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Med Sci (Paris). 38(1): 107–109.
doi: 10.1051/medsci/2021249.

L’actualité scientifique de ce début 2022 vue par les étudiants de l’AMPS

Hippolyte Arcay and Alexandre Chamouni

 

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Responsable communication de l’APMS 2021-2022 : Juliette Reveilles ( communication@amps-asso.org )

Série coordonnée par Sophie Sibéril ( sophie.siberil@upmc.fr )

La catatonie périodique : un modèle physiopathologique en passe d’être validé ?

Le phénotype de catatonie périodique (CP) décrit par Karl Leonhard en 1942 s’intègre dans une classification neuropsychiatrique des psychoses, fruit de l’école de Wernicke-Kleist-Leonhard. La CP est une psychose endogène avec une atteinte prédominante de la psychomotricité. Sa prévalence est estimée à 1/2 000 [1]. Dès 1874, Karl Kahlbaum, décrit lors de dissections post-mortem une augmentation du volume sanguin au niveau de l’aire de Broca et des 2e et 3e circonvolutions frontales chez certains patients catatoniques [2]. Un siècle et demi plus tard, grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) de perfusion, cette hyperperfusion a été retrouvée au niveau des cortex prémoteurs latéraux et médians chez 20 patients atteints de CP. Les auteurs de l’étude ont ainsi pu montrer la spécificité de cette caractéristique physiologique présente dans la CP par rapport à d’autres phénotypes de psychoses [3].

Si l’implication des régions liées à la planification et à la programmation motrice a du sens eu égard aux symptômes résiduels psychomoteurs comme l’apathie, le lien entre cette hyperperfusion et la symptomatologie apathique est moins intuitif. Cette hyperperfusion, reflet indirect d’une hyperactivité neuronale pourrait résulter d’un défaut d’inhibition GABAergique intracortical [4]. La stimulation magnétique transcrânienne inhibitrice (SMTi), est une technique non invasive permettant d’induire de manière focale des courants électriques dans des régions corticales, modulant ainsi leur niveau d’activité de façon variable suivant la fréquence et le nombre d’impulsions, la durée et l’intervalle de ces stimulations. Cette technique peut notamment induire une dépression de l’activité locale à long terme, ce qui permettrait de pallier au déficit d’inhibition observé dans la CP. Cette hypothèse a été testée chez huit patients atteints de CP dans une étude croisée randomisée en double aveugle. La SMTi a ainsi permis de diminuer l’apathie chez sept des huit patients CP inclus, lors de la stimulation des régions prémotrices hyperactives. Cette amélioration n’a, en revanche, pas été observée lors de la stimulation de deux régions contrôles au niveau des cortex préfrontaux et pariétaux [5]. Ces résultats suggèrent que l’hyperperfusion des cortex prémoteurs pourrait être un biomarqueur spécifique de la CP et que sa correction améliore les symptômes résiduels comme l’apathie.

Periodic catatonia, a psychopathological model in the process of being validated?

Références
  • Foucher JR, et al. Dialogues Clin Neurosci 2020 ; 22 : 37-49.
  • de Crespin de Billy C, et al. Lancet Psychiatry 2021 ; 8 : 653-4.
  • Foucher JR , et al. Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry 2018 ; 86 : 363-9.
  • Walther S, et al. Lancet Psychiatry 2019 ; 6 : 610-9.
  • Foucher JR, et al. L’Encéphale 2019 ; 45 : 72.

Hippolyte Arcay

Étudiant en 4 e année de médecine, Master 2 neurosciences cellulaires et intégrées, Université de Strasbourg, Frrance. hippolyte.arcay@gmail.com

Effet bénéfique de l’exercice physique sur les fonctions cognitives : le rôle des facteurs circulants

L’exercice physique permet de ralentir le déclin cognitif lié à l’âge, notamment en favorisant la neurogenèse adulte. Néanmoins, de nombreux adultes ne sont pas en capacité de faire de l’exercice régulièrement, en raison de limitations fonctionnelles.

Ces dernières années, des études réalisées chez la souris ont montré un effet positif du transfert de plasma d’animaux jeunes à des animaux âgés sur les fonctions cognitives et la neurogenèse hippocampale [1]. Plus récemment, une étude a mis en évidence le fait que ces effets dépendent de facteurs présents dans le plasma des animaux [2]. En effet, l’injection de plasma de souris ayant été soumises à un exercice physique prolongé à des souris sédentaires, reproduit les effets cognitifs de l’exercice chez ces dernières : amélioration des capacités de mémorisation, augmentation de la neurogenèse de l’hippocampe, et induction de l’expression du BDNF ( brain-derived neurotrophic factor ), un facteur de croissance majeur du cerveau. Les auteurs de cette étude ont par ailleurs mis en évidence dans le plasma de souris soumises à un exercice physique, une élévation de la concentration d’une douzaine de protéines potentiellement impliquées dans la régénération des capacités cognitives. Parmi cellesci, la GPLD1 ( glycosylphosphatidylinositol [GPI] -specific phospholipase D1 ), une protéine synthétisée par le foie, qui a pour fonction d’hydrolyser l’ancre GPI de certaines protéines membranaires pour les libérer dans la circulation, est une molécule clé dans les fonc tions cognitives chez les souris âgées. En effet, il existe une forte corrélation entre la concentration sanguine de la GPLD1 et l’amélioration des performances cognitives.

La surexpression de cette protéine chez des souris âgées est de plus suffisante pour améliorer les fonctions cognitives de ces animaux. Chez l’homme également, une augmentation de la concentration de GPLD1 est retrouvée dans le plasma de patients âgés actifs, en comparaison à celle mesurée dans le plasma de patients sédentaires. Cette protéine ne pouvant traverser la barrière hématoencéphalique, d’autres facteurs pourraient être impliqués dans les fonctions de rajeunissement observés. Cependant, en raison de la complexité des effets de l’exercice sur l’organisme, des approches reposant sur la biologie des systèmes seront essentielles pour démêler les subtilités des effets rajeunissants de l’exercice sur les fonctions cognitives.

Benefits of physical exercise on cognitive functions: Involvement of circulating factors

Références
  • Villeda SA, et al. Nat Med 2014 ; 20 : 659-63.
  • Horowitz AM, et al. Science 2020 ; 369 : 167-73.

Alexandre Chamouni 1,2

1 Service d’urologie, hôpital européen Georges-Pompidou, université de Paris, France.

2 Inserm U1151, institut Necker Enfants Malades, Paris, France

alexandre.chamouni@gmail.com

PIEZO2, un mécanosenseur essentiel à la miction

« Soulager une vessie pleine est l’une des grandes joies humaines » écrivait Henry Miller. Bien que les circuits centraux de la miction soient connus, les mécanismes précis de miction 1 , au niveau de la vessie, restent peu compris. PIEZO2 ( piezo type mechanosensitive ion channel component 2 ) est un canal ionique exprimé par les neurones sensoriels, principal mécanosenseur impliqué dans le toucher et la proprioception. PIEZO2 est également exprimé dans la vessie. Pour établir son rôle potentiel dans la miction, une étude a porté sur les symptômes ressentis par 12 patients âgés de 5 à 43 ans ne possédant pas de canal PIEZO2 fonctionnel [1] : problèmes de dysurie sévère (difficulté à uriner), d’incontinence urinaire et de troubles de la vidange vésicale. Chez la souris, PIEZO2 est exprimé par la majorité des neurones innervant la vessie, de même que par les cellules en parapluie, des cellules qui constituent la couche superficielle de l’urothélium et qui sont impliquées dans la détection du remplissage vésical. Des expériences complémentaires menées chez des souris dont le gène codant PIEZO2 est spécifiquement altéré dans l’urothélium et dans ses racines nerveuses, ont montré qu’en l’absence de ce mécanosenseur, les neurones médullaires répondent moins fréquemment à un remplissage de la vessie.

Le réflexe de miction a également été étudié dans ce modèle de souris, à l’aide de techniques d’électrophysiologie urinaire. Lors du remplissage de la vessie, les souris déficientes en PIEZO2 présentent un mauvais fonctionnement du detrusor (le muscle de la vessie permettant la miction lors de sa contraction) et du sphincter urétral, ainsi que des pressions vésicales plus élevées. Ces animaux présentent aussi des épisodes d’incontinence urinaire. Les auteurs observent à long terme chez ces souris une vessie de lutte 2 avec augmentation du volume vésical, et une paroi plus dense avec, notamment, une hypertrophie du detrusor. Il apparaît donc que les cellules en parapluie et les neurones sensitifs se coordonnent pour établir le réflexe de miction. Cette étude identifie ainsi PIEZO2 comme un médiateur périphérique du réflexe de miction et confirme le rôle essentiel des cellules en parapluie. Elle ouvre la voie à de nouvelles recherches pour comprendre le fonctionnement des mécanosenseurs du cycle mictionnel.

PIEZO2, a mechanosensor involved in micturition

Référence
  • Marshall KL, et al. Nature 2020 ; 588 : 290-5.

Alexandre Chamouni 1,2

1 Service d’urologie, hôpital européen Georges-Pompidou, université de Paris, France.

2 Inserm U1151, institut Necker Enfants Malades, Paris, France.

alexandre.chamouni@gmail.com

 
Footnotes
1 La miction est le terme médical désignant l’évacuation des urines de la vessie.
2 Vessie présentant des aspects de souffrances (hypertrophie du muscle, trabéculations) liés à une obstruction à l’écoulement des urines.