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Med Sci (Paris). 2006 January; 22(1): 54–61.
Published online 2006 January 15. doi: 10.1051/medsci/200622154.

HIC1 : le nœud du problème en 17p13.3 ?

Valérie Chopin* and Dominique Leprince

ERI-8 Inserm, Signalisation des facteurs de croissance dans le cancer du sein, Protéomique fonctionnelle, UPRES EA 1033, IFR 118, Bâtiment SN3, Université des Sciences et Technologies de Lille, 59655 Villeneuve d’Ascq Cedex, France
Corresponding author.
 

Pendant de nombreuses années, la cancérogenèse a été considérée comme découlant de modifications au niveau de la séquence de l’ADN, ces mutations augmentant la fonction de certains gènes, dits oncogènes, ou entraînant une perte de fonction d’autres gènes, dits suppresseurs de tumeur. Dans ce dernier cas, l’inactivation peut également être due à des délétions plus ou moins grandes dans l’ADN.

Depuis 1983, de nombreux travaux ont démontré que la tumorigenèse résulte également de changements épigénétiques, définis comme une modification transmissible du profil d’expression des gènes sans altération de la séquence nucléotidique primaire de l’ADN. Il existe trois principaux types de modifications épigénétiques : l’empreinte génomique, se traduisant par le silence d’un allèle transmis spécifiquement par les parents, les modifications post-traductionnelles (acétylation, méthylation, phosphorylation…) des histones du nucléosome, impliquées dans la régulation transcriptionnelle, et la méthylation de l’ADN, qui correspond au transfert d’un groupe méthyl sur la cytosine des îlots CpG présents au niveau des promoteurs des gènes, contribuant ainsi à l’extinction de l’expression des gènes ciblés. Ainsi, les modifications génétiques (mutations, délétions) comme les modifications épigénétiques sont deux mécanismes permettant d’expliquer la tumorigenèse ; cependant, ces deux processus, loin d’être contradictoires, se révèlent complémentaires lors du développement des cancers, depuis les stades précoces jusqu’aux stades tardifs [ 1].

HIC1 : un nouveau gène en 17 p13.3 impliqué dans la tumorigenèse
Découverte
L’extinction transcriptionnelle de gènes suppresseurs de tumeurs étant souvent associée à une hyperméthylation des îlots CpG présents dans leur promoteur, il était logique de rechercher de nouveaux gènes suppresseurs de tumeurs sur la base de la détection de régions hyperméthylées de façon aberrante. Dans certains cas, cette hyperméthylation est associée à la perte de la région allélique correspondante, ce qui a notamment été démontré pour le bras court du chromosome 17 (17p). Le chromosome 17 est un « point chaud » comportant plusieurs oncogènes et gènes suppresseurs de tumeurs, dont le gène p53, situé en 17p13.1, qui joue un rôle clé dans la coordination de la réponse de la cellule face à diverses conditions de stress (activation d’oncogènes, hypoxie, dommages à l’ADN). C’est le gène le plus fréquemment muté (50 %) dans les cancers humains non héréditaires.

Cependant, dans certains types de cancers, des altérations en 17p concernent des régions distales de p53, en l’absence même de toute mutation de ce gène. Ces données suggèrent l’existence d’un ou plusieurs gènes suppresseurs de tumeurs situés en 17p13.3, dans une région télomérique par rapport à p53. Le clonage d’un îlot de dinucléotides CpG localisé, en 17p13.3, au niveau du marqueur microsatellitaire D17S30, et méthylé de façon aberrante dans des cancers du poumon, du côlon et du rein [ 2], a permis d’identifier en 1995 un nouveau gène candidat, appelé HIC1 (hypermethylated in cancer 1). De même, l’identification d’une zone de 15 kb englobant les marqueurs microsatellitaires D17S28 et D17S30, et délétée dans près de 80 % des tumeurs ovariennes, a permis d’isoler en 1996 un autre gène suppresseur de tumeur potentiel, nommé OVCA1 (ovarian cancer gene 1) ou DPH2L1 (diphtamide biosynthesis protein 2-like 1) [ 3]. Ces études ont souligné l’intérêt de cette région 17p13.3, extrêmement riche en gènes et au sein de laquelle au moins deux gènes, HIC1 et OVCA1, distants de moins de 12 kb, sont impliqués dans la cancérogenèse (Figure 1).

Le gène HIC1 semble d’autant plus important que les travaux réalisés ces dernières années ont établi qu’il s’agissait d’un suppresseur de tumeurs jouant un rôle de répresseur transcriptionnel, et qu’une boucle de régulation entre les protéines HIC1 et p53 a très récemment été découverte.

Organisation fonctionnelle de la protéine HIC1
Au niveau moléculaire, HIC1 code une protéine de 714 acides aminés, subdivisée en trois régions principales (Figure 2). Sa région aminoterminale comporte un domaine nommé BTB/POZ (broad complex, tramtrack and bric à brac/poxvirus and zinc finger), permettant des interactions protéine/protéine et pouvant réprimer la transcription de façon autonome. Sa région carboxyterminale contient, quant à elle, cinq doigts de zinc de type Krüppel C2H2, fixant de manière coopérative une séquence spécifique de type GGCA au niveau des promoteurs des gènes cibles de HIC1 [ 4], et une zone conservée dans différentes espèces, mais dont la fonction reste encore inconnue. Enfin, la partie centrale est globalement peu conservée au cours de l’évolution, à l’exception de deux motifs peptidiques correspondant à un site de recrutement du corépresseur CtBP (C-terminal binding protein) de type GLDLSKK [ 5] et à un site de sumoylation, dont la fonction biologique est jusqu’ici mal connue.

De nombreuses protéines à domaine BTB/POZ sont des répresseurs transcriptionnels interagissant classiquement avec des complexes de désacétylation des histones (HDAC, histone deacetylase), ce qui empêcherait le processus de transcription soit en favorisant le passage de la chromatine à un état condensé, soit en inactivant des facteurs de transcription spécifiques ou des facteurs de la machinerie transcriptionnelle de base [ 6]. Contrairement aux membres de la même famille, la répression de la transcription induite par le domaine BTB/POZ de HIC1 ne semble pas impliquer les complexes multiprotéiques associés à des HDAC de classe I ou II, sensibles à la trichostatine A [7] [8]. Néanmoins, HIC1 est bien associée à une activité HDAC endogène [5] ; par ailleurs, HIC1 interagit avec CtBP, qui peut réprimer la transcription selon deux mécanismes, l’un dépendant, l’autre indépendant du recrutement d’une activité HDAC.

HIC1 est un gène suppresseur de tumeur
Importance des modèles animaux
Depuis la découverte de HIC1 en 1995, l’hyperméthylation de ce gène a été détectée dans de nombreux types de tumeurs, notamment de la prostate [ 9], de l’estomac [ 10], de l’ovaire [ 11] et du sein [ 12], ainsi que dans des médulloblastomes [ 13]. Cette méthylation aberrante conduit à une diminution spécifique de l’expression du gène HIC1 dans les cellules tumorales, alors qu’il est exprimé dans les cellules normales correspondantes. Par ailleurs, la réintroduction par transfection stable, dans différents types de lignées cancéreuses, du gène HIC1 sous contrôle d’un promoteur fort aboutit à une inhibition de la prolifération [2]. Toutes ces données indiquent que HIC1 est potentiellement un gène suppresseur de tumeur.

S’il est maintenant admis que l’inhibition de la transcription induite par l’hyperméthylation du promoteur est une cause plutôt qu’une conséquence du processus de tumorigenèse, la question est de savoir si les gènes inactivés du fait de modifications épigénétiques jouent un rôle réel dans l’initiation et la progression tumorale in vivo. Récemment, le rôle de HIC1 en tant que gène suppresseur de tumeur a été clairement démontré grâce à l’étude de souris hétérozygotes Hic1+/- [14] : ces souris développent des tumeurs spontanées avec une incidence beaucoup plus élevée (25 %) que les souris témoins. Les tumeurs apparaissent très tardivement dans la vie de l’animal (70 semaines), ce qui rejoint le cas des souris Pten+/- (phosphatase and tensin homologue) [ 15]. De manière intéressante, les souris Hic1+/- développent un spectre de tumeurs différant sensiblement selon le sexe de l’animal : les mâles développent de façon prédominante des cancers épithéliaux (75 %) et les femelles des lymphomes et des sarcomes (85 %). De plus, les tumeurs développées par l’ensemble de la population des animaux hétérozygotes sont plutôt de type épithélial (44 %) : ce chiffre est d’autant plus surprenant que ce sont des lymphomes et des tumeurs mésenchymateuses qui sont généralement observés chez les souris âgées ou chez lesquelles un gène a été inactivé ; cette distribution chez les animaux Hic1+/- se rapproche plus de celle des types de cancers constatés chez l’homme [ 16].

Enfin, la perte de fonction de HIC1 chez les souris hétérozygotes Hic1+/- semble être associée, dans les tumeurs, à une hyperméthylation très importante du promoteur de l’allèle sauvage restant, à l’instar de ce qui est observé chez l’homme [14] ; or c’est normalement la délétion allélique qui est le mécanisme prévalent d’inactivation génique dans le modèle murin, et non l’hyperméthylation. Lors de la cancérisation, la perte d’expression d’un gène peut être due à des pertes d’hétérozygotie, à des mutations ou, encore, à des modifications épigénétiques ; cependant, les mécanismes orientant le choix d’une inactivation préférentiellement par des phénomènes épigénétiques ou par des mutations sont encore mal connus. Dans le cas de HIC1, l’extinction génique semble essentiellement due à l’hyperméthylation, puisque les travaux tentant de découvrir des mutations de ce gène se sont révélés négatifs (Tableau I).

L’ensemble de ces expériences démontre donc que HIC1 appartiendrait à une classe de gènes suppresseurs de tumeur dont l’expression serait éteinte principalement par des modifications épigénétiques, et dont la perte d’une seule copie serait suffisante pour permettre la progression tumorale [ 17].

D’autres rôles pour HIC1 ?
HIC1 est également un gène candidat pour un syndrome des gènes contigus, le syndrome de Miller-Dieker (MDS). Le MDS appartient à la famille des lissencéphalies, caractérisées par des anomalies des circonvolutions du cerveau et de l’organisation des couches du cortex. La lissencéphalie peut être notamment due à des mutations du gène Lis1 (également nommé PAFAH1B1), localisé en 17p13.3 (Figure 1) et dont la protéine, associée aux microtubules, joue un rôle clé dans la migration des neurones [ 18]. Le MDS est caractérisé par une forme très sévère de lissencéphalie, accompagnée de dysmorphies faciales et, parfois, d’autres malformations congénitales. Ce syndrome est du à des microdélétions en 17p13.3, incluant le gène Lis1 mais aussi d’autres gènes en cours d’identification.

L’analyse de 30 patients atteints de MDS, en comparaison de patients atteints de lissencéphalie classique, montre qu’ils possèdent tous une zone minimale de délétion en 17p13.3 incluant Lis1, bien sûr, mais également HIC1 et son proche voisin OVCA1 [ 19]. Le phénotype des souris Hic1 −/− présente d’ailleurs des similarités frappantes avec le phénotype des patients atteints de MDS : les embryons, qui meurent juste avant la naissance, sont de petite taille et, surtout, ont de graves anomalies du développement au niveau du crâne, de la face et des membres, ainsi qu’une hernie de la paroi ventrale (omphalocèle) [ 20]. Par ailleurs, durant le développement embryonnaire des souris, Hic1 est exprimé dans de nombreux organes porteurs d’anomalies chez les patients atteints de MDS [ 21]. Les souriceaux Ovca1−/− présentent, quant à eux, des similarités avec les animaux Hic1−/− : ils sont de petite taille, meurent juste avant ou dès la naissance et présentent des anomalies du développement (fente palatine, défaut de formation du tube neural au niveau du mésencéphale, polydactylie ou, encore, immaturité des poumons) [22]. Ces résultats suggèrent que HIC1 et OVCA1 sont impliqués dans la prolifération embryonnaire et dans l’organogenèse : la délétion de l’un ou l’autre de ces gènes, en plus de la délétion du gène Lis1, doit sans aucun doute contribuer au développement d’un phénotype de lissencéphalie plus marqué chez les patients atteints de MDS.

Relations entre p53 et la région 17p13.3 lors de la tumorigenèse

La tumorigenèse implique l’activation d’oncogènes et l’inactivation de plusieurs gènes suppresseurs de tumeur distincts. Dans la région 17p13.3, deux gènes suppresseurs de tumeurs sont présents : HIC1, codant un répresseur transcriptionnel, et OVCA1, qui vient d’être identifié en tant que composant de la voie de biosynthèse de la diphtamide sur EF-2 (elongation factor 2). Néanmoins, il semble important de déterminer si des gènes inactivés de façon épigénétique, tel HIC1, ou d’autres gènes plutôt délétés, tel OVCA1, sont capables d’influencer le développement tumoral, et ce dans un contexte bien déterminé d’altération génétique de suppresseurs de tumeur. Dans ce cadre, des souris double hétérozygotes, p53+/- Ovca1+/- ou p53+/- Hic1+/- ont été obtenues.

In vivo, les souris Ovca1+/ développent des tumeurs variées au bout de 92 semaines, à un taux comparable à celui des souris p53+/-, mais avec un spectre différent ; ce temps d’apparition est raccourci à 52 semaines chez les souris p53+/- Ovca1+/- [22]. Les fibroblastes embryonnaires de souris invalidées pour Ovca1 proliférant faiblement, ce gène a été défini comme un régulateur positif de la croissance ; mais la perte d’OVCA1 pourrait aussi conduire à une activation d’un point de contrôle négatif du cycle, dont un excellent candidat est p53, justement situé à proximité sur le chromosome 17 : cela a été confirmé par le fait que les fibroblastes de souris Ovca1−/− p53−/− retrouvent une croissance normale. OVCA1 est donc bien, malgré son rôle positif sur le cycle cellulaire, un gène suppresseur de tumeur impliqué dans la prolifération, le développement embryonnaire et la tumorigenèse. La restauration d’un phénotype normal dans des cellules Ovca1−/− après inactivation de p53, le fait que BRCA1 a été décrit comme pouvant induire l’expression de OVCA1 dans des cellules cancéreuses de sein, et le développement d’un large spectre de tumeurs (et non pas uniquement des tumeurs ovariennes) par les souris hétérozygotes Ovca1+/- sont autant d’indices qui suggèrent que OVCA1 est un intermédiaire dans la réponse cellulaire aux dommages à l’ADN.

Le gène HIC1 est un gène suppresseur de tumeur jouant un rôle négatif dans la prolifération cellulaire. Chez la souris comme chez l’homme, les gènes Hic1 et p53 sont localisés de manière relativement proche sur le même chromosome (chromosome 11 chez la souris). Des souris double hétérozygotes ont été réalisées, chez lesquelles l’altération de ces deux gènes se trouve soit sur des chromosomes séparés (trans), soit sur le même chromosome (cis) [23] (Figure 3). Dans chacun de ces cas, l’altération de Hic1 conduit à des modifications de l’incidence, de la virulence et du spectre des tumeurs par rapport aux souris p53+/- . Les souris double hétérozygotes en cis présentent une apparition plus précoce, ainsi qu’une prévalence et une agressivité accrues des cancers de l’ovaire et des ostéosarcomes, avec une délétion des deux allèles sauvages restants. En revanche, les souris double hétérozygotes en trans ne présentent pas les mêmes mécanismes d’inactivation génique des allèles sauvages restants : la copie sauvage de Hic1 y est souvent hyperméthylée, tandis que la copie sauvage de p53 se trouvant sur le chromosome opposé est préférentiellement délétée (Figure 3). Ainsi, HIC1 et p53 peuvent influencer la tumorigenèse de manière individuelle ou synergique, chacun utilisant pour leur inactivation des mécanismes distincts.

Cette coopération fonctionnelle entre HIC1 et p53 observée in vivo est d’autant plus intéressante que le promoteur de HIC1 contient des sites consensus de liaison de la protéine p53 [2, 24], et que la transfection de p53 in vitro active l’expression de HIC1 endogène dans des cellules cancéreuses [2, 25]. Enfin, il a été très récemment démontré que HIC1 est capable d’inhiber la transcription de SIRT1 (codant la protéine sirtuine 1) par l’intermédiaire d’un complexe SIRT1/HIC1 se fixant sur le promoteur de SIRT1 [ 26]. SIRT1 est une HDAC de classe III désacétylant également p53, ce qui diminue l’activité transcriptionelle de cette dernière [27]. Ainsi, dans les cellules où HIC1 est inactivé, l’expression de SIRT1 serait augmentée, contribuant à la désacétylation de p53 et permettant aux cellules de résister à l’apoptose induite par les dommages à l’ADN (Figure 2). Néanmoins, les relations exactes entre HIC1 et p53, permettant notamment d’expliquer la synergie d’action observée lors de la cancérisation dans les souris double hétérozygotes Hic1+/- p53+/- , doivent encore être déterminées. Il faut noter que SIRT1 est une HDAC de classe III dépendante du NAD et insensible à la trichostatine A ; de plus, en association avec le répresseur BCL11A (B cell leukemia 11 A protein), SIRT1 inhibe la transcription en désacétylant les histones H3 et H4 du promoteur d’un gène rapporteur [ 28]. Cela pourrait expliquer que la répression transcriptionnelle induite par le domaine BTB/POZ de HIC1 soit insensible à la trichostatine, qui inhibe les HDAC de classe I et II, mais pas de classe III (comme SIRT1).

Conclusions

Plusieurs gènes suppresseurs de tumeurs tels que p53, HIC1 et OVCA1, dont l’inactivation joue un rôle important lors de la tumorigenèse, sont localisés sur le chromosome 17. HIC1 et OVCA1, distants d’à peine 12 kb, se rapprochent notamment d’une nouvelle classe de gènes suppresseurs de tumeurs au comportement haplo-insuffisant (apparition d’un phénotype délétère dès la perte d’un allèle). Toutefois, dans le cas d’une haplo-insuffisance « stricte », l’allèle sauvage restant s’exprime dans les tumeurs [17] ; la situation est légèrement différente dans le cas de HIC1, puisque l’analyse de son statut dans les tumeurs des souris Hic1+/- et Hic1+/- p53+/- indique que la copie sauvage restante de ce gène est également inactivée, le plus souvent par hyperméthylation des CpG [14, 23]. Les mécanismes sous-jacents guidant le choix de la cellule cancéreuse vers une inactivation épigénétique plutôt que génétique ne sont pour l’instant pas connus [ 29].

Dans le cas de HIC1, l’hyperméthylation et sa perte d’expression sont observées de manière fréquente dans les tumeurs primaires de cancer du sein. De plus, contrairement aux autres tissus normaux où HIC1 n’est pas ou peu méthylé, la moitié des allèles sont déjà méthylés dans le tissu épithélial mammaire normal. Si la perte de HIC1 contribue fortement à l’apparition de cancers, le sein serait donc un tissu à haut risque de développement tumoral, en raison de l’inactivation de ce gène. En accord avec cette hypothèse, l’expression de HIC1 a été associée à une évolution favorable dans le cancer du sein [ 30]. De même, HIC1 est hyperméthylé à 100 % dans les hyperplasies bénignes de la prostate (considérées comme des situations non cancéreuses), et à 95 % dans les cancers de la prostate [9]. Il est troublant de constater que, dans le cas du sein comme de la prostate, l’hyperméthylation de HIC1 est détectée dans des tissus normaux d’organes hautement sensibles à la régulation hormonale. Ces données, de même que le fait que les souris Hic1+/- développent un spectre de tumeurs différent selon le sexe de l’animal, suggèrent l’existence d’une relation jusqu’ici inexpliquée entre le gène HIC1 et les hormones sexuelles.

De manière plus générale, les expériences réalisées in vivo dans le contexte de souris doublement hétérozygotes ont clairement permis de démontrer que les phénomènes d’extinction épigénétique spécifiques de certains gènes tels que HIC1 peuvent influencer l’initiation et la progression tumorale in vivo, seuls ou en combinaison avec la modification d’autres gènes suppresseurs de tumeur classiques tels que p53. Ainsi, les récents progrès concernant une meilleure compréhension des causes et des conséquences des phénomènes épigénétiques ouvrent un champ d’investigation nouveau dans le domaine de lutte contre le cancer, et ce même si de nombreux mécanismes et acteurs moléculaires restent à découvrir.

 
Acknowledgments

Valérie Chopin remercie la Ligue nationale contre le cancer pour son soutien financier. Nous remercions le Dr Brian Rood (Washington University) pour la traduction du titre en anglais et la relecture critique du manuscrit.

 
Footnotes

Article reçu le 2 mars 2005, accepté le 9 septembre 2005.

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