Le système rénine-angiotensine (SRA) est connu de longue date pour son rôle essentiel dans le contrôle du tonus vasculaire, de la pression artérielle et de la balance hydrosodée. Plus récemment, de nombreux travaux ont démontré l’implication du SRA dans d’autres processus physiologiques et pathologiques tels que le développement, le remodelage tissulaire, l’inflammation, l’hypertrophie cardiaque et vasculaire [1, 2]. Ces dernières années, un nouveau concept a émergé, indiquant que ces effets sont en relation avec un SRA spécifiquement tissulaire, indépendant du SRA circulant. En ce qui concerne le système cardiovasculaire, de nombreux arguments cliniques, pharmacologiques et expérimentaux ont montré un effet bénéfique des antagonistes du SRA sur la structure et la fonction cardiovasculaires, effet indépendant de l’action anti-hypertensive de ces molécules [3, 4].
Le rein est considéré comme l’unique organe de synthèse et de sécrétion de rénine active et la rénine trouvée dans d’autres organes proviendrait d’une capture plasmatique [5]. Des données récentes suggèrent non seulement que la rénine a des effets cellulaires indépendants de ceux de l’angiotensine II (Ang II) [6], mais également que la prorénine possède une activité catalytique avant tout clivage en rénine [7]. Ces observations expliquent que des équipes aient cherché un récepteur cellulaire de la rénine. Plusieurs sites de fixation de la rénine ont été décrits [8, 9]. Très récemment, un groupe hollandais a montré que la rénine et la pro-rénine se fixent au récepteur mannose-6-phosphate et que cette fixation est suivie d’une internalisation puis d’une activation de la pro-rénine [10, 11].
Notre groupe a cloné récemment un récepteur fonctionnel de la rénine [12]. En criblant une banque d’expression de rein humain avec de la rénine marquée, nous avons isolé un ADN complémentaire codant pour une protéine de 350 acides aminés n’ayant aucune homologie avec d’autres protéines connues. La transfection stable de cette séquence dans des cellules qui en sont dépourvues confère à celles-ci la capacité de fixer spécifiquement la rénine et la pro-rénine. La fixation de la rénine et de la pro-rénine à ce récepteur est associée à deux événements majeurs : d’une part, une augmentation de l’activité catalytique de la rénine pour son substrat, l’angiotensinogène, et l’apparition d’une activité catalytique de la prorénine fixée, identique à celle de la rénine ; d’autre part, une activation des MAP-kinases ERK1/2 (extracellular regulated kinases) dont on connaît le rôle dans les processus de différenciation, d’hypertrophie et de prolifération cellulaires.
L’ARN messager de ce récepteur est très abondamment exprimé dans le coeur, le cerveau et le placenta, et, à un moindre degré, dans le rein, le foie et le pancréas. L’analyse immuno-histochimique de coupes de cœur et de rein humains normaux montre que le récepteur de la rénine est présent dans les artères coronaires et rén ales, ainsi que dans les glomérules. Le récepteur est associé aux cellules musculaires lisses vasculaires et aux cellules mésangiales glomérulaires, mais pas aux cellules endothéliales.
L’augmentation de l’activité catalytique de la rénine et le démasquage d’une activité enzymatique de la pro-rénine, immobilisée à la surface cellulaire, pourraient avoir un retentissement fonctionnel maximal dans les cellules musculaires lisses : la conversion de l’angiotensine I en Ang II serait plus efficace du fait de la proximité de l’enzyme de conversion membranaire et les effets biologiques de l’Ang II, engendrée au voisinage des ses récepteurs, seraient optimisés.
Chez des souris dont les gènes du SRA ont été invalidés et chez des rats exprimant le transgène de la pro-rénine dans le foie, il existe des anomalies cardiovasculaires sévères associées à une fibrose tissulaire en l’absence même d’hypertension artérielle (pour revue, voir [12]). L’activation de ERK1/2, constatée in vitro après fixation de la rénine sur son récepteur, suggère un rôle des MAP-kinases dans ces modèles expérimentaux.
En conclusion, la découverte de ce récepteur élève la rénine au statut d’hormone. Il est responsable d’effets cellulaires directs de la rénine et potentialise la production d’Ang II à la surface cellulaire. Cette observation devrait permettre la mise au point de molécules capables de bloquer spécifiquement ce système au niveau cellulaire sans interferer avec le système rénine-angiotensine circulant.