I. Substances psychoactives

2014


ANALYSE

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Effets néfastes de l’alcool : impact du binge drinking sur le cerveau

Les effets à court terme et à long terme de l’initiation de la consommation d’alcool à l’adolescence et de la modalité particulièrement extrême que constitue le binge drinking font à l’heure actuelle l’objet d’intenses recherches (Lisdahl et coll., 2013arenvoi vers). Des travaux sont menés chez l’Homme avec la possibilité de mesurer les atteintes cérébrales, aussi bien morphologiques que fonctionnelles, ainsi que les atteintes cognitives. Ainsi, des batteries de tests comportementaux ont permis de mesurer les atteintes cognitives et émotionnelles et les dernières avancées des études d’imagerie cérébrale, notamment d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, ont permis d’identifier les atteintes morphologiques et de fonctionnement. Des recherches sont aussi menées chez l’animal qui permettent de contrôler précisément les facteurs environnementaux et les modalités d’exposition à l’alcool (période de vie, quantité d’alcool…) et d’analyser les différences entre l’adolescence et l’âge adulte. Les expérimentations animales ont permis d’étudier la vulnérabilité à l’alcool à l’âge adulte lorsque les animaux ont été exposés à l’alcool à l’adolescence et d’en déterminer certains mécanismes neurobiologiques. Bien évidemment, la modélisation animale présente de nombreux avantages et aussi certaines limitations (complexité cérébrale et comportementale) comme pour tout modèle.

Définitions

Historiquement avec la classification de l’alcoolisme de Jellinek en 1960, le concept de binge drinking utilisé actuellement rejoint celui de consommation d’alcool paroxystique ou encore de dipsomanie (Jellinek, 1960renvoi vers). Le binge drinking reste encore un concept assez flou pour lequel les limites de niveau de consommation ne sont pas clairement établies. On trouve à l’heure actuelle des définitions multiples, avec notamment une consommation d’alcool d’environ 60 à 70 g d’éthanol pur (soit 6 à 7 verres standards ou unités d’alcool en France) en un laps de temps d’environ 2 heures, survenue au cours des six derniers mois (initialement la définition fixait comme période de référence les deux dernières semaines) (SAMHSA, 2011renvoi vers). Ces seuils ont été choisis car ils induisent des dommages sociaux1 mesurables (Weschler et Austin, 1998renvoi vers). L’Institut américain sur l’abus d’alcool et l’alcoolisme précise aussi des valeurs d’alcoolémie qui doivent atteindre au moins 0,8 g/L (NIAAA, 2004renvoi vers). L’utilisation de seuils différents a un impact conséquent sur la taille de la population décrite comme binge drinker (McAlaney et McMahon, 2006renvoi vers). Des consommations bien au-delà des seuils de ces définitions sont souvent déclarées par les jeunes. On pourrait rappeler aussi lorsqu’on évoque la notion de seuil, que nos autorités de santé recommandent de ne jamais boire plus de 4 verres par occasion. Le binge drinking est finalement une manière de boire : « trop d’alcool et trop vite », une consommation massive et rapide suivie d’une période d’abstinence. Ces périodes d’abstinence joueraient un rôle crucial dans la neurotoxicité liée au binge drinking, à l’instar de la toxicité bien connue des périodes de sevrage chez l’adulte alcoolodépendant et du phénomène d’embrasement (« kindling ») (Stephens et Duka, 2008renvoi vers). Il faut souligner que la phase d’abstinence n’est pas caractérisée, comme chez le sujet alcoolodépendant, de symptômes sévères de sevrage (Jarvenpaa et coll., 2005renvoi vers ; Crego et coll., 2009renvoi vers). Dans certaines études qui analysent chez les jeunes l’impact du binge drinking sur le cerveau et son fonctionnement ainsi que sur les performances d’apprentissage et de mémorisation, des comparaisons sont faites entre un groupe de binge drinkers et un autre de buveurs dits « sociaux », et non pas non-buveurs. Elles ont donc l’intérêt de vraiment mesurer l’impact des consommations massives et rapides d’alcool. Ces études utilisent une définition plus comportementale du binge drinking avec une formule permettant de calculer un score de binge drinking incluant les 3 paramètres suivants : la vitesse à laquelle est consommé l’alcool, le nombre d’ivresses durant les 6 derniers mois et le pourcentage d’occasions lors desquelles on boit jusqu’à l’ivresse (Townshend et Duka, 2005renvoi vers). Le premier paramètre, c’est-à-dire la vitesse, est celui qui pèse le plus dans le calcul et qui permet de mieux discriminer les sujets adeptes du binge drinking.
Pour imager ce comportement de binge drinking, les jeunes utilisent souvent des expressions comme « biture express » ou « alcool défonce ». Le terme rencontré dans les études épidémiologiques est plutôt « alcoolisation ponctuelle importante » (ou alcoolisation massive ponctuelle ou encore hyper-alcoolisation). Dans ces études, il est en général demandé de rapporter la fréquence de consommation d’au moins 6 verres bus lors d’une même occasion sur une certaine période de temps (par exemple les 30 derniers jours) sans que l’objectif de la consommation (griserie, ivresse, coma éthylique) ne soit questionné. L’occasion de consommer peut donc être entendue de façon relativement extensive (toute la soirée ou toute la « sortie » entre amis, par exemple), les conséquences en termes d’alcoolémie ou d’ivresse pouvant être assez variables. La population ainsi repérée est plus importante que la fraction dont le comportement satisfait des critères plus stricts de binge drinking2 .
Toutefois, pour une certaine part de la population concernée, l’objectif reconnu de telles consommations est en général d’atteindre l’ivresse voire dans certains cas extrêmes le coma éthylique le plus rapidement possible. À cette fin, ce sont en général des alcools forts qui sont consommés. Ce comportement est caractéristique des jeunes qui ont tendance à boire moins régulièrement que les adultes mais à boire plus, voire beaucoup plus, lorsqu’une occasion se présente. Il a été décrit depuis de nombreuses années dans les pays anglo-saxons, notamment en Angleterre et aux États-Unis. Aux États-Unis, la plus forte prévalence du binge drinking se situe entre 21 et 24 ans (SAMHSA, 2009renvoi vers). Le binge drinking est donc plus fréquemment observé chez les jeunes et notamment les étudiants (Crego et coll., 2009renvoi vers). De manière très intéressante, dans certains pays, c’est un comportement que l’on peut retrouver aussi fréquemment voire plus fréquemment chez les filles que chez les garçons (Hibell et coll., 2012)renvoi vers3  ; ce n’est pas encore le cas en France même si les dernières enquêtes semblent indiquer qu’elles commencent à rattraper les garçons. En effet, 59,7 % des garçons ont déclaré au moins une pratique dans le mois, contre 46,5 % des filles, soit un sex-ratio de 1,3 (Spilka et coll., 2012renvoi vers), contre un sex-ratio de 1,4 en 2008 (Legleye et coll., 2009renvoi vers) et de 1,6 en 2005 (Beck et coll., 2006renvoi vers).

Le binge drinking : un phénomène inquiétant ?

La médiatisation, les nombreux décès de jeunes suite à des soirées « trop arrosées » rapportés dans la presse, l’alerte des services des urgences sur les hospitalisations pour intoxication éthylique ainsi que les rapports des différentes enquêtes ont de quoi inquiéter. La dernière enquête Escapad réalisée en 2011 chez les jeunes de 17 ans rapporte une augmentation notable des ivresses répétées (au moins 3 par an) et régulières (au moins 10 par an) ainsi que des alcoolisations ponctuelles importantes qui concernent plus de la moitié des jeunes : 53,2 % disent avoir bu au moins cinq verres en une même occasion au cours du mois écoulé (Spilka et coll., 2012renvoi vers). Le binge drinking est surtout rencontré chez les 15-25 ans, la période de l’adolescence pendant laquelle le cerveau n’a pas terminé sa maturation et subit encore des mécanismes importants notamment celui de « l’élagage » synaptique (figure 7.1Renvoi vers). Cet élagage correspond à une élimination des connexions inutiles entre les neurones tandis que d’autres sont maintenues, renforcées ou nouvellement établies. Les processus de neuromaturation continuent en effet tout au long de l’adolescence. Les études d’imagerie cérébrale ont décrit une diminution du volume de substance grise et de sa densité pendant l’adolescence et particulièrement dans les régions pariétales et frontales qui traduisent une maturation cognitive. La myélinisation continue aussi tout au long de l’adolescence et chez les jeunes adultes et contribue à l’augmentation de l’efficience cognitive. L’augmentation du flux sanguin cérébral traduit des périodes de croissance cérébrale rapide. L’élagage synaptique jusqu’au milieu de l’adolescence qui est influencé par la stimulation environnementale permet de diminuer les besoins énergétiques et le métabolisme du glucose. Les changements d’activité fonctionnelle indiquent quant à eux une maturation et une spécialisation régionale. L’alcool perturbe ces processus de maturation, et le cerveau adolescent est beaucoup plus sensible aux effets toxiques de l’alcool comparativement à celui de l’adulte.
Figure 7.1 Processus neuromaturationnels ayant lieu pendant l’adolescence (d’après Gogtay et coll., 2004renvoi vers)
Les preuves de cette sensibilité accrue sont de plusieurs natures et ont été largement déterminées dans les modèles animaux, surtout chez les rongeurs (rats et souris). Les rongeurs présentent eux-aussi une période d’adolescence comparable en de nombreux points à celle observée chez l’Homme. Les rongeurs adolescents (l’adolescence couvrant le deuxième mois de vie) ont par exemple, au niveau physiologique et comportemental, une propension accrue à jouer, à interagir socialement et à être plus impulsifs (Spear et coll., 2011renvoi vers). Ils ont tendance à consommer davantage d’alcool et présentent une sensibilité particulière aux effets comportementaux de l’alcool (plaisants, sédatifs, hypnotiques, désinhibants…) (Spear et Varlinskaya, 2010renvoi vers). De plus, les rongeurs adolescents présentent aussi de nombreuses similitudes du point de vue du développement et de la maturation cérébrale (comme par exemple la diminution du volume du cortex cérébral et le phénomène d’élagage synaptique) (Guerri et Pascual, 2010renvoi vers ; Alfonso-Loeches et Guerri, 2011renvoi vers. Des études ont montré qu’une exposition massive à l’alcool de type binge drinking tue 2 à 3 fois plus de neurones chez l’animal adolescent comparativement à un animal adulte exposé à la même quantité d’alcool (Monti et coll., 2005renvoi vers), et qu’elle affecte le phénomène de neurogenèse (apparition de nouveaux neurones) (Ehlers et coll., 2013renvoi vers). Les études chez l’animal ont également démontré que l’adolescence est une période très remarquable concernant la sensibilité aux effets de l’alcool. En effet, chez l’animal, l’adolescence se caractérise par une plus grande résistance aux effets sédatifs, hypnotiques et d’incoordination motrice qui peut ainsi, en évitant la sensation de signes d’alerte, faciliter la consommation de plus grandes quantités d’alcool. Dans le même temps, cette plus grande résistance à certains effets négatifs de l’alcool s’accompagne d’une plus grande sensibilité aux effets désinhibiteurs, ce qui se traduit par l’augmentation des comportements d’interaction sociale. Au niveau cognitif, comparativement aux adultes, les adolescents présentent une plus grande sensibilité aux effets délétères de l’alcool sur les phénomènes d’apprentissage et de mémorisation et leurs mécanismes neurobiologiques relayés par la plasticité synaptique. Les modèles animaux de binge drinking ont donc montré que le cerveau adolescent est plus vulnérable aux effets de l’alcool comparativement à l’âge adulte avec en particulier des atteintes du cortex frontal et de l’hippocampe (Crews et coll., 2000renvoi vers ; Silvers et coll., 2003renvoi vers). Les rats adolescents exposés à l’alcool de façon intermittente afin de mimer une exposition du type binge drinking présentent des déficits de mémoire de travail quand ils sont jeunes adultes (Schulteis et coll., 2008renvoi vers).
Comme souligné par les auteurs, ces résultats sont similaires à ceux observés chez l’Homme. La mémoire de travail (c’est-à-dire le stockage et la manipulation des informations) est une composante essentielle des fonctions exécutives et du traitement de l’information ; elle joue aussi un rôle crucial dans le développement du raisonnement et de la logique. Tous les déficits de cette mémoire de travail induits par la consommation excessive d’alcool pourraient donc avoir des répercussions négatives notables sur la vie quotidienne des adolescents. Une mémoire de travail et des capacités attentionnelles moins efficientes ont certainement un impact sur la réussite scolaire des adolescents et pourraient aussi les prédisposer à une consommation problématique d’alcool.
De plus, des études récentes chez l’Homme rapportent aussi des atteintes somatiques induites par le binge drinking comme celles observées au niveau du cœur (Biyik et Ergene, 2006renvoi vers) et du foie (Mathurin et Deltenre, 2009renvoi vers). Il n’est plus rare maintenant de voir arriver dans les services d’hépatologie des jeunes de 20-25 ans avec des pathologies hépatiques liées à des consommations massives d’alcool depuis le début de l’adolescence voire de la pré-adolescence. Malgré ces données alarmantes, la pression sociale au sein du milieu étudiant prévaut sur l’influence parentale et maintient le binge drinking comme un rite d’appartenance et de reconnaissance : les binge drinkers sont valorisés et reconnus. Prenant le pas sur les modèles anglo-saxons, le binge drinking se généralise en France, entraînant les filles à consommer autant que leurs condisciples masculins, adoptant des pratiques toujours plus extrêmes. La sociabilité et la volonté d’appartenance au groupe sont les principales motivations qui entraînent les jeunes vers le binge drinking.
Une autre difficulté rencontrée par les jeunes binge drinkers est l’augmentation des affects négatifs, avec une mauvaise tolérance au stress, des états anxio-dépressifs, et parfois l’apparition d’idées suicidaires : une symptomatologie qui s’installe durablement, particulièrement chez les adolescentes. Les jeunes binge drinkers devenus adultes souffrent de troubles de l’humeur, d’anxiété et de difficultés de régulation de leurs émotions (Falk et Hilton, 2008renvoi vers ; Grant et coll., 2009renvoi vers). Les études chez l’animal appuient ces observations cliniques et montrent que des rats ayant subi une consommation d’alcool mimant le binge drinking à l’adolescence présentent une modification de leur production de corticotropin-releasing factor (CRF), un neuropeptide largement impliqué dans la régulation du stress et de l’anxiété, au sein de l’amygdale, une région centrale dans la régulation des émotions. Par ailleurs, chez des jeunes adultes (18-25 ans), il a été rapporté que le risque de suicide est augmenté chez les binge drinkers, en particulier chez les binge drinkers « solitaires » comparativement aux binge drinkers « sociaux » (Gonzalez, 2012renvoi vers). De plus, le lien entre binge drinking et idéation suicidaire serait bidirectionnel (Gonzalez et Hewell, 2012renvoi vers).

Atteintes cérébrales morphologiques et fonctionnelles induites par le binge drinking

Les résultats de nombreux travaux sur les conséquences cérébrales du binge drinking sont alarmants (voir pour revue récente : Lisdahl et coll., 2013arenvoi vers). Les études d’imagerie cérébrale par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ont mis en évidence de nombreuses atteintes morphologiques et fonctionnelles tant au niveau de la substance grise (neurones) que blanche (axones) (figure 7.2Renvoi vers). Ainsi, le volume de l’hippocampe et de différentes aires corticales frontales et préfrontales ainsi que du cervelet est réduit chez les jeunes binge drinkers (Lisdahl et coll., 2013brenvoi vers). Ces structures cérébrales jouent un rôle majeur dans les processus d’apprentissage, de mémorisation et dans les fonctions exécutives (capacités à juger, planifier et inhiber un comportement).
Figure 7.2 Atteinte de la substance blanche (anisotropie fractionnelle ou FA faible) chez les adolescents binge drinkers (d’après Bava et Tapert, 2010renvoi vers)
De nombreuses études ont montré chez les adolescents qui boivent de manière excessive un risque de présenter des dommages cérébraux à la fois structuraux et fonctionnels, qui pourraient avoir des conséquences à long terme. De nombreux travaux ont porté sur des jeunes présentant un abus d’alcool ou une dépendance à l’alcool, et un nombre plus restreint a concerné des jeunes catégorisés comme binge drinkers. Il est très important de souligner que les études sur les jeunes binge drinkers rapportent en général que les sujets sont plus souvent des fumeurs, des consommateurs de cannabis et aussi d’autres drogues. Il est par exemple rapporté dans une étude que 58 % des adolescents qui consomment de l’alcool de façon excessive sont aussi consommateurs de cannabis (Martin et coll., 1996renvoi vers ; Lisdahl et coll., 2013arenvoi vers). Il n’est donc pas du tout exclu que les dommages cérébraux observés soient dus en partie au fait de la polyconsommation.
Dans une population de jeunes (15-17 ans) présentant une consommation abusive ou une alcoolodépendance, les filles et les garçons ont présenté des profils opposés des atteintes du cortex préfrontal, en dépit d’une consommation d’alcool identique (Medina et coll., 2008renvoi vers). Les filles présentaient un plus faible volume de cette structure comparativement aux témoins non buveurs alors que l’inverse était observé chez les garçons. D’autres études ont trouvé toujours dans ce même type de population (15-18 ans) une réduction significative de l’hippocampe gauche (Nagel et coll., 2005renvoi vers ; Medina et coll., 2007renvoi vers). De la même manière, De Bellis et coll. (2000renvoi vers) ont montré des volumes hippocampiques réduits (bilatéralement) chez 12 adolescents âgés de 13 à 21 ans consommateurs abusifs ou alcoolodépendants comparativement à des témoins non buveurs. De plus, le volume hippocampique total (substances blanche et grise ; et pas celui des autres structures étudiées) est corrélé positivement avec l’âge d’initiation et négativement avec la durée de l’exposition à l’alcool. Le même groupe a démontré en 2005 sur une population un peu plus grande que les jeunes buveurs ont un volume des lobes frontaux (incluant la substance blanche) réduit en plus de celui de l’hippocampe (De Bellis et coll., 2005renvoi vers).
Lorsque la substance blanche est spécifiquement analysée, De Bellis et coll. (2008renvoi vers), en utilisant l’imagerie par tenseur de diffusion (DTI) chez 32 adolescents âgés de 13 à 19 ans présentant aussi des comorbidités psychiatriques, ont rapporté que les sujets buveurs excessifs ou alcoolodépendants présentent une augmentation de l’anisotropie fractionnelle4 (FA, marqueur d’intégrité) et une diminution de la moyenne de diffusivité (MD) au niveau du corps calleux (fibres connectant les deux hémisphères). Les auteurs ont suggéré qu’il pourrait s’agir d’une maturation accélérée de la myéline induisant ainsi une plus grande vulnérabilité à l’abus d’alcool et à l’addiction. Mcqueeny et coll. (2009renvoi vers) ont montré que des adolescents binge drinkers âgés de 16-19 ans présentaient une anisotropie fractionnelle réduite et donc une intégrité des fibres nerveuses altérée dans différentes régions cérébrales incluant le cervelet, les cortex temporaux et pariétaux et le corps calleux. De plus, cette atteinte de l’intégrité des fibres nerveuses était corrélée aux symptômes des ivresses et de la concentration estimée d’alcool au niveau de ces fibres. Ces données suggèrent que la consommation massive et intermittente d’alcool induit des changements significatifs de la microstructure de la substance blanche. Ces résultats ont été retrouvés dans une deuxième étude du même groupe (Jacobus et coll., 2009renvoi vers).
Les études d’imagerie cérébrale utilisant les potentiels évoqués ou l’imagerie cérébrale par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) lorsque les sujets réalisent différentes tâches comportementales ont mis en évidence que le binge drinking est associé à des atteintes neurophysiologiques avec des activités anormales notamment dans les régions occipitale, hippocampique, frontale et préfrontale ou encore des anomalies de connectivité entre des structures corticales et limbiques impliquées dans l’addiction. Une étude utilisant les potentiels évoqués et une tâche cognitive simple (traitement auditif et émotionnel) a montré en 2009 chez des binge drinkers âgés de 18 ans que seulement 9 mois de consommations répétées et massives d’alcool (atteignant 35 unités d’alcool par semaine, 12,5 unités par épisode de binge drinking et 2,3 épisodes par semaine) entraînait un ralentissement du fonctionnement cérébral (Maurage et coll., 2009renvoi vers). Ces résultats ont été confirmés par d’autres études (Crego et coll., 2009renvoi vers, 2010). Il a été suggéré que les atteintes neurocognitives chez les jeunes consommateurs d’alcool pourraient être « récupérables » plus facilement avec l’abstinence comparativement aux sujets plus âgés (Bates et coll., 2002renvoi vers). Cela demande à être clarifié et confirmé car les arguments permettant d’avancer cette hypothèse proviennent des « jeunes » patients alcoolodépendants de moins de 50 ans (Rourke et Grant, 1999renvoi vers).

Atteintes cérébrales en fonction du sexe

Des études ont montré que les déficits dans les capacités d’apprentissage et de mémorisation sont plus facilement mis en évidence chez les filles (Caldwell et coll., 2005renvoi vers). L’étude de Squeglia et coll. (2012renvoi vers) a démontré chez des adolescents binge drinkers de 16-19 ans que les filles présentant des consommations récentes de type binge drinking ont un cortex plus épais de 8 % dans les régions frontales gauches comparativement aux non buveuses, associé à des performances plus faibles dans des tâches d’attention, d’inhibition et visuospatiales. À l’inverse, les garçons binge drinkers avaient un cortex plus mince d’environ 7 %. Les auteurs suggèrent que ces différences au niveau de la matière grise pourraient constituer, dans chacun des deux sexes, un facteur de risque à s’engager dans des consommations problématiques d’alcool car ces différences pourraient être associées à une moindre capacité à traiter les informations, à résoudre des problèmes ainsi qu’à juger le risque par rapport au bénéfice. Les auteurs suggèrent également que ces anomalies neurales seraient pré-existantes et pourraient donc constituer un facteur de prédisposition plutôt qu’une conséquence du binge drinking. Dans cette étude transversale, les garçons et les filles du groupe binge drinkers avaient consommé respectivement ≥5 et ≥4 verres (14 g d’éthanol par verre aux États-Unis donc correspondant à 7 et 6 verres respectivement en France) par occasion et pendant les 3 derniers mois. Dans cette même étude, les binge drinkers rapportaient au niveau de leur consommation un maximum de 17 verres sur une occasion au cours des 3 derniers mois (9 pour les filles, en utilisant la correspondance des unités en France), 67 occasions de boire sur leur vie entière (102 pour les filles), une moyenne de 6,6 verres consommés les jours de consommation le mois écoulé (3,3 verres pour les filles) et 17 jours écoulés depuis la dernière consommation d’alcool (25 pour les filles).
Les filles « binge drinkeuses » seraient plus vulnérables du point de vue psychopathologique (SAMHSA, 2008renvoi vers) et neurocognitif (Medina et coll., 2008renvoi vers ; Squeglia et coll., 2011renvoi vers), soulignant ainsi l’importance de caractériser les différences entre filles et garçons dans les études sur le binge drinking à l’adolescence. Selon les auteurs, la plus grande vulnérabilité des filles vis-à-vis du binge drinking pourrait provenir du fait que leur cerveau aurait un à deux ans d’avance sur celui des garçons en termes de maturation, ce qui lui confèrerait une plus grande susceptibilité aux effets toxiques de l’alcool.
Il est très intéressant de noter aussi que ces études d’imagerie ont montré que même si ces atteintes cérébrales n’ont pas encore de répercussions comportementales, ou qu’elles sont moins sérieuses que celles provoquées par la consommation chronique d’alcool (chez les adultes alcoolodépendants), le binge drinking provoque d’importantes dysfonctions cérébrales qui sont similaires à celles observées chez les sujets alcoolodépendants. Ces observations sont capitales car elles suggèrent que le binge drinking et l’addiction à l’alcool pourraient correspondre à deux étapes d’un même processus. Ceci est corroboré par les études de génétique qui ont identifié des facteurs de risque génétiques identiques dans les deux cas.

Effets neurophysiologiques et neuropsychologiques précoces de la consommation chronique d’alcool chez les jeunes

La relation entre l’exposition chronique à l’alcool et les changements neurobiologiques est bien établie chez les adultes. Les études de neuroimagerie ont démontré que la consommation excessive d’alcool entraîne des changements à la fois structuraux et fonctionnels (Bates et coll., 2002renvoi vers ; Harper, 2009renvoi vers). Les dommages sont particulièrement sévères chez les sujets qui présentent en plus des carences nutritionnelles (comme la thiamine) ; cependant, même les cas sans complications (sans problèmes neurologiques ou hépatiques) présentent également des dommages cérébraux (Harper, 2009renvoi vers). La consommation chronique d’alcool peut engendrer des atteintes du flux sanguin cérébral et des déficits des processus métaboliques, ainsi qu’une atrophie de différentes régions cérébrales. Les dommages neurologiques les plus fréquents chez les adultes de plus de 45 ans consommateurs chroniques d’alcool, affectent les cortex temporal et préfrontal ainsi que le cervelet, l’insula et le thalamus (Gilman et coll., 1990renvoi vers ; Mann et coll., 2001renvoi vers ; Ende et coll., 2005renvoi vers ; Gazdzinski et coll., 2005renvoi vers ; Beresford et coll., 2006renvoi vers ; Pfefferbaumet coll., 2006renvoi vers). De tels dommages neurologiques étendus, chez les buveurs chroniques, se manifestent principalement par des atteintes neuropsychologiques, des changements de tempérament et de personnalité, et des modifications affectives (Bates et coll., 2002renvoi vers). Chez les jeunes, ces trois caractéristiques sont souvent interconnectées et sont donc particulièrement vulnérables aux effets de l’alcool (Brown et coll., 2008renvoi vers).
Une étude récente d’IRMf de Caldwell et coll. (2005renvoi vers) a rapporté que des adolescents (14-17 ans) consommateurs excessifs d’alcool ou alcoolodépendants présentaient une plus forte activité (BOLD : flux sanguin dépendant du niveau d’oxygénation) dans le cortex préfrontal en réponse à une tâche de mémoire de travail spatiale. Tapert et coll. (2004renvoi vers) ont aussi rapporté en utilisant la même technique une augmentation de l’activité du cortex pariétal avec une diminution de l’activation des régions précentrales et cérébelleuses qui sont corrélées avec le niveau de consommation d’alcool. Le même groupe a montré par la suite dans cette même population d’adolescents (16-18 ans) binge drinkers (abstinents 1 mois avant l’étude et qui consommaient 21±14 verres par mois (294±196 g d’éthanol pur) pendant les 3 derniers mois et buveurs depuis environ 3 ans) une augmentation de l’activation des cortex pariétal postérieur bilatéral et frontal supérieur droit, ainsi qu’une plus faible réponse du cortex occipital (Schweinsburg et coll., 2010renvoi vers). La plus forte réponse fronto pariétale chez les adolescents binge drinkers a été interprétée comme une plus grande activation nécessaire pour filtrer les informations non pertinentes, alors que la réponse occipitale réduite refléterait un déficit de fonctionnement visuel et langagier lors d’un apprentissage verbal, comme déjà décrit (Tapert et coll., 2004renvoi vers). Le résultat net est une plus faible performance dans l’apprentissage verbal comparativement aux témoins non buveurs. Dans une autre étude réalisée chez les filles (18-25 ans) uniquement (Tapert et coll., 2001renvoi vers), les alcoolodépendantes présentaient une réponse (BOLD) réduite lors d’une tâche de mémoire de travail spatiale dans différentes régions corticales : frontal supérieur gauche, postcentral droit, frontomédian droit, pariétal inférieur et supérieur droit, après contrôle de la réponse initiale (vigilance de base).
Même si les résultats peuvent apparaître comme disparates à cause des différentes méthodologies utilisées, l’ensemble de ces études de neuroimagerie souligne que les jeunes consommateurs excessifs d’alcool ou alcoolodépendants ainsi que les binge drinkers tendent à présenter des atteintes au niveau des structures frontales et temporales. Ceci est en accord avec les études neuropsychologiques. Les études de neuroimagerie ont aussi largement contribué à mettre en évidence des différences entre les deux sexes.
Le lien entre exposition chronique à l’alcool et atteintes cognitives est bien établi chez l’adulte (Oscar-Berman et Marinkovic, 2007renvoi vers) et des liens spécifiques ont aussi été établis entre les atteintes neuropsychologiques et la neurodégénérescence due à l’alcool chez l’animal (Crews et Nixon, 2009renvoi vers). Loin d’affecter toutes les fonctions cognitives de manière identique, la consommation chronique d’alcool touche d’abord la mémoire et les capacités cognitives « fluides » comme la résolution de problème et l’élaboration de concept (Bates et coll., 2002renvoi vers). Les résultats montrent des déficits visuospatiaux ainsi que des déficits des fonctions exécutives (résolution de problème, flexibilité mentale, et inhibition de réponse) et des processus attentionnels et de mémoire de travail (Scheurich, 2005renvoi vers ; Yücel et coll., 2007renvoi vers). Alors qu’il existe une riche littérature sur les effets de la consommation excessive d’alcool sur le fonctionnement neuropsychologique chez l’adulte, il existe assez peu d’études chez l’adolescent et le jeune adulte (Squeglia et coll., 2009arenvoi vers). Même si les atteintes sont généralement décrites comme étant similaires à celles observées chez les adultes, les jeunes qui ont une consommation à risque ou qui sont dépendants présentent probablement des atteintes cognitives plus subtiles qui s’aggravent avec les phénomènes de maturation. Les adolescents et les jeunes adultes seraient plus vulnérables aux atteintes mémorielles induites par l’alcool comprenant des problèmes de remémoration ainsi que des faibles capacités attentionnelles, des déficits des fonctionnements cognitifs et (comparativement aux adultes) langagiers (Tapert et Schweinsburg, 2005renvoi vers).
D’autres études réalisées chez des jeunes de 15-17 ans ou 18-25 ans ayant consommé de manière chronique de l’alcool et ayant présenté ou non des symptômes de sevrage ont mis en évidence des atteintes de la mémoire verbale ou non-verbale ainsi que de la mémoire de travail spatiale, notamment chez les filles (Brown et coll., 2000renvoi vers ; Tapert et coll., 2001renvoi vers, 2004renvoi vers).
Une étude espagnole sur 42 binge drinkers et 53 témoins âgés de 18-20 ans a démontré une activation réduite du cortex préfrontal antérieur pendant une tâche de mémoire spatiale de travail (Crego et coll., 2010renvoi vers). Dans cette étude, les binge drinkers buvaient en moyenne 5,1 verres par occasion (les jeudi, vendredi et surtout samedi soirs ; 1 pour les témoins), rapportaient boire 18,7 verres la semaine écoulée (2,8 pour les témoins), buvaient à la vitesse de 3,8 verres par heure (0,6 pour les témoins), rapportaient 1,9 épisodes de binge drinking les deux dernières semaines (0,2 chez les témoins), déclaraient 14 ivresses les 6 derniers mois (1,4 chez les témoins) et déclaraient consommer jusqu’à l’ivresse à hauteur de 48 % du nombre total d’occasions de boire (7 % chez les témoins). Une autre étude espagnole plus récente (Sanhueza et coll., 2011renvoi vers), réalisée chez des jeunes binge drinkers de 19 ans (avec une consommation moyenne en deux à trois heures « excessive » : environ 12 et 8 unités d’alcool, respectivement pour les garçons et les filles ; ou « modérée » : environ 2 et 3 unités d’alcool, respectivement pour les garçons et les filles), rapporte que ces sujets présentent des performances plus faibles comparativement aux non-buveurs du même âge et surtout les mêmes performances qu’un groupe de personnes âgées de 69 ans non buveuses, dans des tâches mesurant les fonctions exécutives et particulièrement au niveau des erreurs persistantes. De manière intéressante, ces résultats ont montré une corrélation avec le niveau de consommation d’alcool puisque les binge drinkers « excessifs » étaient moins performants que les binge drinkers « modérés », et ceci dans tous les tests. Dans une autre étude longitudinale chez des étudiants âgés de 20 ans, Goudriaan et coll. (2007renvoi vers) ont montré que les capacités de prise de décision sont touchées proportionnellement au niveau de binge drinking et que cela n’est pas lié ni à l’impulsivité ni à l’âge d’initiation de la consommation d’alcool. Comparativement aux non-buveurs, les étudiants anglais binge drinkers âgés de 18 à 23 ans présentent des déficits attentionnels, une faible capacité de planification et de mémoire épisodique ainsi que des plus hauts niveaux de dépression et d’anxiété auto-déclarés (Hartley et coll., 2004renvoi vers).
Les études réalisées par le groupe de Theodora Duka de l’Université du Sussex ont le grand intérêt d’étudier les différences entre deux groupes de consommateurs d’alcool qui sont catégorisés sur la base de leur score de binge drinking qui intègre comme un des critères les plus importants la rapidité à laquelle les jeunes ingèrent l’alcool. Ainsi, dans une cohorte similaire de sujets sains (18-29 ans), Scaife et Duka (2009renvoi vers) ont démontré que les binge drinkers (score de binge drinking de 53,5, comparativement à des non binge drinkers qui ont un score de 18, c’est-à-dire des buveurs d’alcool avec un faible score de binge drinking, voir définitions plus haut) sont moins performants que les non-buveurs dans une tâche de mémorisation visuelle ; les auteurs ont également démontré que les filles du groupe des binge drinkers présentent des déficits additionnels dans des tâches de flexibilité cognitive et de mémoire de travail spatiale. Les binge drinkers rapportaient dans cette étude boire 26 verres par semaine (260 g d’éthanol ; 17-18 verres pour les non binge drinkers). Les auteurs ont conclu que les filles du groupe des binge drinkers ont des atteintes du cortex frontal dorsolatéral en plus d’atteintes du lobe temporal qui apparaissent chez les binge drinkers (des deux sexes). Dans une autre étude du même groupe de recherche (Townshend et Duka, 2005renvoi vers), il a été montré que les filles du groupe « buveurs sociaux » (présentant un faible score de binge drinking) âgées de 18 à 30 ans présentent des déficits de la vigilance et de mémoire de travail spatiale. Les auteurs ont aussi souligné que les binge drinkers (des deux sexes) présentent une plus grande vitesse de réaction indiquant une impulsivité d’ordre moteur. Ils présentaient aussi un état émotionnel moins positif et qui n’était pas lié à un sevrage à l’alcool. Les binge drinkers rapportaient dans cette étude boire 27 verres par semaine (16 verres pour les non binge drinkers).
En dépit du consensus général sur le fait que les atteintes neurophysiologiques et neuropsychologiques sont associées avec l’usage chronique d’alcool, le débat demeure quant à la relation entre la durée et/ou la quantité d’alcool consommée et les déficits cognitifs. Un âge plus précoce de début d’addiction à l’alcool serait associé à des déficits cognitifs et à un degré de dommages neurologiques plus importants (Pishkin et coll., 1985renvoi vers ; Chanraud et coll., 2006renvoi vers). Dans les populations d’alcoolodépendants adultes, il a été proposé que les atteintes neuropsychologiques seraient apparentes seulement après la consommation de quantités très importantes d’alcool et sur la durée (10 ans, voir par exemple Eckardt et coll., 1998renvoi vers). Les effets de l’âge d’initiation et de la quantité d’alcool consommée sont moins clairs chez les adolescents, et représentent un domaine de recherche qu’il faut encourager (Yücel et coll., 2007renvoi vers).
En général, il semble donc que la consommation d’alcool chez les jeunes soit associée au même profil d’atteintes cérébrales que celui observé chez les adultes en situation d’alcoolisme chronique. En particulier, il existe des déficits des fonctions exécutives et de la mémoire. L’ensemble des études précédemment citées conforte l’hypothèse selon laquelle l’alcool entraîne un vieillissement prématuré du cerveau (au moins au niveau cognitif) et qu’en attente de vérification : (i) nous ne savons pas encore quand apparaît ce vieillissement prématuré et (ii) le binge drinking semble jouer un rôle important dans l’apparition des dommages cérébraux liés à la consommation d’alcool. Même si la relation entre le binge drinking à un jeune âge et les déficits cognitifs n’est pas encore très bien cernée, il existe des preuves, notamment provenant des études d’imagerie cérébrale, suggérant que le binge drinking a des effets directs sur le cerveau. Ainsi, Squeglia et coll. (2009brenvoi vers) ont suggéré que même des niveaux de binge drinking peu importants suffisent pour engendrer des atteintes du développement cérébral des adolescents et en particulier de l’intégrité de la substance blanche. Au-delà des atteintes neuropsychologiques, les études d’imagerie cérébrale ont permis de révéler les changements neurobiologiques associés avec la consommation d’alcool chez les jeunes.

Marqueurs de vulnérabilité

Un enjeu actuel est d’établir si les atteintes cérébrales sont entièrement dues à la consommation d’alcool ou si ces anomalies sont pré-existantes et pourraient alors correspondre à une certaine vulnérabilité chez des individus à risque vis-à-vis de la consommation d’alcool. Aussi, il est crucial de réaliser des études longitudinales et ceci dès le plus jeune âge avant même que les consommations d’alcool n’aient été initiées. Ces études permettraient de détecter très précocement des marqueurs de vulnérabilité et de mettre en place une prévention précoce et ciblée.
La priorité est donc d’identifier des marqueurs pré-existants, c’est-à-dire des signes cérébraux, neurophysiologiques et neuropsychologiques qui pourraient contribuer à une prédisposition à s’engager dans des consommations d’alcool de type binge drinking. Ces marqueurs de risque doivent être identifiés chez des jeunes qui n’ont pas encore commencé à consommer de l’alcool ou d’autres drogues. Une étude longitudinale chez des jeunes n’ayant pas encore expérimenté une consommation d’alcool (âgés de 12 à 14 ans) et conduite pendant 3 ans a permis d’établir que les filles qui se sont mises à consommer modérément ou des quantités importantes d’alcool présentaient avant même qu’elles ne commencent à boire des atteintes spécifiquement au niveau de leurs performances visuospatiales (Squeglia et coll., 2009arenvoi vers). Chez les garçons, il y avait une association entre des signes sévères d’intoxication éthylique et de plus faibles performances dans une tâche attentionnelle soutenue. Cette étude a suggéré l’existence de marqueurs neurophysiologiques spécifiques pré-existants associés à l’installation d’un mésusage précoce d’alcool. Il existerait donc des atteintes au niveau du fonctionnement cérébral qui seraient détectables avec la mesure des performances attentionnelle et visuospatiale et qui constitueraient des facteurs de risque. Une autre étude avait déjà montré que les adolescents de 15-16 ans présentant une consommation abusive d’alcool voire une dépendance et en l’absence de toute atteinte cérébrale présentent des déficits de fonctionnement langagier (Moss et coll., 1994renvoi vers). Ces déficits langagiers pourraient donc exister avant la consommation abusive d’alcool et donc constituer eux aussi un marqueur prédictif d’une consommation problématique d’alcool ultérieure. Les auteurs ont ainsi suggéré que la présence de déficits de fonctionnement langagier également chez les fils de pères alcoolodépendants pourrait être un facteur de risque hérité de l’addiction à l’alcool.
Plus récemment, Squeglia et coll. (2012renvoi vers) ont réalisé une étude longitudinale comprenant deux vagues chez les 12-16 ans décrits comme n’ayant pas encore initié une consommation d’alcool, et suivis 3 ans plus tard (15-19 ans). Trois groupes ont été formés en fonction de leur niveau de consommation d’alcool : les consommateurs excessifs, les buveurs modérés et les témoins (faibles consommateurs) en prenant en compte trois critères : la fréquence, le nombre de verres consommés au cours de l’année écoulée et le nombre moyen de verres par occasion au cours des 3 derniers mois. Les résultats ont montré qu’avant toute consommation d’alcool, une faible réponse des cortex pariétal et frontal lors d’une tâche de mémoire de travail serait un facteur de risque à consommer ultérieurement de l’alcool et que ceux qui se sont engagés dans des consommations excessives (à la différence de ceux qui ne se sont pas engagés dans une telle consommation) présentaient une augmentation de cette réponse au cours du temps (figure 7.3Renvoi vers). Ces résultats sont parmi les premiers à suggérer qu’il serait possible de prédire la consommation excessive d’alcool en se basant sur une plus faible activation basale des régions frontale et pariétale.
Figure 7.3 Différence d’activation des régions du lobe pariétal inférieur droit (à gauche) et du gyrus fronto-médian gauche (à droite) en réponse à une tâche soutenue faisant appel à la mémoire de travail (d’après Squeglia et coll., 2012renvoi vers)
Les jeunes ne sont pas tous égaux face au risque de s’engager dans un comportement de binge drinking. Parmi les facteurs de risque de ce type de pratique, on retrouve : un faible niveau socioéconomique, avoir beaucoup d’argent de poche, la recherche de sensations et de nouveauté, l’impulsivité et la faible capacité d’auto-contrôle, le trouble des conduites, consommer pour gérer ses émotions et ses problèmes (principalement chez les adolescentes), la consommation excessive des pairs, une relation conflictuelle avec les parents (ou leur « laisser- faire »), la consommation à risque des parents et enfin les facteurs génétiques (Stolle et coll., 2009renvoi vers). La question sur les dommages à court terme et à long terme comme résultats directs de la consommation d’alcool ou bien comme reflet d’anomalies prémorbides qui prédisposent les individus à une consommation abusive d’alcool n’est pas encore entièrement résolue. Même si les travaux menés sur les modèles animaux suggèrent des dommages cérébraux suite à l’exposition à l’alcool, les recherches chez l’Homme se sont aussi efforcées de différencier les déficits prémorbides qui produisent (ou déclenchent) la consommation d’alcool de ceux réellement causés par la consommation excessive d’alcool (Crews, 2003renvoi vers). Il est important de déterminer comment cette consommation engendre les dommages neurobiologiques chez les jeunes pour mieux comprendre les relations entre les symptômes (atteintes neuropsychologiques, humeur, personnalité…) et les atteintes cérébrales précoces. Il est crucial de mieux cerner les facteurs neurobiologiques de prédisposition qui contribuent à la consommation excessive d’alcool et les dommages cérébraux associés. De manière intéressante, une étude n’a pas montré de différence du volume des hippocampes des adolescents (12-14 ans) présentant une histoire familiale positive d’alcoolisme comparativement aux témoins (Hanson et coll., 2010renvoi vers). La différence de volume hippocampique observée chez les jeunes buveurs excessifs ou alcoolodépendants ne serait donc pas pré-existante ni due à l’histoire familiale et correspondrait bien à des atteintes liées à la consommation d’alcool. Les auteurs rapportent cependant une interaction suggérant que l’histoire familiale positive pourrait influencer le développement hippocampique selon le sexe (de façon plus marquée chez les garçons). Une étude longitudinale (Norman et coll., 2011renvoi vers) a utilisé l’IRMf pour déterminer si les niveaux d’activation cérébrale durant une tâche d’inhibition de réponse pourraient prédire la consommation d’alcool d’adolescents âgés de 12-14 ans (âge où l’usage d’alcool est minime). Après 4 ans de suivi, les sujets ont été catégorisés comme étant « passés à une consommation excessive » ou étant des « témoins sains ». Comme attendu, le groupe étant passé à une consommation excessive présentait préalablement une activation réduite (au niveau de 12 régions cérébrales) durant la tâche de Go-No Go enregistrée dans les conditions de base et comparativement aux témoins sains. Ces résultats suggèrent l’existence d’un marqueur de vulnérabilité correspondant à une activité neuronale réduite pendant une tâche qui nécessite un fonctionnement inhibiteur optimal et qui est liée à une prédisposition à la consommation excessive d’alcool. D’autres études longitudinales sont nécessaires pour confirmer les facteurs prédictifs et les substrata neurobiologiques qui contribuent à la consommation problématique d’alcool. D’autres candidats potentiels comme marqueurs de vulnérabilité incluent l’impulsivité et la réactivité à l’alcool ou à ses stimuli associés (Squeglia et coll., 2009arenvoi vers), avec quelques données (d’études transversales) indiquant que de tels marqueurs peuvent discriminer entre des jeunes adultes gros consommateurs ou consommateurs légers (Tapert et coll., 2003renvoi vers ; Ihssen et coll., 2011renvoi vers ; Papachristou et coll., 2012renvoi vers).
Selon Bava et Tapert (2010renvoi vers), le cerveau adolescent est plus sensible aux effets de l’alcool à cause de la « fenêtre de vulnérabilité » créée par la maturation asynchrone des systèmes limbique et préfrontal. Chez l’adulte, une récupération des fonctions neuropsychologiques peut être observée après une abstinence de plusieurs années, avec les améliorations les plus notables visibles au niveau de la mémoire de travail, les capacités visuospatiales et l’attention (Merkl et coll., 2011renvoi vers). Cependant, les déficits des fonctions exécutives semblent persister, même après une période d’abstinence (Lyvers, 2000renvoi vers). Les jeunes buveurs présentent des déficits persistants de la mémoire après 3 semaines d’abstinence, cependant après une période prolongée d’abstinence (plusieurs années), une récupération est observée au niveau des fonctions neurocognitives (Brown et Tapert, 2004renvoi vers).

Le binge drinking, facteur de risque d’une vulnérabilité à développer une addiction ?

Plus l’initiation de la consommation d’alcool survient à un âge précoce, plus le risque de présenter des problèmes liés à cette consommation et de la survenue d’une dépendance est élevé. Aux États-Unis, l’étude SAMHSA5 a établi que les adolescents de 14 ans ou moins qui ont expérimenté l’alcool présentent un risque beaucoup plus élevé (prévalence multipliée par 4 à 5 et risque doublé) de devenir alcoolodépendants comparativement aux jeunes pour lesquels l’initiation a eu lieu après l’âge de 21 ans (SAMHSA, 2011renvoi vers).
Plusieurs études épidémiologiques ont suggéré que le binge drinking chez les jeunes est associé à un risque accru de consommation problématique et d’addiction à l’alcool à l’âge adulte (Townshend et Duka, 2002renvoi vers ; Deas, 2006renvoi vers ; Archie et coll., 2012renvoi vers). En d’autres termes, le binge drinking pourrait être considéré comme un comportement précurseur de l’addiction à l’alcool. Des déficits et/ou des atteintes neurobiologiques induites par le binge drinking pourraient ainsi contribuer à la perte de contrôle de la consommation d’alcool et au développement de la maladie. Il a été très récemment démontré que des rats exposés à des intoxications alcooliques répétées à l’adolescence perdent le contrôle de leur consommation à l’âge adulte et présentent une motivation exacerbée à consommer le produit (Alaux-Cantin et coll., 2013renvoi vers). Le traitement a consisté en des intoxications éthyliques répétées à raison de 3 g d’éthanol pur par kg de poids (alcoolémie 3 g/litre) une fois par jour et pendant deux jours et ceci tous les 2 jours, pour mimer des épisodes de binge drinking entrecoupés de périodes d’abstinence (8 intoxications au total). Il s’agit d’un modèle d’exposition à l’alcool à l’adolescence bien caractérisé dans la littérature (Pascual et coll., 2009renvoi vers et 2012renvoi vers). Les quantités d’alcool ont été choisies sur la base de la plus grande capacité des rongeurs à métaboliser l’alcool (quatre fois plus rapidement que chez l’Homme, mais suffisantes pour induire une sédation, une hypothermie et une incoordination motrice) et sur le fait que l’alcoolémie atteinte peut être observée chez des jeunes admis aux urgences pour intoxication alcoolique. À l’âge adulte, ces animaux exposés à des intoxications alcooliques répétées à l’adolescence, sont moins sensibles à la fois aux effets plaisants (positifs) mais aussi déplaisants (aversifs) de l’alcool ce qui explique qu’ils en consomment davantage. D’ailleurs, lorsqu’ils sont exposés à nouveau à une intoxication alcoolique à l’âge adulte, les auteurs ont observé une moindre activation du noyau accumbens, la structure clé relayant les effets plaisants de l’alcool. Cette hypoactivation, à l’instar du « reward deficiency syndrome » chez l’homme pourrait aussi expliquer l’augmentation de la consommation d’alcool pour compenser cette diminution de l’efficacité de l’alcool à activer cette structure clé impliquée dans le plaisir procuré par la consommation d’alcool. Ces intoxications alcooliques répétées laissent aussi des traces à long terme dans cette structure puisque différents gènes impliqués dans l’addiction à l’alcool et d’autres maladies psychiatriques (pro-enképhaline, transporteur de la sérotonine) ont une expression modifiée à la fois en situation de base et aussi après ré-exposition à l’alcool.
Du point de vue neurobiologique, l’adolescence est une période particulière où la vulnérabilité à l’abus d’alcool et à l’addiction est élevée. Cela s’explique notamment par la maturation tardive des régions corticales frontales, impliquées dans les fonctions exécutives, le contrôle inhibiteur (véritable « frein » sur nos comportements), la capacité à juger la conséquence de ses actes, le jugement et la planification. Ce retard de maturation est en faveur d’une trop forte activation d’autres régions cérébrales comme l’amygdale qui est impliquée dans les émotions, le conditionnement et la peur. L’amygdale est mature plus précocement sous l’influence notamment des hormones à la puberté et de l’absence d’un contrôle inhibiteur en provenance des régions corticales frontales encore immatures. Le développement normal à l’adolescence permet d’inverser cette balance pour rétablir grâce à la plus forte activité des régions corticales frontales une diminution de celle de l’amygdale.
L’ensemble de ces données montre à quel point il est urgent et impérieux de communiquer sur tous les dommages liés au binge drinking chez les jeunes. Ces méfaits sont méconnus, largement sous-estimés et doivent être utilisés dans un but de prévention. Des études récentes ont démontré l’efficacité d’actions de prévention ciblées à réduire la consommation d’alcool des jeunes binge drinkers (Conrod et coll., 2013renvoi vers). Il faut aussi trouver des stratégies pour retarder l’initiation aux premières consommations d’alcool, combattre le binge drinking, identifier les atteintes cérébrales précoces induites par l’alcool et mettre en place des interventions précoces efficaces à destination des jeunes identifiés comme étant à risque ou encore jouer sur le prix de l’alcool (Lisdahl et coll., 2013arenvoi vers)…
En conclusion, de nombreuses études ont montré l’impact de la consommation excessive d’alcool ou de type binge drinking sur la morphologie et le fonctionnement du cerveau adolescent qui présente une vulnérabilité particulière aux effets toxiques de l’alcool. Les déficits observés à moyen terme sont proportionnels à la quantité d’alcool consommée et au mode de consommation. Le cerveau des binge drinkers est en souffrance neuronale, fonctionne moins efficacement et plus lentement et présente des déficits similaires à ceux des sujets alcoolodépendants. Le binge drinking induit notamment des atteintes des fonctions cognitives avec un impact sur les lobes frontaux et la mémoire de travail. Il induit des déficits de mémoire verbale et auditive qui sont plus sévères que ceux retrouvés chez les buveurs dits « sociaux », ce qui démontre bien la toxicité particulière des consommations massives, ponctuelles et répétées d’alcool. Ce type de consommation place les jeunes à risque de développer des déficits cognitifs liés à leur consommation d’alcool. De manière intéressante, les études soulignent une vulnérabilité particulière du cerveau adolescent des filles comparativement aux garçons et il est donc important de continuer à analyser cette vulnérabilité cérébrale liée au sexe. La recherche sur l’impact de la consommation d’alcool chez les jeunes en est encore à ses prémices et de nombreuses questions demeurent sans réponse. Par exemple, on ne sait pas pourquoi la consommation d’alcool va toucher davantage certains jeunes que d’autres, comment l’alcool interfère avec d’autres problèmes pouvant survenir dès l’adolescence (addiction et autres troubles mentaux), quelles structures cérébrales ou perturbations neurochimiques précèdent ou induisent une consommation excessive d’alcool et précisément quelles sont les voies neurobiologiques qui sont touchées par l’alcool pendant cette période critique du développement cérébral qu’est l’adolescence (Witt, 2010renvoi vers).

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