Entretien avec Pascal Arnoux
Pascal Arnoux est directeur de recherche au Commissariat à l’
É
nergie Atomique de Cadarache. Il est responsable de l’équipe MEM (Microbiologie Environnementale et Moléculaire) à l’institut de Recherche en biosciences et biotechnologies d’Aix-Marseille (BIAM).
Il étudie la microbiologie ainsi que la biologie structurale d’enzymes et de métalloenzymes. Au fil des années, il est devenu expert dans l’étude des mécanismes de transport des métaux, un processus essentiel chez les bactéries.
Au-delà des bactéries pathogènes et des plantes, quelles autres espèces sont pourvues de métallophores de type nicotianamine
?
Principalement des eucaryotes comme des plantes ou d’autres types de bactéries, mais il y a également des champignons.
Les variations de la structure des métallophores sont-elles dues aux différentes concentrations en métaux des niches écologiques
?
Je ne dirais pas cela. En revanche, il y a une compétition entre les micro-organismes pour l’accès à des ressources métalliques. Chaque bactérie va avoir un intérêt à développer son propre métallophore car cela lui confère un avantage sélectif vis-à-vis des autres.
Quel est le lien entre la structure d’un métallophore et son affinité pour un métal
?
Ce n’est pas une question simple. L’affinité va dépendre de beaucoup de paramètres de stabilisation du complexe avec le métal. Il vaut mieux prendre l’approche expérimentale pour déterminer l’affinité.
Est-ce une bonne idée de faire le même travail que vous avez fait avec CntM mais sur CntL
?
Pour CntL se pose une question qui n’a toujours pas de réponse : quelle est la stéréospécificité de cette enzyme ? L’approche structurale est une très bonne approche pour essayer de comprendre pourquoi certaines CntL sont spécifiques de la L-histidine et d’autres de la D-histidine. À l’heure actuelle ce n’est toujours pas connu.
Pensez-vous qu’il existe un lien direct entre l’import des métaux et la virulence
?
Dans certains cas, oui, il existe des métalloprotéases qui sont des facteurs de virulence et qui sont dépendantes de certains métaux. L’accès à ces ressources métalliques est en lien avec la virulence. Une bactérie ne pouvant pas y accéder ne va pas pouvoir survivre dans son environnement comme chez l’hôte et ne sera donc plus virulente.
Au vu des différents résultats présentés dans la nouvelle, que verriez-vous comme application à l’étude des métallophores
?
Il y a une application qui est dans l’air du temps : la stratégie du Cheval de Troie. Elle vise à attacher un antibiotique à ce type de métallophore et notamment les sidérophores, spécifiques de l’import du fer. Comme ces métallophores sont importés de manière active, l’antibiotique va être également importé de la même manière, s’accumuler dans la bactérie et augmenter sa toxicité.
Qu’est-ce qui vous a amené à l’étude des métalloprotéines
?
Initialement, c’est un facteur chance. J’ai commencé en thèse à travailler sur un hémophore : HasA de
Serratia marcescens
. Il se trouve que par la suite j’ai toujours gardé un intérêt pour cette thématique et j’ai la chance de pouvoir la poursuivre.
Votre équipe regroupe de nombreuses compétences scientifiques. Quels ont été leurs apports dans votre projet de recherche
?
C’est une chance de pouvoir travailler avec des gens qui proviennent de différents horizons. Il est vrai qu’il est parfois compliqué de discuter avec des chimistes ou des physiciens mais c’est une réelle opportunité qu’il faut savoir cultiver.
Vous avez une expertise poussée dans le domaine de la biologie structurale. Que pensez-vous de la proportion de plus en plus importante de la bioinformatique dans votre domaine à l’image d’Alphafold
?
C’est une bonne question mais qui est compliquée et sur laquelle il faut se garder d’avoir des idées figées car on n’a pas encore le recul nécessaire pour y répondre. Il est sûr que ces approches de bioinformatique prennent de plus en plus d’importance.
Mis à part les métallophores, travaillez-vous sur d’autres projets
?
J’ai notamment contribué à l’étude d’une enzyme qui marche à la lumière et qui produit des alcanes à partir d’acides gras. J’ai d’autres sujets un peu annexes mais qui restent axés sur la biologie structurale.
Si vous aviez un conseil à donner à un jeune chercheur découvrant le milieu, quel serait-il
?
C’est toujours compliqué pour moi de donner des conseils. Je dirais peut-être : poursuivez ce qui vous fait plaisir et qui fait briller vos yeux.
Quel est le meilleur souvenir de votre carrière
?
En thèse, j’ai eu la chance de résoudre une structure qui ressemblait à un poisson et que l’on a comparé à une rascasse. Il y a un côté que j’imagine très plaisant dans la recherche qui est de découvrir en avant-première des choses que personne ne sait.
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