2013


ANALYSE

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Polyhandicaps sévères

L’ensemble des discussions dans le groupe d’experts tend à montrer que les notions de « handicap rare » et de « polyhandicap » entretiennent des liens étroits. Dans certains cas, nous associerons les deux concepts en un seul (par exemple, situation complexe de handicap) et dans d’autres cas, ces concepts apparaîtront comme distincts car renvoyant à des tableaux cliniques dont le devenir est présumé très différent. Ces positionnements ont bien évidemment des répercussions importantes au niveau des politiques de planification des services et de prises en charge. Les situations de polyhandicap sembleraient constituer des états non évolutifs, voire régressifs et pour lesquels peu ou aucune démarche évaluative et éducative ne semble nécessaire. Une activité de nursing bien pensée et visant au confort de ces personnes semblerait donc suffisante. À l’inverse, des situations certes complexes mais dans lesquelles la capacité intellectuelle serait, en partie au moins, préservée, devraient requérir des prises en charge particulières menées dans le cadre de politiques très spécifiques. Il s’agit d’une position difficile à soutenir au moins pour deux raisons :
• tout être humain, quelles que soient ses caractéristiques, a des droits fondamentaux liés à sa santé, son éducation, sa participation à la vie sociale ;
• depuis les années 1975, parents et professionnels ont conjugué leurs efforts pour faire reconnaître l’existence et la place de ces personnes sévèrement déficientes dans nos structures de soins et d’éducation. Le concept de polyhandicap a bénéficié de nombreux travaux dans divers pays puis au niveau européen. Une fois balisé, ce champ a occupé des chercheurs qui ont peu à peu démontré les capacités de ces personnes polyhandicapées.
Après avoir rappelé brièvement ce que recouvre aujourd’hui le concept de polyhandicap, puis montré les préoccupations de chercheurs en matière d’évaluation et d’intervention, nous nous proposons de réfléchir à l’apport de cette notion pour la problématique du handicap rare.

Le concept de polyhandicap

Handicaps associés, déficiences multiples, multihandicapés, polyhandicapés… sont les principaux termes en langue française pour désigner des personnes dont le tableau clinique apparaît comme très sévère et surtout très complexe. Première conséquence : la prise en charge de ces personnes a été et reste toujours problématique au point que ces personnes semblent n’avoir leur place nulle part. Formeraient-elles un groupe invisible comme le suggèrent Goddard et coll. (2008renvoi vers) ?
Le terme « polyhandicap » apparaît dans la littérature grise dans les années 1960. Sa naissance plus officielle est à situer en 1969 lorsque Zucman l’utilise dans un article sur la guidance parentale paru dans la revue « Réadaptation ».
En 1977, Dague distingue déficience surajoutée, déficience secondaire et déficiences associées ou conjointes. Ces termes seront précisés par Salbreux et coll. (1979renvoi vers) comme suit :
• le plurihandicap est une association circonstancielle de deux déficiences n’entretenant pas de lien de cause à effet entre elles (par exemple une personne avec une infirmité motrice cérébrale et une cécité). Pour ces personnes, le déficience intellectuelle n’est jamais profonde ;
• le polyhandicap ou situation sévère de handicap à expressions multiples avec restriction extrême de l’autonomie ;
• le surhandicap ou surcharge progressive d’une déficience par une autre.
Le rapport du groupe travail coordonné en 1985 par Zucman et Spingarenvoi vers au CTNERHI1 définit le polyhandicap en insistant sur la présence :
• de lésions cérébrales majeures et diffuses ;
• d’arriération mentale sévère ou profonde avec infirmité motrice cérébrale ;
• d’autres déficiences associées : comitialité, déficiences sensorielles, troubles respiratoires, troubles du comportement…
En 1993, le CTNERHI définit le polyhandicap comme étant une « association de déficiences graves avec retard mental moyen, sévère ou profond (QI<50) entraînant une dépendance importante à l’égard d’une aide humaine et technique permanente, proche et individualisée ».
En 2002, le Groupe Polyhandicap France propose une définition qui se veut assez complète : il s’agit d’« une situation de vie spécifique d’une personne présentant un dysfonctionnement cérébral précoce, ou survenu en cours de développement, ayant pour conséquence de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain. Il s’agit d’une situation évolutive d’extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale au cours de laquelle certaines de ces personnes peuvent présenter de manière transitoire ou durable des signes de la série autistique ».
Cette définition met en exergue, comme le souligne le travail de Barreyre et coll. (2011renvoi vers), « la plupart des facteurs de complexité identifiés dans la littérature sur les personnes présentant des limitations extrêmes dans l’autonomie des actes essentiels et fortement limitées dans l’expression de leur choix » (p. 113).
Dans la littérature anglo-saxonne, on a parlé d’abord de « profound retardation and multiple impairments » (Hogg et Sebba, 1986renvoi vers) et depuis une dizaine d’années de « profound intellectual and multiple disabilities » (PIMD) (Vlaskamp et Cuppen-Fonteine, 2007renvoi vers). Ces derniers auteurs proposent une taxonomie basée sur un modèle multi-dimensionnel qui distingue les déficits sensoriels (ouïe, vue), les autres problèmes physiques, les problèmes de santé mentale, à côté de caractéristiques de base (déficience intellectuelle sévère et déficience neuro-motrice).
Dans leurs publications entre 1999 et 2007, Nakken et coll. ainsi que Hogg et Sebba définissent le groupe cible de personnes avec PIMD comme des personnes :
• pour lesquelles il est impossible de définir un niveau intellectuel par des tests standardisés ;
• qui ont peu ou pas de compréhension (apparente) du langage verbal, pas d’accès aux interactions d’ordre symbolique, aucune capacité à se gérer par elles-mêmes ;
• qui, en plus de déficits sensoriels, présentent un risque élevé de complications sur le plan de leur santé (dont l’épilepsie dans plus des deux tiers des cas, divers problèmes de la sphère gastro-œsophagienne dans plus de 80 % des cas), ce qui en fait des personnes très vulnérables ;
• qui présentent des comportements excessifs comme les stéréotypies (82 % des cas), agressifs et destructeurs (dans 45 % des cas) ;
• qui nécessitent une médication importante ;
• qui ont un risque de mortalité précoce important (21 % des cas selon Hogg et coll., 2007renvoi vers).
Les auteurs proposent le terme de « PIMD Spectrum » pour évoquer, comme dans l’autisme avec la notion de spectre autistique, la large gamme de troubles et surtout la très grande variabilité des tableaux cliniques. Ainsi, Nakken et Vlaskamp (2007renvoi vers) montrent qu’il peut s’agir tantôt d’une personne présentant une déficience intellectuelle modérée associée à des troubles psychiatriques sévères ou de multiples problèmes comportementaux (souvent décrits dans la littérature comme ayant un « double diagnostic ») tantôt d’une personne présentant une déficience intellectuelle sévère associée à une épilepsie. Poppes et coll. (2010renvoi vers) montrent aussi que ces sujets présentent dans plus de 80 % des cas, un ou plusieurs comportements-défis (stéréotypies, comportement agressif/destructeur, automutilation). Ce taux de présence de comportements-défis ne varie pas en fonction de la présence ou non de problèmes auditifs, gastriques, respiratoires, dentaires, épileptiques…
Ainsi, de toutes ces approches, nous pouvons retenir :
• l’aspect précoce et massif du tableau clinique de déficiences ;
• une association, dans tous les cas, d’une déficience intellectuelle sévère à profonde avec une déficience neuro-motrice ;
• un tableau variable de déficiences associées ;
• un tableau variable de troubles du comportement ;
• un risque d’évolution vers davantage de sévérité en l’absence de soins adéquats ;
• une vulnérabilité physique et psychologique, se présentant différemment durant l’enfance et à l’âge adulte ;
• une difficulté particulière et singulière de la communication avec l’entourage.
Ces personnes se distingueraient donc d’autres situations complexes de handicap d’origine psychique, ou faisant partie du spectre autistique avec déficience intellectuelle, ou de situations complexes de handicap rare, ou encore de situations complexes de handicap dans la maladie d’Alzheimer (Barreyre et coll., 2011renvoi vers).
Par ailleurs, comme l’a souligné Carole Peintre (Creahi Île-de-France) dans son exposé au groupe d’experts, la complexité peut être présente seulement à certains moments du parcours de la vie par exemple lors de phases de transition ou en raison de modalités d’accompagnement particulièrement inadéquates.
L’impact de l’environnement n’est plus à démontrer : l’expérience clinique de plusieurs professionnels montre par exemple combien un même enfant peut se révéler en situation très sévère de handicap dans tel environnement et se révéler avec des compétences évidentes dans tel autre milieu. Par ailleurs, comme nous l’avons montré dans une étude récente en Région Bruxelles-Capitale (Detraux et Van Werveke, 2012renvoi vers), les conditions de vie dans lesquelles les familles se trouvent (logement, matériel adapté, conditions de transport mais aussi la monoparentalité de plus de 50 % des familles) ont un impact évident sur la qualité de vie et les possibilités d’expériences positives pour le développement des enfants polyhandicapés. Confinées de manière quasi permanente dans les mêmes lieux et soumises à des routines de soins, ces personnes ne bénéficient pas de stimulations susceptibles de favoriser le développement sensori-moteur (qui demande que la personne puisse être active dans ses interactions, qu’elle puisse prendre des initiatives et « tester » des situations, du matériel, des modes de relations avec son entourage). De même, les compétences nouvelles en communication ne sont guère sollicitées.

Épidémiologie

Comme le soulignait le rapport Inserm sur les déficiences et handicaps d’origine périnatale (Inserm, 2004renvoi vers), l’obtention de données sur la prévalence est une démarche difficile : les enquêtes sont rares et le recueil des données pose de nombreux problèmes. Ce rapport ne présente pas de données sur la prévalence des enfants diagnostiqués comme polyhandicapés mais fournit des données sur les paralysies cérébrales, incluant donc des enfants avec déficience intellectuelle. Le rapport relève un taux de prévalence de 2,1/1 000 en moyenne dans diverses études internationales.
Salbreux (1996renvoi vers) en étudiant les associations de 9 types de déficiences, montre qu’il est possible d’isoler un groupe de personnes présentant une déficience intellectuelle profonde, une déficience neuro-motrice, une comitialité et diverses atteintes somatiques. Plus on descend dans l’échelle des niveaux intellectuels, plus la probabilité de voir le nombre de déficiences associées augmente. L’auteur distingue trois catégories de multihandicaps : les plurihandicaps, les polyhandicaps et les surhandicaps. Dans une étude antérieure menée en Île-de-France, Salbreux et coll. (1979renvoi vers) avaient relevé les taux de prévalences de 0,5 à 1,5/1 000 pour le plurihandicap, 2 à 2,5/1 000 pour le polyhandicap, 3 à 5/1 000 pour le surhandicap.
Rumeau-Rouquette et coll. (1998renvoi vers) ont mené une enquête portant sur des enfants pris en charge par les commissions départementales de l’éducation spécialisée et les hôpitaux de jour dans trois départements français. En prenant une définition très restrictive du polyhandicap (à savoir déficience neuro-motrice avec déficience intellectuelle profonde, état grabataire ou passif dans un fauteuil), les auteurs constatent une prévalence de 0,73/1 000. Une définition plus large, reposant sur la notion d’autonomie mais excluant les retards mentaux légers ou modérés, conduit à un taux de prévalence de 1,28/1 000.
Juzeau et coll. (1999renvoi vers) citent, à l’occasion d’une enquête recensant tous les enfants polyhandicapés dans le département du Nord de la France, une prévalence de 0,7/1 000 chez les enfants âgés entre 5 et 19 ans, résultats comparables selon les auteurs aux taux relevés par l’Inserm dans 14 départements.
Arvio et Sillanpää (2003renvoi vers) ont calculé, à partir d’un centre pour personnes avec déficience intellectuelle d’une région de Finlande (région dont la population comprend 341 000 habitants) un taux de prévalence de 0,43 % de personnes, âgées entre 1 et 72 ans (dont 61 % entre 16 et 45 ans) avec un QI<70. Parmi cette partie de la population avec déficience intellectuelle (DI), les sujets avec un QI<35 représentent 0,13 % (dont DI sévère=0,07 % et DI profonde=0,06 %). La prévalence des sujets avec déficience sévère ou profonde est de 0,09 % pour la Finlande entière. À noter que dans cette population, on retrouve des personnes avec un syndrome génétique comme le syndrome de Down ou le syndrome X-Fragile ainsi que des sujets avec autisme ou schizophrénie.
Bourg (2007renvoi vers) évoque une prévalence comprise entre 0,7 et 1/1 000. Ce taux est également repris dans le rapport du Congrès Polyhandicap organisé sous l’égide du CTNERHI en 2005 pour les polyhandicaps d’origine pré- et périnatale. Ce même rapport mentionne que la prévalence des polyhandicaps postnatals avoisine probablement les 0,1/1 000 et que le taux de prévalence des polyhandicaps dus à des maladies évolutives n’est pas connu.

Étiologie

À ce jour, la littérature évoque entre 30 et 40 % de cas pour lesquels l’étiologie est inconnue. Pour les autres cas :
• 50 % des cas auraient une cause d’origine prénatale : affection chromosomique ; maladie métabolique (mucopolysaccharidose, lipidose) ; malformation cérébrale, vasculaire ; infection par rubéole, CMV, VIH, toxoplasmose ; intoxication par médicaments, drogue, alcool ;
• 15 % des situations auraient une cause périnatale, surtout des séquelles de grande prématurité ou de dysmaturités et aussi encéphalite, méningite, ictère nucléaire ; les souffrances obstétricales seraient impliquées dans peu de cas ;
• 5 % seraient d’origine postnatale : traumatisme, arrêt cardiaque, noyade, méningite, intoxication au CO, hémorragie, œdème…

Description clinique et évaluation

Santé physique

Avant toute mobilisation, toute stimulation, il convient de se préoccuper de la santé physique de la personne polyhandicapée. À cet égard, il s’agira de distinguer les déficiences primaires, directement liées à la lésion cérébrale, avec atteinte des récepteurs sensoriels, des difficultés au niveau de la transmission, de l’intégration et du traitement de l’information ainsi que d’importantes limites au niveau de la motricité. La lésion cérébrale est aussi dans de très nombreux cas (2 cas sur 3 comme dit plus haut) à l’origine d’une épilepsie. Comme le souligne Boutin (2001renvoi vers, p. 11) « Ces déficiences et incapacités directement liées à la lésion cérébrale dérivent l’une de l’autre, retentissent l’une sur l’autre et entraînent des perturbations majeures dans l’établissement des interactions de la personne polyhandicapée avec son environnement et dans son développement physique et psychique ».
Cependant, malgré un tableau clinique souvent très spectaculaire, il convient de souligner que les capacités émotionnelles de la personne sont, dans la majorité des cas, préservées.
Les déficiences secondaires viennent « surhandicaper » la personne, aggravant ses difficultés de développement et occasionnant maintes souffrances. Elles sont essentiellement de trois ordres : viscéral, orthopédique et psychique.
Au niveau des surcharges viscérales, on notera les troubles de la déglutition et leurs conséquences sur les plans respiratoire et digestif : désordres nutritionnels, dysfonctionnements digestifs, reflux gastro-œsophagien, retard d’évacuation du contenu gastrique, divers problèmes intestinaux, constipation, ulcères mais aussi complications respiratoires dues à des encombrements broncho-pulmonaires et des lésions des voies respiratoires.
Au niveau des surcharges orthopédiques, les troubles moteurs ont des répercussions sur les os, les articulations, les muscles, entraînant des déformations (luxation des hanches) et une gêne fonctionnelle dans la posture (déviation grave de la colonne vertébrale) et le mouvement ainsi qu’un inconfort et surtout des douleurs importantes. Ces surcharges viennent aggraver encore les difficultés respiratoires et digestives.
Au niveau des troubles psychiques, divers comportements stéréotypés, hyperactifs, automutilatoires ou agressifs se présentent et sont souvent difficiles à décoder quant à leur sens. Comme le souligne Boutin (2001renvoi vers), les relations entre polyhandicap et autisme se pose. Il ne s’agit en tous cas pas d’autisme typique mais plutôt, selon l’auteur, d’ « une difficulté de développement du sujet souffrant de polyhandicap, avec les rapports très complexes à démêler de la psychopathologie liée au déficit lui-même, aggravé par cette psychopathologie » (p. 19).
Les douleurs, de nature et d’intensité très variables, font l’objet d’une préoccupation grandissante au sein des équipes et dans les familles. Il s’agit de les repérer, de les soulager et de les prévenir. Elles peuvent être d’origine nociceptive, neuropathique ou sympathique. Leur expression se fait au travers de pleurs incessants, de problèmes liés à la prise d’aliments (refus de s’alimenter en l’absence de problème digestif repéré), modifications soudaines du comportement (apathie, nervosité inhabituelle, troubles du sommeil répétés) ainsi que par des peurs inexpliquées, un repli sur soi, une recherche d’attention permanente. Des signes doivent alarmer et faire penser à des problèmes digestifs comme une toux pendant les repas et pendant la nuit, des pleurs brusques et inexpliqués, un refus de manger, un amaigrissement, une déshydratation, des infections pulmonaires à répétition et bien entendu des régurgitations et vomissements.
La personne polyhandicapée est donc très fragile au niveau de sa santé et cette vulnérabilité évolue dans le temps. Il y a en général une aggravation et des études comme celle de Lavin et coll. en Irlande (2006renvoi vers) ou l’étude longitudinale sur 10 ans de Hogg et coll. (2007renvoi vers) en Écosse, montrent que l’espérance de vie est réduite de manière très significative en fonction de la sévérité des déficiences. Comme le soulignent Billette de Vilmeur et coll. (2012renvoi vers) l’analyse du parcours de soins de ces personnes reste très partielle. Dans la mesure où le polyhandicap n’est pas identifié ni dans la dernière version de la CIM ni dans la CIF, il est impossible selon ces auteurs, de pouvoir les comptabiliser correctement pour des prises en charge adéquates dans le système de santé. Ceci étant, les progrès médicaux font augmenter le nombre de jeunes polyhandicapés arrivant à l’âge adulte de 1,8 % par an selon le rapport de Mansell (2010renvoi vers) en Angleterre.

Évaluation

Au-delà des aspects médicaux, l’évaluation conduit à identifier diverses compétences :
• la motricité globale et la qualité des mouvements en termes de souplesse/rigidité ;
• la perception sensorielle ;
• les capacités développementales aux niveaux cognitif, socio-communicatif et socio-émotionnel : niveau d’alerte et de capacité attentionnelle, réactions d’orientation, canal de communication privilégié, inhibition, mémoire, interactions sociales et communication.

Outils d’évaluation

Dans la littérature récente, les préoccupations se portent essentiellement sur la validation et la fiabilité d’outils d’évaluation adaptés, basés sur l’évaluation des comportements observables en situation. Citons par exemple l’Alertness Observation List (AOL) de Munde et coll. (2011renvoi vers) ; la Visual Analogue Scale (VAS) de Van der Putten et Vlaskamp (2011renvoi vers) ; le Six Minute Walking Distance Test (6MWD) et l’Adapted Shuttle Run Test (aSRT) de Waninge et coll. (2011arenvoi vers ; la Checklist to determine the behavioural responses to sensory stimuli de Vlaskamp et coll. (2007renvoi vers) ; la ModifiedBerg Balance Scale (mBBS) de Waninge et coll. (2011brenvoi vers) et la Modified Ashworth Scale and Modified Tardieu Scale de Waninge et coll. (2011crenvoi vers). En langue française, le Profil sensoriel créé par Dunn en 1999 a fait l’objet d’une adaptation en 2006. Les Early Social Communication Scales, créées en 1982 par Seibert et Hogan (Seibert et coll., 1982renvoi vers), ont été adaptées par Guidetti et Tourrette en 1993renvoi vers. Nader-Grosbois a développé des grilles d’indicateurs psychomoteurs inspirées du Transdisciplinary Play Based Assessment de Linder en 1990 (renvoi vers) ainsi que des échelles d’évaluation du développement cognitif précoce (Nader-Grosbois, 2000renvoi vers et 2008renvoi vers) sur la base de travaux réalisés par Uzgiris et Hunt en 1975 et Dunst en 1980. Ces épreuves sont décrites dans un ouvrage paru en 2006 (Nader-Grosbois, 2006renvoi vers).
Dans un souci de mettre en évidence les forces et faiblesses de l’enfant polyhandicapé, Nelson et coll. (2002renvoi vers) utilisent une grille d’observation mise au point par Van Dijk reprenant l’état général de l’enfant : éveil, agitation, comportements d’orientation, comportements d’approche et de retrait, mémoire, interactions sociales, communication, capacité à résoudre de petits problèmes.
La Batterie d’évaluation cognitive et socio-émotionnelle (BECS) (Adrien, 2007renvoi vers et 2008renvoi vers) est également un outil utilisé dans le cadre de l’évaluation de la personne polyhandicapée avec troubles autistiques.
Le programme EIS (Évaluation-intervention-suivi) développé par Bricker (2007renvoi vers) permet de recueillir des renseignements pertinents sur le plan fonctionnel et éducatif. Il intègre l’évaluation, les buts et les objectifs d’intervention, le tout réparti dans six domaines distincts : social, motricité fine, motricité globale, communication, cognition et adaptation.
Bullinger (2004renvoi vers) observe les flux de stimulations et fait la distinction entre les différents éléments suivants : l’inaccessibilité du sujet aux flux de stimulations (déficiences sensorielles), l’incapacité du sujet à contrôler ces flux (difficultés de gérer les régularités produites par ses propres mouvements, avec une faiblesse dans la construction de son image du corps), l’impact de limitations sévères sur le plan moteur (difficultés à gérer son tonus axial et à coordonner des postures non symétriques), les difficultés d’organisation spatiale (mauvaise perception de l’espace) et une manière particulière de gérer les flux de stimulations (comme dans le cas de l’autisme).
Récemment, Pereira da Costa et Scelles (2012renvoi vers) ont entrepris le développement d’un profil de compétences du jeune polyhandicapé (P2CJP) à usage des psychologues et conçu pour être intégré dans un bilan médico-psychologique complet. Il ne s’agit pas d’un outil de diagnostic mais d’une échelle explorant divers domaines : la mémoire, les capacités attentionnelles, les compétences communicatives, les capacités sensorielles et spatiales, les possibilités d’apprentissage, de raisonnement, les capacités socio-émotionnelles. L’outil, en cours de validation, permet d’obtenir un profil de l’enfant ou de l’adulte polyhandicapé.

Dimensions évaluées

Dans les domaines du développement cognitif, de la communication, de la psychomotricité et des aspects socio-émotionnels, Nader-Grosbois et coll. (2008renvoi vers) mettent en évidence sur un échantillon de 20 personnes polyhandicapées sévères, qu’au niveau cognitif, l’imitation vocale et gestuelle ainsi que la compréhension des liens entre moyens et buts sont de manière constante les capacités les plus faibles. Par contre, les performances sont meilleures en ce qui concerne les schémas d’action sur les objets. L’âge chronologique est corrélé positivement au score cognitif global et à l’âge moyen de développement : plus l’âge augmente, plus les capacités cognitives augmentent dans plusieurs domaines.
Au niveau communicatif, l’attention conjointe est la fonction la plus faible : les sujets ont des difficultés pour pointer ou répondre au pointage, ou à coordonner leur regard avec celui d’un partenaire sur un objet, une image ou un événement. En revanche, la régulation du comportement est plus performante : les personnes polyhandicapées font facilement des requêtes, des demandes d’objet ou d’aide et tentent de répondre aux demandes de l’interlocuteur. Elles prennent conscience de l’effet de leur comportement sur le partenaire. Mais l’alternance des rôles avec un interlocuteur n’est pas aisée. L’âge chronologique se révèle être corrélé positivement au score communicatif global.
Au niveau psychomoteur, les inadaptations les plus significatives concernent les mouvements en général, les postures et les déplacements. Par contre, la réactivité à une variété de stimulations sensorielles (auditives, tactiles, visuelles…) est très souvent mieux adaptée. Les personnes polyhandicapées se montrent sensibles aux variations sensorielles de leur environnement matériel et social. À noter aussi que le développement cognitif et le développement psychomoteur ne sont pas corrélés dans tous les cas.
Au niveau socio-émotionnel, les capacités sont largement préservées et en particulier tout ce qui concerne les relations avec les personnes familières ainsi que le tempérament impliquant une réactivité et une adaptabilité émotionnelle selon les contextes de vie. En revanche, l’accès à l’humour se révèle plus difficile chez nombre de sujets. Le niveau atteint dans le domaine socio-émotionnel est étroitement corrélé aux scores en communication : plus la personne développe ses capacités communicatives, plus elle devient adaptée dans ses compétences socio-émotionnelles. Par ailleurs, les capacités d’interagir avec des personnes familières et l’accès à l’humour sont corrélés aux capacités communicatives.
Nader-Grosbois et coll. (2008renvoi vers) concluent que l’intervention doit éviter d’entraîner une personne polyhandicapée à l’acquisition d’une habileté isolée, dénuée de sens (comme peut l’être la manipulation répétitive d’un jouet), mais doit proposer des situations problématiques exigeant que la personne mobilise des acquis relevant simultanément des domaines cognitif, communicationnel, psychomoteur et socio-émotionnel.
Le travail de Hostyn et Maes (2009renvoi vers) va dans le même sens. Ces auteurs ont fait une revue de la littérature, retenant 15 études majeures, soit quantitatives soit qualitatives, explorant les interactions entre personnes polyhandicapées et leurs partenaires. Quatre composantes essentielles sont retrouvées dans ces interactions : une capacité à répondre aux sollicitations, l’attention conjointe, la co-régulation des comportements et une composante émotionnelle. La capacité qu’ont les partenaires à prendre conscience de leurs stratégies d’interaction avec la personne polyhandicapée, la perception qu’ils ont de ces personnes ainsi que le contexte particulier dans lequel se déroulent les interactions, sont autant de variables qui interfèrent avec une possible expression des compétences chez les personnes en situation de handicap. Detraux (1979renvoi vers, 1987renvoi vers) avait déjà montré, dans un contexte scolaire, à la fois combien le sujet polyhandicapé n’était pas enfermé dans sa bulle, se manifestait par une expression essentiellement dans le registre non verbal (fixations, petits mouvements de la tête, mimiques…) et combien l’adulte-éducateur occupait l’espace communicationnel, sur un mode verbal, en faisant les questions et les réponses ne laissant pas de place pour la personne en situation de handicap. Par ailleurs, l’auteur avait montré que la prise de conscience par l’éducateur de ses modalités d’interactions avec la personne polyhandicapée permettait de modifier le décours de ces interactions dans un sens plus favorable pour les apprentissages de la personne. Si on observe de longues séquences d’interaction entre sujets polyhandicapés et adultes éducateurs, on met en évidence des configurations remarquables montrant que le comportement de fixation de l’enfant provoque de manière significativement fréquente une réaction de l’adulte vers l’enfant.
On peut donc penser que le comportement de fixation chez le sujet polyhandicapé peut acquérir une valeur fonctionnelle liée à l’appel dans la communication en situation de groupe.
Notons cependant qu’un travail sur une prise de conscience chez les adultes-éducateurs de leurs modalités d’interactions avec la personne polyhandicapée est toujours un travail de longue haleine et ne peut se résumer à une « simple » formation de ces professionnels (Foreman et coll., 2007renvoi vers).

Qualité de vie

Une autre thématique qui fait l’objet de plusieurs études ces dernières années, est celle de la qualité de vie des personnes polyhandicapées et de leur bien-être. Les premières propositions d’échelles avaient été faites à l’issue de travaux du programme européen Hélios et avaient donné lieu à un outil, Heqol, établi en 1996 par un groupe d’experts de plusieurs pays. L’idée est de définir les meilleures pratiques pour répondre aux besoins complexes de ces personnes sur le plan de leur santé et de leur vie sociale. Les travaux de Petry et coll. (2005renvoi vers, 2007renvoi vers, 2009renvoi vers) visent à mettre au point des instruments d’évaluation de la qualité de vie. Les questions portent essentiellement sur ce qu’il faut mesurer, qui doit être interrogé et comment le faire. Le choix des auteurs s’est porté sur l’utilisation d’un questionnaire complété par divers référents. Cette perspective confrontant diverses perceptions doit conduire à une vue plus précise et plus complète de la qualité de vie de la personne polyhandicapée. Pour valider leur outil, les auteurs ont utilisé un large panel d’experts issus de 4 pays.
Plus récemment, Boutin, Ponsot, Arnaud et Scelles ont entrepris la création et la validation d’une échelle de qualité de vie et d’une grille d’observation des caractéristiques personnelles et environnementales d’enfants polyhandicapés âgés de 6 à 14 ans. Les auteurs utilisent pour cela la méthode Delphi2 L’étude ne vise pas tant l’élaboration d’un outil d’observation clinique exhaustif des enfants polyhandicapés que la construction d’une grille qui puisse caractériser les enfants de manière suffisamment précise et pertinente pour permettre de les différencier dans le cadre de recherches3 .
S’appuyant sur les concepts de coping et de fardeau, Detraux et Guillier (2006renvoi vers) examinent le parcours de vie d’un échantillon de 20 familles. Les auteurs tentent de vérifier la cohérence des prises en charge à travers divers dispositifs et se posent la question des indicateurs d’une qualité de vie acceptable. Les conclusions de cette étude mettent l’accent sur le maintien et le développement de réseaux sociaux autour de la famille. Les parents interrogés sont en quête d’une reconnaissance sociale quant à la pénibilité de la charge que représente leur enfant polyhandicapé. Par ailleurs, il apparaît nécessaire d’adopter une perspective globale et « life span »4 .
Poursuivant cette étude auprès des professionnels afin de définir les perceptions qu’ont ceux-ci des besoins des familles, Detraux et coll. (2008renvoi vers) montrent l’importance d’une reconnaissance par les responsables de l’éducation et ceux de la santé, des réelles difficultés rencontrées tant par les professionnels que par les parents et leur besoin respectif de reconnaissance. Les besoins des familles perçus par les professionnels, correspondent à ceux exprimés par les parents dans la précédente enquête. Un réel travail partenarial parents-professionnels doit donc être possible même s’il représente presque toujours un idéal à atteindre.
Tous ces travaux centrés sur la qualité de vie et le bien-être des personnes polyhandicapées et de leurs aidants proches tentent d’appréhender les questions suivantes :
• comment la personne mais aussi ses aidants proches sont reconnus dans leur parcours singulier et dans leurs difficultés ;
• quelle est l’implication de la personne dans les soins qui lui sont prodigués ;
• quelles sont les possibilités de choix de la personne (autonomie) ;
• comment la dignité de la personne est-elle observée par les intervenants (aspects éthiques) ;
• comment se déroulent les relations interpersonnelles et la communication avec la personne ;
• si les prises en charge visent un développement global harmonieux ;
• si les prises en charge visent une indépendance fonctionnelle chaque fois que cela est possible ;
• si l’espace et le temps sont suffisamment structurés pour permettre à la personne de se repérer, de se sécuriser et d’apprendre ;
• si la définition des objectifs est suffisamment claire et opérationnelle ;
• comment ces personnes sont-elles intégrées à la vie sociale comme citoyens (accessibilité aux diverses ressources) ;
• si l’on envisage une perspective « tout au long de la vie » avec ces personnes (notion de projet et réflexion en termes de devenir) ;
• s’il existe des échanges permanents entre toutes les personnes concernées (partenariat parents-professionnels, liens entre professionnels et travail en réseaux) ;
• quels sont les types de lieux de résidence (confort, adaptation, accessibilité) ;
• si le milieu assure un minimum de stabilité et de sécurité à la personne ;
• si le milieu offre l’opportunité pour des stimulations adéquates à la personne ;
• si le milieu permet de promouvoir le bien-être émotionnel de la personne.

Intervention

Aspects médicaux

Il est évident que la priorité dans l’intervention est la mise en place d’un projet de soins qui doit, entre autres :
• viser à nourrir sans inonder les voies respiratoires, en prévenant les reflux et en veillant à vider l’estomac de manière préventive avant un nouveau repas ;
• prévenir les troubles de la déglutition par un positionnement correct de la tête ;
• permettre une hydratation régulière ;
• se préoccuper de concevoir un régime équilibré ;
• viser à conserver le plus longtemps possible le soufflet thoracique ;
• protéger les voies aériennes et éviter les complications broncho-pulmonaires ;
• tenter de prévenir les complications articulaires ;
• équilibrer et stabiliser l’épilepsie ;
• affiner constamment le diagnostic par des observations multiples et croisées ;
• déceler les douleurs et les interpréter correctement ;
• le cas échéant, en cas de maladie évolutive, mettre en place des mesures palliatives.
Ce projet de soins dépasse la simple dimension médicale pour s’inscrire dans les actes de la vie quotidienne et ceci toujours dans un contexte de relation, d’apprentissage et de communication (Tomkiewicz et Svendsen, 1995renvoi vers ; Svendsen, 2004renvoi vers). Ce projet vise à mettre la personne dans un état de bien-être relatif, autorisant l’accueil de stimulations proposées par l’environnement.

Aspects éducatifs

Au-delà du projet de soins, il s’agit de développer un projet éducatif dont les bases sont la sécurisation, la relation et la communication, la stimulation appropriée. Pour ce faire, en s’inspirant de démarches comme celle du programme Teach (Treatment and education of autistic and related communication handicapped children), la structuration du temps et de l’espace autour de l’enfant polyhandicapé doit permettre à celui-ci de se créer et de maintenir des repères stables, de pouvoir anticiper un changement d’activité, d’identifier des sources de stimulation. Un effet immédiat est le sentiment de sécurité. Par ailleurs, tout comme chez le jeune enfant à développement typique, la relation adulte-éducateur/enfant gagnera à être médiatisée par un objet familier et apprécié de l’enfant. Celui-ci sera amené à se reconnaître, reconnaître autrui, entrer en relation avec ses pairs et les intervenants. L’environnement nécessite un aménagement afin de rendre les stimulations naturellement offertes par cet environnement (bruits divers, variations de lumière, odeurs, chaleur…) ou les stimulations provoquées par des objets introduits par l’intervenant, accessibles à l’enfant polyhandicapé. Ces stimulations qui mobiliseront chacun des cinq sens, seront amplifiées, répétées, variées dans leur intensité et leurs modalités de présentation. Elles utiliseront divers environnements naturels, divers objets banalisés et adaptés pour permettre leur manipulation, mais aussi des « cafétarias sensorielles » (approche Snoezelen), endroits plus sophistiqués et riches en matériel potentiellement stimulant.
Il s’agit ensuite de développer divers moyens de communication (au-delà de ceux habituellement utilisés par une personne familière) et ce, en partant des capacités de signalisation que possède la personne, et en permettant aux intervenants de prendre conscience de ces modalités d’interaction. L’utilisation d’espaces particuliers de stimulation, tel l’espace Snoezelen (Hulsegge et Verheul, 1987renvoi vers), permet à des personnes polyhandicapées et des personnes valides d’éprouver dans le calme et la détente, diverses sensations et de communiquer dans le cadre d’un registre non verbal, accessible à la personne handicapée. Nader-Grobois et coll. (2008renvoi vers) suggèrent de travailler les fonctions communicatives en incitant le sujet à attirer l’attention sur lui dans le cadre de jeux d’échanges et en favorisant le plaisir du jeu social entre pairs ; en partageant l’attention visuelle (et auditive/tactile) avec le partenaire sur un objet, une image, un événement extérieur ; en recherchant une régulation du comportement de requête d’un objet, une demande d’aide…
Le travail se poursuivra par l’enrichissement de l’instrumentalité de l’enfant, en favorisant son développement cognitif. Cela peut être fait à partir de contextes (comme par exemple des jeux d’eau) que l’on enrichira progressivement en se basant sur des unités comportementales simples, en travaillant sur le comportement d’attention, d’attention conjointe et sur l’intentionalité. Enfin, il s’agira de rechercher l’épanouissement affectif des personnes, en créant des espaces sécurisants pour chacun (non seulement pour l’enfant mais aussi pour les adultes-intervenants).

Scolarité

Plusieurs arguments plaident en faveur d’une scolarisation de ces enfants dans des milieux adaptés. Dans un travail de recherche mené sur trois ans, Detraux et Lepot-Froment (1998renvoi vers) ont relevé quatre éléments montrant l’importance pour ces enfants et adolescents d’être éduqués dans une école, avec l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire et le rôle central joué par un pédagogue.
En premier lieu, les enfants réputés polyhandicapés constituent une population très hétérogène : le risque est grand d’exclure de l’enseignement de nombreux enfants considérés parfois à tort comme « polyhandicapés » sous-entendant par là un degré de sévérité très important mais sans diagnostic approfondi et différencié bien établi. L’utilisation d’outils d’évaluation a montré toute l’importance de réaliser une approche fine des caractéristiques du développement de l’intelligence sensori-motrice et de la communication, ainsi que de l’autonomie des élèves.
En second lieu, les équipes, lorsqu’elles sont soutenues dans leur réflexion et aidées de manière adéquate, disent découvrir la richesse et le potentiel d’apprentissage de ces élèves (ce potentiel se révèle rarement lors d’une séance d’évaluation de base mais suppose que des observations répétées soient réalisées). De toute évidence, les équipes scolaires peuvent mener à bien un projet cohérent, pour autant qu’elles acceptent un travail sur elles-mêmes.
En troisième lieu, de nombreux parents trouvent dans l’école une voie de normalisation et d’intégration pour leur enfant, alors que la non scolarisation marginalise davantage leur enfant et sa famille.
On ne peut affirmer vouloir l’intégration de tous les enfants et en même temps exclure de l’enseignement les élèves les plus sévèrement handicapés. Aussi, la spécificité de l’enseignement spécialisé réside sans doute dans l’accueil des élèves les plus atteints, donnant à ceux-ci une réelle chance de s’intégrer socialement. Faut-il rappeler ici que l’absence d’un projet clair pour les personnes polyhandicapées dans notre société et la difficulté d’intégration d’un groupe d’élèves polyhandicapés au sein de l’école pourraient constituer les deux versants d’une même problématique ?
En quatrième lieu, la littérature scientifique récente met en évidence la non pertinence d’une opposition entre soins et éducation (cette opposition repose sur une fausse conception de la personne polyhandicapée selon Meininger et Reinders, 1997renvoi vers) ainsi que la faisabilité d’une approche éducative globale, basée sur une double conception théorique : premièrement les personnes polyhandicapées sont capables d’établir une relation significative avec leur entourage et deuxièmement la prise en charge des personnes polyhandicapées doit être planifiée de telle sorte que l’ensemble de leurs besoins soient pris simultanément en compte (Vlaskamp, 1993renvoi vers ; Van Wijck, 1997renvoi vers).
Detraux et Lepot-Froment (1998renvoi vers, p. 8) concluent ainsi : « Bien plus que de poursuivre un débat stérile et dangereux sur la scolarisation ou non scolarisation des enfants polyhandicapés (débat sous-tendu par les notions d’éducabilité et de non éducabilité), apparaît clairement à l’issue de la recherche, la nécessité de donner aux équipes les ressources et les moyens permettant la réalisation d’un projet éducatif ambitieux pour ces enfants. Les résultats attendus pour eux en termes d’épanouissement individuel, d’apprentissages cognitifs et de socialisation peuvent être atteints si et seulement si une politique globale et volontariste est envisagée, tant au niveau des pouvoirs administratifs et politiques qu’à celui des équipes éducatives singulières ».
Cependant, comme le souligne Squillaci-Lanners (2006renvoi vers), un cadre conceptuel clair et des définitions des stratégies pédagogiques à mettre en œuvre font encore défaut. Il est dès lors difficile d’évaluer l’apport pédagogique et thérapeutique de programmes de stimulation conçus pour la population polyhandicapée d’âge scolaire, les études faisant état de résultats nuancés et parfois contradictoires en matière d’efficience (Petipierre-Jost, 2005renvoi vers).
Aux Pays-Bas, Tadema et coll. (2008renvoi vers) montrent que la nouvelle loi promulguée en 2003 sur l’« Éducation inclusive » a eu un impact sur la manière d’envisager l’éducation des élèves polyhandicapés car les écoles ne peuvent plus rejeter ces enfants en raison de la sévérité de leurs déficiences. Un curriculum spécifique a été développé même si son implémentation reste difficile et rencontre de nombreux problèmes.
Concernant les personnes à l’âge adulte, en Grande-Bretagne, Pays-Bas, Allemagne et Belgique, celles-ci sont soit maintenues à domicile avec plus ou moins d’aides apportées à la famille, soit dans des centres de jour (ou centres dits occupationnels), soit dans des centres résidentiels, soit encore en hôpital psychiatrique ou parfois dans des maisons de repos et de soins aux côtés de personnes atteintes d’une maladie d’Alzheimer ou d’une autre maladie dégénérative. Ces situations sont éloignées des standards décrits par les auteurs (Maes et coll., 2000renvoi vers ; Mansell, 2010renvoi vers) à savoir :
• la possibilité de participer à la vie sociale comme le préconise la Convention de l’ONU ;
• une qualité des aides apportées ;
• une possibilité pour la personne à une autodétermination ;
• la poursuite des apprentissages ;
• une évaluation des prises en charge.
Selon Mansell (2010renvoi vers), pour qu’un service soit de qualité, il doit permettre une individualisation de l’approche, considérer la famille comme experte, et être réalisé par des professionnels formés et compétents. Ces qualités ne s’appliquent pas uniquement aux services pour adultes. Mais ces critères semblent plus difficiles à mettre en oeuvre chez les personnes polyhandicapées plus âgées. La participation de ces adultes à diverses activités est cependant essentielle pour leur bien-être et leur qualité de vie mais aussi pour le maintien de leurs acquis. L’étude récente de van der Putten et Vlaskamp (2011renvoi vers) aux Pays-Bas montre que ces activités sont de brève durée. Une étude antérieure de Zijlstra et Vlaskamp (2005renvoi vers) avait déjà montré que les activités de loisirs proposées aux personnes polyhandicapées adultes se limitaient en moyenne à 3,8 heures par semaine, la moitié de ce temps étant passé devant la télévision.
Hogg et Lambe (2001renvoi vers) proposent une série d’activités possibles, ne nécessitant pas de matériel sophistiqué mais privilégiant des expériences sensorielles (comme l’aromathérapie, le massage, les jardins sensoriels, la cuisine), des activités plus créatives comme la musique, les arts graphiques, les spectacles, la lecture à l’aide de livres sensoriels et des activités sportives de plein air (jeux adaptés, accès aux loisirs publics…). Les auteurs soulignent que c’est à la personne polyhandicapée elle-même à indiquer ses préférences d’activités mais que la réussite de cet accès aux loisirs dépend beaucoup de la motivation et de la créativité des aidants proches.

Méthodes d’intervention

Nous serons très prudents en parlant de « méthodes » puisqu’il s’agit dans la majorité des cas, de démarches empiriques, guidées par le bon sens et surtout l’attention portée aux personnes polyhandicapées et sous-tendues par une philosophie très humaniste.
L’approche Doman-Delacato, programme de stimulation intensive, a fait, à juste titre, l’objet de nombreuses controverses (voir l’ouvrage publié par Tomkiewicz et coll., 1987renvoi vers) mais continue à séduire quelques familles sans doute déçues par les interventions « classiques » et qui ont le sentiment de ne pas être entendues par les professionnels. Cette méthode qui prétend « guérir » toute forme de handicap, est fondée sur l’idée que chaque étape du développement correspond à une structure cérébrale précise et qu’il faut (re)passer par chacune de ces étapes pour permettre la poursuite du développement. Pour ce faire, il faut stimuler l’enfant en continu avec des exercices répétitifs et simples mais très intensifs. Si les théories sur la plasticité cérébrale continuent à être explorées, l’exploitation qui en est faite par Doman et coll. relève de l’expérimentation « sauvage ».
La méthode de Sherborne (1990renvoi vers) (basée sur le travail de Laban), se centre sur la conscience de soi et la possibilité d’entrer en relation avec la personne handicapée. Le travail est fait de préférence en groupe en utilisant le corps des uns et des autres comme moyen d’interaction. L’enfant est invité à prendre conscience de son corps afin de mieux le connaître et le contrôler. Les exercices sont simples et amusants. Adapté à l’enfant polyhandicapé, cette approche a le mérite de le rendre plus participatif dans la relation.
L’approche neuro-évolutive selon le concept de Bobath (Bobath et Bobath, 1986renvoi vers) suppose une évaluation fonctionnelle des capacités motrices actuelles de l’enfant. Le thérapeute va aider l’enfant à organiser des mouvements fonctionnels sans utiliser les mouvements anormaux. Pour cela, il inhibe certains groupes musculaires et permet à l’enfant de faire des mouvements adaptés à ses objectifs et désirs. Cette approche se réfléchit à la fois de manière diachronique (on réfléchit aujourd’hui aux questions qui se poseront plus tard dans le développement) et de manière synchronique (on regarde l’ensemble des segments corporels). Tous les professionnels ainsi que les parents sont amenés à se former à la démarche afin d’assurer cohérence et continuité dans l’action. Cette approche suppose une participation active du sujet, ce qui peut en limiter l’application à des enfants sévèrement handicapés.
Le concept Votja (Votja et Peters, 1954renvoi vers) est basé sur la locomotion réflexe et contribue à orienter le développement neuro-moteur vers la normalité, à augmenter le contrôle de la respiration, à contrôler les réactions neuro-végétatives, à prévenir les déformations orthopédiques. Cette démarche ne fait pas appel à une participation active du sujet. Elle repose sur des fonctions innées et exploitables même dans le cas de pathologies sévères.
L’éducation conductive mise au point par Petö dans les années 1940, qui repose sur une philosophie très humaniste, s’est beaucoup développée dans plusieurs pays (Sutton, 1988renvoi vers). Son but fondamental est de permettre aux enfants de se débrouiller dans la vie quotidienne. L’approche de l’enfant par le professionnel est globale et continue tout au long de la journée. Le travail se fait en groupe et repose sur le lien entre langage et mouvement. Il vise à donner à l’enfant des moyens pour affronter diverses situations de vie. Les parents occupent une place importante. La démarche pense aussi le fonctionnement de toute l’équipe pluridisciplinaire autour d’un fil conducteur. Pour l’enfant polyhandicapé, cette démarche a comme avantage de se centrer sur la personne plutôt que sur diverses fonctions « traitées » par des professionnels de disciplines différentes. Le lien entre pédagogie et thérapie est très fort.
Plusieurs aspects de la démarche Teacch axée sur une structuration de l’environnement et développée avec des enfants souffrant d’autisme, ont été utilisés dans le cadre d’interventions auprès de personnes polyhandicapées (Taylor et Preece, 2010renvoi vers). Divers aspects de cette démarche ont été expérimentés dans une pratique psychopédagogique dans le cadre de classes pour élèves polyhandicapés.
Vlaskamp et Nakken (2008renvoi vers) décrivent une série de 48 méthodes utilisées dans la pratique : aromathérapie, thérapie cranio-sacrale, haptonomie, thérapie sensorielle intégrative, thérapie par le cheval, massage Shantala, cymbales tibétaines, thérapie Watsu… et montrent l’absence d’évaluation de l’efficience de ces méthodes ainsi que l’absence de recherches sur les fondements théoriques. Une démarche a fait cependant l’objet de nombreux travaux : l’approche Snoezelen. Ce terme, contraction de deux mots néerlandais signifiant respectivement « explorer, découvrir » et « relaxer, se détendre », désigne une « cafétaria sensorielle », souvent comprise comme l’aménagement d’un lieu spécifique avec un matériel plus ou moins sophistiqué. En fait, il s’agit avant tout d’une philosophie utilisant les diverses stimulations présentes dans l’environnement « naturel » et utilisant celles-ci pour créer une ambiance propice à la détente et à la création de relations à un niveau de communication non verbale et donc accessible à des personnes sévèrement déficientes. Il ne s’agit ni d’éducation ni de rééducation. Ces situations aménagées permettent à la personne polyhandicapée de se découvrir, d’explorer librement et à son rythme le monde environnant et d’être acteur, en agissant sur les sources de stimulation. Ces situations permettent aussi aux professionnels de faire des observations, et de déceler des compétences au niveau sensori-moteur et ainsi changer leurs représentations sur ces personnes. La création de locaux spécifiquement aménagés dans les milieux institutionnels conduit à les utiliser pour diverses populations présentant des comportements-défis (agitation, agressivité, automutilation, repli sur soi…). Il est évident que ces lieux ne peuvent pas être de simples lieux de « parcage ».
Dès les années 1990, l’efficience de tels environnements a été évaluée. Shapiro et coll. (1997renvoi vers) ont comparé les comportements présentés par des enfants sévèrement déficients placés soit dans une salle de jeu habituelle soit dans un espace Snoezelen. Ils montrent ainsi que le nombre de comportements adaptés (dans ce cas, des sourires, une verbalisation, des comportements de communication avec l’entourage) est significativement plus élevé dans le local Snoezelen. Ils montrent aussi un effet significatif sur les variations du rythme cardiaque. L’effet à court terme est donc probable. S’appuyant sur la théorie d’Ayres sur l’intégration sensorielle, les auteurs concluent que le Snoezelen a un effet régulateur à la fois sur des variables physiologiques et sur le comportement adaptatif. Hogg et coll. (2001renvoi vers), dans une revue de la littérature, montrent que des travaux font état de nombreux effets positifs sur le comportement des personnes handicapées, juste après leur passage dans le local Snoezelen, mais il y a aussi des effets négatifs principalement liés aux attitudes des intervenants pouvant se servir d’un local Snoezelen comme un lieu où la personne est placée sans objectif précis. Étant donné la diversité des méthodologies utilisées et surtout l’absence d’un cadre théorique précis, il est difficile d’identifier les mécanismes sous-tendant ces changements comportementaux. Il est possible que l’attitude des intervenants puisse expliquer en partie ces changements. Par ailleurs, il reste à évaluer la pérennité de ces effets.
L’approche de la stimulation basale a été progressivement développée en Allemagne dès les années 1970 par Frölich (1993renvoi vers). Basée sur les principes en neurophysiologie (maturation du système nerveux, plasticité cérébrale), cette approche vise à diminuer les effets des déficiences secondaires dues à une limitation grave des expériences perceptives et motrices. L’approche a intégré des éléments psycho-développementaux de la théorie piagétienne et des connaissances en psychologie prénatale ainsi que celles dans le domaine de la communication précoce du jeune enfant. Il s’agit d’une approche globale de la personne, replaçant celle-ci dans sa réalité physique et complexe. Elle vise à aider la personne à se découvrir et à découvrir son corps et son environnement, et à répondre à des besoins fondamentaux dans les domaines de la perception, du mouvement et de la communication sans penser en termes de pré-requis. Elle propose le développement d’expériences simples dans les domaines somatiques vibratoires et vestibulaires. Elle utilise divers moyens : contacts corporels, voix, moyens matériels simples et recherche une structuration des expériences sensorielles orales, olfactives, gustatives, acoustiques, tactiles, visuelles, proprioceptives, kinesthésiques. La démarche vise le développement de compétences cognitives et communicatives. Tous les domaines de développement sont approchés simultanément. Comme le soulignent Vlaskamp et Nakken (2008renvoi vers), il n’y a pas d’étude sur les effets à court ou long terme de cette démarche, cette vérification ne faisant pas partie des priorités de l’auteur.
Il faut encore citer le programme d’interactions intensives de Nind et Hewett (1994renvoi vers) visant à faciliter la socialisation, la communication, le développement émotionnel ainsi que tous les aspects liés au style d’interactions entre les intervenants et les personnes polyhandicapées. Ce programme est basé sur la méthode du maternage augmentatif d’Ephraim ainsi que sur les recherches de Brazelton et de Bricker et leurs collaborateurs sur les interactions parents-enfants. Il s’agit d’une approche holistique évaluée continuellement et visant avant tout à augmenter le bien-être des personnes.
Enfin, l’approche récente par « multi-sensory storytelling » de Young et coll. (2011renvoi vers) repose sur l’expérience sensorielle accompagnant une histoire racontée dans un contexte interactif entre un parent ou un professionnel familier et la personne polyhandicapée. Les histoires sont personnalisées, attrayantes et motivantes et présentées via des interfaces sensorielles. L’accent est mis sur les aspects essentiels pour la compréhension de l’histoire. La démarche favorise l’attention conjointe chez la personne.

Que nous apprend le polyhandicap en regard de la problématique du handicap rare ?

L’approche des personnes en situation de polyhandicap sévère nous met devant un défi d’envergure : reconnaître l’Autre et son humanité, et ce, malgré ses déficiences profondes. Il semble que toute personne en situation complexe de handicap, qu’il soit rare ou non, nous place comme parent ou comme intervenant professionnel devant ce défi. Établir une relation, entrer en communication coûte que coûte avec la personne devient dès lors un enjeu fondamental qui doit conduire à reconnaître la singularité de la personne et à découvrir, au-delà de barrières motrices, langagières, sensorielles ou cognitives, des émotions, des sentiments, des pensées qui sont la marque de l’humanité partagée.
Divers moyens ont été essayés et, dans certains cas, évalués. Les prises en charge « classiques » ont vite montré leurs limites et inadéquation. Diverses « méthodes » , dont les fondements sont peu ou pas explicités, parfois dangereuses et traduisant une obsession de réparation à tout prix d’un corps blessé, parfois fantaisistes mais peu nocives, ont vu le jour ces 40 dernières années. Ces démarches ont eu in fine le mérite :
• de mettre en évidence l’impérieuse nécessité d’évaluer les compétences des personnes et de faire un diagnostic différentiel, évitant de mettre dans une même « catégorie » des personnes dont le devenir est, de manière objectivement prédictible, différent. Comme l’évaluation suppose des techniques validées et reposant sur des théories éprouvées sur le plan scientifique, chercheurs et professionnels de terrain se sont associés pour développer des outils d’observation ;
• de mettre en exergue l’impact des stimuli présents dans l’environnement, d’en constater des effets tant bénéfiques que nocifs, et de les utiliser avec des objectifs plus ou moins clarifiés ;
• de mettre l’accent sur le droit de toute personne à une santé, une éducation, un bien-être personnel et social et notamment à des interactions sociales variées et stables ;
• de reconnaître aussi la vulnérabilité des personnes et leur dépendance très forte à leur entourage familier, impliquant notamment un corps à corps de plus en plus difficile à assumer au fur et à mesure de l’avancée en âge ;
• de s’interroger sur ce que peut représenter une qualité de vie minimale pour tout être humain, impliquant bien entendu un respect mais conduisant à mettre en place des moyens matériels et humains importants et coûteux. Ce choix, quand il est fait, n’évite jamais de se poser la question du sens de cet investissement et ce, d’autant plus, dans des périodes de difficultés économiques importantes pressant de fixer des priorités ;
• de se positionner face à des familles qui ne sont en rien coupables de l’existence de ces personnes dans la société et qui ont besoin de reconnaissance sociale et de solidarité active. Les aidants familiaux ont le droit au répit et à la reconnaissance du fardeau qu’ils supportent ;
• de révéler nos incompétences face à ces personnes et la nécessité de se former ou plutôt de co-construire du savoir, oubliant une division entre disciplines, ou entre professionnels et parents. La notion de transdisciplinarité au sens où l’entendait Edgar Morin, à savoir la création de schèmes traversant les disciplines et créant de nouveaux savoirs, est mise en avant. Cette notion impose rigueur, ouverture et tolérance mais aussi modestie.
En conclusion, il semble difficile voire impossible de définir ce que recouvre précisément la notion de handicap rare, sauf à décider, de manière assez arbitraire, que seront considérées personnes labellisées « avec un handicap rare » un certain pourcentage de la population. Alors, une formulation plus « positive » et plus opérationnelle pourrait être trouvée. Nous sommes in fine devant des situations d’êtres humains dont le devenir va dépendre d’une multiplicité de facteurs dont il serait absurde de penser pouvoir en maîtriser tous les aspects. Mais dans tous les cas, il est impératif de développer des instruments objectivant les capacités de la personne et de toujours parier sur la capacité d’apprentissage et de développement de celle-ci, quelle que soit la sévérité apparente ou réelle de ses déficiences. Il faut accepter que cette évaluation ne puisse pas se faire sous la forme d’une « photo » prise en un « instant t » mais doit se concevoir comme une « vidéo », rendant compte de petits ou grands changements dans l’expression des compétences en considérant systématiquement l’impact probable de divers facteurs environnementaux. Sur le plan méthodologique, cela suppose l’adoption d’une approche systémique, qui prend le temps d’analyser les interrelations multimodales du sujet avec son environnement humain et matériel. Cette approche doit notamment conduire à confronter des représentations diverses et contradictoires afin de faire émerger peu à peu la singularité d’une situation et d’une personne. Sur le plan des moyens, cela suppose des services de référence capables de mener à bien ces observations, confrontations et analyses. En rassemblant des expertises dans des mêmes lieux, pas trop éloignés des populations locales, plutôt qu’en créant service spécialisé à côté de service spécialisé, ne pourrions-nous pas aboutir à une approche différentielle riche (nous ne cessons d’affirmer la richesse de nos différences !) conduisant à mettre en place des prises en charges « sur mesure » et surtout ambitieuses. Ce sont les connaissances peu à peu accumulées dans ces centres et regroupées dans des bases de données (informatisées) structurées qui apporteront des réponses sensibles aux responsables administratifs et politiques.

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