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Med Sci (Paris). 2006 November; 22(11): 923–925.
Published online 2006 November 15. doi: 10.1051/medsci/20062211923.

Mort des motoneurones dans la SLA : Suicide ou meurtre ?

Brigitte Pettmann,1 Cédric Raoul,2 and Georg Haase3*

1Institut de Biologie du Développement de Marseille (IBDM), CNRS-Université de la Méditerranée, 13288 Marseille Cedex 09, France
2École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), Integrative Biosciences, Institute, SV IBI LEN, AAB 1 32, 1015 Lausanne, Suisse
3Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (INMED), Inserm-Université de la Méditerranée, Équipe Avenir, 13273 Marseille Cedex 09, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Mort cellulaire, Humains, Maladies du motoneurone, Motoneurones, Mutation, Ubiquitine

 

En hommage à Axel Kahn, pionnier de la thérapie génique des maladies neurodégénératives

La sclérose latérale amyotrophique (SLA, ou maladie de Charcot) est une maladie neurodégénérative de l’adulte caractérisée par une perte sélective et progressive des motoneurones de la moelle épinière, du tronc cérébral et du cortex cérébral moteur. La découverte de mutations dominantes dans le gène SOD1 (superoxyde dismutase 1) dans certaines formes familiales de SLA a permis d’engendrer des souris modèles qui partagent de nombreuses caractéristiques histopathologiques avec la SLA humaine [ 1]. Dans ces lignées, ce n’est pas le niveau d’activité enzymatique de la SOD1 qui est en cause, mais un gain de fonction toxique encore mal élucidé. Malgré de nombreuses études ayant révélé des dysfonctionnements tels que l’altération de la fonction mitochondriale, l’agrégation de protéines, et l’excitotoxicité, on ne sait toujours pas comment les mutations SOD1 provoquent la mort des motoneurones. En revanche, la question fondamentale de savoir si la mort des motoneurones dans la SLA procède de manière cellulaire autonome (« suicide ») ou est induite par les cellules avoisinantes (« meurtre ») a récemment trouvé un début de réponse.

Nos études ont montré que la mort des motoneurones dans la SLA faisait intervenir l’activation d’une voie de signalisation de mort spécifique à ce type de neurones [ 2]. Cette signalisation est induite par l’activation du récepteur de mort Fas et implique Daxx, p38, nNOS et NO. De manière intéressante, les motoneurones spinaux isolés de plusieurs lignées de souris mutantes SOD1 présentent une hypersensibilité à la mort induite par Fas. NO s’est révélé comme l’élément clé de cette hypersensibilité puisque son ajout à lui seul suffit à provoquer la mort des motoneurones mutants à des concentrations sans effet sur les motoneurones sauvages [ 3]. Seuls les motoneurones (ni les neurones sensoriels, ni les cellules gliales) montrent cette hypersensibilité au NO. Fait important, le mécanisme par lequel le NO tue les motoneurones SOD1 implique la mise en route d’une boucle d’amplification [ 4]. Dans cette boucle, le NO induit la surexpression du ligand endogène de Fas, FasL, ce qui aboutit à la phosphorylation de la MAP-kinase p38 et à la surexpression de la nNOS provoquant une nouvelle production de NO (Figure 1).

Nos études des moelles épinières de souris SOD1 ont récemment apporté des évidences de la mise en place in vivo de cette boucle d’amplification. Il s’est avéré que la vaste majorité des motoneurones de souris mutantes SOD1, tout comme ceux des souris sauvages, expriment Fas à leur surface. Cependant, seules les souris SOD1 montrent un pourcentage significativement augmenté de motoneurones exprimant FasL, et ce bien avant l’apparition des premiers signes de dégénérescence. Les autres acteurs de la boucle d’amplification sont également activés : Daxx s’accumule au niveau de corps intranucléaires dans les motoneurones mutants et la forme phosphorylée de la p38 kinase apparaît sous forme d’écheveaux autour de leurs noyaux (Figure 1) [4]. Cette accumulation périnucléaire de la p38 kinase est également retrouvée dans les motoneurones de patients atteints de formes sporadiques de la SLA [ 5]. L’activation « à bas régime » de la boucle NO/FasL/Fas est donc susceptible d’entraîner une accumulation chronique d’éléments nocifs tels que le NO qui, au-delà d’un seuil critique, déclencheraient l’apparition de la maladie. La production de facteurs diffusibles à partir de cette boucle pourrait contribuer au mode de propagation bien particulier de la maladie, car chez les malades atteints de SLA, les signes cliniques progressent souvent de manière loco-régionale, d’un territoire à un autre territoire adjacent.

Plusieurs études ont suggéré que l’environnement cellulaire des motoneurones jouerait un rôle déterminant dans la SLA. En effet l’expression de la SOD1 mutée seulement dans les motoneurones [ 6] ou seulement dans les cellules gliales [ 7] ne semble pas suffisante pour déclencher une dégénérescence motoneuronale. Chez des souris chimériques possédant aussi bien des cellules exprimant la SOD1 mutée que des cellules sauvages, les motoneurones mutants semblent protégés lorsqu’ils sont entourés par des cellules sauvages [ 8]. Nos résultats indiquent que les motoneurones mutants présentent une hypersensibilité à des facteurs environnementaux. Les travaux récents du laboratoire de D. Cleveland permettent d’intégrer ces différentes données dans une hypothèse unifiante. S. Boillée et K. Yamanaka ont engendré des souris transgéniques permettant une excision sélective du gène SOD1 muté dans un type cellulaire précis. L’étude [ 9] montre que l’excision du gène SOD1 muté des motoneurones joue sur le démarrage de la maladie mais pas sur sa progression. À l’inverse, l’excision du gène SOD1 muté de la microglie ralentit la progression, mais n’a pas d’effet sur le démarrage (Figure 2). L’explication mécanistique pourrait être la suivante : dans une première phase, le NO s’accumulerait dans les motoneurones et perturberait leur fonctionnement ce qui aboutirait à l’envoi de signaux de détresse vers leur environnement. Ces signaux seraient reçus en particulier par la microglie capable de produire d’importantes quantités de NO [ 10]. L’activation de la microglie serait ainsi déterminante dans la progression de la maladie. La contribution précise du NO, des agonistes Fas, et d’autres facteurs tels que le TNF dans ce processus reste à déterminer. Suicide ou meurtre des motoneurones SLA ? Sans doute un suicide assisté !

 
Acknowledgments

Ce travail a reçu le soutien de l’Inserm (programme Avenir, G.H.), de l’AFM (B.P. et G.H.), de l’American ALS Association (B.P., CR et G.H.), de la Swiss National Scientific Foundation (C.R.) et du Conseil Général des Bouches du Rhône (G.H.).

References
1.
Cleveland DW, Rothstein JD. From Charcot to Lou Gehrig: deciphering selective motor neuron death in ALS. Nat Rev Neurosci 2001; 2 : 806–19.
2.
Raoul C, Henderson CE, Pettmann B. Programmed cell death of embryonic motoneurons triggered through the fas death receptor. J Cell Biol 1999; 147 : 1049–62.
3.
Raoul C, Estevez AG, Nishimune H, et al. Motoneuron death triggered by a specific pathway downstream of Fas. Potentiation by ALS-linked SOD1 mutations. Neuron 2002; 35 : 1067–83.
4.
Raoul C, Buhler E, Sadeghi C, et al. Chronic activation in presymptomatic amyotrophic lateral sclerosis (ALS) mice of a feedback loop involving Fas, Daxx, and FasL. Proc Natl Acad Sci USA 2006; 103 : 6007–12.
5.
Bendotti C, Atzori C, Piva R, et al. Activated p38MAPK is a novel component of the intracellular inclusions found in human amyotrophic lateral sclerosis and mutant SOD1 transgenic mice. J Neuropathol Exp Neurol 2004; 63 : 113–9.
6.
Lino MM, Schneider C, Caroni P. Accumulation of SOD1 mutants in postnatal motoneurons does not cause motoneuron pathology or motoneuron disease. J Neurosci 2002; 22 : 4825–32.
7.
Gong YH, Parsadanian AS, Andreeva A, et al. Restricted expression of G86R Cu/Zn superoxide dismutase in astrocytes results in astrocytosis but does not cause motoneuron degeneration. J Neurosci 2000; 20 : 660–5.
8.
Clement AM, Nguyen MD, Roberts EA, et al. Wild-type nonneuronal cells extend survival of SOD1 mutant motor neurons in ALS mice. Science 2003; 302 : 113–7.
9.
Boillee S, Yamanaka K, Lobsiger CS, et al. Onset and progression in inherited ALS determined by motor neurons and microglia. Science 2006; 312 : 1389–92.
10.
Sargsyan SA, Monk PN, Shaw PJ. Microglia as potential contributors to motor neuron injury in amyotrophic lateral sclerosis. Glia 2005; 51 : 241–53.