Logo of MSmédecine/sciences : m/s
Med Sci (Paris). 39(11): 813–815.
doi: 10.1051/medsci/2023149.

Glioblastome : vers une nouvelle stratégie thérapeutique ciblant la voie de signalisation cGAS-STING

Clara Taffoni1* and Nadine Laguette1**

1Institut de génétique moléculaire de Montpellier, université de Montpellier, CNRS , Montpellier , France
Corresponding author.

MeSH keywords: Humains, Glioblastome, Tumeurs du cerveau, Prolifération cellulaire, thérapie

 

Le glioblastome est une tumeur cérébrale agressive et invasive formée à partir des cellules gliales. Il appartient à la famille des gliomes (qui sont les plus fréquents cancers primitifs du cerveau), dont il est le stade le plus avancé et le plus meurtrier chez l’adulte. Les traitements actuels impliquent généralement une résection chirurgicale associée à la radiothérapie et à la chimiothérapie ( Figure 1A ) . Néanmoins, le risque de récidive est très élevé, et le pronostic reste sombre, avec une survie médiane des patients d’environ 15 mois.

Le cerveau contient des cellules immunitaires particulières : les cellules de la microglie. Ces cellules myéloïdes, susceptibles d’être polarisées en cellules anti-inflammatoires ou pro-inflammatoires, influencent favorablement ou défavorablement la croissance tumorale. Le glioblastome est infiltré par des cellules microgliales qui promeuvent la croissance tumorale par de nombreux mécanismes, dont la sécrétion de cytokines et de chimiokines immunosuppressives [ 1 ]. Diverses stratégies thérapeutiques récentes en cancérologie, notamment celles fondées sur l’administration d’anticorps monoclonaux, d’immunomodulateurs, ou sur des approches vaccinales, tentent de réactiver la réponse immunitaire anti-tumorale pour obtenir la reconnaissance et la destruction des cellules tumorales par les cellules immunitaires [ 2 ] ( Figure 1B ) . Cependant, de nombreux patients ou types de cancer sont réfractaires à ces traitements. C’est le cas des glioblastomes, contre lesquels les approches d’immunothérapie se sont avérées inefficaces à ce jour [ 2 ].

Des stratégies ont été proposées afin de potentialiser l’efficacité des immunothérapies, parmi lesquelles la stimulation des réponses inflammatoires associées aux acides nucléiques occupe une place de choix. En effet, il a été montré que l’activation d’une voie de signalisation impliquant le récepteur cGAS (GMP-AMP cyclique synthase) et la protéine adaptatrice STING (stimulateur des gènes de l’interféron), qui détecte les acides nucléiques présents dans le cytosol, a un effet synergique avec les chimiothérapies, radiothérapies et immunothérapies [ 3 ]. Le potentiel thérapeutique de l’activation de cette voie dans le traitement du cancer fait donc l’objet de nombreux travaux de recherche [ 4 , 5 ] ( ).

(→) Voir la Synthèse de R. Chanut et V. Petrilli, m/s n° 6-7, juin-juillet 2019, page 527, et la Nouvelle de H. Bacar et M.C. Michallet, m/s  n° 6-7, juin-juillet 2021, page 677

Aussi, souhaitions-nous approfondir la compréhension des mécanismes qui sous-tendent les réactions inflammatoires dans le glioblastome, ainsi que celle du rôle de la voie cGAS-STING dans l’évolution des gliomes vers ce stade [ 6 ].

La voie cGAS-STING est généralement activée en présence d’acides nucléiques anormaux, étrangers à la cellule ou mal localisés (par exemple, lorsqu’ils sont cytosoliques). La reconnaissance de ces espèces moléculaires implique la protéine cGAS, qui produit alors un messager secondaire, le GMP-AMP cyclique (cGAMP), qui à son tour active STING. L’activation de STING entraîne la formation d’un complexe de signalisation qui orchestre une réponse cytokinique portant une signature particulière de production d’interférons de type I. L’activation de cette voie de signalisation jouant un rôle important dans l’activation de la réponse antitumorale, il n’est pas surprenant que l’expression des différents acteurs de cette voie soit réprimée dans certaines tumeurs. C’est notamment le cas pour certains mélanomes et cancers colorectaux, ou pour les gliomes [ 68 ].

Dans le contexte du glioblastome, la protéine kinase dépendante de l’ADN (DNA-PK), normalement impliquée dans la réparation des dommages à l’ADN, permet une réponse inflammatoire en présence d’ADN cytosolique, notamment lorsque les cellules sont confrontées à un stress génotoxique [ 6 ]. D’une part, ce complexe de réparation de l’ADN favorise des réponses inflammatoires indépendantes de cGAS, en activant directement des facteurs de transcription contrôlant la production de cytokines. D’autre part, la DNA-PK potentialise l’activation de cGAS, ce qui augmente la production de cGAMP ( Figure 1C ) . La synergie de ces mécanismes augmente les réponses inflammatoires lorsque cGAS et DNA-PK sont présentes. La coopération entre ces deux voies de signalisation favorise le recrutement de cellules microgliales dans le microenvironnement tumoral dans un modèle de glioblastome [ 6 ]. Ce recrutement tumoral accru de cellules immunitaires lorsque cGAS est présent dans les cellules tumorales entrave les étapes précoces de la croissance tumorale. Par ailleurs, nous avons montré que plus les gliomes évoluent vers le stade glioblastome, plus le niveau d’expression de cGAS et DNA-PK est augmenté.

En nous fondant sur nos résultats expérimentaux, nous suggérons que l’analyse de la présence et de la fonctionnalité de la voie cGAS-STING est essentielle pour l’orientation thérapeutique des patients présentant un glioblastome. Lorsque cGAS est absent, il pourrait être préférable de stimuler STING pour favoriser la régression de la tumeur. À cet égard, l’utilisation d’agonistes de STING pourrait représenter une voie thérapeutique prometteuse [ 9 ]. Au contraire, lorsque cGAS est présent et favorise une inflammation chronique pro-tumorale, il pourrait convenir de l’inhiber ( Figure 1C ) .

Ainsi, nous suggérons que la signalisation dépendante de cGAS est acquise au cours de la progression tumorale, et que le ciblage de cette voie ne peut être efficace contre le glioblastome que si une stratification des patients est établie, fondée sur la présence de ce récepteur, mais aussi de la protéine DNA-PK, qui pourrait aussi être ciblée pour inhiber ou activer les réponses inflammatoires en fonction du statut inflammatoire de la tumeur. Des inhibiteurs de DNA-PK ont d’ailleurs été utilisés dans des études précliniques sur le glioblastome avec des résultats prometteurs [ 1012 ], et plusieurs essais cliniques sont en cours (NCT01353625, NCT02977780 et NCT04555577).

Liens d’intérêt

Les auteures déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Ce travail a été réalisé avec le soutien du European research council (ERC-Stg CrIC: 637763, ERC-PoC DIM-CrIC: 893772), la Ligue pour la recherche contre le cancer, Merck Sharp and Dohme Avenir (MSD-Avenir-GnoSTic), l’Agence nationale de recherche sur le SIDA et les hépatites virales (ANRS : ECTZ117448 et ECTZ119088), la région Languedoc Roussillon et le CNRS.

References
1.
Buonfiglioli A , Hambardzumyan D . Macrophages and microglia: the cerberus of glioblastoma. . Acta Neuropathol Commun . 2021; ; 9 : :54. .
2.
Bausart M , Preat V , Malfanti A . Immunotherapy for glioblastoma: the promise of combination strategies. . J Exp Clin Cancer Res . 2022; ; 41 : :35. .
3.
Yum S , Li M , Chen ZJ . Old dogs, new trick: classic cancer therapies activate cGAS. . Cell Res . 2020; ; 30 : :639. – 48 .
4.
Chanut R , Petrilli V . Détection de l’ADN cytosolique par la voie cGAS-STING : de l’immunité innée au contrôle de la tumorigenèse. . Med Sci (Paris) . 2019; ; 35 : :527. – 534 .
5.
Bacar H , Michallet MC . La voie cGAS-STING : une nouvelle arme « innée » contre le cancer. . Med Sci (Paris) . 2021; ; 37 : :677. – 80 .
6.
Taffoni C , Marines J , Chamma H , et al . DNA damage repair kinase DNA-PK and cGAS synergize to induce cancer-related inflammation in glioblastoma. . EMBO J . 2023; ; 42 : :e111961. .
7.
Xia T , Konno H , Ahn J , Barber GN . Deregulation of STING signaling in colorectal carcinoma constrains DNA damage responses and correlates with tumorigenesis. . Cell Rep . 2016; ; 14 : :282. – 297 .
8.
Falahat R , Berglund A , Putney RM , et al . Epigenetic reprogramming of tumor cell-intrinsic STING function sculpts antigenicity and T cell recognition of melanoma. . Proc Natl Acad Sci USA . 2021; ; 118 .
9.
Berger G , Knelson EH , Jimenez-Macias JL , et al . STING activation promotes robust immune response and NK cell-mediated tumor regression in glioblastoma models. . Proc Natl Acad Sci USA . 2022; ; 119 : :e2111003119. .
10.
Lan T , Zhao Z , Qu Y , et al. Targeting hyperactivated DNA-PKcs by KU0060648 inhibits glioma progression and enhances temozolomide therapy via suppression of AKT signaling. . Oncotarget . 2016; ; 7 : :55555. – 55571 .
11.
Timme CR , Rath BH , O’Neill JW , et al. The DNA-PK inhibitor VX-984 enhances the radiosensitivity of glioblastoma cells grown in vitro and as orthotopic xenografts. . Mol Cancer Ther . 2018; ; 17 : :1207. – 1216 .
12.
Fang X , Huang Z , Zhai K , et al . Inhibiting DNA-PK induces glioma stem cell differentiation and sensitizes glioblastoma to radiation in mice. . Sci Transl Med . 2021; ; 13 .