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Med Sci (Paris). 2002 May; 18(5): 525–526.
Published online 2002 May 15. doi: 10.1051/medsci/2002185525.

Vecteurs lentiviraux et transgenèse

Louis Gazzolo and Alain Sergeant

Inserm U.412, Virologie humaine, École Normale Supérieure de Lyon, 46, allée d’Italie, 69364 Lyon Cedex 07, France
 

L’utilisation de vecteurs construits à partir des oncorétrovirus avec comme objectif l’expression permanente et/ou ciblée d’un gène d’intérêt dans un organisme a été le plus souvent décevante. En effet, les études réalisées avec ces vecteurs ont montré une inhibition (silencing) de la transcription du gène au cours du développement et/ou de la différenciation. L’espoir renaît grâce aux vecteurs lentiviraux. Ces derniers - capables de transduire des cellules ne se divisant pas [1] - viennent de faire une irruption remarquable dans le domaine de la transgenèse, comme le montrent les travaux récemment publiés [2, 3]. Les auteurs de ces travaux ont en effet obtenu des souris transgéniques pour le gène codant pour la GFP (green fluorescent protein) grâce à l’utilisation de particules lentivirales recombinantes. Ces dernières ont été obtenues après cotransfection dans les cellules 293 d’un vecteur lentiviral (Figure 1), d’un vecteur d’empaquetage et du vecteur VSV-G exprimant la glycoprotéine d’enveloppe du virus de la stomatite vésiculaire. Le premier de ces articles montre l’expression de la GFP au cours de la différenciation des cellules souches embryonnaires (ES) murines en corps embryoïdes [2]. De même, la GFP est exprimée dans les tissus des souris nées après transfert dans des blastocystes des cellules ES ainsi transduites. Le deuxième article rapporte que des souris transgéniques pour la GFP ont été obtenues, soit par micro-injection de la suspension virale, concentrée par ultracentrifugation, dans l’espace périvitellin des embryons unicellulaires, soit par incubation de tels embryons, d’abord débarrassés de la zone pellucide, dans cette suspension [3]. Les embryons sont ensuite cultivés pendant 3 jours, puis implantés au stade gastrula ou morula dans des mères porteuses. À la naissance des souriceaux, l’évaluation du nombre de copies du transgène intégré et de l’expression de la GFP indique que les animaux qui expriment la GFP contiennent au moins une copie dutransgène et que l’intensité de la fluorescence est positivement corrélée avec le nombre de copies. Si le pourcentage de succès dans l’implantation est significativement plus élevé, lorsque le virus est transféré par micro-injection que lorsqu’il l’est après incubation, cette dernière approche permet d’établir une corrélation positive entre le nombre d’intégrations provirales et celui des particules infectieuses. Bien entendu, les auteurs ont vérifié que la majorité des animaux (F1) nés du croisement de parents transgéniques expriment la GFP à un niveau égal à celui de ces derniers, ce qui valide l’hypothèse selon laquelle le provirus n’est pas inactivé au cours de la gamétogenèse. Si dans le vecteur lentiviral, le gène de la GFP est placé sous le contrôle d’un promoteur dont l’activité est spécifique d’un tissu, il est alors possible de cibler l’expression du transgène dans ce tissu. Ainsi, la GFP n’est exprimée que dans les cellules du muscle squelettique, quand le transgène est sous le contrôle du promoteur de la myogénine ou dans le thymus, quand son expression dépend du promoteur proximal du gène lck spécifique. La transgenèse par vecteur lentiviral, en évitant la micro-manipulation toujours délicate du pronucléus, devrait permettre l’introduction d’un transgène dans les embryons d’autres espèces animales (l’article présente les premiers résultats obtenus chez le rat). De plus, l’incubation des embryons dans la suspension virale propose une approche économique et fiable, facile à mettre en œuvre, et donc accessible à de nombreux laboratoires. Soulignons toutefois que la transgenèse lentivirale reste cependant restreinte à des transgènes de moins de 10 kb.

Comme nous l’avons souligné, ces travaux sont remarquables par le fait que l’expression du vecteur lentiviral ne s’éteint pas au cours des différentes étapes du développement, à l’inverse de celle des vecteurs oncorétroviraux. Comme les vecteurs lentiviraux utilisés dans ces travaux sont auto-inactivants, on ne peut exclure la possibilité que la délétion introduite dans la région U3, en entraînant l’inactivation transcriptionnelle des LTR du provirus, isole le transgène des effets négatifs dus au site d’intégration, et/ou empêche les inhibitions épigénétiques, comme la méthylation. Il resterait alors à vérifier que des vecteurs oncorétroviraux auto-inactivants ne seront pas soumis à une telle inhibition. Il se pourrait également que l’élimination de séquences dans les LTR empêche la fixation de facteurs transrépresseurs et explique les résultats obtenus. Les auteurs proposent aussi que les mécanismes celluaires spécifiques de l’inhibition de l’activité des oncorétrovirus endogène seraient inefficaces pour lutter contr es infections par les lentivirus. D’autan plus que des lentivirus endogènes n’on pas été identifiés. Si l’utilisation de vec teurs lentiviraux auto-inactivants représente une avancée majeure dans l domaine de la transgenèse chez la souris, la transduction réussie de gène d’intérêt dans des cellules ES humaine indique que ces vecteurs ont un potentie pour le développement des thérapie génique et cellulaire [2].

References
1.
Amado RG, Chen ISY. Lentiviral vectors : the promise of gene therapy within reach? Science 1999; 285 : 674–6.
2.
Pfeifer A, Ikawa M, Dayn Y, Verma IM. Transgenesis by lentiviral vectors : lack of gene silencing in mammalian embryonic stem cells and preimplantation embryos. Proc Nat Acad Sci USA 2002; 99 : 2140–5.
3.
Lois C, Hong EJ, Pease S, Brown EJ, Baltimore D. Germline transmission and tissue-specific expression of transgenes delivered by lentiviral vectors. Science 2002; 295 : 868–72.