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Med Sci (Paris). 2009 January; 25(1): 19–21.
Published online 2009 January 15. doi: 10.1051/medsci/200925119.

NPM : un nouvel acteur dans le cancer de la prostate ?

Claude Beaudoin,1 Sabrina Maquaire,1 Laurent Léotoing,2 Jérôme Allemand,1 Corinne Lours-Calet,1 Georges Veyssière,1 Michèle Manin,1 and Laurent Morel1*

1CNRS UMR 6247, Clermont Université, INSERM U931, Campus Universitaire des Cézeaux, 24, avenue des Landais, 63177 Aubière Cedex, France
2Département d’Hématologie, Inserm U567, Institut Cochin, 24, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: ADN tumoral, Histone, Humains, Mâle, Protéines nucléaires, Organisateur nucléolaire, Orchidectomie, Tumeurs de la prostate, Récepteurs aux androgènes

 

Le cancer de la prostate (CaP) représente une part importante et croissante des causes de décès liés à une pathologie cancéreuse chez l’homme. Sa forte incidence dans les pays industrialisés a justifié le développement de nombreux programmes de recherche ; toutefois, les mécanismes moléculaires impliqués dans la carcinogenèse prostatique restent encore mal définis. Les androgènes jouent un rôle capital dans la cancérisation de la glande prostatique et la diminution des taux circulants d’androgènes reste encore la thérapie la plus utilisée pour le traitement du CaP [ 1, 13]. Néanmoins, après une période de rémission transitoire, certaines cellules prostatiques deviennent insensibles à la privation androgénique favorisant la reprise de la progression tumorale et la dissémination métastatique [ 2]. Il semble toutefois que la signalisation androgénique soit toujours active dans les cellules qui échappent à la privation hormonale. En effet, cette phase s’accompagne d’une élévation du niveau d’expression du gène codant pour la protéine PSA (prostate specific antigen), cible de l’action des androgènes. Il n’existe pas aujourd’hui de traitement curatif pour lutter contre le CaP, et les questions posées concernent autant l’origine des cellules cancéreuses que les nombreuses altérations métaboliques et génétiques qui les différencient des cellules épithéliales saines [ 14].

Dans la cellule, les androgènes mobilisent un récepteur spécifique, le récepteur des androgènes, qui fonctionne comme un facteur de transcription inductible par son ligand. Il active la transcription génique après liaison à des séquences ADN spécifiques (ARE, ADN responsive element) situées dans les régions régulatrices de ses gènes cibles. À ce niveau, son action est dépendante du recrutement et/ou de son interaction avec des co-régulateurs activateurs ou répresseurs [ 3, 4]. On attribue donc une grande importance à la surexpression et aux mutations de ce récepteur ainsi qu’à ses protéines partenaires pour expliquer la contribution du récepteur des androgènes à la carcinogenèse prostatique et à sa phase d’échappement hormonal.

NPM : partenaire du récepteur des androgènes et oncogène prostatique ?

Par une approche de purification biochimique des protéines associées au récepteur des androgènes à partir de cellules épithéliales maintenues en phase de prolifération suivie de l’analyse des complexes isolés par spectrométrie de masse, nous avons identifié la nucléophosmine (NPM), une protéine multifonctionnelle impliquée dans le développement et la tumorigenèse [ 5, 6]. NPM est fortement exprimée avec le récepteur des androgènes dans les tumeurs prostatiques par comparaison avec le tissu sain adjacent [ 7]. Des études complémentaires ont ensuite démontré que NPM interagit avec le récepteur des androgènes pour contrôler l’expression de ce dernier et sa capacité à activer la transcription en réponse aux androgènes. Puisque NPM interagit fortement avec le domaine de liaison à l’ADN, nous avons également constaté que la capacité de liaison à l’ADN du récepteur est fortement augmentée lorsque le taux de NPM est plus élevé (Figure 1A) [7]. Ces résultats révèlent que NPM pourrait contrôler l’activité de transcription du récepteur des androgènes en renforçant sa capacité de liaison aux éléments cis régulateurs présents au sein des régions promotrices de ses gènes cibles. Une analyse réalisée par immunoprécipitation de chromatine (ChIP) indique que NPM se dissocie de la chromatine en présence d’androgènes alors que le récepteur est recruté de manière spécifique au niveau de ses ARE [7]. À partir de ces résultats, nous proposons que la protéine NPM facilite le recrutement du récepteur des androgènes au niveau de la chromatine pour activer la transcription en réponse aux androgènes, sans toutefois être présente dans le complexe final d’initiation de la transcription (Figure 1B).

NPM et transcription dépendante du récepteur des androgènes : la piste épigénétique

NPM pourrait influer sur le contrôle de la transcription en régulant l’architecture de la chromatine et son accessibilité. À l’appui de cette hypothèse, il a été montré que NPM interagit avec l’histone acétyltransférase p300 pour stimuler la transcription dépendante de l’acétylation [8]. Puisque le recrutement de la protéine p300 au niveau de la chromatine est un processus essentiel à l’activation de la transcription dépendante du récepteur des androgènes [ 9], il apparaît probable que NPM puisse faciliter l’attachement de ce récepteur et de p300 lors de l’activation de la transcription après acétylation des histones et remodelage de la chromatine. Une surexpression de NPM pourrait avoir des conséquences importantes sur l’activation de la transcription dépendante du récepteur des androgènes dans les cellules cancéreuses de prostate en facilitant le recrutement du récepteur à la chromatine malgré de faibles taux d’hormones.

Conclusion et perspectives

Nos résultats suggèrent que NPM joue un rôle important dans le CaP en modulant l’activité transcriptionnelle du récepteur des androgènes. Il est maintenant capital d’explorer la fonction oncogène de NPM dans la prostate et d’éclaircir les mécanismes régulateurs de la transcription dépendante du récepteur des androgènes. Une surexpression de NPM serait-elle suffisante pour stimuler la prolifération des cellules de l’épithélium prostatique et déclencher le développement d’un cancer chez la souris ? Des mutations affectant l’expression et/ou l’activité de NPM sontelles détectables dans les cellules de CaP ? Finalement, l’identification de la protéine NPM comme protéine interagissant avec le récepteur des androgènes soulève plusieurs interrogations concernant sa fonction dans le contrôle de la transcription dépendante de ce récepteur. Des analyses par ChIP fourniraient des informations décisives quant au rôle joué par NPM dans l’activation de la transcription par le récepteur des androgènes, notamment au niveau de l’acétylation des histones et du remodelage de la chromatine induits par le recrutement de p300. Ces modifications pourraient participer au code épigénétique des histones déjà impliqué dans le contrôle de l’expression des gènes cibles du récepteur des androgènes [ 1012, 15]. Dans l’optique d’applications thérapeutiques, une meilleure connaissance du mode d’action de NPM dans la régulation de la réponse aux androgènes ouvrirait de nouvelles perspectives pour le traitement du CaP, qui est le cancer le plus fréquent de l’homme et la deuxième cause de décès par cancer.

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