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Med Sci (Paris). 38(10): 845–849.
doi: 10.1051/medsci/2022131.

L’actualité scientifique vue par les étudiants du Master Biologie Santé de l’université de Montpellier

Damien Avinens, Guilhem Cantaloube, Annemarie Fortuin, Joëlle Hornebeck, Paul Jégou, Lila Marchal, Laura Pinceloup-Sosa, Justine Revel, Louis Sarrazin, Benjamin Sauthon, and Jéremy Vincent

 

Marie-Alix Poul, Thierry Vincent

Responsables de l’unité d’enseignement Immunopathologie Master sciences et technologies, Mention Biologie Santé, université de Montpellier

Série coordonnée par Sophie Sibéril

( sophie.siberil@sorbonne-universite.fr )

Un vaccin ciblant l’IL-4 et l’IL-13, protecteur dans un modèle murin d’asthme allergique chronique

L’asthme touche plus de 300 millions de personnes dans le monde. Dans 50 % des cas, la maladie se manifeste par une inflammation de type 2 caractérisée par des concentrations élevées d’IgE et de cytokines proinflammatoires comme l’interleukine-13 (IL-13) et l’interleukine-4 (IL-4). Les anticorps monoclonaux ciblant ces cytokines constituent un traitement efficace, mais ils doivent être pris tout au long de la vie du patient et ont un coût élevé. C’est pourquoi la mise au point d’un vaccin est un enjeu important pour des millions de personnes. Dans une étude récente, Conde et al . [1] ont développé deux vaccins de type « kinoïdes » reposant sur le couplage d’une cytokine, l’IL-4 ou l’IL-13, à un mutant non toxique de la toxine diphtérique, afin d’induire chez l’hôte vacciné une réaction immunitaire conduisant à la production d’anticorps neutralisant les cytokines IL-4 et IL-13 endogènes produites lors de la réaction allergique.

Ces deux vaccins ont été testés seuls ou en combinaison dans un modèle murin d’asthme allergique déclenché par sensibilisation à des extraits d’acariens, principaux allergènes chez l’homme. Les résultats les plus encourageants ont été obtenus pour la double vaccination IL-4 et IL-13, aussi bien en prophylaxie qu’en curatif. Une diminution significative de plusieurs marqueurs de l’allergie, en particulier du nombre d’éosinophiles dans les bronches et les poumons, des mastocytes dans le sang, et des concentrations d’IL-5 et d’IgE, a été observée post-vaccination. De même, la vaccination induit une diminution du nombre de mastocytes armés avec des IgE via leurs récepteurs pour la région Fc des IgE (RFcε) spécifiques des acariens ainsi qu’une baisse de la dégranulation de ces cellules et donc de leur production de molécules pro-inflammatoires. Cette étude, qui démontre, dans un modèle murin d’asthme allergique chronique, l’effet de la double vaccination lL-4/IL-13 sur la réduction des symptômes de l’allergie, ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques pour cette maladie.

Dual vaccination against IL-4 and IL-13 protects against chronic allergic asthma in mice

Référence
  • Conde E, et al. Nat Commun 2021 ; 12 : 2574.

Louis Sarrazin 1 , Paul Jégou 1 , Joëlle Hornebeck 1

1 Master Biologie Santé, Parcours Infection Biology , université de Montpellier, France.

louis.sarrazin@etu.umontpellier.fr

paul.jegou@etu.umontpellier.fr

Joelle.hornebeck@etu.umontpellier.fr

Les pièges extracellulaires des neutrophiles sont impliqués dans la formation de métastases chez les patients ayant eu un cancer gastrique

Le cancer gastrique (CG) était la quatrième cause de mortalité liée au cancer en 2018. La prise en charge thérapeutique curative des CG à des stades localement avancés consiste en l’ablation partielle ou totale de l’estomac et des ganglions périgastriques. Cependant, même après une résection totale de la tumeur, 20 à 60 % des patients peuvent présenter une récidive locale ou métastatique du cancer. Des études récentes ayant révélé l’implication des neutrophiles dans le développement des métastases [1–4], Xiang et al. se sont particulièrement intéressés au rôle des NET (neutrophil extracellular traps) dans la progression tumorale chez les patients présentant un CG [5]. Les NET, produits par les neutrophiles, sont des échafaudages de chromatine associée à des enzymes cytotoxiques et des protéases, formés en réponse à une infection et possédant une activité antimicrobienne. Les auteurs ont ainsi montré que les complications infectieuses abdominales post-opératoires chez des patients atteints de CG favorisent les récidives par la présence de NET dans le plasma et les liquides d’ascite.

Les NET piègent en effet les cellules de CG circulantes, formant ainsi des grappes NET-CG. Des co-cultures de NET et de cellules de lignées de CG et des études réalisées in vivo suggèrent que les NET facilitent la transition épithélio-mésenchymateuse, l’extravasation, la migration et l’implantation des cellules de CG dans le foie et le péritoine via l’activation de la voie de signalisation du TGF-β. Dans le contexte des complications infectieuses post-opératoires, éliminer les neutrophiles ou les NET, qui constituent la ligne de défense prédominante de la réponse immunitaire innée, pourrait entrainer une septicémie et une augmentation du taux de mortalité des patients opérés. Cependant, les auteurs de l’article montrent, dans des souris injectées avec des cellules de CG et chez lesquelles un choc septique a été induit par ligature-ponction cæcale, qu’un inhibiteur se liant au domaine kinase de TGFBR1 (l’une des deux protéines constituant le récepteur du TGF-β) empêche efficacement le développement de métastases hépatiques, sans aggraver la septicémie. Ce type de traitement pourrait représenter une nouvelle stratégie thérapeutique pour réduire le risque de métastases et prolonger la survie des patients présentant un CG.

Neutrophil extracellular traps are involved in metastasis in gastric cancer patients

Références
  • Albrengues J, et al. Science 2018 ; 361 : 1353-66.
  • Cools-Lartigue J, et al. Cell Mol Life Sci 2014 ; 71 : 4179-94.
  • Lee W, et al. J Exp Med 2019 ; 216 : 176-94.
  • Yang L, et al. Nature 2020 ; 583 : 133-8.
  • Xiang X, et al. Nat Commun 2022 ; 13 : 1017-30.

Annemarie Fortuin 1 , Justine Revel 1

1 Master Biologie Santé, Parcours Infection Biology , université de Montpellier, France.

annemarie.fortuin34@gmail.com

jupirevel@gmail.com

Implication de vésicules extracellulaires plasmatiques dans la maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative qui induit des pertes de mémoire, des troubles du comportement, de la pensée et de l’orientation. Cette maladie est notamment due à l’accumulation entre les neurones de plaques amyloïdes constituées d’agrégats de peptides β-amyloïdes (Aβ). Ces peptides sont formés à la suite du clivage anormal de la protéine APP ( amyloïd protein precursor ) par des protéases. Des vésicules extracellulaires plasmatiques (pEV) issues de cellules périphériques contenant ces protéases et le peptide Aβ et capables de pénétrer dans le cerveau [1], pourraient jouer un rôle dans cette neurodégénérescence [2]. Jung-Hyun Lee et al [3] ont donc étudié les pEV dans la maladie d’Alzheimer afin de mieux définir leur contenu ainsi que leurs mécanismes de passage de la périphérie au cerveau.

La purification des pEV par gradient de sucrose a permis de démontrer qu’elles sont plus abondantes chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer que chez les personnes non malades. Des expériences effectuées dans un modèle murin utilisant des pEV obtenues in vitro, ainsi que sur des coupes de tissu cérébral de patients, ont montré que des pEV contenant des protéases activées capables de cliver l’APP atteignent le plexus choroïde (chargé de la sécrétion du liquide cérébrospinal au niveau du cerveau) via le sang, s’y accumulent, puis rentrent dans les neurones de l’hippocampe, région où les premiers signes de neurodégénérescence apparaissent. L’utilisation d’un inhibiteur de la hyaluronate synthétase (4MU) a alors permis de mettre en évidence le rôle essentiel de l’acide hyaluronique à la surface de ces vésicules dans leur entrée dans le plexus choroïde. Outre la meilleure compréhension du rôle des pEV dans la maladie d’Alzheimer, cette étude ouvre de nouveaux espoirs thérapeutiques pour une maladie encore incurable à ce jour.

Involvement of plasma extracellular vesicles in Alzheimer’s disease

Références
  • Saint-Pol J, et al. Cells 2020 ; 9 : 851.
  • Candelario KM, Steindler DA. Trends Mol Med 2014 ; 20 : 368-74.
  • Lee JH, et al. EBioMedicine 2022 ; 77 : 1-16.

Laura Pinceloup-Sosa 1 , Lila Marchal 1

1 Master Biologie Santé, Parcours Infection Biology , université de Montpellier, France.

laura.pinceloup-sosa@etu.umontpellier.fr

lila.marchal@etu.umontpellier.fr

L’interleukine 3 (IL-3) dans la maladie d’Alzheimer : une nouvelle stratégie thérapeutique ?

La maladie d’Alzheimer, première cause de démence, touche plus de 50 millions de personnes dans le monde. Lors de l’émergence de la maladie, deux marqueurs histopathologiques sont retrouvés : l’accumulation de la protéine Tau dans les neurones et la formation de plaques amyloïdes constituées d’agrégats de peptides β-amyloïdes (Aβ) dans l’environnement extracellulaire des neurones. Ces lésions participent à l’inflammation et à la mort neuronale, responsables de la perte progressive et irréversible des fonctions cognitives, notamment de la mémoire. Les cellules gliales, dont les astrocytes et la microglie (macrophages résidents du système nerveux central), sont essentielles au fonctionnement cérébral et à la protection des neurones [1] mais leur rôle dans la clairance des peptides Aβ reste relativement mal compris.

Dans une étude publiée dans la revue Nature en juillet 2021 [2], l’interleukine-3 (IL-3), une cytokine pro-inflammatoire pleïotrope, a été identifiée comme étant un médiateur clé de la communication entre les astrocytes et la microglie, menant à l’élimination des plaques amyloïdes. En effet, les astrocytes secrètent de manière constitutive de l’IL-3 qui est captée par les cellules de la microglie dont l’expression de la chaîne α du récepteur de l’IL-3 (IL-3Rα) est augmentée au cours de la maladie d’Alzheimer. La fixation de l’IL-3 à son récepteur entraîne une reprogrammation de la réponse immunitaire et motrice des cellules de la microglie, permettant leur recrutement au niveau des plaques amyloïdes et favorisant ainsi l’élimination de ces plaques. L’injection intracérébrale d’IL-3 à des souris, dans un modèle murin de maladie d’Alzheimer, diminue le taux de peptides Aβ dans le cortex et améliore les fonctions cognitives, démontrant ainsi l’intérêt de l’IL-3 dans le traitement de la maladie d’Alzheimer.

Interleukin 3 (IL-3) in Alzheimer’s disease: A possible new therapy?

Référence
  • Linnerbauer M, et al. Neuron 2020 ; 108 : 608-22.
  • McAlpine CS, et al. Nature 2021 ; 595 : 701-6.

Cantaloube Guilhem 1 , Sauthon Benjamin 1

1 Master Biologie Santé, Parcours Infection Biology , université de Montpellier, France.

guilhem.cantaloube@etu.umontpellier.fr

benjamin.sauthon@etu.umontpellier.fr

La protéine Spike du SARS-CoV-2 active les monocytes pro-inflammatoires via les plaquettes

Le SARS-CoV-2 ( severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 ) qui a émergé en 2019 dans la province de Wuhan en République Populaire de Chine, est l’agent responsable de la maladie à Coronavirus 2019 (COVID-19). Certains variants de ce pathogène possèdent une forte létalité liée, entre autres, à l’apparition de thromboses pulmonaires provoquées par une inflammation excessive [1]. L’origine de ces thromboses, ainsi que les mécanismes de l’interaction entre le virus et les plaquettes sont encore mal compris. En effet, plusieurs études ont montré que le récepteur du virus ACE2 (enzyme de conversion de l’angiotensine 2) [2] n’est pas exprimé à la surface des plaquettes [3].

Récemment, l’étude de Li et al. [4] a confirmé cette observation et a montré l’existence d’un autre partenaire exprimé par les plaquettes, la molécule CD42b, qui interagit directement avec la protéine Spike (S) du SARS-CoV-2. En effet, les auteurs ont tout d’abord observé une agrégation dose-dépendante des plaquettes en présence de la protéine S recombinante ou de pseudovirus exprimant la protéine S. Ils ont ensuite montré, par immunoprécipitation, que la protéine S interagit avec la molécule CD42b exprimée à la surface des plaquettes, activant deux voies de signalisation distinctes, qui induisent l’expression membranaire de P-sélectine et de CD40L. Ces deux ligands présents à la surface des plaquettes activent alors les monocytes via leurs récepteurs respectifs, PSGL-1 et CD40. Cette interaction conduit à un profil monocytaire pro-inflammatoire, associé à une expression augmentée de molécules de costimulation (CD86), de marqueurs d’activation (HLA-DR), et à une production d’IL-1. Ces résultats apportent donc un éclairage nouveau sur les mécanismes d’interaction entre les plaquettes et la protéine Spike du SARS-CoV-2 et donne une piste pour expliquer le lien entre thrombose pulmonaire et activation des monocytes inflammatoires retrouvées chez certains patients infectés par le virus.

Platelet-dependent activation of proinflammatory monocytes by SARS-CoV-2 spike protein

Références
  • Gu SX, et al. Nat Rev Cardiol 2021 :18 ; 194-209.
  • Zhang S, et al. J Hematol Oncol 2020 : 13 ; 120.
  • Campbell RA, et al. J Thromb Haemost 2021 : 19 ; 46-50.
  • Li T, et al. J Clin Invest 2022 : 132 : e150101.

Damien Avinens 1 , Jéremy Vincent 1

1 Master Biologie Santé, Parcours Infection Biology , université de Montpellier, France.

damien.avinens@etu.ummontpellier.fr

jeremy.vincent@etu.umontpellier.fr