Logo of MSmédecine/sciences : m/s
Med Sci (Paris). 2007 March; 23(3): 235–237.
Published online 2007 March 15. doi: 10.1051/medsci/2007233235.

XIAP, un gène anti-apoptotique muté dans un nouveau syndrome lymphoprolifératif lié à l’X (XLP)

Stéphanie Rigaud and Sylvain Latour*

Inserm U768, Laboratoire du Développement Normalet Pathologique du Système Immunitaire, Université René Descartes, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Agammaglobulinémie, Apoptose, Infections à virus Epstein-Barr, Gènes liés au chromosome X, Maladies génétiques liées au chromosome X, Prédisposition génétique à une maladie, Humains, Cellules tueuses naturelles, Sous-populations de lymphocytes, Lymphohistiocytose hémophagocytaire, Syndromes lymphoprolifératifs, Mâle, Modèles biologiques, Phénotype, Structure tertiaire des protéines, Splénomégalie, Protéine inhibitrice de l'apoptose liée au chromosome X

 

L’homéostasie des lymphocytes au cours de la réponse immunitaire est un mécanisme soumis à une régulation fine. C’est un équilibre permanent entre la prolifération des cellules activées et leur apoptose (ou mort cellulaire programmée). Chez l’homme, des défauts de l’homéostasie lymphocytaire peuvent conduire à de nombreuses maladies comme les lymphomes, les syndromes d’activation lymphocytaire et macrophagique (ou syndrome hémophagocytaire) ou les maladies auto-immunes. Le syndrome de Purtilo, ou syndrome lymphoprolifératif lié à l’X (XLP), est une immunodéficience primaire rare, caractérisée par une sensibilité accrue des patients à l’infection par le virus Epstein-Barr [ 1]. Cette maladie atteint environ un garçon pour un million. La plupart du temps, les patients souffrent d’une mononucléose infectieuse sévère qui est fréquemment associée à un syndrome hémophagocytaire (SH) similaire à celui observé dans les formes héréditaires causées par des défauts des fonctions cytotoxiques des lymphocytes [ 2]. Le SH est caractérisé par une réponse immunitaire exacerbée au cours de laquelle les lymphocytes sont fortement activés, prolifèrent et sécrètent de grandes quantités d’IFN-γ qui stimulent secondairement les macrophages. Ceux-ci phagocytent les éléments figurés du sang et infiltrent les organes en produisant des quantités importantes de cytokines pro-inflammatoires. Dans ce contexte, on observe une nécrose massive des tissus qui peut entraîner la mort du patient. Chez certains patients, on note aussi l’apparition d’hypogammaglobulinémies et de lymphomes. Le gène responsable du XLP a été identifié en 1998, il s’agit du gène SH2D1A (ou SAP) codant une petite protéine adaptatrice de signalisation SAP (SLAM-associated protein) qui régule les fonctions des récepteurs de la famille SLAM (signaling lymphocyte activation molecule) [1, 3]. Cependant, ce gène n’est responsable que de 60 à 80 % des cas de syndromes lymphoprolifératifs liés à l’X. Au cours de ces dernières années, nous avons cherché à identifier l’origine moléculaire des syndromes XLP qui ne sont pas causés par des mutations dans le gène SAP [ 4]. Au sein d’une cohorte de 18 familles diagnostiquées comme ayant un syndrome XLP, trois familles ne présentant aucune mutation dans le gène SAP ont été identifiées et étudiées. Le phénotype clinique des individus atteints issus de ces 3 familles était très proche de celui des patients présentant un défaut en SAP, mis à part l’apparition d’une splénomégalie comme première manifestation clinique de leur maladie avant infection par l’EBV (Tableau I). La similitude des phénotypes suggérait que ces patients pouvaient partager un certain nombre de défauts fonctionnels avec les patients déficients en SAP. Dans le déficit en SAP, les réponses cytotoxiques des cellules NK (natural killer) et T CD8+ vis-à-vis des cellules infectées par l’EBV sont altérées en raison d’une perte de fonction des récepteurs de la famille SLAM, 2B4 et NTB-A [ 57]. Il est proposé que ce défaut contribue à la physiopathologie du XLP. Chez les patients sans mutation de SAP, aucun défaut fonctionnel du récepteur 2B4 n’a pu être mis en évidence. Nous avons récemment établi que SAP est nécessaire au développement des lymphocytes NKT (natural killer T) et que les patients déficients en SAP en sont dépourvus [ 8, 9]. Ces cellules représentent une sous-population particulière de lymphocytes T possédant un TCR invariant composé des segments V24α/Vβ11 qui reconnaît le CD1d, une molécule de classe I du CMH monomorphe qui présente des antigènes de nature glycosphingolipidique. Fonctionnellement, les cellules NKT se distinguent par leur capacité à être activées très rapidement au début de la réponse immunitaire et à sécréter de grandes quantités de cytokines telles que l’IL-4 et l’IFN-γ. La présence des lymphocytes NKT parmi les PBL issus des patients sans mutation de SAP a été recherchée. Comme pour les patients déficients en SAP, nous avons observé que ces patients présentaient un déficit en lymphocytes NKT.

Parallèlement à ces études, une localisation génétique a été entreprise afin d’identifier le défaut moléculaire à l’origine du syndrome XLP chez les patients sans mutation de SAP. L’analyse de marqueurs génétiques polymorphiques sur le chromosome X de plusieurs individus (atteints et non atteints) des trois familles nous a permis d’identifier une région de 3,7 Mb coségrégeant avec la maladie. De façon étonnante, le gène SAP est retrouvé dans cette région qui comprend onze gènes que nous avons séquencés. Chez les patients atteints issus des trois familles, nous avons identifié des mutations dans le gène XIAP (X-linked mamalian inhibitor of apoptosis protein) (ou BIRC4), constitué de 6 exons codant pour une protéine anti-apoptotique de 57 kDa. Ces mutations sont délétères puisqu’elles conduisent à une absence totale d’expression de XIAP dans les cellules des patients.

XIAP appartient à la famille des protéines inhibitrices de l’apoptose (IAP) qui comprend huit membres et dont la structure est fortement conservée entre les espèces [ 10]. XIAP, dont l’expression est ubiquitaire, est caractérisée par la présence de trois domaines BIR (baculovirus IAP repeats) et d’un domaine RING finger possédant une activité ubiquitine ligase de type E3. Ces deux types de domaines permettent à XIAP d’interagir avec d’autres protéines dont les caspases 3, 7 et 9. Il a été établi que la fonction principale de XIAP est d’inhiber les caspases en interagissant directement avec leur site catalytique bloquant ainsi leur activité. Cependant, le rôle de XIAP ne semble pas uniquement limité à la régulation de l’apoptose. En effet, XIAP a aussi été impliquée dans l’homéostasie du cuivre, dans la signalisation du récepteur au TGF-β et dans l’activation de NF-κB [10].

La mort cellulaire programmée ou apoptose, déclenchée par le récepteur de mort Fas (CD95) est une voie importante du contrôle de l’homéostasie lymphocytaire. Ainsi, l’absence de Fas chez l’homme est responsable du syndrome lymphoprolifératif auto-immun (ALPS) [ 11]. Nous avons analysé l’apoptose induite par les récepteurs de mort Fas et TRAIL dans des cellules T et B issues de patients déficients en XIAP. Dans ces cellules, nous avons observé une forte augmentation de la sensibilité à l’apoptose relayée par Fas ou TRAIL comparée à l’apoptose obtenue dans les cellules provenant d’individus sains. Des résultats similaires ont été observés dans les lymphocytes T des patients après stimulation par un anticorps anti-CD3 qui déclenche un processus d’apoptose appelé activation-induced cell death (AICD). Celui-ci dépend de l’interaction de Fas avec son ligand (Fas-Ligand) qui est exprimé à la surface des lymphocytes activés par la stimulation du complexe CD3-TCR. Dans les lymphocytes déficients en XIAP, le défaut en XIAP est bien responsable de l’augmentation de l’apoptose puisque l’expression d’une forme sauvage de XIAP dans ces lymphocytes restaure leur capacité à résister à l’AICD.

Malgré l’excès de sensibilité à l’apoptose que nous avons mis en évidence dans les lymphocytes de patients déficients en XIAP, ces derniers ne présentent pas de lymphopénie particulière hormis un déficit en lymphocytes NKT. Il est donc vraisemblable que XIAP soit une molécule essentielle à la survie et/ou au développement des cellules NKT. En effet, il semble que ces cellules soient particulièrement sensibles à l’apoptose lors de la réponse anti-virale [ 12]. Nos observations indiquent que les défauts en SAP et en XIAP ont en commun une absence de cellules NKT chez des patients dont le trait clinique principal est une grande sensibilité à l’infection par le virus EBV. Cela suggère que les cellules NKT joueraient un rôle particulièrement important dans la réponse immunitaire contre l’EBV. Enfin, la proximité, sur le chromosome X, des gènes SAP et XIAP qui ne sont séparés que par 0,4 Mb, est troublante. Elle indique que ces deux gènes sont peut-être directement ou indirectement liés constituant un cluster fonctionnel. Les réponses à ces interrogations suscitées par nos observations devraient à long terme aider à une meilleure compréhension de la biologie des lymphocytes NKT et de la réponse immunitaire contre l’EBV.

References
1.
Nichols KE, Ma CS, Cannons JL, et al. Molecular and cellular pathogenesis of X-linked lymphoproliferative disease. Immunol Rev 2005; 203 : 180–99.
2.
De Saint Basile G, Fischer A. Defective cytotoxic granule-mediated cell death pathway impairs T lymphocyte homeostasis. Curr Opin Rheumatol 2003; 15 : 436–45.
3.
Latour S, Gish G, Helgason CD, et al. Regulation of SLAM-mediated signal transduction by SAP, the X-linked lymphoproliferative gene product. Nat Immunol 2001; 2 : 681–90.
4.
Rigaud S, Fondaneche MC, Lambert N, et al. XIAP deficiency in humans causes an X-linked lymphoproliferative syndrome. Nature 2006; 444 : 110–4.
5.
Dupre L, Andolfi G, Tangye SG, et al. SAP controls the cytolytic activity of CD8+ T cells against EBV-infected cells. Blood 2005; 105 : 4383–9.
6.
Parolini S, Bottino C, Falco M, et al. X-linked lymphoproliferative disease. 2B4 molecules displaying inhibitory rather than activating function are responsible for the inability of natural killer cells to kill Epstein-Barr virus-infected cells. J Exp Med 2000; 192 : 337–46.
7.
Bottino C, Falco M, Parolini S, et al. NTB-A (correction of GNTB-A), a novel SH2D1A-associated surface molecule contributing to the inability of natural killer cells to kill Epstein-Barr virus-infected B cells in X-linked lymphoproliferative disease. J Exp Med 2001; 194 : 235–46.
8.
Pasquier B, Yin L, Fondaneche MC, et al. Defective NKT cell development in mice and humans lacking the adapter SAP, the X-linked lymphoproliferative syndrome gene product. J Exp Med 2005; 201 : 695–701.
9.
Nichols KE, Hom J, Gong SY, et al. Regulation of NKT cell development by SAP, the protein defective in XLP. Nat Med 2005; 11 : 340–5.
10.
Salvesen GS, Duckett CS. IAP proteins: blocking the road to death’s door. Nat Rev Mol Cell Biol 2002; 3 : 401–10.
11.
Rieux-Laucat F. Autoimmune lymphoproliferative syndrome: an inherited or a somatic defect of apoptosis. Med Sci (Paris) 2006; 22 : 645–9.
12.
Lin Y, Roberts TJ, Wang CR, et al. Long-term loss of canonical NKT cells following an acute virus infection. Eur J Immunol 2005; 35 : 879–89.