Parabènes


ANALYSE

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Conclusions et perspectives de recherche

En raison de leurs propriétés antibactérienne et antifongique, les parabènes sont employés comme conservateurs, en particulier dans les produits cosmétiques et certaines spécialités pharmaceutiques. Pour la première fois en 2004, ces composés ont été retrouvés intacts dans des tissus adipeux de carcinomes mammaires. Bien que leur présence dans ces tissus n’implique pas un rôle fonctionnel dans le développement de la maladie, ces premiers résultats ont suscité un intérêt important pour ces composés. Depuis, la quantification des parabènes (libres ou conjugués) dans les urines a été proposée comme biomarqueur spécifique de leur exposition. Ils ont été retrouvés dans la majorité des échantillons urinaires de populations nord-américaine et européenne (n’ayant pas a priori d’exposition atypique connue à ces composés).
L’absorption dermique des parabènes chez l’Homme a été mise en évidence par de nombreuses études in vitro et in vivo. Les études animales de l’absorption des parabènes par voie cutanée chez le rat sont à interpréter avec prudence, compte tenu des différences de capacité métabolique des peaux. Par voie orale ou assimilée, les études animales (rat, chien, chat et lapin) ont montré que l’absorption des parabènes est rapide (en heures) et importante. Quelle que soit l’espèce étudiée, la métabolisation des parabènes aboutit à l’hydrolyse de ces derniers en acide para-hydroxybenzoïque (PABA) qui est le métabolite principal. Les parabènes (composés parents) ont également été retrouvés dans le cerveau, la rate et le pancréas tandis que les métabolites ont été détectés dans le foie et les reins. Chez la femelle gestante, l’éthyl et le butyl parabènes peuvent se concentrer (jusqu’à 10 fois) dans le liquide amniotique. Les quelques études réalisées chez l’homme par voie orale montrent des résultats similaires : absorption rapide, métabolisation importante et rapide et forte excrétion. Finalement, les voies d’exposition à ces composés par absorption dermique et par ingestion sont à considérer pour expliquer l’imprégnation de la population générale.
Dès 1998, des études in vitro s’intéressant aux mécanismes d’action de ces composés ont mis en évidence la capacité des parabènes à se lier au récepteur œstrogénique, et cette activité œstrogénique serait fonction de la longueur des chaînes alkyles de différents parabènes (méthyl, éthyl, propyl, butyl). Une activité anti-androgénique a également été observée plus récemment in vitro avec les méthyl, propyl et butyl parabènes. Enfin, les parabènes pourraient exercer une activité « indirecte » de perturbation endocrine par l’inhibition des sulfotransférases, enzymes nécessaires à la régulation de l’action des œstrogènes in vivo.
Les études in vivo chez les mammifères ont été réalisées principalement chez le rat et la souris, par administration par voie orale ou sous-cutanée, sur des animaux jeunes. Chez le mâle, aucun effet sur les fonctions reproductives n’a été observé pour les méthyl et éthyl parabènes. Pour les propyl et butyl parabènes, les résultats apparaissent controversés et contradictoires en particulier pour le butyl parabène. La plupart des études chez la femelle s’appuient sur des animaux immatures ou ovariectomisés et ont montré des résultats variables : des effets utérotrophiques pour chacun des parabènes et pour le PABA ainsi qu’une absence d’effet ont pu être observés. Trop peu d’études animales se sont intéressées à ce jour aux expositions in utero à ces composés. Chez les poissons, l’ensemble des données disponibles suggère que les parabènes présentent une action œstrogénique in vivo (induction de la vitellogénine et/ou des choriogénines par les parabènes chez la truite, le medaka et le vairon).
Peu d’études épidémiologiques existent à ce jour, en particulier en raison du développement récent des méthodes de dosages chimiques des parabènes dans les matrices biologiques permettant de mesurer l’exposition humaine à ces composés. Ces données épidémiologiques se sont intéressées à la qualité spermatique et au risque de cancer du sein (exposition mesurée par l’usage de déodorants ou d’anti-transpirants). Elles sont à ce jour insuffisantes et ne permettent ni d’écarter clairement un impact de l’exposition humaine aux parabènes, ni d’apporter de la plausibilité à cet impact possible sur la santé reproductive humaine.
Aujourd’hui, d’autres études épidémiologiques, en particulier longitudinales caractérisant les expositions dès la vie intra-utérine, doivent être encouragées, ainsi que des études chez l’animal prenant en compte la réalité des expositions humaines à des mélanges de parabènes (ceux observés majoritairement dans les produits cosmétiques et les médicaments). Bien que certains résultats chez l’animal puissent paraître rassurants en particulier pour l’éthyl et le méthyl parabènes quant à la santé reproductive humaine, de nombreuses questions restent encore inabordées. L’impact d’une exposition in utero aux parabènes est mal déterminé malgré la présence de ces composés démontrée dans le liquide amniotique (rat). Il concerne aussi bien le développement des organes reproducteurs, que la croissance intra-utérine et le développement neuropsychologique et comportemental des enfants, qui sont hors du champ de l’expertise actuelle mais pour lesquels des études existent. L’exposition régulière à faible dose et à long terme à ces composés est encore trop peu étudiée ; elle correspond pourtant à une réalité d’exposition (par l’usage quotidien de crèmes par exemple). Le potentiel de bioaccumulation de ces composés et l’impact possible sur la reproduction et les organes reproducteurs doivent être évalués. Enfin, l’évaluation de la reprotoxicité des parabènes doit pouvoir prendre en compte le cumul possible d’autres composés ayant une activité de perturbation endocrinienne et qui sont associés aux parabènes dans les produits cosmétiques (comme certains phtalates par exemple) ou médicamenteux.

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