Vignette (© Servier Medical Art).
Un travail collaboratif a été mené depuis 2017, sous l’égide du réseau NGS-Diag 1, , afin de garantir une homogénéisation de l’interprétation des résultats d’analyses par séquençage d’ADN réalisées par les laboratoires impliqués dans le diagnostic de maladies génétiques sur l’ensemble du territoire français. À l’initiative des Filières de santé des maladies rares (FNMR) AnDDI-Rares (Anomalies du développement et déficience intellectuelle de causes rares) et Filnemus (Maladies rares neuromusculaires), ce travail qui a fédéré les différentes FNMR impliquées dans le diagnostic génétique, l’Association nationale des praticiens de génétique moléculaire (ANPGM), le Groupe génétique et cancer (GCC), l’Association des cytogénéticiens de langue française (ACLF), le réseau AchroPuce 2, et l’association BioInfoDiag 3 , a abouti à l’élaboration de la version actualisée des recommandations pour l’interprétation de variants génétiques découverts lors d’un diagnostic.
Ce document, intitulé « Homogénéisation de l’interprétation de variants de séquence générés par les analyses par séquençage à haut débit », disponible sur le site de l’ANPGM et sur celui du réseau NGS-Diag 4 , est utilisé par la majorité des laboratoires français de diagnostic en génétique moléculaire. Nous présentons ici le contexte et l’intérêt de cette démarche nationale, à l’ère où le séquençage de génomes individuels à visée diagnostique est maintenant accessible, avec un retentissement toujours croissant sur le diagnostic, la prise en charge et le traitement des patients dans tous les champs de la médecine.
Les maladies génétiques sont dues à des altérations constitutionnelles de l’ADN. L’interprétation de ces altérations est un véritable défi puisque notre génome est composé de 3 milliards de nucléotides, avec l’information génétique structurée dans les quelques 20 000 gènes, ce qui ne représente que 1 à 2 % de notre génome, et qui sont la cible prioritaire des analyses à visée diagnostique. De fait, la majorité des séquences non codantes échappe à notre compréhension. Physiologiquement, une grande variabilité génétique existe entre individus. Ainsi, la séquence du génome de deux individus non apparentés de même sexe diffère en moyenne de 0,1 %, ce qui représente entre 3 et 5 millions de nucléotides.
Si la détection des variants nucléotidiques (ou en anglais SNV, pour single nucleotide variant ) a bénéficié ces dernières années d’avancées technologiques considérables avec le déploiement du séquençage haut débit (en anglais, NGS pour next generation sequencing ), leur interprétation dans un contexte médical donné est un exercice complexe aux conséquences considérables pour le patient et sa famille, et relève de la responsabilité d’un biologiste agréé pour la pratique des examens des caractéristiques génétiques d’une personne (article L. 1131-3 du Code de la santé publique). Le défi majeur du biologiste en charge de l’interprétation est donc de distinguer les variants dits « pathogènes » des variants non pathogènes qui résultent de la diversité physiologique entre individus et n’ont aucune incidence médicale. L’assignation d’un caractère pathogène à un variant détecté dans le cadre du diagnostic changera radicalement le parcours de vie de l’individu : elle conduira à donner un nom à une maladie chez un patient, à définir le risque de récurrence de la maladie dans la famille, à proposer, parfois, une surveillance ou un traitement spécifique. Ceci concerne essentiellement le cadre de la démarche diagnostique pour la maladie dont le patient est atteint, mais doit prendre aussi en compte la découverte de « données additionnelles », constituées par des variants pathogènes mais non en lien avec la maladie pour laquelle l’analyse génétique est initialement réalisée [ 1 ] ( → ).
(→) Voir le Repères de J. Amiel et al ., m/s n° 4, avril 2024, page 377
Le caractère pathogène d’un variant de l’ADN repose sur un faisceau d’arguments. Cela implique le recueil systématique d’informations relatives à ce variant (ce que l’on nomme « annotations ») : la nature du variant (faux-sens, non-sens, etc.), sa récurrence chez d’autres individus malades de la famille, ou, au contraire, son caractère de novo , sa prévalence dans la population générale, les prédictions de sa pathogénicité définies par différents algorithmes, et, bien sûr, la compatibilité de la variation génétique détectée avec le phénotype observé chez le patient. La compilation de ces informations est aujourd’hui en partie automatisée grâce à des logiciels spécifiques et à l’interfaçage avec des bases de données génomiques, mais toute interprétation nécessite le recours à l’expertise des biologistes pour conclure quant à la pathogénicité du variant, notamment à visée médicale. Selon ces informations, les variants sont classées en cinq classes : bénins (classe 1), probablement bénins (classe 2), signification incertaine (classe 3), probablement pathogènes (classe 4), pathogènes (classe 5). La formation des biologistes en charge de l’interprétation des variants nucléotidiques est donc capitale à l’heure de la considérable augmentation du nombre et du champ des analyses de génétique. L’homogénéité de l’interprétation des variants de séquence est également un objectif majeur. En effet, tout variant devrait être interprété de manière identique au sein d’un même laboratoire, mais aussi par deux laboratoires distincts.
Pour standardiser l’interprétation des variants nucléotidiques, dès 2015, l’ American College of Medical Genetics (ACMG) et l’ Association for Molecular Pathology (AMP) ont émis des recommandations afin d’homogénéiser les résultats obtenus dans les différents laboratoires. En 2018, sous l’égide d’un groupe de travail au sein du réseau NGS-Diag, des recommandations françaises ont été établies. Une version actualisée a été émise en 2021. Ces recommandations nationales ont été validées par l’ensemble des sociétés savantes regroupées dans la Fédération française de génétique humaine (FFGH).
Dans l’objectif de la poursuite d’une diffusion de ces recommandations nationales à la communauté médicale et scientifique francophone, nous invitons, par le truchement de la revue médecine/ sciences , les biologistes impliqués dans l’interprétation des variants à se référer aux versions intégrales des recommandations nationales pour l’homogénéisation de l’interprétation des résultats issus du séquençage à haut débit pour les maladies génétiques.
Ces recommandations, accessibles sur le site de la FFGH 4 , sont d’ores et déjà utilisées dans les laboratoires hospitaliers qui réalisent des diagnostics génétiques en France, de même que dans les laboratoires multisites participant au Plan France Médecine Génomique 2025 5 .
