L’importance de la pénurie est classiquement mesurée par l’écart entre le nombre de malades inscrits sur une liste d’attente et le nombre de greffes réalisées au cours d’une année. Mais l’interprétation de cet indicateur doit être nuancée selon l’organe étudié. En effet, les inscriptions sur liste d’attente ne reflètent pas toujours fidèlement les besoins réels de la population. D’une part, le nombre d’inscriptions sur liste d’attente est fonction du nombre de greffons disponibles, et il est plafonné, ce qui explique pourquoi le nombre de malades inscrits augmente parallèlement au nombre de greffes réalisées. Cela suggère que les besoins de la population sont importants et imparfaitement reflétés par la taille de la liste d’attente. D’autre part, dans le cas des greffes de rein, la possibilité du recours à la dialyse augmente le délai avant la greffe et conduit à une accumulation de malades non greffés qui aggrave la pénurie. Cette accumulation des malades en liste d’attente ne s’observe pas pour les autres organes vitaux (foie, cœur, poumons), dont l’aggravation de l’atteinte ne peut pas être suppléée artificiellement et entraîne le décès des patients. Parmi les 12 650 malades en attente d’une greffe d’organe en 2006, 74 % étaient en attente de greffe rénale. Le registre REIN (Réseau Épidémiologie Information Néphrologie) devrait être bientôt en mesure de disposer de données épidémiologiques nationales sur la prévalence et l’incidence de l’insuffisance rénale chronique, ce qui faciliterait l’évaluation précise des besoins de greffes rénales en France.
La greffe cardiaque
Les activités d’inscription en liste d’attente et de greffes cardiaques avaient fortement diminué au début des années 1990 mais elles se sont stabilisées puisque 358 greffes cardiaques ont été réalisées en 2006 (5,8 greffes pmh) contre 339 en 2005
(Figure 3). On observe une évolution assez similaire dans les autres pays développés : aux États-Unis, l’activité de greffe cardiaque continue de diminuer avec une baisse de 19 % sur les 10 dernières années, le taux de greffe étant un peu supérieur à 7,2 pmh en 2005.
 | Figure 3.
Évolution des activités d’inscription et de greffe cardiaque, pulmonaire et cardio-pulmonaire, hépatique et rénale.
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En France, le nombre de malades en attente de greffe cardiaque en 2006 était de 708 (455 nouveaux malades et 253 déjà inscrits) soit 2 fois plus que le nombre de greffes réalisées dans la même année. L’incidence des malades en attente de greffe et décédés est relativement stable, 292 pour 1 000 patients-années en 2006 (n = 71).
La durée médiane d’attente avant une greffe cardiaque était proche de 4 mois en 2006, avec de fortes disparités géographiques, en particulier dans le sud de la France où la durée médiane d’attente était de 9, 18 et 28 mois respectivement en Aquitaine, Provence-Alpes-Côte-D’azur et Midi-Pyrénées.
La greffe pulmonaire et cardio-pulmonaire
Résultat des actions conjointes des équipes de transplantation et de l’Agence de la biomédecine, l’activité de greffes pulmonaires et cardio-pulmonaires, longtemps déficitaire par rapport au nombre de malades inscrits, a augmenté de 80 % en 2004 et s’est stabilisé en 2005 et 2006 à 205 et 204 greffes soit 3,3 greffes pmh.
En 2006, 413 malades étaient en attente d’une greffe pulmonaire ou cardio-pulmonaire (293 nouveaux inscrits), soit 2,2 malades inscrits par greffe réalisée (Figure 3).
L’incidence des décès de patients en attente de greffe pulmonaire, qui avait fortement diminué en 2005, 187/1 000 patients-année (n = 23), est revenue à son niveau antérieur autour de 271/1 000 patients-année en 2006 (n = 30).
La greffe hépatique
En 2006, 1 037 greffes de foie ont été réalisées ce qui représente une augmentation de 1 %, dont 36 à partir de greffons prélevés sur des donneurs vivants. Les greffes à partir de donneurs décédés augmentent de 3 %, mais celles utilisant des greffons prélevés sur donneurs vivants diminuent de 29 %. Le nombre de malades inscrits sur liste d’attente a augmenté de 6 % (1 788 malades inscrits en 2006, dont 1 302 nouveaux inscrits), soit 1,7 malades inscrits par greffe hépatique en 2006. La durée médiane d’attente était de 3,7 mois pour les malades inscrits entre 2003 et 2006, et elle reste stable depuis 1999, avec des disparités importantes de 2 à 8 mois selon les équipes.
L’incidence des décès des patients en attente de greffe hépatique a augmenté en 2006 après une diminution amorcée en 2003. Elle est de 297 décès pour 1000 patients-année, qui est le taux le plus élevé depuis 1998. Les modalités d’attribution des greffons hépatiques ont été modifiées en 2007, et permettent de greffer en priorité les malades les plus sévèrement atteints. L’objectif est de diminuer les risques de décès des patients sur liste d’attente et d’assurer ainsi une meilleure équité dans la répartition des greffons.
La greffe rénale
En 2006, 9 226 malades étaient en attente de greffe rénale, dont 3 274 nouveaux inscrits. Le taux d’inscription sur la liste d’attente continue d’augmenter, et atteignait presque 53 pmh en 2006. Ce taux varie fortement selon les régions France : par exemple, en 2005, il était de 31 pmh en Haute-Normandie et de 73 pmh en Ile-de-France. Cependant, le taux national reste inférieur à celui qui est déclaré aux États-Unis (98 pmh en 2005). Cela suggère que la liste d’attente pourrait ne pas refléter l’ensemble des besoins de greffes rénales en France.
Le nombre de greffes rénales était de 2 731 en 2006, dont 247 réalisées avec des greffons issus de donneurs vivants. L’activité de greffe rénale a augmenté de 6 % en 2006, dont + 5 % pour les greffes à partir de donneurs décédés et + 25 % pour les greffes à partir de donneurs vivants. Au total, 3,4 malades étaient en attente par greffe rénale en 2006 (Figure 3).
La durée médiane d’attente était de presque 19 mois pour les malades inscrits entre 2003 et 2006, avec de grandes disparités selon les régions (de 7 à plus de 30 mois pour certaines équipes d’Ile-de-France).
Les grandes variations dans la durée d’attente entre les régions sont expliquées par la pénurie et l’importance des listes d’attente dans certaines équipes, c’est pourquoi un score d’attribution des greffons a été mis en place depuis quelques années dont l’objectif est d’orienter les greffons vers les malades les plus difficiles à greffer et les équipes les plus en difficulté.
Par ailleurs, on note que les activités de greffes de pancréas (n = 90, dont 82 greffes combinées rein-pancréas) et d’intestins (n = 8) restent stables en 2006.