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Med Sci (Paris). 38(1): 110–114.
doi: 10.1051/medsci/2021250.

L’actualité scientifique de ce début 2022 vue par les étudiants du Master Biologie Santé de l’université de Montpellier

Juliette Prothon, Margot Machu, Bastien Baud, Émilie Berthon, Alban Desoutter, Antoine Soula, Soline Le Gallic, Nathan Nowicki, Imen Bari, Tizaanuo Hien, Marliatou Sow, Mélissa Idrici, Nicolas Rouquier, Fréderic Farnole, Florian Hervé, and Nicolas Raimundo

 

Marie-Alix Poul, Thierry Vincent

Responsables de l’unité d’enseignement Immunopathologie Master sciences et technologies,

Mention Biologie-Santé, Université de Montpellier

Série coordonnée par Sophie Sibéril ( sophie.siberil@upmc.fr )

Contrôle de l’endométriose par des macrophages mémoires anti-inflammatoires

L’endométriose est une maladie gynécologique inflammatoire chronique touchant 5 à 15% des femmes en âge de procréer. Elle est caractérisée par la présence de tissu endométrial ectopique (se développant en dehors de l’utérus), générant douleurs et infertilité chez 30 à 50% des femmes qui en sont atteintes. Les traitements actuels s’avèrent insuffisants. Il est désormais acquis que les macrophages ont un rôle central dans le maintien de l’inflammation chronique. Une étude récente de Jeljeli et al. [1] s’est intéressée à l’effet sur le développement de l’endomé- triose de macrophages possédant un phénotype « mémoire » [2] qui, exposés à de faibles doses de lipopolysaccharide bactérien (LPS), présentent des propriétés anti-inflammatoires, sur le développement de l’endométriose.

Les auteurs de l’étude ont analysé dans un modèle murin d’endométriose, consistant en une greffe ectopique syngénique de fragments utérins, l’action préventive et curative de macrophages mémoires sur le développement des lésions. La stimulation des macrophages in vivo par injection de faibles doses de LPS avant la greffe ou l’injection de macrophages stimulés in vitro puis injectés après la greffe, diminuent la taille des lésions, la fibrose et l’inflammation. Cet effet s’explique par la diminution de l’expression des marqueurs de recrutement CCR2 ( C-C chemokine receptor type 2 ) et CXCR4 ( C-X-C chemokine receptor type 4 ) à la surface des macrophages péritonéaux, ainsi que par la diminution de la production de cytokines pro-inflammatoires (TNF-α [ tumor necrosis factor alpha ], IL[interleukine]-6, IL-18), et par une augmentation de la sécrétion d’IL-10, cytokine immunosuppressive, par ces cellules.

Dans des expériences complémentaires, les auteurs ont également démontré une action anti-fibrotique, dépendante de l’IL-10, de macrophages humains pré-stimulés avec de faibles doses de LPS, sur des cellules endométriosiques humaines. Enfin, l’étude d’une cohorte de patientes montre une corrélation entre l’existence d’un antécédent d’infection gynécologique sévère à bactéries Gram négatives (Le LPS est le composant majeur de la membrane externe des bactéries à Gram négatif) et une moindre sévérité de l’endométriose. Cette étude suggère donc que la manipulation du système immunitaire inné et l’utilisation de macrophages possédant un phénotype mémoire anti-inflammatoire pourraient être des pistes thérapeutiques intéressantes dans le traitement des formes sévères d’endométriose.

Control of endometriosis by anti-inflammatory memory macrophages.

Références
  • Jeljeli M, et al. Cell Rep 2020; 33 :108325.
  • Netea MG, et al. Science 2016; 352:aaf1098.

Juliette Prothon 1 , Margot Machu 1

1 Master Biologie Santé-parcours Cancer Biology, Université de Montpellier, France. juliette.prothon01@etu.umontpellier.fr margot.machu@etu.umontpellier.fr

Vers une meilleure compréhension de la sclérodermie systémique et le développement d’une thérapie ciblée pour cette maladie

La sclérodermie systémique (SSc) est une maladie auto-immune rare dont les mécanismes physiopathologiques sont peu connus. Elle se manifeste notamment par une fibrose de la peau provoquée par une surproduction de matrice extracellulaire (MEC). La SSc se caractérise par une infiltration de la peau et des organes internes par des cellules immunitaires, principalement des monocytes et des macrophages, ainsi que par une forte production de la chimiokine CXCL4 ( C-X-C chemokine ligand 4 ) [1]. Afin de trouver des thérapies ciblées, van der Kroef et al. ont cherché à comprendre, dans une étude récente, la relation entre ces différents acteurs et leurs rôles dans le développement de cette maladie [2]. Les auteurs ont montré que la chimiokine CXCL4 induit la sécrétion du facteur de croissance dérivé des plaquettes, le PDGF-BB ( platelet-derived growth factor beta polypeptide b ), par les monocytes et les macrophages en stimulant ces derniers. Chez les patients présentant une SSc cutanée diffuse, le taux de PDGF-BB est supérieur à celui observé chez des donneurs sains ou des patients atteints de formes non cutanées ou cutanées limitées de la SSc. Des expériences in vitro utilisant des fibroblastes dermiques humains stimulés avec le CXCL4 ont montré que le PDGF-BB produit stimule, à son tour, la production de MEC par les fibroblastes dermiques.

Dans ce modèle, le PDGF-BB seul a peu d’impact sur la production de cytokines inflammatoires par les fibroblastes, mais il potentialise, en revanche, l’effet du TNF-α ( tumor necrosis factor alpha ) - une cytokine clef dans la physiopathologie de la SSc - sur la production de facteurs pro-inflammatoires dans la culture de fibroblastes. Des expériences complémentaires ont montré que l’inactivation de la voie PDGF-BB par inhibition avec des petits ARN interférants (siRNA pour small interfering RNA ) de l’expression du récepteur du PDGF (ou par blocage de la fonction de celui-ci grâce à un inhibiteur spécifique, le crenolanib besylate) induit la diminution de l’expression de médiateurs de l’inflammation par les fibroblastes. De même, les auteurs montrent que le crenolanib besylate diminue la production de collagène et de fibronectine par des fibroblastes cultivés en présence d’un surnageant de culture de macrophages de type M2, anti-inflammatoires et pro-fibrotiques, stimulés avec la chimiokine CXCL4. Cette étude suggère ainsi que l’utilisation du crenolanib besylate pourrait constituer une stratégie thérapeutique pour le traitement de la SSc. Il agirait de deux manières, en inhibant l’activité fibroblastique, productrice de MEC, et en interférant avec la synergie PDGF-BB/TNF-α, menant à la diminution de la fibrose et de l’inflammation.

Towards a better understanding of systemic scleroderma and the development of a targeted therapy for this pathology

Références
  • van Bon L, et al. N Engl J Med 2014; 370 : 433-43.
  • van der Kroef M, et al. J Autoimmun 2020; 111 : 102444.

Bastien Baud 1 , Émilie Berthon 1 , Alban Desoutter 2 , Antoine Soula 1

1 Master Biologie Santé et Pharmacie-filière internat, Université de Montpellier, France.

2 Master Biologie Santé, Université de Montpellier, France.

b-baud@chu-montpellier.fr

emilieberthon@orange.fr

alban34@yahoo.com

soula.antoine@chu-amiens.fr

Un vaccin à ARN pour traiter des mélanomes résistant aux thérapies anti-points de contrôle immunitaire

Les antigènes associés aux tumeurs (ou TAA pour tumor-associated antigens ) exprimés dans la plupart des mélanomes constituent des cibles prometteuses dans les approches d’immunothérapie anti-cancéreuse. Toutefois, l’identité des TAA avec des antigènes exprimés par les tissus sains en font des molécules du soi, tolérées par le système immunitaire, en particulier par les lymphocytes T (LT), acteurs majeurs de l’immunité anti-tumorale, contrairement aux antigènes mutés dits spécifiques des tumeurs (TSA, tumor specific antigen ), ou néoantigènes.

Ce phénomène de tolérance pourrait, en partie, expliquer l’échec chez certains patients atteints de mélanome et présentant peu de néoantigènes, des thérapies à base d’anticorps monoclonaux (AcM) anti-points de contrôle immunitaire (ou ICI pour immune checkpoint inhibitors ), notamment les AcM anti-PD1 ( programmed cell death protein-1 ), qui visent à potentialiser l’activité anti-tumorale des LT. Stimuler la réponse immunitaire contre les TAA par des stratégies de vaccination est l’un des enjeux de l’immunothérapie pour les cancers exprimant peu de TSA. Suite à une étude préclinique prometteuse réalisée chez la souris [1], Sahin et al. [2] ont étudié les réponses immunitaires et cliniques après injection intraveineuse d’un vaccin liposomal Fix-Vac chez 89 patients atteints de mélanome. Le vaccin Fix-Vac contient des ARN codant pour quatre TAA non mutés hautement prévalents dans le mélanome. Ce vaccin a été optimisé pour cibler les cellules dendritiques immatures et induire une expression efficace des antigènes correspondants dans celles-ci afin qu’elles les présentent aux LT. La recherche de LT spécifiques des TAA avant et après les huit injections hebdomadaires du vaccin a démontré l’induction de réponses lym phocytaires T CD4+ et CD8+ dirigées contre au moins l’un des TAA chez tous les patients traités, ces réponses pouvant varier en intensité entre les différents TAA. Des injections mensuelles supplémentaires ont permis de maintenir cette réponse lymphocytaire T spécifique. Parmi les 89 patients initialement inclus dans l’étude, 42 présentaient des métastases dont la progression était analysable par imagerie (scanners réalisés avant et après traitement), ce qui a permis aux auteurs de déterminer un pourcentage de réponse clinique dans ce groupe de patients. Ils ont ainsi observé des taux de réponse clinique 1 de 44% (pour un sous-groupe de 25 patients ayant reçu uniquement le vaccin FixVac), et 47% (pour 17 patients traités par une combinaison de vaccin FixVac et d’AcM anti-PD1). Cette étude présente donc une stratégie prometteuse pour augmenter l’efficacité des approches d’immunothérapie dans le mélanome, en particulier pour les patients présentant peu de TSA.

A RNA vaccine drives immunity in anti-checkpoint-treated melanoma patients

Références
  • Kranz LM, et al. Nature 2016; 534 : 396-401.
  • Sahin U, et al. Nature 2020; 585 : 107-12.

Soline Le Gallic, Nathan Nowicki

Master Biologie Santé et Pharmacie-filière internat, Université de Montpellier, France.

n_nathan@hotmail.fr

soline.le-gallic@laposte.net

Récepteurs εRβ des macrophages et Crown-Like Structures – Une relation d’intérêt dans la prise en charge de l’insulinorésistance et de certains cancers

Les crown-like structures (CLS) sont des structures histologiques asso-ciées à un processus inflammatoire au sein des tissus adipeux viscéral et sous-cutané où elles sont impliquées dans divers mécanismes physiopathologiques. Constituées d’adipocytes mourants entourés de macrophages, ces structures sont retrouvées dans le diabète, et l’environnement cytokinique pro-inflammatoire qui y règne (lié notamment à une production importante de TNF-α [ tumor necrosis factor alpha ]) conduit à l’activation des voies de signalisation (NFkB [ nuclear factor kappa B ], iNOS [ inducible nitric oxide synthase ], etc.) qui favorisent l’installation de l’insulinorésistance. Dans le tissu adipeux mammaire de patientes atteintes de cancers du sein, les CLS sont également le siège d’une activité aromatase - qui induit la conversion des hormones androgéniques en hormones œstrogéniques - et sont associées à un fort ratio (péjoratif) œstrogène/androgène [1].

Dans une étude récente [2], l’équipe de Wang et al. a recherché une cible exprimée par les macrophages présents dans les CLS afin d’en diminuer le nombre et/ou l’activation. Les auteurs se sont particulièrement intéressés au récepteur des œstrogènes β (εrβ), exprimé notamment par les cellules de la microglie (macrophages du système nerveux central), et qui possède une activité anti-inflammatoire sur les macrophages activés dans ce tissu. Les chercheurs ont d’abord montré que les macrophages des CLS, contrairement aux monocytes sanguins, expriment ce récepteur. Ils ont ensuite montré que la présence de CLS est plus importante dans le tissu adipeux viscéral et sous-cutané de souris n’exprimant pas ce récepteur (souris εrβ -/- âgées de 12 mois). De même, les macrophages présents dans les CLS des souris εrβ -/- présentent une expression accrue d’ostéopontine (OPN), une protéine sécrétée impliquée dans le phénotype prolifératif et inflammatoire des macrophages et dans la formation des CLS [3]. De plus, dans des souris rendues obèses par un régime riche en graisses et sucres, l’administration d’un agoniste d’ εrβ, le LY3201, diminue le nombre de CLS qui se développent au cours de l’obésité, ainsi que la production de facteurs proinflammatoires, tels que l’OPN et le HIF-1α ( hypoxiainducible factor-1- α), un facteur de transcription clé activé dans les macrophages du tissu adipeux au cours du développement de l’obésité. Cet effet du LY3201 n’est pas observé dans les souris εrβ -/- .

Ces résultats obtenus chez la souris, soulignent la pertinence de stratégies thé- rapeutiques fondées sur des agonistes d’ERβ stimulant son activité anti-inflammatoire dans la prise en charge du diabète et du cancer du sein. Elles pourraient alors permettre de contrôler la formation de CLS, structures histologiques impliquées dans plusieurs mécanismes physiopathologiques inflammatoires délétères.

Macrophage εRβ receptors and Crown Like Structures – a relationship of interest in therapeutic care of insulin resistance and some cancers

Références
  • Mullooly M, et al. Breast Cancer Res 2017; 19 : 8.
  • Wang L, et al. Sci Rep 2019; 9 : 15762.
  • Shirakawa K, et al. J Clin Invest 2016; 126 :4626-39.

Imen Bari 1 , Tizaanuo Hien 1 , Marliatou Sow 1 , Mélissa Idrici 2

1 Master Biologie Santé et Pharmacie - filière internat, Université de Montpellier, France.

2 Master Biologie Santé-Parcours Microbiologie Immunologie, Université de Montpellier, France.

imenwarda.bari@gmail.com

ruthmarie96.rh@gmail.com

sowmarliatou@gmail.com

idricimelissa@gmail.com

La surexpression pancréatique de l’IGF1 stoppe la progression du diabète autoimmun chez la souris NOD

Le diabète de type 1 (DT1) est caractérisé par la destruction autoimmune des cellules β des îlots du pancréas qui conduit à une carence en insuline. Le traitement, non curatif, de cette maladie consiste en une injection d’insuline exogène tout au long de la vie. Dans une étude récente de l’équipe de C. Mallol, le potentiel thérapeutique d’une surexpression locale de l’IGF1 ( insulin-like growth factor 1) , facteur de survie et de prolifération des cellules β [1], a été analysé dans un modèle de diabète spontané développé par les souris NOD ( non-obese diabetic ) [2]. Deux modèles ont été utilisés pour cela : 1) des souris NOD transgéniques exprimant l’IGF1 murin spécifiquement dans les cellules β, et 2) l’injection dans le canal pancréatique de souris NOD du vecteur AAV8-IGF1-dmiRT, un vecteur de type adénovirus contenant les séquences codant l’IGF1 et optimisé pour une expression spécifique de cette protéine dans les cellules du pancréas.

Dans les deux modèles, la surexpression pancréatique de l’IGF1 permet de réduire l’incidence du diabète. Elle induit une diminution de l’apoptose des cellules β, préservant ainsi le nombre de ces cellules, ainsi que de l’infiltrat inflammatoire, induisant une réduction de l’autoimmunité. Ces résultats suggèrent donc qu’une approche de thérapie génique, à base de vecteurs de ce type, pourrait être une stratégie envisageable pour le traitement du diabète. Il est à noter cependant que l’étude montre que la surexpression d’IGF1 ne permet pas de régénérer les cellules β déjà détruites, ce qui pose la question du moment auquel les patients doivent être traités avec le vecteur. Par ailleurs, le rôle de l’IGF1 sur le système immunitaire reste mal connu, et des essais nécessitent d’être réalisés chez l’homme afin de confirmer le rôle protecteur de l’IGF1 sur le développement du DT1.

Pancreatic overexpression of IGF1 counteracts progression to autoimmune diabetes in mice

Références
  • Hill DJ, et al. Adv Exp Med Biol 1992; 321 : 113-20.
  • Mallol C, et al. Mol Metab 2017; 6 : 664-80.

Nicolas Rouquier, Fréderic Farnole, Florian Hervé, Nicolas Raimundo

Master Biologie Santé et Pharmacie-filière internat, Université de Montpellier, France.

nicolas.rouquier@outlook.fr

frederic.farnole@gmail.com

florian.herve@etu.umontpellier.fr

nicorrrreas@hotmail.fr

 
Footnotes
1 Les réponses cliniques considérées comme positives incluent les réponses partielles, la stabilisation de la maladie et les réponses complètes.