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Med Sci (Paris). 2007 January; 23(1): 88–92.
Published online 2007 January 15. doi: 10.1051/medsci/200723188.

Le défibrillateur automatique implantable ventriculaire
Mise au point

Jean-Yves le Heuzey1* and Étienne Aliot2

1Cardiologie A, Hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France
2Département des maladies cardiovasculaires, CHU de Nancy, rue du Morvan, 54511 Vandoeuvre-les-Nancy, France
Corresponding author.
 

Le défibrillateur automatique implantable (DAI) ventriculaire est une thérapeutique qui a maintenant atteint sa maturité. Historiquement, le premier défibrillateur a été implanté chez l’homme en 1980 par Michel Mirowski [ 1]. La simplification de la technique de mise en place et la démonstration, grâce à de très nombreuses études randomisées de son efficacité thérapeutique, ont fait son succès ces dernières années. Il est implanté actuellement environ 5 000 défibrillateurs par an en France. Nous rappellerons quelques modalités techniques concernant l’implantation, la délivrance des thérapies et le suivi pour développer ensuite les indications qui font maintenant l’objet de recommandations précises.

Données techniques

Au début de l’utilisation des DAI, jusqu’en 1993 environ, les boîtiers étaient placés en position abdominale. Par la suite, grâce à la miniaturisation, la procédure d’implantation s’est très largement simplifiée, devenant très proche de celle des pacemakers, ce qui a réduit le taux de complications péri-opératoires. Les défibrillateurs actuels ont un volume d’environ 35 cc et une épaisseur d’environ 12 mm. Le boîtier électriquement actif sert d’anode pour la défibrillation, le choc étant délivré de l’électrode endocavitaire distale vers l’électrode proximale et le boîtier. Ce boîtier comprend une source d’énergie, un système de condensateur nécessaire au stockage du courant, des circuits de détection et d’analyse de l’arythmie, et enfin, un système de stockage des événements rythmiques et des thérapies délivrées.

Les algorithmes qui fonctionnent dans les défibrillateurs permettent à l’appareil de diagnostiquer tachycardies ventriculaires et fibrillations ventriculaires principalement grâce aux critères de morphologies et de fréquence des complexes QRS (Figure 1). Trois types de traitements peuvent être administrés par le défibrillateur qui s’avère maintenant être un appareil « multifonctions » : le premier est la stimulation antitachycardique qui consiste à délivrer une série d’impulsions de stimulations synchronisées pour interrompre une tachycardie ventriculaire. Le taux de succès de la stimulation antitachycardie est souvent très élevé et en fait un progrès thérapeutique très important. Dans un grand nombre de cas, cette thérapeutique est non ressentie par le patient et donc parfaitement tolérée. Les chocs de défibrillation constituent le deuxième type de traitement : ce sont des thérapies plus agressives qui sont délivrées par l’appareil aux tachycardies ventriculaires rapides et aux fibrillations ventriculaires et, en deuxième attention, aux tachycardies ventriculaires en cas d’échec de la stimulation antitachycardie. Enfin, le traitement antibradycardique est disponible sur tous les DAI, du même type que celui effectué par un simple stimulateur cardiaque. Il peut s’agir d’une stimulation ventriculaire unique ou d’une stimulation DDD. Dans un certain nombre de cas, on couple maintenant la fonction défibrillateur avec la fonction stimulation biventriculaire dans le but d’améliorer l’état fonctionnel et la survie des insuffisants cardiaques.

Indications du défibrillateur implantable

Le défibrillateur implantable est un traitement préventif efficace de la mort subite. Il est palliatif et non curatif. Les indications peuvent donc s’envisager en termes de prévention secondaire de la mort subite d’une part, de prévention primaire de la mort subite dans le post-infarctus ou les cardiomyopathies dilatées non ischémiques d’autre part.

Prévention secondaire de la mort subite
Les données à ce sujet sont parfaitement établies depuis la publication des études AVID [ 2], CIDS [ 3] et CASH [ 4]. Ces trois études forment la base des recommandations concernant l’implantation d’un défibrillateur chez les patients qui ont présenté une arythmie ventriculaire soutenue, fibrillation ventriculaire (FV) ou tachycardie ventriculaire (TV), non associées à une cause réversible. Une meta-analyse de ces études a permis d’estimer la réduction de la mortalité globale, grâce au défibrillateur, à 27 % [ 5]. Une analyse en sous-groupes suggère que la grande majorité des bénéfices obtenus grâce au défibrillateur s’exprime chez les patients qui ont une fraction d’éjection basse, de 35 % ou moins. On peut considérer, au terme de ces études, que toute TV ou FV ayant donné lieu à un arrêt cardiaque récupéré doit être implantée, à condition d’éviter un certain nombre d’erreurs comme les TV/FV iatrogènes ou les TV/FV ischémiques relevant d’une technique de levée de l’ischémie par revascularisation. Le problème est qu’il est souvent difficile de savoir s’il y avait ou non une ischémie myocardique à l’origine de l’accident rythmique.
Prévention primaire de la mort subite
Il s’agit ici des patients pour lesquels il existe des arguments pour penser qu’ils sont à haut risque de mort subite mais qui n’ont pas eu spontanément de troubles du rythme graves type TV ou FV. Les indications reposent sur un ensemble de dix études actuellement publiées (Tableau I). Il s’agit des études MADIT I [ 6], CABG-Patch [ 7], MUSTT [ 8], MADIT II [ 9], CAT [ 10], AMIOVIRT [ 11], COMPANION [ 12], DEFINITE [ 13], SCD-HeFT [ 14] et DINAMIT [ 15]. Une récente méta-analyse des dix études randomisées rapporte une réduction relative de 25 % et une réduction absolue de 7,9 % de la mortalité globale pendant un suivi moyen de deux à quatre ans avec le défibrillateur [ 16]. Quatre de ces études se sont avérées négatives (AMIOVIRT, CAT, CABG, DINAMIT) et les autres ont démontré le bénéfice de la défibrillation. Les études négatives étaient de petite taille ou ont inclus les patients immédiatement après un infarctus du myocarde ou avec une cardiopathie non ischémique. En général, les études qui ont recruté les patients avec une dysfonction ventriculaire gauche chronique ont montré un bénéfice du défibrillateur avec une réduction de mortalité de 23 % à 51 %. Comme cela a déjà été observé en prévention primaire, les données actuelles suggèrent que les patients qui présentent une dysfonction ventriculaire gauche tirent le plus grand bénéfice du défibrillateur, quelle que soit l’étiologie de la cardiopathie sous-jacente.

L’étude MADIT I [6] incluait des patients avec un infarctus ancien, une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 35 %, une ou plusieurs salves d’extrasystoles ventriculaires et chez qui l’exploration électrophysiologique déclenchait une tachycardie ventriculaire ou une fibrillation ventriculaire en l’absence de traitement, et à nouveau après injection intraveineuse de procaïnamide. L’étude MUSTT [8] n’avait pas été conçue pour évaluer l’intérêt du défibrillateur mais celui de la stimulation ventriculaire programmée. Le principe de l’étude était de rechercher, chez des coronariens avec salves d’ESV et TV déclenchables, la meilleure thérapeutique guidée par stimulations ventriculaires programmées itératives. Lorsque l’on ne trouvait pas de médicaments capables de négativer la stimulation ventriculaire programmée, un défibrillateur était implanté. L’étude MADIT II [9] s’adressait à des patients avec un infarctus de plus d’un mois et une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 30 %. Aucun trouble du rythme n’était nécessaire pour l’inclusion dans l’essai. L’étude COMPANION [12] concernait l’intérêt de la resynchronisation ventriculaire par stimulation biventriculaire. Étaient inclus des patients en insuffisance cardiaque classe III ou IV avec QRS larges. L’étude comprenait trois bras : traitement médical seul, stimulateur biventriculaire ou défibrillateur biventriculaire. L’étude SCD-HeFT [14] a inclus non seulement des cardiopathies ischémiques, mais également des cardiopathies dilatées non ischémiques sur des critères d’insuffisance cardiaque stade III ou IV de la NYHA (New York Heart Association) et de fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 35 %. L’étude DEFINITE [15] a été réalisée sur des cardiomyopathies dilatées non ischémiques avec une fraction d’éjection inférieure à 35 % et une insuffisance cardiaque clinique.

Globalement, toutes ces études ont établi que le défibrillateur implantable était le seul traitement à visée anti-arythmique ayant démontré un bénéfice important sur la survie depuis le traitement β-bloquant [16].

Recommandations sur les indications d’implantation
Nous avons choisi de présenter les recommandations d’implantation du défibrillateur selon les normes classiques internationales. De nombreuses sociétés savantes ont publié des recommandations et leur actualisation au sujet des indications d’implantation du défibrillateur. Nous rapportons ici les recommandations françaises qui ont été récemment actualisées [ 17].

La subdivision en trois niveaux de preuves a été adoptée :

Classe I : situations dans lesquelles il y a une preuve et/ou un accord général pour dire que le traitement est bénéfique, utile et efficace ;

Classe II : situations dans lesquelles il y a des éléments contradictoires et/ou des divergences d’opinions sur l’utilité et l’efficacité du traitement ;

IIa : le poids des preuves est plutôt en faveur de la technique ;

IIb : le poids des preuves est insuffisant pour avoir une opinion ;

Classe III : situations dans lesquelles il y a une preuve et/ou un accord général pour dire que le traitement n’est ni utile ni efficace ou éventuellement nuisible.

Niveaux de preuves :

  • fondé sur des données concordantes de plusieurs études randomisées comprenant un grand nombre de patients ;
  • fondé sur des données provenant d’un nombre limité d’études randomisées comprenant un faible nombre de patients ou de bons travaux non randomisés ou de registres d’observation ;
  • fondé sur un consensus des experts consultés.

Les recommandations françaises des indications d’un DAI selon la classe et le niveau de preuve figurent dans le Tableau II.

Ces recommandations [17] reflètent l’état actuel de nos connaissances fondées sur la littérature publiée. L’analyse de sous groupes de ces grands essais peut conduire à des hypothèses dérivées qui, si elles sont prouvées, pourront conduire à une révision de ces recommandations. L’inclusion d’un groupe quelconque de patients en classe I ne doit pas faire cesser les investigations et les études cliniques afin d’essayer d’affiner nos connaissances sur les sous groupes de patients pour distinguer ceux qui bénéficieront au mieux de la défibrillation implantable.

Conclusions

L’essor considérable qu’a connu cette thérapeutique aux États-Unis se traduit par une progression quasi exponentielle du nombre d’implantations et du taux d’implantations par million d’habitants. En Europe, cette progression est plus limitée. Les régimes de protection sociale européens par répartition sont probablement la cause de cette différence avec la situation outre Atlantique. Il n’empêche que la poursuite des recherches est nécessaire pour sélectionner au mieux les patients pour lesquels on a le plus de chances possibles de penser que le défibrillateur sera bénéfique, permettant ainsi de diminuer le nombre de patients implantés par rapport au nombre de vies sauvées. Il s’agit d’un enjeu médico-économique et éthique majeur.

 
Footnotes

Article reçu le 8 mars 2006, accepté le 20 avril 2006.

References
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