2013
10-
Autisme associé à une épilepsie ou une déficience sensorielle
Décrite depuis longtemps, l’association entre autisme et épilepsie est maintenant clairement établie. Également reconnues, les associations entre autisme et surdité, et autisme et cécité sont moins étudiées. Nous présenterons ces différentes associations en nous intéressant aux perturbations cognitives et comportementales puis nous tenterons de dégager les connaissances actuelles sur les modalités d’accueil, d’accompagnement et de prise en charge.
Autisme et épilepsie
Fréquence de l’association
La prévalence de l’épilepsie chez les sujets autistes est évaluée, selon les études, entre 5 et 40 % (Canitano, 2007
). Ces taux sont nettement supérieurs à ceux observés dans la population générale qui sont proches de 0,5 à 1 %. En revanche, peu d’études se sont intéressées à la prévalence de l’autisme chez les individus présentant une épilepsie. Au sein de cohortes d’individus avec une épilepsie et un déficit intellectuel, environ 30 % des individus avaient un trouble du spectre autistique associé (Steffenburg et coll., 1996
; Clarke et coll., 2005
). Dans une étude rétrospective portant sur des patients avec une épilepsie suivis dans un service de neurologie pédiatrique, un trouble du spectre autistique a été identifié chez 15 % d’entre eux (Matsuo et coll., 2010
). Une étude prospective récente en population générale portant sur une cohorte de 613 enfants avec une épilepsie diagnostiquée dans l’enfance a évalué la prévalence d’un trouble du spectre autistique à 5 % (Berg et coll., 2011
), un taux supérieur à la prévalence de l’autisme dans la population générale (1 pour 150) (Fombonne, 2009
).
La variabilité des taux de prévalence de l’association entre autisme et épilepsie suggère des facteurs de risque de l’épilepsie dans l’autisme que nous exposerons. Auparavant, un point sur l’hétérogénéité méthodologique des travaux publiés permettra d’apprécier la complexité de l’étude de cette association.
Hétérogénéité méthodologique du diagnostic dans les études
Les critères diagnostiques de l’épilepsie utilisés dans la littérature concernant l’autisme sont extrêmement disparates. En effet, certains auteurs utilisent la définition de l’
International League Against Epilepsy (ILAE) (Engel, 2006
) qui considère l’épilepsie comme une affection neurologique chronique caractérisée par des crises d’épilepsie récurrentes et spontanées. D’autres utilisent des critères beaucoup moins rigoureux : plus d’une crise d’épilepsie, anomalies « épileptiformes » à l’électro-encéphalogramme, prise d’un traitement antiépileptique. Enfin, certains auteurs ne spécifient pas la façon dont le diagnostic d’épilepsie a été posé.
Au plan clinique, tous les types de crises décrits chez des patients non autistes sont rapportés chez les patients autistes (convulsions fébriles, crises généralisées tonico-cloniques, absences, myoclonies, crises toniques, atoniques, crises partielles). Cependant, les données concernant le type de crises ne sont pas toujours disponibles dans les publications et dans certaines d’entre elles, la terminologie utilisée pour décrire les types de crises ne correspond pas à celle de l’ILAE. La classification en syndromes épileptiques est encore plus rarement mentionnée. Si quelques études mentionnent des syndromes de West (Elia et coll., 1995
; Parmeggiani et coll., 2010
), des épilepsies bénignes de l’enfance avec des pointes centro-temporales (Tuchman et coll., 1991
; Elia et coll., 1995
; Giovanardi-Rossi et coll., 2000
) et des convulsions néonatales idiopathiques bénignes (Tuchman et coll., 1991
; Giovanardi-Rossi et coll., 2000
), la plupart des études ne rapportent que le type de crise d’épilepsie.
Au plan électro-encéphalographique, des anomalies épileptiques, notamment de topographie focale, sont fréquemment décrites chez les patients autistes, même en l’absence de crises (Rossi et coll., 1995
; Giovanardi-Rossi et coll., 2000
; Chez et coll., 2006
; Ekinci et coll., 2010
). Certains auteurs insistent particulièrement sur la fréquence des pointes centro-temporales telles qu’on peut les voir dans l’épilepsie à paroxysmes rolandiques qui est une épilepsie partielle bénigne de l’enfant (Rossi et coll., 1995
; Tuchman et Rapin, 2002
). Cependant, ces anomalies ne sont pas décrites avec précision dans toutes les études. Les conditions d’enregistrement des EEG sont variables (le plus souvent durant la veille, parfois après une privation de sommeil, plus rarement durant le sommeil) ou non décrites. Enfin, les données de neuro-imagerie ne sont pas toujours disponibles.
L’hétérogénéité des populations étudiées d’une publication à l’autre porte également sur la symptomatologie autistique elle-même. Ces différences sont le fait de l’hétérogénéité phénotypique de l’autisme et des modifications des classifications diagnostiques et des catégories nosographiques de l’autisme. L’hétérogénéité phénotypique porte également sur les troubles associés à l’autisme. Ainsi, le niveau intellectuel est rarement homogène et une même étude peut inclure des sujets avec et sans retard mental. De la même façon, alors que certaines pathologies fréquemment associées à l’autisme sont reconnues pour leur prévalence élevée de l’épilepsie, certaines populations associent des sujets avec un autisme syndromique (autisme associé à un trouble neurologique tel que infirmité motrice cérébrale, microcéphalie) ou à un trouble neuro-développemental avec des signes dysmorphiques (encore appelé autisme complexe) et des sujets avec un autisme idiopathique (autisme isolé sans comorbidité, encore appelé autisme essentiel ou non syndromique).
Facteurs de risque d’épilepsie identifiés dans l’autisme
Le sous-type de trouble envahissant du développement
La prévalence de l’épilepsie varie selon le sous-type de trouble envahissant du développement (TED). La prévalence la plus faible est observée chez les sujets présentant un syndrome d’Asperger (4 %) ; les prévalences les plus élevées sont observées dans le trouble désintégratif de l’enfance (77 %) et le syndrome de Rett (90 %) (Tuchman et Rapin 2002
; Danielsson et coll., 2005
). Chez les individus avec un TED-non spécifié (TED-ns)/Autisme atypique, la prévalence de l’épilepsie est à peu près identique à celle observée dans le trouble autistique ; elle est évaluée entre 11 et 35 % (Danielsson et coll., 2005
; Gabis et coll., 2005
; Hara, 2007
; Parmeggiani et coll., 2007
; Ekinci et coll., 2010
).
L’âge
L’incidence de l’épilepsie dans l’autisme suit une distribution bimodale en fonction de l’âge. Deux pics d’âge d’apparition des crises sont décrits : l’un avant l’âge de 5 ans, l’autre à l’adolescence après l’âge de 10 ans (Volkmar et Nelson, 1990
).
Un début des crises dans la première année de vie est particulièrement associé à l’autisme. Dans une étude portant sur 246 enfants avec autisme âgé de 4 à 15 ans, 16 enfants présentaient une épilepsie. Chez 80 % d’entre eux les convulsions avaient débuté dans la première année de vie (Wong, 1993
). Parmi les convulsions non provoquées qui débutent dans la première année de vie, on compte les spasmes infantiles mais également des syndromes épileptiques variés. La prévalence de l’autisme chez les enfants ayant présenté des spasmes infantiles est évaluée à 9 % environ (Saemundsen et coll., 2007a
). Elle est évaluée à 7 % chez les enfants avec des convulsions débutant dans la première année de vie (à l’exclusion de spasmes infantiles) (Saemundsen et coll., 2007b
).
Le pic d’apparition des crises observé à l’adolescence semble être spécifique à l’autisme et n’est pas décrit dans le retard mental et l’insuffisance motrice cérébrale (Shinnar et coll., 2001
). Même si certaines épilepsies débutent à l’adolescence, le pic d’incidence observé à cette période dans l’autisme reste encore mal compris. Il est suggéré qu’il surviendrait plus volontiers dans l’autisme idiopathique tandis qu’un début précoce des crises serait plus particulièrement associé à l’autisme syndromique (Hara, 2007
).
Autisme syndromique ou complexe
La prévalence de l’épilepsie est plus faible dans les cohortes comportant des sujets ayant un autisme idiopathique que dans les cohortes de sujets avec un autisme syndromique (Miles et coll., 2005
; Canitano, 2007
). Miles et coll. rapportent un taux de prévalence de 17 % pour les sujets avec un autisme essentiel et un taux de 39 % pour ceux avec un autisme complexe (Miles et coll., 2005
). Certaines causes génétiques associées à l’autisme comportent une prévalence de l’épilepsie particulièrement élevée. Une épilepsie est observée chez plus de 70 % des individus atteints de sclérose tubéreuse de Bourneville et chez 90 % des patientes atteintes de syndrome de Rett. Néanmoins, la prévalence de l’épilepsie dans l’autisme idiopathique est très supérieure à la prévalence de l’épilepsie dans la population générale. Ceci suggère que l’autisme en lui-même est associé à un risque majoré d’épilepsie.
Sexe
Plusieurs travaux suggèrent un risque plus élevé d’épilepsie chez les femmes comparées aux hommes dans l’autisme (Elia et coll., 1995
; Danielsson et coll., 2005
; Hughes et Melyn, 2005
). Une méta-analyse de 14 études a montré une prévalence de l’épilepsie de 34,5 % chez les femmes comparée à 18,5 % chez les hommes (Amiet et coll., 2008
). Cependant, le lien entre sexe et épilepsie pourrait être le reflet de la présence, dans l’autisme, d’un retard mental plus sévère chez les femmes comme l’ont montré Gillberg et coll. dans une étude incluant 55 sujets suivis de manière prospective : plus le retard mental est sévère, plus le ratio homme/femme est faible (Gillberg et coll., 1991
).
Retard mental
Dans l’autisme comme dans la population générale, le retard mental est un facteur de risque de l’épilepsie clairement identifié. Près de 50 à 70 % des sujets présentant un TED ont un retard mental (Dawson et coll., 2007
). Les premières études ont montré que la survenue d’une épilepsie est corrélée négativement avec le quotient intellectuel (QI) (Bartak et Rutter, 1976
; Jacobson et Janicki, 1983
). Plusieurs études ont mis en évidence un taux plus élevé de convulsions chez les individus avec un retard intellectuel (Rossi et coll., 1995
; Mouridsen et coll., 1999
; Hrdlicka et coll., 2004
). Une méta-analyse de 10 études a montré que, chez les individus avec un autisme et un retard mental, la prévalence de l’épilepsie était de 21,5 % alors qu’elle n’était que de 8 % chez les individus avec un autisme sans retard mental. Plus encore, un rapport de la fréquence de l’épilepsie en fonction du QI a mis en évidence que plus le retard mental est sévère, plus l’épilepsie est fréquente (Amiet et coll., 2008
).
Facteurs de risque d’autisme identifiés dans l’épilepsie
L’étude des facteurs de risque au développement d’un autisme dans l’épilepsie a fait l’objet de peu de travaux. Cependant, certains facteurs de risque ont été mis en évidence, tels que le retard intellectuel et le syndrome de West.
Des études portant sur des patients avec une épilepsie et un déficit intellectuel ont montré des taux de prévalence d’autisme élevés (environ 30 %) (Steffenburg et coll., 1996
; Clarke et coll., 2005
). Dans une étude portant sur des patients dont l’épilepsie a débuté durant la première année de vie, 14 % des enfants avaient développé un trouble du spectre autistique, en particulier ceux avec un syndrome de West (46 %) et ceux chez lesquels les convulsions étaient associées à des anomalies cérébrales (69 %) (Saemundsen et coll., 2008
). Plus récemment, une cohorte de 613 enfants avec une épilepsie diagnostiquée dans l’enfance a été évaluée de façon prospective à l’âge de 5 et/ou 9 ans (Berg et coll., 2011
). Un syndrome de West et un retard intellectuel étaient associés de façon indépendante à la survenue d’un trouble du spectre autistique. Cependant, 2,2 % des individus avec des capacités cognitives normales présentaient un autisme, un taux bien supérieur à celui de l’autisme dans la population générale. Une prévalence élevée de traits autistiques est également rapportée dans le syndrome de Dravet (Berg et Plioplys, 2012
).
Diagnostic de l’épilepsie dans l’autisme
Dans son rapport publié en 2010 sur l’autisme et les autres TED, la Haute autorité de santé recommande une recherche attentive des pathologies associées, en particulier l’épilepsie, lors de l’interrogatoire des parents sur les antécédents familiaux et ceux de leur enfant ainsi que par une consultation neuropédiatrique systématique qu’il convient de renouveler régulièrement (HAS, 2010
).
Les « absences » et les crises partielles sont les crises les plus difficiles à repérer cliniquement dans le contexte d’un autisme. Le patient ne peut exprimer ce qu’il ressent ; les troubles de la communication ne permettent pas d’explorer le contact ; les automatismes moteurs ou vocaux d’origine épileptique peuvent être difficiles à distinguer des stéréotypies liées à l’autisme (Spence et Schneider, 2009
). On attachera donc beaucoup de valeur aux données de l’interrogatoire de l’entourage ou des soignants qui rapportent des phénomènes inhabituels contrastant avec le comportement habituel du patient (Cole, 2002
). L’enregistrement vidéo des manifestations fournit souvent des informations intéressantes.
L’électro-encéphalogramme (EEG) sera réalisé selon l’orientation clinique neuropédiatrique (HAS, 2010
). L’EEG permet parfois de confirmer définitivement le diagnostic lorsque sont enregistrées des absences électriques ou, moins fréquemment, des crises focales. Cependant, un EEG normal n’élimine pas le diagnostic d’épilepsie et il faudra parfois le répéter. On peut noter que des évènements paroxystiques non épileptiques sont fréquemment confondus avec des crises d’épilepsies : crises clastiques, mouvements anormaux, douleur, syncope (Cole, 2002
). Ainsi, les enregistrements EEG-vidéo révèlent parfois que le diagnostic d’épilepsie peut être porté par excès devant certains troubles comportementaux (Kim et coll., 2006
). L’EEG de sieste est indispensable en cas de régression, quel que soit l’âge de l’enfant (HAS, 2010
).
Le bilan électroencéphalographique et l’imagerie cérébrale peuvent être difficiles à réaliser en l’absence de sédation. La sédation utilisée doit alors être choisie avec soins, en adhésion avec les recommandations pédiatriques (Kagan-Kushnir et coll., 2005
).
Des anomalies épileptiques sont fréquemment observées sur les électro-encéphalogrammes des sujets autistes, même en l’absence de crises cliniques (Baird et coll., 2006
; Spence et Schneider, 2009
). Cependant, d’une manière générale, la présence d’anomalies épileptiques sporadiques à l’EEG ne suffit pas à faire un diagnostic d’épilepsie. La signification de ces anomalies et la question de leur traitement dans un contexte d’autisme restent débattues (Spence et Schneider, 2009
).
Diagnostic de l’autisme dans l’épilepsie et symptomatologie
L’étude de 2 groupes de 60 enfants avec autisme âgés de 7 à 17 ans, l’un avec épilepsie, l’autre sans épilepsie, appariés pour l’âge et le QI verbal montre que l’âge de diagnostic de l’autisme est significativement plus élevé chez les enfants ayant une épilepsie que chez ceux ayant un trouble du spectre autistique sans épilepsie, suggérant que l’autisme se développe plus tard chez ces enfants ou que le diagnostic d’épilepsie fasse écran au diagnostic d’autisme (Turk et coll., 2009
). L’épilepsie semble un facteur de mauvais pronostic dans l’évolution de l’autisme (Nordin et Gillberg, 1998
). Dans une étude prospective portant sur 108 enfants avec autisme évalués après une période de 13 à 22 ans et alors âgés de 17 à 40 ans, les individus avec une épilepsie (n=43) présentaient un fonctionnement cognitif et un comportement adaptatif plus faibles que ceux sans épilepsie (n=65) (Danielsson et coll., 2005
). Périsse et coll. ont étudié des patients avec autisme hospitalisés dans une unité de soins intensifs psychiatriques pour des troubles sévères du comportement survenus de manière aiguë à l’adolescence. Parmi les 29 sujets étudiés, 15 d’entre eux présentaient une épilepsie. La cause principale des troubles aigus du comportement a été imputée à des crises d’épilepsie non contrôlées chez 6 sujets (20,7 %) et chez 3 d’entre eux, l’épilepsie n’avait pas été diagnostiquée avant l’épisode aigu (Perisse et coll., 2010
).
L’étude des troubles du langage d’une population de 205 enfants avec un trouble du spectre autistique âgés de 10 ans en moyenne, parmi lesquels 64 présentent des crises d’épilepsie, a montré que la présence de crises d’épilepsie contribue à un risque majoré d’absence de langage ou de retard de langage (Oslejskova et coll., 2007
).
La comparaison à l’aide du
Diagnostic Interview for Social and Communication disorders (Disco) de deux groupes d’enfants âgés de 7 à 17 ans avec un trouble du spectre autistique, appariés sur l’âge et le QI-non verbal (la grande majorité ayant un retard cognitif important), l’un avec une épilepsie (n=60), l’autre sans épilepsie (n=60) a montré que les enfants avec une épilepsie avaient significativement plus de difficultés motrices fines et globales que les enfants sans épilepsie (Turk et coll., 2009
). Les enfants avec une épilepsie ont également plus d’incontinence, de difficultés sociales et de troubles du comportement. Smith et Matson ont comparé 100 individus âgés de 29 à 72 ans ayant un retard mental répartis selon 4 groupes appariés sur l’âge, le sexe, le niveau de retard mental et l’origine ethnique : 25 individus avec retard mental seul, 25 individus avec retard mental et épilepsie, 25 individus avec retard mental et troubles du spectre autistique (TSA), 25 individus avec retard mental, épilepsie et TSA. Les compétences sociales ont été évaluées à l’aide de l’échelle
Matson Evaluation of Social Skills for Individualswith Severe Retardation et les auteurs observent que les individus ayant une épilepsie et un TSA ont des compétences sociales plus faibles que les individus ayant un retard mental isolé ou associé à l’épilepsie seule ou un TSA seul (Smith et Matson, 2010a
). Les troubles du comportement associés à l’autisme ont été évalués à l’aide de l’
Autism Spectrum Disorders-
Behavior Problem-
Adult version battery (ASD-BPA) et les auteurs rapportent que les individus avec TSA, épilepsie et retard mental ont significativement plus de troubles du comportement, des scores d’anxiété et de comportements répétitifs et des scores d’attention/hyperactivité significativement plus élevés que les individus avec une épilepsie et un retard mental (Smith et Matson, 2010b
et c
).
Récemment, l’analyse en clusters d’une population de 577 sujets avec autisme a permis d’identifier 5 groupes (Cuccaro et coll., 2011
). L’un d’entre eux, représentant 5 % des sujets étudiés, montre un taux élevé d’épilepsie (29 %) : il est caractérisé par un âge plus précoce de reconnaissance des anomalies et un taux plus élevé d’utilisation répétitive des objets et d’intérêt sensoriel inhabituel. L’analyse en clusters des 64 sujets avec une épilepsie montre 3 groupes, le plus important d’entre eux étant caractérisé par des troubles du langage et du développement moteur.
Les relations entre régression autistique et/ou langagière et épilepsie ou anomalies EEG ont été largement étudiées dans l’autisme, avec des résultats contradictoires. Certaines publications font état d’un taux plus élevé d’épilepsie (Kurita, 1985
; Hoshino et coll.
, 1987 ; Kobayashi et Murata, 1998
; Hrdlicka et coll., 2004
) et de troubles du sommeil chez des enfants avec régression autistique que chez les enfants autistes sans notion de régression (Giannotti et coll., 2008
). En revanche, d’autres études ne trouvent pas de relation significative (Tuchman et coll., 1991
; Rossi et coll., 1995
; Tuchman et Rapin, 1997
; Shinnar et coll., 2001
; Canitano et coll., 2005
). Les résultats opposés de ces études suggèrent que des mécanismes probablement hétérogènes président au phénomène de régression autistique. Cependant, la publication d’observations décrivant une amélioration substantielle de la régression autistique après traitement de l’épilepsie − qu’il s’agisse d’un traitement médicamenteux ou chirurgical (notamment en cas de foyer épileptique temporal) (Gillberg et coll., 1996
; Neville et coll., 1997
; Nass et coll., 1999
) − suggère que chez certains patients, l’activité épileptique sous-tend bien, au moins en partie, la régression autistique.
Une analogie entre l’autisme et le syndrome de Landau-Kleffner fait suggérer qu’une activité épileptique sub-clinique pourrait jouer un rôle pathogène dans l’autisme. Comme pour l’association entre régression autistique et épilepsie, les résultats des travaux sur l’association entre régression et anomalies épileptiformes sont contradictoires : si certains auteurs ont mis en évidence une association significative entre régression et anomalies épileptiformes dans l’autisme (Tuchman et Rapin, 1997
; Nass et coll., 1998
; Lewine et coll., 1999
; Giannotti et coll., 2008
), plusieurs études ont montré l’absence d’association entre ces évènements (Kurita et coll., 1992
; Rossi et coll., 1995
; Hrdlicka et coll., 2004
; Canitano et coll., 2005
; Baird et coll., 2006
et 2008
; Chez et coll., 2006
). Néanmoins, la majorité des informations cliniques des enfants étudiés est rétrospective et les explorations EEG sont souvent effectuées plusieurs mois voire plusieurs années après la régression. La concomitance de ces évènements en temps réel est donc difficile à établir.
Évolution de l’épilepsie
Sur le plan du pronostic de l’épilepsie dans la population générale, environ 64 % des sujets qui ont présenté des crises convulsives dans l’enfance seront en rémission à l’âge adulte. Parmi eux, seuls 16 % seront encore sous traitement (Guerrini, 2006
). Chez les individus avec autisme, l’évolution de l’épilepsie semble moins bonne. Ainsi, l’étude d’une cohorte de 120 sujets avec autisme dont 42 présentaient une épilepsie montre que l’épilepsie persistait durant toute la vie chez la majorité d’entre eux puisque seuls 16% d’entre eux avaient une épilepsie en rémission (Danielsson et coll., 2005
). Dans une cohorte portant sur 127 sujets avec un trouble autistique idiopathique et au moins une crise d’épilepsie, âgés de 3 à 49 ans, les crises d’épilepsie étaient résistantes au traitement chez un tiers des sujets et un âge de début des crises significativement plus jeune était observé chez les individus avec des crises résistantes comparés aux individus sans crise (Sansa et coll., 2011
).
Une morbidité liée aux traumatismes résultant des crises d’épilepsie chez les sujets avec autisme est également notée. Ainsi, Danielsson et coll. rapportent que des traumatismes sévères secondaires à un état de mal épileptique sont survenus chez 11 des 42 individus (26 %) tels que quasi-noyade, fracture ou traumatisme cérébral (Danielsson et coll., 2005
). Plus récemment, Mouridsen et coll. ont étudié la prévalence de fracture dans une population de 118 sujets avec autisme pris en charge en institution spécialisée suivis pendant une durée moyenne de 30,3 ans et âgés de 42,7 ans en moyenne. Une fracture est rapportée chez 5 des 29 sujets ayant une épilepsie associée (17,2 %) et chez 9 des 89 sujets sans épilepsie associée (10,1 %). Cependant, cette différence n’est pas significative et la prévalence de fracture est significativement plus élevée dans une population témoin issue de la population générale (24,7 %) que chez les individus avec autisme (11,9 %) (Mouridsen et coll., 2012
).
L’épilepsie semble un motif d’hospitalisation notable chez les patients avec autisme. Danielsson et coll.
rapportent que 16 (38 %) des 42 sujets avec autisme et épilepsie décrits ont été hospitalisés pour état de mal épileptique (Danielsson et coll., 2005
). Récemment, Scarpinato et coll. ont étudié les motifs d’hospitalisation des enfants avec un trouble du spectre autistique admis dans un service de soins pédiatrique aigu de 459 lits au
Children’s Hospital de Philadelphia (Pennsylvanie, États-Unis) (Scarpinato et coll., 2010
). Sur une période de 18 mois, 216 enfants avec un TSA avaient été hospitalisés, les TSA étaient à l’origine de l’hospitalisation pour seulement 2 enfants. Une épilepsie ou des convulsions et d’autres troubles neurologiques étaient le motif d’hospitalisation le plus fréquent (36 %), suivi par des troubles gastro-intestinaux (16 %) et des troubles respiratoires (10 %). Le reste des admissions étaient liées à des troubles médicaux, chirurgicaux, mentaux ou autres variés.
Prise en charge et accompagnement
Traitements médicamenteux
Le choix des antiépileptiques tient compte de plusieurs choses : le type de crises, la sévérité et la chronicité de l’épilepsie, les comorbidités, la susceptibilité aux effets secondaires et les interactions médicamenteuses (Smith, 2006
). De nombreuses études ont rapporté des effets secondaires des antiépileptiques d’ordre comportemental ou cognitif. Cependant, ces résultats sont en partie non conclusifs et contradictoires en raison de l’hétérogénéité des groupes de patients étudiés et des outils d’évaluation psychopathologiques variés et parfois inappropriés (Martin et Brown, 2009
). Une polythérapie devrait être évitée pour les sujets ayant un trouble du développement, la réduction de 3 ou plus antiépileptiques à 1 ou 2 ayant montré son efficacité par l’amélioration de la fréquence des crises, des effets secondaires et des mesures de qualités de vie (Smith, 2006
).
Accompagnement
L’importance de la formation des aidants et des soignants sur l’épilepsie est soulignée par plusieurs auteurs. Dans une étude portant sur 478 individus avec un déficit intellectuel, Codling et MacDonald observent chez les aidants un manque de sensibilisation et de connaissance sur l’épilepsie portant en particulier sur l’identification des crises, le traitement en cours, la conduite à tenir en cas d’urgences et les services accessibles localement (Codling et MacDonald, 2009
). Afin d’améliorer la prise en charge et la qualité de vie des patients, ils proposent une réorganisation du parcours de soins avec un rôle de coordination confié à l’infirmière ainsi qu’une formation sur l’épilepsie (Codling et MacDonald, 2009
). Glauser propose que les aidants soient formés par les cliniciens à reconnaître les manifestations objectives (changement de poids, vomissements, ataxie, nystagmus, changement des habitudes de sommeil) ou subjectives (changements des routines, sauts d’humeur, changement dans les habitudes alimentaires, le niveau d’activité ou l’hygiène/apparence personnelle) liées à des effets secondaires des traitements antiépileptiques (Glauser, 2004
).
La pertinence et l’importance des interventions psychosociales et éducatives auprès des sujets avec une épilepsie et un handicap intellectuel sont notées ; pourtant peu d’études portent sur leur évaluation ainsi que sur l’évaluation du risque et de la prise de décision dans le cadre des soins (Smith, 2006
).
Pour les sujets ayant un autisme et une épilepsie, les consultations médicales et les hospitalisations peuvent être plus fréquentes. Il convient d’être attentif aux particularités de la prise en charge : les modalités d’accueil (ambiance réduisant le plus possible les stimulations sensorielles, limitation des allées et venues dans les chambres, limitation des interventions qui pourraient être difficiles pour l’enfant), la prise en compte des difficultés de communication tant verbales que non verbales (en particulier en ce qui concerne la douleur), la nécessité de développer un partenariat avec les familles et les aidants afin d’établir des stratégies de communication efficaces pour les enfants avec un TSA (Scarpinato et coll., 2010
).
Trajectoires et qualité de vie
Peu d’études se sont intéressées au devenir à long terme des patients avec un autisme et une épilepsie et ce sont essentiellement des données de mortalité qui sont disponibles. Dans la population générale, la surmortalité des individus atteints d’une épilepsie est reconnue (Forsgren et coll., 2005
). On retrouve cette observation chez les sujets avec autisme. L’analyse des données du
California State Department of Developmental Services montre un taux de mortalité plus élevé qu’attendu chez les individus avec autisme et épilepsie comparés aux individus avec un autisme seul (Pickett et coll., 2011
). Gillberg et coll. ont étudié la mortalité d’une cohorte suédoise de 120 individus avec autisme nés entre 1962 et 1984 (Gillberg et coll., 2010
). Après un suivi d’une durée moyenne de 17,8 ans (± 3,6 ans), les sujets étaient âgés de 33,2 ans en moyenne (± 6,6 ans) et 9 d’entre eux étaient décédés (7,5 %), un taux 5,56 fois plus élevé qu’en population générale. Cinq des 9 individus décédés présentaient une épilepsie, tous étaient des femmes. Cependant, si l’épilepsie était plus fréquente dans le groupe de femmes avec une mort précoce, la différence n’était pas significative. Dans 4 situations, c’est à l’épilepsie que le décès a été imputé (« décès brutal et inattendu dans l’épilepsie » ou Sudep «
sudden unexpected death in epilepsy »).
Autisme et surdité
Fréquence de cette association
Les aspects épidémiologiques de l’association entre autisme et surdité ont fait l’objet de peu de travaux. Au sein d’une population de 1 150 enfants avec un déficit auditif, Jure et coll. observent que 46 enfants présentent un autisme selon les critères du DSM-III (soit une prévalence de 4 %) (Jure et coll., 1991
). Le déficit auditif était qualifié de léger (perte auditive de la meilleure oreille de 25 à 44 dB) chez 1 enfant, de moyen (perte auditive de 45 à 69 dB) chez 8 enfants, de sévère (perte auditive >70 dB) chez 37 enfants. Plus récemment, le rapport annuel du
Gallaudet Research Institute évalue que parmi 37 828 enfants avec un déficit auditif pris en charge dans un programme d’éducation spécialisée aux États-Unis, 1 enfant sur 67 présente un autisme associé (
Gallaudet Research Institute, 2011
). Rosenhall et coll. ont étudié un groupe de 199 enfants et adolescents avec autisme : une perte d’audition permanente légère à modérée (perte auditive de 20 à 40 dB) était décrite chez 7,9 % des individus ; une perte d’audition unilatérale sévère et un déficit auditif léger controlatéral étaient observés chez 1,6 % des individus ; un déficit auditif bilatéral profond (perte auditive de 40 à 70 dB) ou sévère (perte auditive >70 dB) était observé chez 3,5 % des individus (Rosenhall et coll., 1999
).
De nombreuses causes peuvent être à l’origine de l’autisme et de la déficience auditive, certaines comme la rubéole, le cytomégalovirus, l’herpès, la varicelle, la toxoplasmose, la syphillis, les oreillons, la prématurité et l’
heamophilus influenza pouvant avoir pour conséquence d’autres déficits associés (McCay et Rhodes, 2009
). Ainsi parmi les 46 enfants sourds avec autisme décrits par Jure et coll., des anomalies congénitales ou néonatales (infectieuses, prématurité, syndrome malformatif majeur) étaient retrouvées chez 23 enfants (50 %) (Jure et coll., 1991
). La surdité était d’origine génétique chez 6 enfants (13 %) et un antécédent familial d’autisme était retrouvé chez 1 enfant (2,1 %). Une épilepsie était associée chez 8 enfants (17,3 %).
Rosenhall et coll. observent une otite séreuse moyenne chez 28 des 162 enfants (23,5 %) avec autisme ayant été examinés avec par autoscopie et/ou tympanométrie (Rosenhall et coll., 1999
). Une surdité de transmission était présente chez 24 d’entre eux. Sans pouvoir étayer leur hypothèse, les auteurs suggèrent que des anomalies anatomiques de l’oreille moyenne chez les enfants avec autisme soient à l’origine de cette prévalence élevée d’otite séreuse.
Perturbations associées
Il semble désormais établi que la répartition des QI dans la population des enfants déficients auditifs est tout à fait comparable à celle des enfants entendants (Lauwerier et coll., 2003
). Concernant les enfants sourds avec autisme, le niveau intellectuel évalué chez 46 enfants sourds avec autisme étudiés par Jure et coll. était normal dans 8 cas ; 13 enfants présentaient un retard mental léger à modéré et 15 enfants avaient probablement un retard mental sévère (Jure et coll., 1991
). Rosenhall et coll. ne retrouvaient pas d’association significative entre retard mental et déficit auditif : une perte auditive était observée chez 10,5 % (15/143) des enfants avec autisme et retard mental et chez 7,3 % (4/55) des enfants avec autisme sans retard mental (Rosenhall et coll., 1999
).
Dans une revue de 11 études portant sur les performances d’enfants sourds à des tests de fausses croyances, Peterson et Siegal observent que, de la même façon que les enfants avec autisme, les enfants sourds issus de familles entendantes échouent à des tâches de théorie de l’esprit à des âges chronologiques et mentaux avancés alors que les enfants sourds issus de familles avec des membres sourds utilisant le langage des signes développent le concept de fausses croyances à un âge normal (Peterson et Siegal, 2000
). Peu de travaux se sont intéressés aux spécificités de la symptomatologie autistique chez les enfants sourds. Chez les 46 enfants sourds avec autisme qu’ils décrivent, Jure et coll. ne retrouvent aucune corrélation entre l’importance du déficit auditif et la sévérité de la symptomatologie autistique. Roper et coll. ont comparé 13 étudiants avec autisme sévèrement ou profondément sourds (âge moyen 19 ans et 3 mois) avec 12 étudiants entendants avec autisme ayant tous un langage (âge moyen 18 ans et 4 mois) et n’observent aucune différence significative aux scores de l’
Autism Behavior Scale (ABC) et de l’
Interaction Assessment (Roper et coll., 2003
).
Diagnostic du trouble auditif dans l’autisme
Dans son rapport publié en 2010 sur l’État des connaissances sur l’autisme et les TED, la HAS recommande de dépister les troubles de l’audition par un examen systématique de l’audition (HAS, 2010
).
Plusieurs auteurs soulignent les difficultés d’évaluation de l’audition chez les enfants avec autisme (Rosenhall et coll., 1999
; Gayda et Saleh, 2002
et 2004
; Deggouj et Eliot, 2005
). La réalisation des tests subjectifs (basés sur les modifications comportementales afin de vérifier si les réactions auditives sont normales) chez les jeunes enfants avec des troubles du comportement sont difficiles et imposent souvent plusieurs séances de tests. En effet, les réactions auditives des enfants avec autisme sont inconstantes et indépendantes de la fréquence et de l’intensité des sons présentés. Les capacités d’imitations, de répétition et de coopération imposés par les tests subjectifs les rendent généralement impraticables chez les enfants avec autisme (Gayda et Saleh, 2004
; Deggouj et Eliot, 2005
).
Les tests objectifs sont indispensables pour mesurer les seuils auditifs et préciser le lieu d’origine de la surdité éventuelle (Deggouj et Eliot, 2005
). Néanmoins, ces méthodes ont leurs limites et doivent s’intégrer dans un bilan fonctionnel plus complet, suivant la clinique et les épreuves subjectives (Gayda et Saleh, 2002
). Les tests objectifs sont réalisés après une otoscopie correcte permettant d’éliminer un éventuel bouchon de cérumen ou un problème d’oreille moyenne, des examens difficiles à réaliser nécessitant parfois plusieurs rendez-vous avant que l’enfant avec autisme accepte d’être touché (Deggouj et Eliot, 2005
). Les difficultés de sédation amènent souvent à une anesthésie générale (Gayda et Saleh, 2002
).
Diagnostic de l’autisme dans la déficience auditive
Le diagnostic de trouble du spectre autistique est difficile dans le contexte de perte auditive : les troubles de la communication sont observés tant dans l’autisme que dans les troubles auditifs (Easterbrooks et Handley, 2005
). Outre la difficulté à distinguer les caractéristiques de l’autisme des caractéristiques de la surdité, les outils diagnostiques de l’autisme ne sont pas adaptés aux enfants sourds (Szymanski et Brice, 2008
). Évoquant les tests d’évaluation cognitive, Lauwerier et coll. soulignent l’absence de normes adaptées aux enfants déficients auditifs et le manque de compétences et d’expérience des examinateurs dans la communication avec l’enfant sourd (Lauwerier et coll., 2003
).
L’âge du diagnostic de l’autisme semble être plus tardif chez un enfant sourd que chez un enfant entendant (Roper et coll., 2003
; Mandell et coll., 2005
). Chez les 46 enfants sourds avec autisme décrits par Jure et coll., l’âge moyen du diagnostic de la perte d’audition est de 2 ans alors que l’âge moyen du diagnostic d’autisme est de 4 ans (Jure et coll., 1991
). Roper et coll. ont comparé 13 étudiants avec autisme et surdité sévère ou profonde à 12 étudiants entendants avec autisme ayant tous un langage. L’âge moyen du diagnostic de l’autisme (connu chez 9 sujets sourds et 6 sujets entendants) était significativement plus élevé chez les 9 sujets sourds (âgés de 5 à 16 ans) que chez les 6 sujets entendants (âgés de 4 à 11 ans). De la même façon, dans une étude rétrospective portant sur 969 enfants avec un trouble du spectre autistique, Mandell et coll. observent que les enfants avec un déficit auditif reçoivent un diagnostic d’autisme presque 10 mois plus tard que les autres enfants (Mandell et coll., 2005
).
En matière de dépistage précoce de l’autisme chez les enfants sourds, Szymanski et Brice (2008
) proposent une liste de signes cliniques précoces faisant suspecter un autisme chez les enfants sourds (tableau 10.I
).
Tableau 10.I Signes cliniques précoces faisant suspecter un autisme chez les enfants sourds (traduit de Szymanski et Brice, 2008)
Résiste à être porté ou câliné
Ne répond pas à l’appel de son nom quand il est signé ou quand l’attention est partagée
A des difficultés à s’engager dans l’attention partagée. Les enfants sans autisme vont souvent suivre visuellement les objets dans une pièce ou regarder dans la même direction que le personnel soignant
A des difficultés pour imiter les expressions faciales et les actions des soignants (sourire, tirer la langue, taper des mains)
Utilise de façon limitée le contact visuel même quand c’est nécessaire pour communiquer
A des difficultés à comprendre les besoins et les sentiments des autres (si quelqu’un se blesse, est-ce que l’enfant demande si la personne va bien ?)
A des réactions inhabituelles à l’environnement qui ne peuvent pas être attribuées à la perte auditive, telles que la peur des feux clignotant, l’évitement des odeurs et de certaines textures, le refus des supports auditifs à cause d’une sensibilité sensorielle
Retard par rapport aux pairs dans le développement du langage, développement des compétences de signes lent même dans un environnement signant non exclusif
A des difficultés à comprendre le langage des signes ou le langage verbal à moins qu’il soit simplifié
Ne joue pas de la même façon que ses pairs du même âge. Jeux rigides et non imaginatifs
Montre un intérêt intense dans une activité ou un objet particulier
A des difficultés à interagir avec les autres élèves sourds ou malentendants, même avec un accès au langage
Résiste aux changements dans les routines, même si les changements sont clairement annoncés
|
Prise en charge et accompagnement
Les enfants sourds avec autisme ont besoin d’un programme éducatif identifiant précocement leurs difficultés et prenant en compte à la fois l’autisme et la surdité pour qu’une intervention adaptée soit mise en place (Steinberg, 2008
). Ainsi, Miller et Funayama soulignent qu’actuellement, un enfant sourd avec autisme est généralement considéré comme un enfant sourd d’abord (du fait de l’importance de la communication) et un enfant autiste ensuite, mettant ainsi l’accent sur l’importance des besoins de communication visuo-spatiale présent chez tout enfant sourd (Miller et Funayama 2008
). Les auteurs soulignent l’importance d’une prise en charge multidisciplinaire tenant compte des difficultés spécifiques de ces enfants (Gayda et Saleh, 2004
; Deggouj et Eliot, 2005
; Steinberg, 2008
). Gayda et Saleh rappellent que les enfants sourds pallient par la vision ce qu’ils ne peuvent entendre et décrivent certaines caractéristiques architecturales conçues pour les enfants avec autisme et polyhandicapés de l’hôpital de jour (HDJ) où ils travaillent : locaux spacieux, lumineux, insonorisés, vitrages transparents (Gayda et Saleh, 2004
).
Sur un plan plus médical, il est noté une difficulté de l’acceptation des aides auditives et de leur adaptation chez les enfants sourds avec autisme (Deggouj et Eliot, 2005
). Dans une revue sur l’utilisation des implants cochléaires chez les enfants ayant des handicaps associés, Edwards
rappelle que dans les premières années des implantations cochléaires pédiatriques, cette procédure était considérée comme inappropriée chez les enfants ayant une déficience significative associée à la surdité : un diagnostic confirmé de trouble du spectre autistique était une contre-indication typique à l’implantation cochléaire (Edwards, 2007
). Allant dans ce sens, Deggouj et Eliot rapportent que les troubles du comportement limitent le nombre d’indications d’implantation cochléaire (Deggouj et Eliot, 2005
). Néanmoins, Edward explique que les critères d’éligibilité à l’implantation cochléaire se sont élargis ces dernières années ; actuellement, étant donné l’âge de plus en plus précoce auquel un implant est posé, le diagnostic d’autisme est porté après l’implantation chez un certain nombre d’enfants.
Deux études soulignent les difficultés d’orientation des enfants sourds avec autisme. Dans leur étude portant sur 46 enfants âgés de 3 à 22 ans évalués entre 1966 et 1988 à
St Joseph’s School for the deaf (États-Unis), Jure et coll. observent qu’il n’y a pas de programme spécifique pour les enfants sourds avec autisme (Jure et coll., 1991
). Ils notent que l’expérience éducative de 9 enfants a été désastreuse en raison d’erreur diagnostique et/ou de manque de classe appropriée. Plus récemment, Gayda et Saleh ont étudié l’orientation et le devenir de 48 enfants avec autisme polyhandicapés pris en charge au sein de l’hôpital de jour Georges-Vacola (Fédération Anpeda, Paris) (Gayda et Saleh, 2004
). Ouvert à Paris en 1984, cet HDJ prend en charge 12 enfants sourds atteints de troubles graves de la personnalité âgés de 4 à 16 ans. Entre l’ouverture de l’HDJ et mars 2003, 48 enfants ont quitté l’établissement après une prise en charge d’une durée moyenne d’un peu moins de 4 ans (3 mois à 8 ans et 10 mois). À leur sortie de l’HDJ, la plus grande partie des enfants ont suffisamment progressé pour trouver une orientation, en dépit de la lourdeur de leur polyhandicap initial. Cependant, les auteurs notent le manque de structures, en particulier en externat, à Paris et en Île-de-France, tout comme d’internats proches du domicile des parents qui a conduit à d’importantes prolongations. L’étude du devenir (les sujets sont âgés de 12 à 31 ans) montre que 17 jeunes sont en internat ou en foyer occupationnel ou à double tarification, 16 jeunes sont intégrés dans une filière pédagogique ou d’apprentissage ou de travail adapté, un jeune est en hôpital psychiatrique et 7 jeunes sont sans solution en famille. Enfin, différentes familles ont connu d’importantes périodes de ruptures dans la prise en charge avec le retour de leur enfant à la maison.
Autisme et cécité
Fréquence de cette association
Chez les sujets avec autisme, une revue fondée sur 5 études a évalué la prévalence d’une déficience visuelle entre 0 et 11,1 % (médiane 1,3 %) (Fombonne, 2003
). Chez les enfants avec une déficience visuelle, la prévalence des troubles du spectre autistique a été évaluée entre 0 à 53,3 % pour l’ensemble autisme et traits autistiques (Carvill, 2001
; HAS, 2010
). La méthodologie de ces études, la taille des groupes étudiés, les critères diagnostiques utilisés, les causes de la déficience, le degré de sévérité de la déficience et les troubles associés sont très variables d’une étude à l’autre compliquant leur interprétation.
Certains travaux se sont particulièrement intéressés à l’association de l’autisme dans la rétinopathie du prématuré (Keeler, 1958
; Chase, 1972
; Ek et coll., 1998
), l’amaurose de Leber (Rogers et Newhart-Larson, 1989
) ou la rubéole congénitale (Chess, 1971
), proposant l’hypothèse de facteurs étiologiques communs. Lorsqu’un autisme et une déficience visuelle sont associés, on observe une fréquence élevée de troubles évoquant un dysfonctionnement ou une lésion cérébrale (infirmité motrice cérébrale, épilepsie, retard mental) (Ek et coll., 1998
; Mukaddes et coll., 2007
).
Le développement normal des enfants avec un déficit visuel est mal connu (Cass, 1998
). Certains auteurs soulignent que les enfants aveugles se développant normalement partagent de nombreux traits avec les enfants voyants avec autisme, incluant l’écholalie, l’inversion pronominale, le retard dans le développement du jeu symbolique, les comportements d’auto-stimulation, la limitation en théorie de l’esprit et en jeu de faire semblant et le «
blindism » (stéréotypies, comportements répétitifs fréquemment observés chez les enfants aveugles) (Cass, 1998
; Mukaddes et coll., 2007
). Récemment, Parr et coll. ont étudié 83 enfants avec un déficit visuel profond ou sévère. Quarante huit enfants (58 %) avaient au moins une difficulté dans le domaine des comportements sociaux, de la communication et des comportements répétitifs/stéréotypés. Parmi ces enfants, 31 (37 %) avaient des difficultés dans les 3 domaines et 26 enfants parmi les 31 (31 %) avaient reçu un diagnostic de trouble du spectre autistique (Parr et coll., 2010
).
De façon plus particulière, l’équipe de Sonksen et Dale s’est intéressée à l’évolution développementale médiocre de certains enfants avec une déficience visuelle (Cass et coll., 1994
; Dale et Sonksen, 2002
; Sonksen et Dale, 2002
; Dale, 2005
). Cent deux enfants avec un déficit visuel sévère d’étiologies diverses ont été suivis sur le plan développemental pendant une durée de 15 ans (Cass et coll., 1994
). Une régression développementale entre la deuxième et la troisième année de vie était observée chez 11 (11 %) d’entre eux. Cette régression était définie par une stagnation ou une régression d’au moins un sous-score de l’échelle de Reynell-Zinkin entre deux évaluations consécutives ou la majoration de troubles des interactions sociales et/ou de la communication. Le risque de régression était significativement plus élevé chez les enfants aveugles durant tout le suivi comparés aux enfants avec une meilleure évolution de leur trouble visuel. Complétant leur recherche par l’étude d’un groupe de 69 enfants avec une déficience visuelle liée à un trouble congénital du système visuel périphérique sans trouble neurologique associé (un chevauchement avec la population précédente est à noter), Dale et Sonksen rapportent une régression développementale chez 15 enfants (22 %) (Dale et Sonksen, 2002
). Le risque de régression est significativement plus élevé chez les enfants avec un trouble visuel profond comparé aux enfants avec un trouble visuel sévère. Les auteurs soulignent la similitude de cette régression avec la régression autistique observée chez certains enfants avec autisme. Néanmoins, aucune des publications ne rapporte de mesure spécifique de la symptomatologie autistique et la relation entre la régression et l’autisme chez les enfants mal voyants est encore mal comprise (Dale, 2005
).
Diagnostic d’un trouble visuel dans l’autisme
Dans son rapport publié en 2010 sur l’état des connaissances sur l’autisme et les TED, la HAS recommande de dépister les troubles de la vision par un examen systématique de la vision (HAS, 2010
). Cependant, peu de données ont été trouvées dans la littérature sur les modalités d’évaluation de la vision chez les enfants avec autisme. Récemment, Ikeda et coll. ont étudié de façon rétrospective les dossiers de 407 enfants diagnostiqués avec un trouble du spectre autistique entre 1998 et 2006 (Ikeda et coll., 2012
). Seuls 154 d’entre eux avaient bénéficié d’un examen ophtalmologique pédiatrique et l’âge moyen de leur première évaluation était de 3 ans et 3 mois. Seulement 40 % des patients s’étaient montrés coopérants pour une évaluation de l’acuité visuelle. Chez les patients non coopérants, 36 patients (39 %) avaient un trouble visuel (strabisme, amblyopie, erreur réfractive ou tout autre pathologie oculaire). Les auteurs soulignent la difficulté d’une évaluation visuelle dans le cadre des soins primaires chez de jeunes enfants avec autisme, la plupart des tests proposés pour évaluer la vision à cet âge là requérant la reconnaissance et la communication de symboles visuels ou une coopération comportementale.
Diagnostic de l’autisme dans la déficience visuelle
Quelques auteurs soulignent la difficulté de l’évaluation de la symptomatologie autistique chez les enfants avec une déficience visuelle. En effet, plusieurs items des outils standardisés les plus utilisés dans l’autisme sont dépendants de la vision et il n’y a pas de mesures standardisées du développement de la communication sociale et de l’autisme adaptées pour les enfants avec un trouble visuel (Cass, 1998
; Ek, 2010
; Parr et coll., 2010
). Néanmoins, Ulla Ek note que l’
Autism Diagnostic Interview (ADI) est un outil utile chez les enfants aveugles (Ek, 2010
).
Une étude a porté sur l’évaluation des capacités de dépistage de l’
Autism Behavior Checklist (ABC) chez 17 enfants aveugles (Goodman et Minne, 1995
). Les auteurs montrent que, dans sa forme originale et dans un format modifié, l’ABC était d’une utilité limitée pour distinguer les enfants aveugles avec et sans TED. Ces résultats viennent confirmer ceux de Rogers et Newhart-Larson qui observent que la
Childhood Autism Rating Scale (CARS) présente un intérêt discriminatoire plus élevé que l’ABC (Rogers et Newhart-Larson, 1989
).
Perturbations associées
Sévérité du déficit visuel
La sévérité de la déficience visuelle n’est pas toujours précisée. Afin de s’adapter aux besoins fonctionnels des enfants de moins de 6 ans, l’équipe de Sonksen et Dale a développé sa propre échelle de graduation du déficit visuel, la
Near Detection Vision Scale (Sonksen et Dale, 2002
). Cette échelle fonctionnelle permet de graduer les degrés de déficit plus faibles que les limites inférieures de certaines échelles.
L’étude d’une population de 257 enfants et adolescents avec une déficience visuelle allant de totale à sévère selon les critères de la CIM-10 dont 30 présentent un trouble autistique selon les critères du DSM-IV montre que les sujets avec un trouble autistique sont plus sévèrement atteints sur le plan visuel que les sujets sans trouble autistique (Mukaddes et coll., 2007
).
Retard mental
Mukkades et coll. ont décrit une population de 257 enfants et adolescents âgés de 7 à 18 ans scolarisés dans deux établissements spécialisés pour déficients visuels : le niveau intellectuel, évalué par l’échelle de Stanford-Binet ou l’échelle de Wechsler, était significativement plus faible chez les 30 sujets ayant un diagnostic de trouble autistique (Mukaddes et coll., 2007
). De la même façon, Parr et coll. ont étudié 83 enfants âgés de 10 mois à 6 ans ayant un trouble visuel sévère ou profond ; onze d’entre eux présentaient un trouble du spectre autistique lors de leur dernière évaluation. Le quotient de développement, évalué avec l’échelle de Reynell-Zinkin, était significativement plus faible chez les enfants avec un diagnostic de trouble du spectre autistique (Parr et coll., 2010
).
Symptomatologie autistique
Hobson et coll. ont comparé 9 enfants avec autisme avec une cécité congénitale appariés sur l’âge et le QI-verbal avec 9 enfants voyants avec autisme (Hobson et coll., 1999
). Ils observent des similitudes importantes entre les groupes mais des différences sont suggérées entre les groupes, en particulier dans le domaine des réponses socio-émotionnelles évaluées à l’aide de la CARS.
Prise en charge et accompagnement
Aucune publication portant spécifiquement sur les modes d’accueil et de prise en charge des enfants avec autisme et une déficience visuelle n’a été retrouvée.
Récemment, Lund et Troha se sont intéressés à l’utilisation d’un protocole modifié par des symboles tactiles du
Picture Exchange Communication System (PECS) (Lund et Troha, 2008
). Le PECS est un système de communication par échange d’images développé par Bondy et Frost dans les années 1980 pour apprendre aux enfants avec autisme une communication fonctionnelle et autonome. Lund et Troha décrivent 3 adolescents aveugles avec autisme âgés de 12 à 17 ans. Si un seul des participants a effectué toutes les phases du programme d’instruction, tous ont montré des progrès dans l’utilisation du symbole tactile adapté pour réclamer l’activité ciblée à l’issue immédiate du programme (par exemple, trouver l’interlocuteur et lui remettre le symbole tactile).
Trajectoires et qualité de vie
Hobson et Lee décrivent un groupe de 9 enfants ayant une cécité congénitale et un autisme (évalué selon les critères du DSM-III) (Hobson et Lee, 2010
). Ces enfants étaient tous scolarisés dans des établissements spécialisés pour enfants avec une déficience visuelle, ils ne présentaient pas de trouble neurologique évident et leur QI verbal moyen était de 63,38. Ils ont été évalués à l’âge moyen de 6,6 ans puis à l’âge de 15 ans. Lors de cette seconde évaluation, les auteurs observent que seul un de ces neuf sujets présente des troubles remplissant les critères de l’autisme alors que le diagnostic de 9 individus témoins voyants avec autisme reste identique, suggérant que le déficit visuel joue un rôle dans le développement de ces enfants. Tous ont des scores moins élevés à la CARS et montrent un développement marqué du langage et une augmentation du QI. Néanmoins, des anomalies légères persistent dans les relations aux autres et la réponse émotionnelle.
En conclusion, les associations autisme-épilepsie, autisme-surdité et autisme-cécité sont complexes et encore relativement mal connues. Leurs études sont marquées par une grande hétérogénéité méthodologique rendant leur interprétation difficile. Cette hétérogénéité, en particulier lorsque l’autisme est associé à un déficit sensoriel, est en partie due aux difficultés d’évaluation liées aux particularités comportementales et au manque d’outils adaptés.
On note une grande pauvreté de la littérature dans les domaines de la prise en charge, des modalités d’accueil et du devenir. Néanmoins, l’importance d’une prise en charge multidisciplinaire et d’une formation aux particularités de chacun des handicaps peut être soulignée.
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