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Med Sci (Paris). 39(11): 805–806.
doi: 10.1051/medsci/2023165.

Le Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) : vers une nouvelle ère en oncologie

Benjamin Garel1* and Éric Vivier2**

1Directeur Général du PSCC, www.parissaclaycancercluster.org , 79 avenue de Fontainebleau , 92230Le Kremlin Bicêtre , France
2Président du PSCC, www.parissaclaycancercluster.org , 79 avenue de Fontainebleau , 92230Le Kremlin Bicêtre , France
Corresponding author.

MeSH keywords: Humains, Paris, Oncologie médicale, Tumeurs, génétique, thérapie

 

Accélérer l’innovation thérapeutique en cancérologie est devenu une préoccupation déterminante tant pour les acteurs publics que privés. Ce défi a été confié au Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) autour de deux éléments structurants : créer un biocluster centré sur l’oncologie à proximité immédiate de Gustave Roussy en exploitant l’émergence d’un nouveau quartier, et animer l’écosystème industriel sur l’ensemble du territoire national. Le projet de construction autour de Gustave Roussy propose notamment plus de 100 000 m 2 de bureaux et laboratoires dédiés aux entreprises. Par ailleurs, ce quartier profite du projet Grand Paris : dès la fin 2024 il sera à moins de vingt minutes du cœur de la Capitale par le métro.

Le PSCC est le premier biocluster à être financé par l’État, à travers l’Agence d’innovation en santé (AIS) et l’Agence nationale de la recherche (ANR). Il est le seul biocluster français dédié au cancer. Quatre autres bioclusters ont été depuis annoncés par l’État : Brain & Mind à Paris pour la neurologie, MIB à Marseille centré sur l’immunologie, BCF21 à Lyon, centré sur l’infectiologie, et Genother à Évry-Courcouronnes pour la génétique. La mission des bioclusters est de créer et produire en France de nouvelles thérapies, et de nouveaux diagnostics ou dispositifs médicaux. En effet, l’état des lieux sur le transfert entre la recherche et l’industrie en France montre ce qu’il reste à mettre en place dans notre pays. Par exemple, l’étude Thomson Innovation publiée en 2019 montre le contraste qui existe entre l’excellence de la recherche fondamentale en France en oncologie et la faiblesse des montants investis par les entreprises dans le même domaine 1 .

Les pistes pour combler cette faiblesse de l’écosystème français en oncologie incluent :

• Attirer des industriels et des investisseurs.

• Former des talents en recherche translationnelle. Concernant ce dernier point, le cluster de Londres ( Medcity ) est à l’initiative d’un programme de formation MD-PhD, lancé il y a maintenant dix ans. Dès la deuxième année de médecine, les meilleurs étudiants sont sélectionnés pour leur proposer de suivre un double cursus qui leur permet de commencer une thèse de science pendant leur internat. Le programme est un succès et a suscité plusieurs vocations de créateur de start-up parmi ces étudiants.

• Favoriser les partenariats public-privé à tous les niveaux. Ainsi, à Kendall Square, le cluster de Boston, le Massachussetts Institute of Technology , incite chercheurs et étudiants à tisser des liens étroits avec l’industrie, et par exemple passer une journée par semaine dans les entreprises de l’écosystème. Cette mise en relation facilitée entre projets de développement et experts académiques est devenue une des offres du PSCC à laquelle ont fait appel plus de 70 % des entreprises qui ont soumis leur projet au PSCC.

• Développer l’accès à des entrepôts de données de santé interopérables et facilement interrogeables. L’importance croissante des données profondes de patients ( real world data) dans le développement de médicaments en oncologie constitue un axe prioritaire à développer, par exemple pour construire des bras synthétiques dans des essais cliniques de phase II.

• Optimiser l’accès à des échantillons de patients annotés et à leur analyse par les techniques les plus sophistiquées « d’omique ». Actuellement, 40 % des entreprises soumettant une demande d’accompagnement au PSCC recherchent un accès facilité aux données profondes de patients, et 50 % un accès aux échantillons.

Ainsi, le PSCC propose une large gamme d’accompagnements aux projets industriels, qu’ils soient débutants à partir d’un laboratoire académique, innovants dans une société déjà créée ou dans une big pharma .

Par ailleurs, de nombreux projets industriels sont issus d’acteurs académiques qui connaissent mal les enjeux du développement industriel. L’objectif est de les accompagner au mieux dans leur développement pour un accès plus rapide aux essais cliniques. Cet accompagnement, réservé aux projets sélectionnés, peut prendre plusieurs formes :

• Du coaching par notre équipe interne, le « Support & Orientation Office »

• Un accès à des locaux proposés dans des conditions financières favorables ( co-working )

• Un accès à des experts pour les aspects scientifiques, médicaux, de fabrication de médicaments et de développement clinique

• Un accès à des formations et ateliers spécialisés

• Un accès à des plateformes techniques créées ou renforcées pour accélérer le développement industriel avec notamment :

  • une plateforme de Single Cell et Spatial transcriptomique à Gustave Roussy ;
  • une plateforme de thérapie cellulaire à l’Institut Curie ;
  • plusieurs plateformes de manipulation de cellules humaines dans différents hôpitaux, réunissant des analyses sur tissu tumoral (Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille), sur organoïdes (Gustave Roussy) ou sur organes explantés (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) ;
  • deux plateformes d’essais cliniques (à Gustave Roussy et à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) ;
  • plusieurs plateformes sur les dispositifs médicaux.

• Un investissement important sur la donnée de vie réelle en santé avec un projet d’assistance aux hôpitaux pour la structuration de leurs données en cancérologie selon un format Osiris RWD (inspiré de MCode -Fhir- et OMOP 2 , il permettra aussi une conversion dans ces deux formats). Le PSCC opérera un portail de recherche multicentrique, gratuit pour les travaux de recherche académique, qui permettra de définir des cohortes à partir de quatre-vingts variables par patient et d’accéder rapidement aux données du patient dans le respect de la réglementation.

Enfin, le PSCC propose de soutenir les projets de R & D en oncologie en complémentarité avec l’offre des autres acteurs du domaine notamment l’INCa, Bpifrance, les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), ou les incubateurs. La coopération avec ces autres organismes est évidemment cruciale.

En conclusion, le PSCC a pour mission d’accélérer le développement industriel de l’innovation en cancérologie. Son existence vise à combler un écart critique entre l’excellence de la recherche fondamentale et le potentiel économique encore insuffisamment exploité de cette recherche en France. Pour donner vie pleinement à cette vision, la collaboration entre les acteurs académiques, industriels et publics est impérative. Le PSCC aura à cœur de proposer des collaborations à l’ensemble des acteurs publics français déjà actifs dans le domaine de l’innovation. Grâce à l’infrastructure, aux ressources et aux initiatives présentées par le PSCC, l’ambition du PSCC est que la France se positionne non seulement pour répondre aux défis actuels de l’oncologie, mais aussi pour façonner l’avenir de ce domaine. En créant une synergie entre la recherche, l’industrie et le développement clinique, le PSCC établit une feuille de route pour une oncologie plus moderne, inclusive et centrée sur le patient, promettant un avenir où la détection, le traitement et la guérison du cancer seront plus accessibles et efficaces.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Cette étude classait différentes villes du monde en fonction du nombre de publications liées à l’oncologie sur la période 2012-2018 et positionnait Paris et sa région en seconde position (11 420), derrière Boston (13 161), largement devant Houston, New York Metro, Baltimore et Shanghai. Par contre, l’analyse du nombre de brevets liés à l’oncologie sur la période 2012-2018 plaçait Paris et sa région seulement à la 13e position (630) loin derrière Boston (3 700). Pire encore, le classement des villes en termes de levée de fonds privés pour les start-ups dans le domaine de l’oncologie au cours de la période 2008-2018 faisait disparaître Paris et sa région de la liste des vingt premières villes du monde (source : Thomson Innovation, Web of Science, Derwent Innovation).
2 OMOP : Observational medical outcomes partnership, OSIRIS RWD : GrOupe inter-SIRIC sur le paRtage et l’Intégration des donnéeS clinico-biologiques en cancérologie Real World Data, FHIR : Fast Healthcare Interoperability Resource sont trois formats de structuration et d’interopérabilité des données de vie réelle.