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Med Sci (Paris). 2003 December; 19(12): 1251–1258.
Published online 2003 December 15. doi: 10.1051/medsci/200319121251.

Pin1 : une peptidyl-prolyl cis/trans isomérase aux rôles insoupçonnés

Sébastien B. Lavoie,* Alexandra L. Albert, and Michel Vincent

1Département de Médecine et CREFSIP, Pavillon C.E. Marchand, Université Laval, Québec, G1K 7P4, Canada
 

Au sein de la cellule, de multiples protéines sont impliquées dans le repliement correct de leurs congénères. Le rôle de ces chaperons moléculaires est nécessaire au bon fonctionnement de la cellule. Les protéines de choc thermique constituent sans aucun doute le groupe de protéines chaperons ayant fait l’objet du plus grand nombre d’études [ 1]. Moins connues, les enzymes de la famille des disulfure isomérases catalysent la formation et la rupture des ponts disulfures entre les résidus cystéines d’une chaîne polypeptidique, permettant aux protéines d’acquérir une structure tridimensionnelle précise dont dépendra leur activité [ 2].

Une autre famille de protéines chaperons regroupe les peptidyl-prolyl isomérases (PPIases), enzymes ubiquitaires impliquées dans le repliement et la translocation des protéines, ainsi que dans la transduction de signaux [ 3]. Ces enzymes catalysent la conversion, naturellement lente, du lien peptidique précédant une proline d’une conformation cis à une conformation trans ou inversement. En raison de l’encombrement stérique engendré par les chaînes latérales des acides aminés et du caractère partiel de liaison double existant entre le carbone et l’azote qui entrave leur rotation libre, les liens peptidiques adoptent naturellement une conformation trans, énergétiquement plus favorable (Figure 1A). Toutefois, la liaison peptidique impliquant une proline fait exception à cette règle, étant donné que le résidu prolyl forme un cycle pyrrolidine intégré à la chaîne peptidique. Ainsi, près de 7 % des liaisons impliquant une proline sont sous forme cis [3]. Comme le changement d’une conformation cis«trans s’accompagne d’une modification de l’angle de la chaîne peptidique dans l’espace (Figure 1B), l’isomérisation du lien peptidyl-prolyl entraîne des répercussions non négligeables sur la structure tridimensionnelle de la protéine, et peut ainsi modifier ses propriétés. Les rôles biologiques précis des peptidyl-prolyl isomérases restent toutefois mal compris, bien qu’on ne cesse de leur découvrir de nouveaux substrats, eux-mêmes impliqués dans une grande variété de processus cellulaires.

La première activité peptidyl-prolyl isomérase fut mise en évidence en 1984 par G. Fisher et al. [ 4]. À ce jour, trois familles de PPIases ont été découvertes, mais elles ne partagent aucune similitude, tant au niveau de leur séquence primaire que de leur structure tridimensionnelle [1]. Les cyclophilines, qui forment la première famille, tirent leur nom de l’affinité que possède la ciclophiline A (prototype de cette famille) pour la ciclosporine A, un polypeptide cyclique immunosuppresseur bien connu en thérapeutique. Les cyclophilines ont été conservées, au cours de l’évolution, de la bactérie à l’être humain. Les PPIases possédant une affinité pour le FK506, un autre immunosuppresseur, font partie de la deuxième famille, les FK506-binding proteins (FKBP).

À l’origine, on croyait que l’effet immunosuppresseur de la ciclosporine A et du FK506 était dû à leur inhibition de l’activité peptidyl-prolyl isomérase des cyclophilines et des FKBP. En réalité, c’est le complexe inhibiteur-PPIase qui possède un effet immunosuppresseur. Il inhibe la calcineurine, une phosphatase impliquée dans la transduction du signal qui mène à la production d’interleukine-2, stimulatrice de la prolifération des lymphocytes T.

Malgré leur grande conservation au cours de l’évolution, les cyclophilines et les FKBP ne sont pas essentielles à la vie cellulaire [ 5]. La seule PPIase essentielle à la survie de la levure Saccharomyces cerevisiae est la protéine Ess1 (Essential 1), qui fait partie de la famille des parvulines [ 6]. Le prototype de cette troisième famille de PPIases, la parvuline (du latin parvulus signifiant « tout petit »), a été isolé chez Escherichia coli [ 7]. Les parvulines ne sont ni sensibles à la ciclosporine A, ni au FK506, mais peuvent être inhibées de façon irréversible par la juglone, une naphthoquinone isolée des feuilles et de la coque des fruits du noyer [ 8]. À l’instar de Ess1, son homologue humain, baptisé Pin1, est essentiel à la progression du cycle cellulaire et interagit avec de nombreuses phosphoprotéines impliquées dans différents processus cellulaires.

Structure, régulation et expression de Pin1

Pin1 (peptidyl-prolyl cis/trans isomerase NIMA-interacting 1) a été isolée en 1996, lors d’un criblage en double hybride ayant pour objectif de découvrir les partenaires d’interaction de la protéine kinase NIMA (never in mitosis A) d’Aspergillus nidulans, impliquée dans la stimulation de l’entrée en mitose. Pin1 est une protéine nucléaire de 163 acides aminés (18 kDa) co-localisée en interphase avec les granulations nucléaires (speckles) riches en facteurs d’épissage [ 9]. L’implication de Pin1 dans le déroulement du cycle cellulaire a été mise en évidence par l’observation selon laquelle des cellules HeLa exprimant l’ARN antisens de Pin1 présentent des phénotypes mitotiques précoces (condensation des chromosomes, fragmentation de la membrane nucléaire, formation du fuseau mitotique), mais ne peuvent plus sortir de mitose et meurent inéluctablement par apoptose. À l’inverse, les cellules surexprimant Pin1 sont bloquées à la transition G2/M.

Pin1 possède deux domaines distincts reliés par une région charnière flexible : un domaine amino-terminal de type WW et un domaine carboxy-terminal porteur de l’activité peptidyl-prolyl isomérase (Figure 2). Les domaines WW sont des modules de reconnaissance et de liaison de motifs comprenant des résidus proline. Ils tirent leur nom de la présence dans leur séquence primaire de deux tryptophanes conservés, essentiels à leur activité de liaison. Les domaines WW du groupe IV, dont fait partie le domaine de Pin1, reconnaissent spécifiquement des motifs phosphoséryl-prolyl (pS-P) et phosphothréonyl-prolyl (pT-P) [ 10, 11]. La phosphorylation de la sérine et de la thréonine augmente d’environ 300 fois l’affinité de Pin1 pour ces motifs, comparativement aux mêmes motifs formés de résidus non phosphorylés [ 12]. In vitro, Pin1 catalyse la conversion cis/trans des liens pS-P et pT-P sans nécessiter d’apport d’énergie et se lierait préférentiellement à ces motifs lorsqu’ils sont encadrés par des résidus hydrophobes ou une arginine [12]. Pin1 ne reconnaît donc pas systématiquement tous les motifs pS/pT-P d’une séquence protéique mais plutôt ce motif au sein d’un environnement précis. Cette restriction pourrait aussi découler de l’accessibilité des motifs pS/pT-P qui est tributaire de la conformation tridimensionnelle de la protéine. Par exemple, bien que les protéines Cdc25C et tau soient phosphorylées sur plus d’une douzaine de motifs S/T-P en mitose, Pin1 n’en lie que deux sur Cdc25C et qu’un seul sur tau [11]. Ainsi, les prolyl isomérisations potentielles sur les protéines cibles visent donc des sites phosphorylés bien précis pour mener à un effet spécifique.

Plusieurs protéines aux rôles variés ont été identifiées comme cibles de Pin1 (Tableau I) [9, 1224]. Toutefois, un changement structural étant difficile à mettre en évidence, il n’est pas encore certain que Pin1 exerce une activité PPIase sur chacune d’elles. Une des premières méthodes utilisées pour mettre en évidence une activité d’isomérisation cis/trans de Pin1 sur une de ses cibles a consisté à digérer Cdc25C avec des protéases sensibles aux changements de conformation causés par l’isomérisation cis/trans de liens peptidyl-proline (par exemple, chymotrypsine A, subtilisine) et à comparer les profils de digestion obtenus avant et après incubation avec Pin1 [ 25]. Cependant, ces observations découlent d’une technique indirecte. La preuve irréfutable d’une activité de prolyl isomérisation de Pin1 sur une protéine cible ne pourrait être obtenue que par résolution de la structure tridimensionnelle de cette protéine, approche pouvant s’avérer laborieuse.

Outre son activité prolyl isomérase, le rôle de Pin1 pourrait se limiter simplement à la liaison de son domaine WW sur ses cibles, sans catalyser une isomérisation. Cette association simple contribuerait à masquer certains sites sur des protéines et ainsi à moduler leur activité ou leur liaison à d’autres partenaires (Figure 3). Une observation faite par l’équipe de W.G. Dunphy vient appuyer cette hypothèse [ 26]. En effet, la phosphorylation de la phosphatase Cdc25C par des CDK (cyclin-dependant kinases) est stimulée par une petite sous-unité, appelée CKS (cyclin-dependent kinase subunit), qui donne une spécificité de reconnaissance à la kinase en se liant à Cdc25C. Pin1 abolirait complètement cette stimulation en entrant en compétition avec CKS sur un même site de Cdc25C. L’effet antagoniste de Pin1 est, dans ce cas précis, attribuable à son domaine WW et non pas à son activité PPIase. Ainsi, Pin1 serait capable de régler la liaison de CKS et, par là même, la phosphorylation de Cdc25C. De façon similaire, la simple liaison de Pin1 à NFAT, un facteur de transcription, inhibe sa déphosphorylation par la calcineurine en bloquant son accès à NFAT [ 17].

Par ailleurs, Pin1 semble elle-même être réglée par la phosphorylation au cours du cycle cellulaire. La phosphorylation de la sérine 16 de Pin1 inhiberait sa liaison à ses différents substrats [ 27]. Pin1 non phosphorylée sur la sérine 16 serait donc la forme catalytiquement active de l’enzyme, capable de se lier à ses cibles. Étant donné le rôle de Pin1 au cours de la mitose, ceci rendrait compte de l’augmentation observée de la forme non phosphorylée active de Pin1 à cet instant, bien que la quantité totale de Pin1 demeure stable tout au cours du cycle cellulaire [ 13].

Du cycle cellulaire à la maladie d’Alzheimer

Le premier rôle attribué à Pin1 a concerné son implication dans la progression du cycle cellulaire. La déplétion de Pin1 induit un arrêt de la mitose ainsi que l’apoptose, tandis que les cellules surexprimant Pin1 sont bloquées à la transition G2/M [9]. Pin1 semble aussi être requise pour le bon fonctionnement du point de contrôle de la réplication de l’ADN chez Xenopus laevis [13]. De plus, la liaison de Pin1 à plusieurs protéines mitotiques phosphorylées a été démontrée, mais la fonction de ces liaisons reste incertaine [13] : masquage de sites de reconnaissance ? Inhibition de fonction ? Changements structuraux par isomérisation ? Malgré ces incertitudes, l’expression de Pin1 est d’une façon certaine étroitement liée à la division cellulaire, puisqu’on la retrouve dans les tissus normaux en division cellulaire active et très peu dans les tissus différenciés [ 18].

L’activité PPIase de Pin1 a déjà été vérifiée sur deux de ses cibles : la phosphatase Cdc25C et tau, une protéine associée aux microtubules [25, 28]. Cette découverte a permis de mettre en évidence un nouveau type de régulation de la déphosphorylation. En effet, la prolyl isomérisation de certaines liaisons pS/pT-P sur Cdc25C et sur tau par Pin1 rendent celles-ci plus sensibles à la déphosphorylation par une autre phosphatase, la PP2A, qui déphosphoryle les résidus du motif en conformation trans. PP2A est donc la première phosphatase pour laquelle une préférence pour un isomère d’une liaison peptidyl-prolyl est démontrée. L’activité prolyl isomérase de Pin1 réglerait ainsi négativement Cdc25C en stimulant sa déphosphorylation. La forme non phosphorylée et inactive de Cdc25C ne pourrait donc plus activer Cdk1 (Cdc2), qui est la kinase majeure responsable de la cascade de phosphorylation menant à la mitose, ce qui expliquerait pourquoi la surexpression de Pin1 mène à l’arrêt du cycle cellulaire lors de la transition G2/M.

Afin de déterminer l’importance physiologique de Pin1, des souris transgéniques Pin1−/− ont été produites. Compte tenu des effets délétères de la déplétion de Pin1 dans les cellules en culture, on s’attendrait à ce que les souris Pin1−/−soient fortement affectées. De façon surprenante, la délétion de Pin1 n’est pas létale [ 29], ce qui pourrait être expliqué par la présence d’autres PPIases pouvant pallier son absence [ 30]. Les souris transgéniques Pin1−/− sont toutefois atteintes d’anomalies diverses liées à des problèmes de prolifération cellulaire, dont une diminution du poids corporel et des atrophies testiculaires et rétiniennes [ 20]. Ces anomalies étant également caractéristiques des souris déficientes en cycline D1, il a été suggéré que Pin1 interviendrait aussi dans la régulation positive de cette cycline, cruciale dans la transition G1/S du cycle cellulaire. De fait, il a récemment été démontré que Pin1 joue un rôle critique dans la régulation de la cycline D1 [18, 20] : par sa liaison à deux facteurs de transcription, c-Jun et la b-caténine, Pin1 stimule l’expression du gène de la cycline D1. De plus, en se liant directement à la cycline D1, Pin1 permet sa stabilisation post-traductionnelle et son accumulation dans le noyau.

Puisque la surexpression de la cycline D1 joue un rôle clé dans l’oncogenèse en contribuant à la transformation cellulaire [18], ces observations apportent un éclairage nouveau sur les conséquences de la surexpression de Pin1 observée dans plusieurs cancers, dont celui du sein. Pin1 est majoritairement phosphorylée (forme inactive) dans les tissus mammaires sains, contrairement aux tissus mammaires cancéreux où la forme surexprimée de Pin1 est principalement non phosphorylée (forme catalytiquement active) [18]. Le niveau élevé d’expression de la forme active de Pin1 serait donc associé à une expression élevée de cycline D1 dans les cancers du sein et, par conséquent, à une transformation cellulaire.

Une contradiction existe cependant entre les résultats des expérimentations de surexpression in vivo de Pin1 et les modèles de cellules cancéreuses surexprimant naturellement la protéine. Alors que Pin1 empêche l’entrée en mitose des cellules transfectées, la même protéine surexprimée naturellement dans les cellules cancéreuses semble promouvoir leur réplication. Ce paradoxe apparent pourrait s’expliquer si la surexpression dans les cellules transfectées est supérieure à celle d’une cellule cancéreuse. Pin1 pourrait alors avoir un effet pro-mitotique lorsqu’elle est modérément surexprimée, et un effet anti-mitotique toxique lorsqu’elle est exprimée en trop grande quantité.

Récemment, deux groupes de chercheurs ont démontré l’importance de Pin1 dans la régulation du cycle cellulaire. L’activité prolyl isomérase de Pin1 serait en effet cruciale à l’activation de p53 [ 38, 39]. Cette protéine joue le rôle de « chien de garde » veillant à la non-prolifération de cellules affectées par une cassure d’ADN et pouvant potentiellement s’avérer cancéreuses. Trois acides aminés phospho-accepteurs (Ser 33, Thr 81 et Ser 315) de p53 sont requis pour l’interaction avec Pin1. Par ailleurs, les domaines WW et PPIase de Pin1 sont tous deux nécessaires à l’activation de p53. La prolyl isomérisation de p53 pourrait induire une modification structurale qui activerait sa fonction de facteur de transcription. Le rôle protecteur de p53 serait ainsi tributaire de l’activité de Pin1.

Tau, une autre protéine reconnue par Pin1, semble être impliquée dans la pathogénie de la maladie d’Alzheimer (‹).

(‹) m/s 2002, n° 6–7, p. 727

Dans les neurones de personnes atteintes, on observe la formation d’enchevêtrements de neurofibrilles constitués d’une forme hyperphosphorylée de la protéine tau [ 31]. Ces enchevêtrements sont corrélés aux pertes cognitives et mnésiques des patients atteints de la maladie d’Alzheimer [ 32]. En effet, la protéine tau sous forme hyperphosphorylée est incapable d’accomplir sa fonction essentielle qui est de stabiliser les microtubules servant au transport des molécules dans le neurone [ 33, 34]. Or, un groupe de chercheurs a récemment démontré que Pin1 pouvait isomériser la protéine tau phosphorylée et la rendre susceptible à la déphosphorylation par la PP2A, rétablissant ainsi sa fonctionnalité [28]. Dans la maladie d’Alzheimer, l’hyperphosphorylation de tau (et de nombreuses autres protéines normalement phosphorylées durant la mitose) provoquerait une déplétion intracellulaire de Pin1 soluble, ce qui induirait la mort neuronale [ 15]. Ainsi, Pin1 régulariserait la fonction de phosphoprotéines comme tau dans un neurone normal, mais l’équilibre entre Pin1 et ces phosphoprotéines serait rompu dans le développement de la maladie d’Alzheimer, ce qui mènerait à la séquestration de Pin1 dans une fraction insoluble non fonctionnelle [ 40]. L’implication de Pin1 dans l’étiologie de la maladie d’Alzheimer fait aujourd’hui l’objet de recherches et pourrait constituer une voie intéressante dans le développement éventuel d’un traitement.

Pin1 comme régulateur transcriptionnel

La majorité des protéines reconnues par Pin1 sont des phosphoprotéines impliquées dans la mitose. Toutefois, quelques protéines phosphorylées en interphase se sont avérées être des cibles de Pin1. Outre la kinase Wee1, nous avons démontré que Rpb1, la plus grande sous-unité de l’ARN polymérase II, ainsi que Spt5, la plus grande sous-unité du facteur DSIF (DRB-sensitivity inducing factor) se lient à Pin1 en interphase [ 23, 24]. Rpb1 et Spt5 sont deux protéines impliquées dans la machinerie de transcription. Elles possèdent toutes deux des domaines composés d’un très grand nombre de motifs S-P et T-P.

Le domaine carboxy-terminal (CTD) de Rpb1 est formé de 52 répétitions de l’heptapeptide YSPTSPS chez les mammifères [ 35] (Figure 4).

Celui-ci est hyperphosphorylé lors de l’élongation de la transcription et joue un rôle capital dans l’expression des gènes en servant de plate-forme d’assemblage pour différents facteurs intervenant au cours de la transcription. La liaison de Ess1 au CTD phosphorylé a également été démontrée dans la levure [ 36]. Pin1 pourrait ainsi jouer un rôle important dans la régulation de la transcription. On peut spéculer sur l’impact d’un changement structural du CTD phosphorylé provoqué par Pin1 sur le recrutement d’autres facteurs (d’épissage, de clivage, de polyadénylation) ou encore sur la susceptibilité du CTD vis-à-vis d’autres enzymes de modification (kinases, phosphatases, ubiquitine ligases) (Figure 5).

La protéine Spt5 interagit elle aussi avec Pin1 [24]. Spt5 est un régulateur de l’élongation de la transcription et possède deux domaines, CTR1 (C-terminal repeat 1) et CTR2, riches en motifs S-P et T-P pouvant être phosphorylés par la kinase Cdk9 [24] (Figure 4). L’interaction de Pin1 avec le CTR1 et le CTR2 phosphorylés pourrait jouer un rôle dans la déphosphorylation subséquente de Spt5 par une phosphatase trans spécifique. Pin1 pourrait ainsi participer au recyclage de Spt5 sous forme non phosphorylée, ou bien encore moduler l’activité de Spt5 lors du processus transcriptionnel, en contrôlant ses propriétés de liaison.  

Conclusions

Bien que la phosphorylation des protéines soit considérée comme un élément majeur de la modulation de leurs fonctions, il semble maintenant que cette phosphorylation ne soit parfois qu’une étape menant à l’action d’autres enzymes de modification possédant des domaines de reconnaissance de motifs phosphorylés. Pin1 possède à la fois une activité prolyl isomérase et un domaine WW reconnaissant des sites phosphorylés précis. La prolyl isomérisation de phosphoprotéines par Pin1 pourrait donc représenter un mode de régulation précis et efficace. L’étude de l’implication de Pin1 dans différents processus cellulaires ne fait que commencer, mais elle nous a déjà surpris à bien des égards en révélant l’existence de nouveaux mécanismes de régulation de l’activité cellulaire jusqu’ici insoupçonnés.

La modulation de la susceptibilité à la déphosphorylation des protéines par des phosphatases trans spécifiques semble constituer une piste fort intéressante. L’effet antagoniste de Pin1 sur la phosphorylation des régulateurs mitotiques Cdc25C, Myt1 et Wee1 par la Cdk1/cycline B [26], ainsi que l’effet pro-mitotique de la déplétion intracellulaire de Pin1 suggèrent que Pin1 stimulerait la déphosphorylation de protéines ayant un rôle clé dans la régulation du cycle cellulaire, tant au niveau du contrôle de la réplication que du contrôle de la transition G2/M et de la sortie de la mitose [ 37]. La progression du cycle cellulaire, qui implique la régulation étroite de la cycline D1 par Pin1, constitue également une voie de recherche prometteuse pouvant mener à une meilleure compréhension du processus d’oncogenèse et à la découverte de nouvelles thérapies contre le cancer. Malgré les nombreuses avancées sur la compréhension du rôle de Pin1, de nombreuses questions demeurent en suspens. Récemment, la découverte de l’implication de Pin1 dans la régulation de l’activité de p53 a démontré l’importance de la prolyl isomérisation de phosphoprotéines dans la modulation de leur activité et l’impact considérable et probablement sous-estimé de celle-ci sur la physiologie cellulaire.

 
Acknowledgments

Les auteurs tiennent à remercier Olivier Bensaude, Andrew Coughlan, Marie-Françoise Dubois et Benoît Palancade pour la lecture critique du manuscrit.

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