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Med Sci (Paris). 38(5): 445–452.
doi: 10.1051/medsci/2022062.

L’acide gras synthase, une enzyme « multi-FASette »

Sadia Raab1* and Tony Lefebvre1**

1Université de Lille, CNRS, UMR 8576 - UGSF - Unité de glycobiologie structurale et fonctionnelle, F-59000, Lille, France
Corresponding author.
 

Vignette : Openclipart (pixabay).

Les lipides : une famille très hétérogène

Les lipides représentent en moyenne 15 % de la masse corporelle d’un individu. Bien que souffrant d’une mauvaise presse auprès du grand public, ils représentent une famille très hétérogène de composés biologiques essentiels à bien des égards [1] ().

(→) Voir la Synthèse de P. Legrand et al., m/s n° 1, janvier 2021, page 41

Au-delà de leur haute capacité nutritionnelle1, les lipides sont des composants membranaires majeurs conférant à la cellule sa singularité (Figure 1) [2, 3]. Ils constituent également une variété de précurseurs métaboliques générant les vitamines A, D, E et K, les hormones stéroïdiennes (minéralocorticoïdes, glucocorticoïdes et hormones sexuelles), les acides et sels biliaires, les éicosanoïdes (leucotriènes, prostaglandines, etc.) et certains messagers secondaires (diacyl-glycérol [DAG], phosphatidyl-inositol-3,4,5-triphosphate [PIP3]). Certains lipides participent aux modifications post-traductionnelles2, (acylation, prénylation, cholestéroylation) (Figure 1) [2]. D’autres sont le support d’odeurs (terpènes), telles que celles produites dans nos jardins et forêts au printemps (thymol, pimène, linalol, etc.).

D’un point de vue structural, les acides gras sont les éléments les plus simples parmi les lipides. Ils sont constitués d’une chaîne hydrogénocarbonée de longueur variable, généralement comprise entre 4 et 20 atomes de carbone, et d’une fonction acide carboxylique. Ils sont synthétisés par l’acide gras synthase (FAS ou FASN pour fatty acid synthase)3 à partir de deux substrats, l’acétyl-CoA et le malonyl-CoA, et d’un cosubstrat, le NADPH,H+ (nicotinamide adénine dinucléotide phosphate réduit), (Figure 1) selon l’équation :

acétyl-CoA + n malonyl-CoA + 2n NADPH,H+ → H3C-(CH2-CH2)n-COOH + n+1 HSCoA4 + n CO2 + n-1 H2O

Bien que l’acétyl-CoA ait des origines métaboliques multiples, une forte proportion de cet intermédiaire provient du glucose (Figure 1). Le NADPH,H+ est aussi produit en partie par oxydation du glucose via la voie des pentoses-phosphates (PPP, pentose-phosphate pathway) et la navette citrate-pyruvate (Figure 1).

Les acides gras ainsi fabriqués comportent le plus communément un nombre pair de carbones, l’acide palmitique (qui compte 16 atomes de carbone [C16], avec n=7 dans l’équation ci-dessus) étant le produit de longueur maximale fabriqué par FASN. Les acides gras plus longs sont synthétisés par les élongases (ELOVL, elongation of very long chain fatty acids) résidentes du réticulum endoplasmique (Figure 1).

L’acide gras synthase, une enzyme de poids dans le monde du vivant

FASN est une protéine cytoplasmique soluble qui peut s’associer transitoirement à la membrane plasmique grâce à son interaction avec la cavéoline, une protéine résidente des microdomaines lipidiques, ou radeaux lipidiques (lipid rafts) [4]. Bien qu’il soit admis qu’elle soit plus exprimée dans le foie, le tissu adipeux et la glande mammaire en période de lactation [5], FASN est une enzyme ubiquitaire présente dans quasiment tous les tissus mais en quantités très variables (Figure 2).

FASN existe sous deux formes. Chez les mammifères et chez les levures, FASN de type I est un long polypeptide (2 511 acides aminés chez l’homme), codé par un gène unique, doué à lui seul des sept activités catalytiques nécessaires à la fabrication des acides gras (Figure 3A). Chez les plantes, les champignons, les procaryotes et, dans certains organites tels les mitochondries, ces activités catalytiques sont portées par des sous-unités individuelles qui s’assemblent en complexe : on parle alors de FASN de type II. Chez les animaux, FASN est active sous forme d’homodimères associés soit en tête-bêche soit en tête-tête (Figure 3B). Chaque sous-unité de 273 kDa porte sept activités catalytiques, travaillant de manière séquentielle et coordonnée (Figure 4). Trois des domaines catalytiques sont localisés dans la partie N-terminale de la protéine : la β-cétoacyl synthase (KS pour keto-acylsynthase), la malonyl/acétyltransférase (MAT) et la déshydratase (DH). Les quatre autres domaines se situent dans la partie C-terminale : l’énoyl réductase (ER), la β-cétoacylréductase (KR pour Keto-acylreductase), l’acyl carrier protein (ACP) et la thioestérase (TE) (Figure 3A, B). La région centrale, d’environ 650 résidus, est appelée inter-domaine (ou core region). Elle ne porte pas d’activité catalytique mais est importante pour la dimérisation de FASN [6] .

Le mécanisme catalytique de FASN est complexe. Il fait intervenir successivement les domaines catalytiques MAT → KS → KR → DH → ER selon un nombre de cycles compris entre 1 et 7. Le nombre de cycles définit la longueur de l’acide gras ainsi généré. La dernière activité de FASN, TE, libère l’acide gras par hydrolyse (Figure 4).

Régulation de FASN

L’activité de la plupart des enzymes lipogéniques est régulée au cours du cycle jeûne/période postprandiale : faible durant le jeûne, elle est augmentée en réponse à la prise alimentaire. Au-delà de ce contrôle temporel, FASN est également régulée à différents niveaux.

Au niveau transcriptionnel
La régulation de l’expression de FASN au niveau transcriptionnel est assurée majoritairement par l’insuline et le glucose (Figure 1). Plusieurs facteurs de transcription activés après un repas gouvernent son expression. L’augmentation de la glycémie stimule la sécrétion d’insuline par les cellules β du pancréas. Cette hormone hypoglycémiante active alors les facteurs de transcription USF1 (upstream-stimulatory factor-1) [7] et SREBP-1c (sterol-responsive element binding protein-1c) (Figure 1) [8]. Le glucose qui entre dans la cellule par les transporteurs GLUT a également un effet direct relayé par le facteur de transcription ChREBP (carbohydrate responsive element-binding protein) qui induit l’expression des gènes de la lipogenèse, dont le gène codant FASN [9] (Figure 1). LXR-a (liver X receptor-alpha) appartient à une famille de facteurs de transcription lipogéniques activés par les oxystérols (ou hydroxycholestérols). Il participe à l’expression de FASN en se liant spécifiquement sur un élément de réponse LXRE (LXR-responsive element) situé au niveau du promoteur du gène codant l’enzyme [10] (Figure 1). LXR promeut également l’expression de FASN de manière indirecte, en activant SREBP-1c qui, en retour, active FASN [10]. FoxO1 (forkhead box protein O1) régule négativement la lipogenèse en réprimant SREBP-1c qui, par conséquent, n’active plus FASN [11] (Figure 1).

SREBP-1c apparaît ainsi comme l’élément central du contrôle de l’expression de FASN. Or, ce facteur de transcription étant sous la dépendance des voies de signalisation impliquant la PI3K (phosphoinositide 3-kinase) et AKT (protéine kinase B) ainsi que les MAPK (mitogen-activated protein kinases), un contrôle indirect de FASN s’effectue par ces voies stimulées par les récepteurs des facteurs de croissance, tels que ERBB-2 (ou HER2) et ERBB-1 (ou epidermal growth factor receptor, EGFR).

Au niveau post-traductionnel
La régulation transcriptionnelle de FASN ne permet cependant pas de répondre aux besoins immédiats en acides gras. Les modifications post-traductionnelles, en revanche, permettent une régulation rapide de l’activité de la protéine. Plusieurs de ces modifications touchant FASN ont été identifiées : la phosphorylation, la S-nitrosylation, l’ubiquitination, l’acétylation, la SUMOylation et la O-GlcNAcylation (Figure 3A).

La O-GlcNAcylation et la SUMOylation réduisent la dégradation de FASN par le protéasome [12, 13], et la S-nitrosylation favorise sa dimérisation [14]. En revanche, son acétylation promeut sa polyubiquitination et donc sa sensibilité au protéasome (Figure 3A) [15].

Les multiples rôles de FASN

La mise en réserve de l’énergie, sous la forme d’acides gras, est le rôle le mieux décrit de FASN (Figure 1). Les acides gras qu’elle synthétise sont en effet condensés avec le glycérol pour former les triglycérides qui seront secrétés par le foie, sous la forme de VLDL (very low density lipoproteins), et captés par les tissus périphériques, comme les muscles squelettiques où ils seront oxydés, et les tissus adipeux où ils constitueront une forme de stockage d’énergie.

La lipogenèse est également réalisée par FASN dans les glandes mammaires en période de lactation ; la délétion du gène codant FASN, spécifiquement dans les cellules épithéliales mammaires chez la souris, freine la maturation des glandes mammaires pour la lactation et diminue considérablement la teneur en acides gras du lait maternel [5].

FASN est par ailleurs essentielle à la survie de l’organisme et au développement embryonnaire. La délétion du gène codant FASN induit la mort des cellules embryonnaires, avant même leur implantation dans l’utérus [16]. Au niveau du cerveau, FASN participe à son bon développement et au métabolisme lipidique dans les cellules souches neuronales. L’expression d’une FASN non fonctionnelle dans les cellules souches neuronales entraîne en effet des déficits d’apprentissage et de mémoire [17]. Au niveau du cœur, FASN prévient le stress du myocarde, son activation protégeant les cardiomyocytes d’un flux calcique pathologique [18]. FASN est aussi nécessaire à la production de surfactants nécessaires au fonctionnement des alvéoles pulmonaires fœtales [19]. Plus généralement, FASN participe activement à la biosynthèse de composants membranaires indispensables à la division cellulaire et à la dynamique des radeaux lipidiques. Ces radeaux lipidiques assurent la localisation correcte des récepteurs à la membrane des cellules, et potentialisent l’activation des voies de signalisation qui en dépendent, dont celles impliquées dans la prolifération cellulaire [4] (Figure 1).

Par la synthèse du palmitoyl-CoA, FASN est incontournable dans les réactions de modification covalente par acylation des protéines qui participent à la signalisation cellulaire. C’est le cas du facteur Wnt1, qui après palmitoylation par la porcupine (une O-acyltransférase réticulaire), est sécrété dans le milieu extracellulaire (Figure 1). Wnt1 interagit alors avec le récepteur Frizzled porté par des cellules cibles environnantes, activant la voie Wnt/β-caténine, importante dans l’embryogenèse et le cancer [20]. La palmitoylation joue aussi un rôle dans le maintien de la muqueuse intestinale, en modifiant la mucine MUC2 (mucine 2), la mucine la plus exprimée dans le côlon [21].

Enfin, les acides gras contribuent à la production de seconds messagers, tels que le PIP3 et l’acide lysophosphatidique (LPA) qui activent, respectivement, la voie PI3K/AKT/mTOR (mammalian target of rapamycin) [22] et des récepteurs couplés aux protéines G (GPCR, pour G-protein coupled receptor) [23]. Enfin, FASN est un acteur clé du cycle cellulaire puisque son inhibition provoque l’arrêt du cycle. La prolifération cellulaire est ainsi intimement relié à l’activité catalytique de l’enzyme [24]. Le facteur de transcription E2F1, connu pour son rôle de premier ordre dans le déroulement du cycle cellulaire, contrôle également le métabolisme glucido-lipidique. Il active en effet l’expression de certains gènes, dont les gènes codant FASN, ChREBP, ACC (acétyl-CoA carboxylase) et SCD1 (stéaoryl-CoA désaturase-1) [25] ().

(→) Voir la Nouvelle de P.D. Denechaud et al., m/s n° 10, octobre 2016, page 815

Chez les personnes obèses, l’activité d’E2F1 est augmentée, et dans ce contexte d’obésité, l’élévation de l’activité d’E2F1 hépatique pourrait favoriser la lipogenèse, la NAFLD (non-alcoholic fatty liver disease) et la fibrose hépatique. Associée à la lipogenèse, l’expression d’E2F1 est importante également pour la prolifération cellulaire et les propriétés métastatiques des cellules cancéreuses.

De la physiologie à la maladie
FASN et dérégulations métaboliques
Le gène codant FASN est situé au locus chromosomique 17q25.3, une région liée à l’adiposité. Chez la dinde, les polymorphismes du gène FASN sont associés à une augmentation de la masse graisseuse [26]. Chez l’homme, la dérégulation de l’expression de FASN est associée à l’obésité et ses complications métaboliques, telles que la résistance à l’insuline et le diabète de type 2. En revanche, chez les Indiens Pima non diabétiques [27] et chez des enfants caucasiens [28], une mutation faux-sens du gène (substitution de Val en Ile en position 1 483 de la protéine) entraîne une diminution de la graisse corporelle. De même, chez la souris, l’inhibition de FASN induit une forte perte de poids et une réduction de l’apport alimentaire suggérant l’implication de l’enzyme dans le processus d’obésité par la régulation du comportement alimentaire et de l’homéostasie énergétique [29]. Un lien entre obésité, diabète de type 2 et augmentation significative des quantités d’ARN messagers codant FASN dans le tissu viscéral a été mis en évidence chez les patients d’une cohorte [30]. L’inhibition spécifique de FASN dans le tissu adipeux représenterait ainsi une approche thérapeutique dans la prévention et le traitement de l’obésité et de ses complications.
FASN, actrice de premier plan dans le cancer
FASN est généralement plus fortement exprimée dans les cellules cancéreuses. Cette surexpression de FASN par ces cellules est corrélée à l’augmentation de la charge tumorale, l’agressivité du cancer, et est associée à un mauvais pronostic. Une lipogenèse importante due à la surexpression de FASN confère à la cellule cancéreuse des avantages en termes de prolifération, de survie, de capacités métastasiques et de résistance aux chimiothérapies. Dans la plupart des tissus sains, la synthèse des acides gras est réduite, ces tissus se contentant des acides gras provenant de l’alimentation pour satisfaire leurs besoins. Au cours du processus de carcinogenèse, par contre, une synthèse lipidique accrue est indispensable. Ainsi, bien qu’ayant accès, comme tout autre type cellulaire, à une source de lipides alimentaires, dans le cancer du sein, les cellules cancéreuses synthétisent 95 % d’acides gras de novo. FASN ne peut être considérée comme un oncogène, sa seule surexpression ne transformant pas la cellule. Néanmoins, chez la souris, la délétion du gène FASN permet de supprimer l’effet carcinogène des proto-oncogènes AKT et c-Met, sans effet chez des souris exprimant conjointement la β-caténine et c-Met [27]. Dans un modèle de souris transgénique surexprimant FASN dans les cellules de la prostate, des propriétés oncogéniques de l’enzyme ont été mises en évidence, favorisant une néoplasie intra-épithéliale prostatique, mais sans tumeur invasive ; l’injection de cellules épithéliales prostatiques immortalisées iPrEC, co-exprimant FASN et le récepteur des androgènes, induit un adénocarcinome invasif [31]. Dans ce modèle de cancer, FASN jouerait ainsi un rôle oncogénique, en prévenant la voie intrinsèque de l’apoptose, la déplétion de FASN, par une approche par gene silencing sur diverses lignées cellulaires de cancer de la prostate, induisant l’apoptose des cellules [31].

Ces observations renforcent ainsi l’hypothèse selon laquelle, plutôt que de posséder à elle seule les propriétés d’un oncogène, FASN jouerait un rôle déterminant dans la carcinogénèse en bloquant les processus apoptotiques, au-delà de son rôle dans la production accrue d’acides gras nécessaires à la prolifération cellulaire.

La réorientation métabolique connue sous le nom d’effet Warburg, que l’on observe dans les cellules cancéreuses, profite à l’activité de FASN : les cellules cancéreuses présentant une addiction plus forte au glucose que les cellules non tumorales. L’utilisation accrue de sucre par ces cellules et sa métabolisation selon le mode glycolytique, produit une importante quantité d’acétyl-CoA via le pyruvate, issu de la glycolyse, et du NADPH, H+ (voie des pentoses-phosphates et navette citrate-pyruvate) (Figure 1), un cofacteur indispensable aux réactions de réductions réalisées par les activités β-céto-acyl réductase et énoyl-réductase de FASN (Figure 4). Mais les cellules tumorales tirent avantage de ce changement métabolique afin d’accélérer la synthèse des acides gras nécessaires à la production des constituants membranaires, indispensables aux cellules en division, et aux lipidations importantes pour la signalisation cellulaire (Figure 1).

Dérégulation de FASN dans le cancer
Comme nous l’avons vu, SREBP-1c, dont l’activité dépend de la voie PI3K/AKT et des MAPK, est la pièce maîtresse dans la régulation transcriptionnelle de l’expression de FASN (Figure 1). In vitro, l’inhibition de PTEN (phosphatase and tensin homolog), en activant AKT de façon incontrôlée, favorise l’expression de FASN ainsi que la croissance des cellules cancéreuses prostatiques [32]. Inversement, le traitement de cellules tumorales osseuses par un inhibiteur de MAPK diminue l’expression de FASN et réduit la prolifération cellulaire [33]. Au niveau post-transcriptionnel, les modifications post-traductionnelles concourent également à la dérégulation de FASN dans le cancer.

USP2a (ubiquitin-specific protease-2a) est une déubiquitinase pré-protéasomique surexprimée dans le cancer de la prostate. Elle jouerait un rôle essentiel dans la survie des cellules cancéreuses prostatiques en s’opposant à la dégradation de FASN [34]. USP2a interagit en effet avec FASN et hydrolyse les résidus d’ubiquitine permettant à l’enzyme d’échapper à sa dégradation par le protéasome. L’inactivation d’USP2a diminue ainsi les quantités de la protéine FASN et accroît l’apoptose des cellules. En revanche, ERBB2, qui induit sa phosphorylation, augmente son activité catalytique, favorisant la progression tumorale des cellules de cancer du sein [35].

La régulation post-traductionnelle de FASN peut également être induite indirectement. La phosphorylation de SREBP-1c par AKT entraîne une surexpression de FASN, ce qui favorise la prolifération des cellules cancéreuses mammaires en conditions d’hypoxie [36]. De même, mTOR, en phosphorylant STAT5 (signal transducer and activator of transcription 5), induit l’expression de FASN qui, en retour, interagit avec SREBP-1c et l’active [37].

Shah et al. ont observé un accroissement du nombre de copies du gène FASN dans les cellules d’adénocarcinome de prostate (24 % des échantillons de tissus) associé à une augmentation de son expression protéique [38]. La surexpression de FASN est liée à des polymorphismes (ou SNP pour single nucleotide polymorphisms) dont certains ont été identifiés chez des patients atteints de cancer de la prostate. Ces SNP ont été associés à une augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC) et à un mauvais pronostic en cas de cancer [39]. FASN serait donc un médiateur qui relierait obésité et progression tumorale. Dans le cancer colorectal, pour lequel l’obésité est un facteur de risque, la surexpression de FASN est associée à des instabilités des microsatellites (MSI, pour microsatellite instability), qui participent au développement du cancer [40, 44] ().

(→) Voir la Synthèse de A. Collura et al., m/s n° 6-7, juin-juillet 2019, page 535

FASN, une cible thérapeutique potentielle
FASN est surexprimée dans de nombreux cancers et cette surexpression est associée à un mauvais pronostic. Réduire l’activité de FASN constitue donc une piste thérapeutique attractive. À ce jour, plusieurs petites molécules inhibitrices de FASN ont été identifiées : TVB-3166, TVB-2640, GSK2194069, C93, FAS31, C247, C75, la cérulénine, l’orlistat, le triclosan et certains polyphénols naturels. Les résultats préliminaires du premier essai réalisé chez l’homme ont révélé des toxicités cutanées réversibles (desquamation et érythrodysesthésie palmo-plantaire) et ophtalmiques (œdème cornéen, kératite et uvéite antérieure). En raison de ces effets secondaires, seul le TVB-2640 – premier inhibiteur oral, sélectif et réversible de FASN - est en phase d’essai clinique chez des patients cancéreux [41]. L’administration du TVB-2640, en association avec le paclitaxel, conduit à une bonne réponse chez des patients atteints de carcinome séreux péritonéal, ainsi qu’à une stabilisation de la maladie chez des patientes souffrant de cancer du sein [42].
Conclusion et perspectives

FASN est une protéine complexe, tant sur le plan structural que fonctionnel, en raison de ses multiples domaines catalytiques. C’est une enzyme pivot du métabolisme, sa dérégulation contribuant à de multiples maladies, comme les cancers. De nombreuses études ont montré que la surexpression de FASN confère à la cellule cancéreuse des avantages de croissance, de survie et de résistance à l’apoptose, autant d’éléments faisant de FASN une cible thérapeutique potentielle.

Bien que la surexpression de FASN favorise la tumorigenèse, les mécanismes sous-jacents à la progression tumorale restent incompris. Des études futures pourraient aider à éclaircir ce point et à plus long terme prévenir certains cancers. FASN pourrait également constituer un marqueur diagnostique précoce des cancers puisque des quantités élevées de la protéine ont été détectées dans le sang de patients atteints de cancer du sein, de la prostate, du côlon et de l’ovaire [43].

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Remerciements

Les auteurs remercient le CNRS et l’Université de Lille pour leur soutien financier, et la Région Hauts-de-France qui a financé, conjointement avec le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, la thèse de doctorat de Sadia Raab.

 
Footnotes
1 Les stocks adipeux et musculaire de graisse ont une valeur calorique d’environ 70 000 kilocalories [kCal] en comparaison aux 2 000 kCal du glycogène.
2 Modifications chimiques ou biologiques intervenant après l’étape de polymérisation des acides aminés par le ribosome.
3 Enzyme Commission number: EC. 2.3.1.85. https://www.brenda-enzymes.org/enzyme.php?ecno=2.3.1.85
4 HSCoA ou CoA (non acétylé).
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