Retardateurs de flamme polybromés (RFB)

2011


ANALYSE

45-

Études chez l’animal

Les études publiées chez les mammifères, essentiellement chez le rat ou la souris, se sont le plus souvent focalisées sur la neurotoxicité et les effets sur la glande thyroïde. Certaines de ces études incluent toutefois des critères d’évaluation de reprotoxicité.

Études chez l’animal mâle

On ne dispose que d’un nombre réduit d’études s’intéressant aux possibles effets néfastes des PBDE sur l’appareil urogénital et la reproduction chez le rongeur mâle (tableau 45.Irenvoi vers).

Tableau 45.I Paramètres phénotypiques altérés

Paramètres phénotypiques
Espèce/Lignée
Composé
Doses (mg/kg/j)/Périodes
Références
Modifications des paramètres morphologiques
Poids testicules, prostate, vésicules séminales
Rat Wistar Rats mâles et femelles
HBCD ; gavage : 1 et 3
avant accouplement/gestation /fin de la lactation
DE-71 ; gavage : 30 et 60  Période pubertaire
Stoker et coll., 2004renvoi vers
Van der Ven et coll., 2009renvoi vers
Modification des paramètres spermatiques
Concentration
Rendement
Mobilité %
Rat Wistar
BDE 99 ; gavage : 0,06 ou 0,3 Gestation
Kuriyama et coll., 2005renvoi vers
Anomalies morphologiques
Distance anogénitale
Âge à la séparation du prépuce
Rat Wistar
BDE 71 ; gavage : 30 et 60
Période pubertaire
BDE 99 ; gavage : 1ou 10
Gestation
Stoker et coll., 2004renvoi vers
Lilienthal et coll., 2006renvoi vers
Altérations des taux hormonaux
Testostérone
Œstradiol
Rat Long-Evans
BDE 99 ; 1 ou 10
Gestation
Lilienthal et coll., 2006renvoi vers

Congénères isolés

BDE 209

Deux études ont concerné le 2,2’, 3,3’, 4,4’, 5,5’, 6,6’-décabromo diphényléther (BDE 209), deuxième retardateur de flamme le plus utilisé parce qu’il est considéré comme moins toxique que d’autres (mais cette donnée est controversée).
Dans une première étude (Tseng et coll., 2006renvoi vers), il a été examiné si une exposition au BDE 209 avait un effet négatif sur l’histologie testiculaire et les spermatozoïdes de souris CD-1. Les souris ont été réparties en 5 groupes d’exposition, le composé étant administré par gavage à la dose de 0, 10, 100, 500 et 1 500 mg/kg de la fin de la lactation à l’âge adulte (21 à 70 jours postnatals). Il a été trouvé pour les deux fortes doses que le BDE 209 réduisait le potentiel membranaire mitochondrial (MMP) des spermatozoïdes épididymaires et l’amplitude de déplacement latéral de la tête (ALH) et qu’il induisait la production de peroxyde d’hydrogène (H2O2) dans les spermatozoïdes de souris sexuellement matures, sans affecter le nombre de spermatozoïdes, leur motilité, le pourcentage de spermatozoïdes morphologiquement normaux, et les autres paramètres du mouvement (VCL, VAP, VSL, BCF)1 obtenus par un système CASA (computer assisted sperm analysis), la dénaturation de la chromatine des spermatozoïdes (SCSA), la production d’anion superoxyde (O2–.), le contenu en ADN des cellules dans le testicule, ainsi que l’histopathologie des testicules. Du fait de l’association trouvée entre ALH, MMP et la production de H2O2, les auteurs suggéraient que l’action reprotoxique d’une exposition au BDE 209 serait due à un stress oxydatif induit.
Dans la seconde étude, ont été recherchés les effets de l’exposition prénatale à ce composé sur les organes reproducteurs, le développement neuronal et les niveaux de plusieurs hormones chez des rats exposés in utero, la mère ayant été exposée aux doses de 5, 40 ou 320 mg/kg de J6 à J18 post-conception (Kim et coll., 2009renvoi vers). Les taux de testostérone chez le mâle n’étaient pas affectés. Les auteurs rapportent par ailleurs une diminution significative du gain de poids corporel chez les descendants mâles exposés à la plus forte dose, ainsi qu’une augmentation importante de poids de la thyroïde et une diminution du poids des surrénales. La concentration de thyroxine (T4) était significativement plus faible chez la progéniture femelle exposée à 42 jours postnatals, l’effet étant plus prononcé pour le groupe exposé aux doses les plus élevées.

BDE 99

Deux études concernent le BDE 99. Dans la première étude (Kuriyama et coll., 2005renvoi vers), les auteurs ont évalué les effets de l’exposition sur les niveaux de base de d’activité motrice chez le jeune et les capacités reproductrices des mâles adultes. Des femelles gestantes ont été traitées par gavage au 6e jour de la gestation avec une dose unique de 60 ou 300 μg/kg. L’activité locomotrice basale de la progéniture a été évaluée à J36 et J71, et les capacités de reproduction des mâles à J140. L’exposition à la faible dose a provoqué une hyperactivité chez les descendants. Il existait par ailleurs une diminution de la spermatogenèse (réserve testiculaire et épididymaire) chez l’adulte. Les auteurs mentionnent que les doses utilisées dans cette étude sont compatibles avec les estimations des niveaux d’exposition chez l’homme et qu’il s’agit de la plus faible dose de PBDE signalée à ce jour avoir un effet toxique in vivo chez le rongeur.
Dans la seconde étude, les possibles effets d’une exposition in utero au BDE 99 sur les niveaux d’hormones, le développement sexuel et les comportements sexuels chez les progénitures mâles et femelles ont été étudiés (Lilienthal et coll., 2006renvoi vers). Les rates gestantes ont été exposées aux concentrations de 1 ou 10 mg/kg/j au BDE 99 du jour 10 au jour 18 de la gestation. Pour la descendance mâle, l’exposition aux PBDE entraînait une diminution significative de la testostérone et de l’œstradiol au sevrage et à l’âge adulte. De plus, la distance anogénitale était réduite. Le déclenchement de la puberté était légèrement accéléré chez le mâle pour la dose faible. La préférence au sucré était augmentée de manière dose dépendante chez le mâle adulte exposé au BDE 99 indiquant une féminisation de ce comportement sexuellement dimorphique. Les plus fortes concentrations de PBDE dans les tissus des mères et des fœtus ont été observées pour le jour de gestation 19. Les auteurs ont conclu que les PBDE sont des composés actifs lors d’une exposition gestationnelle qui peuvent donc interférer avec le développement, le comportement sexuel et le dimorphisme sexuel.

HBCD

Le retardateur de flamme HBCD a été testé sur une génération de rats Wistar avec des doses de 0, 0,1, 0,3, 1, 3, 10, 30 et 100 mg/kg/j chez les rats mâles (10 semaines) et femelles (2 semaines) avant l’accouplement, et ce jusqu’à la fin de la lactation, puis chez leur progéniture, à partir du sevrage jusqu’au moment du sacrifice à l’âge adulte (Van der Ven et coll., 2009renvoi vers). Les effets ont été évalués dans la génération F1. Les foies de ces animaux avaient des niveaux augmentés de HBCD proportionnels aux doses administrées. La densité minérale de l’os trabéculaire du tibia était diminuée de manière dose dépendante chez les femelles. La réponse immunitaire provoquée était augmentée chez le mâle. De plus, il existait une diminution du poids des testicules à partir d’expositions entre 1 et 3 mg/kg/j (BMDL=1,5). L’activité CYP19/aromatase dans l’ovaire était corrélée à la concentration de HBCD dans le foie. Les auteurs concluaient que les effets observés avec des doses relativement faibles peuvent susciter des inquiétudes pour la santé humaine.
Une autre étude de type réglementaire sur deux générations (Ema et coll., 2008renvoi vers), a analysé les possibles effets du même composé HBCD chez des rats mâles et femelles exposés par voie orale à 0, 150, 1 500 ou 15 000 mg de HBCD par kg de nourriture dès 10 semaines avant le premier accouplement et ce jusqu’à la fin de la lactation pour les deux générations. La moyenne journalière des apports correspondait à 10,2, 101 et 1 008 mg/kg chez les mâles F0, 14,0, 141 et 1 363 mg/kg chez les femelles F0, 11,4, 115 et 1 142 mg/kg chez les mâles F1, et 14,3, 138 et 1 363 mg/kg chez les femelles F1 pour 150, 1 500 et 15 000 mg/kg de nourriture, respectivement. Sur le plan de la fonction de reproduction, les auteurs ont simplement montré un nombre de follicules primordiaux dans l’ovaire des femelles F1 diminué pour l’exposition à 1 500 mg/kg de nourriture et plus (voir plus bas). Par ailleurs, le nombre de rats présentant une diminution de la taille des follicules thyroïdiens a été trouvé augmenté en F0 et en F1 chez les mâles et les femelles exposés à 101-115 mg/kg /j et plus de HBCD. Les taux sériques de TSH étaient augmentés chez les femelles de F0 et de F1 pour les deux doses élevées, et les niveaux de T4 sérique étaient diminués chez les mâles et les femelles de F0 exposés à la plus forte concentration. Il y avait une augmentation du poids du foie chez les mâles adultes et les progénitures des deux sexes au sevrage pour les expositions à 101-115 mg/kg et plus, et chez les femelles adultes à 1 363 mg/kg/j et de la thyroïde chez les adultes mâles et femelles à 1 008-1 363 mg/kg/j. Pour la dose la plus forte, une diminution de la croissance pondérale associée à une réduction de la consommation de nourriture a été trouvée chez les mâles et femelles de F1. Une diminution de la viabilité des petits en F2 et du poids corporel des mâles en F1, et des petits mâles et femelles de F2 a été observée avec la dose maximale. Au total, les données indiquaient que le NOAEL de HBCD dans cette étude était de 10,2 mg/kg/j. Les auteurs concluaient que l’exposition humaine à HBCD est bien en dessous du NOAEL trouvé dans leur étude.

Mélange de congénères

Penta-BDE (DE-71)

Stoker et coll. (2004renvoi vers) ont testé l’effet d’un mélange commercial de polybromés (penta-BDE, DE-71), sur la fonction thyroïdienne et les éventuels impacts indirects avec différents critères d’évaluation de paramètres du système reproducteur chez le rat lors de la période pubertaire. Les rats ont été gavés avec 0, 3, 30 ou 60 mg/kg/j de J23 à J53. Les effets du DE-71 sur les enzymes hépatiques et les hormones thyroïdiennes ont été mesurés dans un autre groupe de mâles après seulement 5 jours de traitement (J23-28). Les doses de 3, 30 et 60 mg/kg diminuaient T4 chez les mâles. T3 et TSH étaient élevées pour les doses 30 et 60 mg. Parmi les tissus/organes androgéno-dépendants, les auteurs notaient une diminution du poids des vésicules séminales et de la prostate ventrale après l’exposition de 31 jours à la dose de 60 mg/kg/j. Le jour de séparation du prépuce (PPS ; considéré comme marquant le début de la puberté) était considérablement retardé avec les doses de 30 et 60 mg/kg/j.

Études chez l’animal femelle

Essentiellement deux organes ont été étudiés chez la femelle de rongeurs, l’ovaire et l’utérus (tableau 45.IIrenvoi vers), avec une étude récente sur la glande mammaire. À part une ou deux études de mesure d’expression de gènes par PCR quantitative, toutes les autres consistent en des mesures de poids d’organes et d’histologie. On distinguera l’exposition à des congénères isolés de celle à des mélanges.

Tableau 45.II Paramètres phénotypiques affectés dans les études

Paramètres phénotypiques
Espèce/Lignée
Composé
Doses (mg/kg/j)/Périodes
Références
Modifications des paramètres morphologiques
Poids ovaires, utérus
Rate Wistar
Rate Long-Evans
BDE 47 ; orale (eau de boisson) : 0,140 ou 0,7 ;
Gestation
BDE 99 ; SC : 1-10 ;
Gestation/lactation
Ceccatelli et coll., 2006renvoi vers
Talsness et coll., 2008renvoi vers
Modification
des follicules
Rate Crl:CD(SD)
Rate Long-Evans
Rate Wistar
HBCD ; Gavage : 141 et 1 363
avant accouplement/gestation /fin de la lactation
BDE 99 ; SC : 1-10
Gestation
BDE 47 ; Orale (boisson) : 0,7
Gestation
Lilienthal et coll., 2006renvoi vers
Ema et coll., 2008renvoi vers
Talsness et coll., 2008renvoi vers
Puberté
Ouverture vaginale
Rate Long-Evans
Rate Wistar
BDE 99 ; SC : 1-10 ;
Gestation
DE-71 ; Gavage : 60
Période pubertaire
Stoker et coll., 2004renvoi vers
Lilienthal et coll., 2006renvoi vers
Altérations des taux hormonaux
Œstradiol
Rates Wistar
Rates Sprague-Dawley
BDE 47 ; Orale (boisson) : 0,7
Gestation
BDE 209 ; Gavage : 5
Gestation
Talsness et coll., 2008renvoi vers
Kim et coll., 2009renvoi vers

SC : voie sous-cutanée

Congénères isolés

BDE 99

Dans une première étude, il a été administré une dose unique de 60 μg ou 300 μg de BDE 99/kg de poids, doses supposées représenter les concentrations retrouvées dans l’espèce humaine, à des rates Wistar au jour 6 de leur gestation. L’analyse histologique des ovaires, du vagin et de l’utérus a été pratiquée sur les descendantes femelles âgées de 90 jours. Les follicules ont été comptés et des études de microscopie électronique ont été menées. Il en ressort la mise en évidence de changements ultrastructuraux compatibles avec une morphologie altérée des mitochondries dans les ovaires. Il n’y a aucun changement ni des autres organes analysés ni du nombre de follicules. Il est observé un pourcentage accru de résorption embryonnaire chez les descendantes traitées par rapport aux témoins (Talsness et coll., 2005renvoi vers).
Dans une deuxième étude de la même équipe, des rates gestantes Long-Evans ont été exposées du jour 10 à 18 de gestation à 1 ou 10 mg/kg de BDE 99 par injection sous-cutanée. Les descendantes femelles présentaient une puberté légèrement retardée quand traitées in utero aux doses les plus élevées. Le comptage des follicules dans les ovaires adultes de ces descendantes révèle un nombre de follicules primordiaux/primaires réduit chez les animaux exposés aux faibles doses tandis qu’une diminution des follicules secondaires est observée aux doses les plus élevées (Lilienthal et coll., 2006renvoi vers).
L’effet sur l’utérus, suite à une exposition in utero au BDE 99 (1 ou 10 mg/kg/jour) de rates Long Evans gestantes injectées en sous-cutané du jour 10 à 18 de gestation, a été rapporté par Ceccatelli et coll. (2006renvoi vers). Les descendantes étudiées à l’âge adulte ne présentaient pas de différence de poids de l’utérus quel que soit le traitement, mais les poids absolu et relatif des ovaires étaient faiblement et significativement augmentés. L’analyse de l’expression de plusieurs gènes cibles des œstrogènes exprimés dans l’utérus, montrait une altération. Parmi ceux-ci, le niveau d’ARN messager du gène codant le récepteur à la progestérone est diminué aux deux doses de BDE 99 utilisées, tandis que le niveau d’ARNm des récepteurs alpha et bêta des œstrogènes ainsi que celui d’IGF-1 est fortement augmenté à la dose la plus faible. Cependant, il n’est pas clair si les changements d’expression de gènes observés dans cette étude résultent de l’exposition in utero ou de celle après la naissance ou encore des deux, car du BDE 99 a été retrouvé dans le sang et le tissu adipeux des animaux à l’âge adulte.
Ces résultats montrent également qu’il faut aller plus loin que la simple analyse histologique et pesage des organes pour mettre en évidence des altérations importantes au sein des tissus.

BDE 47

L’équipe allemande ayant publié les études sur le BDE 99 a testé l’effet de l’exposition in utero et au cours de la lactation d’une administration unique dans l’eau de boisson de 140 ou 700 μg/kg de BDE 47 sur des rates gestantes Wistar au 6e jour de gestation. Les descendantes femelles ont été étudiées à 38 et 100 jours après la naissance. Dans le groupe des animaux âgés de 38 jours et exposés à 140 μg/kg, il a été noté une diminution du poids des ovaires bien qu’aucune altération histologique n’ait été mise en évidence. Chez les animaux exposés à la dose la plus forte, on note une diminution des follicules secondaires et tertiaires et une diminution des niveaux d’œstradiol bien que l’activité de l’aromatase soit équivalente entre les animaux témoins et traités. À 100 jours, aucune différence n’est observable entre les ovaires traités et les témoins (Talsness et coll., 2008renvoi vers). On peut donc supposer que les effets sont réversibles au cours du temps.
Des rates immatures ont également été utilisées pour tester l’implication du BDE 47 dans l’induction potentielle de la calbindin-D9k (CaBP-9k), qui est un biomarqueur permettant de tester l’activité des composés œstrogéniques. Commençant au jour 16 postnatal, le BDE 47 a été administré pendant 3 jours. Le traitement avec une forte dose de BDE 47 (200 mg/kg/j) entraînait une augmentation significative des ARNm et de la protéine CaBP-9k, 24 h après injection, tandis que l’augmentation est moindre avec les doses moyennes et faibles (50 et 100 mg/kg/j). De plus, le traitement avec une forte dose de BDE 47 induit un effet utérotrophique (gain de poids de l’utérus). Le co-traitement avec ICI 182,780, un antagoniste des récepteurs aux œstro gènes inverse complètement l’augmentation de poids de l’utérus induite par le BDE 47 ainsi que l’augmentation de CaBP-9k. Ces résultats indiquent que les effets du BDE 47 sur l’utérus pourraient être médiés via la signalisation des récepteurs aux œstrogènes (Dang et coll., 2007renvoi vers).

BDE 209

Une seule étude (Kim et coll., 2009renvoi vers) rapporte les effets d’une exposition au BDE 209 chez la femelle. Dans cette étude, des rats Sprague-Dawley sont exposés in utero du jour 6 au jour 18 de gestation à des doses de 5, 40 ou 320 mg/kg /j de BDE 209. Les auteurs observent pour la dose la plus forte, une augmentation significative du poids de la thyroïde et une diminution de celui des surrénales chez les descendants femelles. À faible dose de BDE 209 (5 mg/kg), il est observé une réduction de la concentration sérique d’œstradiol chez les femelles à l’âge adulte.

HBCD

L’étude d’Ema et coll. (2008renvoi vers), déjà citée plus haut, s’est également intéressée aux femelles. Il est rapporté que l’examen histologique des ovaires des femelles F1 révèle une diminution d’un tiers du nombre des follicules primordiaux constituant la réserve des follicules de l’ovaire, aux doses de 1 500 et 15 000 mg/kg de nourriture (soit 141 et 1 363 mg/kg de poids corporel). Cette observation indique que l’HBCD peut avoir un effet reprotoxique car une diminution du nombre de follicules primordiaux est considérée comme un biomarqueur des effets adverses sur la reproduction femelle, car non réversible. Cependant, ces animaux femelles ont un nombre normal d’implantations au cours de leur première gestation. Il aurait été intéressant de mener une étude sur les capacités de reproduction au cours du temps, sur une période plus longue de la vie de l’animal pour voir si la diminution de la réserve entraînait une insuffisance ovarienne précoce.

Mélange de congénères

Penta-BDE (DE-71)

Une étude menée chez le rat Long-Evans du jour 6 de gestation jusqu’au sevrage a montré qu’un mélange commercial de PBDE (penta-BDE, DE-71) donné par voie orale aux doses de 1,7, 10,2 et 30,6 mg/kg/j induisait des altérations de la fonction de reproduction. Chez les descendantes femelles, le développement de la glande mammaire est réduit à 21 jours postnatals suite à une exposition au DE-71 (10,2 et 30,6 mg/kg) (Kodavanti et coll., 2010renvoi vers).
Stoker et coll. (2004renvoi vers) ont testé l’effet du même mélange DE-71 sur la fonction thyroïdienne et les éventuels impacts indirects avec différents critères d’évaluation de paramètres du système reproducteur chez le rat lors de la période pubertaire femelle. Les rates ont été gavées avec 0, 3, 30 ou 60 mg/kg/j de J22 à J41. Les effets du DE-71 sur les enzymes hépatiques et les hormones thyroïdiennes ont été mesurés dans un autre groupe de femelles après seulement 5 jours de traitement (J21-26). Les concentrations sériques de T4 étaient significativement réduites avec les deux doses les plus élevées. La dose de 60 mg/kg entraînait également un retard important de l’âge de l’ouverture vaginale (début de la puberté).

Autres effets en marge du domaine couvert par la présente expertise

La structure chimique des PBDE et de leurs métabolites est voisine de celle des hormones thyroïdiennes. La réduction des taux d’hormones thyroïdiennes circulantes est le seul effet reproductible démontré sur les animaux exposés aux fortes doses (Zhou et coll., 2001renvoi vers ; Hallgren et coll., 2002renvoi vers ; Donahue et coll., 2004renvoi vers ; Ulbrich et coll., 2004renvoi vers).
Des études évaluant les effets toxiques de divers polluants de type PBDE sur la stéroïdogenèse ont montré que ces derniers sont rapidement absorbés et distribués à l’intérieur des organes riches en lipides. Chez les rats, l’administration orale de 2,2 mg/rat de BDE 99 radiomarqué conduit à une importante accumulation de ce composé dans la glande surrénale, se retrouvant le 2e organe le plus affecté après le tissu épididymaire (Hakk et coll., 2002renvoi vers).
Kuriyama et coll. (2007renvoi vers) ont mesuré les concentrations d’hormones thyroïdiennes, les activités des enzymes hépatiques et la concentration tissulaire de BDE 99 chez des rats Wistar après traitement par gavage au 6e jour de gestation avec une dose unique de 60 ou 300 μg/kg (même protocole que l’étude de 2005, citée plus haut). L’analyse de la concentration tissulaire BDE 99 a confirmé la persistance de ce composé qui était détecté dans le tissu adipeux 37 jours après l’exposition. La plus forte dose réduisait la concentration de T4 chez la progéniture en début de lactation (J1), une diminution plus faible (non significative) étant également observée à J22. Il avait précédemment été montré dans plusieurs études que les PBDE peuvent réduire les concentrations de T4, mais cette étude était la première démontrant la perturbation endocrinienne à faibles doses. La concentration de BDE 99 mesurée dans le tissu adipeux était proche de celles rapportées chez l’homme non exposé professionnellement. En outre, les auteurs rappelant les résultats de leur étude précédente (baisse de la production spermatique chez l’adulte) évoquait le possible lien entre les modifications thyroïdiennes chez le jeune et les effets reproductifs (et neurologiques) observés à distance.
En conclusion, des effets tels qu’une modification des distances anogénitales chez le mâle, un retard pubertaire dans les deux sexes, une diminution de la production spermatique et des taux de testostérone, une modification de certains paramètres fonctionnels spermatiques ou encore une diminution du nombre de follicules ovariens, ont été observés après exposition gestationnelle ponctuelle ou exposition pubertaire et adulte avec les composés BDE 99 et 209, avec cependant des doses utilisées qui semblent très supérieures aux expositions estimées chez l’homme. Les effets délétères sur la fonction thyroïdienne peuvent alerter sur le possible impact indirect sur la fonction de reproduction compte tenu des interrelations entre ces deux fonctions bien que les rares études disponibles ne mettent pas en évidence de lien pertinent entre les paramètres modifiés. L’étude de Van der Ven et collaborateurs de 2009renvoi vers, avec une exposition de type chronique à des doses relativement faibles de HBCD, mettait en évidence des effets délétères sur plusieurs organes/tissus régulés par les hormones faisant suggérer que ce type d’exposition représente un danger potentiel pour l’homme.
Il convient de développer d’autres modèles plus pertinents pour l’espèce humaine et d’utiliser des modes d’administration plus adaptés aux conditions réelles d’exposition humaine qu’une injection sous-cutanée unique d’une forte dose d’un seul congénère. Il est également important de développer des approches moléculaires plus fines pour mieux évaluer les perturbations induites par les différentes expositions. Enfin, comme le montre la seule étude longitudinale, il est important d’évaluer les effets au cours du temps car des phénomènes d’adaptation (de récupération) peuvent avoir lieu.

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