2011


ANALYSE

3-

Impact de l’usage du téléphone sur l’activité de conduite

Le développement des systèmes d’information et de communication embarqués multiplie les causes de distraction pour le conducteur. En effet, l’usage de ces systèmes génère des situations de tâches ajoutées à la tâche de conduite, qui ne sont pas sans conséquence en termes de sécurité routière. Lorsque l’on s’interroge sur l’impact que ces systèmes peuvent avoir sur la conduite automobile, il est nécessaire, tout d’abord, de différencier ceux qui ont pour objectif premier de fournir une aide à la conduite afin d’en améliorer la sécurité, de ceux qui n’ont pas d’objectif sécuritaire. Pour évaluer la distraction engendrée par un système d’aide, tel qu’un système de navigation, par exemple, il est nécessaire de mettre en balance les effets bénéfiques qu’il peut avoir sur la conduite et l’inattention qui résulte de son utilisation. Dans le cas d’un système tel que le téléphone qui n’a, dans son utilisation la plus courante, pas d’objectif sécuritaire seul un effet distractif est à attendre.
Une distinction s’impose ensuite entre systèmes et fonctions. En effet, un système de navigation, par exemple, outre le fait de guider le conducteur, lui donne aussi certaines indications complémentaires, telles que le temps ou la distance jusqu’à destination, la position des radars... Il en est de même pour le téléphone qui peut également assurer différentes fonctions (envoi/réception de SMS, consultation de services Internet...) en sus de celle de communiquer verbalement avec un interlocuteur. En outre, même lorsqu’il est utilisé dans le cadre d’une conversation, ce dernier nécessite la réalisation de différentes actions telles que composer un numéro, prendre la ligne et finalement converser, qui n’auront pas toutes le même impact sur la conduite. Un très grand nombre de recherches expérimentales réalisées sur l’impact du téléphone sur la conduite automobile se sont focalisées sur l’effet de la conversation téléphonique proprement dite. Ces recherches ont été réalisées en laboratoire, sur simulateur de conduite ou sur route ouverte.

Effet du téléphone sur la prise et le traitement de l’information routière

De nombreux travaux ont montré l’importance des processus de prélèvement et de traitement de l’information en conduite. En effet, regarder dans la mauvaise direction à un moment critique et/ou ne pas voir un élément important de l’environnement routier peuvent avoir des conséquences dramatiques lorsque l’on conduit.

Prélèvement de l’information

Des modifications importantes du comportement visuel sont observées chez les conducteurs lorsqu’ils conversent au téléphone au volant. Il a été ainsi montré qu’ils regardent davantage droit devant et négligent la consultation de leur champ périphérique, notamment des rétroviseurs et des organes de contrôle tels que le compteur de vitesse (Pachiaudi, 2001renvoi vers ; Recarte et Nunes, 2000renvoi vers et 2002renvoi vers ; Harbluk et coll., 2007renvoi vers ; Pereira et coll., 2010renvoi vers). Les intersections, en particulier, sont moins bien inspectées (Harbluk et coll., 2007renvoi vers ; Pereira et coll., 2010renvoi vers). Harbluk et coll.renvoi vers ont montré, en condition réelle de conduite, que la fréquence des regards vers les feux de trafic diminue dans les intersections (certains conducteurs les négligeraient même totalement), tout comme l’inspection des aires situées à droite.
Parallèlement, grâce à l’usage de l’oculomètre, qui permet un enregistrement précis des mouvements oculaires, une réduction de la variabilité de la direction spatiale des regards (ou concentration des regards) vers la zone centrale de la route a pu être mise en évidence, lorsque les conducteurs réalisent des tâches cognitives, telles que discuter au téléphone (Recarte et Nunes, 2000renvoi vers et 2003renvoi vers ; Nunes et Recarte, 2002renvoi vers ; Victor et coll., 2005renvoi vers ; Harbluk et coll., 2007renvoi vers  Engström et coll., 2005renvoi vers). Pour Recarte et Nunes, les fixations visuelles enregistrées sont plus longues et le champ visuel se réduit à la fois horizontalement et verticalement pendant la réalisation de tâches cognitives.
Ce phénomène de concentration des regards associé à une moindre consultation du champ périphérique est révélateur d’une altération des stratégies de prise d’information visuelle et pourrait finalement révéler, ainsi que le suggèrent Victor et coll. (2005renvoi vers), que lorsqu’il téléphone, un conducteur accorde la priorité au contrôle de sa trajectoire au détriment d’autres sous-tâches de la conduite. Ces auteurs soulignent toutefois que les conducteurs, même lorsqu’ils téléphonent, adaptent leur comportement oculaire en fonction de la complexité de la tâche de conduite (des différences sont montrées entre des portions de route droites et des virages en milieu rural).
Par ailleurs, Recarte et Nunes (2003renvoi vers) ont montré que la concentration des regards engendrée par la pratique d’une activité mentale au volant s’accompagne d’une baisse significative des performances de détection. Des conducteurs, en condition réelle de conduite, devaient réagir à des points lumineux apparaissant sur le pare-brise et dans le véhicule, en appuyant sur des boutons positionnés sur le volant. Leurs résultats ont montré que le pourcentage de cibles détectées correctement diminue significativement quand le conducteur réalise une tâche cognitive. Toutefois, pour ces auteurs, cette altération de la perception des cibles ne serait pas nécessairement une conséquence de la concentration des regards mentionnée plus haut, mais serait plutôt liée au détournement de ressources attentionnelles vers la tâche cognitive au détriment de la tâche de conduite qui nuirait à une mise en jeu optimale des processus top-down. Cette détérioration des performances de détection est également montrée dans d’autres études (Strayer et Johnston, 2001renvoi vers ; Hancock et coll., 2003renvoi vers ; Törnros et Bolling, 2005renvoi vers ; Bruyas et coll., 2009renvoi vers).

Traitement de l’information

Les travaux de Strayer et de ses collaborateurs (Strayer et coll., 2003renvoi vers ; Strayer et Drews, 2007arenvoi vers et brenvoi vers) ont cherché à expliquer les déficits perceptifs enregistrés lorsqu’un conducteur effectue une activité cognitive. Ils ont proposé comme cadre explicatif l’hypothèse d’une cécité inattentionnelle (« inattentional blindness ») engendrée par l’action de converser en conduisant. Cette cécité inattentionnelle aurait pour conséquence, que même lorsqu’un conducteur regarde directement un objet, il pourrait ne pas le voir (« look but fail to see ») parce que son attention est détournée vers un contexte autre que celui de la conduite. Pour cela, ils ont développé une série d’expérimentations (Strayer et coll., 2003renvoi vers ; Strayer et Drews, 2007arenvoi vers et brenvoi vers) en utilisant des tests de rappels « surprise » d’éléments présents dans l’environnement de conduite. Les participants ont conduit sur simulateur sans savoir qu’il leur serait demandé de se souvenir de ces objets. Leurs résultats ont montré que pendant une conversation téléphonique les conducteurs sont moins susceptibles de créer un souvenir durable des objets rencontrés (deux fois moins d’éléments sont reconnus au test) que ces objets soient pertinents ou non pour la conduite.
L’enregistrement de l’activité électrique cérébrale (EEG) et plus précisément des potentiels évoqués par des événements de la scène routière, a permis à ces auteurs (Strayer et Drews, 2007arenvoi vers et brenvoi vers) de mieux comprendre les mécanismes mis en jeu. Ces ondes cérébrales, et plus particulièrement les ondes P300 sont, en effet, liées aux processus attentionnels et permettent d’estimer la « quantité » d’attention allouée à une tâche, en donnant des indications sur la temporalité du traitement des signaux, notamment en ce qui concerne les processus de détection, de discrimination et de catégorisation. Le fait que l’on observe une diminution de l’amplitude de P300 pendant les conversations téléphoniques montre ainsi que si la trace mnésique des objets rencontrés est moins durable, ce n’est pas le résultat d’une difficulté à récupérer l’information au moment du test de rappel, mais bien la conséquence d’une interférence au moment de l’encodage initial de l’information issue de la scène routière. Peu d’analyses sémantiques de ces objets seraient effectuées au moment de l’encodage de l’information. En d’autres termes, converser au téléphone en conduisant affecterait la façon dont les conducteurs prêtent attention à un stimulus dans l’environnement de conduite.
En utilisant la même technique, Bruyas et coll. (2006renvoi vers) ont montré que la baisse de l’amplitude du complexe N200-P300 était également liée à la complexité de la tâche de communication. Plus la communication est complexe et plus cette baisse est sensible, témoignant d’une diminution plus importante des ressources allouées à la tâche de conduite.
Un autre cadre méthodologique a été proposé par McCarley et coll. (2004renvoi vers) pour mieux comprendre ces phénomènes, avec le paradigme de cécité au changement (« change blindness »). En effet, la capacité à percevoir les changements dans l’environnement visuel est essentielle si l’on souhaite maintenir une performance acceptable dans un environnement complexe. Il arrive parfois que des changements importants ne soient pas remarqués notamment s’ils se produisent pendant une interruption, fut-elle de très courte durée. De telles interruptions peuvent être naturelles (saccades oculaires) ou provoquées en utilisant un dispositif expérimental. McCarley et coll.renvoi vers ont ainsi montré qu’une conversation téléphonique naturelle perturbe la détection de changements dans des scènes routières complexes statiques. Deux photographies étaient présentées alternativement séparées par un masque et le participant devait détecter le changement introduit dans la seconde image. Les enregistrements oculométriques ont montré que même si les régions modifiées sont fixées tout autant en simple tâche qu’en double tâche, les changements sont moins souvent détectés en double tâche. Les auteurs expliquent en partie ce résultat par une altération de la recherche oculomotrice en condition téléphonique et, en accord avec Strayer et coll. (2003renvoi vers) et Strayer et Drews (2007arenvoi vers), par un déficit de l’encodage de l’information au moment de la fixation. En effet, et comme cela est attendu, les changements qui portent sur des objets pertinents sont mieux détectés que ceux qui portent sur des objets non pertinents en simple tâche ; mais ce bénéfice lié à la pertinence des objets s’élimine en condition de double tâche, montrant une altération de l’efficacité de la recherche oculomotrice. D’autre part, les fixations oculaires s’avèrent plus courtes en double tâche, ce qui ne permettrait vraisemblablement pas un encodage suffisant de l’information visuelle. Les auteurs soulignent toutefois que ce phénomène ne peut pas expliquer à lui seul les modifications rencontrées en termes de détection, car Strayer et ses collaborateurs (2007renvoi vers) avaient montré que le processus était défectueux, même en contrôlant les durées de fixation.

Effet sur les performances de conduite

Dans ce domaine, beaucoup de travaux ont été réalisés et ce, plus particulièrement au cours des deux dernières décennies. Les méta-analyses de Horrey et Wickens (2006renvoi vers) et de Caird et coll. (2008renvoi vers) en font la synthèse. Le principe de la méta-analyse permet de combiner les données issues de différentes études testant une hypothèse commune, afin d’estimer l’ampleur et la validité des phénomènes observés, puis d’accepter ou de réfuter cette hypothèse. Dans ce cas, c’est la dégradation des performances de conduite qui est mesurée lorsque l’on téléphone au volant, comparée à une condition de contrôle, la conduite sans téléphone. Horrey et Wickens (2006renvoi vers) ont listé une cinquantaine d’études expérimentales réalisées entre 1991 et 2004 centrées sur l’effet d’une conversation téléphonique sur la conduite, et en ont sélectionné 23 pour leur méta-analyse. Caird et coll. (2008renvoi vers) en ont dénombré plus de 100 en 2008, et 33 d’entre elles ont satisfait les critères requis pour la réalisation de leur méta-analyse.
Deux grandes familles de variables ont été plus particulièrement étudiées : les temps de réaction du conducteur à différent types de signaux, c’est ici que l’on trouve les études les plus nombreuses, et les paramètres permettant de décrire la dynamique du véhicule, tels que le contrôle latéral, les inter-distances et les variations de vitesse. Les travaux effectués dans ce domaine ont également tenté de démontrer la possibilité de comportements d’adaptation des conducteurs : augmentation des distances de suivi ou réduction des vitesses, mais les résultats obtenus sont divergents.

Temps de réponse

Selon Green (2000renvoi vers), la variable qui affecte le plus les temps de réaction est la prévision. Un conducteur pleinement conscient du temps d’apparition et de la localisation d’un signal peut appuyer sur la pédale de frein en 0,75 seconde. Il lui en faudra près du double si le signal est inattendu : l’intrusion d’un signal habituel (feux arrière d’un véhicule précédent, par exemple) nécessiterait 1,25 seconde ; alors que l’intrusion d’un signal inattendu (irruption d’un objet interférant dans sa course) nécessitera 1,5 seconde pour freiner. La quantité de ressources attentionnelles allouée à la tâche de conduite s’avère également un facteur très important dans l’analyse des temps de réaction.
Les méta-analyses citées plus haut s’accordent pour trouver un coût significatif du téléphone sur les performances de conduite, exprimées en termes de temps de réaction à un événement ou à un stimulus. Selon ces méta-analyses, les résultats montrent de façon indiscutable que les temps de réponse des conducteurs augmentent lorsqu’ils téléphonent au volant. Horrey et Wickens (2006renvoi vers), tout comme Caird et coll. (2008renvoi vers) montrent également que la taille des effets est comparable, que les résultats soient obtenus sur simulateur de conduite ou en condition réelle de conduite.
Par ailleurs, Harbluk et coll. (2007renvoi vers) ont observé, en conduite réelle, que les conducteurs effectuent un nombre plus élevé de freinages brusques (décélérations longitudinales excédant 0,25g1 ) lorsqu’ils sont engagés dans une tâche téléphonique difficile. Hancock et coll. (2003renvoi vers) ont également observé, sur piste, que les conducteurs distraits freinent de façon plus brutale lorsqu’ils doivent s’arrêter à un feu rouge qu’ils ne le font lorsqu’ils ne sont pas distraits. Plus précisément, les conducteurs commencent à appuyer sur le frein plus tardivement, mais compensent cet appui tardif par un freinage plus fort pour, au final, obtenir un temps d’arrêt plus court. Le nombre d’arrêts au feu rouge diminue également : de 95 % sans distraction, il passe à 80 % avec distraction. Harbluk et coll. (2007renvoi vers) suggèrent que la réduction du contrôle visuel de l’environnement effectuée par un conducteur qui téléphone (voir plus haut) pourrait en partie expliquer cette modification du comportement de freinage. En effet, pour freiner de façon appropriée, le conducteur doit effectuer un contrôle de l’environnement lui permettant de prendre en compte toutes les informations pertinentes. Lorsqu’il est distrait, la prise en compte de ces éléments est altérée, ce qui retarde le moment de prise de décision. Dans ce cas, un freinage plus brutal permet de compenser ce délai.

Dynamique du véhicule

Selon la méta-analyse réalisée par Caird et coll. (2008renvoi vers), converser au téléphone n’affecte de façon sensible ni le contrôle latéral ni les distances inter-véhiculaires. En effet, l’impact est minimal et surtout diffère en fonction des études. Ces auteurs signalent toutefois que les études sont peu nombreuses et parfois contradictoires. À titre d’exemple, pour Alm et Nilsson (1995renvoi vers), les conducteurs qui téléphonent ne compensent pas l’augmentation de leurs temps de réaction en augmentant leurs distances inter-véhiculaires ; tandis que pour Strayer et coll. (2003renvoi vers), ils augmentent la distance à laquelle ils suivent un véhicule et ce, que le trafic soit dense ou non. Dans les deux cas les études étaient réalisées en conduite simulée. Lamble et coll. (1999renvoi vers) ont pris comme référence le temps à la collision, c’est-à-dire le temps nécessaire pour qu’un véhicule entre en collision avec un véhicule le précédant, s’ils maintiennent constantes leur course et leur vitesse. Ils ont montré, à l’inverse, que ce temps à la collision diminue lorsque le conducteur téléphone au volant.
Comme le soulignent Horrey et Wickens (2006renvoi vers), le fait que l’impact du téléphone soit plutôt exprimé en termes d’augmentation des temps de réponse, qu’en termes de contrôle de la trajectoire s’explique. En effet, le contrôle de la trajectoire est une habileté relativement automatique qui nécessite peu de ressources attentionnelles. Répondre à un signal est moins automatique car le conducteur ne doit pas seulement détecter ce signal, mais aussi sélectionner une séquence d’actions appropriées pour y répondre. Notons, toutefois, que certaines études ont montré que le contrôle latéral pourrait être amélioré pendant les communications téléphoniques (Engström et coll., 2005renvoi vers ; Törnros et Bolling, 2005renvoi vers ; Pereira, 2009renvoi vers). En effet, le contrôle de la trajectoire est fortement lié à la direction des regards. La concentration spatiale des regards vers le centre de la voie observée lorsque les conducteurs effectuent des tâches cognitives pourrait ainsi entraîner, dans certains cas, un meilleur maintien du véhicule sur la voie.
L’éventualité que les conducteurs compensent l’augmentation des temps de réponse engendrée par une conversation téléphonique en réduisant leurs vitesses a été également évaluée. Ici encore les résultats sont divergents. Si certaines études montrent une réduction des vitesses lorsque les conducteurs conversent avec un téléphone mains-libres (Fairclough et coll., 1991renvoi vers ; Haigney et coll., 2000renvoi vers ; Rakauskas et coll., 2004renvoi vers ; Cooper et coll., 2009renvoi vers), d’autres ne font apparaître une réduction des vitesses que si le téléphone est tenu à la main (Burns et coll., 2002renvoi vers ; Patten et coll., 2004renvoi vers ; Törnros et Bolling, 2005renvoi vers et 2006renvoi vers). Le trafic pourrait également jouer un rôle : la vitesse ne diminue que lorsque le trafic est modéré à fort et non s’il est faible (Cooper et coll., 2009renvoi vers) ; ainsi que la durée de l’appel : la vitesse diminuerait pour des appels professionnels d’une durée inférieure à 11 minutes et augmenterait quand ils sont plus longs (Rosembloom, 2006renvoi vers). Notons que, dans ce dernier cas, les résultats ont été obtenus sur route auprès de 34 conducteurs ne se sachant pas observés. Selon la méta-analyse de Caird et coll. (2008renvoi vers), les conducteurs qui tiennent leur téléphone à la main réduiraient davantage leur vitesse que ceux qui utilisent un kit mains-libres (voir section « Mains-libres/tenu à la main »).

Prise de décision

La plupart des études expérimentales se sont centrées sur l’impact des communications téléphoniques sur des composantes de la tâche de conduite telles que les temps de freinage, le contrôle de la trajectoire du véhicule et sa dynamique. Très peu de travaux se sont intéressés aux effets de l’utilisation du téléphone sur les aspects plus tactiques ou stratégiques et sur la prise de décision.
Les premiers travaux qui ont montré l’effet délétère d’une conversation téléphonique sur les capacités d’un conducteur à prendre une décision ont été réalisés par Brown et coll. (1969renvoi vers) sur piste d’essais. Les conducteurs devaient passer des portes de différentes largeurs. Lorsqu’une porte était jugée trop étroite, ils empruntaient une branche de contournement. Les erreurs d’appréciation se sont avérées bien plus nombreuses pendant les phases de communications téléphoniques.
Plus tard, les interactions entre des conducteurs en train de téléphoner et les autres usagers de la route ont été observées en condition réelle de conduite par Anttila et Luoma (2005renvoi vers). Ces auteurs ont montré que réaliser une tâche auditive perturbe la façon dont les conducteurs interagissent avec les autres usagers notamment en intersection. Les auteurs enregistrent, en effet, une augmentation des attentes non nécessaires avant de s’engager et des comportements dangereux de la part des conducteurs distraits, ainsi qu’une augmentation des comportements inappropriés envers les usagers vulnérables (piétons ou cyclistes), les conducteurs contraignant ces derniers à s’arrêter pour éviter un conflit, par exemple. Ces situations seraient même plus fréquentes pendant la réalisation de tâches cognitives ou auditives, que pendant la réalisation de tâches de nature visuelle.
D’autres auteurs se sont intéressés ensuite aux changements de voie en conduite simulée. Cooper et coll. (2009renvoi vers) ont exploré l’influence d’une conversation téléphonique sur des comportements de conduite non contraints : les conducteurs étaient autorisés à changer de voie toutes les fois qu’ils le souhaitaient. Le nombre de changements de voie s’est avéré significativement moins élevé pendant les conversations, notamment lorsque le trafic était modéré à fort. Des résultats similaires ont été obtenus par Beede et Kass (2006renvoi vers). Ces derniers ont montré, en outre, que les conducteurs commettaient un nombre significativement plus élevé de violations (dépassements de vitesse, non arrêts aux stops ou feux rouges, dépassements de ligne continue) et un nombre significativement plus élevé d’erreurs qu’ils ont qualifiées d’erreurs attentionnelles (inspection insuffisante d’une intersection, arrêt en l’absence de stop ou à un feu vert ou démarrage avant un feu vert) pendant les conversations téléphoniques. En prenant moins souvent la décision de changer de voie, les conducteurs privilégient leur trajectoire ; ils évitent les sous-tâches de la conduite plus secondaires afin d’allouer plus de ressources attentionnelles à la double tâche de téléphoner et conduire. Comme le soulignent Beede et Kass (2006renvoi vers), un comportement qui consiste à éviter la réalisation de certaines tâches mais au cours duquel est enregistré un nombre plus important d’erreurs et de violations plaide en faveur d’une altération de la conscience de la situation2 parce que les conducteurs ne parviennent plus à traiter toutes les informations de l’environnent routier. Cette diminution de la conscience de la situation pendant les communications téléphoniques a été également observée par Gugerty et coll. (2004renvoi vers). Ces auteurs ont montré, en confrontant des conducteurs à des scènes vidéographiques, qu’une communication téléphonique dégrade différents aspects de leur conscience de la situation incluant les capacités à identifier, à répondre correctement à des événements dangereux et à éviter des accidents.
L’utilisation du téléphone affecterait aussi davantage les conducteurs dans les situations exigeant une prise de décision complexe, comme celle de tourner à gauche, et moins dans des situations où les prises de décision sont plus simples, comme celle de s’arrêter à un feu rouge. Cooper et coll. (2003renvoi vers) ont exposé des conducteurs à différentes situations de conduite sur piste, alors qu’ils devaient écouter et répondre à des messages relativement complexes. L’importance de la dégradation des performances de conduite en condition de double tâche s’est révélée dépendante de la complexité de la manœuvre. Dans les situations les plus habituelles comme celles de réagir à des feux de circulation, les conducteurs ont pu mettre en place des stratégies d’adaptation qui leur ont permis de s’arrêter avec succès lorsque cela est nécessaire, même s’ils étaient en double tâche. Cela n’était pas le cas dans les situations plus complexes comme tourner à gauche avec du trafic en sens inverse. L’impact des situations d’attention partagée s’est même révélé aggravé lorsque les conditions de conduite étaient mauvaises, sur route mouillée, empêchant les conducteurs de réaliser les ajustements nécessaires pour gérer correctement l’interaction avec les autres véhicules ; les prises de décision se sont avérées ainsi plus risquées.

Comparaison avec d’autres activités verbales et auditives

L’impact d’une conversation téléphonique sur le comportement de conduite a été comparé à la pratique d’autres activités verbales ou auditives telles que l’écoute de la radio ou le fait de discuter avec un passager. Il en ressort que toutes les tâches auditives n’altèrent pas les performances de conduite de la même manière.

Téléphoner et écouter la radio

Plusieurs études ont comparé l’effet de l’écoute de la radio avec celui d’une conversation téléphonique sur les performances de conduite. Contrairement à la condition téléphonique, aucune influence sur les temps de réponse n’est constatée lorsque les conducteurs écoutent la radio (Strayer et Johnston, 2001renvoi vers ; Consiglio et coll., 2003renvoi vers ; Bruyas et coll., 2006renvoi vers). Pour Recarte et Nunes (2003renvoi vers), seules les tâches qui impliquent la production d’une réponse verbale ont un effet sur la recherche visuelle et sur les capacités de détection et de sélection de la réponse. Les tâches qui se limitent à l’écoute d’un matériel verbal, tel que la radio, n’affectent ni le comportement visuel, ni la détection. Pour ces auteurs, recevoir une information sous la forme de messages neutres, sans connotation émotionnelle, et ne nécessitant pas la réalisation d’une action immédiate ne perturbe pas la tâche de conduite. Des résultats similaires ont été obtenus par McCarley et coll. (2004renvoi vers). Ces derniers ont montré un déficit dans la capacité des participants à détecter des changements dans des scènes routières réelles quand ils conversent avec un téléphone mains-libres, mais ce genre de déficit n’est pas observé s’ils écoutent les conversations pré-enregistrées d’autres participants.
De ces différents travaux il ressort qu’écouter un matériel vocal n’est pas suffisant, en soi, pour générer une interférence avec la tâche de conduite. En l’absence d’un réel engagement dans une activité verbale, ce qui est généralement le cas de l’écoute de la radio, aucune dégradation de la tâche de conduite n’est observée. Il est bien entendu que la demande attentionnelle pourrait varier en fonction de l’émission écoutée et surtout se différencie de la manipulation des commandes de la radio.
Kunar et coll. (2008renvoi vers) ont tenté de préciser à quel niveau se situe cette interférence entre les deux tâches. Pour cela, ils ont utilisé une tâche dite de tracking consistant à poursuivre des cercles en mouvement et testé deux conditions de production de parole. Ils ont tout d’abord montré qu’une conversation téléphonique altère les temps de réponse à la tâche de poursuite, alors que le simple fait d’écouter un récit ne les altère pas. En outre, la tâche de poursuite est altérée lorsque les sujets génèrent des mots à partir de mots entendus mais ne l’est pas s’ils doivent simplement répéter ces mots. Ces auteurs en concluent que l’interférence observée ne se situe pas au niveau moteur de la production du langage, mais au niveau des processus cognitifs nécessaires à la conduite d’une discussion. Seules les tâches les plus complexes interfèrent et non les tâches purement motrices comme celles de répéter des mots. De tels résultats peuvent être rapprochés de ceux obtenus par Bruyas et coll. (2009renvoi vers). Dans une étude sur simulateur, ceux-ci ont évalué l’effet d’une communication rendue asynchrone grâce à l’usage d’un répondeur. La communication qui en résulte est segmentée en trois parties : l’écoute du message, la production de la réponse et les différentes phases d’interaction avec le système. Les trois phases n’ont pas le même effet sur le comportement de conduite, exprimé ici en termes de détection de signaux et de temps de réponse. Les phases les plus perturbatrices qui correspondent aux temps de réponse les plus longs et au nombre d’erreurs de détection les plus nombreuses sont les phases de production d’une réponse verbale, au cours desquelles l’engagement du conducteur est le plus important. L’usage d’un tel répondeur pourrait s’avérer avantageux en conduite, parce qu’il place la communication sous le contrôle du conducteur ce qui n’est pas le cas d’une conversation téléphonique : d’une part, le conducteur peut réécouter le message transmis autant de fois qu’il le souhaite et, d’autre part, il peut choisir un moment adéquat pour y répondre, après avoir terminé une manœuvre par exemple. Notons encore que les phases de réponse se sont avérées très courtes, ce qui confère à un répondeur de ce type un avantage additionnel, sur une conversation téléphonique.

Discuter au téléphone ou avec un passager

La question de savoir s’il est plus dangereux de discuter au téléphone ou avec un passager fait débat. Plusieurs études ont tenté de comparer les effets sur la conduite d’une conversation téléphonique et d’une conversation avec un passager. Avant toute chose, il convient de rappeler qu’une conversation quelle qu’elle soit place le conducteur en situation de double tâche, ce qui a de fait un effet potentiel sur la conduite. À cet égard, la méta-analyse de Caird et coll. (2008renvoi vers) fait apparaître un coût à peu près équivalent en termes de temps de réponse entre les deux tâches.
Une des premières recherches comparant les deux tâches a été réalisée par Fairclough et coll. (1991renvoi vers). Pour ces auteurs, converser au téléphone augmente davantage le rythme cardiaque que parler avec un passager, résultat qu’ils expliquent en partie par l’inexpérience de leurs conducteurs de l’utilisation du téléphone au volant qui aurait pu générer un stress additionnel ; l’usage du téléphone était en effet encore marginal à cette époque. Ils émettent toutefois l’hypothèse qu’une conversation téléphonique pourrait être plus exigeante en attention que parler avec un passager. Plus tard, Consiglio et coll. (2003renvoi vers) ont trouvé une augmentation légère mais non significative des temps de réponse entre conversations avec un passager et conversations par téléphone. Les auteurs notent que ces résultats, obtenus en laboratoire, auraient peut-être été différents en situation réelle de conduite, car les conducteurs pourraient adapter le débit de leurs conversations en fonction des situations, ce qui serait plus facile à réaliser avec un passager que par téléphone. Les travaux de Drews et coll. (2008renvoi vers) ont confirmé cette hypothèse et montré que les deux types de conversations diffèrent parce que le trafic environnant peut devenir un sujet de la conversation, ce qui aident passager et conducteur à partager une même conscience de la situation et par conséquent atténue les effets négatifs de la conversation sur la tâche de conduite. Crundall et coll. (2005renvoi vers) ont étayé cette hypothèse en montrant que le rythme d’une conversation avec passager se modifie en fonction des exigences de la route, un phénomène qu’ils ont appelé suppression de la conversation. Conducteur et passager interrompent naturellement la conversation lorsque la situation de conduite se complexifie, ce qui ne peut se produire lors d’un appel téléphonique. La méta-analyse de Horrey et Wickens (2006renvoi vers) ne semble cependant pas accréditer cette idée. Pour Horrey et Wickens, les deux types de discussions ont un coût similaire sur les performances de conduite. Cela suggère que les passagers, au moins dans les études explorées, n’ont pas modulé leur conversation de façon à en alléger le coût. Ces résultats doivent toutefois être interprétés avec précaution, compte tenu du peu d’études prises en compte.
Gugerty et coll. (2004renvoi vers) ont étudié l’effet des conversations sur la conscience de la situation des conducteurs. Leurs résultats ont montré que le traitement des informations routières est dégradé dans les deux cas. Les auteurs soulignent toutefois que lorsqu’un conducteur est très impliqué dans une conversation téléphonique, il pourrait rencontrer plus de difficultés pour en détourner son attention et revenir à la tâche de conduite en cas de nécessité.
D’autres études ont montré que les deux types de conversation ont un effet différent sur la conduite. Drews et coll. (2008renvoi vers) ont évalué différentes mesures de performances de conduite reflétant les niveaux opérationnel, tactique et stratégique de la conduite (cf. le modèle de Michon, 1985). Ils ont observé une plus grande variabilité de la trajectoire, de plus grandes distances inter-véhiculaires, et un plus grand nombre d’erreurs de navigation pendant les conversations téléphoniques que pendant les conversations avec passager. Ils expliquent ce dernier résultat, en faisant référence à l’hypothèse de cécité inattentionnelle (Strayer et coll., 2003renvoi vers et 2007renvoi vers). Les conducteurs traiteraient insuffisamment les informations provenant de l’environnement lorsqu’ils téléphonent, alors que lorsqu’ils discutent avec un passager, ce dernier serait susceptible de suppléer à cette insuffisance.
Hunton et Rose (2005renvoi vers) ont observé dans une expérimentation sur simulateur que les conversations téléphoniques étaient associées à un nombre plus important d’erreurs de conduite et « d’accidents » que celles avec un passager. Pour ces auteurs, les conversations téléphoniques exigent davantage de ressources attentionnelles de la part du conducteur, ce qui est préjudiciable pour la tâche de conduite. Ces résultats sont conformes à ceux de Charlton (2009renvoi vers), qui a obtenu également sur simulateur un taux plus élevé d’accidents chez les conducteurs au téléphone comparativement à ceux qui parlent avec un passager.
Pour tenter de mieux comprendre les différences entre les deux types de conversations, plusieurs études ont analysé les variations des conversations, dans les deux conditions. Lorsque l’on conduit, une dégradation plus importante de la qualité du discours est observée pendant les conversations téléphoniques comparées à des conversations avec un passager. Moins de mots sont prononcés par minute (Gugerty et coll., 2004renvoi vers), tandis que les nombres d’hésitations et de répétitions sont plus élevés (Bruyas et Taffin, 2009renvoi vers), ainsi que le nombre d’erreurs (Laberge et coll., 2004renvoi vers).
La complexité de la tâche de conduite a également un impact négatif sur la qualité du discours : la longueur moyenne des énoncés diminue (Crundall et coll., 2005renvoi vers), le nombre des hésitations augmente (Bruyas et Taffin, 2009renvoi vers), ainsi que le nombre de répétitions (Laberge et coll., 2004renvoi vers), la complexité du discours exprimée en termes de syllabes par mot diminue (Drews et coll., 2008renvoi vers ; Laberge et coll., 2004renvoi vers).
Le fait que le discours soit davantage altéré pendant les conversations téléphoniques pourrait être révélateur d’une demande attentionnelle plus importante de la tâche de communication téléphonique. Deux raisons pourraient l’expliquer. Une première raison est liée à l’absence de l’interlocuteur. Une conversation par téléphone exige des ressources cognitives supplémentaires de la part du conducteur, pour compenser l’absence d’indices non verbaux existants dans une situation de face à face (Alibali et coll., 2001renvoi vers). À cette absence de feedback, s’ajoute, pour l’interlocuteur, l’absence d’information sur le trafic environnant, une situation qui ne permet pas aux interlocuteurs d’adapter leur coopération. Notons toutefois que l’attitude des passagers pourrait être déterminante dans le détournement de l’attention générée par la conversation. En effet, cette coopération avec le passager peut devenir un inconvénient si le passager est mal avisé ou agressif. Dans ce cas, la distance psychologique imposée par le téléphone pourrait même être bénéfique !
Parallèlement, une conversation avec un passager est rythmée par le conducteur et peut être interrompue si la demande attentionnelle de la conduite augmente (Crundall et coll., 2005renvoi vers). Par opposition, le rythme d’une conversation téléphonique est dirigé par une attente de continuité. Bruyas et Taffin (2009renvoi vers) ont montré, en analysant des conversations obtenues en conditions réelles de conduite, que le débit verbal global des conducteurs est équivalent qu’ils conversent avec un passager ou au téléphone. Cependant, lorsque les hésitations en sont exclues et que seuls les mots sont comptés, ce débit verbal est inférieur dans le cas du téléphone. Un tel résultat exprime cette nécessité d’assurer la continuité de la conversation : un silence étant potentiellement mal compris par l’interlocuteur, le conducteur occupe le terrain en multipliant hésitations et répétitions. Un processus similaire est décrit par Drews et coll. (2008renvoi vers) qui ont observé que les conducteurs gardaient la parole plus souvent au téléphone qu’avec un passager, effet qu’ils ont interprété comme une nécessité de dominer la conversation pour éviter de s’engager dans un processus de compréhension. Il est bien évident que de tels processus nécessitent un effort cognitif important.
L’ensemble de ces résultats montre finalement que la demande attentionnelle pourrait être bien plus importante dans le cas d’une conversation téléphonique que dans le cas d’une conversation avec un passager.

Téléphone mains-libres ou tenu à la main

L’utilisation d’un téléphone mains-libres a-t-elle les mêmes effets sur la conduite que l’utilisation d’un téléphone tenu à la main ? Plusieurs études ont tenté de mesurer les effets des deux types de téléphone sur la conduite (Haigney et coll., 2000renvoi vers ; Burns et coll., 2002renvoi vers ; Consiglio et coll., 2003renvoi vers ; Patten et coll., 2004renvoi vers ; Törnros et Bolling, 2005renvoi vers ; Strayer et coll., 2006renvoi vers ; Hendrick et Switzer, 2007renvoi vers). Les paramètres les plus souvent investigués sont la charge mentale induite par leur usage et les effets sur les performances de conduite.
Dans tous les cas, le fait de maintenir une conversation au téléphone en conduisant induit une augmentation de la charge mentale, mais celle-ci est comparable quel que soit le téléphone utilisé pour Patten et coll. (2004renvoi vers) dans une expérimentation réalisée en condition réelle de trafic et pour Törnros et Bolling (2005renvoi vers) dans une expérimentation réalisée sur simulateur. Pour le vérifier, ces auteurs ont utilisé une tâche parallèle de détection périphérique (« Peripheral Detection Task »). Considérée comme un indicateur indirect de la charge mentale, cette tâche consiste à détecter des diodes sur le pare-brise et à appuyer sur un bouton lorsqu’elles s’allument. Les résultats ont montré que les temps de réponses à ces diodes sont plus élevés pendant les communications téléphoniques, mais de façon comparable pour les deux types de téléphone, traduisant une augmentation de la charge mentale équivalente dans les deux cas. Des résultats équivalents sont obtenus avec une mesure du rythme cardiaque qui augmente dans les deux cas (Haigney et coll., 2000renvoi vers). Notons toutefois que dans une autre expérimentation, Burns et coll. (2002renvoi vers) ont obtenu des résultats différents sur simulateur, les conducteurs ayant jugé la demande attentionnelle supérieure lorsque le téléphone est tenu à la main que lorsque c’est un téléphone mains-libres.
Les performances de conduite ont été évaluées, tout d’abord, en termes de temps de réponse. Comme précédemment, les temps de réponse augmentent lorsque le conducteur téléphone au volant, mais aucune différence n’est enregistrée que le téléphone soit mains-libres ou tenu à la main (Strayer et Johnston, 2001renvoi vers ; Burns et coll., 2002renvoi vers ; Consiglio et coll., 2003renvoi vers ; Strayer et coll., 2006renvoi vers ; Hendrick et Switzer, 2007renvoi vers) ; ce que confirment les méta-analyses de Horrey et Wickens (2006renvoi vers) et de Caird et coll. (2008renvoi vers).
En ce qui concerne le contrôle latéral du véhicule, les travaux de Törnros et Bolling (2005renvoi vers) ne font pas apparaître de différence entre les deux types de téléphone. Ces auteurs observent un maintien de la trajectoire légèrement meilleur lorsque les conducteurs téléphonent, comme cela a été montré plus haut. Ce résultat diffère toutefois des travaux de Haigney et coll. (2000renvoi vers) qui ont observé un nombre de sorties de route sur simulateur plus élevé lorsque le téléphone est tenu à la main et de ceux de Burns et coll. (2002renvoi vers) pour qui aucun des deux types de téléphone n’a d’effet sur le contrôle latéral du véhicule.
C’est en termes de vitesses que les différences entre les deux types de téléphone semblent les plus importantes. On observe, en effet, une diminution significative des vitesses lorsque le téléphone est tenu à la main (Burns et coll., 2002renvoi vers ; Patten et coll., 2004renvoi vers ; Törnros et Bolling, 2005renvoi vers et 2006renvoi vers) ou, selon Haigney et coll. (2000renvoi vers), pour les deux modes téléphoniques. Deux raisons peuvent expliquer ce phénomène de réduction des vitesses. Ces résultats pourraient traduire une adaptation du comportement de conduite visant à réduire la charge mentale engendrée par le fait de téléphoner en conduisant afin de la maintenir à un niveau acceptable. Ceci pourrait expliquer, au final, que la charge mentale est comparable dans les deux cas. Cependant, s’il est important de souligner la possibilité de la mise en place d’un tel comportement d’adaptation, Patten et coll. (2004renvoi vers) insistent sur le fait qu’il n’est peut-être pas suffisant pour compenser, de façon totalement sécuritaire, la réduction d’attention accordée à la tâche de conduite. Une autre explication de cette réduction des vitesses réside dans le fait que les conducteurs pourraient avoir davantage conscience des effets négatifs sur la conduite d’une distraction engendrée par une tâche manuelle, telle que tenir son téléphone à la main, et sous-estimer cette distraction si elle est uniquement cognitive avec un téléphone mains-libres.
De ces résultats, il ressort que les effets d’une conversation par le biais d’un téléphone tenu à la main versus mains-libres sur le comportement de conduite ne semblent pas si différents, qu’ils soient exprimés en termes de charge mentale, ou en termes de comportement de conduite, à l’exception des vitesses qui sont parfois réduites dans le cas du téléphone tenu à la main ; un résultat confirmé par les méta-analyses (Horrey et Wickens, 2006renvoi vers ; Caird et coll., 2008renvoi vers). Les auteurs insistent cependant sur le fait que l’impact négatif du téléphone tenu à la main pourrait être exacerbé dans les situations qui nécessitent une intervention manuelle de la part du conducteur (tourner en intersection, par exemple). Ainsi, comme le soulignent Consiglio et coll. (2003renvoi vers), ceci ne veut pas dire que le téléphone mains-libres n’est pas avantageux dans certaines situations. Mais il est clair qu’un kit mains-libres ne peut pas résoudre tous les problèmes attentionnels liés à l’utilisation du téléphone au volant.

Converser et manipuler son téléphone

Outre le fait de discuter avec un interlocuteur, utiliser un téléphone portable sous-entend la réalisation de diverses tâches, telles que numéroter, décrocher/raccrocher. D’autres fonctions sont également disponibles, telles que lire ou écrire des SMS, ou encore consulter les nombreux services disponibles sur Internet... Les travaux mentionnés précédemment étaient focalisés sur l’effet de tâches cognitives telles que converser au téléphone et en excluaient la manipulation proprement dite. Les tâches de nature visuo-manuelle auront, bien évidemment, des répercussions bien différentes sur la conduite.

Effet des tâches visuo-manuelles sur la conduite

Tout d’abord, réaliser au volant une tâche visuelle n’a pas les mêmes effets sur le comportement visuel des conducteurs que réaliser une tâche auditive ou cognitive. Une tâche visuelle induit nécessairement un détournement du regard vers le dispositif utilisé, entraînant de fait l’interruption momentanée du traitement des informations en provenance de l’environnement routier. Victor et coll. (2005renvoi vers) ont montré que, lorsque l’on conduit, le temps passé à regarder un dispositif sur lequel des informations sont affichées s’accroît avec la complexité de la tâche visuelle à réaliser : les regards sont plus nombreux, durent en moyenne plus longtemps et le nombre de regards dépassant les deux secondes augmente. Parallèlement, le phénomène de concentration des regards vers le centre de la route qui était enregistré pendant la réalisation des tâches auditives pourrait s’intensifier avec les tâches visuelles, lorsque le regard revient sur la route après consultation du dispositif. Les auteurs enregistrent ainsi non seulement une perte de l’information liée au détournement du regard vers l’intérieur du véhicule, mais également une altération de la prise d’information, similaire à celle qui est observée pour des tâches de nature cognitive.
La réalisation de tâches visuo-manuelles a également des répercussions différentes sur les performances de conduite. Tout d’abord, une augmentation plus importante des temps de réponse pour détecter des signaux ainsi qu’une diminution plus importante du nombre de signaux correctement détectés sont observées pendant les phases de numérotation comparées à des phases de conversations téléphoniques (Törnros et Bolling, 2005renvoi vers). Il en est de même pendant la réalisation de tâches secondaires (incluant des phases de numérotation) nécessitant une interface visuo-manuelle comparées à ces mêmes tâches réalisées avec une interface vocale (Ranney et coll., 2005renvoi vers).
Les répercussions des tâches visuo-manuelles s’avèrent particulièrement négatives, en termes de contrôle de la trajectoire. Briem et Hedman (1995renvoi vers) ont montré une augmentation des déviations de trajectoires pendant la manipulation des commandes de la radio. Ces déviations s’avèrent également plus importantes que celles qui sont observées pendant des communications. Des résultats comparables sont obtenus pendant les phases de numérotation, par Törnros et Bolling (2005renvoi vers) pendant la réalisation de différentes tâches visuo-manuelles incluant des tâches de numérotation, par Ranney et coll. (2005renvoi vers) et pour Tsimhoni et coll. (2004renvoi vers), en ce qui concerne des entrées de destinations sur un système de navigation.
Comme l’ont montré Engström et ses collaborateurs (2005renvoi vers), la direction des regards est fortement liée au contrôle de la trajectoire, et plus le conducteur quitte la route des yeux, plus sa position sur la voie se dégrade. Le partage temporel nécessaire pour réaliser une tâche visuo-manuelle en conduisant induit un contrôle intermittent de l’environnement, au cours duquel le conducteur s’efforce de maintenir une trajectoire acceptable en réduisant sa vitesse et/ou en faisant de larges corrections avec son volant ; contrairement aux tâches auditives qui entraînent une concentration des regards vers le centre de la voie et sont associées à de meilleures performances de maintien sur la voie. Pour Jamson et Merat (2005renvoi vers), l’altération de la trajectoire serait d’autant plus importante que la tâche visuo-manuelle est complexe ; l’inverse étant observé pour les tâches auditives : plus la tâche devient complexe et moins la trajectoire est altérée. C’est à ce niveau que se révèlent les différences les plus importantes entre les effets sur les performances de conduite d’une tâche visuo-manuelle et ceux d’une tâche cognitive ou auditive. Caird et coll. (2008renvoi vers) soulignent également que la tenue et/ou la manipulation du téléphone ou d’un clavier nécessite l’usage d’une main, ce qui peut générer une interférence biomécanique avec la tenue du volant et ajouter aux difficultés du contrôle de la trajectoire.
Toutefois, différents auteurs ont mis en évidence certaines formes d’adaptation des conducteurs à ces situations d’attention partagées. Sur simulateur de conduite, Horberry et coll. (2006renvoi vers) ont montré que les conducteurs réduisent davantage leur vitesse lorsqu’ils manipulent les commandes de leur autoradio ou insèrent une cassette, que lorsqu’ils conversent au téléphone. Pour Ranney et coll. (2005renvoi vers), ils augmentent leur distance inter-véhiculaire lorsqu’ils utilisent une interface qu’elle soit manuelle ou vocale, et ce, même s’ils ont pour consigne de maintenir cette distance constante. Des résultats similaires sont obtenus par Tsimhoni et coll. (2004renvoi vers) : lorsqu’ils entrent une destination, les conducteurs ralentissent quel que soit le mode utilisé (manuel ou vocal), et les distances inter-véhiculaires les plus élevées sont relevées en mode manuel (utilisation du clavier d’un système de navigation). Lansdown et coll. (2004renvoi vers), quant à eux, se sont intéressés aux conflits d’information qui pourraient être engendrés par une interaction simultanée avec plusieurs systèmes, situations au cours desquelles, un conducteur doit effectuer plusieurs tâches ajoutées tout en maintenant un contrôle sécuritaire de son véhicule. Ils ont enregistré une réduction des vitesses pendant la réalisation des tâches visuo-manuelles qu’elles soient réalisées simultanément ou non. Les inter-distances se sont toutefois révélées significativement réduites pendant la réalisation d’une seule tâche secondaire mais les auteurs notent une augmentation non significative lorsque les conducteurs réalisent simultanément deux tâches secondaires. De tels comportements visant à réduire la vitesse ou à augmenter les distances inter-véhiculaires sont interprétés comme des tentatives de la part des conducteurs pour réduire la demande attentionnelle additionnelle engendrée par la réalisation de ces tâches visuo-manuelles.

Effet selon le type d’interface : visuelle ou auditive

Des comparaisons ont été réalisées entre l’effet d’une numérotation vocale et celui d’une numérotation manuelle (Jenness et coll., 2002renvoi vers). Les conducteurs sont sortis plus souvent de leur voie en composant un numéro manuellement qu’en condition de contrôle sans numérotation ; et les différences ne se sont pas révélées significatives entre numérotation vocale et condition de contrôle sans numérotation. Parallèlement, les conducteurs ont réduit leur vitesse de façon équivalente pour les deux modes, pour compenser la demande attentionnelle additionnelle ; mais cette compensation n’est pas suffisamment efficace pour maintenir un taux faible d’erreurs de conduite en mode manuel, comme en témoigne l’augmentation du nombre des sorties de voie enregistrées.
Cet avantage de la numérotation orale sur une numérotation manuelle a été également mis en évidence par Salvucci et coll. (2002renvoi vers) et par Ranney et coll. (2005renvoi vers). Enfin, le mode vocal s’avère également avantageux sur le mode manuel pour entrer une destination avec un système de navigation (Tsimhoni et coll., 2004renvoi vers). Le temps nécessaire pour entrer une adresse en conduisant est plus court que lorsque les conducteurs utilisent un clavier et l’altération de la trajectoire observée est moindre. Au final, les conducteurs considèrent l’utilisation du clavier comme plus difficile que le mode vocal.

Envoi et réception de SMS

Peu d’études se sont focalisées sur l’effet sur la conduite de l’envoi ou de la réception de SMS (Drews et coll., 2009renvoi vers ; Hosking et coll., 2009renvoi vers). Écrire ou lire un SMS requièrent un détournement du regard vers le téléphone ; les deux études citées ne font pas apparaître de différence entre les deux activités. Compte tenu de l’âge de la population considérée (18-21 ans pour celle de Hosking et coll., 2009renvoi vers et 19-23 ans pour celle de Drews et coll., 2009renvoi vers), il est vraisemblable que les conducteurs participant à l’étude aient été très habitués à pratiquer ce genre d’activité, y compris au volant. Aussi la rédaction d’un SMS s’est peut-être avérée être une activité bien automatisée chez ces conducteurs, ce qui pourrait expliquer cette absence de différence, étant donné qu’aucune automaticité ne peut être mise en jeu pour la lecture de ce type de message.
Pour Hosking et coll. (2009renvoi vers), lire et écrire des SMS perturbent fortement l’exploration visuelle de l’environnement routier : les conducteurs regardent plus souvent et deux fois plus longtemps à l’intérieur du véhicule qu’en condition de contrôle (sans SMS). Ce temps d’absence de contrôle de l’environnement routier a, bien évidemment, d’importantes conséquences en termes de performances de conduite. En effet, une altération de la trajectoire est enregistrée avec des sorties de route plus nombreuses, et une plus grande variabilité de la position latérale qu’en condition de contrôle. Les conducteurs compensent toutefois ces difficultés en augmentant leur distance de suivi. Les travaux de Drews et coll. (2009renvoi vers) ne font que confirmer ces résultats. Ces auteurs ont utilisé une tâche de suivi de véhicule sur autoroute, également sur simulateur de conduite, et les conducteurs devaient freiner toutes les fois que le véhicule suivi le faisait. Ils ont enregistré une augmentation significative des temps de réponse entre condition contrôle et condition de double tâche, et des temps de réaction équivalents que le conducteur lise ou écrive un SMS. Comme précédemment, une altération des performances de conduite est observée à la fois en termes de contrôle latéral et en termes de contrôle longitudinal. Si une augmentation des distances inter-véhiculaires moyennes est bien constatée, une plus grande variabilité de ces distances ainsi que des distances minimales plus courtes sont également enregistrées. Ce résultat traduit une tentative, de la part des conducteurs, pour réduire le risque d’accident lié à la réalisation de la double tâche, mais cette tentative n’est pas vraiment efficace car le nombre de collisions reste malgré tout plus élevé en condition de double tâche qu’en simple tâche. Comparant ces résultats avec des données obtenues précédemment dans les mêmes conditions avec des conversations téléphoniques (Cooper et Strayer, 2008renvoi vers), les auteurs montrent une altération des performances de conduite bien plus importante pour la lecture et la rédaction de SMS, que pour une conversation par téléphone. Ils en concluent que lire et écrire des SMS en conduisant pourraient être plus dangereux que bien d’autres activités distractives dans lesquelles un conducteur peut s’engager.

Limites des recherches expérimentales

Si les études expérimentales sont un excellent paradigme pour étudier le comportement des conducteurs dans un environnement contrôlé, il convient toutefois d’en signaler quelques limites. Dans la plupart de ces études, qu’elles soient réalisées sur simulateur ou en conduite réelle, la gestion de la tâche de conduite, tout comme celle des tâches distractives est souvent assurée par l’expérimentateur et non par le conducteur. Ce dernier doit suivre des instructions et n’a que peu de marges de manœuvre pour adapter son comportement à la situation. Notons néanmoins que des ajustements ont pu être enregistrés dans certains cas, tels qu’une diminution des vitesses ou une augmentation des inter-distances.
La tâche de conduite, en elle-même, n’est pas toujours très représentative d’une conduite naturelle, notamment lorsqu’il s’agit d’expérimentations en laboratoire ou sur simulateur de conduite. En effet, sous le terme de simulateur se retrouvent des réalités bien différentes. S’agissant parfois d’une simple tâche de « tracking » avec l’approximation d’un suivi de trajectoire (préférentiellement désignées comme expérimentations en laboratoire), le terme de simulateur peut faire référence à une variété de dispositifs dont le réalisme sera, bien évidemment, plus ou moins différent. Les expérimentations sur route, bien que plus réalistes, induisent également certains biais, liés à la conduite d’un véhicule non familier ou au manque de facteurs motivationnels. Le fait que le conducteur se sachant observé tende à conduire du mieux qu’il peut et que les situations évaluées soient généralement peu critiques pourraient laisser supposer que les résultats obtenus soient parfois optimistes. Enfin, certaines tâches de communication utilisées sont très artificielles telles que des tests mathématiques ou verbaux (les conversations naturelles seraient plus souvent employées dans la littérature depuis 2003 que par le passé). Notons toutefois que, selon Caird et coll. (2008renvoi vers), les tâches cognitives artificielles et les conversations naturelles ont des effets comparables sur les temps de réaction.
En conclusion, les recherches expérimentales ont montré que téléphoner en conduisant altère le traitement de l’information routière, augmentant ainsi la probabilité de ne pas percevoir ou de percevoir tardivement un élément important de l’environnement. À cela, s’ajoutent des temps de réponse plus longs lorsqu’un événement survient et un jugement parfois altéré. Les recherches visant à montrer des comportements d’adaptation sont limitées et les quelques résultats obtenus parfois divergents. Manipuler son téléphone pour numéroter, lire ou écrire des SMS, ou encore consulter des services sur Internet a un effet encore plus négatif sur la conduite. L’augmentation des temps de réaction est plus importante et ces tâches induisent un détournement du regard vers l’intérieur du véhicule qui a un impact très négatif sur le contrôle de la trajectoire. L’interférence biomécanique avec la tenue du volant, liée à la monopolisation d’une main, ajoute encore aux difficultés du contrôle de la trajectoire et concourt à montrer que réaliser ces tâches de nature visuo-manuelle en conduisant pourrait s’avérer très dangereux.

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