Phtalates

2011


ANALYSE

42-

Conclusions et perspectives de recherche

Les phtalates (ou esters phtaliques) sont largement utilisés en raison de leur propriété plastifiante. Ils sont présents dans de très nombreux produits d’usage courant. La particularité des phtalates est de ne pas se lier de manière covalente aux polymères auxquels ils donnent leur souplesse et donc d’être relâchés facilement dans le milieu environnant. Ainsi l’exposition humaine aux phtalates est relativement ubiquiste, les voies d’absorption pouvant être l’inhalation, l’ingestion et la voie percutanée. La principale source d’exposition pour le DEHP, le DBP et le DIBP est alimentaire. Les enfants présentent des concentrations plus importantes que les adultes. Les dispositifs médicaux représentent une exposition notable pour certaines populations. La demi-vie de ces composés est de 8 h à 48 h mais la continuité de l’exposition a pour conséquence un maintien de l’imprégnation de l’organisme. Certains phtalates ou leurs métabolites sont retrouvés, chez l’homme, dans les urines, le plasma sanguin, le plasma séminal, le lait maternel, le liquide amniotique et le sang du cordon. Le dosage des métabolites dans ces milieux permet d’exclure une contamination liée aux matériels de prélèvements.
Les études réalisées chez l’Homme, diverses en ce qui concerne leur méthodologie, témoignent d’une exposition relativement généralisée. Elles se sont intéressées à la femme enceinte et au nouveau-né, à la femme et l’homme adultes. La mise en évidence d’une diminution de la distance anogénitale chez le nourrisson masculin, en relation avec un taux de phtalates et de métabolites élevé chez la mère à 29 semaines de gestation, suggère un déficit d’androgénisation durant le développement fœtal. Chez l’homme adulte, la majorité des études montre un lien entre taux de phtalates et altérations de certaines caractéristiques du sperme avec une possible altération de l’ADN du spermatozoïde. Par ailleurs, une étude a mis en évidence chez des travailleurs fortement exposés une diminution de la testostérone. Les études chez la femme, moins nombreuses, ne permettent pas de proposer des conclusions quant à un effet des phtalates sur la fonction ovarienne, l’endométriose ou la puberté.
Chez le rat mâle, les phtalates sont à l’origine d’atteintes de l’appareil et de la fonction de reproduction notamment lorsque l’exposition est présente durant la gestation et/ou la période néonatale. Les phtalates inhibent la gamétogenèse et la stéroïdogenèse chez le mâle particulièrement lors de l’exposition fœtale, postnatale ou pubertaire. Chez les animaux femelles, des effets sont décrits à des doses élevées sur les ovaires et l’utérus. La production d’œstradiol peut être affectée. Chez le primate non humain, les effets semblent moins marqués soulignant ainsi des variations interespèces en relation avec les différences des métabolismes. Chez le poisson, les phtalates ont également des effets sur l’appareil et la fonction de reproduction. Chez le zebrafish, une action des phtalates sur le développement embryonnaire a été mise en évidence. Enfin, in vitro les effets délétères des phtalates sur le testicule, plus précisément sur les cellules de Sertoli et les cellules germinales, apparaissent réels. L’ovaire est également un organe cible pour les phtalates.
Tant chez l’animal que chez l’homme, l’exposition aux phtalates semble avoir pour conséquences des altérations de certains paramètres de la fonction de reproduction et ce particulièrement si cette exposition se situe à des périodes sensibles comme la vie intra-utérine et la période néonatale. Il existe cependant des différences entre les espèces posant la question du bon modèle expérimental représentatif des effets chez l’Homme. Compte tenu de l’exposition relativement ubiquiste aux phtalates, il est important, même si toutes les études ne sont pas démonstratives, de prendre en compte les altérations décrites et de limiter l’exposition notamment durant les périodes les plus sensibles. Certains phtalates ont été déjà interdits ou réduits dans leurs usages.
À défaut de pouvoir supprimer toute exposition aux phtalates, il paraît indispensable de poursuivre les études épidémio-cliniques tant durant la grossesse que chez le nouveau-né et l’adulte. Ces études devront s’appuyer sur de réelles mesures d’exposition, sur des indicateurs d’effets validés et standardisés et sur des populations bien identifiées. Par ailleurs, ce type d’études ne doit pas faire l’impasse sur les multi-expositions et donc intégrer de multiples paramètres.

→ Aller vers SYNTHESE
Copyright © 2011 Inserm