Vignette (© Inserm – Alice Lieury)
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Med Sci (Paris). 40(10): 770–773. doi: 10.1051/medsci/2024105.Sclérose en plaques, les espoirs de la recherche 1Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CIRB), Collège de France, CNRS, Inserm, Université PSLParisFrance 2Sorbonne université, APHP hôpital de la Pitié-Salpêtrière et Institut du cerveau, Centre d’Investigation Clinique NeurosciencesParisFrance 3
Sorbonne université, Institut du cerveau –
Paris Brain Institute
– ICM, Inserm, CNRS, APHP, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, DMU Neuroscience
ParisFrance 4Fondation France sclérose en plaquesIvry sur SeineFrance Corresponding author. | ||||||
Vignette (© Inserm – Alice Lieury) | ||||||
La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire auto-immune du système nerveux central, qui affecte la substance blanche. Elle a été décrite pour la première fois, sur le plan clinique et anatomique, par Jean-Martin Charcot et Alfred Vulpian en 1866. La Fédération internationale des sociétés de sclérose en plaques estime que la maladie touche environ 2,9 millions de personnes dans le monde, soit environ une personne sur 2 000, avec 134 000 cas en France. Cette maladie se manifeste généralement entre 20 et 40 ans, par des troubles divers : sensitifs, cognitifs, de l’équilibre ou encore moteurs, visuels, etc. Une assistance à la marche devient nécessaire 18 ans en moyenne après l’annonce du diagnostic. Par ailleurs, des troubles cognitifs sont observés chez 43 % à 65 % des patients. Bien que les causes exactes restent inconnues, des facteurs environnementaux et génétiques sont reconnus comme prédisposants à cette maladie [ 1 ] ( Encadré 1 ). Dans la sclérose en plaques, le système immunitaire est dérégulé et s’attaque à la gaine de myéline, un revêtement protecteur entourant de nombreux axones. Cette gaine est formée par l’enroulement concentrique des prolongements des oligodendrocytes, une structure membranaire qui accélère la conduction nerveuse, la rendant jusqu’à cent fois plus rapide. Ainsi, la dégradation de la gaine de myéline dans la sclérose en plaques ralentit la transmission de l’information nerveuse. Les zones du système nerveux affectées par l’inflammation se présentent sous forme de lésions « en plaques », qui peuvent évoluer en cicatrices et induire une neurodégénérescence. | ||||||
La sclérose en plaques peut se déclencher de deux manières, soit par poussées (forme « rémittente-récurrente ») dans 85 % des cas, soit par l’apparition et la progression d’un handicap (forme « primaire-progressive ») dans 15 % des cas. La forme rémittente se manifeste par la survenue de poussées caractérisées par l’apparition de symptômes neurologiques, et qui sont suivies de périodes de rémission pendant lesquelles les symptômes s’atténuent voire disparaissent. Les poussées peuvent durer de quelques jours à quelques semaines, avec une variabilité dans la sévérité et la durée des symptômes d’une poussée à l’autre selon les régions cérébrales touchées. Cette forme évolue dans 50 % des cas vers une forme secondairement progressive, dans laquelle les handicaps s’aggravent progressivement. Des poussées peuvent encore survenir dans cette phase. Dans les formes primaires progressives de la sclérose en plaques, la maladie progresse graduellement sans véritables périodes de rémission. La progression de la sclérose en plaques est très variable, ce qui rend difficile la prédiction de l’évolution de la maladie pour un patient donné.
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Après plus de trente ans de recherche sur la sclérose en plaques [ 7 ], les traitements actuels reposent principalement sur des immunosuppresseurs et immunomodulateurs, qui réduisent la fréquence des poussées. Mais ils sont encore insuffisants pour stopper la progression de la maladie. En effet, l’observation des zones d’inflammation, ou plaques, grâce à l’imagerie par résonance magnétique à haute définition, a permis de montrer que les anciennes lésions conservent une activité inflammatoire, particulièrement délétère, qui conduit à une progression discrète de la maladie. Toutefois, cette technique d’imagerie cérébrale a également permis de mettre en évidence l’existence de zones de remyélinisation, très variables selon les patients et les régions du cerveau. Actuellement, les stratégies de traitement ciblent le système immunitaire pour lutter contre l’inflammation. Il existe sur le marché une quinzaine de médicaments qui ciblent le système immunitaire [ 8 ], mais aucun traitement ne cible directement le système nerveux central. De nombreux essais cliniques sont en cours pour explorer de nouvelles approches thérapeutiques. Le premier évènement dans le déclenchement d’une lésion active est l’infiltration de cellules inflammatoires, notamment des monocytes et des macrophages, ainsi que des lymphocytes B et T, qui attaquent la myéline. Cette lésion évolue ensuite en lésion chronique active, caractérisée par une inflammation, une extension de la lésion, et une perte importante de myéline. À terme, en l’absence de réparation de la myéline, la lésion se transforme en lésion chronique inactive, où les astrocytes forment une cicatrice gliale. C’est à ce stade qu’on observe une neurodégénérescence [ 9 ], avec la perte des fibres nerveuses, entraînant une progression du handicap neurologique. Parallèlement, un processus de remyélinisation se met en place, mobilisant les cellules précurseurs d’oligodendrocytes réactivées. Ces cellules prolifèrent, migrent vers la zone lésée lors de la phase de recrutement, puis se différencient en oligodendrocytes, amorçant ainsi le processus de remyélinisation. Malheureusement, l’efficacité de ce processus spontané de réparation est variable selon les individus et tend à diminuer avec l’âge ( Figure 1 ).
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Comprendre le mécanisme de régénération de la gaine de myéline constitue un objectif de recherche crucial dans le contexte de la sclérose en plaques [ 8 ] ( → ). (→) Voir la Synthèse de C. Louapre et al ., m/s n° 12, décembre 2013, page 1105 En effet, avec la progression de la sclérose en plaques, la remyélinisation perd en efficacité, en plus de diminuer naturellement avec l’âge. Améliorer ce processus représente donc un défi majeur pour freiner la progression de la maladie. De nombreuses équipes de recherche ont pour objectif de décrypter les étapes de la remyélinisation, pour comprendre son processus, et pour identifier des cibles (moléculaires ou cellulaires) susceptibles d’être manipulées pour le rendre plus efficace. Parallèlement, des stratégies d’imagerie innovantes pour suivre le processus sont en cours de développement. Les recherches actuelles se concentrent également sur le développement de stratégies pharmacologiques visant à promouvoir la remyélinisation ( Figure 2 ). Ces approches devraient permettre d’améliorer les capacités de régénération de la myéline et, par conséquent, de ralentir la progression de la maladie.
Parmi les avancées en recherche, les mécanismes de la différenciation des cellules progénitrices d’oligodendrocytes en oligodendrocytes remyélinisants sont désormais mieux compris. Des facteurs de transcription, tels que Olig2 ou Sox10, favorisent cette différenciation. De plus, l’expression du récepteur nucléaire RXR-γ est un élément déterminant dans ce processus. Ces facteurs sont d’ailleurs exprimés dans les lésions caractéristiques de la sclérose en plaques, ce qui indique leur rôle potentiel dans la régénération de la myéline et offre de nouvelles pistes pour le développement de thérapies ciblées ( Encadré 2 ). Il est également établi que la remyélinisation est contrôlée par l’activité des fibres nerveuses [ 10 ]. La libération de neurotransmetteurs joue en effet un rôle clé dans le contrôle de la myélinisation. Ainsi, stimuler l’activité électrique après l’apparition d’une lésion peut accélérer le processus de remyélinisation. Un essai clinique mené par Céline Louapre est actuellement en cours pour explorer cette piste de l’activité électrique. Enfin, la découverte de molécules pro-myélinisantes, identifiées par criblage moléculaire dans des cultures cellulaires de précurseurs d’oligodendrocytes, ouvre la voie vers des essais dans des modèles précliniques de lésions de la myéline. Ces molécules, principalement issues du repositionnement de composés existants, ont été sélectionnées parmi 1 500 candidats, grâce à des analyses bio-informatiques visant à prédire leur effet sur la myélinisation et la neuroprotection. Après les tests en culture cellulaire, l’efficacité de ces molécules a également été évaluée in vivo chez la souris, ce qui a permis d’identifier des molécules prometteuses pour favoriser la remyélinisation et la neuroprotection. Plusieurs d’entre elles pourraient bientôt faire l’objet d’essais cliniques. Cette approche, combinée au progrès de l’imagerie par tomographie par émission de positons pour étudier la démyélinisation et la remyélinisation, ouvre des perspectives thérapeutiques innovantes et encourageantes dans le traitement de la sclérose en plaques.
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Les progrès réalisés dans la compréhension des mécanismes de démyélinisation et de remyélinisation s’insèrent dans un cadre plus large de défis que la recherche sur la sclérose en plaques doit relever ( Encadré 3 ) : comprendre l’impact du microbiote intestinal sur l’inflammation, déterminer le rôle de certains gènes dans l’augmentation du risque de la maladie, analyser les facteurs environnementaux impliqués dans sa survenue et dans son évolution, développer des stratégies pour empêcher la dégradation de la gaine de myéline. | ||||||
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article . | ||||||
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