Pourtant, la recherche du locus fut laborieuse, en raison de plusieurs cas de CdLS avec remaniements chromosomiques, en particulier sur le bras long du chromosome 3. Ce n’est donc que tout récemment que le locus a été trouvé, en 5p13, et le gène identifié [
2,
3]. Appelé NIPBL (nipped-B like), il code pour une protéine qui a été baptisée delangine. Chez la drosophile, le gène Nipped-B est un régulateur majeur de la voie Notch et des gènes Cut et Ultrabithorax. La protéine codée par Nipped-B appartient à la famille des adhérines chromosomiques qui, en modifiant l’architecture, facilite à longue distance les interactions entre les promoteurs et les séquences stimulatrices. Ubx réprime le gène Dll (distalless) indispensable au développement des membres. Il est donc possible que les troubles du développement des membres dans le CdLS soient en relation avec une anomalie de régulation des gènes DLX (homologues de Dll de la drosophile chez les mammifères). Grâce à une recherche in silico, des homologues de NIPBL ont été retrouvés dans de nombreuses espèces, en particulier dans les levures où ils appartiennent à la famille des Scc2 intervenant dans la cohésion des chromatides sœurs. Une étude récente vient du reste de démontrer le double rôle de Nipped-B chez la drosophile : il intervient à la fois en maintenant la cohésion des chromatides sœurs et en facilitant l’activation à distance du gène Cut [
4].
Le type de mutations observées chez les sujets atteints de CdLS semble avoir pour conséquence la production d’une protéine tronquée, ou la perte de celle-ci. La maladie est donc due à une haplo-insuffisance1. L’observation d’un enfant porteur d’une grande délétion de la région, englobant le gène NIPBL, et ayant des manifestations cliniques particulièrement sévères corrobore cette hypothèse. Sur la cinquantaine de cas étudiés, 50 % environ sont porteurs d’une mutation. Il est encore trop tôt pour dire s’il existe une hétérogénéité génétique ou si certaines mutations dans le gène NIPBL n’ont pu être mises en évidence.
Comme il existe une ressemblance clinique entre le syndrome de Roberts1 (OMIM 268300) et le CdLS, les auteurs [2] ont eu l’idée de rechercher dans les cellules des patients atteints de CdLS une séparation prématurée des chromatides sœurs1 (SCP) : l’examen des mitoses en bandes C s’est révélé négatif. Toutefois, on pouvait peut-être s’y attendre. Le syndrome de Roberts est récessif, et il faudrait donc plutôt étudier un modèle animal avec invalidation du gène à l’état homozygote pour voir si la perte des deux copies de Nipbl entraîne une SCP.
Que le gène NIPBL soit en cause dans le CdLS, maladie multisystémique, apparaît parfaitement logique. D’autres gènes impliqués dans la voie Notch [
5] sont responsables de maladies humaines, comme JAG1 dans le syndrome d’Alagille1 (→) ou DLL3 dans la dysostose spondylocostale1 (→). Cette découverte, bien que tardive, devrait permettre de comprendre le rôle de la delangine au cours du développement embryonnaire et d’enrichir les connaissances de la voie de signalisation Notch chez l’homme.
(→) m/s 1997, n° 2, p. 1481
(→) m/s 2000, n° 8-9, p. 1000