2011
| ANALYSE |
17-
Analyses coût-avantage des interventions de prévention du stress au travail
). En Grande-Bretagne, le coût de la dépression et de l’anxiété liées au stress professionnel était de 530 millions de livres en 2005 (EASH, 2009
). En France, le coût des pathologies imputables (maladies cardiovasculaires, dépression-anxiété et troubles musculosquelettiques) au job strain selon le modèle de Karasek a été estimé à environ 2 milliards d’euros en 2000 (Bejean et Sultan-Taïeb, 2005
). Même si ces évaluations sont difficilement comparables, elles indiquent néanmoins l’ampleur de l’enjeu économique et financier que représente l’exposition au stress professionnel. Parmi les pathologies associées à cette exposition, les troubles de santé mentale ont un impact économique important, dans la mesure où ils entraînent une détérioration de la qualité de vie, de la productivité au travail (Lim et coll., 2000
; Stewart et coll., 2003
; Lerner et Henke, 2008
) et des dépenses de santé élevées (Luppa et coll., 2007
; Konnopka et coll., 2009
).
). En effet, l’analyse comparée des coûts et des avantages des différentes interventions possibles permet de faire des choix raisonnés et de prioriser les actions d’interventions. C’est également un moyen de comparer les bénéfices attendus de la mise en œuvre de l’intervention par rapport à une situation de statu quo, c’est-à-dire sans intervention. Ce thème constitue cependant un domaine de recherche encore relativement peu développé, par comparaison à la littérature disponible sur les analyses coût-avantage des politiques de santé et des stratégies thérapeutiques. Toutefois, cette évaluation économique des politiques de prévention en santé au travail pose le problème particulièrement aigu de l’accès aux données en santé et sécurité au travail puisqu’il s’agit souvent de données d’entreprises (Serrier et coll., 2009
).Méthodes coût-avantage
).
(Drummond et coll., 2005
).Tableau 17.I Analyses coût-efficacité, coût-utilité, coût-bénéfice
|
Analyse coût-efficacité (cost-effectiveness) : ratio coûts/efficacité
- Mesure des coûts de la politique d’intervention
- Mesure unidimensionnelle des effets de la stratégie de santé étudiée, exprimée en unités physiques (nombre d’années de vie gagnées, nombre de cas évités, nombre de décès évités...).
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Analyse coût-utilité (cost-utility) : ratio coûts/(durée de vie gagnée x coefficient qualité de vie)
- Mesure bidimensionnelle des effets de la stratégie de santé étudiée : durée de vie gagnée, pondérée par un coefficient de qualité de vie (par exemple QALY, Quality Adjusted Life Years)
- Le coefficient de qualité de vie est calculé en utilisant des échelles validées.
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Analyse coût-bénéfice (cost-benefit) : différence coûts–bénéfices
- Mesure multidimensionnelle des effets (bénéfices), qui sont exprimés sous forme monétarisée, donc dans la même unité de mesure que les coûts.
- Approche des coûts évités : les bénéfices sont assimilés aux coûts évités par la stratégie de santé étudiée et correspondent aux coûts de la stratégie consistant à ne pas intervenir. Cette approche se heurte à un manque de données disponibles pour intégrer les coûts intangibles dans l’évaluation (souffrance psychologique, douleur, autonomie) et tenir compte de l’ensemble des conséquences de la stratégie de santé envisagée.
- Approche de l’évaluation contingente : l’estimation des bénéfices est basée sur les préférences individuelles qui sont révélées par la méthode de la disposition à payer.
|
). Selon cette définition, une étude qui ne mesure que les coûts de l’intervention sans produire de mesure quantifiée des gains de cette intervention (ou inversement) ne fait pas partie des études coût-avantage.
) dépend à la fois des objectifs poursuivis par l’étude et du point de vue adopté, qu’il soit celui de la société dans sa globalité, celui du système de protection sociale, de l’entreprise/organisation dans laquelle est mise en œuvre la politique d’intervention ou celui du travailleur. Si l’on se place dans le cas d’une politique publique de prévention mise en œuvre à l’échelle d’un pays, le point de vue retenu peut être celui de la collectivité dans son ensemble, ou de manière plus restrictive celui du financeur (système de protection sociale, ou système d’assurance). La perspective adoptée joue un rôle essentiel dans l’évaluation dans la mesure où elle conditionne la nature et la mesure des coûts et des avantages pris en compte. Par exemple, une évaluation, réalisée du point de vue de l’entreprise, d’une politique ayant un effet sur la fréquence d’une maladie professionnelle, prendra en compte les effets de la politique de prévention sur les coûts assumés par l’entreprise : notamment les effets de l’absence du salarié sur la production réalisée dans l’entreprise, les pertes de productivité liées au présentéisme2
du salarié (avant ou après le congés maladie, période pendant laquelle le salarié travaille à un niveau de productivité inférieur à la normale à cause d’un état de santé dégradé), ou les effets de la maladie professionnelle sur le taux de cotisation accident du travail/maladie professionnelle (ATMP) (même si les effets sont jusqu’à présent très indirects et différés en France) (Bras et Delahaye-Guillocheau, 2004
; Bras, 2007
). En revanche, une analyse réalisée du point de vue du système de sécurité sociale prendra en compte les coûts médicaux pris en charge par la branche Assurance maladie (ou la branche ATMP si la maladie professionnelle est reconnue et indemnisée). La collectivité dans son ensemble constitue également un point de vue pertinent pour l’évaluation des politiques de prévention des troubles de santé mentale d’origine professionnelle. Une analyse du poids économique des troubles de santé mentale dans la population salariée en Europe et en Amérique du Nord met en avant le fait que ce poids est partagé entre les salariés et leur famille, les employeurs, le système de protection sociale au sens large (santé, retraite, chômage) et les systèmes d’assurance (Dewa et coll., 2007
). Le point de vue adopté dans l’évaluation économique ne conditionne pas de façon univoque et systématique le type de méthode utilisée (coût-efficacité, coût-utilité, coût-bénéfice). Cependant, adopter la perspective de la société dans une évaluation conduit souvent à privilégier la méthode coût-bénéfice, qui permet de prendre en compte une pluralité de dimensions dans la mesure des effets de la stratégie étudiée.Évaluations coût-avantage des interventions de prévention du stress professionnel et des troubles de santé mentale sur le lieu de travail
: l’intervention peut être organisationnelle et orientée vers l’environnement de travail (actions sur l’organisation et les conditions de travail), ou individuelle et orientée vers le travailleur (actions psychologique, pharmacologique), celui-ci pouvant être recruté en tant que patient dans une unité de soins. Dans ce dernier cas, le lien entre l’intervention et le travail provient du fait que les effets mesurés concernent la capacité de travail du salarié/patient (nombre de jours de travail gagnés, variation de la productivité).Méthodologie
Différents types de revues analysés
, LaMontagne et coll. (2007)
, Giardini Murta et coll. (2007)
, Ruotsalainen et coll. (2008)
, Giga et coll. (2003)
, Caulfield et coll. (2004)
, Martin et coll. (2009)
, Corbière et coll. (2009)
. Ces revues sont centrées sur l’évaluation de l’efficacité des interventions, et non sur l’évaluation économique des interventions. Afin d’identifier les études comportant potentiellement une dimension économique en plus de la mesure de l’efficacité, la liste des indicateurs de mesure des résultats a été étudiée. Les études mentionnées dans ces revues comme utilisant un des indicateurs de résultats suivants ont été analysées : nombre de journées d’absence, nombre de plaintes déposées, sommes versées aux salariés comme compensation, pertes de productivité, nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles, turnover de l’effectif employé. La méta-analyse réalisée par Timbie et coll. (2006)
est spécifique dans la mesure où elle compare l’ampleur des effets cliniques des interventions de prévention de la dépression sévère avec l’ampleur des effets de ces interventions sur l’offre de travail (nombre d’heures ou de jours travaillés, participation au marché du travail), mais sans raisonner en termes de coûts (monétarisés). Les articles inclus dans cette méta-analyse ont été également étudiés ;
, Tompa et coll. (2009)
, Verbeek et coll. (2009)
, Uegaki et coll. (2010a)
. Notre objectif est d’identifier, parmi les études incluses dans ces revues, celles qui concernent les interventions de prévention du stress et des troubles de santé mentale parmi les autres affections ;
, Marine et coll. (2006)
, Nieuwenhuijsen et coll. (2008)
, Peñalba et coll. (2008)
, Van Oostrom et coll. (2009)
. Dans cette dernière revue, les études doivent comporter une mesure du nombre de jours d’absence pour être incluses, ce qui constitue un indicateur économique potentiel.Critères d’inclusion
Programmes de promotion de la santé
, les études d’évaluation de la promotion de la santé au travail comportant une dimension économique concernent des programmes de promotion du bien-être (nutrition, perte de poids, exercice physique) et de diminution des risques liés aux modes de vie (tabagisme), les indicateurs de mesure des effets de l’intervention portant sur les éléments de coûts (absentéisme, dépenses de soins médicaux, coûts du turnover) et sur l’état de santé des salariés (symptômes musculosquelettiques, pression sanguine, taux de cholestérol par exemple). Ainsi, les études incluses dans cette revue ne comportent pas d’indicateurs d’état de santé qui isolent les effets sur le stress et la santé mentale au travail, même si ces interventions de promotion de la santé peuvent avoir un effet bénéfique sur ces aspects. Par conséquent, ces programmes ont été laissés de côté pour notre analyse. C’est d’ailleurs l’option choisie par Tompa et coll. (2009)
qui laissent de côté dans leur revue de la littérature les programmes de promotion de la santé focalisés sur la santé en général (et non sur les expositions professionnelles). En outre, la méta-analyse de Martin et coll. (2009)
sur les interventions de promotion de la santé centrées sur la dépression et les symptômes anxieux ne fait pas mention d’indicateurs économiques dans les 17 études incluses.
, les caractéristiques de chaque étude sont présentées : premier auteur, année de publication, pays de réalisation de l’étude et objectif principal de l’intervention, composition et taille de l’échantillon, design de l’étude, définition du groupe contrôle et période de référence pour l’évaluation, type d’intervention, notamment sa durée et le niveau d’action (individuel ou organisationnel). Le tableau 17.III
entre dans le détail de l’évaluation économique réalisée dans les études, à savoir le type d’évaluation économique et la perspective adoptée, les indicateurs de résultats utilisés, le mode d’évaluation des coûts, la nature des analyses statistiques, les résultats de l’évaluation économique et la décision concernant l’exclusion de l’étude ou l’inclusion dans notre revue (selon les critères définis plus haut).Analyse de la littérature : résultats
; Mynors-Wallis et coll., 1997
; Dollard et coll., 1998
; Maes et coll., 1998
; Adkins et coll., 2000
; Munz et coll., 2001
; Vogt et coll., 2004
; Schene et coll., 2007
). Quatre l’ont été à cause de l’absence de mesure des coûts de l’intervention, 5 à cause d’un échantillon de petite taille et 3 ne comportaient pas de groupe de contrôle. Il est à noter que la taille de l’échantillon est l’unique critère d’exclusion pour deux études (Mynors-Wallis et coll., 1997
; Schene et coll., 2007
). L’étude de Maes et coll. (1998)
est exclue à cause de l’absence d’évaluation économique dans l’article publié, même si les auteurs font état d’un retour-sur-investissement positif dans le cadre du projet Brabantia. Ces données économiques sont non disponibles aujourd’hui. Les 5 autres études exclues l’ont été à cause de plusieurs critères simultanément.
) est soit randomisé-contrôlé (7 études), soit quasi-expérimental (2 études), une étant une modélisation de type Markov sur la base de données issues de la littérature (donc sans intervention menée sur le terrain). Cette dernière étude (Wang et coll., 2006
) est incluse dans notre revue de la littérature dans la mesure où elle satisfait l’ensemble de nos critères de sélection, mais elle se distingue nettement des autres études de par la spécificité de son design. Sept études portent sur des interventions de prévention de troubles de santé mentale (souffrance émotionnelle, dépression, anxiété, détresse, troubles psychiatriques), trois portent sur la prévention du stress professionnel (en tant que facteur de risque). Parmi les interventions réalisées dans les études retenues dans cette revue de littérature, seule une intervention se situe à la fois au niveau individuel et organisationnel (Lourijsen, 1999
), toutes les autres étant focalisées exclusivement sur l’individu (tableau 17.II
). Ceci est en cohérence avec les conclusions de plusieurs revues de littérature (Nieuwenhuijsen et coll., 2008
; Corbière et coll., 2009
; Van Oostrom et coll., 2009
) qui montrent que les interventions de prévention des troubles de santé mentale sont largement focalisées sur la formation ou des thérapies orientées vers le salarié, et de façon beaucoup plus rare sur des changements sur le lieu de travail. Ce résultat rejoint ceux mis en avant dans le chapitre portant sur les différents types d’intervention de prévention du stress professionnel et leur évaluation.Tableau 17.II Caractéristiques des études (objectif, population, design, type d’intervention)
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Référence
Pays
Problème étudié
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Population de l’étude
Échantillon
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Design (période d’évaluation)
Groupe de contrôle
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Type d’intervention
Durée de l’intervention
Niveau organisationnel ou individuel
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|---|---|---|---|
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Pays-Bas
Troubles psychiques mineurs (souffrance émotionnelle)
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Employés en congés maladie à cause de troubles psychiques mineurs (n=185)
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Randomisé-contrôlé
Évaluation à T0 (baseline), 3, 6 et 18 mois
Contrôle (n=90) : soins habituels (médecin généraliste)
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Intervention en trois étapes par assistants médico-sociaux : analyse des causes de la perte de contrôle, élaboration de stratégies de résolution de problèmes, mise en œuvre des stratégies + visites de médecins généralistes sur demande
5 séances individuelles de 50 min avec un assistant médico-social sur une période de 10 semaines
Niveau individuel
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Canada
Congés d’invalidité à cause de troubles psychiatriques
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Employés en congés d’invalidité appartenant à une grande entreprise du secteur financier/assurance (n=124)
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Quasi-expérimental
Évaluation à 12 mois
Contrôle (n=51) : soins habituels
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Soins collaboratifs en santé mentale (SCSM) : évaluation psychiatrique de la sévérité de l’invalidité, collaboration entre médecin généraliste et psychiatre SCSM, gestion à court terme par un psychiatre SCSM pour les salariés orientés vers lui pour consultation, disponibilité de consultations psychiatriques pour les employés non-orientés
2 à 4 séances avec psychiatre SCSM pour les employés orientés pour consultation
Niveau individuel
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États-Unis
Dépression
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Secteurs divers (n=198)
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Randomisé-contrôlé
Évaluation à 6, 12, 18, 24 mois
Contrôle (n=102) : aucune intervention (soins usuels, pas de formation, pas de contact régulier avec la personne référente)
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Communication structurée entre la personne référente et le médecin : les gestionnaires de soins suivaient la réponse aux traitements par contact téléphonique régulier afin de stimuler l’observance thérapeutique et adapter le traitement sur la base d’un suivi mensuel par le médecin
Mise en œuvre sur une période de 2 ans
Niveau individuel
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Pays-Bas
Stress
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Employés d’hôpitaux généraux (n=1 142)
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Randomisé-contrôlé
Évaluation à 3 ans
Groupe de contrôle (n=455) : aucune intervention
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Contenu du travail ; organisation du travail ; amélioration des conditions du travail ; rapports sociaux sur le lieu de travail ; formation aux compétences sociales pour chefs d’équipe ; absentéisme et suivi médical
Mise en œuvre sur une période de 5 ans
Niveau organisationnel et individuel
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Pays-Bas
Stress
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Salariés de la construction, employés en génie civil et administration dans la construction (n=425)
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Quasi-expérimental
Évaluation à 2 ans
Contrôle : deux groupes (n=157 et n=123)
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Améliorations au niveau de la structure de consultation ; cours de formation pour les cadres intermédiaires ; cours de formation à la gestion du stress ; formation aux entretiens
12 heures de gestion de stress, 8 heures de conseils relatifs aux absences, 10 heures de surveillance
Niveau individuel
|
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Pays-Bas
Stress, anxiété, dépression
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Employés de la police (n=240)
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Randomisé-contrôlé
Évaluation à 12 mois
Contrôle (n=115) : soins habituels des médecins de travail
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Soins fondés sur le guide de bonnes pratiques : thérapie en comportement cognitif pour améliorer la capacité des individus à résoudre les problèmes
Durée de l’intervention pas précisée
Niveau individuel
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|$$|AAEtats-Unis
Dépression
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Patients avec dépression en soins primaires (n=1152)
|
Randomisé-contrôlé
Évaluation à T0 (baseline), 6, 12, 18, 24 mois
Contrôle (n=380) : soins habituels
|
Intervention Méd QI (n=371) : support pour l’observance à la médication par infirmières spécialisées au moyen de contacts téléphoniques ou visites mensuels. Intervention de 6 ou 12 mois.
Intervention Thérapie QI (n=401) : thérapie cognitive comportementale individuelle et en groupe par thérapeutes. Intervention de 6 mois.
Niveau individuel
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Pays-Bas
Stress
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Employés en congés maladie pour des raisons liées au stress (n=184)
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Randomisé-contrôlé
Évaluation à 12 mois
Contrôle (n=81) : soins habituels
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Intervention minimale par généralistes Séances de formation : élaboration de diagnostics, coping, résolution de problèmes, suivi des progrès réalisés
3 consultations sur 4 semaines
Niveau individuel
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Pays-Bas
Détresse
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Employés en congés maladie liés à la détresse dans trois grandes entreprises (université, centre médical, sidérurgie) (n=143)
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Randomisé-contrôlé
Évaluation à T0 (baseline), 3, 6 et 12 mois)
Contrôle (n=70) : soins usuels par médecins du travail
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Soins donnés par médecins du travail et intervention participative sur le lieu de travail avec processus de communication par étapes destiné à l’identification et la résolution des obstacles au retour au travail. Intervention basée sur un accord entre le chef d’équipe et l’employé en congés maladie, avec un coordinateur du retour au travail
Trois rencontres dans un maximum de 3 semaines
Niveau individuel
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États-Unis
Dépression
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Cohorte hypothétique (modèle état/transition de Markov)
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Modèle de Markov basé sur les données secondaires
Évaluation à 5 ans
Population de contrôle : soins usuels
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Interventions mises en œuvre par le management, combinaison d’interventions satisfaisantes et sous-optimales d’après la littérature (interventions non décrites)
Modèle de Markov de transition entre différents états de santé (Monte Carlo) : 6 états de maladie (Enquête nationale sur la comorbidité)
Probabilités de transition entre états de santé issues de la littérature
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) intègrent toutes sans exception une mesure des jours de travail (nombre de jours de congés maladie, durée de la période d’incapacité), que ce soit du côté du coût de l’intervention, du côté des coûts évités grâce à l’intervention (calcul du bénéfice net), ou en tant qu’effet de l’intervention en unités physiques (ratio coût-efficacité). La méthode de mesure de la valeur des pertes/gains de production varie selon les études. Les coefficients de productivité élaborés par Pauly et coll. (2002)
sont intégrés dans le calcul de pertes de production dans deux études (Lo Sasso et coll., 2006
; Wang et coll., 2006
), la comparaison entre une évaluation selon la méthode du capital humain et la méthode des coûts de friction est menée dans 4 études (Brouwers et coll., 2006
; Rebergen et coll., 2009
; Uegaki et coll., 2010b
; van Oostrom et coll., 2010
). Les autres études privilégient la méthode du capital humain, en valorisant les pertes/gains de production à partir du salaire moyen. La plupart des études ne mesurent pas les effets du présentéisme sur les coûts, qui sont pourtant importants notamment dans le cas de troubles de santé mentale (Lim et coll., 2000
; Lerner et Henke, 2008
), à l’exception de Lo Sasso et coll. (2006)
. Uegaki et coll. (2010b)
et Rebergen et coll. (2009)
tiennent compte de cette variable en menant une analyse de sensibilité sur le niveau de productivité pendant la période de congés maladie partiels (donc sans mesure de cette productivité sur le terrain). Wang et coll. (2006)
introduisent également ce paramètre dans le modèle, sur la base des données issues de la littérature.Tableau 17.III Résumé des principaux résultats des études incluses (perspective adoptée, indicateurs de mesure, analyses statistiques, résultats)
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Référence
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Type d’évaluation économique
Perspective
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Indicateurs de l’évaluation des résultats
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Évaluation des coûts d’intervention
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Analyse statistique
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Résultats de l’intervention
Résultats de l’évaluation économique (groupe intervention par rapport au groupe de contrôle)
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|---|---|---|---|---|---|
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Coût-efficacité (ICER)
Coût-utilité (ICUR)
Perspective pas claire
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Durée des congés maladie jusqu’à reprise complète du travail ; coûts des congés maladie (méthode des Coûts de Friction : 154 jours calendriers, élasticité de 0,8) ; état fonctionnel (SF-36 : Physical and Mental Component Summary Scores) ; QALYs (EuroQol-5D, tarifs néerlandais)
ICER=Différence en coûts moyens/Différence en congés maladie
ICUR=Différence de coûts totaux/Différence de QALYs
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Coûts d’intervention : soins médicaux, médication, formation des assistants sociaux-médicaux
Données nationales pour le nombre moyen de séances par traitement
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Régression avec Boostrap portant sur les dépenses de santé et les coûts d’intervention
Analyse de sensibilité sur les coûts des congés maladie (méthode des Coûts de Frictions ou Capital Humain), durée des congés maladie (jusqu’à la reprise partielle ou complète du travail), nombre de séances de soins médicaux spécialisés (1 séance ou 5 séances), tarifs EuroQol-5D (néerlandais ou anglais)
Diagramme coût-efficacité
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Différence en scores mentaux et physiques, et différence en termes de QALYs non-significatives
Différence en durée de congés maladie et coûts non significative
Différence en coûts de soins non-significative
L’intervention n’était pas efficace en termes de coûts par rapport au traitement du groupe contrôle.
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Bénéfice net corrigé pour l’âge
Perspective de l’employeur
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Nombre d’employés qui reprennent le travail ; nombre d’employés qui passent en congés d’invalidité à long terme ; nombre de jours de travail perdus
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Coûts d’intervention non couverts par le système de santé publique
Données administratives fournies par l’entreprise
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Analyse statistique de l’équivalence entre le groupe contrôle et le groupe expérimental à T0 (baseline)
Diagramme coût-efficacité
Analyse de sensibilité sur la propension à payer pour 1 unité d’effet
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Intervention : réduction de 503 $ des allocations invalidité versées par personne. Pour 100 personnes, hausse de celles qui reprennent le travail (n=23), diminution de celles qui passent en congés d’invalidité à long terme (n=24), gain de 1 600 jours de travail.
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Analyse de régression du bénéfice net corrigé pour l’âge
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Bénéfice net >0 pour différentes valeurs de la propension à payer pour une unité supplémentaire d’effet
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Bénéfice net
Retour sur investissement
Perspective de l’employeur
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Performances sur le lieu de travail (présentéisme) ; congés maladie. Tous deux évalués en unités monétaires. Les coefficients de productivité de Pauly et coll. (2002) pour trois catégories professionnelles sont inclus (membre d’équipe de montage d’automobiles, infirmière certifiée, auxiliaire juridique).
Bénéfice net=(Différence en congés maladie et productivité x salaire chargé x coefficient de productivité) – Différence en coûts
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Coûts d’intervention : soins améliorés par la formation, soins usuels
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Analyse statistique de l’équivalence entre le groupe contrôle et le groupe expérimental par rapport à T0 (baseline)
Modèle basé sur la régression pour prédire le niveau de productivité à T0 (baseline) (non décrit)
Analyse de sensibilité sur chiffre d’affaires, pertes de productivité, dépenses de santé
Pas de test statistique de la significativité des résultats
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Année 1 : bénéfice net=30 $ à 130 $ par employé
Année 2 : bénéfice net=257 $ à 512 $ par employé (pas de test de significativité)
Retour sur investissement=entre 20 % et 675 % (en fonction des variables issues de l’analyse de sensibilité)
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Bénéfice net
Perspective de l’employeur
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Contenu du travail ; absentéisme
Bénéfice net=(Différence en congés maladie x salaire brut) – Différence en coûts
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Coûts d’intervention : formation, mesures techniques, mesures organisationnelles
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Test statistique de la significativité des résultats
Analyse de sensibilité sur la diminution du taux d’absentéisme du secteur pour le groupe contrôle (pourcentage du salaire brut total)
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Diminution significative des revendications concernant l’organisation du travail, l’autonomie, l’effort psychologique et physique, le rythme de travail et le contenu du travail
Le bénéfice net varie entre 460 275 et 1,4 million de florins selon la correction appliquée pour la réduction de l’absentéisme.
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Bénéfice net
Perspective de l’employeur
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Nombre de revendications portant sur le travail (contenu du travail, conditions de travail, relations de travail, conditions d’emploi) ; jours de congés maladie
Bénéfice net=(Différence en congés maladie x revenu brut) – Différence en coûts
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Coûts d’intervention : temps alloué à chaque partie du programme, revenu horaire
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Analyse de régression multiple pour estimer la proportion de la baisse des taux d’absence due à l’intervention
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34 % de réduction de l’absentéisme avec le programme d’intervention
Le bénéfice de la réduction de l’absentéisme pour l’employeur est estimé à 50 % du salaire.
Bénéfice net pour l’organisation=20 180 florins
Les autres bénéfices organisationnels provoqués par l’intervention (meilleure anticipation des problèmes en cours d’évolution) sont mentionnés mais non évalués
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Bénéfice net
Coût-efficacité (ICER)
Perspective de l’employeur et perspective sociétale
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Depression Anxiety Stress Scale (DASS-42) ; Hospital Anxiety Depression Scale (HADS) ; congés maladie brut (nombre de jours d’absence totale ou partielle) ; congés maladie nets (nombre de jours d’absence sans les heures de présence pendant les congés maladie partiels)
Bénéfice net=(Différence en congés maladie x salaire moyen par jour) − Différence en coûts moyens
ICER=Différence en coûts moyens/Différence en congés maladie
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Coûts d’intervention : dépenses de santé (soins primaires, hospitaliers, psychologiques et soins au travail), coûts de formation
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Analyse statistique de l’équivalence entre le groupe contrôle et le groupe expérimental à T0 (baseline)
Régression avec Boostrap pour les dépenses de santé et coûts de productivité
Analyse de sensibilité du bénéfice net et de l’ICER selon différents paramètres (méthode de Capital Humain ou Coûts de Friction, congés maladie brut ou net, valeur du salaire par jour)
Diagramme coût-efficacité et courbes d’acceptabilité
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Coûts de santé plus bas dans le groupe « intervention » (520 € par employé)
Différence en jours de congés maladie et coûts de perte de productivité non-significative
L’analyse de sensibilité montre que l’ICER peut passer de la catégorie « plus efficace, moins coûteux » à la catégorie « moins efficace, moins coûteux ». L’efficacité en termes de coûts ne résulte pas d’une efficacité accrue mais de la baisse des coûts liés à la santé (réduction des coûts de soins psychologiques).
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Coût-utilité (ICUR)
Perspective sociétale
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QALYs basées sur SF-12 et pondérations spécifiques ; jours de dépression (CES-D) ; jours d’emploi
ICUR=Différence en coûts totaux/Différence en QALYs
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Coûts d’intervention : coûts de formation, temps alloué
Dépenses de santé (base de données nationale)
Coûts en termes de temps consacré à l’obtention de soins par le patient
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Analyse statistique de l’équivalence entre le groupe contrôle et le groupe expérimental à T0 (baseline)
Imputations multiples pour les éléments manquants
Test statistique de la significativité des résultats
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Différence en coûts totaux et en coûts liés au temps consacré à l’obtention de soins par le patient non significative entre le groupe de contrôle et le groupe « intervention »
Différence en QALYs non-significative pour l’intervention Méd-QI mais significative pour l’intervention Thérapie-QI
Les patients Thérapie-QI avaient 47 jours de moins de dépression et 20,9 jours de plus au travail (par rapport au groupe de contrôle) sur une période de 24 mois
Coût par QALY gagnée par Thérapie-QI=21 478 $
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Coût-utilité (ICUR)
Perspective sociétale
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QALYs (EuroQol-5D, tarifs néerlandais) ; dépenses de santé (fiches médicales, entretiens téléphoniques) ; congés maladie total en heures (méthode des Coûts de Friction : 154 jours calendriers, élasticité de 0,8)
ICUR=Différence en coûts totaux/Différence en QALYs
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Coûts d’intervention (formation, matériel, perte de production, déplacements)
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Analyse statistique de l’équivalence entre le groupe contrôle et le groupe expérimental à T0 (baseline)
Analyse Bootstrap pour coûts moyens et QALYs
Analyse de sensibilité (méthode du Capital Humain ou Coûts de Friction, niveau de productivité de 0 % ou 100 % pendant les congés maladie partiels, seuils de valeur pour QALY’s)
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Différences en coûts et résultats cliniques non significatives
Les congés maladie liés au stress n’étaient pas associés à des effets cliniques ou économiques supérieurs à ceux obtenus avec les soins usuels délivrés par un généraliste.
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Analyse par sous-groupe, selon diagnostic de santé mentale
Diagramme coût-efficacité et courbes d’acceptabilité
| |||||
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Coût-efficacité (ICER)
Coût-utilité (ICUR)
Bénéfice net
Perspective de l’employeur et perspective sociétale
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Durée de congés maladie jusqu’à reprise complète du travail pendant au moins 4 semaines ; coûts des congés maladie (méthode des Coûts de Friction : 154 jours calendriers, élasticité de 0,8) ; État de santé et QALYs (EuroQol-5D, tarifs néerlandais)
ICER=Différence en dépenses de santé et coûts d’intervention/Différence en jours de congés maladie jusqu’à retour permanent au travail
ICUR=Différence en dépenses de santé, coûts d’intervention et pertes de production/Différence en QALYs
Bénéfice net=Différence en pertes de production – Différence en dépenses de santé et coûts d’intervention
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Dépenses de santé, coûts de l’intervention sur le lieu de travail (coûts de formation, temps alloué). Les coûts des changements organisationnels sont difficiles à estimer.
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Analyse statistique de l’équivalence entre le groupe contrôle et le groupe expérimental à T0 (baseline)
Analyse Bootstrap pour coûts moyens et QALYs
Analyse de sensibilité (méthode du Capital humain ou Coûts de friction, avec ou sans valeur extrême)
Analyse par sous-groupe selon l’intention de reprendre le travail malgré la présence de symptômes
Différences en congés maladie et QALYs non significative
Les estimations ICER et ICUR n’étaient pas robustes.
Le bénéfice net était négatif.
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Bénéfice net
Coût-utilité (ICUR)
Perspective de l’employeur et perspective sociétale
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État de santé (modèle de Markov) ; coûts d’absentéisme ; coûts de présentéisme ; coûts de remplacement ; coûts d’invalidité à long terme ; coefficient de qualité de vie (utilités)
Les coefficients de productivité de Pauly et coll. (2002) par catégorie professionnelle sont inclus.
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Coûts de traitement direct, coûts d’intervention
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Actualisation de la qualité de vie
Analyse de sensibilité sur le type de traitement (soins primaires, médecins ou psychologues), utilité associée à la dépression, désutilité associée au traitement de la dépression, taux de suicide, coûts de dépistage
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Bénéfice net pour l’employeur par 1 000 salariés : 2 895 $
Coût de gestion des soins 19 976 $ par QALY supplémentaire
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ICER (Incremental Cost Effectiveness Ratio) : le ratio coût-efficacité incrémental indique les investissements supplémentaires nécessaires pour produire une unité d’effet supplémentaire ; ICUR ( Incremental Cost Utility Ratio) : le ratio coût-utilité incrémental indique les investissements supplémentaires nécessaires pour produire une unité d’utilité (qualité de vie) supplémentaire ; QALY (Quality Adjusted Life Years) : Années de vie corrigées de la qualité de vie ; RTW (Return To Work) : Retour au travail
; Brouwers et coll., 2006
; Uegaki et coll., 2010b
), trois études calculent un bénéfice net par soustraction simple des coûts de mise en œuvre de l’intervention aux bénéfices liés à la baisse des congés maladie (Nijhuis et coll., 1996
; Lourijsen, 1999
; Lo Sasso et coll., 2006
), trois études réalisent les deux types d’évaluations (Wang et coll., 2006
; Rebergen et coll., 2009
; van Oostrom et coll., 2010
). Seule une étude procède au calcul du bénéfice net ajusté par régression multivariée (Dewa et coll., 2009
). Les approches par ratio incrémental utilisent la même unité de mesure des effets, à savoir le nombre de jours de travail gagnés par l’intervention pour les analyses coût-efficacité et les QALYs (Quality Adjusted Life Years) gagnées pour les analyses coût-utilité.
; Lourijsen, 1999
; Schoenbaum et coll., 2001
; Lo Sasso et coll., 2006
; Wang et coll., 2006
; Dewa et coll., 2009
; Rebergen et coll., 2009
). Les résultats obtenus sont parfois fortement sensibles aux paramètres utilisés, comme le montre par exemple l’évaluation du retour sur investissement de Lo Sasso et coll. (2006)
qui varie entre 20 et 675 % selon les paramètres utilisés. La fourchette des résultats obtenus suite aux interventions est large, le bénéfice net par salarié des différentes interventions allant de 30 $ US à 500 $ CAN (soit environ 490 $ US), sachant que les interventions et les objectifs poursuivis sont difficilement comparables (voir la partie suivante).
; Uegaki et coll., 2010b
; van Oostrom et coll., 2010
) (tableau 17.III
). Dans ces 3 études, l’évaluation coût-avantage conduit à un bilan défavorable car l’intervention n’est pas efficace (les résultats attendus de l’intervention sont non significatifs)3
.Difficultés méthodologiques spécifiques à l’évaluation des interventions de prévention du stress au travail et des troubles de santé mentale
Nijhuis et coll., 1996 ; Lourijsen, 1999
; Uegaki et coll., 2010b
), quatre à prévenir la dépression (Schoenbaum et coll., 2001
; Lo Sasso et coll., 2006
; Wang et coll., 2006
; Rebergen et coll., 2009
), deux à prévenir la détresse émotionnelle (Brouwers et coll., 2006
; van Oostrom et coll., 2010
) et une à promouvoir le retour au travail après une période d’incapacité liée à un trouble psychiatrique (Dewa et coll., 2009
). De plus, les interventions sont décrites de façon peu détaillée dans les études, ce qui ne permet pas d’appréhender le degré de similitude entre les interventions. Les termes « training » et « coaching » correspondent à une variété de contenus qui ne sont pas toujours décrits dans les études. Il paraît difficile de mesurer le degré de comparabilité entre des interventions dites de « redéfinition des postes » par exemple, qui mentionnent une augmentation du degré de participation aux décisions quotidiennes, ou bien une clarification des responsabilités et de la répartition des tâches, ou une amélioration du retour de la part des managers sur les performances réalisées. La question qui se pose également est le degré de reproductibilité des formations réalisées en entreprise ou en établissement de santé selon les experts mobilisés. La difficile appréhension du contenu détaillé des interventions de prévention dans les études publiées a déjà été soulignée dans un autre domaine, celui des troubles musculosquelettiques (Durand et coll., 2007
).
). La méthodologie d’évaluation des coûts, qui dépend de la perspective adoptée pour l’évaluation, doit être adaptée à ces différences institutionnelles et réglementaires selon les pays. Par conséquent, les comparaisons entre des évaluations économiques d’interventions réalisées dans différents pays doivent être menées avec précautions.Qualité scientifique des résultats et interprétation des études
). Il paraît indispensable de développer des recherches respectant les guides de bonnes pratiques de l’évaluation économique et appliquées à la santé au travail, et de disposer d’un plus grand nombre d’études suffisamment homogènes pour établir la preuve du caractère coût-avantageux d’une intervention (Tompa et coll., 2009
; Uegaki et coll., 2010a
). Au-delà de ces critères de qualité scientifique des études, il est également nécessaire de s’interroger sur le mode d’interprétation des résultats des études sélectionnées, et notamment sur la nature des indicateurs d’efficacité utilisés. Dans notre revue de littérature, les trois études dont le bilan coût-avantage n’est pas favorable correspondent à des interventions qui ont des effets non significatifs sur la santé mentale et la qualité de vie. Ce bilan défavorable est donc dû à une efficacité insuffisante des interventions et non au fait qu’elles soient trop coûteuses. Parmi les études dont le bilan coût-avantageux est favorable, celle de Rebergen et coll. (2009)
porte sur une intervention qui n’a pas d’effet significatif sur les congés maladie, le nombre de jours d’absence étant l’indicateur d’efficacité utilisé dans l’évaluation. Le bilan coût-avantage est cependant favorable car le groupe expérimental est associé à des coûts médicaux plus bas que le groupe contrôle (faire appel aux médecins du travail et à des travailleurs sociaux permet de diminuer le recours aux soins psychologiques). Il s’agit de ne pas limiter l’interprétation des résultats au signe du ratio incrémental coût-efficacité, mais de tenir compte de l’efficacité d’une intervention sur l’état de santé des salariés.Point de vue adopté dans les études
; Uegaki et coll., 2010a
). Cette perspective est pertinente à plusieurs égards. En effet, l’entreprise est le lieu privilégié de mise en œuvre d’interventions de prévention en santé au travail, et ces interventions ne peuvent être bénéfiques que si elles s’accompagnent de l’adhésion et de la collaboration du management de l’entreprise. Plus encore, l’employeur est le plus souvent l’initiateur de la prévention. L’effort de prévention sur le lieu de travail est stimulé par des politiques publiques (réglementation, incitations fiscales, tarifications d’assurance), mais est aussi directement déterminé par la volonté de l’employeur d’améliorer les conditions de travail dans l’entreprise. Donc démontrer qu’une intervention de prévention est coût-avantageuse du point de vue de l’employeur est sans aucun doute un argument de poids en faveur de la prévention. Cependant, adopter cette perspective suppose qu’on ne limite pas la mesure des effets à la variation des compensations ou indemnités payées par l’entreprise au salarié. En effet, ces compensations représentent une petite partie des coûts totaux des atteintes à la santé liées à une exposition professionnelle, dans la mesure où seuls les cas déclarés et reconnus font l’objet d’une compensation, et de plus les coûts sont pris en charge partiellement par le système de protection sociale ou le système d’assurance du risque professionnel. Centrer l’évaluation sur les compensations versées aux salariés par l’entreprise revient à sous-estimer le nombre de salariés concernés par l’exposition étudiée, et potentiellement l’efficacité de l’intervention de prévention. Ensuite, adopter le point de vue de l’employeur conduit souvent à axer l’analyse des coûts sur les pertes de production liées à la pathologie ou à l’accident du travail, et à laisser de côté les coûts liés à la perte de qualité de vie. Enfin, les études menées du point de vue de l’employeur se heurtent à un obstacle lié au fait que certains coûts, pourtant sans doute déterminants, peuvent difficilement être quantifiés et valorisés. Par exemple, un accident du travail grave ou une série de pathologies professionnelles identiques au sein d’un même département peuvent avoir un impact délétère sur le climat social de l’entreprise, sur la motivation des salariés et le turnover, ou sur l’image de l’entreprise sur le marché du travail par exemple. Du côté des coûts de l’intervention, un changement organisationnel peut entraîner des coûts liés à la redéfinition des tâches, à la modification des flux d’information par exemple, qui sont particulièrement difficiles à estimer.Représentativité des études sur la santé mentale en économie de la santé au travail
, ce type de pathologies concernait la moitié des 34 études incluses, l’autre moitié des études étant répartie entre la prévention de la grippe, de la migraine, la promotion de la santé et les troubles de santé mentale. Dans la revue de Verbeek et coll. (2009)
, parmi les 26 études incluses, 21 portaient sur des interventions ergonomiques de prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) ou de réhabilitation de salariés ayant souffert d’un TMS. Les cinq études restantes portaient sur des politiques de sélection des salariés à l’embauche, la prévention des accidents dus à l’alcoolisme, dus à un sol glissant, ou à la contamination par aiguille infectée. Parmi les six études retenues dans la revue de Van Oostrom et coll. (2009)
sur les interventions de prévention des incapacités au travail, cinq portaient sur les TMS et seulement une sur la santé mentale. Dans la revue de littérature réalisée par Gervais et coll. (2009)
sur les interventions de santé et sécurité au travail dans les PME, aucune étude ne concerne les troubles de santé mentale. En outre, trois revues de littérature sur les évaluations économiques des interventions en santé et sécurité au travail sont exclusivement centrées sur les TMS (programme ergonomique participatif, promotion de la santé visant à réduire les TMS, programme de retour au travail de salariés souffrant de TMS) (Tompa et coll., 2006
; Nelson et Hugues, 2009
; Tompa et coll., 2010
).
interprètent ce phénomène par le fait que les troubles de santé mentale ne sont pas reconnus dans de nombreux systèmes de prise en charge du risque professionnel, et par conséquent la mesure du nombre de déclarations de la part des salariés n’est pas un indicateur pertinent. Le nombre d’indicateurs permettant une mesure du coût de la part de l’employeur en est donc plus limité. En outre, le lien éventuel entre un trouble de santé mentale et des expositions professionnelles (par rapport aux expositions extra-professionnelles) n’est pas toujours admis sur le terrain, ce qui rend d’autant plus difficile la reconnaissance de ces maladies comme maladies professionnelles. Il faut également mentionner le rôle du stigma social autour de la maladie mentale, qui rend d’autant plus difficile la mise en œuvre d’un programme d’intervention et sans doute également l’accès aux données.Bibliographie
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