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Med Sci (Paris). 39(3): 281–286.
doi: 10.1051/medsci/2023035.

Des premières transplantations rénales à la transplantation rénale pédiatrique actuelle

Charlotte Duneton1,2 and Julien Hogan1,3*

1Service de néphrologie, dialyse et transplantation rénale pédiatrique, Hôpital Robert Debré, AP-HP , Paris , France
2Université Paris Cité, Inserm U976 , Paris , France
3Université Paris Cité, Paris Translational Research Center for Organ Transplantation, Inserm UMR-S970 , Paris , France
Corresponding author.
 

Vignette (© iStock).

La population pédiatrique ne représente, selon les pays, que 3 à 5 % des patients en attente sur les listes de transplantation rénale et greffés chaque année [ 1 ]. En France, plus de 3 000 greffes rénales sont réalisées par an, dont plus de 100 greffes chez des enfants [ 1 ]. Au 31 décembre 2018, plus de 900 enfants avaient reçu un traitement de suppléance rénale, dont un quart par dialyse et trois quarts par transplantation rénale [ 2 ]. La transplantation rénale représente le traitement de choix de l’insuffisance rénale terminale, puisqu’elle augmente l’espérance de vie d’environ vingt années, en fonction de l’âge considéré, par rapport à un patient qui resterait toute sa vie en dialyse [ 2 ]. Elle améliore également la croissance staturale, le développement neurocognitif, les performances scolaires et la qualité de vie par rapport aux enfants en dialyse [ 3 ].

Histoire de la transplantation rénale
Les premières tentatives
La transplantation appartient aux mythes de l’humanité. Les premiers travaux scientifiques en lien avec la transplantation rénale ont été réalisés simultanément dans trois facultés de médecine européennes : Vienne, Lyon et Bucarest. C’est en effet dans ces laboratoires que se sont déroulées les premières greffes de rein, sur des chiens, entre 1904 et 1906, démontrant la faisabilité de la technique chirurgicale. L’organe greffé ne fonctionnait cependant alors que quelques minutes, ou, au plus, quelques heures.

À cette époque, le chirurgien Alexis Carrel (1873-1944), élève de Mathieu Jaboulay (1860-1913) et Prix Nobel de physiologie ou médecine en 1912, déclarait : «  la transplantation d’organe ne pose pas de problème chirurgical, la seule difficulté est l’existence d’une barrière fonctionnelle et tant que nous n’aurons pas trouvé la solution de ce problème, les greffes resteront inapplicables en thérapeutique humaine  ». Alexis Carrel soulignait ainsi le fait connu que, dans certains cas de greffes de tumeurs sur l’animal, cette greffe, normalement rapidement rejetée, pouvait « prendre » lorsque l’animal était soumis à une irradiation par les rayons X, c’est-à-dire à une immunosuppression. Les premières tentatives de transplantations rénales sur l’homme ont, bien sûr, été des échecs. Il s’agissait de xénogreffes, c’est-à-dire des greffes réalisées à partir d’organes prélevés sur des animaux (porc, singe ou chèvre). Cela se passait avant la guerre de 1914, et ces tentatives n’ont jamais conduit à une reprise de fonction des reins greffés.

Après la seconde guerre mondiale, c’est le biologiste Peter Brian Medawar, au Royaume-Uni, qui démontra que les processus responsables du rejet de greffes dépendaient du système immunitaire et impliquaient les lymphocytes [ 4 ]. Les travaux pionniers de Medawar, prix Nobel de physiologie ou médecine partagé avec Frank Macfarlane Burnet en 1960, ont ainsi conduit à l’idée qu’il était nécessaire de limiter ces réactions immunitaires, conditions préalables aux transplantations. Les tentatives de transplantation se répéteront mais, là encore, seront le plus souvent des échecs.

Les premiers succès
C’est en 1954, à Boston, que fut réalisée la première greffe de rein entre jumeaux monozygotes [ 5 ]. Celle-ci fut un succès. L’absence d’incompatibilité entre ces jumeaux permit de conserver le greffon : il n’y eut ni besoin d’immunosuppression, ni rejet. Ainsi fut apportée la preuve qu’une transplantation sans barrière immunologique pouvait réussir.

C’est à la fois à l’hôpital Necker, dans le service du professeur Jean Hamburger et à Boston dans celui du professeur John Merrill, qu’une transplantation fut ensuite réalisée avec succès entre deux frères, en dehors de la gémellité. À l’hôpital Necker, le receveur avait été préparé par une irradiation corporelle totale, ce qui représentait un risque majeur en termes d’infection. Cela ne fut pas le cas, il vécut plus d’une vingtaine d’années avec le rein de son frère.

Ces progrès sont indissociables de plusieurs découvertes, dont les travaux du professeur Jean Dausset (1916-2009), également prix Nobel de physiologie ou médecine pour sa découverte du système d’histocompatibilité (HLA), ainsi que du développement des médicaments immunosuppresseurs : l’azathioprine et le sérum anti-lymphocytaire dans les années 1960, la ciclosporine dans les années 1980, puis entre 1990 et 2000, le mycophénolate mofétil, le tacrolimus et des inhibiteurs de la protéine mTor (sirolimus/évérolimus). Les différentes avancées en immunologie et en génie génétique ont graduellement conduit à la naissance d’une nouvelle ère thérapeutique dans la prévention des rejets : le ciblage spécifique de molécules clés du système immunitaire via des anticorps monoclonaux (AcM) ( ).

(→) Voir le numéro thématique Anticorps monoclonaux en thérapeutique , m/s n° 12, décembre 2019

Parmi ces anticorps, on retiendra, de manière non exhaustive, l’AcM murin anti-CD3 OKT3 (le muromonab, qui fut le premier à être mis sur le marché en 1986) ; les AcM anti-CD25 (chaîne α du récepteur de l’IL-2 de haute affinité), le basiliximab, un AcM chimérique, et le daclizumab, un AcM humanisé, en 1998 et 1999 ; l’AcM humanisé anti-CD52 Campath H1 (alemtuzumab) (en 2001) ; l’AcM chimérique anti-CD20 rituximab (ciblant les lymphocytes B) (en 1997 pour le traitement de certains lymphomes non hodgkiniens) ; et, plus récemment (en 2011), le bélatacept, une protéine de fusion constituée du domaine extracellulaire de CTLA-4 ( cytotoxic T-lymphocyte-associated protein 4 ) fusionné à la région Fc d’une IgG1 humaine, qui inhibe les signaux de costimulation des lymphocytes T en bloquant par compétition la fixation de la molécule co-activatrice CD28 à ses ligands CD80 et CD86, également ligands de CTLA-4, exprimés par les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) [ 6 ]. Aujourd’hui, tout un arsenal de médicaments permet de prévenir la réaction de rejet, une réaction qui interdisait tout espoir de transplantation entre deux individus qui n’étaient pas des jumeaux identiques.

Qu’en est-il de l’enfant ?
La prise en charge de l’insuffisance rénale chez l’enfant s’est développée tardivement. Quelques groupes, aux États-Unis, en 1967, à San Francisco et à Los Angeles, puis en France, en 1969, à l’hôpital Necker, ont développé et adapté les techniques de dialyse à la pédiatrie. En ce qui concerne la transplantation rénale des enfants, la première greffe familiale a été réalisée, là encore, presque simultanément aux États-Unis, à Denver, et en France, à l’hôpital Necker. L’enfant greffé à l’hôpital Necker avait 13 ans ; c’était en 1963, et celui-ci a fait depuis une belle carrière… médicale. Ce n’est qu’à partir de 1973 que la transplantation rénale a été effectuée à Paris de façon régulière en pédiatrie. Actuellement, plus de 100 greffes rénales sont réalisées chez l’enfant chaque année en France, et ce traitement est devenu un acte de routine dans les centres spécialisés.
Évolutions et spécificités de la transplantation rénale pédiatrique
Les modalités chirurgicales
Si certains aspects de la transplantation rénale sont similaires pour les enfants et les adultes, l’approche chirurgicale variait sensiblement et d’importants défis techniques se sont présentés, en particulier chez les petits enfants (dont le poids est inférieur à 10 kg) [ 7 ]. L’intuition initiale selon laquelle les receveurs pédiatriques nécessitaient des donneurs également pédiatriques a freiné le développement de la transplantation chez l’enfant, en raison de la rareté des donneurs pédiatriques décédés et de l’absence de donneurs vivants. Le taux élevé de perte de greffon, souvent due à une thrombose, a encore compliqué le processus [ 8 ]. Aujourd’hui, l’appariement selon la taille et l’âge n’est plus systématiquement requis pour la transplantation rénale. Dès que l’enfant atteint un poids supérieur à 8-10 kg, il est en effet possible de placer dans sa cavité abdominale un rein adulte sans risque de compression de ses organes avoisinants, à condition de respecter certains critères morphologiques [ 9 ]. Soulignons que, dans la situation inverse, les reins provenant de donneurs pédiatriques de moins de 10 kg sont désormais prélevés et transplantés en bloc chez un adulte, avec d’excellents résultats fonctionnels [ 10 ].

La transplantation rénale pédiatrique est une procédure codifiée et la maîtrise des techniques d’anastomoses vasculaires, selon les principes de la microchirurgie, a permis de réduire le taux de complications thrombotiques à des valeurs similaires à celles rencontrées chez l’adulte. Les principes fondamentaux de la chirurgie reposent sur un abord rétropéritonéal, lorsque le poids de l’enfant et la taille du rein à greffer le permettent, ou transpéritonéal par voie médiane, pour les enfants ayant un poids inférieur à 15 kg ou lorsque le rein à transplanter est trop gros pour être positionné dans la fosse iliaque. Les anastomoses vasculaires veineuses et artérielles se font habituellement sur l’axe iliaque primitif ou externe ou sur la veine cave inférieure et l’aorte chez les petits receveurs. Le rétablissement de la continuité urinaire se fait le plus souvent selon la technique de réimplantation urétéro-vésicale extravésicale de Lich-Grégoir 1 . Il est important de préciser que la préparation de l’enfant à la transplantation est essentielle et doit s’intégrer complétement dans la stratégie globale de l’acte chirurgical. Elle doit comprendre, en particulier, la correction d’un éventuel dysfonctionnement du bas appareil urinaire (agrandissement vésical, dérivation) [ 11 ]. Il est parfois nécessaire de réaliser, de façon préalable ou concomitante à la transplantation, une néphrectomie des reins de l’enfant receveur.

Les premiers rapports faisant état de résultats très médiocres chez les jeunes enfants dans les années 1970 [ 12 ], une série d’études soulignant l’importance d’une préparation à la greffe adéquate et d’une transplantation précoce ont été entreprises [ 13 ]. On a également alors pris conscience de l’importance d’un meilleur appariement donneur-receveur, des avantages des donneurs vivants apparentés, et du rôle essentiel d’une équipe pluridisciplinaire constituée de néphrologues pédiatriques, de chirurgiens transplanteurs pédiatriques, d’infirmières spécialisées et de coordinateurs de dialyse et de transplantation, de spécialistes des maladies infectieuses pédiatriques, de travailleurs sociaux, de psychologues, de diététiciens, et de réanimateurs pédiatriques.

Actuellement, la transplantation précoce est activement recherchée chez les enfants souffrant d’insuffisance rénale et un accès à la transplantation est souvent envisagé, même en cas de comorbidités.

Les aspects immunologiques
La transplantation d’un organe allogénique (appartenant à un individu de la même espèce mais génétiquement, et donc immunologiquement, différent) entraîne chez le receveur une réponse immunitaire contre l’organe qui lui est étranger, et un rejet inéluctable en l’absence de traitement immunosuppresseur. De nombreuses études pédiatriques ont révélé le lien qui existe entre la survie des greffons et le nombre d’incompatibilités entre les antigènes du système HLA ( human leukocyte antigen ) du donneur et ceux du receveur [ 14 ]. Malgré une baisse de leur taux, les rejets restent actuellement la principale cause de perte de greffon chez les enfants transplantés rénaux, représentant environ 50 % des pertes de greffon [ 15 ]. Leur détection précoce et leur traitement restent l’un des plus grands défis de la gestion post-transplantation.

Dans ce type de transplantation, toute la difficulté consiste à donner la dose adéquate d’immunosuppresseurs de façon à prévenir le rejet tout en évitant les complications toxiques, infectieuses et néoplasiques liées à un excès d’immunosuppression. Historiquement, l’efficacité et la sécurité des nouveaux immunosuppresseurs chez les enfants étaient extrapolées à partir d’études menées chez les adultes. Le petit nombre de receveurs pédiatriques réduisait en effet considérablement les capacités à conduire des essais randomisés contrôlés de puissance adéquate. Quelques essais randomisés pédiatriques ont néanmoins permis de mieux définir les protocoles d’immunosuppression chez l’enfant. Ils ont permis, notamment, de montrer la supériorité du tacrolimus sur la ciclosporine en prévention du rejet [ 16 ], la supériorité de l’association tacrolimus/MMF (mycophénolate mofétil) comparé aux associations tacrolimus/azatioprine ou ciclosporine/MMF, sur la survenue de rejets sévères [ 17 ]. L’étude TWIST a ainsi montré, en 2010, la non-infériorité et le bénéfice en termes de croissance staturale d’un traitement sans corticoïdes [ 18 ], et l’étude CRADLE, en 2020, la possibilité de minimiser l’exposition au tacrolimus et l’arrêt de la corticothérapie en introduisant l’évérolimus [ 19 ].

La réalisation d’études pédiatriques est d’autant plus importante que la métabolisation des molécules immunosuppressives chez l’enfant est différente de celle des adultes [ 20 ] et que ces molécules nécessitent l’utilisation de galéniques adaptées aux enfants (en particulier des suspensions buvables). Les études pharmacocinétiques spécifiquement pédiatriques se sont ainsi avérées essentielles pour évaluer avec précision le métabolisme des immunosuppresseurs chez les enfants [ 2123 ]. Les caractéristiques uniques du système immunitaire des patients insuffisants rénaux à l’âge pédiatrique restent cependant encore insuffisamment étudiées. Il est donc impératif que des études strictement pédiatriques, à fois sur le plan de l’immunologie fondamentale et sur celui de la recherche clinique, puissent être développées afin d’envisager un suivi immunologique spécifique et des stratégies immunosuppressives adaptées à ces populations d’enfants.

Les complications infectieuses
Toute la difficulté de la transplantation réside dans la balance bénéfice/risque entre le maintien d’une immunosuppression suffisante pour prévenir le risque de rejet et le maintien d’une immunité suffisante pour limiter le risque de complications (notamment infectieuses et néoplasiques). À ce jour, une infection résultant de l’immunosuppression induite est la principale cause d’hospitalisation et de décès après une transplantation [ 24 ].

Les infections urinaires sont la complication infectieuse la plus fréquente chez l’enfant, survenant chez 15 à 33 % des patients après une transplantation rénale [ 25 , 26 ]. La répétition de ces épisodes infectieux est associée à des dégradations de fonction du greffon [ 27 ].

Le « poumon du transplanté » était un syndrome pulmonaire fébrile que l’on observait chez de nombreux transplantés rénaux. Bien que son origine ait été initialement considérée comme immunologique, il a rapidement été compris qu’il s’agissait d’un processus infectieux dû à un herpèsvirus, le cytomégalovirus (CMV). Lors des premières transplantations rénales, plus de 50 % des décès étaient attribués à une infection par le CMV [ 28 ]. La découverte du valganciclovir, un antiviral ciblant les herpèsvirus, a été alors une avancée déterminante dans le domaine de la transplantation rénale et a particulièrement profité à la transplantation rénale pédiatrique. Les enfants présentent en effet un risque accru de maladies dues au CMV, car une forte proportion d’entre eux ne sont pas immunisés contre ce virus lorsqu’ils reçoivent la greffe [ 29 ]. Le valganciclovir est désormais utilisé en routine, pour le traitement et la prophylaxie anti-CMV.

L’utilisation au long cours de molécules immunosuppressives, associée à une espérance de vie sous traitement qui, évidemment, est plus longue que celle d’un adulte, expose les enfants greffés à un risque accru de développer un cancer au cours de leur vie. Plusieurs agents infectieux oncogènes accentuent ce risque. Il s’agit en particulier, du virus d’Epstein-Barr (EBV) à l’origine des syndromes lympho-prolifératifs, dont l’incidence atteint environ 3 % chez les enfants transplantés [ 30 ], et des papillomavirus humains qui sont associés au risque de cancers génitaux et de la cavité orale. Citons également, parmi les autres virus délétères en transplantation, le virus BK 2 , pourvoyeur d’une néphropathie pouvant entraîner des pertes de greffon, avec une incidence de 4 à 5 % chez l’enfant transplanté [ 31 ].

Survie des greffons et rejet
Au fil des années, la survie des greffons a été améliorée, et est devenue en pédiatrie supérieure à celle observée chez l’adulte [ 32 ]. Les taux de rejet, qui atteignaient initialement 80 à 90 %, sont actuellement, dans la plupart des centres de transplantation pédiatrique, de 10 à 20 % au cours de la première année suivant la greffe, avec un impact mieux contrôlé sur la survie des greffons, mais aussi sur la survie des patients [ 33 ].

Cependant, la récidive des maladies initiales qui peuvent affecter le greffon, en particulier les syndromes néphrotiques idiopathiques cortico-résistants [ 34 ], et la non-observance du traitement par les patients, restent problématiques et ont un impact péjoratif sur la survie des greffons. Quel que soit l’âge de la transplantation, les taux de perte de greffon sont plus élevés à l’adolescence et chez les jeunes adultes, en raison principalement de l’inobservance thérapeutique par cette catégorie de patients [ 35 , 36 ]. Cette période de la vie est d’autant plus à risque qu’elle coïncide avec la transition entre les soins en milieu pédiatrique et ceux donnés dans le secteur adulte ( ).

(→) Voir aussi la série Maladies chroniques : transition de l’adolescence à l’âge adulte , m/s 2021-2023 (en cours)

On ne saurait trop insister sur l’importance de ce processus de transition vers la prise en charge par une équipe de médecine pour adulte [ 37 , 38 ], mais aussi sur l’importance de la présence d’un parent, ou d’un adulte investi, pour soutenir le jeune receveur lors de cette transition. Il est recommandé de transférer progressivement, dès l’âge de 12 ans, les responsabilités de la gestion des médicaments et des soins de transplantation, du parent vers l’adolescent. Cependant, un soutien continu, après le transfert, reste important. En pratique, de nombreux jeunes adultes ne maîtrisent pas l’autogestion avant l’âge de 20 ans [ 39 ].

La transplantation rénale pédiatrique aujourd’hui en France
Épidémiologie
En France, candidats receveurs et donneurs pédiatriques sont définis par un âge inférieur à 18 ans au moment de l’inscription ou du prélèvement. Selon le rapport annuel de 2019 de l’Agence de la biomédecine [ 1 ], 343 candidats étaient en attente d’une greffe rénale pédiatrique, dont 124 nouveaux inscrits. Ces candidats receveurs étaient majoritairement des garçons, d’âge moyen de 10-11 ans, inscrits pour la première fois (seuls 7 % étaient inscrits pour une re-transplantation), de façon préemptive (avant la mise en œuvre d’un traitement de suppléance par dialyse) dans 40 à 50 % des cas. La majorité des patients (64,5 %) n’étaient pas immunisés contre des alloantigènes (cette immunisation pouvant être survenue après des évènements tels qu’une transfusion, une précédente greffe ou une grossesse).

Les règles de la priorité pédiatrique pour l’allocation des reins issus de sujets décédés et disponibles pour une transplantation sont définies par le décret ministériel de 1996 [ 40 ]. La priorité pédiatrique s’applique aux enfants âgés de moins de 18 ans dans le cadre :

  • d’une priorité nationale ABO-compatible (groupes sanguins compatibles), pour les deux greffons prélevés sur les sujets de moins de 18 ans ;
  • d’une priorité régionale isogroupe (de même groupe sanguin), pour le deuxième greffon prélevé sur les sujets âgés de 18 à 30 ans, en l’absence de receveur bénéficiant d’une priorité dans le cadre d’une greffe combinée (cœur, poumon et pancréas prioritaire) ou d’une priorité accordée par les experts au titre de l’immunisation ou d’un groupe sanguin rare.

Sur demande de l’équipe soignante, une prolongation de la priorité pédiatrique au-delà de 18 ans peut être accordée à titre dérogatoire, lorsque la dialyse a été initiée avant l’âge de 18 ans.

En pratique, la priorité pédiatrique dans l’attribution des greffons permet aux enfants d’avoir un bon accès à la greffe, avec une médiane de temps d’attente (hors contre-indication temporaire) de 10 mois [ 1 ]. La priorité pédiatrique leur garantit également l’attribution de greffons qui leur sont optimaux.

Durant la période s’étendant de 2016 à 2019, le taux d’incidence cumulée de greffes pour les patients pédiatriques inscrits sur liste active a été de 57 % à un an et de 78 % à deux ans, avec une médiane d’accès de 10,2 mois [ 1 ].

Activité de greffe
En 2019, 108 greffes rénales ont été réalisées, dont 26 (24 %) issues de donneurs vivants. Parmi les greffes issues de donneur décédés, 27 (32 %) receveurs pédiatriques ont reçu une greffe issue d’un adulte. Alors que près de la moitié des receveurs sont inscrits de manière préemptive (48 % en 2019), seuls 13,5 % d’entre eux seront finalement greffés grâce à un donneur décédé avant l’initiation de la dialyse. Le taux de greffes préemptives de donneurs vivants était de 42 % [ 1 ]. Ces chiffres soulignent le faible recours au don vivant en France et, par conséquence, un taux faible de transplantation préemptive. L’augmentation du don vivant et de la transplantation préemptive sont au cœur des plans greffes successifs et des recommandations sur le don vivant, dont la publication est prévue en 2023.
Survie post-greffe
Les résultats de la greffe rénale pédiatrique montrent de bons résultats ainsi qu’une nette amélioration de leur devenir au fil du temps. L’accès à des donneurs optimaux pour les receveurs pédiatriques permet d’observer un débit de filtration glomérulaire (DFG) du greffon supérieur à 60 ml/min/1,73 m 2 chez près de 90 % des receveurs à un an et 76 % à cinq ans post-greffe.

Deux situations à risque se distinguent cependant en fonction de l’âge du receveur [ 1 ] : les receveurs de petit gabarit (âgés de moins de deux ans) chez lesquels on observe un risque accru d’échec précoce par thrombose du greffon ; et les adolescents chez lesquels le risque d’échecs de greffe à long terme prédomine, en rapport avec une moins bonne observance du traitement immunosuppresseur dans cette classe d’âge.

Contrairement à l’adulte, on n’observe pas de différence significative selon le type de donneur, avec une survie des greffons à cinq ans comparable entre les greffes effectuées à partir de donneurs vivants (89 %) et celles réalisées à partir de donneurs décédés, probablement du fait d’un accès à de « meilleurs » donneurs en pédiatrie.

Conclusion

Les progrès réalisés en matière de techniques chirurgicales, d’immunosuppression et de gestion des complications infectieuses ont permis d’améliorer considérablement les résultats des greffes rénales en pédiatrie. Bien que la survie globale d’un greffon rénal ait nettement augmenté au cours des dernières décennies, près de 30 % des patients pédiatriques perdent leur greffon dans les 10 ans qui suivent la transplantation [ 1 ] et la plupart d’entre eux devront faire l’objet d’une deuxième (voire d’une troisième) greffe de rein au cours de leur vie (rendue plus difficile en raison d’une immunisation inévitable). Comme chez l’adulte, l’amélioration de l’accès à la transplantation pour les patients immunisés, la personnalisation du traitement immunosuppresseur et le développement de traitements non toxiques pour le greffon, visant à prévenir des transplantations répétées chez l’enfant, sont les objectifs des décennies à venir.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Mise au point par Lich en 1961 et perfectionnée par Grégoir en 1964, cette méthode consiste à réimplanter l’uretère dans la vessie selon une technique anti-reflux : en incisant le muscle de la vessie (détrusor) et en faisant cheminer l’uretère dans un chenal sous-muqueux. Cette technique présente l’avantage d’être extra-vésicale, c’est-à-dire de respecter la muqueuse vésicale, et d’être moins invasive.
2 Ce virus a été extrait, pour la première fois, en 1971, de l’urine d’un patient transplanté du rein, dont les initiales étaient B. K.
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