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Med Sci (Paris). 38(1): 52–58.
doi: 10.1051/medsci/2021244.

Les Langerhanoïdes , des organoïdes d’îlots pancréatiques

Anastasia Papoz,1 Flora Clément,1 Camille Laporte,2 Emily Tubbs,1,3 Xavier Gidrol,1** and Amandine Pitaval1*

1Univ. Grenoble Alpes, CEA, Inserm, IRIG, Biomics , F-38000 , Grenoble , France
2 Univ. Grenoble Alpes, CEA, Leti, Division for biology and healthcare technologies, Microfluidic systems and bioengineering Lab , F-38000 , Grenoble , France
3Univ. Grenoble Alpes, LBFA et BEeSy, Inserm U1055 , F-38000 , Grenoble , France
Corresponding author.
 

Vignette (© Amandine Pitaval).

Le diabète de type 1 et de type 2

Considéré comme une véritable pandémie, le diabète a touché 463 millions de personnes dans le monde en 2019, soit 1 adulte sur 11 [ 1 ]. D’après les prévisions de l’Organisation Mondiale de la Santé, 578 millions de personnes souffriront de diabète en 2030. Le diabète de type 1 ou de type 2 entraîne une augmentation anormale et prolongée du taux de glucose dans le sang, principalement provoquée par une insuffisance ou un défaut d’utilisation de l’insuline.

Le diabète de type 1 (DT1) concerne environ 10 % des personnes diabétiques alors que le diabète de type 2 (DT2) touche plus de 90 % de ces patients. Le DT1, également appelé diabète insulino-dépendant ou juvénile, se déclare principalement dans l’enfance ou au cours de l’adolescence. Il est lié à une destruction active d’origine auto-immunitaire des cellules β pancréatiques entraînant une insulinopénie absolue responsable d’une hyperglycémie chronique. En l’absence de traitement, le pronostic vital du patient est engagé. Le DT2, aussi appelé diabète non insulino-dépendant ou diabète sucré, survient chez les personnes âgées de plus de 40 ans. Dans ce type de diabète, plusieurs anomalies physiopathologiques contribuent à la dérégulation du métabolisme du glucose : l’insulinorésistance, une résistance progressive des cellules à l’action de l’insuline, principalement des cellules des tissus périphériques (foie, muscle et tissu adipeux) ; et l’insulinopénie, un déficit de sécrétion d’insuline en réponse à un niveau élevé de la glycémie. L’apparition de la maladie est la conséquence de l’interaction de facteurs génétiques et environnementaux tels que la sédentarité, une alimentation déséquilibrée ou une obésité. À long terme, l’hyperglycémie chronique des patients diabétiques peut entraîner de graves complications macrovasculaires (athérosclérose et maladies cardiovasculaires), et microvasculaires, à l’origine de neuropathies, de rétinopathies et de néphropathies.

Aujourd’hui, il n’existe aucun traitement permettant d’arrêter ou d’inverser la progression de la maladie. Les thérapies actuelles visent majoritairement à réguler la glycémie. Pour le DT1, caractérisé par une insulinopénie absolue, le traitement consiste en l’injection sous-cutanée pluriquotidienne d’insuline exogène. Malgré les progrès techniques réalisés pour la prise en charge des patients (évolution des insulines de synthèse, pompes à insuline, pancréas artificiels électroniques), environ 70 % d’entre eux sont insuffisamment équilibrés. Certains patients développent un diabète instable, marqué par des variabilités glycémiques majeures à l’origine d’épisodes acido-cétosiques et hypoglycémiques sévères. Pour ces patients, la transplantation d’îlots de Langerhans permettant de restaurer la fonction insulino-sécrétrice est une avancée thérapeutique décisive [ 2 ].

Pour le DT2, les traitements de première intention consistent en des mesures diététiques et hygiéniques (activité physique régulière, modification du régime alimentaire, perte de poids) accompagnées parfois d’une aide médicamenteuse. Chez ces patients, l’insulinothérapie peut être indiquée en cas d’insulinopénie avancée.

Les îlots de Langerhans : architecture de la glande endocrine pancréatique

Le pancréas endocrine d’un sujet adulte est composé en moyenne d’un million d’îlots de Langerhans d’une taille variant de 30 à 500 μm, représentant de 1 à 2 % du volume total du pancréas [ 3 ]. Ces îlots sont localisés en grappes et dispersés dans le tissu exocrine pancréatique. Chaque îlot contient 50 à 60 % de cellules β productrices d’insuline, 30 à 45 % de cellules α productrices de glucagon, moins de 10 % de cellules δ productrices de somatostatine et, dans une moindre mesure, des cellules γ productrices de polypeptide pancréatique et des cellules ε productrices de ghréline [ 4 ]. Au sein de chaque îlot, un flux sanguin artériel alimente les cellules et permet un flux bidirectionnel entre la circulation sanguine et les cellules endocrines richement vascularisées. Les nerfs sympathiques et parasympathiques régulent étroitement la sécrétion hormonale grâce à une innervation très dense.

Les îlots de Langerhans isolés à partir de donneurs en état de mort cérébrale constituent à l’heure actuelle la seule source pour la transplantation. La transplantation d’îlots de Langerhans est strictement réservée aux patients diabétiques instables et transplantés rénaux déjà sous traitements immuno-modulateurs. En effet, même si la transplantation d’îlots a été qualifiée de « soin courant » en 2021 par la Haute autorité de santé, la rareté des donneurs, la survie ex vivo amoindrie des îlots prélevés, et le recours à des traitements immunosuppresseurs, constituent des freins à la généralisation de la procédure à l’ensemble des patients diabétiques. Ces difficultés techniques requièrent une quantité importante d’îlots nécessaire pour que ceux-ci puissent être greffés, estimée à plus de 5 000 équivalents d’îlots par kg de poids corporel [ 5 ]. Il est donc nécessaire d’avoir recours à plusieurs donneurs cadavériques pour greffer un seul patient afin d’obtenir un équilibre glycémique satisfaisant. Par conséquent, il devient crucial de trouver des sources alternatives et abondantes de cellules β fonctionnelles pour la clinique, mais aussi pour le développement de la recherche dédiée au criblage de médicaments et au développement de nouvelles cibles thérapeutiques.

Les sources disponibles

Les progrès récents de la biologie des cellules souches ont éveillé l’espoir de disposer de nouvelles sources de cellules capables de se différencier en cellules productrices d’insuline (CPI). Mais celles-ci doivent être capables de sécréter des quantités d’insuline adaptées en réponse aux variations du taux de glucose sanguin, comme le font les îlots natifs.

L’utilisation des cellules souches embryonnaires humaines (hESC) issues de blastocystes, et des cellules souches pluripotentes induites (iPSC) issues de cellules somatiques, comme les fibroblastes ou des cellules sanguines (PBMC, peripheral blood mononuclear cells ) suscite un grand intérêt. Leur différenciation en cellules β pancréatiques fonctionnelles nécessite cependant plusieurs étapes séquentielles dont le but est de mimer les grandes étapes de l’organogenèse in vivo. Les premiers essais réalisés en culture monocouche ont généré des populations de cellules β immatures [ 6 ]. Leur maturation n’a été effective que lors de leur transplantation chez des souris immunodéficientes, révélant le rôle déterminant joué par l’environnement in vivo dans ce processus [ 7 ]. Depuis 2014, des avancées significatives ont été réalisées pour obtenir une différenciation plus efficace in vitro, en générant des cellules β capables à la fois de secréter l’insuline, suite à une stimulation par le glucose, et de « guérir » un diabète induit chez la souris (dans un modèle de traitement par la streptozotocine) [ 8 , 9 ].

En parallèle, de nombreux efforts ont été réalisés afin d’identifier d’autres sources de cellules β fonctionnelles. Certaines études se sont focalisées sur la différenciation des cellules souches adultes, d’autres sur la transdifférenciation de cellules exocrines pancréatiques, d’hépatocytes, ou de cellules du tube digestif, en CPI ( Figure 1 ) [ 10 - 14 ] ( ).

(→) Voir les Synthèses de P.A. Lysy, m/s n° 4, avil 2016, page 401, et B. Duvillié, m/s n° 8-9, août-septembre 2013, page 744

Se rapprocher de la réalité physiologique du vivant

Afin d’améliorer la fonctionnalité in vitro et in vivo des îlots et des CPI dérivées de cellules souches, plusieurs protocoles ont été développés depuis 2017 grâce à l’utilisation de systèmes de culture en 3 dimensions (3D) et à la reproduction des propriétés du microenvironnement (ou « niche ») des îlots.

Génération de structures 3D
In vivo , les cellules s’organisent en trois dimensions, dans un arrangement organisé et structuré, le tissu. C’est pourquoi imiter la structure, l’architecture et la morphologie de l’îlot est essentiel pour favoriser la communication intercellulaire et la polarité cellulaire, toutes deux cruciales pour la maturation et la fonctionnalité de l’îlot [ 15 , 16 ]. Dans ce but, les protocoles n’ont cessé d’évoluer ( Figure 2 ). Les îlots de Langerhans humains présentent une grande hétérogénéité de taille [ 3 ]. L’étude de Roger Lehmann et al. rapporte d’ailleurs que cette hétérogénéité est corrélée à une variabilité de fonctionnalité. En effet, les petits îlots, d’un diamètre égal ou inférieur à 150 µm, sont plus sensibles au glucose et plus viables que les gros îlots après transplantation chez la souris [ 17 ]. Cela s’explique par la perte de vascularisation interne des gros îlots, combinée à une diminution de la diffusion des nutriments et de l’oxygénation au cœur de ces îlots, favorisant le développement d’un cœur nécrotique [ 18 ]. Ces observations ont conduit à des améliorations de la fonctionnalité des îlots isolés en s’appuyant sur une méthode de dissociation suivie d’une réagrégation forcée des cellules pour générer des pseudo-îlots normalisés en taille (avec un diamètre variant de 100 à 150 µm) et en contenu cellulaire. Morphologiquement similaires aux îlots des donneurs, ils sont caractérisés par une survie après transplantation chez la souris comparable aux îlots non dissociés ( Figure 2A ) [ 18 , 19 ].

Le développement de la culture en 3D a permis d’augmenter de manière considérable l’efficacité de la différenciation des cellules souches en CPI. Cela a consisté à générer des organoïdes au dernier stade de différenciation [ 8 ], dans le but de mimer l’agrégation spontanée in vivo des progéniteurs lors des phases tardives de l’organogenèse du pancréas [ 20 ]. La combinaison de cette technique de culture avec celle visant à normaliser la taille des organoïdes d’îlots (150 µm) a permis d’apporter de nouvelles améliorations techniques favorisant la sécrétion d’insuline en réponse au glucose administré [ 21 - 23 ].

Diverses méthodes ont été développées pour fabriquer de manière reproductible de tels organoïdes d’îlots ayant une taille normalisée, notamment la culture en goutte suspendue [ 24 , 25 ], en micropuits ou en chambres à motifs [ 19 , 21 , 26 - 28 ], en échafaudage [ 23 ], en réacteur avec agitateur [ 22 ] et la génération sur puce microfluidique [ 29 - 31 ] ( ).

(→) Voir la Synthèse de F. Lebreton et al., m/s n° 10, octobre 2020, page 879

Améliorer la fonctionnalité des îlots de Langerhans et des Langerhanoïdes : mimer la niche des îlots de Langerhans
Le suffixe -oïde signifiant « qui ressemble à », nous proposons de regrouper les organoïdes d’îlots, c’est-à-dire l’ensemble des modèles cellulaires qui permettent de mimer la fonction et la structure des îlots de Langerhans, quelle que soit leur origine, sous le terme de Langerhanoïdes .

Lors du protocole d’isolement des îlots pancréatiques, ces derniers sont dissociés de la matrice extracellulaire (MEC) et de leur vascularisation, deux éléments essentiels pour assurer leur longévité et leur fonctionnalité. La culture prolongée des îlots isolés in vitro reste impossible à réaliser, du fait de l’absence de prolifération et de leur déclin fonctionnel après quelques jours. C’est pourquoi de nombreuses études ont tenté de reproduire la niche des îlots afin de recréer, au mieux, leur environnement biomécanique et biochimique. Les Langerhanoïdes ainsi générés sont de plus en plus proches de la réalité physiologique. Leur viabilité in vitro est également augmentée ( Figure 2 ).

Apport de cellules pour reproduire la matrice extracellulaire Les cellules endocrines interagissent avec les cellules stromales présentes dans la niche qui les accueille : les cellules endothéliales, les fibroblastes, les cellules neuronales et les cellules souches mésenchymateuses (CSM). Ces dernières contribuent à la formation et à la maturation du pancréas in vivo . Elles procurent à la fois un support physique aux îlots et les signaux nécessaires à la fonction biologique, notamment via la sécrétion de macromolécules et le remodelage de la MEC. À titre d’exemple, en coculture in vitro , les CSM augmentent la longévité des îlots natifs et leur fonctionnalité via la sécrétion de cytokines et de facteurs de croissance [ 32 ]. Les CSM incorporées aux îlots après dissociation et réassociation permettent également de maintenir la glycémie de souris diabétiques plus longtemps que des monocultures, et cela avec une quantité moindre d’îlots qu’en cas d’injection d’îlots seuls [ 33 ]. Les progéniteurs pancréatiques profitent également des effets bénéfiques des CSM lors de telles cocultures : ils prolifèrent et se différencient en cellules β fonctionnelles in vitro et permettent de diminuer l’hyperglycémie de souris diabétiques de façon plus prononcée que des îlots cultivés seuls [ 34 ]. Comme les CSM, les cellules épithéliales provenant d’amnios humains, sont également bénéfiques aux îlots. Leur incorporation dans un groupe de cellules d’îlots de Langerhans diminue les effets du stress hypoxique et améliore la fonction insulino-sécrétrice et la viabilité des Langerhanoïdes . La transplantation de ces îlots enrichis permet la normalisation de la glycémie de souris diabétiques [ 27 , 31 ].
Les hydrogels Les hydrogels, constitués de polymères hydrophiles, possèdent une teneur élevée en oxygène et un taux de pénétration rapide des nutriments, des qualités essentielles à la survie des cellules. Leur rôle est d’apporter des protéines de la MEC native, de fournir un support 3D aux îlots et aux cellules progénitrices pour maintenir leur viabilité pendant le processus de transplantation ou pour favoriser la différenciation des cellules souches en CPI in vitro . Il en existe un grand nombre, synthétiques ou naturels, le collagène de type I étant le plus utilisé car largement présent dans la MEC qui entoure les îlots [ 35 ].

Ces dernières années, l’utilisation de la MEC décellularisée (dMEC) a suscité un grand intérêt dans l’ingénierie cellulaire et tissulaire. Grâce au processus de décellularisation d’un tissu, les composants cellulaires et nucléaires sont éliminés tandis que les protéines de la MEC mais aussi des facteurs solubles, comme les facteurs de croissance, les cytokines, voire les acides nucléiques non codants, restent relativement préservés, quantitativement mais aussi qualitativement. Ainsi, la dMEC mime la structure de la MEC du tissu natif et la signalisation qu’elle induit. Elle présente, de plus, une faible immunogénicité. La dMEC dérivée de pancréas a l’avantage d’imiter non seulement le microenvironnement exocrine mais aussi le microenvironnement endocrine dans lequel se retrouvent les îlots ( Figure 2B ). En effet, dans le pancréas, ces deux compartiments sont intimement liés, aussi bien anatomiquement que fonctionnellement.

Sous la forme d’un hydrogel, la dMEC pancréatique de porc (ppdMEC) est ainsi utilisée pour mimer la niche des îlots et prolonger leur survie et leur sécrétion d’insuline [ 36 , 37 ]. D’autres études ont rapporté les bénéfices de dMEC pancréatiques dérivées de rat, de porc et même de donneurs humains lors des phases précoces de la différenciation des CPI dérivées de cellules souches, aussi bien en les utilisant comme tapis pour la culture ( coating ) que sous forme d’hydrogel [ 38 - 40 ]. La transplantation de ces cellules chez des souris préalablement traitées à la streptozotocine dans des microcapsules contenant la ppdMEC a fortement diminué l’hyperglycémie de ces animaux [ 39 ].

Très peu d’études à ce jour ont généré de la dMEC issue de pancréas de donneurs humains afin de se rapprocher de la physiologie du pancréas humain [ 40 , 41 ]. Une étude des constituants présents dans la MEC de pancréas humain après décellularisation (ou matrisome) a montré la conservation dans cette préparation de 120 protéines constitutives ou associées à la MEC [ 40 ]. La MEC décellularisée est en effet riche en protéines matricielles, telles que le collagène et la laminine, mais elle contient également d’autres molécules impliquées dans sa régulation, en quantité moins abondante, comme des protéoglycanes et des glycoprotéines [ 40 ]. Le collagène V a été identifié comme un facteur clé favorisant la formation des Langerhanoïdes à partir de cellules souches [ 42 ]. Et même s’il y a encore peu d’études, il est raisonnable de penser que les acides nucléiques non codants, ARN longs non codants et micro-ARN, peuvent aussi jouer un rôle dans le microenvironnement pancréatique.

Notre équipe a généré des dMEC provenant de tissus adipeux humain et de pancréas de porc. La culture des pseudo-îlots ( InSphero AG , Schlieren, Suisse) sur ce type de dMEC augmente leur fonction insulino-sécrétrice, spécialement au 3 e jour après ensemencement (comparativement à des îlots cultivés sans coating ou en présence de fibrine). Ces travaux (en cours) semblent attester l’effet bénéfique potentiel de ces dMEC sur la fonctionnalité des pseudo-îlots.

Vascularisation Les cellules endothéliales jouent également un rôle déterminant dès l’organogenèse pancréatique : elles permettent la différenciation des cellules souches pluripotentes en cellules endocrines. Leur capacité à sécréter des hormones est en effet primordiale dans l’architecture du pancréas [ 43 ]. Dans les îlots de Langerhans, elles établissent un dialogue permanent et réciproque avec l’ensemble des cellules constituant l’îlot pancréatique. Elles ont la capacité de former des réseaux qui apportent aux îlots, non seulement l’oxygène et les nutriments dont ils ont besoin, mais aussi des facteurs de croissance et des protéines clefs de la MEC. Ces cellules participent ainsi à la prolifération, à la survie et à la fonction sécrétrice des cellules β. En cas de transplantation, l’anastomose entre le réseau sanguin du greffon et le réseau de l’hôte favorise la prise de la greffe et, par conséquent, contribue à une délivrance d’insuline plus efficace [ 44 ]. Pour toutes ces raisons, la présence de cellules endothéliales est cruciale pour accroître la fonctionnalité des cellules β et la prise de greffe in vivo des Langerhanoïdes ( Figure 2C ). L’agrégation de cellules endothéliales telles que les HUVEC ( human umbilical vein endothelial cells ) avec des cellules souches prédifférenciées favorise ainsi leur maturation en CPI fonctionnelles, capables de répondre à une stimulation par le glucose. Ces expériences ont été réalisées sur des matrices comme le matrigel ou l ’amikagel [ 28 , 45 ]. L’équipe de Hideki Taniguchi a utilisé la capacité de contraction des CSM pour produire des Langerhanoïdes vascularisés sur un lit de matrigel par auto-condensation en les combinant à des fragments de pancréas ou avec des îlots de Langerhans et des cellules endothéliales. La normalisation de la glycémie chez une souris diabétique après transplantation a montré l’efficacité de cette méthode innovante [ 46 ].

Plus récemment, des îlots humains, encapsulés dans un hydrogel de ppdMEC en présence d’HUVEC, se sont révélés capables de secréter plus d’insuline et présenteraient une plus faible nécrose centrale [ 36 ]. Ensemencés dans un hydrogel avec des cellules supports, comme des CSM, les HUVEC ont, de plus, la capacité de former un réseau endothélial autour des îlots de rat [ 47 ].

L’encapsulation des Langerhanoïdes vascularisés dans un hydrogel favorise l’échappement des cellules endothéliales endogènes en formant des bourgeonnements (en anglais, sproutings ) visibles en microscopie [ 37 , 48 ]. Ainsi, une anastomose entre les cellules endothéliales constituant le Langerhanoïde et celles présentes dans l’hydrogel semble facilitée.

Nous avons généré des Langerhanoïdes endothélialisés en y associant des HUVEC-RFP (des cellules exprimant la protéine fluorescente red fluorescent protein ) et des cellules dissociées d’îlots de Langerhans humains. De même, lors d’expériences d’intégration en hydrogel de fibrine pré-endothélialisé avec des HUVEC-GFP (des cellules exprimant la protéine fluorescente green fluorescent protein ), nous avons observé des anastomoses entre cellules endothéliales, présentes dans les Langerhanoïdes, et le réseau endothélial contenu dans la matrice ( Figure 3 ). Le développement de ces modèles innovants permet d’étudier l’angiogenèse à partir des cellules endothéliales contenues dans les Langerhanoïdes, mais également, le développement du réseau depuis la niche vers les Langerhanoïdes . Notons que l’équipe de Josef Penninger développe actuellement des organoïdes de vaisseaux qui permettent de mimer les défauts de vascularisation observés dans le diabète [ 49 ].

Les organes sur puce La culture dynamique des îlots représente un autre aspect de l’assemblage biomimétique des îlots. Elle permet un apport efficace de nutriments et une élimination des déchets en continu ( Figure 2D ). Comparée à la culture statique, ce type de culture protège les îlots des conditions hypoxiques et améliore leur survie et leur insulino-sécrétion [ 50 ]. Une étude récente a combiné trois techniques : l’addition de cellules endothéliales lors de la dissociation/réagrégation des cellules isolées d’îlots natifs ; le contrôle de la taille des Langerhanoïdes générés ; et la culture dynamique sur puces microfluidiques. Cette étude a montré que les structures obtenues par culture dynamique étaient plus viables et avaient une meilleure réponse au glucose après 14 jours sous flux en comparaison avec une culture statique. De plus, l’expression de protéines de la MEC était augmentée durant les conditions dynamiques, et contribuait à la fonctionnalité des organoïdes d’îlots [ 29 ].
Conclusion : vers une complexification des modèles in vitro

À notre connaissance, le maintien de la viabilité et de la fonctionnalité des Langerhanoïdes en culture pendant un mois et au-delà n’a pas été démontré. Pour y parvenir, il est possible de combiner toutes les techniques qui visent à reconstituer le microenvironnement pancréatique et à se rapprocher de la réalité physiologique du pancréas. Nous cherchons ainsi à générer des Langerhanoïdes vascularisés ( Figure 3 ) et à les encapsuler dans de la dMEC de pancréas humain. L’intégration de l’ensemble de ces modèles dans une plateforme microfluidique devrait permettre, via le contrôle des flux entrants et sortants, d’optimiser la perfusion d’oxygène et de nutriments, prolongeant ainsi la viabilité et la fonctionnalité de ces îlots. Enfin, des études sont en cours en vue de modéliser différentes maladies liées au diabète et d’en étudier les mécanismes impliqués (cause ou conséquence).

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Remerciements

Ce travail a été soutenu par le CEA, le fond Carnot et Y. Spot. Nous remercions Delphine Freida pour sa relecture.

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