Conduites addictives chez les adolescents :
Usages, prévention et accompagnement

2014


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Principaux constats
Les constats établis par le groupe d’experts à partir de leur analyse de la littérature scientifique sur les conduites addictives chez les adolescents sont structurés selon les axes suivants :
• les données épidémiologiques et sociologiques relatives aux niveaux d’usage de substances psychoactives et de pratique des jeux vidéo/Internet et jeux de hasard et d’argent, ainsi que les facteurs et déterminants associés à ces usages et ces pratiques ;
• les effets sanitaires des consommations de substances psychoactives ;
• les modalités de la prise en charge des adolescents présentant une addiction ;
• les interventions de prévention efficaces pour prévenir ou diminuer la consommation de substances psychoactives.

Principales données de consommation de substances psychoactives

Les usages de produits psychoactifs en population adolescente sont documentés en France depuis la fin des années 1990 à l’aide de trois enquêtes1  : Espad (European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs) et Escapad (Enquête sur la santé et les consommations réalisée lors de la Journée Défense et Citoyenneté) permettant un recueil couvrant l’ensemble de la période 11-17 ans et HBSC (Health Behaviour in School-aged Children) menée de la 6ème à la 2nde. Les principaux constats issus de ces différentes enquêtes peuvent être résumés de la façon suivante :
• Les initiations au tabac, à l’alcool, au cannabis et, le cas échéant, aux autres substances et en particulier aux produits à inhaler (type colle et solvants) se déroulent principalement à l’adolescence, selon des calendriers légèrement différents ;
• En 2011, 6,6 % des adolescents âgés de 17 ans n’ont expérimenté aucun des trois principaux produits : alcool, tabac, cannabis ;
• Parmi les adolescents qui consomment des substances psychoactives, la plupart diminuent leurs consommations – sauf de tabac – au moment de l’entrée dans la vie adulte (fin des études, premier emploi, installation en couple…). Certaines consommations excessives à l’adolescence peuvent avoir des effets délétères sur la scolarité et l’avenir socio-professionnel, voire à plus long terme sur la santé et le développement émotionnel et cognitif ;
• Les usages présentent des spécificités régionales (départements d’Outre-Mer compris) marquées selon les produits.

Consommation d’alcool

En France, l’alcool est la première substance psychoactive en termes de niveau d’expérimentation, d’usage occasionnel et de précocité d’expérimentation. En 2011, si à la fin de l’adolescence, l’expérimentation concerne 91 % des garçons et des filles, 58 % des élèves âgés de 11 ans ont déclaré en 2010 avoir déjà expérimenté une boisson alcoolisée ;
• Les premiers usages réguliers d’alcool (au moins dix fois dans le mois) apparaissent dès la fin du collège : en 2010, 7 % des élèves de 3ème ont déclaré avoir consommé une boisson alcoolisée au moins 10 fois dans le mois précédant l’enquête ; en 2011, ces usages réguliers d’alcool concernaient 15 % des garçons et 6 % des filles de 17 ans ;
• La consommation quotidienne d’alcool concerne moins de 1 % des jeunes de 17 ans en 2011 ;
• L’ivresse alcoolique est une expérience vécue par certains dès le collège. Parmi les collégiens de 3ème, 34 % déclarent avoir déjà connu ce type d’ivresse. À 17 ans, 59 % des garçons et des filles rapportent avoir déjà été ivres au cours de leur vie et 53 % déclarent avoir vécu au cours du mois précédant l’enquête, une alcoolisation ponctuelle importante (API, à savoir la consommation d’au moins 5 verres d’alcool en une même occasion) ;
• L’âge moyen de la première ivresse est de 15,2 ans selon les enquêtes menées auprès des adolescents de 17 ans (15,3 ans pour les filles et 15,1 ans pour les garçons) : cet âge moyen d’initiation de l’ivresse s’avère stable depuis plus de 10 ans ;
• Les garçons sont davantage consommateurs de boissons alcoolisées que les filles, et l’écart est d’autant plus important que la fréquence d’usage observée est élevée (en 2011, le sex-ratio vaut 1,02 pour l’expérimentation, 1,07 pour l’usage dans le mois, 2,70 pour l’usage régulier et 1,28 pour les API) ;
• Toutefois, à l’instar de ce qui est observé dans d’autres pays européens, notamment anglo-saxons et nordiques, l’écart entre garçons et filles s’amenuise ;
• En 2011, la France occupe une position médiane en Europe pour les alcoolisations ponctuelles importantes à 16 ans et se situe au-dessus de la moyenne pour la consommation régulière d’alcool.

Consommation de tabac

• En 2011, en France, plus de 2 jeunes sur 3 âgés de 17 ans (68 %) ont expérimenté le tabac (70 % des filles et 67 % des garçons) ;
Le tabac est le premier produit psychoactif consommé quotidiennement à l’adolescence :
- des usages quotidiens sont observés dès le collège (8 % parmi les élèves de 4ème et 16 % parmi ceux de 3ème) ;
- à 17 ans, 30 % des filles et 33 % des garçons sont fumeurs quotidiens ;
• Le tabac est le seul produit psychoactif dont les niveaux d’usage sont comparables chez les filles et les garçons ;
• L’âge moyen d’initiation apparaît en recul : 14,1 ans en 2011, alors qu’il était de 13,7 ans en 2000 ; selon les chiffres de 2011, les filles continuent d’expérimenter le tabac légèrement plus tard que les garçons ;
• Après une longue période de baisse, la consommation quotidienne de tabac à l’adolescence en France apparaît en hausse depuis les années 2007-2008 ;
• Cette tendance a été observée en Europe dans environ un tiers des pays participant à l’enquête Espad, alors qu’aucune hausse n’avait été mise en évidence entre 2003 et 2007 ;
• La France se situe en 2011 parmi les pays européens où la prévalence du tabagisme chez les jeunes âgés de 16 ans est la plus élevée.

Consommation de cannabis

• Alors que l’usage de cannabis chez les adolescents a progressé de façon constante au cours des années 1990 et jusqu’en 2002-2003, on constate une baisse significative à la fois de l’expérimentation et de l’usage régulier à l’âge de 17 ans sur la période 2002-2011, les niveaux demeurant toutefois élevés ;
Le cannabis est le premier produit psychoactif illicite consommé à l’adolescence. En 2011, 42 % des adolescents de 17 ans ont déjà fumé du cannabis au moins une fois (39 % des filles et 44 % des garçons) ;
• Les premières expérimentations sont observées dès les dernières années de collège (11 % des élèves de 4ème, 24 % des élèves de 3ème) et concernent près d’un lycéen sur 2 (49 % des lycéens et 41 % des élèves de 2nde ont déclaré une expérimentation de cannabis en 2011) ;
• L’âge moyen d’initiation a légèrement reculé : selon les enquêtes menées auprès des adolescents de 17 ans, il était de 15,0 ans en 2005 et de 15,3 ans en 2011 ; les filles expérimentant là encore légèrement plus tardivement que les garçons ;
• Les usages réguliers de cannabis (au moins dix fois dans le mois) concernent :
- 2 % des élèves de 3ème en 2010 ;
- 6 % des élèves de 2nde en 2011 ;
- 7 % des élèves de terminale en 2011 ;
• En 2011, environ 5 % des adolescents2 de 17 ans présentent un risque élevé d’usage problématique (7 % des garçons et 3 % des filles), voire de dépendance au cannabis ;
• Les garçons sont plus consommateurs que les filles et l’écart entre les sexes est d’autant plus important que la fréquence d’usage est élevée (à 17 ans, le sex-ratio vaut 1,13 pour l’expérimentation, 1,21 pour l’usage dans le mois, 2,84 pour l’usage régulier et 2,28 pour les signes de dépendance) ;
• Les adolescents français, avec les jeunes canadiens, tchèques, suisses, américains et espagnols, se situent parmi les premiers consommateurs de cannabis.

Consommation de médicaments psychotropes

• En 2011, 41 % des jeunes de 17 ans déclarent avoir pris au moins un médicament psychotrope (cette catégorie incluant toutefois l’homéopathie et la phytothérapie citées par 30 % des répondants). Les médicaments psychotropes les plus fréquemment expérimentés sont les anxiolytiques (15 %), les somnifères (11 %), puis les antidépresseurs (6 %). La diffusion des autres classes de médicaments comme les thymorégulateurs, neuroleptiques et psychostimulants concernent moins de 2 % des adolescents ;
• On note qu’à 17 ans, une proportion très faible de jeunes (0,6 %) déclare avoir déjà consommé des produits de substitution aux opiacés (buprénorphine haut dosage ou méthadone).

Polyconsommations et autres produits illicites

• En 2011, 4 % des adolescents de 17 ans se déclarent à la fois fumeurs quotidiens de tabac et consommateurs réguliers (au moins 10 fois par mois) de boissons alcoolisées ; 4 % sont à la fois fumeurs quotidiens de tabac et réguliers de cannabis. Enfin, 2 % sont polyconsommateurs réguliers de tabac, alcool et cannabis et 0,2 % sont des usagers réguliers de cannabis et d’alcool ;
• Les expérimentations de produits illicites autres que le cannabis comme les amphétamines (dont l’ecstasy), les champignons hallucinogènes, le LSD, la cocaïne ou encore l’héroïne, n’apparaissent qu’à la fin de l’adolescence, dans des proportions comprises entre 3 % pour les champignons hallucinogènes et 0,8 % pour l’héroïne. La plupart de ces expérimentations sont en baisse sur la période 2008-2011, en particulier celle de l’ecstasy ;
• L’expérimentation de la cocaïne (3 % en 2011) est plus fréquente que celle des stimulants de type amphétaminique et devance celle des opiacés. En 2000, 0,6 % des filles avait expérimenté la cocaïne à 17 ans. Elles étaient 2,0 % en 2005. Chez les garçons du même âge, l’expérimentation est passée de 1,3 % en 2000 à 3,0 % en 2005. Cette augmentation est favorisée par la baisse du prix du produit et sa plus grande disponibilité. Cependant, après une hausse constante sur la période 2000-2008, l’expérimentation de la cocaïne marque un léger recul entre 2008 et 2011 ;
• La consommation de cocaïne est rarement isolée. Il existe presque toujours un usage simultané d’alcool, de tabac et souvent de cannabis. En milieu festif, l’usage de cocaïne est associé à l’usage d’autres stimulants et à la fréquence des ivresses. De plus, les pratiques de régulation des effets des produits les uns par les autres amènent parfois les usagers à faire des mélanges (cocaïne, amphétamines, opiacés, benzodiazépines...) ;
• À 17 ans, on n’observe quasiment pas d’usage répété dans le mois de substances illicites autres que le cannabis ;
• À la différence des substances illicites, les produits à inhaler comme les colles, les solvants ou les poppers3 présentent des niveaux d’expérimentation relativement élevés à 17 ans. Pour ce qui concerne les poppers, 9 % des adolescents disent en avoir déjà expérimenté, mais leur usage reste peu répété ;
• Les polyconsommations se traduisent souvent par des situations de prise de risque ou de vulnérabilité qui justifient une attention particulière à porter à ces pratiques.

Consommation de boissons énergisantes

• Les boissons énergisantes comportent le plus souvent une grande variété de produits tels que la caféine, la taurine, des vitamines du groupe B, du glucuronolactone, et beaucoup de sucres et/ou d’édulcorants. Leur goût sucré les rend très populaires auprès des adolescents et des jeunes adultes. Elles sont consommées seules ou mélangées à de l’alcool, à l’instar des prémix (mélange d’alcools forts et de sodas) ;
• En France, suite aux recommandations de l’InVS4 et de l’Afssa5 , il est interdit de consommer des boissons énergisantes dans les établissements scolaires depuis 2008. Sans conclure à des effets indésirables autres que ceux induits par la caféine, ces deux institutions incitaient à la prudence, quelques personnes ayant présenté des symptômes de type neurologique, sans qu’un lien direct avec la boisson ait toutefois pu être clairement établi ;
• L’association à des boissons alcoolisées a été identifiée comme présentant des risques ; elle augmente les conséquences délétères de l’alcool et notamment le risque de rapports sexuels non protégés. D’autre part, il pourrait y avoir un lien entre la consommation de boissons énergisantes associées à l’alcool et la survenue ultérieure d’une dépendance à l’alcool ;
• Dans l’enquête HBSC (2010), la consommation de boissons énergisantes est passée de 20 % en 6ème à 36 % en 2nde. Ce sont surtout les usages occasionnels qui deviennent plus fréquents avec l’âge, les usages hebdomadaires passant de 11 % en 6ème – 5ème à 12-13 % en 4ème – 2nde ;
• À tous les âges de l’adolescence, les garçons sont plus souvent consommateurs que les filles et présentent des fréquences d’usage plus élevées.

Consommation de prémix

• Les prémix (ou alcopops) sont des mélanges d’alcools forts et de boissons fortement sucrées (de type soda ou jus de fruit), titrant de 5 à 8 degrés. Ces boissons au goût très sucré visent prioritairement les plus jeunes ;
• Alors que les prémix ciblent une population adolescente, leur usage reste relativement moins fréquent que celui des autres grandes catégories de boissons alcoolisées ;
• En France, en 2005, les prémix étaient au second rang des boissons alcoolisées les plus consommées chez les filles âgées de 17 ans, nettement plus consommatrices que les garçons ; en 2011, les garçons et les filles ne se distinguent plus sur la consommation de prémix. De plus, le niveau d’usage de ces boissons chez les adolescents de 17 ans a nettement baissé entre 2005 et 2011, probablement en partie du fait du coût élevé de ces boissons en raison de l’application d’une taxe particulière sur les prémix, plus élevée que pour les autres boissons alcoolisées.

Principales évolutions de consommations observées depuis dix ans

• Baisse des expérimentations de tabac à 17 ans sur la période 2000-2011 (de 78 à 68 %) ;
• Recul de l’expérimentation de tabac à 13 ans entre 2006 et 2010 (de 29 à 25 %) ;
• Baisse du tabagisme quotidien à 17 ans sur la période 2000-2011 (de 41 à 32 %) ; cependant, légère augmentation du tabagisme quotidien à 17 ans entre 2008 et 2011 (de 29 à 32 %) ;
• Baisse des expérimentations d’alcool à 17 ans sur la période 2000-2011 (de 95 à 91 %) ;
• Stabilité des usages réguliers d’alcool à 17 ans sur la période 2000-2011 (11 %) ; cependant, légère augmentation des usages réguliers d’alcool entre 2008 et 2011 (respectivement 9 % et 11 %) ;
• Augmentation des ivresses déclarées dans l’année parmi les jeunes de 17 ans : entre 2002 et 2011, la part des adolescents qui ont connu au moins 3 ivresses dans l’année est passée de 20 à 28 % ;
• Hausse continue des alcoolisations ponctuelles importantes (API) au cours du mois : 46 % en 2005, 49 % en 2008 et 53 % en 2011 ;
• Baisse des expérimentations de cannabis à 17 ans sur la période 2000-2011 (de 46 à 42 %) ;
• Usages réguliers de cannabis à la baisse sur l’ensemble de la période 2000-2011 (de 10 à 7 %) ;
• Hausse des expérimentations de cocaïne à 17 ans sur la période 2000-2011 (de 1 à 3 %) ;
• Stabilité des expérimentations d’héroïne à 17 ans : 0,6 % en 2000 et 0,9 % en 2011.

Pratiques et conduites addictives dans les DOM

• Dans les DOM, la population adolescente est globalement moins concernée par les pratiques addictives qu’en métropole. Ce constat est vrai pour tous les indicateurs et pour tous les départements, avec toutefois quelques nuances ;
• Les niveaux de consommation d’alcool (régulière ou ponctuelle importante) sont très proches dans les trois DOM étudiés en 2011 (Guadeloupe, Martinique et Réunion), et très inférieurs à ceux observés en métropole. Si le tabagisme est 2 à 3 fois moins fréquent qu’en métropole, parmi les DOM il apparaît cependant comparativement élevé à la Réunion suite à une augmentation importante des taux d’usage quotidien entre 2008 et 2011. L’usage de cannabis est globalement moins fréquent qu’en métropole, excepté à la Réunion où le niveau d’expérimentation est comparable à celui de la métropole (40 % versus 41,5 %). Les usages réguliers de cannabis s’avèrent toutefois comparables. Pour les autres produits illicites, les niveaux d’expérimentation sont comme en métropole extrêmement faibles, avec une particularité concernant les poppers dont l’usage est quasi inexistant dans les DOM contrairement à la métropole. Les enquêtes menées à 17 ans soulignent la relative rareté des déclarations d’usage de produits psychoactifs dans les DOM et corroborent les résultats obtenus lors d’enquêtes en milieu scolaire sur les usages de substances psychoactives menées dans les quatre territoires.

Contextes de consommation d’alcool et de cannabis

• En 2005, parmi les jeunes ayant déclaré avoir bu de l’alcool au cours des trente derniers jours, les consommations ont surtout eu lieu le week-end, et il s’agissait souvent d’un jour ou d’un évènement particulier (anniversaire, fête...) ;
• La très grande majorité (85 %) des consommations d’alcool a eu lieu avec des amis, mais près d’un tiers (31 %) avec les parents et il s’agissait d’une occasion particulière dans 59 % des cas. La consommation solitaire était très rare (2 %). Les consommations dans les bars, restaurants et discothèques étaient rapportées par près d’un tiers des jeunes âgés de 17 ans, comme la consommation chez les parents (30 %). Lorsque cette consommation a eu lieu au domicile parental, les parents étaient présents dans 82 % des cas. La consommation dans un lieu public ouvert est rapportée dans 15 % des cas ;
• Le contexte de la consommation du cannabis est très différent de celui de l’alcool même si, comme pour l’alcool, elle se déroule dans 92 % des cas en présence des amis : le cannabis est plus souvent consommé en semaine, un jour ordinaire et très rarement en présence des parents (1 %) ; les lieux de consommation diffèrent également fortement : le domicile des parents est moins cité (9 % des cas), de même que les lieux publics payants comme les bars, restaurants (5 % des cas) ;
• La dernière consommation de cannabis a eu lieu dans un lieu public ouvert dans 51 % des cas. Parmi les autres lieux, il y a l’établissement scolaire dans 18 % des cas ou encore les discothèques et les concerts dans 14 % des situations.

Pratiques des jeux vidéo/Internet et des jeux de hasard et d’argent

• Par jeux vidéo, on entend des jeux se réalisant à travers un dispositif informatique (ordinateur, tablette, console de jeu, smartphone, borne d’arcade…) relié ou non à une connexion Internet (possibilité de jeux en réseau par exemple) dans lequel le joueur agit seul ou en groupe sur un environnement virtuel. Les études disponibles ne permettent généralement pas de faire une distinction entre la pratique des jeux vidéo et l’usage d’Internet à proprement parler, même si l’utilisation problématique d’Internet (en tant que support pour les jeux ou de média) a été documentée, et peut se décliner dans des pratiques comme les jeux vidéo, le téléphone portable, les réseaux sociaux… ;
• Par jeux de hasard et d’argent, on entend toute forme de jeu impliquant que le joueur engage de l’argent (ou un objet de valeur), que la mise est irréversible et que l’issue du jeu dépend totalement ou en partie du hasard ;
• En France, il existe encore très peu de données quantitatives sur les pratiques de jeux vidéo/Internet et de jeux de hasard et d’argent chez les adolescents.

Pratique des jeux vidéo/Internet

Les jeux vidéo sont très populaires chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. Alors qu’il a été souligné que cette pratique peut avoir une influence positive sur différents paramètres comme le développement des fonctions cognitives et spatiales, elle peut également faire l’objet d’une perte de contrôle et d’un comportement problématique, en particulier à l’occasion de la pratique de jeux en réseau. Il n’y a pas d’études épidémiologiques spécifiques sur cette thématique. Toutefois, une enquête auprès des adolescents aborde la question (Escapad 2008 pour les MMORPG - Massively Multiplayer Online Role Playing Games ou « jeux de rôle en ligne massivement multi-joueurs » et Escapad 2011 pour Internet) et permet de fournir des premières estimations :
• En 2011, environ 80 % des 17 ans déclarent avoir utilisé Internet durant les sept derniers jours ; environ un sur quatre l’utilise comme moyen d’échange entre 2 et 5 heures par jour ; moins d’un sur cinq entre 5 et 10 heures et un sur dix plus de 10 heures par jour. Par ailleurs, 5 % joueraient aux jeux vidéo entre 5 et 10 heures par jour ;
• En 2008, le type de jeu le plus fréquent était le jeu non connecté (ordinateur ou console) : à 17 ans, 60 % des adolescents y avaient joué au cours de l’année écoulée ; venaient ensuite la catégorie des jeux en ligne type MMO ou Massive Multiplayer Online (MMORPG : Role Playing Game (RPG)6  ; MMOFPS : First Person Shooting (FPS)7 ) auxquels 39 % des adolescents avaient joué au cours de l’année, et enfin la catégorie des autres jeux connectés ;
• C’est sur les MMO (MMORPG et MMOFPS) que les temps moyens de jeu sont les plus élevés. Parmi les usagers quasi-quotidiens, la moyenne atteint 5,4 heures par jour le week-end et 2,9 heures par jour en semaine contre 3,6 et 2,1 pour les autres jeux connectés et 2,9 et 2,3 pour les jeux non connectés ;
• Les MMORPG sont souvent décrits comme potentiellement très addictogènes ;
• Les garçons jouent plus souvent que les filles, en particulier aux MMORPG et MMOFPS. Ils totalisent des durées moyennes de pratique plus élevées. Toutefois, filles et garçons passent le même temps devant l’écran, les filles utilisant davantage les réseaux sociaux ;
• Parmi les joueurs de jeux vidéo (tous types confondus), 23 % des adolescents de 17 ans disent avoir rencontré au cours de l’année écoulée, à cause de leur pratique de jeu, un problème avec leurs parents, 5 % avec leurs amis, 26 % des problèmes à l’école ou au travail et environ 4 % des problèmes d’argent. Les garçons rapportent plus souvent des problèmes associés aux jeux que les filles. La fréquence de pratique des jeux, en particulier celle des MMO (RPG et FPS), est fortement associée à la déclaration de problèmes avec les parents, à l’école ou au travail, et des problèmes d’argent ;
• Selon les outils de mesure utilisés et les pays, la prévalence d’utilisation problématique d’Internet par les adolescents varierait de 2 à 12 %. En France, un module intégré dans l’enquête Escapad 2011 permet de proposer des premières estimations. Ainsi, parmi la population des adolescents de 17 ans qui a utilisé Internet au cours de la semaine écoulée, 3 à 5 % d’entre eux pourraient présenter une pratique problématique de l’Internet, avec diverses conséquences : troubles du sommeil, surpoids, baisse des résultats scolaires, difficultés rencontrées avec les parents...

Pratique des jeux de hasard et d’argent

• En France comme dans la plupart des pays occidentaux, la pratique des jeux de hasard et d’argent est illégale avant 18 ans. Pourtant, selon les études internationales, les adolescents pratiquent les jeux de hasard et d’argent : 80 % ont déjà joué au cours de la vie et 10-20 % ont une pratique hebdomadaire ;
• L’étude Escapad a exploré pour la première fois en 2011 la pratique des jeux de hasard et d’argent chez les adolescents de 17 ans en France :
- 44 % ont déjà joué au cours de leur vie (50 % des garçons et 38 % des filles) ;
- 10 % ont joué au cours de la semaine (15 % des garçons et 7 % des filles) ;
• En France, les adolescents jouent principalement à des jeux de grattage et de tirage achetés dans un bureau de tabac ;
• La possibilité de jouer en ligne est particulièrement attractive pour les jeunes, même mineurs. En France, près de 14 % des adolescents de 17 ans ont déclaré avoir joué à un jeu de hasard et d’argent sur Internet au moins une fois dans l’année écoulée ;
• Parmi les joueurs, l’initiation a lieu le plus souvent à l’adolescence (voire même au début de l’adolescence selon certains auteurs), généralement dans le cercle familial ;
• Les garçons jouent plus que les filles, quel que soit le pays étudié ou la période de référence ;
• La prévalence en population adolescente varie en fonction des pays :
- En Amérique du Nord : environ 8 % des adolescents sont des joueurs à risque et 5 % des joueurs pathologiques probables8  ;
- En Europe : 2 à 7 % des adolescents sont des joueurs problématiques/pathologiques probables ;
- En France, 14 % des jeunes de 17 ans ayant joué dans la semaine écoulée seraient des joueurs à risque modéré et 3 % des joueurs pathologiques ;
• La littérature internationale rapporte une prévalence du jeu problématique/pathologique supérieure chez les adolescents par rapport aux adultes. En France, on retrouve cette tendance.

Motivations de consommation et représentations de l’usage problématique des différents produits par les adolescents

• Pour expliquer un comportement donné, les sciences humaines et sociales s’intéressent aux intentions des individus, à leurs motivations, à leurs raisons d’agir, en relation avec leur propre contexte ; toutefois, peu d’études prennent en considération ces aspects, comparativement aux aspects sociodémographiques ou biologiques ;
• Les motivations déclarées par les jeunes sont souvent sexuellement différenciées, et sont surtout très variées, d’un produit à l’autre, mais aussi pour un même produit : motifs hédoniques, « thérapeutiques », sociables (les drogues comme « lubrifiant social »), recherche de la performance, affirmation de son identité… ;
• Les motivations, les attentes et les représentations sont des déterminants clés des pratiques, mais aussi de leur niveau, de leurs conséquences, comme des réactions face aux actions de prévention, d’où la nécessité d’inclure ces variables dans les études et enquêtes ;
• La plupart des indicateurs d’usage sont basés sur le niveau et/ou l’ancienneté de l’usage, ou sur l’ampleur des dommages associés, et non sur les attentes du consommateur ;
• Les jeunes rejettent généralement les explications expertes et manifestent des attentes/motivations très variées, le plus souvent en fonction du genre et socialement différenciées. La différenciation sociale des croyances et attitudes à l’égard des pratiques addictives expliquerait en partie les inégalités observées vis-à-vis des usages réguliers et problématiques ;
• Les adolescents se révèlent peu sensibles aux risques sanitaires à long terme (notamment les risques de maladies chroniques liées au tabagisme et à l’alcoolisation), car ils ne les perçoivent que comme un risque très lointain qui ne les concerne pas vraiment ;
• Les représentations des produits addictifs licites (tabac, alcool, jeux dans leur globalité) sont influencées par les outils marketing déployés par les industriels pour inciter à la consommation de leur produit. Ces publicités et outils marketing réduisent également l’efficacité des programmes de prévention destinés aux jeunes.

Principaux facteurs associés aux usages problématiques

Facteurs psychologiques

Les facteurs psychologiques associés aux conduites addictives à l’adolescence incluent le défaut d’assertivité, la mauvaise estime de soi et le manque de confiance en soi ; l’impulsivité, la recherche de nouveauté et de sensations ; les troubles de l’humeur, les troubles anxieux et le TDAH (trouble déficit de l’attention/hyperactivité) ; les évènements de vie négatifs…

Facteurs socioéconomiques et scolaires

• Les inégalités sociales dans le domaine des conduites addictives commencent dès l’adolescence ;
• L’expérimentation des produits psychoactifs est influencée par le milieu socioéconomique familial. Les jeunes de milieux favorisés expérimentent plus volontiers que ceux de milieux modestes (les écarts étant très faibles dans le cas du tabac, plus prononcés dans le cas de l’alcool et du cannabis) ;
• Toutefois, quel que soit l’âge des adolescents, les jeunes qui ont un parcours scolaire perturbé (redoublement, filière professionnelle, décrochage scolaire, déscolarisation) ou dont les familles ont un faible niveau socioéconomique (faibles revenus ou profession peu qualifiée des parents) ont des niveaux plus élevés d’usage problématique ou d’abus des substances psychoactives ou de pratique problématique/pathologique des jeux de hasard et d’argent. Cet apparent paradoxe illustre le fait que les jeunes de milieux favorisés pourraient mieux maîtriser leurs consommations et avoir moins de difficultés psychologiques concomitantes ;
• Les écarts de consommation entre garçons et filles sont importants dans le cas de l’alcool et du cannabis, mais plus réduits dans le cas du tabac. Ces écarts sont d’autant plus importants que les usages considérés sont fréquents ou intensifs. Ils sont aussi plus prononcés dans les milieux modestes que dans les milieux favorisés et parmi les jeunes ayant un parcours scolaire difficile ou ceux ayant achevé leur scolarité dès 16 ans.

Facteurs familiaux et transmission intergénérationnelle des conduites addictives

• Chez le jeune adolescent, les conduites addictives sont souvent un refuge, une réponse face à une situation familiale ou personnelle difficile. Les pratiques parentales en termes d’écoute et de supervision sont à cet égard déterminantes ;
• En effet, un climat familial favorable (bonne entente entre parents et adolescents, connaissance qu’ont les parents de l’entourage et des activités de leurs enfants) est associé à une probabilité plus faible d’usage problématique de produits psychoactifs ou de problèmes de jeu vidéo/Internet et de jeux de hasard et d’argent ;
• L’existence de troubles parentaux psychiatriques ou addictifs constitue un facteur de vulnérabilité ;
• Les consommations de substances psychoactives (tabac, alcool) et les pratiques des jeux de hasard et d’argent des adolescents sont associées à celles des parents : les enfants de fumeurs sont 2 fois plus souvent eux-mêmes fumeurs, les enfants de consommateurs excessifs d’alcool sont 2 fois plus souvent eux-mêmes consommateurs réguliers d’alcool. Il en est de même au sujet de la pratique des jeux de hasard et d’argent. L’initiation se fait le plus souvent dans le premier cercle familial, et avoir des parents joueurs, a fortiori pathologiques, est un facteur de risque de troubles liés à la pratique des jeux de hasard et d’argent. Les habitudes de jeu s’acquièrent d’autant plus que le regard porté sur la pratique par les parents est tolérant, voire bienveillant ;
• La transmission intergénérationnelle des conduites addictives est particulièrement forte chez les jeunes qui ont des problèmes de comportement ou en cas de difficultés socioéconomiques de la famille ;
• La transmission intergénérationnelle des conduites addictives est diminuée quand les jeunes montrent une bonne capacité à se contrôler, n’ont pas de difficultés psychologiques, ou reçoivent du soutien de la part de leur entourage ;
• Enfin, s’il est admis que les facteurs environnementaux influencent l’initiation de la consommation de substances psychoactives, il faut souligner l’importance des facteurs génétiques dans le risque de dépendance. Selon les études d’agrégation familiale, une part non négligeable du risque de développer une addiction serait attribuable à des facteurs génétiques, parmi lesquels de nombreux gènes candidats ont été identifiés en fonction des produits.

Cercle amical et conduites addictives

• Les jeunes dont les amis consomment des produits psychoactifs présentent des niveaux de consommation plus élevés que ceux dont les amis ne consomment pas, ce qui reflète probablement à la fois la façon dont les adolescents choisissent leurs amis et l’influence des consommations des pairs sur les populations adolescentes. Ce constat est également valable pour les jeux de hasard et d’argent et les jeux vidéo, d’autant plus que leur pratique est ressentie comme un loisir agréable, excitant, et associé à des valeurs positives ;
• L’influence du groupe de pairs sera d’autant plus manifeste que les parents ne peuvent assurer une surveillance et garantir un attachement de qualité.

Marketing et communication publicitaire des industriels

• Le marketing et la communication publicitaire se définissent comme l’ensemble des produits, informations, messages et autres signaux envoyés par l’entreprise sur des publics cibles pour les inciter à acheter leur produit (publicités dans les médias, sur les points de vente, sur Internet, packaging, produits aromatisés, relations vers les journalistes, les élus...) ;
• Une littérature internationale a mis en évidence l’influence des actions marketing et de communication publicitaire déployées par les industriels (alcool, tabac, jeux) sur les envies de consommation des jeunes ;
• En dépit de la loi Evin (1991), qui pose le principe de l’interdiction partielle de la publicité directe ou indirecte pour les boissons alcoolisées et totale pour les produits du tabac (sauf dans les lieux de vente du tabac et dans les revues pour les professionnels du tabac), les industriels du tabac et de l’alcool continuent à développer des stratégies marketing ;
• Concernant l’industrie du tabac, la loi Evin est régulièrement détournée avec l’utilisation de supports publicitaires discrets mais efficaces pour toucher les jeunes tels que :
- l’emballage : le paquet de cigarettes, à travers ses logos, couleurs, visuels et forme, remplit des fonctions de communication : inciter à l’achat, attirer l’attention sur le point de vente, attirer des cibles spécifiques (jeunes, femmes), entretenir l’image de la marque ;
- des innovations : des cigarettes aromatisées ou qui changent de goût quand on les fume, sont par exemple lancées pour attirer les jeunes. L’objectif de ces produits est d’adoucir le goût du tabac et de réduire la perception de sa dangerosité ;
- Internet et les réseaux sociaux : en raison de leur popularité auprès des jeunes, des études récentes ont montré une forte présence des marques de tabac sur Internet. En France, ces supports publicitaires sont interdits mais les jeunes y ont facilement accès ;
- la présence des produits et des marques du tabac dans les films : des études réalisées en France et à l’international ont mis en évidence une forte présence du tabac dans les films, qui peut influer sur l’initiation du tabagisme ;
- les publicités sur le lieu de vente du tabac dont certaines ne respectent pas la loi Evin et ciblent clairement les jeunes ;
• Moins contraints par la réglementation, les industriels de l’alcool développent également des actions publicitaires et marketing à destination des jeunes à travers :
- le contenu des publicités pour les boissons alcoolisées qui joue sur la socialisation, l’humour, l’aventure, la musique, la séduction, le pouvoir, l’ironie, la provocation... ;
- des produits et packagings développés pour toucher spécifiquement les jeunes (par exemple les « premix » qui mélangent alcool et soda ou jus de fruits). L’application d’une série de taxes a permis de limiter l’accès à ces produits en raison de leur prix ;
- la publicité sur les points de vente et les lieux de consommation (bars, boîtes de nuit...) prend différentes formes : promotion sur les prix des boissons, cadeaux contre achats, jeux-concours, soirées « open bar »... ;
- le sponsoring d’évènements culturels et sportifs qui permet d’associer les marques d’alcool à des activités appréciées des jeunes consommateurs ;
- la présence sur le média Internet récemment autorisée en France : sites web, réseaux sociaux, smartphones, e-mails, « sms »... ;
• Il existe une autre forme de communication marketing mise en œuvre par les industriels du tabac et de l’alcool : les relations publiques et la publicité responsable dont les objectifs sont d’améliorer l’image de l’entreprise et la confiance des leaders d’opinion (journalistes, élus, scientifiques...). Les documents sur la stratégie des industriels du tabac ont montré que l’objectif de ces programmes est de renforcer l’efficacité de leurs actions de lobbying et de limiter le développement des lois susceptibles de contrer leur activité commerciale. Ces actions se traduisent par :
- la mise en place de codes déontologiques de bonne conduite (visibles sur les sites Internet des industriels ou dans des campagnes médias) ;
- le financement de fondations philanthropiques, d’ONG, ou de programmes de recherches ;
- le lancement de programmes d’éducation et de prévention auprès des jeunes ;
• L’effet des publicités déployées par les industries des jeux de hasard et d’argent a été moins étudié par les chercheurs. Les études montrent toutefois que :
- les publicités du jeu véhiculent des idées pouvant contribuer au développement de comportements de jeu à risque : pour gagner, il faut investir de façon continue dans le jeu ; simplicité et importance du gain, mythes (devenir millionnaire en un jour), croyances (le jour de chance) ; non évocation des probabilités réelles de succès ;
- plus les jeunes sont exposés à des publicités pour les jeux, plus ils mémorisent ce comportement, plus ils développent une attitude favorable envers le jeu et plus l’intention de jouer est élevée ;
- alors que les publicités pour les jeux de hasard et d’argent sont réglementées en France, des supports variés sont utilisés et ces derniers parviennent à entrer en contact avec des jeunes : sponsoring d’évènements sportifs, publicités dans les points de vente, Internet (bannières, pop-up, sites...).
Il n’existe pas en France d’études évaluant les effets de la publicité concernant certains jeux vidéo tels que les MMORPG et les jeux à contenu violent.

Sensibilité des adolescents aux effets de l’alcool et du cannabis

Le cerveau poursuit d’importantes étapes de maturation entre 15 et 25 ans. Ces processus sont perturbés par les substances psychoactives, notamment l’alcool et le cannabis. Les adolescents sont ainsi particulièrement vulnérables aux conséquences à long terme de consommations de ces substances.
S’il existe des modes de consommation, comme dans la plupart des cas, pour lesquels il n’y a pas de risque démontré d’apparition de troubles cérébraux, des consommations excessives vont progressivement porter atteinte au cerveau et à son fonctionnement, selon un continuum qui va dépendre de la dose, de la fréquence et des modalités d’exposition.

Sensibilité à l’alcool

• Les jeunes sont moins sensibles aux effets négatifs de l’alcool (hypnose, hypothermie, incoordination motrice…) mais plus réceptifs aux effets positifs ressentis (désinhibition, facilitation des interactions sociales…) ;
• La consommation d’alcool, et notamment l’intoxication massive, exerce des effets neurotoxiques plus prononcés sur le cerveau adolescent comparativement à l’adulte, ce qui se traduit par une plus grande interférence avec les capacités d’apprentissage et de mémorisation. De plus, une consommation d’alcool ponctuelle importante pendant l’adolescence affecte l’apparition de nouveaux neurones (neurogenèse) ;
• Plusieurs études ont montré que ces atteintes morphologiques et fonctionnelles (apprentissage/mémoire) engendrées par une consommation massive d’alcool sont plus importantes chez les filles que chez les garçons du même âge. Des études ont par exemple démontré que les déficits de mémoire de travail spatiale sont plus facilement mis en évidence chez les filles et qu’ils sont plus importants lorsque l’on compare le groupe des binge drinkers à celui des buveuses non-binge drinkers ;
• Les études sur des modèles animaux ayant fait la preuve de leur pertinence ont confirmé la plus grande vulnérabilité à l’addiction à l’alcool des sujets adultes ayant été exposés à des intoxications alcooliques répétées à l’adolescence (et notamment à la pré-adolescence).

Sensibilité au cannabis

• L’adolescence est une période de vulnérabilité particulière aux troubles cognitifs et au risque d’apparition de troubles psychotiques ou de schizophrénie secondaires à la consommation de cannabis qui perturbe les processus de maturation cérébrale. De plus, le risque d’altérations cérébrales peut exister pour de faibles consommations chez des sujets particulièrement vulnérables ;
• Les troubles cognitifs liés à l’usage de cannabis sont corrélés à la dose, la fréquence, la durée d’exposition et l’âge de la première consommation. Ces troubles cognitifs peuvent persister à long terme, y compris après sevrage, notamment si la consommation a débuté avant l’âge de 15 ans. Une étude récente a mis en évidence, chez des sujets adultes, que la dépendance au cannabis peut entraîner une diminution du quotient intellectuel dont l’ampleur dépend de la précocité de la consommation (avant l’âge de 18 ans) ;
• Les études sur des modèles animaux montrent que l’exposition aux cannabinoïdes à l’adolescence induit des perturbations cognitives, physiologiques et comportementales, comparables à celles observées dans des modèles de schizophrénie, perturbations qui peuvent persister à l’âge adulte et à distance de l’exposition (après sevrage) ;
• Outre la mise en évidence d’effets sur la mémoire, l’attention et la concentration, l’usage intensif de cannabis peut engendrer un syndrome « amotivationnel », qui se traduit par un déficit d’activité professionnelle ou scolaire, mais aussi une pauvreté idéative et une indifférence affective.

Dommages individuels et sociaux

La plupart des travaux soulignent que chez les adolescents, une première expérience positive avec des substances psychoactives peut influencer l’évolution de la consommation, favorisant des consommations régulières puis, potentiellement, la survenue d’une dépendance. Quel que soit le produit considéré, la précocité de l’expérimentation et de l’entrée dans la consommation accroît les risques de dépendance ultérieure et, plus généralement, de dommages subséquents. Il en est de même avec la pratique des jeux de hasard et d’argent. Concernant les jeux vidéo, une utilisation très précoce et sans encadrement familial peut également entraîner une pratique à risque.
La dépendance se manifeste de façon différente selon le produit. Pour le tabac et l’alcool, on observe des phénomènes de tolérance et de syndrome de sevrage. Pour le cannabis, ce sont les phénomènes de perte de contrôle et de tolérance qui sont au premier plan chez l’adolescent, le syndrome de sevrage, bien identifié chez l’adulte, étant plus rare dans cette tranche d’âge.

Dommages associés au tabac

• Concernant le tabac, les dommages sanitaires à long terme sont très bien documentés : risques de cancers, en particulier des voies aérodigestives supérieures et des poumons, bronchites chroniques, pathologies cardiovasculaires… ; pour rappel, en France, le tabagisme est la première cause de mortalité prématurée9 , avec plus de 70 000 décès par an et 1 000 à 5 000 décès liés au tabagisme passif ;
• La stigmatisation des fumeurs, si elle semble s’installer progressivement depuis quelques années parmi les adultes en France en écho aux efforts répétés de « dénormalisation » du tabac, est probablement moins forte parmi les adolescents chez qui la cigarette reste souvent associée à des valeurs positives de transgression.

Dommages associés à l’alcool

Même si la plupart des jeunes qui ont une alcoolisation ponctuelle importante ne développe pas d’addiction, une telle pratique à l’adolescence peut constituer une porte d’entrée vers une alcoolisation chronique voire une dépendance ultérieure.
• L’addiction à l’alcool est une maladie chronique et hautement récidivante en dépit des traitements, notamment en cas d’association avec des symptômes d’anxiété ou de dépression. Elle entraîne de nombreuses complications hépatiques, cardiovasculaires et neuropsychiatriques, ainsi que des cancers. L’alcool est en France responsable d’une mortalité prématurée élevée, de l’ordre de 49 000 décès par an ;
• Le foie et le cerveau sont les deux organes particulièrement touchés par une consommation excessive et chronique d’alcool ;
• À l’adolescence, le principal problème en lien avec l’alcool est celui de l’alcoolisation aiguë, même si l’alcoolisation précoce augmente les risques d’alcoolo-dépendance ou d’alcoolisation chronique ultérieure et de dommages sociaux ;
• La consommation chronique d’alcool et l’alcoolisation ponctuelle importante à l’adolescence entraînent des atteintes au niveau cérébral aussi bien au niveau morphologique que fonctionnel. Les déficits observés à moyen terme sont proportionnels à la quantité d’alcool consommée et au mode de consommation. Le cerveau des sujets pratiquant l’alcoolisation ponctuelle importante peut être en souffrance neuronale, fonctionner moins efficacement et plus lentement et présenter des déficits similaires à ceux des patients alcoolodépendants ;
• Les risques à court terme sont l’implication dans des violences interpersonnelles, comme victime et/ou comme auteur, des rapports sexuels non désirés (avec pour conséquences éventuelles : infections sexuellement transmissibles, grossesses non désirées…), des accidents de la route ;
• Certains travaux montrent que l’usage d’alcool est associé à un moindre niveau d’études, mais ni le sens du lien causal éventuel ni sa nature ne sont clairs. En revanche, il semble que l’abus d’alcool à l’adolescence ait une incidence négative sur le niveau d’études atteint ultérieurement.

Dommages associés au cannabis

• Concernant le cannabis, il existe une corrélation entre l’usage et la levée de l’inhibition comportementale ;
• Les troubles cognitifs observés dans les heures qui suivent l’usage de cannabis concernent l’attention, le temps de réaction, la mémoire de travail, et sont associés à des troubles de coordination. Ces troubles augmentent le risque d’accident ;
• L’usage de cannabis peut également précipiter la survenue de troubles psychiatriques (troubles anxieux, troubles dépressifs, symptômes psychotiques et schizophrénie). Le cannabis peut induire des symptômes psychotiques et précipiter des troubles psychotiques, notamment à l’adolescence. Ce risque pourrait être modulé par certains facteurs génétiques, l’âge d’exposition et l’existence préalable d’une vulnérabilité à la psychose (schizotypie, antécédents familiaux). Il n’a pas été démontré que le cannabis puisse être la cause unique d’une schizophrénie, mais la sensibilité aux effets psychotomimétiques10 du cannabis est variable selon les personnes. La consommation de cannabis, fréquente chez les personnes souffrant de pathologies psychiatriques, aggrave ces pathologies à terme ;
• La consommation chronique de cannabis induit des troubles cognitifs, caractérisés par des troubles de l’attention, de la mémoire de travail et de la mémoire épisodique avec des altérations de l’encodage, du stockage et du rappel des informations. Certains troubles persistent après sevrage, notamment en cas de consommation précoce avant 15 ans ;
• Des études longitudinales ont retrouvé chez des enfants exposés au cannabis durant la grossesse, des troubles de l’organisation des perceptions, de l’attention et de la mémoire et dès l’âge de 6 ans, des perturbations du raisonnement verbal, de la mémoire à court terme, pouvant avoir un impact sur les apprentissages scolaires ;
• La consommation chronique de cannabis fumé a des conséquences sanitaires à long terme comparables à celles du tabagisme (risques accrus de maladies cardiovasculaires, accidents vasculaires cérébraux, cancers) ;
• La consommation régulière de cannabis a des effets sur le fonctionnement global se traduisant par des résultats scolaires plus faibles, des revenus moins élevés, des taux de chômage et de recours aux systèmes d’aide sociale plus élevés, des relations interpersonnelles et une satisfaction dans la vie moins bonnes.

Dommages associés aux médicaments psychotropes

• Concernant les médicaments psychotropes, il existe une association statistique entre mésusage11 et conduites suicidaires, y compris parmi les adolescents. Il est cependant important de noter que le mésusage survient fréquemment dans un contexte de polyconsommation de produits psychoactifs ;
• Hors prescription, les mésusages de certains médicaments psychotropes peuvent avoir des effets délétères sur les plans psychique et somatique, y compris être associés avec des troubles du comportement alimentaire, des comportements « antisociaux », et un risque accru d’arrêt de la scolarité.

Autres dommages associés aux substances psychoactives

• La consommation de cannabis double le risque de provoquer un accident de la route entraînant des blessures graves ou un décès. Les effets du cannabis sont dose-dépendants et aggravés par la consommation simultanée d’alcool ;
• En 2005, 6 % des jeunes de 17 ans déclaraient avoir conduit (le plus souvent un deux-roues) après avoir bu de l’alcool et 1 % avait eu un accident ; 4 % avaient conduit après avoir uniquement fumé du cannabis et 0,4 % avait eu un accident ; 6 % avaient conduit après avoir associé les deux produits et 0,2 % avait eu un accident ;
• Compte tenu de l’évolution actuelle des normes sociales12 condamnant les pratiques d’usage/abus de substances psychoactives, les personnes qui s’y adonnent malgré tout s’exposent aux deux manifestations classiques de la stigmatisation : d’une part la dépréciation morale (c’est-à-dire des stéréotypes négatifs) et, d’autre part, la mise à l’écart et l’évitement, ce second aspect pouvant avoir des conséquences très concrètes (difficultés à trouver un(e) partenaire, un emploi, un logement…). Si la stigmatisation des usages de drogues est sans doute moindre à l’adolescence, réciproquement les adolescents peuvent y être plus sensibles.

Dommages associés aux jeux de hasard et d’argent et aux jeux vidéo

• Concernant la pratique des jeux de hasard et d’argent, si elle n’entraîne pas directement de dommages physiques, la dérive addictive peut avoir des conséquences négatives dans cette tranche d’âge cruciale (usage de substances psychoactives, symptômes dépressifs et anxieux, risque suicidaire, pertes financières, diminution des performances scolaires, activités délictueuses...). Toutefois, les travaux évaluant les dommages du jeu problématique/pathologique à l’adolescence sont encore rares ;
• Concernant les jeux vidéo, au-delà du temps passé qui s’avère parfois très long, des problèmes d’ordres psychiques et somatiques peuvent survenir en cas d’usage excessif : troubles du sommeil, irritabilité, tristesse, anxiété, isolement, baisse des performances scolaires... Par ailleurs, un usage problématique des jeux vidéo peut potentialiser l’utilisation d’autres substances comme le tabac, le cannabis, l’alcool, des boissons énergisantes… et augmenter le risque de sédentarité et de surpoids.

Accompagnement des adolescents présentant des conduites addictives

L’importance des effets positifs rapportés par un usager adolescent et la nécessité perçue de consommer dans certaines circonstances doivent alerter l’entourage et les cliniciens sur le risque de survenue d’une dépendance.

Consultations Jeunes Consommateurs

• Les « Consultations Jeunes Consommateurs » (CJC) sont des lieux d’accueil et de prise en charge dédiés aux publics jeunes, qui consomment des substances psychoactives (alcool, tabac, cannabis, cocaïne...) ainsi qu’à leur famille13 . Mises en place à partir de 2004 par les pouvoirs publics, ces consultations sont gratuites et garantissent l’anonymat. Par une pratique clinique intégrant à la fois les phénomènes de l’adolescence et une position addictologique centrée sur la personne et non sur le seul produit, les consultations permettent d’améliorer la prise en charge des jeunes consommateurs. Elles doivent (selon les termes de l’annexe 4 de la circulaire DGS/MC2/2008/79 du 28 février 2008) « réaliser une évaluation de la situation médico-psycho-sociale du consommateur et repérer un éventuel usage nocif, offrir une information et un conseil personnalisés, une prise en charge brève… accompagner ou proposer une orientation des personnes en difficulté… et offrir un accueil et une orientation à l’entourage... » ; il s’agit d’établir une alliance thérapeutique entre le jeune et celui qui l’accueille.

Entretiens motivationnels

• En consultation externe, l’entretien motivationnel est une approche efficace dans le cas des comportements addictifs, particulièrement chez les jeunes. Cette approche s’articule autour du modèle trans-théorique de changement et du modèle motivationnel, qui postulent que les patients pourront plus facilement changer leurs comportements si la motivation vient d’eux-mêmes plutôt qu’imposée par le thérapeute, la famille, l’école ;
• Les entretiens motivationnels ont montré depuis longtemps leur efficacité et leur pertinence chez les adultes, et des résultats très prometteurs ont été observés chez les adolescents.

Thérapies cognitivo-comportementales

• Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) visent à identifier/supprimer un comportement problématique et identifier/restructurer les pensées erronées favorisant ce comportement problématique. Elles s’appuient sur différentes techniques, comme l’exposition14 , la prévention de la rechute, la régulation des émotions, la gestion du craving... ;
• Les TCC se montrent particulièrement efficaces chez les adolescents pour faire face à leurs conduites addictives en leur fournissant aussi des stratégies alternatives (comportementales, cognitives et dans la gestion des émotions) pour gérer les situations qui concourent au passage à l’acte addictif.

Thérapies familiales

• Chez les plus jeunes (moins de 16 ans), les thérapies familiales sont plus efficaces que les TCC. La participation de la famille dans les prises en charge des conduites addictives est alors un élément important dans la réussite du traitement ;
• Les thérapies familiales visent à analyser et soutenir les changements au niveau des pratiques parentales afin que celles-ci aient le meilleur impact possible sur le développement de l’adolescent. Elles ont fait l’objet de multiples publications, dont une en Europe à partir de l’étude INCANT15 . L’étude INCANT a porté sur 460 adolescents dépendants aux cannabis et s’est déroulée dans cinq pays d’Europe dont la France. Les résultats de cette étude montrent une meilleure efficacité de la thérapie familiale multidimensionnelle16 (MDFT) comparée à la thérapie individuelle. Elle est d’autant plus efficace que la consommation et les troubles du comportement sont importants.

Approches psychodynamiques

• Les approches psychodynamiques (s’appuyant sur les théories psychanalytiques) qui mettent l’accent sur la prise de conscience de l’individu de ses conflits psychiques et sa capacité à développer une nouvelle construction du moi sont bien implantées en France. Elles se caractérisent par des interventions sur le long terme et elles ont été peu étudiées selon des protocoles répondant aux critères scientifiques. Elles servent plus souvent de modèle de compréhension que de bases d’action pour faire évoluer les comportements. Elles ne se centrent pas directement sur les addictions, elles peuvent être un complément important en permettant un « renforcement du moi ».

Soins résidentiels

• Le soin résidentiel englobe les prises en charge pluridisciplinaires institutionnelles avec évaluation globale du sujet et de son parcours addictif, arrêt de la consommation ou du comportement pathologique (sevrage), maintien du sevrage et accompagnement à la reprise de la scolarité et/ou travail sur l’insertion professionnelle ;
• En France, le soin résidentiel regroupe les hospitalisations de courte durée, les centres thérapeutiques résidentiels médico-sociaux et les hospitalisations de moyen et long séjour. Ces dispositifs sont très peu développés pour les adolescents présentant une addiction : deux centres leur sont réservés et spécialisés dans la réinsertion sociale (à Lille et Marseille) mais il n’existe pas de centre résidentiel spécialisé à la fois dans les consuites addictives et le suivi scolaire. Ce type de structure soins-étude a été développé pour les pathologies psychiatriques (établissement de la Fondation santé des étudiants de France). Pour les patients présentant des conduites addictives sévères avec comorbidité psychiatrique, les soins en milieu résidentiel sans travail sur la scolarité ou la réinsertion professionnelle conduisent bien souvent à la chronicisation de la pathologie ;
• Le soin résidentiel est en général proposé en cas d’échec des traitements ambulatoires bien conduits, dans les situations où une prise en charge à distance des parents et du milieu social est nécessaire afin de mettre en œuvre non seulement des thérapies, mais aussi une scolarisation ou un travail sur la réinsertion. En effet, les situations familiales sont parfois si tendues qu’un recul est rendu nécessaire pour réamorcer un dialogue constructif dans la famille. De plus, les addictions sévères entraînent une déscolarisation et constituent une menace d’exclusion définitive du système social et familial. Pour réintégrer l’adolescent dans la filière des études, un travail intensif associant soins et étude est une condition sine qua non ;
• L’ensemble des services de désintoxication et de stabilisation ont été considérés comme un élément initial d’un traitement global. Les cures de sevrage courtes peuvent être utiles dans le cadre d’un suivi global sur le long terme ; elles sont indiquées surtout en cas de situation de crise chez l’adolescent. Aucune étude n’a démontré l’efficacité des cures de sevrage seules ;
• Du fait de la fréquence de la comorbidité psychiatrique, l’évaluation précise d’éventuels troubles psychopathologiques ou d’un trouble psychiatrique émergent ne doit pas être négligée et une articulation forte entre structures d’addictologie et centres spécialisés pour l’évaluation des jeunes adultes est nécessaire pour permettre une prise en charge multidisciplinaire, adaptée au stade évolutif de l’éventuelle maladie associée.

Interventions de prévention des conduites addictives présentées comme efficaces vis-à-vis des adolescents

• Selon la littérature scientifique, 9 stratégies d’interventions peuvent être dégagées comme ayant montré des effets bénéfiques sur la prévention ou la diminution de la consommation de substances psychoactives (alcool, tabac, cannabis et autres substances illicites) :
- les interventions visant à développer les compétences psychosociales17 des jeunes ;
- les interventions visant le développement des compétences parentales ;
- les interventions visant à développer les compétences psychosociales à la fois des adolescents et des parents ;
- les stratégies à composantes multiples18  ;
- les interventions fondées sur l’entretien motivationnel ;
- les interventions de développement des compétences psychosociales incluant un volet psychothérapeutique ;
- les interventions d’aide à distance ;
- les campagnes dans les médias ;
- les interventions législatives et réglementaires.
• Dans la littérature, les 3 types d’intervention le plus souvent présents dans les programmes validés comme efficaces sont ceux fondés sur le développement des compétences psychosociales des adolescents, ceux incluant des stratégies à composantes multiples et ceux développant des compétences non seulement des enfants, mais aussi des parents ;
• Le développement des compétences psychosociales semble constituer un axe central des programmes ayant montré des preuves d’efficacité dans le champ de la prévention de l’usage des substances psychoactives chez les jeunes. Ces approches interactives utilisent des exercices pratiques et apparaissent comme plus efficaces que les approches simplement didactiques. L’efficacité de ces programmes dépend cependant d’un certain nombre de caractéristiques qu’il convient de considérer avec la plus grande attention. Les principales sont : la durée et l’intensité des programmes, le choix et la formation des animateurs, le contenu informationnel des messages délivrés sur les substances notamment en fonction du statut de consommation des jeunes auxquels on souhaite s’adresser (non expérimentateurs, expérimentateurs et consommateurs réguliers) ;
• Pour les plus jeunes, les approches universelles19 , presque toujours conduites en milieu scolaire, ont l’avantage d’éviter les effets potentiellement négatifs d’un étiquetage précoce et/ou d’une stigmatisation, tout en permettant d’atteindre les enfants les plus à risque en amont de l’entrée dans les consommations ;
• Les compétences psychosociales travaillées chez les adolescents sont la résistance à l’influence des pairs, la résolution de problèmes (gestion des émotions), la prise de décisions, la communication, l’affirmation et l’estime de soi ;
• Les compétences travaillées chez les parents sont essentiellement des compétences de communication, et des compétences en lien avec la capacité à fixer des limites et la gestion des conflits ;
• Les volets communautaires visent, quant à eux, à impliquer au niveau local d’autres acteurs que l’école et les parents (presse locale, réseau associatif, police, justice, club sportif...) ;
• L’aide à distance, utilisant l’ordinateur, Internet ou encore les SMS, peut être un outil pertinent pour l’aide à l’arrêt ou à la réduction des consommations ;
• Les campagnes média seules ou en association avec un programme scolaire de développement des compétences, ont montré des effets bénéfiques dans le cadre de la prévention du tabagisme seulement ;
• Les actions sur les lois et réglementations visant notamment à limiter l’accès au produit, les activités commerciales des industriels, la consommation de produits dans certains lieux... ont montré des effets bénéfiques sur la consommation d’alcool et de tabac. La France dispose d’un cadre législatif et réglementaire relativement solide et complet mais dont l’application est encore trop partielle et doit être renforcée. En ce qui concerne le tabac, il existe également la Convention Cadre de Lutte Anti-Tabac de l’OMS, fondée sur des preuves scientifiques, qui recense l’ensemble des mesures efficaces pour réduire la prévalence tabagique. La France a ratifié cette Convention mais elle n’est que partiellement appliquée. Ces défaillances illustrent le fait que l’engagement de tous les acteurs impliqués est une des conditions de l’efficacité durable de la mise en œuvre de programmes de prévention.

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