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Med Sci (Paris). 38(1): 75–80.
doi: 10.1051/medsci/2021149.

Inégalités sociétales et exposome urbain
Des origines sociales pour des expositions différentes

Séverine Deguen,1,2* Pauline Vasseur,1 and Wahida Kihal-Talantikite3

1École des hautes études en santé publique (EHESP) , 15 avenue du Professeur Léon Bernard , 35043Rennes Cedex , France
2Sorbonne Université, UPMC Univ Paris 6, Inserm, Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (UMRS 1136), Département d’épidémiologie sociale , 75646Paris Cedex 13 , France
3Laboratoire image ville environnement (LIVE), UMR 7362 CNRS, université de Strasbourg , 67000Strasbourg , France
Corresponding author.
 

Vignette (Photo © Inserm/Esprit sorcier).

Il est important de souligner que la grande majorité des études épidémiologiques repose sur l’hypothèse d’une exposition unique, alors même que nous sommes quotidiennement exposés à plusieurs nuisances environnementales simultanément. C’est dans ce contexte que le concept d’exposome est né, visant à intégrer la totalité des expositions environnementales auxquelles la population est soumise tout au long de la vie [ 2 ].

L’exposome urbain intègre, plus particulièrement, l’ensemble des nuisances et aménités environnementales (incluant la pollution et le bruit, les facteurs météorologiques, les caractéristiques de l’environnement bâti, les espaces verts, etc.) auxquelles une personne est potentiellement exposée dans son environnement extérieur, dès sa conception, mais aussi tout au long de sa vie, qui comprend certaines périodes de plus grande sensibilité [ 1 ]. Aujourd’hui, les preuves scientifiques intégrant les caractéristiques socio-économiques individuelles mesurées sur le lieu de résidence de l’exposome urbain se sont accumulées. En effet, de plus en plus d’études documentent l’existence d’interactions entre le statut socio-économique individuel et/ou le niveau de défaveur du lieu de résidence, et les expositions environnementales à l’origine de l’apparition ou de l’aggravation d’inégalités environnementales visibles à différents stades de la vie.

Les inégalités environnementales

Même si de nombreuses études recherchent l’existence de certaines inégalités environnementales constitutives de l’exposome externe urbain, telles que la pollution de l’air, le bruit ou les espaces verts, peu d’entre elles se sont intéressées à identifier la tendance que suit l’exposome externe (les expositions environnementales que subit l’individu), dans son ensemble et tout au long de la vie, en termes de caractéristiques socio-économiques.

Après plus d’une décennie de recherche, il nous a semblé pertinent de résumer les preuves scientifiques émergentes qui déterminent les éléments de l’exposome externe associés à des caractéristiques socio-économiques afin d’identifier ainsi des inégalités environnementales qui seraient cumulatives tout au long de la vie. Dans ce contexte, nous proposons une analyse sous l’angle de l’exposome, de la façon dont des inégalités environnementales peuvent s’accumuler tout au long de la vie. Nous souhaitons également montrer dans quelle mesure des périodes critiques du développement de l’individu existent, durant lesquelles il semble crucial de tenir compte de cette problématique pour garantir un bon état de santé.

Inégalités sociales face à l’exposition à la pollution de l’air

De nombreuses études écologiques, géographiques ou individuelles, supportent l’existence d’une exposition plus élevée aux polluants atmosphériques pour les individus et/ou groupes de population les plus défavorisés, et cela, quel que soit l’indicateur socio-économique utilisé [ 3 ].

Les études publiées en provenance d’Amérique du nord, de Nouvelle-Zélande, d’Asie et d’Afrique soutiennent des conclusions identiques : les individus et les populations présentant un faible niveau socio-économique sont exposés à des concentrations plus élevées de polluants atmosphériques [ 4 ]. Ainsi, dans le cadre du projet européen Finish Expolis , un projet destiné à définir les sources de pollution aérienne majeures, il a été montré que le chômage était associé à une augmentation de l’exposition individuelle aux particules fines (PM 2,5 , pour particulate matter ) 1 : les expositions moyennes étaient en effet de 41,8 μg/m 3 chez les hommes au chômage, contre 15,5 μg/m 3 pour ceux occupant un emploi [ 5 ]. Les résultats d’autres études réalisées en Europe sont plus mitigés. Certaines ont révélé une association positive entre la défaveur socio-économique et l’exposition à la pollution de l’air, tandis que d’autres ont montré une association négative.

Une étude, conduite dans neuf régions européennes, a rapporté une exposition à la pollution de l’air plus élevée au sein des régions intégrant une importante proportion de personnes nées en dehors de l’UE28 (l’Europe des 28, qui regroupe 28 états membres), ou au sein de régions ayant un taux de chômage plus élevé que les autres régions [ 6 ]. Une autre étude, conduite au Royaume-Uni [ 7 ], a montré qu’en moyenne, les quartiers les plus défavorisés présentent les niveaux les plus élevés d’oxyde nitrique (NO 2 ) et de particules (PM 10 ), comparativement aux quartiers moins défavorisés. Des résultats similaires ont été observés aux Pays-Bas et en Espagne, le niveau socio-économique des ménages étant plus élevé dans les zones qui ne sont pas polluées par le dioxyde de soufre (SO 2 ) produit par la combustion des énergies fossiles, que dans les régions qui sont les plus polluées [ 8 ].

Au-delà de la pollution provenant de l’extérieur de l’habitat, l’air présent à l’intérieur représente également une source d’exposition importante pour de nombreuses personnes. L’habitat et l’air qui y est respiré contribueraient ainsi à accroître les inégalités environnementales. Certaines études suggèrent en effet une répartition inégale de l’exposition à une mauvaise qualité de l’air des logements entre les catégories socio-économiques [ 9 ]. Même si le nombre de ces études reste peu important, celles-ci rapportent, notamment, des expositions aux particules, au NO 2 , et aux composés organiques volatils (COV), plus élevées chez les personnes défavorisées [ 10 - 12 ]. Les études mettent en effet en évidence des niveaux significativement plus élevés de PM au sein des foyers composés de personnes ayant un niveau d’éducation plus faible [ 11 ], des revenus plus faibles [ 12 ], et chez lesquels on note un taux de chômage élevé. Certaines études permettent même de quantifier la diminution de l’exposition à la pollution de l’air selon le niveau d’éducation des parents. Selon Byun et al , les concentrations de PM 10 mesurées dans un foyer diminueraient de 18,84 μg/m 3 en fonction de l’augmentation du niveau d’éducation des parents (passant d’un niveau d’étude primaire ou secondaire à un niveau de college [le college anglo-saxon correspond aux 4 premières années de l’université française] ou universitaire [PhD]) [ 11 ]. Une tendance similaire a été retrouvée en ce qui concerne l’exposition au NO 2 à l’intérieur de l’habitat, et certains auteurs ont estimé qu’un faible niveau d’éducation était associé à une augmentation de 0,7 μg/m 3 des concentrations de NO 2 dans le foyer. Dans les foyers dans lesquels les mères ont un niveau d’éducation faible (d’un niveau d’étude primaire), les concentrations intérieures de NO 2 se sont révélées être plus élevées (plus 0,07 µg/m 3 ) que dans les logements de famille avec des mères ayant un niveau d’éducation supérieur (formation universitaire) [ 13 ]. Une explication pourrait être la plus forte densité d’occupation au sein de ces foyers, qui multiplie par trois les niveaux de NO 2 à l’intérieur des logements [ 14 ].

Inégalités sociales face à l’exposition aux nuisances sonores

Malgré le peu d’études s’intéressant à la problématique des inégalités environnementales relatives à l’exposition au bruit, ces dernières confirment qu’une exposition accrue au bruit est plus fréquente parmi les populations à faible niveau socio-économique [ 15 ]. En Europe, telle que définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (comme étant composée de 53 pays), certaines études apportent des preuves en faveur d’une relation entre exposition au bruit et niveau socio-économique. Ces évaluations ont été réalisées à partir de différents indicateurs : des indicateurs matériels, tels que le revenu des individus, la surface habitable privée du foyer, le prix moyen du foncier pour l’habitation, ou le fait que les occupants soient les propriétaires. De ces études, il ressort qu’un faible niveau d’éducation individuel est associé à une exposition accrue au bruit [ 16 , 17 ]. Une étude conduite en Belgique a ainsi montré que, dans les quartiers comptant un pourcentage élevé de personnes d’origine étrangère, ayant un faible niveau d’éducation, les individus présentaient une exposition au bruit significativement plus élevée que dans les quartiers où les individus ont un niveau d’éducation plus élevé [ 18 ]. Des résultats similaires ont été observés aux États-Unis [ 19 , 20 ].

Inégalités sociales face à l’exposition à la chaleur

L’existence de disparités d’exposition à la canicule et à des îlots de chaleur urbains ont, plus récemment, fait l’objet d’un champ particulier de recherche sur les inégalités environnementales. Certaines études ont suggéré que les populations les plus démunies et celles présentant un niveau faible d’éducation résideraient plus fréquemment dans des quartiers possiblement soumis à des chaleurs plus importantes [ 21 , 22 ]. Lors d’une vague de chaleur intense qui a sévi à Oklahoma City, aux États-Unis, Basara et al. ont montré que dans la région la plus chaude du centre-ville, le parc de logements, plus ancien, n’était pas suffisamment climatisé. Une grande part de la population y résidant était ainsi plus défavorisée face à cette température élevée [ 23 ]. À Baltimore, en 2011, Huang et al. ont également observé que la température, mesurée au niveau de la surface des terrains, était plus élevée dans les quartiers dans lesquels habitait une population à faible revenu, avec un taux de pauvreté important ou un faible niveau d’éducation [ 21 ].

Inégalités sociales face aux ressources

La plupart des études écologiques, s’intéressant à la géographie des lieux, ont rapporté une tendance constante selon laquelle les zones socio-économiques défavorisées disposaient de moins de ressources environnementales (espaces verts, aménagements, etc.) que les zones plus riches [ 24 ]. Les résultats des études examinant cette question sont néanmoins hétérogènes. Certaines études, conduites en Europe (telle que définie par l’OMS), suggèrent qu’un faible niveau d’éducation est associé à une moindre quantité de ressources accessibles, ou à de plus grandes distances à parcourir pour accéder à ces ressources. Ainsi, l’étude réalisée par Wüstemann et al. a rapporté que les personnes issues de l’immigration disposaient d’une plus faible quantité d’espaces naturels (ou espace bleu), dans un rayon de 500 mètres autour de leur habitat, et il existe une association significative entre origine migratoire des habitants et distance qu’ils ont à parcourir pour accéder à ces espaces bleus [ 25 ]. Laatikainen et al. ont montré par ailleurs que les personnes âgées et les personnes à faible revenu, sans voiture et non propriétaire de leur logement, ont des distances à parcourir plus élevées pour atteindre ces espaces bleus [ 26 ]. Des études australiennes et américaines révèlent que les zones abritant des populations à faible revenu ou à forte proportion de minorités, sont moins éloignées d’espaces verts publics [ 27 - 29 ], mais que ces espaces sont de qualité inférieure [ 27 ] ou sont plus petits [ 27 , 29 ] que ceux accessibles aux populations plus favorisées. Des études géographiques menées en Australie, au Canada ou aux États-Unis ont également révélé que le faible revenu des individus était systématiquement associé à leur moindre accessibilité aux grands espaces verts aménagés [ 30 - 32 ].

Les inégalités environnementales à certaines phases critiques de la vie : l’importance des 1 000 premiers jours de la vie

Un corpus croissant de preuves confirme que les expériences négatives vécues par les enfants au cours des 1 000 premiers jours de leur vie pourraient être des déterminants critiques de leur probabilité de survie, de leur croissance et de leur bien-être et, plus généralement, influencer leur santé, plus tard, à l’âge adulte.

La période allant de la conception au deuxième anniversaire de l’enfant constitue ce qui est appelé une fenêtre critique de développement neurologique et organique, pouvant être affectée par plusieurs facteurs de stress environnementaux, notamment l’environnement fœtal et maternel. Par exemple, l’environnement, défini ici par les conditions maternelles, prénatales et environnementales vécues par l’enfant jusqu’à son deuxième anniversaire, peut affecter sa capacité de croissance et d’apprentissage par un apport limité en éléments essentiels au bon développement du cerveau, à une croissance correcte et à un système immunitaire fonctionnel. Le développement harmonieux de l’enfant au cours des 1 000 premiers jours est ainsi intimement lié à l’environnement sain de sa mère pendant la grossesse et à l’environnement dans lequel il évolue dans sa petite enfance ( ).

(→) Voir le numéro thématique DOHaD, m/s n° 1, janvier 2016

Les inégalités environnementales dès la période de conception
Pendant la grossesse, une inégale répartition des expositions aux nuisances environnementales, selon le niveau socio-économique, a été suggérée, avec une exposition aux nuisances plus élevée pour les femmes plus défavorisées. Ainsi, LIop et al. [ 33 ] ont constaté, dans une étude réalisée à Valence (Espagne) en 2011, que les mères plus jeunes et celles originaires d’Amérique latine sont exposées à des niveaux plus élevés de NO 2 sur leurs lieux de résidence et de travail. Ouidir et al. [ 34 ], examinant la cohorte française ELF (Étude longitudinale française depuis l’enfance), ont estimé que l’exposition aux polluants atmosphériques augmentait avec le niveau de défaveur sociale. De même, au Royaume-Uni, Goodman et al. ont indiqué que la pollution atmosphérique était en moyenne plus élevée dans les zones où habitent les personnes ayant un niveau socio-économique plus faible ou souffrant d’un plus grand niveau de pauvreté [ 35 ]. Cependant, selon Vrijheid et al . [ 36 ], la force d’association entre le statut socio-économique et l’exposition aux NO 2 des femmes enceintes pourrait être faible et des associations inverses entre niveau socio-économique et exposition aux NO 2 ont également été rapportées par Lipp et al ., à Valence et à Sabadell, au nord de Barcelone [ 33 , 36 ]. Par ailleurs, une relation entre niveaux élevés de NO 2 et origine non nordique des mères a été observée dans le sud de la Suède [ 37 ].
Inégalités environnementales à la naissance et durant l’enfance
Les études, peu nombreuses, examinant la relation entre le niveau de défaveur et l’exposition des enfants confirment l’hypothèse selon laquelle le nouveau-né et l’enfant souffriraient d’inégalités environnementales. Une étude conduite en Suède a suggéré que les enfants vivant au sein de familles à faible revenu étaient exposés à des niveaux plus importants de NO 2 par rapport aux enfants de familles à revenus plus élevés [ 38 ]. Ferrero et al. , étudiant l’exposition au benzène dans une cohorte de nourrissons d’un an, suggèrent une relation avec les caractéristiques socio-démographiques et le statut tabagique des parents [ 39 ]. Chaix et al. ont montré que les concentrations de NO 2 mesurées sur le lieu de résidence et à l’école augmentaient régulièrement avec la diminution du niveau socio-économique des parents : les enfants des quartiers à faible niveau socio-économique étaient plus exposés aux NO 2 à la fois sur leur lieu de résidence et à l’école [ 38 ], avec des concentration résidentielle de NO 2 , évaluées dans les habitats, de 21,8 μg/m 3 pour les enfants de familles à faibles revenus, contre 13,5 μg/m 3 pour ceux de familles à revenus élevés, et de 19,7 μg/m 3 versus 13,7 μg/m 3 dans les écoles.

Dans une étude réalisée en Californie, comparant les niveaux moyens d’exposition aux PM 10 entre des groupes d’enfants les moins défavorisés et des groupes d’enfants les plus défavorisés, une augmentation des concentrations de particules dans l’air que respire les enfants a été mise en évidence, avec des taux passant de 31,85 μg/m 3 dans le groupe favorisé à 68,1 μg/m 3 pour les enfants défavorisés. Une telle différence entre groupes a également été notée en ce qui concerne l’exposition au NO 2, avec des valeurs passant de 42,96 à 50,3 μg/m 3 selon les groupes [ 40 ].

Le niveau socio-économique des parents et leur niveau d’éducation ont également une incidence sur les niveaux d’exposition à l’intérieur du foyer. Plusieurs études ont en effet montré qu’un faible niveau d’éducation des parents était associé à un niveau élevé d’exposition des enfants à l’intérieur des lieux de résidence [ 41 - 43 ]. Berman et al. ont par exemple mis en évidence que les enfants dont les parents avaient un faible niveau d’éducation présentaient des niveaux élevés d’exposition à l’ETS ( environmental tobacco smoke ou fumée de tabac environnementale) en intérieur, par rapport aux enfants dont les parents avaient un niveau d’éducation plus élevé (130,5 h par semaine pour les premiers contre 109,9 h par semaine pour les seconds). Plus particulièrement, les enfants dont la mère a abandonné ses études secondaires, sont presque quatre fois plus à risque d’être exposés à des fumées de tabac à la maison que ceux dont la mère a suivi une formation post-universitaire [ 41 ]. Ces différences d’exposition ont également été observées par Ulbricht et al. , qui montrent par ailleurs que les enfants de parents au chômage sont plus à risque d’être exposés à des fumées de tabac à la maison par rapport à ceux dont les parents ont un emploi [ 44 ]. Ces inégalités face à l’ETS ont en particulier été observées pour des enfants âgés de 12 à 14 ans et de 16 à 18 ans [ 45 ].

Quelles hypothèses aujourd’hui face à l’accumulation des inégalités environnementales ?

Aujourd’hui, de nombreuses études examinent dans quelle mesure les inégalités sociales en matière de santé sont liées à des distributions inégales des nuisances et des aménités environnementales, aussi appelées inégalités de santé environnementale. Dans cette perspective, différents modèles ont été développés afin d’étudier les liens entre statut socio-économique, expositions environnementales, aménités environnementales et santé [ 46 , 47 ].

La plupart des études suggèrent l’existence de deux hypothèses centrales selon lesquelles les communautés ou les individus socio-économiquement défavorisés pourraient être soit plus fortement ou fréquemment exposés aux nuisances environnementales, tout en bénéficiant d’une moindre disponibilité et d’un accès plus faible aux équipements environnementaux, soit plus vulnérables à la même ampleur d’une exposition environnementale que les communautés ou individus socio-économiquement moins défavorisés ; ces deux hypothèses pouvant contribuer individuellement ou conjointement à la construction des disparités en matière de santé.

Accumulation des expositions chez les personnes défavorisées
Désormais, il est bien documenté que les personnes les plus pauvres sont plus susceptibles de souffrir de plusieurs types d’expositions environnementales. Dans une étude réalisée en Allemagne, Schikowski et al. ont montré qu’en plus de l’influence du niveau d’éducation des parents sur les taux de particules mesurés dans l’air ambiant des foyers, une association existait également entre niveaux d’expositions professionnelles et tabagisme et niveau d’éducation [ 48 ]. Des facteurs autres que ceux qualifiant la qualité de l’air ambiant, tels que les expositions résidentielles ou professionnelles, peuvent expliquer, en partie, les raisons pour lesquelles, dans les zones où se trouve une proportion de population défavorisée, avec un taux de chômage élevé, des effets sanitaires accrus en lien avec la pollution atmosphérique sont observés [ 49 ].

Vivre dans une zone caractérisée par des niveaux élevés de pollution atmosphérique n’implique cependant pas systématiquement des effets sur la santé qui soient plus nombreux ou plus intenses. Les populations les plus aisées sont en effet davantage susceptibles de posséder des résidences secondaires situées hors des zones urbaines, ce qui leur permet de réduire le temps passé dans leur résidence principale, possiblement localisée dans des zones plus polluées. Les populations résidant dans des quartiers plus défavorisés sont, au contraire, plus susceptibles d’accumuler des facteurs reconnus comme favorisant la concentration de polluants à l’intérieur des logements, comme des logements anciens, en plus mauvais état, pouvant être proches de l’insalubrité, avec des systèmes de ventilation et d’isolation inexistants ou dégradés. Ces logements sont également plus fréquemment localisés à proximité de voies à fort trafic routier, source de pollution. Ces populations sont également plus susceptibles d’emprunter les transports en commun, sources de nombreuses nuisances, sur de longs trajets.

Conditions environnementales défavorables chez les personnes défavorisées
Les personnes de statut socio-économique faible peuvent avoir une sensibilité plus importante aux effets délétères de la pollution atmosphérique, en raison, en particulier, d’une prévalence accrue de maladies préexistantes dans cette population. En effet, des études ont révélé une prévalence plus élevée de maladies chroniques, telles que le diabète, les maladies hypertensives et l’insuffisance cardiaque, dans les populations à plus faible revenu que dans celles à revenu plus élevé [ 50 ]. Les populations défavorisées peuvent également souffrir d’un moindre accès aux soins mais aussi d’une moindre consommation d’aliments sains. Cela peut se traduire notamment par une réduction de l’apport de certains nutriments protecteurs vis-à-vis des effets néfastes de l’exposition aux nuisances environnementales. L’accès aux ressources financières, pouvant être évalué par le niveau de revenu – qui qualifie le statut socio-économique d’un individu ou d’une population – est par ailleurs susceptible, lorsqu’il est limité, d’amplifier le niveau de stress des individus, conduisant de façon directe ou indirecte à accroître les disparités de santé au sein des populations. Nous ne sommes ainsi pas tous égaux face aux agressions de notre environnement.
Conclusion

Au vu de l’ensemble de la littérature, il est aujourd’hui devenu essentiel d’intégrer le fait que les expositions environnementales s’accumulent différemment au cours de la vie pour les personnes défavorisées ou résidant dans des quartiers défavorisés. Cette prise en compte permettra notamment la réalisation d’études d’exposome selon la nature des populations (ou des quartiers de résidence) caractérisées par des niveaux socio-économiques différents, et ainsi d’adapter de façon proportionnelle et spécifiquement les interventions et les prises de décisions, en fonction du statut socio-économique de la population considérée.

Des développements méthodologiques complémentaires sont néanmoins nécessaires afin d’améliorer notre capacité à enquêter sur les inégalités environnementales et leurs effets sur la santé – particulièrement chez les enfants – pour les prévenir, et faire en sorte que les enfants, notamment ceux vivant dans des familles défavorisées, entrent dans l’âge adulte avec un capital santé optimal.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 PM 2,5 sont les particules dont le diamètre est de 2,5 micromètres. Ce sont des particules fines. D’autres particules, PM 10 , ont un diamètre supérieur (10 μm).
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