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Med Sci (Paris). 38(5): 457–463.
doi: 10.1051/medsci/2022058.

La contraception à travers le monde

Sophie Christin-Maitre1,2*

1Service d’endocrinologie, diabétologie et médecine de la reproduction, Hôpital Saint-Antoine, 75012Paris, France
2Sorbonne Université, Inserm UMR-S 933, Maladies génétiques d’expression pédiatrique, Hôpital Trousseau, 26 avenue Arnold Netter, 75571Paris Cedex 12, France
Corresponding author.
 

Vignette (© Inserm/Universcience/CNDP/Picta production-Véronique Kleiner).

Le dernier rapport de l’Organisation des Nations unies portant sur l’utilisation des différentes méthodes contraceptives à travers le monde a été publié en 2019 [1]. À cette date, il y avait dans le monde, 1,9 milliard de femmes en âge de procréer, sachant que la tranche d’âge entre 15 et 49 ans est considérée comme « la période de reproduction » des femmes. Parmi ces femmes, 800 millions ne souhaitaient pas utiliser de contraception, soit parce qu’elles n’avaient pas de relation sexuelle, soit parce qu’elles avaient un désir de grossesse. En revanche, 1,1 milliard de femmes avait un besoin contraceptif, et, parmi celles-ci, 922 millions utilisaient une méthode de contraception. Notons que 190 millions de femmes, soit 10 %, n’utilisaient pas de méthode de contraception alors qu’elles (ou leur partenaire) avaient un besoin contraceptif [1]. Après un bref rappel des méthodes de contraception disponibles, nous présentons, dans cette revue, la répartition de l’utilisation des méthodes contraceptives selon les pays, à travers le monde. Nous évoquerons également les échecs de contraception et les motifs de la « non utilisation » de la contraception. Nous aborderons enfin les pistes envisageables pour améliorer l’utilisation et/ou la diffusion des méthodes contraceptives.

La répartition des méthodes contraceptives à travers le monde

Il est classique, pour l’ONU, de répartir les méthodes contraceptives entre, d’une part, les méthodes traditionnelles et, d’autre part, les méthodes modernes. Les méthodes traditionnelles, utilisées depuis plus de mille ans, regroupent le préservatif, le retrait ou le suivi des rythmes du cycle menstruel de la femme. Rappelons que les taux d’échecs du préservatif masculin ou du retrait sont, respectivement, de 13 et 20 %, selon une étude américaine réalisée entre 2006 et 2010 [2]. Ces méthodes traditionnelles sont donc considérées comme « peu fiables » par l’ONU. La pilule ou le dispositif intra-utérin (DIU) sont disponibles depuis les années 1960. Ces méthodes, classées dans les méthodes dites « modernes », ont un indice de Pearl1 nettement meilleur que les méthodes traditionnelles. Au cours des deux dernières décennies, d’autres voies d’administration de contraceptifs ont été développées, comme les anneaux vaginaux, les patchs contraceptifs, les implants ou les injections par voie sous-cutanée. Des méthodes de contraception d’urgence, utilisant soit la pose d’un DIU, soit la prise d’un progestatif en comprimé, et plus récemment des comprimés comprenant un SPRM (selective progesterone receptor modulator) ont également été proposées [3].

Si les méthodes contraceptives continuent à être classées en méthodes « traditionnelles » ou méthodes « modernes », on répartit, depuis quelques années, les méthodes de contraception selon leur durée d’action. Il existe en effet des méthodes ayant une longue durée d’action, les LARC (pour long acting reversible contraception), qui peuvent atteindre plusieurs années, et des méthodes contraceptives de courte durée d’action. Les implants et les DIU font partie des LARC [4]. Les méthodes de courte durée d’action consistent, quant à elles, en des injections ou en la prise de pilules estroprogestatives ou progestatives. Elles englobent également la contraception d’urgence, les préservatifs masculins ou féminins, et l’aménorrhée secondaire à la lactation. La contraception, dans sa définition, inclut la notion de réversibilité. Pourtant, dans les statistiques publiées par l’ONU, la stérilisation féminine et/ou la stérilisation masculine, qui sont définitives, sont intégrées dans les méthodes contraceptives. D’ailleurs, la stérilisation féminine est désormais appelée contraception féminine définitive.

L’utilisation de la contraception est très différente selon les continents. La plus faible utilisation se retrouve en Afrique subsaharienne, avec un pourcentage de 28 % de femmes qui l’utilisent. Ce pourcentage augmente en Afrique du Nord (35 %), en Asie de l’Ouest (49 %), en Océanie (57 %), en Amérique latine et aux Caraïbes, et il atteint 58 % des couples en Europe et en Amérique du Nord [1]. Le pourcentage le plus élevé se retrouve en Asie de l’Est ou en Asie du Sud-Est, où il atteint 60 % des couples.

Parmi les utilisatrices (ou leurs partenaires) de contraception, la répartition mondiale des différentes méthodes, selon leur durée d’action, est la suivante : 45 % de méthodes de longue durée d’action (LARC), 45 % de méthodes de courte durée d’action, et 10 % de méthodes traditionnelles. La répartition des différentes méthodes est la suivante : 17 % pour le DIU, 2 % pour les implants, 8 % pour les formes injectables, et 16 % pour la pilule. Ce qui correspond à un total de 63 % pour les méthodes dites « modernes » [1] (Figure 1). Le préservatif masculin est utilisé par 21 % des couples. Les stérilisations féminine et masculine sont utilisées, respectivement, par 24 % et 2 % des couples. Les méthodes traditionnelles, qui, en 2019, étaient utilisées par 10 millions de couples, se distribuent en méthode des rythmes du cycle menstruel de la femme, pour 3 % des utilisateurs, en retrait, pour 5 %, et en autres méthodes traditionnelles, pour 5 %.

La France apparaît comme un pays différent des autres pour la répartition des méthodes. En effet, moins de 15 % des couples français utilisent aucune méthode de contraception ; la pilule est utilisée par 50 à 60 % des femmes, le DIU par 20 %, le préservatif par 10 % des couples, et la stérilisation par moins de 10 % des femmes [5].

La répartition des différentes méthodes contraceptives est ainsi très différente selon les régions du monde. La pilule est peu utilisée en Asie de l’Est et du Sud-Est ou en Afrique subsaharienne, alors qu’elle est très utilisée en Europe ou en Amérique du Nord. Inversement, le DIU est très utilisé en Asie de l’Est et du Sud-Est, mais très peu en Océanie [1] (Figure 2). La stérilisation féminine, quant à elle, est très utilisée en Asie centrale et en Asie du Sud comme en Amérique latine et aux Caraïbes (Figure 2). Cette méthode est en fait la première méthode de contraception féminine qui est utilisée à travers le monde.

L’ONU a comparé les données concernant l’usage des méthodes de contraception entre 1994 et 2019. Ces données montrent que la stérilisation masculine a diminué (de 43 à 16 millions d’hommes) [1]. En revanche, lors de cette même période, l’utilisation du préservatif a augmenté, de 64 millions de couples utilisateurs à 189 millions. Les méthodes de contraception injectables chez la femme ont également augmenté, de 17 à 74 millions de femmes utilisatrices. Il en est de même pour la pilule, qui est passée de 97 à 151 millions de femmes l’utilisant. La pose de DIU n’a, quant à elle, que légèrement progressé, de 133 à 159 millions de femmes [1].

Les échecs de la contraception

Environ 210 millions de femmes sont enceintes chaque année. Parmi ces grossesses, au moins 40 % (soit plus de 80 millions) n’étaient pas prévues. Ce taux de grossesses non prévues est élevé dans les pays dont le niveau socio-économique est faible, mais aussi dans certains pays qui présentent pourtant un niveau socio-économique élevé. Dans ces pays, les grossesses non désirées apparaissent toutefois plus fréquentes dans les milieux défavorisés, comme le montre l’étude de James Trussell en 2017 [6]. Parmi ces grossesses non prévues, environ 30 millions se termineront par une interruption volontaire de grossesse (IVG) ou une fausse-couche, les autres 50 millions aboutiront à la naissance d’un enfant [7].

Une méthode permettant d’évaluer l’efficacité de la contraception consiste à quantifier le nombre d’IVG. Ces IVG peuvent être une conséquence d’un échec de la méthode utilisée, mais elles peuvent également être secondaires à l’absence d’utilisation de contraception par la femme et/ou le couple. Le taux d’IVG repose sur une mesure (sur 1 000 femmes) qui prend en compte les femmes de 15 à 49 ans [1]. Dans certains pays, ce nombre est fondé sur des statistiques officielles. Lors des dernières évaluations réalisées entre 2011 et 2014, le taux d’IVG pour 1 000 grossesses était ainsi de 5 en Suisse, de 8 en Belgique, de 9 en Espagne, de 12 en Norvège, de 13 aux États-Unis et au Royaume-Uni, de 15 en France, et de 18 en Suède. Dans certains pays, il n’existe pas de statistiques officielles. Les chiffres sont donc obtenus indirectement. Au Sénégal, le taux d’IVG pour 1 000 grossesses serait ainsi de 16, au Nigéria de 33, en Tanzanie de 36, en Inde de 47, et au Pakistan de 50. L’âge moyen auquel la femme a recours à une IVG est situé entre 20 et 24 ans. En Norvège, à Singapour et en Suède, cet âge est plus tardif, entre 25 et 29 ans. En Slovénie et en Slovaquie, il est encore plus tardif, puisqu’il est entre 30 et 34 ans [8]. En France, le nombre d’IVG est d’environ 200 000 par an [9]. Stable depuis deux décennies, il était de 232 000 en 2019. Il a un peu diminué en 2020 (220 000 IVG). Cette diminution est probablement la conséquence d’un nombre moins important de grossesses au cours de l’année 2020 marquée par la pandémie de COVID-19 (coronavirus disease 2019) et les deux épisodes de confinement [10].

Pourquoi 10 % de femmes (ou leurs partenaires) à travers le monde n’utilisent pas de contraception alors qu’elles (ils) ont des rapports sexuels sans désir de grossesse ?

Dans le monde, 10 % des femmes ont des besoins de contraception non pourvus ou non satisfaits (unmet needs), ce qui représente 190 millions de femmes [1]. Les causes de ce non usage sont très variées : un accès limité à la contraception, un choix limité des différentes méthodes, une peur des effets secondaires, un interdit et/ou une réticence culturels ou religieux, une mauvaise qualité des services disponibles, mais aussi, des limites d’accès liées au genre. Les droits et la santé sexuels et reproductifs (DSSR) sont les droits de toute personne de prendre des décisions libres, informées et responsables, et d’exercer un contrôle entier sur les aspects élémentaires de sa vie privée - corps, sexualité, santé, relations avec autrui, liberté de se marier ou non, d’avoir ou non des enfants, et le cas échéant, choix du moment et du partenaire - sans s’exposer à quelle que forme de discrimination, de stigmatisation, de contrainte ou de violence que ce soit.

L’éducation faite aux femmes et aux couples est susceptible de jouer un rôle majeur sur l’utilisation de la contraception. Une étude transversale, parue dans The Lancet en 2021, a évalué les connaissances et les attitudes de femmes palestiniennes vis-à-vis de la contraception [11]. Elle a concerné 833 femmes, dont plus de 770 ont répondu à un questionnaire (comptant 14 points) qui leur avait été proposé. Les résultats ont révélé que 16 % des femmes ayant répondu n’utilisaient pas de contraception. Six pour cent d’entre elles pensaient que la religion interdisait l’utilisation de la contraception, et 14,5 % considéraient que l’utilisation d’une contraception n’était pas acceptable sociologiquement. Sur les 14 questions qui leur avaient été posées, le nombre de réponses concernant les points sur l’utilisation et les effets secondaires des méthodes contraceptives s’est révélé relativement faible, avec une moyenne de réponses d’environ 8 sur 14. Cette étude, réalisée sur des femmes palestiniennes, suggère ainsi que la plupart d’entre elles utilisent une contraception, mais que leur niveau de connaissance sur la contraception reste globalement faible.

Accéder aux différentes méthodes contraceptives disponibles peut être problématique, par manque d’informations ou par manque d’accès à ces méthodes, pour des raisons géographiques, mais aussi pour des raisons de prise en charge par un système de santé ou par des assurances qui ne prennent pas en charge ces méthodes. Une autre raison de la non utilisation de certains types de contraception peut être la non diffusion de ces méthodes. Au Japon, par exemple, les contraceptions estroprogestatives ne sont autorisées que depuis 1999, très tardivement en regard de la majorité des autres pays. Dans ce pays, la contraception d’urgence n’a été autorisée qu’en 2021. Cette contraception nécessite cependant une ordonnance médicale et a un coût élevé (entre 55 et 150 euros) [12]. Les freins évoqués, dans ce pays, pour la diffusion de la contraception d’urgence, reposent sur les défauts potentiels d’utilisation, ou des abus éventuels. Une autre crainte des autorités sanitaires est une moindre utilisation potentielle des préservatifs, et donc une augmentation possible des infections sexuellement transmissibles (IST). Les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montrent néanmoins que les contraceptions d’urgence n’engendrent pas d’effets secondaires particuliers, qu’elles ne nécessitent pas de formation particulière des médecins, et que leur utilisation n’augmente pas les infections sexuellement transmissibles. Notons que les contraceptions d’urgence sont en vente libre dans 19 pays, et sont accessibles dans les pharmacies, sans prescription, dans 76 pays.

Des pistes potentielles pour améliorer la diffusion et l’utilisation de la contraception

En 2019, la population mondiale était de 7,7 milliards d’individus. D’après les projections de l’ONU, elle serait de 9 milliards en 2050 et probablement de 11,2 milliards à la fin du siècle. Parmi les 17 objectifs mondiaux fixés par celle-ci, suite à la réunion qui s’est tenue à New York en septembre 20152, et adoptés par l’Accord de Paris, le 12 décembre 2015, à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui se tenait en France, plusieurs concernent la santé, le bien-être et la reproduction. Les objectifs de l’ONU insistent sur la nécessité d’une égalité entre les hommes et les femmes et d’un accès à l’éducation, en particulier pour les filles. Il est ainsi mentionné, dans l’objectif 3, qu’à l’horizon 2030, il devrait y avoir un accès universel aux services de santé sexuelle et reproductive, incluant les plannings familiaux, l’information, l’éducation et l’intégration de la santé reproductive dans les stratégies nationales et les différents programmes [13]. Il est de plus mentionné que l’évaluation des avancées réalisées par les pays doit inclure les types de méthodes contraceptives utilisées.

La commission Guttmacher–Lancet sur la santé sexuelle et reproductive et ses droits, a été conduite par l’Institut américain Guttmacher, un institut de recherche qui fournit des statistiques sur le contrôle des naissances et l’avortement aux États-Unis et dans le monde, en association avec le Centre de recherche sur la population africaine et sa santé et avec la revue The Lancet3. Les conclusions de la commission sur la santé sexuelle sont très détaillées et sont disponibles dans le numéro de The Lancet paru le 30 juin 2018. Elles illustrent les importantes disparités d’un pays à l’autre en ce qui concerne la prise en charge de la santé sexuelle et reproductive, et insistent sur la nécessité d’une accélération de cette prise en charge [14]. En France, le plan de santé sexuelle a été publié le 1er décembre 2021 [15]. Un de ses buts est d’améliorer l’accès et l’utilisation de la contraception pour toutes les femmes.

L’éducation des femmes et des couples, une piste majeure. L’éducation doit prendre en considération l’âge de la femme, son terrain, avec ou sans les comorbidités possiblement associées, de même que son niveau socioéconomique. Ahmed et al., dans une étude épidémiologique réalisée dans 172 pays [16], montrent que le nombre de décès de femmes pendant la grossesse ou dans le post-partum est de 342 203, mais que 272 040 autres décès ont pu être évités grâce à la contraception. Si toutes les femmes de ces pays avaient eu accès à la contraception, il aurait ainsi été possible d’éviter 104 000 (29 %) décès maternels. Une corrélation positive entre la prévalence de la contraception au sein d’un pays et la réduction estimée de la mortalité maternelle a été constatée : une prévalence de l’utilisation de la contraception de 85 % permettrait en effet, a priori, une réduction de 60 % des décès maternels.

Deux paramètres importants à prendre en considération dans l’éducation à la contraception sont le nombre d’enfants que le couple souhaite, mais aussi l’intervalle de temps entre les grossesses. Un intervalle trop faible entre deux grossesses s’avère potentiellement délétère pour la santé de la femme. Une éducation des femmes dans le post-partum immédiat pourrait donc être utile afin que les grossesses ne soient pas trop rapprochées. Cleland et al. ont montré que la planification de la future grossesse lors du post-partum, avec un espacement entre la naissance et la grossesse suivante d’au moins deux ans, pourrait prévenir 30 % des décès maternels et 10 % des décès infantiles [17]. Dans plus de la moitié des pays en voie de développement, ces intervalles entre naissance et grossesse suivante restent trop faibles (moins de 23 mois).

Une étude, le « Yam Daabo trial »4, a été réalisée dans des zones rurales du Burkina Fasso. Elle avait pour but d’examiner l’intérêt de la prise en charge des femmes dans le post-partum immédiat afin de limiter les naissances à venir [18]. Cette étude randomisée a testé l’efficacité d’une prise en charge sur l’utilisation de la contraception, un an après l’accouchement. Elle intégrait, pendant la grossesse et en post-partum, un rappel d’information sur la contraception et sur les différentes méthodes, l’assistance à la contraception secondaire à l’allaitement, et un accès possible, quotidien, aux services de santé dédiés à la contraception, avec une éventuelle pose de DIU. Elle impliquait également l’utilisation d’une carte pour prendre les rendez-vous avec les professionnels de santé, et de lettres pour inviter les intéressés à assister aux consultations de contraception. Cette étude a montré que l’éducation et l’encadrement des personnes permettaient de doubler le nombre d’utilisatrices de méthodes modernes de contraception 12 mois après qu’elles aient accouché : 55 % des femmes dans le groupe accompagné (groupe coaching) ont utilisé une méthode moderne de contraception un an après le post-partum, contre 29 % des femmes qui avaient été prises en charge de façon routinière. Des différences significatives ont également été observées entre ces deux groupes en ce qui concerne le pourcentage de femmes utilisant des méthodes de longue durée d’action (29 % versus 17 %).

Une étude similaire a été menée plus récemment en République Démocratique du Congo, dans les environs de Kinshasa, une région où la pauvreté, la faim et le sous-développement restent des caractéristiques majeures [19]. Dans cette province, 45 % des femmes mariées, en âge de reproduction, utilisent une contraception. Les besoins de contraception non satisfaits sont néanmoins élevés, puisque 23 % des femmes n’ont pas accès à un planning familial. Cinquante-deux cliniques ont participé à cette seconde étude, permettant l’inclusion de 690 femmes. Les résultats obtenus ont montré une augmentation de l’utilisation des méthodes modernes de contraception, en particulier les implants, entre le groupe coaching et le groupe contrôle, un an après le post-partum (22 % versus 7 %). La différence d’utilisation de contraception, qui représentait l’objectif principal de jugement, ne s’est cependant pas révélée statistiquement significative entre les deux groupes, cette absence de différence pouvant s’expliquer par le fait que l’utilisation de la contraception dans le groupe contrôle a été plus élevée que prévue.

L’amélioration de la couverture contraceptive pourrait reposer sur l’éducation des femmes à propos de l’efficacité des méthodes contraceptives qui leur sont proposées. En 2005, le National Institute for Health and Care Excellence (NICE), en Grande-Bretagne, a publié des recommandations indiquant que les méthodes à longue durée d’action (LARC) devraient être systématiquement présentées à toute femme souhaitant une contraception [20]. Sachant que l’efficacité des LARC est environ 20 fois supérieure à celle des méthodes de courte durée d’action [4], leur diffusion et leur information dans certaines régions du monde pourrait améliorer l’efficacité contraceptive.

L’éducation ciblant les adolescentes est aussi une importante piste à considérer. Une étude, réalisée au Royaume-Uni, incluant 2 705 638 femmes âgées de 15 à 49 ans, a évalué les prescriptions de contraception par les médecins généralistes, entre 2000 et 2018 [21]. Elle a montré que les prescriptions de LARC avaient diminué pour les adolescentes, passant de 6,8 % (6,6 %-7 %) utilisatrices en 2013, à 5,6 % (5,4 %-5,8 %) en 2018, en particulier dans les zones défavorisées, probablement en lien avec une diminution de la prise en charge financière de ces méthodes.

Diffuser la contraception nécessite également d’éduquer et de motiver l’ensemble du personnel médical et paramédical, mais aussi d’impliquer de nouveaux acteurs. Ainsi, afin de motiver les médecins généralistes du Royaume-Uni à informer leurs patientes sur des LARC, une incitation financière leur a été proposée à partir de 2009. Malgré le succès de cette mesure, le gouvernement a décidé de l’arrêter en 2014, et la somme globale allouée à la contraception à partir de cette date a nettement chuté. Cette baisse pourrait être à l’origine d’une diminution de l’utilisation des LARC chez les adolescentes [21]. Afin de remédier à cette diminution d’utilisation, les pharmaciens pourraient être impliqués et éduqués. Ana Glasier, experte mondiale de la contraception d’urgence (université d’Édimbourg), a entrepris une étude impliquant 30 pharmacies, à Édimbourg, Dundee et Londres. Des femmes « mystères » (des actrices qui avaient appris un scénario sur la contraception d’urgence) ont réalisé 50 visites dans ces pharmacies. Dans 20 % des cas, la femme a quitté la pharmacie sans que lui soit donnée la contraception d’urgence qu’elle demandait, soit par un manque de disponibilité du produit, soit par ignorance du pharmacien [22]. Plus récemment, Ana Glasier a réalisé une nouvelle étude, randomisée, en incluant 29 pharmacies délivrant une contraception d’urgence de type lévonorgestrel. Dans un premier groupe, les pharmacies donnaient aux femmes, en plus de la contraception d’urgence qu’elles demandaient, un microprogestatif (pour 3 mois) et leur remettaient une carte indiquant les coordonnées d’une clinique prenant en charge la santé sexuelle. Dans un deuxième groupe, le pharmacien administrait uniquement la contraception d’urgence, et conseillait de consulter son médecin habituel [23]. Parmi les 636 femmes recrutées, la proportion de celles utilisant une contraception efficace était, quatre mois après leur inclusion, 20,1 % plus importante dans le premier groupe (intervention) que dans le second (groupe témoin). Les pharmaciens pourraient donc jouer un rôle dans la diminution des grossesses non désirées en accompagnant les femmes au moment de leur visite.

La mise au point de nouveaux contraceptifs féminins ou masculins, associant molécules contraceptives et molécules antivirales, en particulier contre le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) ou contre les Herpès virus, est également une piste. Des gels ou des anneaux vaginaux contenant des spermicides et des molécules susceptibles de détruire ces virus sont en cours de développement [24]. D’autres voies de recherche concernent des molécules contraceptives non hormonales, telles que des molécules inhibant les étapes de l’ovulation, comme des inhibiteurs de la voie des prostaglandines [25]. Depuis de nombreuses années, la contraception masculine fait l’objet de recherche. Elle représente une piste potentielle pour une meilleure couverture contraceptive. Une étude a montré que ce type de contraception est bien accepté par les femmes. Par ailleurs, 50 % des hommes, à travers le monde, seraient intéressés par une méthode hormonale de contraception masculine, si elle était disponible [26]. Une modélisation mathématique a montré, aux États-Unis, que si 10 % des hommes utilisaient une pilule contraceptive (si elle était disponible), le nombre de grossesses non désirées pourrait diminuer de 3,5 %. Plusieurs protocoles de contraception masculine ont été testés successivement : les androgènes, les agonistes de la GnRH (gonadotropin-releasing hormone, ou gonadolibérine), et les progestatifs [27]. Actuellement plusieurs molécules sont en cours d’étude : l’undécanoate de diméthandrolone, le 11β-méthyl-nortestostérone dodecylcarbonate, et la 7α-méthyl-19-nortestostérone. Un gel associant de la nestorone5, et de la testostérone est actuellement à l’étude. Parmi les molécules sans action hormonale, certaines inhibant des étapes de la spermatogenèse sont en phase préclinique [27]. L’OMS, le Population council et the Male Contraceptive Initiative sont impliqués dans ces recherches. Malheureusement, peu de financements par les laboratoires pharmaceutiques sont consacrés à l’innovation en contraception.

Certaines innovations techniques pourraient améliorer l’utilisation de la contraception. La médecine digitale et/ou la « télécontraception » pourraient ainsi représenter des pistes pour améliorer la diffusion de la contraception. Dans une étude réalisée à l’université d’Harvard, sept femmes, standardisées, ont été inclues. Elles devaient réaliser 63 demandes afin de recevoir une contraception. Certaines de ces femmes présentaient des contre-indications à la contraception orale, afin que l’échantillon représente l’ensemble des possibles contre-indications qu’elles soient légères ou absolues (selon le Medical Eligibility Criteria for Contraceptive Use, du CDC [Centers for Disease Control]). La première étape de l’étude était un questionnaire à remplir. Les femmes devaient ensuite contacter le fournisseur par téléconsultation [28]. Les contre-indications ont été respectées dans 94 % des cas. L’obtention d’une contraception par téléconsultations semble donc possible et répondre aux particularités des utilisatrices. Certaines améliorations concernant l’information aux utilisatrices restent néanmoins nécessaires.

Les nanotechnologies pourraient faciliter l’utilisation de la contraception. Un système, appelé microchip, a été développé par le MIT (Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, États-Unis). Ce système de 20 mm de diamètre, injecté sous la peau, pourrait délivrer du lévonorgestrel durant 16 ans [29]. Il serait contrôlable par un système de télécommande, via un téléphone portable. De nouveaux modes d’injection avec des aiguilles autodégradables sont également en cours de développement [30]. Des formes retard, en particulier avec des comprimés de progestatifs qui pourraient se déliter progressivement et ne nécessiteraient qu’une prise orale mensuelle, sont en cours de développement [31].

Conclusion

Lors de la dernière évaluation de l’ONU, réalisée en 2019, environ 190 millions de femmes à travers le monde, soit 10 % de la population féminine en âge de procréer, n’avaient pas accès à une méthode de contraception alors qu’elles avaient un besoin contraceptif. Parmi les 842 millions de femmes qui utilisent une contraception, la contraception définitive, ou stérilisation féminine, représentait en 2019, 24 % des méthodes utilisées. Il semble donc nécessaire d’accroître la disponibilité des différentes méthodes de contraception, féminines et masculines, mais aussi d’améliorer la diffusion des méthodes efficaces et l’information des femmes, grâce à leur éducation, mais aussi grâce à l’éducation des couples et de l’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux impliqués dans cette prévention.

Liens d’intérêt

L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Indice égal au pourcentage de grossesses survenues durant un an d’utilisation optimale d’une méthode.
4 En Mooré, une des langues locales du Burkina Fasso, et dont la traduction est « votre/ton choix ».
5 La nestorone a une activité suppressive des gonadotrophines.
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