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Med Sci (Paris). 2004 November; 20(11): 1041–1044.
Published online 2004 November 15. doi: 10.1051/medsci/200420111041.

Des ovules en abondance ?

Jacques Testart*

Inserm U.566, CEA, BP 6, 92265 Fontenay-aux-Roses, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Techniques de culture cellulaire, Développement embryonnaire, Femelle, Humains, Ovocytes, Ovulation

 

Alors que les femelles d’insectes, d’amphibiens ou de poissons émettent des gamètes en abondance, celles des mammifères n’ovulent qu’avec parcimonie. Selon les espèces, chaque ponte compte ainsi entre un (femme, vache) et une quinzaine (rongeurs, truie) d’ovules. On peut expliquer cette différence par une meilleure survie de l’embryon chez les mammifères, en particulier parce qu’il est abrité des prédateurs, et par la capacité limitée des femelles de conduire la gestation in utero. On peut également formuler l’hypothèse d’un avantage évolutif de la rareté relative des ovules, laquelle induit celle des embryons issus de chaque couple, une situation propice à la contribution de génomes variés au sein de l’espèce, à chaque génération. En effet, les restrictions collectives du nombre de descendants permettent de ménager des caractères peu compétitifs qui auraient pu disparaître dans une situation de surpopulation [ 1].

En comparaison, le mâle produit quotidiennement des dizaines, voire des centaines de millions de gamètes, une abondance inutile puisque, même si la pollution environnementale l’affecte fortement [ 2], cette atteinte semble encore sans réelle conséquence sur la fertilité : en effet, quand l’éjaculat humain compte 20 millions de gamètes plutôt que 200 millions, cette carence ne suffit pas à expliquer complètement l’infertilité persistante d’un couple. En réalité, l’abondance des spermatozoïdes, héritée de la fécondation externe, n’est d’aucun effet évolutif puisque le génome du gamète fécondant ne semble pas de meilleure qualité que celui des gamètes qui ne parviendront pas à pénétrer l’ovule [ 3], sauf dans les cas, assez rares, où un handicap du spermatozoïde est associé à une anomalie de son génome.

Si la femelle est le lieu d’un contrôle limitatif des naissances chez les mammifères, elle n’intervient pas plus que le mâle dans la sélection génétique des gamètes. On estime qu’un spermatozoïde sur dix porte une aneuploïdie [ 4], mais que cette proportion s’élève à un ovule sur trois chez la femme [ 5], si bien que la moitié des embryons humains (au moins après conception in vitro) montre une anomalie chromosomique [ 6]. Encore n’existe-t-il aucune étude indiquant la fréquence des mutations géniques dans les gamètes ou l’embryon. Il est certain, et heureux, que la sélection naturelle précoce des embryons élimine presque toutes les anomalies chromosomiques, puisqu’elles sont retrouvées chez la moitié des avortons, alors que « seulement » 2 % des nouveau-nés présentent une malformation, dont l’origine chromosomique n’est établie que pour 0,6 % des naissances [ 7].

Ainsi, il apparaît que la procréation induit d’abord de la diversité aléatoire, grâce aux loteries successives de la méiose (haploïdisation, crossing over) et de la fécondation (identité des gamètes), et ne remédie qu’ultérieurement, mais imparfaitement, aux anomalies les plus graves. Dans ces conditions, la possibilité de multiplier très fortement le nombre d’ovules signifie l’explosion de la variété génétique des êtres humains potentiels produits par un même couple. Ce pourrait être l’occasion de véritables bouleversements, surtout si ces artifices en accompagnent d’autres, capables de sélectionner des embryons « normaux » parmi les embryons viables. Le but de cet article est d’esquisser les diverses voies acquises et futures pour une surproduction d’ovules dans l’espèce humaine.

Superovulation

Depuis quarante ans, la médecine recourt à des hormones gonadotropes pour stimuler l’ovulation féminine. Ces hormones permettent de favoriser la croissance des follicules ovariens grâce à l’hMG (human menopausal gonadotropin, extraite de l’urine de femmes ménopausées) et/ou la maturation finale de l’ovocyte et l’expulsion de l’ovule grâce à l’hCG (human chorionic gonadotropin, extraite de l’urine de femmes enceintes). Ainsi peut-on multiplier par 10, en moyenne (les réponses individuelles variant de 0 à 80…), le nombre d’ovules émis simultanément par une femme. Cette superovulation est favorable dans les programmes d’AMP (assistance médicale à la procréation), en particulier pour réaliser la fivète (fécondation in vitro et transfert d’embryon), car la probabilité de succès, qui est d’environ une naissance pour 4 ou 5 tentatives, serait très diminuée en cas d’AMP en cycle naturel. De nouvelles molécules sont devenues disponibles pour mieux maîtriser l’axe hypophyso-thalamique, et les réactions des ovaires à ces traitements, en particulier pour empêcher l’ovulation spontanée des follicules stimulés (agonistes ou antagonistes du GnRH, gonadotropin releasing hormone). De plus, les complexes hormonaux gonadotropes urinaires (hMG et hCG) sont de plus en plus souvent remplacés par des hormones purifiées (FSH, follicle stimulating hormone et LH, luteinizing hormone) ou produites par recombinaison génétique. Cependant, ces innovations n’augmentent pas le nombre moyen d’ovules obtenus dans les cycles stimulés [ 8], ce qui serait d’ailleurs sans intérêt pour l’issue du cycle de fivète, le nombre d’embryons transférés in utero étant en général inférieur à 3 afin de limiter les grossesses multiples. En revanche, la production d’ovules (et donc d’embryons) en plus grand effectif offre des perspectives de grossesses différées, obtenues à partir d’embryons cryoconservés. En effet, la conservation par congélation des embryons non immédiatement transférés est déjà à l’origine de 10 % des 10 000 naissances annuelles après fivète en France [ 9].

Pourtant, certains embryons ainsi conservés ne seront jamais « repris » par le couple géniteur, et leur nombre croît d’année en année puisque la plupart d’entre eux n’ont pas d’autre destinée (ni destruction, ni accueil par un autre couple). Les rapports fournis réglementairement au ministre de la Santé par les équipes de fivète font état de cet effectif croissant d’embryons « avec projet parental interrompu » : 9 300 en 1997, 12 800 en 1998, 17 400 en 1999 et 23 400 en 2000, la moitié d’entre eux environ étant conservée depuis plus de 5 ans. C’est dire que la production d’ovules est excédentaire, en moyenne et dans le seul cadre de l’AMP intraconjugale. Mais cet excédent moyen ne rend pas compte de la carence d’ovocytes chez certaines femmes ou de l’incapacité médicale actuelle à obtenir des ovocytes en effectif réduit mais non nul. Il ne considère pas non plus les besoins d’ovocytes pour réaliser l’AMP avec tiers donneur ou pour certaines recherches scientifiques.

Production d’ovules au laboratoire

Il existe plusieurs stratégies en cours d’expérimentation pour obtenir des ovules fécondables à partir d’ovocytes immatures, de cellules souches embryonnaires, ou même de cellules somatiques.

De l’ovocyte à l’ovule
Rappelons que l’ovule (ou ovocyte II) est issu de l’évolution d’un ovocyte I à l’occasion de la première division méiotique (après émission du premier globule polaire). Cette transformation, ou « maturation ovocytaire », est rapide (environ 30 h dans l’espèce humaine) et survient normalement entre la décharge hypophysaire de l’hormone ovulante LH (ou l’administration de hCG) et la rupture du follicule mûr. Elle peut aussi survenir in vitro quand l’ovocyte I préovulatoire est artificiellement extrait de son follicule [ 10], comme cela arrive en fivète pour certains ovocytes recueillis immatures [ 11]. De tels ovules sont fécondables et aptes au développement (bien que dans des proportions réduites par rapport aux gamètes recueillis mûrs), mais ne représentent pas une source significative d’ovules humains. C’est pourquoi les recherches portent plutôt sur la perspective de transformer en gamètes des ovocytes plus « jeunes », lesquels auraient naturellement attendu des mois ou des années avant de subir cette évolution. L’enjeu n’est pas de gagner du temps (comme dans les programmes d’amélioration animale par sélection génétique), mais de déjouer l’implacable gâchis de l’ovogenèse : seulement 1 sur 10 000 des ovocytes I constitués chez le fœtus parviendra au stade ovulatoire. Plus le recueil des ovocytes sera précoce, plus ils seront nombreux…, mais plus il sera difficile d’en faire des ovules viables.

Chez plusieurs espèces de mammifères, des ovocytes ont ainsi été extraits de leurs follicules en croissance avant même l’apparition de l’antrum (ce qui correspond à environ 2,5 mois avant l’ovulation chez la femme) et cultivés jusqu’à l’obtention de leur maturation in vitro (MIV). Les ovules se sont montrés capables de fécondation et de développement normal, mais avec un rendement moindre que des ovules mûris in vivo. En fait, l’aptitude au développement est proportionnelle à la taille de l’ovocyte [ 12], elle-même corrélée à la taille du follicule qui le contient. Les ovocytes mûrs ainsi obtenus en culture in vitro sont plus petits et moins aptes au développement que quand ils proviennent de follicules à antrum. Mais, même dans le cas des plus jeunes follicules (follicules primordiaux), qui sont aussi les plus abondants, la naissance de souriceaux apparemment normaux a été obtenue après MIV et FIV [ 13]. Ainsi, « puisqu’on peut retirer environ 120 petits follicules dans un disque de tissu ovarien de 4 mm de diamètre chez une femme de 30 ans […], cela suffirait pour tous les traitements par fivète qu’elle souhaiterait, ainsi que pour produire des ovocytes à donner à d’autres patients ou à la recherche » [ 14]. Ce qu’on sait déjà faire, c’est conserver par congélation ces prélèvements ovariens, si bien que leur autogreffe tardive [ 15] serait capable de rompre l’état de ménopause.

On imagine comment une telle technologie pourrait modifier les conditions actuelles de l’AMP en réduisant la pénibilité de la fivète pour les patientes et en augmentant le nombre des embryons obtenus. Ainsi, grâce à la cryoconservation de nombreux embryons, on augmenterait les chances de grossesses, tandis qu’on ouvrirait des perspectives encore insoupçonnées au tri génétique de ces embryons (diagnostic préimplantatoire).

Une récente publication scientifique [ 16] vient rompre un dogme vieux d’un demi-siècle en montrant que, à l’instar du testicule (ou de l’ovaire de la drosophile), l’ovaire des vertébrés dispose d’une réserve de cellules germinales capables d’entrer en méiose bien après la naissance. Cette observation, effectuée chez la souris, ouvre des perspectives inédites pour la fertilité féminine et représente une source inespérée d’ovules (surtout si ces cellules souches persistent dans l’ovaire des femmes âgées). Elle révolutionne aussi des présupposés qui ont amené à nier les observations histologiques anciennes, lesquelles décrivaient justement une réserve de cellules germinales dans « l’épithélium germinatif » du cortex ovarien. Ainsi peut-on lire, dans un manuel à usage des étudiants [ 17] (comme dans tous les textes de la seconde moitié du xxe siècle), que le terme « épithélium germinatif » est impropre pour désigner l’épithélium ovarien : il « prête à confusion car il implique une activité fonctionnelle »… Il serait intéressant pour l’histoire des sciences d’étudier la genèse de cette fausse interprétation, ce qu’elle doit à l’arbitraire de l’autorité scientifique… et au sexisme commun.

Il existe une autre source potentielle d’ovules humains, à partir d’ovocytes immatures qu’on prélèverait sur des fœtus issus d’avortement. Cette source, encore réservée à la recherche scientifique, pourrait aussi stimuler le développement du « don d’ovules » d’un fœtus anonyme à une femme stérile ou ménopausée.

De l’embryon à l’embryon, en passant par l’ovule
Décrite récemment [ 18], il s’agit là d’une stratégie révolutionnaire pour obtenir des ovules, bien que l’aptitude au développement de ces gamètes n’ait pas été montrée. Les cellules souches de l’embryon de souris correspondant aux futures cellules germinales sont identifiées et sélectionnées. Cultivées in vitro, ces cellules germinales primordiales croissent, acquièrent une zone pellucide et deviennent des ovocytes au sein de follicules sécrétant de l’œstradiol. Certains de ces ovocytes I subissent la méiose, puis un développement parthénogénétique spontané qui les transforme en blastocystes quelques semaines après l’isolement des cellules souches du blastocyste fondateur… Cette expérience est certainement l’une des plus stupéfiantes et des plus lourdes de conséquences, depuis longtemps, même si la fécondation normale de ces ovules ou l’implantation de ces blastocystes n’ont pu encore être obtenues. Il s’agirait d’une forme de néoténie artificielle, jusqu’ici insoupçonnée chez les mammifères. De façon symétrique, une autre publication récente [ 19] rapporte l’obtention de spermatocytes fécondants à partir de cellules souches d’embryons mâles de souris. Ce travail montre que l’embryon peut être générateur de gamètes haploïdes fonctionnels (au moins jusqu’au stade blastocyste quand on injecte une telle spermatide dans un ovule « naturel »). Cependant, surtout concernant l’ovule, il reste à vérifier la capacité de ces gamètes « synthétiques » à produire des embryons viables. Même si les cellules ainsi obtenues devaient demeurer inaptes au développement, les éléments ovocytaires (génome méiotique et cytoplasme) dont la formation a pu être induite in vitro pourraient trouver des usages en recherche ou en médecine.
Autres sources d’ovules
Il existe d’autres sources potentielles d’ovules pour lesquelles les recherches actuelles n’ont pas (ou pas encore ?) montré la faisabilité.

Ainsi, plusieurs laboratoires cherchent à obtenir la division méiotique de cellules somatiques [ 20], conférant alors à des cellules banales le caractère de cellules germinales, au moins, s’agissant de l’ovule, pour ce qui concerne le génome nucléaire. Le plus difficile devrait être d’obtenir un cytoplasme ovulaire compétent pour contrôler le début du développement embryonnaire. L’importance de l’état de maturation du cytoplasme a, en effet, été démontrée chez la souris par « reconstruction » d’ovocytes à partir de cytoplasme et de matériel nucléaire d’origines variées [ 21]. Mais, si la méiose de cellules somatiques était acquise, il resterait possible d’introduire ce génome dans un ovule étranger tel qu’obtenu en culture in vitro, voire dans un ovocyte non humain. On ne doit cependant pas négliger le risque accru de mutations dans les cellules somatiques, un phénomène qui semble atténué dans les cellules germinales grâce à l’existence de mécanismes régulateurs. De plus, la ségrégation des chromosomes risque fort d’être anormale si on induit la méiose de cellules somatiques [ 22], et rien n’indique que l’ovocyte mûr soit capable d’assurer l’empreinte génomique normale.

Une autre perspective s’apparente plutôt au clonage interspécifique et consisterait à introduire un noyau somatique humain dans un ovocyte de femelle animale, en espérant réaliser un ovule chimérique à l’issue de la méiose in vitro. Ce bricolage a été réalisé avec succès, dans le cadre de la préservation d’animaux menacés, pour des espèces très proches : croisements mouflon/mouton [ 23] ou bovin sauvage (Bos javanicus)/bovin domestique (Bos taurus) [ 24]. Des auteurs chinois ont même tenté de conserver ainsi le panda géant, mais leur expérience audacieuse (génome de panda introduit dans l’ovule de lapin et gestation de l’embryon chimérique assurée par une chatte…) n’a pas conduit à la naissance, bien que le développement post-implantatoire, chez la chatte, de clones interspécifiques panda-lapin soit rapporté [ 25].

Le modèle interspécifique pourrait se révéler plus efficace si la folliculogenèse elle-même était assurée au sein d’un organisme animal. Ainsi, pour court-circuiter la difficulté d’obtenir la croissance folliculaire complète in vitro, il semble possible de réaliser la première étape (la plus longue) chez l’animal, comme cela a été montré pour le porc [ 26] : la biopsie ovarienne porcine contenant les follicules primordiaux est d’abord transplantée sous la capsule rénale d’une souris privée de thymus et d’ovaires. La croissance folliculaire étant stimulée (par des hormones gonadotropes), des follicules à antrum apparaissent, lesquels délivrent des ovocytes dont la fécondation a pu être obtenue après MIV et FIV. La reprise de la croissance folliculaire, jusqu’à l’ovulation, d’ovocytes humains mûrs a aussi été obtenue chez la souris recevant des biopsies d’ovaires humains congelées puis décongelées [ 27].

Dans toutes ces stratégies de production d’ovules au laboratoire, une interrogation persiste : les conditions artificielles in vitro ne risquent-elles pas de perturber les mécanismes subtils d’activation génique par des influences épigénétiques, et s’accompagner d’effets sur le développement [ 28] ?

Usages potentiels des ovules

Disposer d’une source abondante d’ovules humains modifierait les pratiques actuelles de l’AMP et pourrait ouvrir la voie à de nouvelles pratiques comme le clonage, grand consommateur de gamètes féminins. L’origine de ces ovules est évidemment à prendre en compte pour leur usage procréatif. Par exemple, même si on obtenait des développements viables à partir d’ovules obtenus par culture in vitro de cellules germinales primordiales embryonnaires [18], ces ovules ne pourraient pas être utilisés pour la FIV dans le couple ayant produit l’embryon, le partenaire masculin de ce couple étant aussi le père de cet embryon. En revanche, de tels ovules auraient une place potentielle dans la FIV avec don d’ovules et dans les diverses modalités du clonage (« thérapeutique » ou « reproductif »), comme dans la recherche scientifique. Ainsi pourrait-on, par exemple, étudier le rôle de certains gènes dans le développement normal ou pathologique, les mécanismes de la méiose et ceux déterminant l’empreinte génomique. Toutefois, il est évident que ces connaissances sont d’abord à acquérir à partir de modèles animaux.

Cependant, de véritables bouleversements pourraient survenir dans la médecine et la société, et même dans l’évolution de l’espèce. En effet, la production abondante d’ovules dans un couple donné, démultipliant la variété génétique des embryons, il deviendrait alors possible de sélectionner, simultanément parmi des dizaines de génomes, l’embryon de « meilleure qualité » génétique, c’est-à-dire celui qui présenterait les moindres risques pathologiques [ 29]. Une telle pratique, privilégiant des normes souvent arbitraires, pourrait conduire à la régression du droit à l’altérité autant qu’aux déceptions succédant à cette utopie de « l’homme normal » [ 30]. Mais la puissance sanitaire de la sélection ultra-précoce des êtres humains, parce que statistiquement prometteuse, cadre bien avec les objectifs hygiénistes de la médecine dite « prédictive » [ 31]. Sans conteste, l’identification dans l’ADN des mutations et des facteurs de risque progresse à grands pas. Comme cela est indiqué dans une récente plaquette de l’Inserm [ 32], « les tests prédictifs qui évaluent la susceptibilité génétique […] ne serviront à rien. Dépister les polymorphismes, même nombreux, n’a qu’une faible valeur informative et peu d’influence sur l’évolution de la maladie à l’échelle de la population » (Josué Feingold). Pourtant, si ces tests concernaient non plus des personnes existantes (et qu’on reste incapable de soigner), mais des cohortes de « personnes potentielles » parmi lesquelles on ne retiendrait que celle portant les risques pathologiques les moins graves, leur usage potentiel serait fort différent. L’irruption d’une capacité nouvelle à multiplier les ovules devrait révéler soudainement le pouvoir eugénique du diagnostic génétique préimplantatoire, jusqu’ici masqué par le faible nombre des embryons à trier. Peut-être faut-il réviser la loi (article L 2141-II, titre IV, livre 1er, 2e partie du Code de la santé publique) qui consacre l’égalité fonctionnelle et symbolique entre ovule et spermatozoïde. A-t-on déjà vu un spermatozoïde fécondé par un ovule et se développant alors en embryon ? Ou un spermatozoïde énucléé devenant clone après transfert d’un noyau somatique ? La seule cellule omnipotente est bien l’ovule, et sa « surproduction » nous réserve bien des surprises.

Personnellement, je ne parviens pas à comprendre pourquoi scientifiques et commentateurs refusent de prévoir l’association fonctionnelle de deux champs aujourd’hui séparés de la biologie : celui de la production massive d’ovules et celui des identifications du génome. Ni à accepter la tranquille assurance du législateur qui ne veut pas voir que les remarquables dispositions de 1994 sur le diagnostic préimplantatoire seront balayées par les perspectives inédites qu’apporteront ces nouvelles technologies.

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