytes

Ainsi, sur la base des données accumulées jusqu’à aujourd’hui et par analogie avec le CVB, nous pouvons proposer un modèle d’entrée cellulaire du VHC (Figure 1). Dans une première étape, le virion s’attacherait à la surface cellulaire par l’intermédiaire des GAG et du LDL-R via une interaction directe avec les glycoprotéines virales ou par l’intermédiaire des lipoprotéines (représentées par une sphère orange, Figure 1) associées aux particules virales. Cet événement serait suivi par une interaction avec SR-BI et ensuite avec CD81. Bien que la cinétique d’interaction avec ces deux facteurs d’entrée n’ait pas encore été déterminée de manière univoque, les données actuelles suggèrent qu’un premier contact avec SR-BI soit un prérequis à l’interaction de la particule avec CD81. Ensuite, probablement après une migration latérale des complexes virus-récepteur jusqu’aux jonctions serrées, le virus interagit avec CL-1 et OCLN. Le VHC entre alors dans les cellules par un processus d’endocytose qui fait intervenir la clathrine et migre jusqu’aux endosomes précoces où la fusion des membranes se produit. Le génome viral est ainsi libéré dans le cytoplasme de la cellule infectée.

 
Acknowledgments

Nous remercions Sophana Ung pour la réalisation de l’illustration. Nous remercions Jean Dubuisson pour la relecture du manuscrit. Nous remercions l’Agence nationale de recherches sur le Sida et les hépatites virales (ANRS). BAT est financée par une allocation post-doctorale de l’ANRS.

References
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