Parabènes

2011


ANALYSE

58-

Études chez l’animal

Les études de toxicologie, peu nombreuses, ont été menées chez le rat ou la souris. Elles portent sur les méthyl, éthyl, propyl et butyl parabènes le plus souvent. L’administration est effectuée par voie orale ou par voie sous-cutanée. Le nombre d’études par voie sous-cutanée est plus important pour la femelle.

Études chez le mâle

Les études démontrant des effets délétères chez l’animal mâle après administration par voie orale proviennent d’un seul groupe. Les effets observés portent sur les paramètres spermatiques et les taux d’hormones.

Méthyl et éthyl parabènes

En 2004, Oishirenvoi vers a étudié les fonctions reproductives mâles de jeunes rats Wistar (25-27 jours) exposés par l’alimentation au méthyl ou à l’éthyl parabène à environ 10 et 1 000 mg/kg/j (3 groupes de 8 rats). Aucun effet n’a été observé sur les poids des organes reproducteurs, le nombre des spermatozoïdes, les concentrations sériques en LH, FSH et testostérone.
Dans une étude chez le rat Wistar, après exposition des mères du 7e au 21e jour de gestation à 100, 200 ou 400 mg/kg pc/jour d’éthyl parabène par voie sous-cutanée, aucune toxicité chez les mères ni chez la descendance n’est observée. Les taux plasmatiques de progestérone, 17-alpha-hydroxyprogestérone, T3 et T4 ne sont pas modifiés chez les mères. On n’observe pas de modification des taux plasmatiques de T4, progestérone et testostérone chez les fœtus, ni des taux testiculaires de progestérone et testostérone, ni des poids des organes reproducteurs des fœtus (Taxvig et coll., 2008renvoi vers).
Récemment, une étude menée par un consortium industriel et visant à reproduire l’étude d’Oishi selon les Bonnes Pratiques de Laboratoire (Hoberman et coll., 2008renvoi vers) a confirmé l’absence d’effet sur les organes reproducteurs mâles après administration de méthyl parabène par voie orale chez le rat juvénile.

Propyl et butyl parabènes

Propyl parabène

Une étude menée par Oishi en 2002 chez le rat juvénile (21 jours), exposé par l’alimentation (sans phyto-œstrogènes) à environ 10, 100 ou 1 000 mg/kg pc/jour de propyl parabène pendant 4 semaines, 8 animaux par groupe, a mis en évidence un effet sur la spermatogenèse sans altération de poids des organes reproducteurs. Les auteurs ont observé une diminution de la quantité testiculaire et épididymale de spermatozoïdes (environ 50 % des témoins à la plus forte dose) ; la production journalière de spermatozoïdes était diminuée dans tous les groupes (environ 70 % des témoins) et une diminution dose dépendante de la concentration sérique en testostérone était également notée (Oishi et coll., 2002arenvoi vers). Cette étude n’a pas permis à l’EFSA d’identifier de NOAEL. L’étude, non menée selon les BPL, a été critiquée dans de nombreuses évaluations effectuées par des agences sanitaires, en particulier en raison du faible nombre d’animaux utilisés, du manque de détails fournis, de variations importantes dans les poids des animaux, dans les dosages hormonaux (SCCP, 2006renvoi vers). De plus, il est à noter que la durée de l’étude ne couvre pas un cycle complet de spermatogenèse (52 jours chez le rat), ce qui laisse envisager qu’au cours d’une étude plus longue, les effets pourraient être plus prononcés.
Aucune donnée n’a depuis remis en cause la toxicité du propyl parabène. Une étude en cours (Afssaps) sur le rat juvénile, reproduisant les conditions de l’étude d’Oishi, selon les BPL, avec un nombre supérieur d’animaux, un niveau de dose et des critères d’évaluation supplémentaires devrait permettre de préciser la toxicité du propyl parabène sur les organes reproducteurs mâles pendant la période pré-pubère et de déterminer une dose sans effet.

Butyl parabène

Plusieurs études ont été menées pour étudier la toxicité après exposition au butyl parabène in utero. L’exposition de rate Sprague-Dawley du 6e au 19e jour de gestation, à 10, 100 ou 1 000 mg/kg/jour de butyl parabène par voie orale, n’entraîne aucune toxicité sur le développement (Daston, 2004renvoi vers). De même, l’exposition de rates gestantes du 7e au 21e jour de gestation, à 100, 200 ou 400 mg/kg/j de butyl parabène par voie sous-cutanée, ne conduit à aucune toxicité sur le développement (Taxvig et coll., 2008renvoi vers). Aucune NOAEL n’a pu être clairement identifiée. Enfin, dans une étude chez la rate gestante (Sprague-Dawley) du 6e jour de gestation au 20e jour après la naissance, après administration de 100 et 200 mg/kg pc/j par voie sous-cutanée, une modification de la spermatogenèse des mâles de la génération F1 est observée aux deux doses, avec diminution du nombre de spermatozoïdes, de la motilité et du nombre de cellules aux stades différenciés (Kang et coll., 2002renvoi vers). Le poids des testicules, des vésicules séminales et de la prostate, était significativement diminué à 49 jours postnatals (mais non à 70 et 90 jours) et pour 100 mg/kg/j uniquement. La proportion de petits vivants à la naissance ou survivants au sevrage est diminuée à la forte dose. L’expression testiculaire de l’ARNm des récepteurs aux œstrogènes était augmentée à 90 jours postnatals pour le groupe 200 mg/kg/j. Le nombre d’animaux est limité (25 animaux par groupe).
Dans son avis de 2005, le SCCP mentionnait une NOAEL de 2 mg/kg/j pour le butyl parabène, sur la base d’une étude courte par voie sous-cutanée (Fisher et coll., 1999renvoi vers). Dans cette étude, des rats Wistar recevaient 2 mg de butyl parabène par voie sous-cutanée du 2e au 18e jours postnatals. L’examen avait lieu aux jours 18, 25, 35 et 75. Aucune anomalie du poids des testicules, des cellules épithéliales des canaux testiculaires efférents ou de l’expression de l’aquaporine 1, n’était notée.
Oishi a étudié les effets du butyl parabène chez le rat Wistar (Oishi, 2001renvoi vers) et la souris (Oishi, 2002arenvoi vers). Dans l’étude d’Oishi (2001renvoi vers), le butyl parabène est donné dans le régime alimentaire du jeune rat mâle (3 semaines) pendant 8 semaines (10, 100 et 1 000 mg/j environ). La production spermatique journalière dans les testicules est diminuée de manière dose dépendante et la réserve épididymaire est réduite. Ces paramètres sont affectés dans tous les groupes, même pour ceux ayant reçu des doses les plus faibles. Aux doses de 100 et 1 000 mg/j, des concentrations plus faibles en testostérone sérique ont été également observées ainsi qu’une diminution du poids de l’épididyme et du poids des vésicules séminales à la dose la plus forte. Une toxicité directe sur les spermatozoïdes était suspectée en raison d’effets spermatocides démontrés in vitro avec des spermatozoïdes humains (Song et coll., 1989renvoi vers et 1991renvoi vers). Cependant, l’étude récente sur le butyl parabène chez le rat (Hoberman et coll., 2008renvoi vers), reproduisant l’étude de Oishi, et menée dans des conditions expérimentales satisfaisantes, a montré l’absence d’effet sur les organes reproducteurs mâles. Ces résultats négatifs, en contradiction avec des résultats précédents, ne sont pas liés à un défaut d’exposition des animaux, comme il a été montré récemment (données non publiées d’un consortium industriel fournies à l’Afssaps, 2008).
En ce qui concerne la souris, Oishi (2002brenvoi vers) a examiné les effets du butyl parabène donné dans l’alimentation (environ 14,4, 146 et 1 504 mg/kg/j) à des souris mâles « Crj : CD-1 » de 4 semaines pendant 10 semaines. Aucun effet n’était noté sur le poids de la prostate, des vésicules séminales et des glandes préputiales. Cependant, le poids de l’épididyme était significativement augmenté à la dose la plus forte. Une diminution dose dépendante des spermatides dans les tubes séminifères, sans modification du nombre des spermatogonies et spermatocytes, était observée. La testostérone sérique était significativement diminuée à la plus forte dose. Le tableau 58.Irenvoi vers résume les études chez l’animal mâle.

Tableau 58.I Synthèse des études chez l’animal mâle

Référence
Parabène
Espèce/lignée
Âge
Doses (mg/kg poids/j)/
Périodes
Effets significatifs
Administration par voie orale
Oishi, 2001renvoi vers
Butyl parabène
Rats Wistar
(3 semaines)
Environ 10-1 000
Jeune rat mâle 8 semaines
↓ production spermatique journalière dans les testicules
↓ réserve épididymaire
↓ testostérone
Oishi, 2002arenvoi vers
Propyl parabène
Rats Wistar juvénile (21 jours)
Environ 10, 100 ou 1 000
4 semaines
↓ spermatogenèse sans altération de poids des organes reproducteurs
↓ dose dépendante testostérone sérique
Oishi, 2002brenvoi vers
Butyl parabène
Souris Crj :CD-1
(27-29 jours)
Environ 14,4, 146 et 1 504
10 semaines 
↑ poids de l’épididyme à la dose la plus forte
↓ dose dépendante des spermatides dans les tubes séminifères, sans modification du nombre des spermatogonies et spermatocytes
↓ testostérone sérique à la plus forte dose
Oishi, 2004renvoi vers
Méthyl
éthyl parabène
Rats Wistar
(25-27 jours)
Environ 100 et 1 000
8 semaines
Aucun effet : poids des organes reproducteurs, nombre des spermatozoïdes, concentrations sériques en LH, FSH et testostérone
Daston, 2004renvoi vers
Butyl parabène
Rate Sprague-Dawley gestante
10-1 000
Gestation
6-19 j
Pas d’effet développement fœtal
Hoberman et coll., 2008renvoi vers
Méthyl
butyl parabène
Rats Wistar juvénile (22 jours)
Environ 10-1 000)
8 semaines
Pas d’effet : poids des organes reproducteurs, nombre des spermatozoïdes, concentrations sériques en LH, FSH et testostérone
Administration par voie sous-cutanée
Fisher et coll., 1999renvoi vers
Butyl parabène
Rats Wistar
2
Postnatal
2-18 j
Pas d’effet poids et histologie testicules
Kang et coll., 2002renvoi vers
Butyl parabène
Rate Sprague-Dawley gestante
100-200
Gestation (6 j)/
Postnatal (20 j)
↓ poids testicules, vésicules séminales, prostate
↓ nombre, mobilité spermatozoïdes épididymaires
Taxvig et coll., 2008renvoi vers
Éthyl- butyl-
parabènes
Rats Wistar
100, 200 ou 400
Gestation 7-21 j
Pas de modification : distance anogénitale, taux plasmatiques de T4, progestérone et testostérone, taux testiculaires de progestérone et testostérone, poids des organes reproducteurs (fœtus)

Études chez la femelle

Peu d’études ont analysé l’effet des parabènes sur les paramètres reproducteurs de la femelle à l’exception des effets utérotrophiques.
Kang et coll. (2002renvoi vers) ont testé l’effet de l’exposition chez les nouveau-nés femelles (rat Sprague-Dawley) après administration de 100 et 200 mg/kg pc/j de butyl parabène par voie sous-cutanée à la rate gestante du 6e jour de gestation au 20e jour après la naissance. Le seul paramètre modifié est le jour de l’ouverture vaginale (précocité). Le poids des organes femelles n’était pas affecté.
Afin de tester la capacité des parabènes à induire une réponse de type œstrogénique sur un organe sensible à cette stimulation hormonale, on utilise des rates immatures ou ovariectomisées, et donc dépourvues d’exposition endogène aux œstrogènes. Les parabènes ont été testés dans plusieurs études utilisant ces tests, mais ont montré des résultats variables : des effets utérotrophiques ont été démontrés pour chacun des parabènes, et pour le PABA (acide para-hydroxy-benzoïque), dans au moins une étude, mais l’absence d’effet a également été démontré au moins une fois. Boberg et coll. dans une revue de 2010renvoi vers, rapportent les résultats de l’ensemble de ces études et considèrent que globalement, les parabènes ont un effet œstrogénique dans ce test.
Routledge et coll. (1998renvoi vers) ont testé les méthyl et butyl parabènes dans un test utérotrophique chez les rates immatures ou ovariectomisées après administration orale et sous-cutanée (les rates ovariectomisées recevaient uniquement l’administration par voie sous-cutanée). Le méthyl jusqu’à 800 mg/kg/j (3 jours) ne modifiait pas le poids de l’utérus dans les deux modèles. Le butyl parabène n’avait aucun effet chez les rates immatures jusqu’à 1 200 mg/kg/j (3 jours) par voie orale. Cependant, l’administration sous-cutanée à des doses comprises entre 400 et 800 mg/kg/j augmentait significativement le poids de l’utérus des rates immatures. Pour les rates ovariectomisées, les doses sous-cutanées de 1 000-1 200 mg/kg/j étaient nécessaires pour produire un effet utérotrophique significatif.
L’administration sous-cutanée de 1,2 ou 12 mg d’isobutyl parabène chez la souris (3 jours) (Darbre et coll., 2002renvoi vers) et l’administration topique de trois doses journalières de 33 mg de benzyl parabène/souris (approximativement 2 000 mg/kg/j) (Darbre et coll., 2003renvoi vers) augmentaient le poids utérin significativement chez les souris CD1 immatures. Trois doses de 10 mg (approximativement 750 mg/kg/j) n’avaient aucun effet.
Lemini et coll. (1997renvoi vers) ont analysé les effets du principal métabolite (PABA) chez les souris CD1 et ont observé une réponse dose dépendante pour les effets utérotrophiques, chez les souris immatures et ovariectomisées à la dose journalière de 5 mg, pendant 3 jours, soit un effet 100 fois moins important que celui du 17β-œstradiol. Mais cet effet n’a pas été confirmé par Hossaini et coll. (2000renvoi vers) chez la souris immature. Le méthyl, l’éthyl, le propyl et le butyl parabènes n’avaient pas d’effet utérotrophique non plus (administration orale ou sous-cutanée durant 3 jours, jusqu’aux doses de 100 mg/kg/j). Chez les rates immatures Wistar, l’administration sous-cutanée de 5 mg PABA/kg/j était sans effet mais le butyl parabène entraînait une réponse œstrogénique faible à 600 mg/kg/j (Hossaini et coll., 2000renvoi vers).
Dans l’étude de Vo et coll. 2010renvoi vers, les effets des parabènes (méthyl, éthyl, propyl, isopropyl, butyl, et isobutyl parabènes) ont été étudiés sur des femelles rat Sprague-Dawley suite à une exposition pendant la période péripubertaire. Les femelles étaient traitées oralement avec ces parabènes (62,5, 250 et 1 000 mg/kg/j), des jours 21 à 40 après la naissance. Une forte dose de méthyl- et d’isopropyl parabène (1 000 mg/kg/j) entraîne un retard significatif dans la survenue de l’ouverture vaginale (signe de la puberté chez les rongeurs femelles) ainsi qu’une diminution de la longueur de l’œstrus. Cette forte dose des deux composés est responsable d’une diminution du poids des ovaires, d’un manque de corps jaune, et d’une augmentation du nombre de follicules kystiques. L’analyse histologique révèle des anomalies au niveau de l’utérus, à savoir une hypertrophie du myomètre, pour la dose la plus élevée de propyl et isopropyl parabènes (1 000 mg/kg/j) et toutes les doses de butyl et isobutyl parabènes. Les niveaux hormonaux d’œstradiol sont significativement réduits chez les animaux traités par méthyl, éthyl, propyl, isopropyl, et isobutyl parabènes. Une analyse de liaison aux récepteurs des œstrogènes indique que l’affinité de liaison s’effectue de la façon suivante : isobutyl parabène>butyl parabène>isopropyl parabène=propyl parabène>éthyl parabène. Le tableau 58.IIrenvoi vers résume les études chez l’animal femelle.

Tableau 58.II Synthèse des études chez l’animal femelle

Référence
Parabène
Espèce/lignée
Âge
Doses (mg/kg poids/j)/
Périodes
Effets significatifs
Administration par voie orale
Routledge et coll., 1998renvoi vers
Méthyl et butyl parabènes
Rates Alpk:AP immatures (21-22 j)
ovariectomisées 6-8 semaines
4-1 200
3 j
Pas d’effet utérotrophique
Hossaini et coll., 2000renvoi vers
Méthyl, éthyl, propyl, butyl parabènes
PABA
Souris B6D2 F1 (C57B6XDBA2J) immatures
1-1 000
3 j
Pas d’effet utérotrophique
Administration par voie sous-cutanée
Kang et coll., 2002renvoi vers
Butyl parabène
Rate Sprague-Dawley gestante
100 et 200
Gestion (6 j)
Postnatal (20 j)
Précocité de l’ouverture vaginale
Routledge et coll., 1998renvoi vers
Méthyl et butyl parabènes
Rates Alpk:AP immatures (21-22 j)
ovariectomisées 6-8 semaines
40-1 200
3 j
Butyl 400-800 mg/kg/j
Augmentation du poids de l’utérus des rates immatures
Rates ovariectomisées, doses 1 000-1 200  nécessaires pour produire un effet utérotrophique significatif
Darbre et coll., 2002renvoi vers
Isobutyl parabène
Souris CD1 immatures
1,2-12 mg/souris
3 j
↑ poids utérin
Darbre et coll., 2003renvoi vers
Benzyl parabène
Souris CD1 immatures
3,3-100 mg (=0,2-7,5 g/kg) topique
3 j
↑ poids utérin (33 mg)
Lemini et coll., 1997renvoi vers
PABA
Souris CD1 immatures (21 j) ovariectomiées
0,005-5
3 j
Effets utérotrophiques à 5
Hossaini et coll., 2000renvoi vers
Méthyl, éthyl, propyl, butyl parabènes
PABA
Souris B6D2 F1 (C57B6XDBA2J) immatures
Rate Wistar immatures
5-600
3 j
Pas d’effet sauf butyl à 600 (rate uniquement)
Vo et coll., 2010renvoi vers
Méthyl, éthyl, propyl, isopropyl, butyl, isobutyl parabènes
Rat Sprague–Dawley
Période péripubertaire
62,5, 250 et 1 000
J 21 à 40 postnatal
Retard ouverture vaginale ;
↓ longueur de l’œstrus : méthyl et isopropyl (1 000)
↓ poids des ovaires, manque de corps jaune, augmentation du nombre de follicules kystiques : méthyl et isopropyl (1 000)
Hypertrophie du myomètre (propyl, isopropyl parabène : 1 000 ; butyl, isobutyl parabène toutes doses)
↓ œstradiol : méthyl, éthyl, propyl, isopropyl, isobutyl parabènes

Études chez le poisson

Les études des effets des parabènes en dehors des mammifères ont essentiellement utilisé les poissons téléostéens et notamment le zebrafish, le medaka et la truite arc-en-ciel. Des données de toxicité aiguë sont disponibles chez le vairon (Pimephales promelos) et montrent une concentration minimale d’effet (LOEC) des parabènes de 1 à 25 mg/l avec une efficacité inversement proportionnelle à la lipophilicité de la molécule testée (Dobbins et coll., 2009renvoi vers). Aucune donnée n’est disponible à ce jour chez les modèles amphibiens notamment le xénope. Chez les oiseaux, quelques mesures de la présence de parabènes chez le poulet sont disponibles mais aucune étude des effets de ces molécules chez les oiseaux n’a été publiée à ce jour.
L’ensemble des données disponibles chez les poissons suggère que les parabènes présentent une action œstrogénique in vivo. La totalité des études menées chez la truite, le medaka et le vairon démontre une induction de la vitellogénine et/ou des choriogénines par les parabènes. Ainsi Pedersen et coll. (2000renvoi vers), en mesurant la vitellogénine chez la truite immature, montrent que l’injection intra péritonéale de 100 à 300 mg/kg d’éthyl parabène, propyl parabène ou butyl parabène provoque une induction. Avec le même test mais des voies d’exposition différentes (ajout dans l’eau pendant 12 jours ou dans la nourriture pendant 10 jours), la même équipe a démontré un effet œstrogénique du propyl parabène et du butyl parabène (Bjerregard et coll., 2003renvoi vers ; Alslev et coll., 2005renvoi vers). Chez le medaka mâle, Inui et coll. (2003renvoi vers) montrent un effet inducteur du propyl parabène sur la vitellogénine et les choriogénines après ajout dans l’eau à une dose de 55 μM. Une induction de l’expression de ERα à une dose dix fois plus forte est observée dans cette étude. Chez la même espèce, Yamamoto et coll. (2007renvoi vers) montrent une induction de la vitellogénine par le butyl parabène et le benzyl parabène à des doses de 100 à 200 μg/l dans l’eau d’élevage des poissons. L’ensemble des études indique que les parabènes de hauts poids moléculaires (benzyl parabène et butyl parabène) sont plus efficaces que ceux de faibles poids moléculaires (éthyl parabène, propyl parabène). Ces données ont reçu une confirmation in vitro récente grâce aux travaux de Terasaki et coll. (2009renvoi vers) qui montrent dans un test double hybride que 6 sur 21 des parabènes testés peuvent activer le récepteur ERα de medaka, le benzyl parabène étant la molécule la plus active. Les parabènes sont cependant 1 000 à 100 000 fois moins actifs que le ligand naturel 17β-œstradiol.
D’une façon curieuse et encore inexpliquée, ces données ne sont pas confirmées chez le zebrafish en ce qui concerne le propyl parabène (les autres parabènes n’ont pas été testés). En effet, chez cette espèce dans deux dispositifs expérimentaux différents, l’équipe de Kamila Kruzikova observe soit une activité anti-œstrogénique avec un effet inhibiteur sur l’expression de la vitellogénine (Mikula et coll., 2006renvoi vers) ; molécule ajoutée dans l’eau pendant 20 jours à 0,1, 0,4 ou 0,9 mg/l), soit pas d’effet sur la vitellogénine (Mikula et coll., 2009renvoi vers). L’une des publications met en évidence un changement de sex-ratio (augmentation du nombre de femelles) induit par le propyl parabène à 500 mg/kg dans la nourriture (Mikula et coll., 2009renvoi vers). La raison de cette différence n’est pas connue et peut être liée soit à une spécificité d’espèce qui serait étonnante, soit au fait que le dispositif expérimental (voie d’exposition, durée) est différent de celui utilisé dans les autres études.
En conclusion, la majorité des études retrouvent un effet utérotrophique chez la rate ou la souris du méthyl, butyl, benzyl et isobutyl parabène et du principal métabolite, le PABA. Des résultats contradictoires sont rapportés en ce qui concerne l’âge de la puberté. Chez l’animal mâle, une seule équipe a retrouvé des effets délétères du propyl et butyl parabène. Enfin, l’ensemble des données disponibles chez les poissons suggèrent que les parabènes présentent une action œstrogénique in vivo.

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