A Laurent MINISTERE DELA SANTE PUBLIQUE MONOGRAPHIE DE L'INSTITUT NATIONAL D'HYGIENE N° 21 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN ETUDE STATISTIQUE PARIS 1960 VIRTVTE DVCE CO- MTE FORTITVDINE 9 JR-R COLLEGIVM CIVILE COLLEGIV CIVILE AD SANITATEM Docteur H. G. POULIZAC MédeciN-conseil. Caisse Régionale de Sécurité Sociale. NANCY MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE MONOGRAPHIE DE L'INSTITUT NATIONAL d'HYGIENE N°21 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN ETUDE STATISTIQUE INSERM Service de Diffusion et de Vente des Publications PARIS 1960 VIRTVTE DVCE CO- MTE FORTITVDINE COLLEGIVM CIVILE AD SANITATEM Docteur H. G. POULIZAC Médecin-conseil. Caisse Régionale de Sécurité Sociale NANCY Diagrammes et dessins exécutés par Monsieur BARETH Caise Réoionale de Sécurité Sociale — NANCY MONOGRAPHIES DE L’INSTITUT NATIONAL D'HYGIENE DEJA PARUES: N° 1. — Documents statistiques sur la morbidité par cancer dans le monde, par P. F. DENOIX, Paris 1953. — Epuisé. N° 2. — L’économie de l'alcoolisme, par L. DEROBERT, Paris 1953. — Epuisé. N° 3. — Mortaliné urbaine et rurale en Frane en 1928, 1933 et 1947, par Ch. CANDIOTTI et M. MOINE, Paris 1953. — Prix : 9 NF. N° 4. — Contribution à l’étude de l’anophélisme, et du paludisme, en Corse, par C. TOUMANOTF, Paris 1954. — Prix ; 12 NF. N° 5. — De la diversité de certains cancers, par P. F. DENOIX, Paris 1934. — Epuisé. N° 6. — La lutte préventive contre les maladies infectieuses de l’homme et des animaux domestiques au moyen des vacins, par G. RAMON, Paris, 1955. — Prix; 12 NF. N° 7. — Etudes de socio-psychiatrie, par H. DUCHÉNE et coll., Paris 1955 Prix, 9 NF. N° 8. — Repport sur la fréquence et la sensibilité aux insecticides de pédiculus humanus humanus K. Linnaieus, 1758 (anoplura) dans le sud-est de la France, par R. M. NICOLI, Parie 1956. — Prix : 5 NF. N° 9. — Etude eur la maladie de Bouillaud et son traitement, par J. CHEVALLIER. Paris 1956. — Prix : 11 NF. N° 10. — Rapport d'enquête sur la réadaptation fonctionnelle des adultes, en France, par H. G. POULIZAC, Paris 1956. — Prix : 10 NF. N° 11. — Etude pour l’établissement de rations alimentaires pour le tuberculeux en sana- torium, par F. VINIT et J. TREMOLIÈRES, Paris, 1957. — Prix; 12.50 NF. N° 12. — Le cancer chez le noir en Afrique française, par P. F. DENOIX et J. R. SCHLUMBERGER, Paris 1957. — Prix: 15 NF. N° 13. — Broncho-pneumopathies à virus et à rickettsies chez l’enfant, par R. SOHIER M. BERNHEIM, J. CHAPTAL et M. JEUNE. — Prix : 13 NF. N° 14. — L’assistance psychiatrique aux malades mentaux d’origine nord-africaine musulmane en métropole, par G. DAUMEZON., Y. CHAMPION et Mme J. CHAMPION-BASSET, Paris, 1957. — Prix. 12 NF N° 15. — Documents statistiques sur l’épidémiologie des infections typho-paratyphoidiques, de la poliomyélite et des brucelloses en France en 1954 et 1955, par P. CHASSAGNE et Y. GAIGNOUX. — Prix : 11 NF. N° 16. — La pathologie régionale de le France. Tome I, Régions du Sud et de l’Ouest, par R. MAROT. — Prix : 35 NF. N° 17. — La pathologie régionale de la France, Tome I. Régions du Nord, de l'Est et du Centre, par R. MAROT. — Prix : 34 NF. N 18. — De la detruction des bactéries, par la chaleur — Etude de l'efficacité de la pasteurisation du lait, par A. NEVOT, Ph. et J. LAFONT. — Prix :14 Nr. N° 12. — Le Cancer au Moyen-Orient (Israël et Iran). Données épidémiologiques par C. LAURENT et J. LÉGUERINAIS avec la collaboration de L. MAUJOL. — Prix : 13 NF. N° 20. — Problèmes posés, par la définition des aliments. — Prix : 15 NF. Vente des publications à L’INSTITUT NATIONAL D’HYGIENE 3, rue Léon-Bonnat, Paris (16e). — AUTeuil 32-84. Numéro de chèque postal: Institut National d'Hygiène, 9062-38 Paris AVANT-PROPOS Le Docteur POULIZAC Médecin-Conseil de la Sécurité Sociale, a bien voulu me demander d’accueillir le lecteur au seuil de son ouvrage. (Je me rends d’autant plus volontiers à son appel que je connais les sentiments qui le lui ont dicté. Je le remercie de ce témoignage de confiance et de reconnaissance, qui flatte celui qui fut son chef et qui l’honore lui-même. Le Docteur POULIZAC a en effet, appartenu, pendant quelques années au corps de Santé de la Marine. Il y a servi sous mes ordres et il a été appelé à mettre en pratique, pour l’affectation de nos marins, aux diverses spécialités, les méthodes psychotechniques que nous avions rendues réglementaires, il y a plus de trente ans, après les avoir, avec la collaboration du Professeur LAHY, adaptées aux besoins de la Flotte. Nos routes se sont de nouveau croisées, et j’ai pu faciliter dans les nouvelles fonctions civiles qu’il occupe, l’accès aux méthodes sta¬ tistiques, auxiliaires de la recherche, dont il veut bien, maintenant. et en toute connaissance de cause, reconnaitre sinon l’absolue rigueur, du moins l’impérieuse nécessité. Il était donc bien armé pour poursuivre et mener à bien la tâche. entreprise. Les livres ont leur destinée. Le Professeur BUGNARD, Direc¬ teur de l’Institut National d’Hvgiène, avant facilité les recherches, a bien voulu assumer la charge de leur publication. Puisse cette Monographie susciter chez le lecteur le même intérêt que j’ai pris à la lire ! Et s’il m’est permis, dès le seuil, de tirer une conclusion, je dirai volontiers qu’elle fend à conserver une âme au prétendu « Robot humain 5, et, personnellement, je me réjouis de voir préciser de si lumineuse facon l’interdépendance du geste et de la pensée, dont l’association rejette par là même toute idée d’automa¬ lisme dégradant dans le travail de l’ouvrier. Le Médecin Cénéral de la Marine CANDIOTTI (C.R.) INTRODUCTION MEDECINS-CONSEILS ET SECURITE SOCIALE Lorsque le Docteur POULIZAC souhaita entreprendre cette étude statistique, à partir des documents de la Caisse Régionale du Nord¬ Est, nous ne pensions pas que sa démonstration, prendrait un tour aussi magistral, et notre assentiment était teinté d’un peu de scepti¬ cisme. Certes, nous ne méconnaissions pas sa valeur intellectuelle et sa compétence, mais la tâche nous paraissait immense. Le Docteur POULIZAC est Médecin-Conseil, et il a su montrer la place que le Médecin-Conseil de la Sécurité Sociale peut et doit occu¬ per dans la réadaptation, le réemploi et le reclassement des handicapés. physiques, en particulier des accidentés du travail. Un tel rôle est souvent oublié, et pourtant, la position du Médecin-Conseil permet d’étudier facilement le déterminisme du facteur humain dans la genèse. de l’accident, et de suivre, tout au long de la période d’incapacité. l’état physique et le comportement psychique du blessé, condition essen¬ tielle pour que soit retrouvée la meilleure capacité de gain. Placé entre le Médecin traitant le Médecin du Travail l’Assis¬ tante Sociale, le Médecin-Conseil, par ses interventions, peut avoir une eficacité remarquable, s’il ne méconnait pas les problèmes dévelop¬ pés dans cet ouvrage : prévention et réadaptation y trouvent leurs bases techniques, depuis l’adaptation an travail des adolescents jus¬ qu’à la lutte contre les risques entrainés par le vieillissement. Remercions l’auteur d’avoir affirmé ici sa foi dans l’efficacité du Médecin-Conseil des Caisses de Sécurité Sociale pour redonner à l’homme blessé sa place dans la société. Au reste, cet ouvrage prouve abondamment que les documents détenus par les Caisses permettent des analyses statistiques de valeur. et qu’ils ne demandent qu’à être exploités. Qu’il nous soit permis de remercier tous les organismes et fous les techniciens qui ont facilité cette œuvre, en particulier les Services de la Caisse Régionale du Nord-Est, Nous voudrions surtout assurer de notre gratitude M. le Professeur BUGNARD, Directeur de l’Institut National d’Hygiène, qui nous a si largement ouvert ses services et 6 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN accordé son aide matérielle et technique. M. le Médecin Général CANDIOTTI MM. MOINE, le Docteur GELLE ont su rendre possible un travail de ce genre. Il reste au lecteur à peser toutes les idées développées. Il ne fait pas de doute qu’il en appréciera la justesse. Le Docteur P MARTIN. Médecin-Conseil Régional. NANCY. PREMIERE PARTIE ETUDE STATISTIQUE INTRODUCTION BUTS ET MÉTHODES SOMMAIRE: La statistique, méthode de recherche, Facteur humain et accidents du travail. Travail d’équipe, méthode d’action. " Mieux vaut prévoir sans certitude que de " ne pas prévoir du tout. » H. Poincaré, « La science et l'hypothèse » LA STATISTIOUE, METHODE DE RECHERCHE: Qu’on la traite de menteuse, d’infidèle ou de complaisante, la méthode statistique livre toujours un visage qui inspire le doute ou la méfiance. En fait, les défauts qui lui sont reprochés ne lui appar-¬ tiennent pas en propre. Ils ont habituellement leur origine dans les. imprécisions des données primitives et de leur collecte, qui altérent plus ou moins gravement les calculs secondaires des statisticiens. Et lorsqu’arrive le moment des interprétations finales, bien des erreurs se glissent encore dans le raisonnement de ceux qui ne connaissent qu’imparfaitement les phénomènes étudiés ou le maniement de la méthode elle-même Mais qu’il s’agisse de collecte ou d’interprétation. les critiques éventuelles ne touchent pas directement à l’essentiel, qui est le calcul, sans cesse en voie de perfectionnement. Si nous avons utilisé la statistique pour aborder le probleme des accidents du travail, de leur prévention et de la réadaptation de leurs victimes, c’est qu’elle constitue, malgré ces réserves le seul moyen de saisir les phénomènes collectifs. Méthode de recherche, elle est de nature à nous livrer l’essentiel des symptômes, de l’étiologie et du traitement de ce que nous sommes en droit d’appeler une « maladie sociale des temps modernes », tant est fréquent le traumatisme, pro¬ fessionnel et tant sont graves ses incidences pratiques. Nous avons choisi d’analyser les accidents du travail de l’année 1956, parce qu’un tel recul dans le temps permet de connaitre l’en¬ semble de leurs résultats. Dans ces conditions, il semble, à première vue, que nous puissions espérer des renseignements assez précis pour ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 12 donner au calcul les meilleures garanties. Les traumatismes profes¬ sionnels sont, en effet, définis par les articles L415 et L.415-1 du Code de la Sécurité Sociale. Leurs caractéristiques sont décrites selon des règles rigoureuses, et collectées selon un plan établi par la Caisse Nationale. Du point de vue médical, les lésions observées sont géné¬ ralement simples à systématiser! Or, nous nous heurtons à deux difficultés majeures : le caractère habituellement incomplet des déclarations initiales, et notre ignorance presque constante des effectifs de travailleurs dans chacune des rubriques prévues. Ces deux obstacles ne laissent que de trop étroites frontières au calcul et, dans la plupart des cas, nous n’avons pu fran¬ chir le stade de la simple comparaison entre des « ventilations » de chiffres bruts d’accidents et de journées d’incapacité. Pour aggraver ces difficultés, la rubrique « fourre-tout » des « non précisés » est par¬ fois si importante, dans chaque série de chiffres, qu’elle altère les ventilations elles-mêmes. Pour tenter de combler ces lacunes et compléter les résultats publiés par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, nous avons étudié un certain nombre de renseignements fournis par les Entreprises. La Caisse Régionale de NANCY nous a permis de connaître certaines don¬ nées propres à la région du Nord-Est et à l’expérience significative. de son Centre de Réadaptation Professionnelle de GONDREVILLE, où. pendant trois ans. fut mise au point une gymnastique industrielle, pre¬ mier aspect du réentraînement au travail des Handicapés, et base d’une Prévention orientée par le facteur humain. FACTEUR HUMAIN ET ACCIDENTS DU TRAVAIL: Notre étude comprend deux parties essentielles : — Les résultats statistiques et leur interprétation. — L’organisation pratique de la prévention et de la réadaptation, telle que nous pouvons la souhaiter à la lumière des chiffres. Les accidents du travail posent effectivement ces deux problèmes de la lutte préventive et du traitement médico-social des traumatisés. Nous les avons liés ensemble parce qu’ils présentent un dénominateur commun, qui est l’adaptation de l’homme à son travail. On a longue¬ ment et souvent disserté sur cette notion, délicate à saisir en l’état actuel des connaissances de psychophysiologie appliquée. L’accident est incontestablement le résultat d’un conflit entre le travailleur et les conditions matérielles et psychologiques de son activité profession¬ nelle, que la rupture d’équilibre vienne d’un côté ou de l’autre. Consi¬ dérer isolément ces deux facteurs conduirait à des vues théoriques. fragmentaires et pratiquement inopérantes, car prévention et réadap¬ tation dépendent conjointement d’une parfaite synchronisation Homme¬ Travail Telle nous est apparue la donnée fondamentale d’une politique rationnelle de protection de la main-d’œuvre, saine ou handicapée. tandis que nous avons été conduits à estimer secondaires des mesures ÉTUDE STATISTIQUE 13 comme la protection des machines et la propagande préventive: leur¬ application dépend essentiellement du « facteur humain », et leur suc¬ cès résulte de la compréhension et de la collaboration des travailleurs. Dans une semblable perspective, nous avons retenu quatre prin¬ cipes directeurs, quatre « règles d’or » de l’adaptation et de la réadap¬ tation professionnelles: Les aptitudes physiques, mentales et technologiques des tra¬ vailleurs doivent répondre aux exigences de leurs postes, pour que l’emploi ne soit réalisé ni en dessus ni en dessous du niveau individuel : — Soigneusement jaugés et orientés. les travailleurs doivent étre entrainés aux procédés et rythmes de fabrication, pour que leur production corresponde au meilleur « rendement » biolo¬ gique possible: — La prévention n’est pas seulement une préoccupation technique et spécialisée, mais elle est avant tout une disposition d’esprit entretenue par une information et une compétition perma¬ nentes, où le contremaître peut et doit jouer un rôle de mili¬ tant-éducateur : Les données matérielles des postes doivent être constamment vérifiées et améliorées pour n’oftrir qu’un minimum de dan-¬ gers: le progrès technique simplifie et allège les tâches et, par¬ la, garantit la sécurité. Les trois premières règles concernent le « facteur humain x la quatrième le x facteur matériel ». Et dans la réalité industrielle, ces. deux facteurs sont parfaitement dépendants l’un de l’autre. En défi¬ nitive, tous deux procèdent d’une même intervention humaine, tant au stade de l’organisation qu’à celui de l’exécution du travail Nous n’étudierons pas le fonctionnement du risque « Accidents du Travail s dans son ensemble. Limitant notre objectif, nous discernerons. à travers les répartitions des accidents et des incapacités qu’ils déter¬ minent, les grandes lignes d’une politique générale L’article L.421 du Code de la Sécurité Sociale fait un devoir aux Caisses Régionales de se pencher sur les résultats de leurs travaux mécanographiques et d’en tirer les conclusions pratiques les plus évidentes. Communiquées à l’Inspection du Travail et à la Caisse Nationale, elles peuvent alors servir de base objective à d’éventuelles mesures réglementaires éla¬ borées et imposées par le Ministre du Travail. C’est dans cet esprit que nous avons abordé les statistiques de l’année 1956, où nous avons séparé ce qui est mathématiquement cer¬ tain de ce qui n’est qu’hypothèse. Nous mesurerons la fragilité de nos sources et nous en rechercherons les causes les plus évidentes : il ne suffit pas de discerner une lacune et de la proclamer comme une constatation péremptoire. Encore faut-il en découvrir l’origine et les remèdes. des sciences humaines. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 14 LE TRAVAIL D’ÉQUIPE, MÉTHODE D'ACTION: Puissions-nous au moins attirer l’attention sur les impératifs caté¬ goriques de la méthode statistique ! Bien des imperfections interdisent. encore de mettre les hypothèses au contact des faits et de transformer en certitudes celles qui pourraient franchir avec succès l’épreuve indis-¬ cutable du calcul. Il n’en reste pas moins que, dès maintenant, la pré¬ vention et la réadaptation, aussi bien que la traumatologie, présentent un tel caractère d’urgence et une telle ampleur que nous devons bien faire appel à l’expérience et à la logique pour suppléer à ces limita¬ tions Des créations-pilotes s’imposent pour guider les recherches et pour attaquer dans ses racines les plus profondes cette maladie sociale. en pleine extension. C’est pourquoi nous nous sommes permis de débor¬ der le cadre de la seule statistique et d’envisager les bases techniques d’un indispensable équipement sanitaire et social. Et dans l’étude comme dans l’action, nous avons acquis la cer¬ titude que le progrès n’était possible que grâce à la coopération des techniciens venus de tous les horizons du monde du travail. L’avenir d’une saine politique de main-d’œuvre est incontestablement dans la mise en place d’équipes, qui sachent élaborer et conduire jusqu’à leur terme des programmes bien structurés. C’est là une tâche exigeante, avec ses règles et ses contraintes, Mais elle procure le réconfort d’une conquête progressive de la prospérité et de la sécurité par tous ceux qui, patrons et ouvriers, paient souvent très cher une insuffisante orga¬ nisation professionnelle. Ainsi nous parait devoir être orientée la méthode des sciences humaines, qui est tout à la fois un Esprit et une Discipline. Et le Progrès passe désormais par la voie nécessaire. .. 6 CHAPITRE PREMIER. CONSIDERATIONS GENERALES SUR LE RISQUE SOMMAIRE: i. La répartition des assurés et des accidents: I. La notion de fréquence. III. La notion de gravité; IV. Le coût des acci dents. V. Pour une définition élargie du risque; Vl. Conclusions. " La connaissance scientifique des phénomé¬ "nes collectifs est une protection de l’homme " dans cette course vertigineuse du progrès « mécanique. « Elle, répète et dénonce les, symptômes " essentiels de la désadaptation humaine aux « conditions sans cesse renouvelées de son « travail et de sa vie sociale. » Dans une première partie, nous analyserons les résultats statis¬ tiques des accidents du travail survenus en 1956 dans l’ensemble du pays. La base de cette étude nous sera fournie par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale dans son document : Statistiques Nationales d’Acci¬ dents du Travail ». Les chiffres publiés y sont répartis en deux décou¬ pages : un découpage géographique, selon les circonscriptions des 116 Caisses Régionales, et un découpage professionnel, selon un grou-¬ pement plus ou moins théorique en 15 familles d’activités. Nous n’étudierons pas les accidents de trajet, car ils sont isolés (dans un chapitre particulier, sans que soient analysées leurs diffé rentes caractéristiques D’ailleurs, ils’ se rapportent à un contexte qui est du domaine dé la circulation routière plutêt que du travail pro¬ prement dit. Et nous n’envisagerons, parmi les accidents du travail, que ceux qui sont gérés par les Caisses Régionales et Primaires, éli¬ minant ceux qui relèvent de régimes spéciaux d’entreprises, dont nous ne connaissons pas les résultats avec assez d’ampleur et de précision. Dans la première partie : — Le chapitre I sera consacré à l’étude de la fréquence, de la gravité et du coût des accidents, et nous conduira à une conception du risque qui déborde assez largement sa défini¬ tion Actuelle : 16 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Le chapitre II traitera des variations de l’incapacité temporaire. et permanente suivant l’age, le sexe, la nationalité, l'heure de l’accident, les circonstances matérielles, la nature et le siège des lésions. Nous aborderons ainsi certains aspects de la psy¬ chophysiologie du travail et rechercherons quelques données directrices d’une prévention et d’une réadaptation où le facteur humain prendrait sa véritable place. Aux volumineux et fastidieux tableaux de chiffres nous préfère¬ rons les représentations graphiques, qui résument les calculs et sont plus directement lisibles et compréhensibles. I. — LA RÉPARTITION DES ASSURES ET DES ACCIDENTS: Les assurés sociaux garantis par la loi organique du 30 octobre 1946 étaient au nombre de 8808783 pendant l’année 1956. Leur répar¬ tition dans les 16 Caisses Régionales françaises reflète approximati¬ vement le volume des activités industrielles de chacune d’elles. Il est intéressant de noter que, parallèlement, les accidents avec arrêt de tra¬ vail suivent à peu près la même répartition, ce qui nous conduit à penser que ceux-ci Varient, en nombré fout au moins, avec les concen¬ trations ’industrielles, Sur le diagramme n° L. les Caisses Régionales. sont classées d’après leur pourcentage d’assurés N. assurés de la Caisse. N. assures du pays. Diagramme Ne ETUDE STATISTIQUE 17 Le diagramme n° 2 reprend ce même classement pour représen¬ ter le pourcentage des accidents correspondants, ce qui permet de mettre en évidence les variations du volume d’accidents par rapport à celui des assurés. Le calcul du coefficient de corrélation entre ces deux distributions de N. accidents et N. assurés donne un chiffre voisin de 0.73; il existe une association hautement significative entre la répartition des assurés et celle des accidents avec arrêt dans ce découpage régional. Seule se distingue la Caisse de MARSEILLE, dont le pourcentage d’accidents dépasse sensiblement la valeur moyenne de son rang de classement par pourcentage d’assurés. Les écarts des Caisses de TOULOUSE. OR LEANS et MONTPELLIER sont moins assurés. Le tableau ci-après illustre et confirme cette première notion et permet de situer les Caisses Régionales, d’après le nombre absolu de leurs assurés et de leurs accidents. Le classement correspond au nombre d’accidents avec arrêt ;: La région de PARIS fournit, à elle seule, plus du quart du volume total d’assurés et d’accidents, avec 2523417 assurés, soit 0,28 et 2841100 accidents, soit 0.27. Au second rang viennent à égalité celles de LILLE et de LYON, avec chacune près d’un million d’assurés, soi 18 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 0.11 et près de 150000 accidents, soit 0.12. Le groupe suivant est formé. par les régions de NANCY, STRASBOURG et ROUEN, avec environ 500000 assurés chacune et une proportion d’accidents voisine de 0.06. De MARSEILLE à CLERMONT-FERRAND les effectifs des dix Caisses. suivantes décroissent régulièrement de 405 952 à 204 145 assurés, avec une proportion moyenne d’accidents de 0.03. Ainsi se présente le découpage de la France, chaque, région¬ ayant un volume d’accidents sensiblement proportionnel à son volume. d’assurés. II. — LA NOTION DE FRÉQUENCE: Mais cette relation n’est qu’apparente, malgré son coefficient « r" très élevé. Si les assurés et les accidents avec arrêt suivent bien des répartitions parallèles, par contre les rapports N. accidents avec arrêt N. assurés font apparaitre de notables divergences. Nous découvrons ainsi la notion de fréquence, les assurés étant inégalement exposés à ce premier aspect du risque, tant à l’intérieur des Professions que des Caisses Régionales. a) Considérations générales : Sur le plan national, le rapport des accidents aux assurés est de 1050 377 soit 0. 119. Par conséquent en 1956, près de 12 travailleurs 8 808783 sur 100 ont été victimes d’un accident avec arrêt de travail. — et sur 1000 accidents, nous comptons 2 accidents mortels et 51 accidents sui¬ ÉTUDE STATISTIQUE 19 vis de séquelles indemnisables. — Si nous considérons les accidents légers, qui n’ont pas donné lieu à un arrêt de travail, les registres d’infirmerie tenus dans les entreprises du Nord-Est donnent un rapport N. accidents légers 35a 278. soit 0.637. Plus d’un assuré sur deux a 553737 N. assurés été victime d’un accident de ce genre. Il est certain que, parmi ces traumatismes discrets, il en est qui se sont trouvés initialement ins¬ crits sur les registres d’infirmerie et qui se sont ultérieurement com¬ pliqués, entrant alors simultanément dans le compte des accidents avec. arrêt. Ces registres, qui ont pour but, à juste titre semble-t-il, d’éviter l’excès des déclarations et les arrêts de travail, nous donnent des résultats sujets à correction. Mais ils se rapportent à des traumatismes régulièrement constatés dont le nombre élevé ne laisse subsister aucun doute sur l’ampleur des problèmes posés. D’un certain point de vue, ils sont d’autant plus exacts qu’il n’y a pas eu arrêt de travail: la légis¬ lation incite à préférer un arrêt par accident à un arrêt par maladie. et l’on à pu donner sur ce point des preuves d’abus manifestes, Mais. il ne parait pas possible d’évaluer ces abus, qui sont des signes objec- tifs de désadaptation, professionnelle plus où moins grave De toute manière, les chiffres sont suffisamment importants au regard d’abus éventuels pour ne pas perdre leur signification après ajustement. Très schématiquement, et sans soustraire le nombre de victimes de 2 ou 3 accidents successifs, nous obtenons une proportion de 0.75 travailleurs. victimes d’accidents avec ou sans arrêt, c’est-a-dire les trois quarts de notre population active. Si bien qu’au cours de ses quarante années d’activité profession-¬¬ nelle, un travailleur est exposé à subir en moyenne 3 ou 4 accidents avec arrêt et une vingtaine d’accidents sans arrêt. Une pareille éven¬¬ tualité justifie des études nombreuses, par des techniciens qualifiés, Et lorsque nous considérons les sommes déjà engagées dans la Pré¬ vention, nous pouvons bien en conclure que les efforts sont encore insuf¬ fisants, ou bien qu’ils ne portent, pas sur les véritables causes d’accidents. Nul doute que comme le soutient le Professeur 6. SIMONIN, la « prévention paie », puisque pendant une période de 15 années, les ETATS-UNIS ont réussi à réduire leur taux de fréquence national de 53 7. Des résultats similaires ont été obtenus dans plusieurs pays : SUISSE. SUÈDE. U.RSS, en particulier. Il ne parait pas admissible. que les seuls accidents avec arrêt puissent continuer à toucher 1I à 12 7 des travailleurs français, pendant qu’aux U.SA, ce pourcentage. lest actuellement réduit à 2 ou 3 72. Parallèlement à des mesures de prévention correctement adaptées. aux données exactes du problème, nous devons encore envisager un équipement suffisant de traumatologie et de réadaptation, de manière. à atténuer les conséquences pratiques des traumatismes inévitables. Or les ressources françaises sont. la aussi, manifestement insuffisantes. La traumatologie est toujours absorbée dans la chirurgie générale, dont. variations. 20 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN les relations avec la thérapeutique fonctionnelle et la vie des Entre¬ prises sont lointaines, imprécises, voire inexistantes. La réadaptation professionnelle et sociale, de son côté, ne s’est pas encore dégagée des tendances de l’entre-deux-guerres, ou dominaient la rééducation profes¬ sionnelle artisanale et le reclassement administratif on charitable: l’in¬ suffisance de ses liaisons avec la psychophysiologie professionnelle n’a pas permis de lui donner son unité, grâce à une définition et à des méthodes spécifiques. Si bien que la France fait encore figure de pays sous-développé lorsque l’on considère la fréquence de ses accidents et, en regard, la pauvreté et l’imprécision de son équipement. La gestion de son « capital main-d’œuvre : mérite une meilleure attention et un égal intérêt aux disciplines susceptibles de le protéger efficacement, de le valoriser et de le revaloriser. Nous nous attacherons à découvrir les raisons pratiques qui relient très étroitement prévention et réadapta¬ tion à la capacité de travail, à la valeur ouvrière à l’adaptation, pro¬ fessionnelle, c’est-a-dire, en définitive, à une politique générale de la main-d’œuvre davantage qu’à une réglementation théorique ou à des créations plus ou moins coupées de la réalité. b) Fréquence régionale et professionnelle: Pénétrons plus avant dans l’étude du rapport N. accidents avec arrêt N assures. que nous appellerons provisoirement « fréquence des accidents », et voyons quelles sont ses valeurs et sa signification dans le découpage régional. Le classement du diagramme n° 3 est établi en tenant compte de la distribution des accidents graves et bénins, c’est-à-dire de ceux qui laissent après eux des séquelles indemnisables et ceux qui abou¬ tissent à une guérison pratiquement complète. Comparé au classement des Caisses Régionales selon la proportion d’assurés, le classement des fréquences offre un certain nombre de divergences. La région de PARIS, la plus peuplée, ne se place ici qu’au sixième rang tandis que celle de MARSEILLE est largement en tête. Nous comprenons ainsi que la fréquence soit une composante essen¬ tielle du risque. Garde-t-elle une relation statistique quelconque avec les « populations-assurés » 2 Le coefficient de corrélation entre la répartition des assurés et la valeur de N. accidents avec arrêt par Caisses Régionales, nous. N assurés donne r. — 0.16, ce qui correspond à une probabilité réduite d’associa¬ tion entre ces deux données. Les régions présentent, par conséquent des fréquences qui ne dépendent que de très loin de leurs densités industrielles. Il nous faudra donc rechercher d’autres raisons à f différences caractéristiques de fréquence sur le diagramme n° 7 ETUDE STATISTIQUE 21 Diagramme N° 3 et 4. Moyenne: 11,2 - Variance: 7,04 - Écart-type : 2,65 Erreur type de la moyenne: 0,66 - Coefficient de variation : 0,23 A priori, nous pourrions supposer que le type d’activité prot sionnelle va influer très directement sur la fréquence d’accidents. Nous étudierons donc cette fréquence dans le cadre du découpage profession¬ nel en 15 ramilles Tout d’abord, les diagrammes ne 5 et’e nous donnent un aspect de la distribution des assurés et des accidents en situant les N. de la famille professionnelle. valeurs du rapport. N du pays Trois familles dépassent largement la moyenne des « populations¬ assurés » : la Métallurgie, l’Interprofessionnel et le Bâtiment. De son côté, la répartition des accidents met en évidence d’assez notables divergences, contrairement à ce que nous avions remarqué dans les séries régionales La Métallurgie et le Bâtiment, par exemple, présen¬ tent beaucoup plus d’accidents que ne le laisserait prévoir leur pour¬ centage d’assurés Ces différences s’expliquent sans doute par la nature des travaux effectués et par le risque 7 spécifique 5 de chaque famille. N. accidents avec arret Le calcul du rapport. en effet, montre des N assure 22 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN ETUDE STATISTIQUE 23 Diagramme N°7 Moyenne : 11. 1 -Variance :7. 04- Écart-type. Métallurgie et Bâtiment dépassent toujours la moyenne, mais d’autres professions, beaucoup moins éprouvées en nombre absolu d’accidents, la dépassent aussi de façon notable: Pierres et Terres à feu, Transports et Manutentions, Bois, Et ce qui nous parait éloquent c’est que la variance de cette série soit 6 fois plus élevée que celle de la série régionale et que le coefficient de corrélation, entre les fréquences ainsi calculées par profession et les chiffres de « popula¬ tions-assurés » atteigne la valeur de r = 9,35. La relation est par conse¬ quent plus nette dans le découpage professionnel que dans le décou-¬ page régional, tandis que les fluctuations professionnelles sont plus amples que les fluctuations régionales. c) Le taux de fréquence : Pour résumer ces quelques notions sur la fréquence des accidents, nous ferons appel à la formule établie à MONTREAL, au cours d’une conférence internationale destinée à normaliser le calcul du « taux de fréquence 5. Dans cette formule intervient le nombre d’accidents, mais celui-ci est rapporté au nombre d’heures-ouvriers et non plus au nombre d’assurés. La correction parait judicieuse, puisque le nombre. d’assurés est sujet à variations, dont les plus importantes sont le cho¬ Erreur-type de la moyenne :9. 50— Coefficient de variation : 0,71 24 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Image et le travail saisonnier. En fait, la connaissance du nombre. d’heures-ouvriers, se heurte à des difficultés considérables, car il est présentement impossible d’obtenir des entreprises un tel décompte dans des conditions de rigueur suffisantes. Nous nous en remettrons aux calculs de la Caisse Nationale, en précisant qu’ils nous serviront sur¬ tout d’éléments de comparaison, et que par conséquent leur, valeur¬ absolue ne nous intéressera pas directement. La formule de MONTREAL se présente ainsi : Taux de fréquence. N. accidents avec arrêt x 1 900 000. N. total d'heures-ouvriers Le chiffre obtenu se situe entre 0 et 99 et certains techniciens préfèrent le réduire à un chiffre de 9 à 9, c’est-a-dire qu’ils multi¬ plient le N. accidents avec arrêt par 100000. Mais nous avons suivi rigoureusement la convention internationale dans le diagramme n° 8. ou les professions ont été classées selon la valeur de leur taux de fréquence. Diagramme N° 8. Moyenne : 53— Variance : 711— Écart-type : 27. Cinq familles dépassent la moyenne nationale de 59: Batiment. Pierres et Terres à feu. Métallurgie. Transports et Manutentions, Bois. Les trois premières sont très remarquables par un dépassement de 25 ETUDE STATISTIQUE plus de 0,50. Notons également que la Métallurgie fait un usage fré¬ quent du registre d’infirmerie et garde au travail des accidentés légers 193945 pour la région du Nord-Est, soit 1.36. dans la proportion de 142-439 20 953 — 9.28 accident léger. Par contre, le Bâtiment n’enregistre que 173 372. ce qui signifie que l’arrêt de travail y est plus fréquent,. De son coté. 1791. les Pierres et Terres à feu enregistrent - — 979 accident léger. 21 395 Cette correction apportée à la valeur du taux de fréquence montre que ses résultats méritent quelque interprétation. Ils peuvent varier selon l’usage qui est fait du registre d’infirmerie, c’est-à-dire, en fait selon la conception que l’on a de l’arrêt de travail et de la possibilité de continuer les activités professionnelles malgré un accident bénin. Or, cet aspect du problème est délicat à résoudre car il comporte des facteurs psychologiques et techniques à ce point intriqués que nous ne hasarderons aucun jugement général, qu’une multitude de cas par¬ ticuliers viendrait inévitablement contredire avec plus ou moins de pertinence. De toute manière si nous nous référons aux résultats bruts du taux de fréquence, la corrélation entre ses valeurs dans la série pro fessionnelle et le nombre de travailleurs nous donne r. — 9,68. Il existe donc une association significative entre ces deux données, Nous retrou¬ vons notre première remarque relative à la distribution des accidents dans le découpage régional, et nous pouvons établir assez de cer¬ titude que la fréquence des accidents varie bien avec le nombre d’assu¬ rés, d’autant plus surement que nous nous plaçons dans le cadre des familles professionnelles. Mais cet aspect « distributif » ne nous donne qu’une notion très limitée du risque, car il ne nous enseigne aucune¬ ment les incidences pratiques des accidents, que nous saisirons à tra¬ Vers les incapacités et les dépenses. d) L’unité-Prévention . Une caractéristique intéressante de la fréquence est sa variation avec le nombre de travailleurs selon l’importance de l’entreprise, Après les distributions régionales et professionnelles, la distribution selon le volume de l’établissement nous apporte une vue très analytique, beau¬ coup plus liée aux conditions même du travail. Nous disposons ici de deux sortes de documents : ceux de la Caisse Nationale, où sont ven¬ tilés les accidents dans 7 rubriques, et ceux de la Caisse Régionale de NANCY, ou nous connaissons les effectifs des Entreprises et où il nous sera donc possible de calculer les fréquences dans chacune de ces 7 rubriques. La ventilation absolue des accidents nous est donnée par lle diagramme ne 9. 26 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Diagramme N° 9. Un maximum d’accidents touche les Entreprises de 10 à 49 ouvriers et de 100 à 1909 ouvriers. Or. le graphique, n° 10, établi pour la région du Nord-Est, montre que la fréquence est fondamentalement différente. Les Entreprises de 300 à 1 99d ouvriers apparaissent comme les moins fréquemment touchées par les accidents, tandis qu’elles en four¬ nissent la plus grande proportion. Nous pouvons déduire de cette. comparaison :. que, du point de vue méthodologique la fréquence étant beau¬ coup plus significative du risque que le nombre brut d’acci¬ dents, il y aurait intérêt à connaitre les effectifs des Entreprises auxquels se rapportent les ventilations absolues, en particulier le nombre d’heures-ouvriers : que les graphiques établis dans le Nord-Est montrent une orien¬ tation similaire pour la moyenne générale et les industries de la Métallurgie et du Bâtiment : ce sont les petites et movennes. Entreprises qui fournissent la plus grande fréquence d’acci¬ dents, et le risque augmente au-delà de 2000 ouvriers, après un minimum entre 300 et 1 999 ouvriers. Il semble, par consé¬ quent, que le danger s’accroit avec la dispersion des mesures. 3 *r passent en dessous de la moyenne nationale. Si bien que nous en dédui¬ 21 ETUDE STATISTIQUE Diagramme Ne 10. Diagramme N°10 de prévention, soit parce que les entreprises sont éparpillées géographiquement, soit parce que leur faible volume s’oppose à des mesures d’ensemble cohérentes. L’unité optima de pré vention peut-être estimée à 1500 ouvriers : que, contrairement aux résultats de la France entière, la Métal-¬ lurgie du Nord-Est présente une fréquence supérieure au Bati-¬¬ ment et à la moyenne générale. Nous n’en voulons pour preuve que le diagramme n° 11 relatif au Nord-Est, où sont comparées. N. accidents avec arrêt pour les années. les valeurs du rapport N assurés. 1956 et 1958. Sur ce même diagramme, nous pouvons également remarquer que de sensibles efforts de prévention ont permis une diminution de la fréquence dans la Métallurgie, mais que celle-ci reste la plus exposée. à cet aspect du risque, avec, au second plan, le Bâtiment, les Pierres. et Terres à Feu et le Bois, Par contre, les Transports et Manutentions 28 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN sons avec certitude que la politique de prévention change d’aspect. suivant les régions et le caractère propre des Entreprises. La préven¬ tion ne peut être que régionale, pour coordonner les actions des unités élémentaires. Diagramme N°11 II. — LA NOTION DE GRAVITE Avec la gravité nous abordons une donnée complexe, où inter¬ viennent des facteurs individuels et collectifs, sociaux et financiers. Nous situons ainsi les chances d’un accidenté de subir un trauma¬ tisme important, long à guérir, laissant après lui d’importantes séquel¬ les. Nous situons également les chances de la collectivité économique. d’avoir à supporter une cotisation lourde, et celles des Organismes. d’Assurance d’avoir à gérer, avec tout leur appareil administratif les rentes et les charges d’inaptitude au travail dans leur ensemble. La¬ gravité du traumatisme est très précisément ce point de jonction entre. le risque individuel et le risque collectif or se manifeste une par-¬¬ faite solidarité du monde du travail devant le phénomène pathologique. de l’accident : solidarité dans les charges, comme dans les mesures de prévention, de thérapeutique et de reclassement des victimes Séquelles, mais qu’il rencontrera les plus grandes difficultés à situer ETUDE STATISTIQUE 29 a) Handicap et accident grave. Nous pouvons étudier la gravité selon plusieurs critères: le plus N. accidents graves. qui simple découle du rapport élémentaire N. accidents avec arrêt. est en quelque sorte l’expression de la densité des traumatismes suivis. de séquelles indemnisables, tandis que des critères plus complexes font intervenir les durées d’arrêt de travail par incapacité temporaire ou permanente. La densité des traumatismes graves situe l’importance initiale des accidents, mais elle donne également une première idée de l’ampleur des mesures qui s’imposent pour redonner aux accidentés une « valeur ouvrière x conforme à leurs capacités antérieures En fait, la question posée est celle-ci: la densité des accidents graves correspond-elle, et de quelle manière, à un, nombre superposable de « diminués profes¬ sionnels » 2 En d’autres termes: les séquelles indemnisées sont-elles suivies d’une amputation correspondante de la capacité de travail et de gain 2 Là est le véritable problème, si nous voulons comprendre de quelle manière il convient d’atténuer ou de supprimer le handicap professionnel et social, c’est-à-dire de compenser les séquelles pour¬ que les traumatisés redeviennent des travailleurs comme les autres. sans altération — ou avec la moindre altération possible. — de leurs laptitudes pratiques. Ici nous apparait essentielle, pour la suite de l’élude, cette dis- tinction entre « séquelles » et « handicap » Par « séquelles » nous entendons une diminution plus ou moins accusée de la valeur fonc¬ tionnelle des organes traumatisés, associée ou non à une diminution. d’autres aptitudes, en particulier mentales, Par « handicap 5, nous entendons une incapacité plus ou moins grande d’effectuer telle ou telle opération de l'activité professionnelle ou extraprofessionnelle antérieure, comme par exemple, la manipulation d’un outil, d’une. machine, la conduite d’un engin, la manutention d’une charge, ou encore la pratique d’une occupation personnelle, jardinage, brico¬ lage, etc. Si bien que « séquelles : est ln ferme médical, tandis que « handicap » est un terme pratique Le premier définit une amputa¬ tion fonctionnelle, le second une amputation des possibilités d’action. Par conséquent, pour des séquelles parfaitement identiques, le handi¬ can est extrêmement variable d’un sujet a l'autre selon ses activitès. habituelles, et, il faut bien le souligner, selon son comportement carac¬ tériel en face des séquelles qu’il présente. Une amputation bilatérale. de cuisse est un handicap professionnel considérable pour le travail¬ leur de force, mais elle laissé entière la capacité de gain du comptable. Un lumbago post-traumatique est un handicap très variable — à inten¬ sité de séquelles identiques. — suivant les dispositions mentales du travailleur, et l’importance subjective qu’il attribue à ses douleurs. En fait, il parait évident que le médecin estimera aisément les. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 30 le handicap, et encore plus les moyens à mettre en œuvre pour le compenser. Nous avions espéré un instant trouver dans les dossiers. d’Accidents du Travail un critère objectif du handicap, à savoir le salaire de l’accidenté avant et après son traumatisme, critère très approximatif sans doute. Or, nos renseignements sont trop partiels pour être mis en avant. Ils nous laissent toutefois la nette impression que le déclassement et la dévaluation sont assez systématiques dès que la rente est un peu importante Cette diminution du gain recouvre¬ t-elle effectivement le handicap ? Nous comprendrons qu’il soit impos¬ sible de l’apprécier en dehors d’un bilan exact de chaque cas parti¬ culier. Et nous retiendrons surtout que le s handicap », fondamenta¬ lement différent des « séquelles », impose de considérer le travailleurt du point de vue de sa capacité ouvrière, dans le contexte économique de son entreprise et de son secteur d’habitation. Pour reprendre une expression heureuse du Docteur GAUNEL, le handicap intéresse la « vie de relations », et son bilan déborde les limites de la seule compé¬ tence médicale. 6) La densité des accidents graves. Le diagramme n° 12 nous montre la répartition géographique dui N. accidents graves où le classement des Caisses Régio¬ rapport : N. accidents avec arret nales est fort différent de celui qui situe la fréquence des accidents avec arrêt. MARSEILLE était en tête au point de vue fréquence, mais rétrograde ici au 7e rang, car les accidents y sont surtout bénins. LVON PARIS et BORDEAUX dépassent assez largement la moyenne nationale, tandis que NANCY se trouve notablement en dessous. De manière assez imprévue, ce classement des densités d’accidents graves. comparé à celui des populations d’assurés, donne un coefficient de corrélation r. — 9,50, c’est-à-dire qu’il établit une association entre ces deux données, plus significative que pour la fréquence. Logiquement, nous comprenons fort bien que, dans une région¬ la proportion d’accidents graves dépende quelque peu des concentra¬ sions industrielles Mais elle dépend sans doute bien davantage du genre d’activités : le Bâtiment, bar exemple, est manifestement plus traumatisant que le Vêtement, Nous interrogerons donc les réparti¬ tions de densités d’accidents graves dans le cadre des familles profes sionnelles pour tenter de confirmer leur association avec les réparti¬ tions des assurés. Le diagramme no 13 reprend le classement des pro¬ fessions d’après leur fréquence d’accidents et souligne les divergences « gravité-fréquence ». L’Interprofessionnel, le Livre, les Transports et Manutentions et le Bois présentent les plus grandes proportions d’accidents graves, et le classement des professions ne correspond plus du tout à celui qui N. accidents graves était établi pour leur fréquence. Le rapport N. accidents avec arret. ETUDE STATISTIQUE 31 Diagramme N° 12. Moyenne :0.053- Variance : 0.00016 — Ecart-type: 0 0126. Erreur-type de la moyenne: 0,0032 - Coefficient de variation:0,24 Diagramme N° 13 Moyenne : 9. 062 -— Variance :0.900221 -Ecart-type : 0. 015. Erreur-type de la moyenne : 0, 003. — Coefficient de variation : 0, 24. 32 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN varie d’ailleurs autant en fonction du numérateur que du dénomina¬ teur, ce qui nous incite à interpréter les résultats avec attention. De toute manière, cette distribution, comparée à celle des populations. nous donne un coefficient de corrélation r. — 9.04, ce qui signifie clai¬ rement que les professions sont très dissemblables au regard de la den¬ sité d’accidents graves. Nous ne tiendrons donc pas compte, pour l’ins¬ tant, de l’association à r. — 9,50 trouvée dans le découpage régional. Mais nous avancerons que ce premier aspect de la gravité est assez caractéristique de la famille professionnelle, si la fréquence nous est apparue directement liée au volume des assurés, par contre, la densité¬ d’A-T. graves n’a plus guère de relations avec lui. Fréquence et den¬ sité d’A T. graves sont deux aspects fort différents du risque, et elles expriment des notions complémentaires et indissociables. e) Les incapacités temporaires et permanentes dans le cadre régional : Une autre manière d’aborder la gravité est l’étude des durées d’in¬ capacité temporaires et permanentes. Un traumatisme est effective¬ ment d’autant plus grave qu’il est suivi d’un long arrêt de travail. ou incapacité temporaire (LT.) et donne lieu à une forte incapacité permanente partielle (LP.P.). Les chiffres de la Caisse Nationale nous livrent ces deux notions de la manière suivante : L’IT, est exprimée directement, par la durée en jours de l’arrêt de travail, depuis la date de l’accident jusqu’à celle de la consolidation : LIPP est calculée indirectement par le produit du taux de rente par 60 (selon une convention internationale), ce qui donne un nombre de journées théoriques d’incapacité permanente. Dans le découpage régional, la valeur de l’I.T. moyenne nous donne le diagramme ne 14 ; Le nombre de journées perdues par arrêt de travail est en moyenne (de 21.6 par accident pour l’ensemble du pays. Une différence de 6,8 journées sépare les deux extrêmes, TOULOUSE et ORLEANS, mais. l’écart-type de la série n’est que de 37. L’IT, se présente donc det manière assez cohérente dans les différentes Caisses Régionales, ses variations étant de l’ordre de 17 4. En ce qui concerne l’IP.P, le diagramme ne 15 montre la répar-¬ tition du nombre théorique de journées perdues, et nous pouvons aisé¬ ment retrouver, à partir de ces chiffres, les taux de rentes moyens. Si nous classons les Caisses par durée d’I.T., et que nous indi¬ quions sur ce même diagramme les durées correspondantes de l’I.P.P., nous avons le diagramme n° 16. La région de STRASBOURG vient en tête distribuant les 1PP les plus fortes, avec un taux moyen de rente atteignant 23 4. Mais nous devons considérer les méthodes particulières de cette Caisse en¬ matière d’appréciation de la date de consolidation et de la rente : lal consolidation y est fixée précocement, et la rente révisée fréquem¬ ment, à mesure qu’est récupérée la capacité de gain et que se déve¬ ETUDE STATISTIQUE 33 Diagramme Ne 14 Moyenne : 21, 3 - Variance : 13.4 Ecart-type : 3.7. Erreur-tvpe de la moyenne : O. 92 -— Coefficient de variation : 0. 171 Diagramme N° 15 Moyenne, 969. Variance,344. Ecart-type : 18,5 Erreur-type de la moyenne : 4, 62 - Coefficient de variation : 0.01 Rapport des variances (Test F.): L.7 donc inférieur à la valeur de 2.41 pour p- 0.05, donnée par la table de Snédécor : il n’existe pas de divergence notable ent re la distribution des incapacités tempo¬ raires et permanentes dans le cadre régional. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 34 Diagramme Ne 16 loppe l’accoutumance aux infirmités définitives. Cette conception pré¬ sente un certain nombre d’avantages psychologiques et pratiques, et elle a le mérite de tenir compte du handicap dans sa réalité profes¬ sionnelle. Nous verrons que, malgré tout, les répercussions financières. en sont importantes, et que nous devons nous garder de tout dogma¬ tisme en la matière. Il serait d’ailleurs intéressant de suivre l’évolu¬ tion de ces taux initiaux et de voir si, après quelques années, nous. n’avons pas un nivellement des charges d’I’P. P. par rapport aux autres Caisses. Après STRASBOURG vient PARIS, et dans un travail antérieur (1). nous avons pu remarquer que les taux de rentes y étaient souvent calculés en tenant compte d’un « coefficient professionnel » plus ou moins élevé, destiné à compenser financièrement les dommages pra¬ tiques entrainés par les séquelles fonctionnelles. Dans la réalité, ces. coefficients, restent incertains et subjectifs, difficilement réductibles avec le temps, et nous préférons la tendance plus objective de la Caisse de Strasbourg. Mais l’équilibre et la justice ne peuvent réelle¬ ment prévaloir que si nous utilisons des critères valables permettant d'estimer le handicap, critères qui ne peuvent être circonscrits dans (1) La Réadaptation des Adultes en France, Dr. H.-G. POULIZAC Monographie. de l’Institut National d’Hygiène ne 10, année 1956. ETUDE STATISTIQUE 35 le seul salaire, Et nous ne pourrons disposer d’une telle méthode que si nous la mettons au point dans des Centres de Réadaptation attachés à la revalorisation professionnelle des handicapés. Nous y reviendrons dans un chapitre ultérieur, Retenons des durées d’I.T. et d’L.P.P. que. selon le rapport de leurs variances, elles fluctuent dans le même sens. Il n’est pas que ces particularités régionales pour expliquer des taux de rentes élevés. Naturellement et plus simplement, nous pouvons aussi penser que les accidents sont d’autant plus graves qu’ils sur¬ viennent dans un complexe industriel plus dense. La corrélation qui existe entre la distribution des assurés dans les différentes régions et la durée moyenne de l’I.P. P, nous donne un coefficient r. — 0.18, cet qui confirme une certaine association, déjà trouvée à propos du rap¬ N. accidents graves port. s, de toute manière, non significative. N accidents avec arrét Notons, en passant. que le taux d’I.P.P. moyen de la France entière. se situe aux environs de 16,4 77, correspondant à une durée théorique de 938 jours la durée pondérée par Caisse étant de 936 jours, soit un taux de 15,6 72. d) Les Incapacités dans le cadre professionnel. Placons-nous, maintenant dans le cadre des familles profession¬ nelles et nous obtenons des résultats différents Le diagramme ne 17. représente les durées d’I.T, qui varient de 18 jours dans la Métal¬ Jurgie à 26 jours dans les Transports et Manutentions L’écart-type n’est que de 2.20, c’est-à-dire que les variations de l’LT. sont moins marquées que pour les distributions régionales, avec un coefficient de variation de 9 d au lieu de 17 26.) Quant aux journées perdues par 1P p. leur distribution est repré¬ sentée par le diagramme n° 18, où le classement des Métiers correspond là celui de la répartilion des accidents. Les chiftres représentés expriment le rapport : N. total de journées d’IPP de la famille. N otal de journées d'IPP du pays il s’agit donc d’une ventilation, qui ne nous donne qu’une vue. très approximative de la question. Plus intéressant est le rapport N. journées d’LPpl parce qu’il nous montre le « pouds » de l’accident N. assuEésl et de l’incapacité sur la famille professionnelle. Le diagramme m° 19 nous indique la répartition de ce rapport, les professions étant classées Iselon le volume de leurs assurés : Le Bâtiment, les Pierres et Terres à Feu, les Transports, et. Manutentions, le Bois dépassent la moyenne. Nous retrouvons la, mise. à part la Métallurgie, les professions déja remarquées pour leur faux 37 ETUDE STATISTIQUE Diagramme Ne 191. Moyenne :7, 8 — Variance: 30 76 -— Écart-type : 5. 5. Erreur-type de la moyenne : 1.37 — Coefficient de variation : 0.70. de fréquence élevé Considérons comme exceptionnelle la valeur de l’I.P.P, par assuré que nous donne l’Eau. le Gaz et l’Électricité : le faible volume d’assurés, n’a pas suffisamment « dilué » un nombre important de journées d’IP. P., correspondant sans doute à quelques. accidents très graves, puisqu’en fréquence ceux-ci ne sont pas anor- malement nombreux (cf. diagr. 7). Un autre aspect de la gravité des accidents est donné par la durée moyenne de l’I.P.P. par accident grave, ce qui nous permet de remonter aux taux de rentes moyens, comme nous l’avons fait pour¬ les Caisses Régionales Le diagramme, ne 20 concerne la distribution professionnelle de cette durée moyenne d’I.P. P., et le classement des professions correspond à la valeur de l’I.T. dans chacune d’elles. Comparée à la variation régionale de l’I.P.P, la variation profes¬ sionnelle est de 938 contre O.O1. La- profession donne donc à FIPP. une valeur spécifique Nous obtenons une modification inverse de celle de l’IT., dont les variations s’atténuent au contraire dans le cadre. professionnel. Comparée à la variation, professionnelle de l’IT, celle de l’IPP. est 4 fois plus accusée. Le rapport des variances est incontestable¬ ment révélateur d’une hétérogénéité entre ces deux notions, alors qu’il aboutissait à la conclusion inverse dans le découpage régional¬ ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 38 Diagramme Ne 20. Moyenne: 1 015- Variance: 151 917 — Ecart-type 390. Erreur-type de la moyenne: 102 - Coefficient de variation: 0,38 De toute manière :. — L’I.T, varie moins que l’IP. P. ; — L’IPP est une caractéristique significative du risque propre à chaque famille professionnelle. e) Le taux de gravité : La conférence de MONTREAL à proposé de réunir ces deux don¬ nées en une même formule pour définir la gravité : N. total journées perdues X 1900. Taux de gravité. N total d’heures-ouvriers. Il est évident que dans cette formule: — Les valeurs de l’IT atténuent les variations de l’I p p puis-¬ qu’elles présentent une dispersion nettement moins accusée : — Les valeurs, de l’I.P.P. gardent cependant leurs possibilités d’ex. N. journées I.T. est grossiè¬ pression, puisque le rapport N’journées I.P.P. rement de 1/3; taux de gravité. ETUDE STATISTIQUE 39 Le dénominateur du taux de gravité comporte les N. heures¬ ouvriers dont nous avons vu la supériorité sur le N. ouvriers. mais ce genre de renseignement est particulièrement difficile à connaitre avec précision. Les calculs de la Caisse Nationale nous permettent, pour douze familles professionnelles seulement, d’établir le diagramme ne 21 des Diagramme Ne 21. Moyenne : 4,6 - Variance: 6,79 - Ecart-type:2,6à Erreur-tvpe de la moyenne: 0,69 - Coefficient de variation: 0,56 Cina familles dépassent la moyenne, qui étaient déjà remarquables. par leur taux de fréquence, Mais tandis que Bâtiment et Pierres et Terres. à Feu présentaient un taux de fréquence dépassant la moyenne de 0.50, leur faux de gravité dépasse la moyenne de 9.90. Et nous n’obte¬ nons pas d’association entre taux de gravité et N. assurés. Le coefficient r=0.27. Il est donc intéressant de connaitre la corrélation éventuelle entre. taux de fréquence et taux de gravité. Le nuage des points représentant les valeurs des taux de fré¬ quence et de gravité est tellement allongé qu’il est presque linéaire. Il existe donc avec certitude une corrélation étroite entre ces deux valeurs. ce que nous confirmons par le calcul de r — 0,98. Ce chiffre, excep¬ tionnellement élevé, démontre qu'il existe une liaison hautement signi¬ ficatipe entre tauxr de fréquence et de arapité, En matière d’accidents. du travail, fréquence et gravité vont de pair, ou du moins les notions que nous en donnent les taux de la conférence de MONTREAL. 40 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN L’ensemble de nos résultats sur la fréquence et la gravité nous conduisent à trois conclusions essentielles : — La fréquence dans les familles professionnelles, varie schéma¬ tiquement suivant le volume des travailleurs : La densité des accidents graves et L'I.P.P. sont, beaucoup, plus 2 expressives du risque propre de chaque profession : Les taux de fréquence et de gravité, toutefois, sont en corré¬ — lation parfaite, le coefficient de régression étant de bg/f = 1,521 bf/g = 0,657 pe. (Le taux de fréquence étant ramené à l’échelle de 0 à 9.). IV. — LE COUT DES ACCIDENTS. Il n’est pas que la fréquence et la gravité pour exprimer les inci¬ dences de l’accident. Les dépenses entrainées par les prestations en nature et en espèces, comme celles qui correspondent à la gestion des dossiers d’accidents, vont peser d’un poids assez variable sur la collec¬ tivité : à l'I.T. et LP.P. égales, ces dépenses ne sont nullement compa-¬ rables, car les interventions médico-chirurgicales, les niveaux de salaires et les modalités de gestion sont assez dissemblables d’une, région 2 l’autre, d’une lésion à l’autre, d’un assuré à l’antre Il n’est pas pos¬ sible de caractériser le risque sans tenir compte de ce facteur finan-¬¬ Erreur-type de la moyenne: 9, 42- Coefficient de variation : 0. 125. ETUDE STATISTIQUE 41 cier, comme il ne semble pas possible de le placer uniquement sur ce seul plan des dépenses. a) Les charges collectives de l’accident : La collectivité est exposée à des charges financières dont nous avons une première idée en considérant le montant des cotisations. En 1956. il était de 85 milliards de francs anciens Si nous admettons. l’opinion d’auteurs incontestables, français et américains (cf. P. BOVEU- VRE dans « Hommes et Techniques », n° 52. avril 1959), le coût réel des accidents comporte également les dépenses entrainées au sein det l’Entreprise, par lès arrêts de fabrication) la détérioration des machi¬ nes, les difficultés de remise en route, les enquêtes diverses. L’acci¬ dent fait « tache d’huile » autour de sa victime et altère plus ou moins profondément la vie de l’Entreprise, son rythme productif, la psycho¬ logie de ses équipes. Le calcul du coût réel nous donnerait un chiffre à peu près équivalent à quatre fois le montant des cotisations — ou pour certains, des prestations-Pour la France entière, nous obtenons. ainsi le chiffre de 350 milliards de francs pour la seule année 1956. Quant au coût réel des accidents sans arrêt de travail, il nous est plus difficile de le fixer, faute de renseignements et de critères précis Diagramme N° 22. Moyenne :304- Variance: 1 416 - Ecart-type :37, 68. 42 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Pour n’être théoriquement pas comparable à celui des accidents avec arrêt, il représente toutefois un nombre considérable d’heures consa¬ crées aux pansements. Dans la seule région du Nord-Est, les médica¬ ments fournis en 1956 aux Entreprises par la Caisse Régionale de NANCY ont coûté 16 499 556 francs, tandis que le remboursement prévu pour la rémunération du personnel infirmier se montait à 4856 716 francs (en application de la circulaire de la Direction Géné¬ rale de la Sécurité Sociale ne 22 SS du 11-3-1953). Si la base du calcul des prestations en espèces et des rentes est constituée par le salaire de la victime, il est donc essentiel de consi¬ dérer tout d’abord les salaires moyens des différentes régions pour ent saisir les variations (diagramme ne 22).. De MONTPELLIER, où le salaire est le plus bas, jusqu’à PARIS. ou il est le plus élevé, la différence est très notable : 150 000 francs par an. MONTPELLIER s’écarte de la moyenne de 17 % en moins, et PARIS de 30% en plus. L’écart-type est de 3768 et la fluctuation moyenne de 12%. De telles variations expliquent une certaine incidence du niveau de salaire sur le coût des incapacités. Remarquons, sur ce même graphique, que le pourcentage des cotisations varie également de façon importante entre 24,4% 5à PARIS et 37,3% à MARSEILLE Variations du salaire, qualifications professionnelles, appréciations des incapacités vont donc se combiner dans le montant des prestations. b) Le coût géographique : Compte tenu de ces précisions nous pouvons calculer le coût moyen des incapacités dans les différentes régions. Sur le dia¬ gramme n° 23, nous avons repris le classement des Caisses selon la durée de l’I.T, et représenté le coût de cette incapacité dans chacune d’elles. Sur le diagramme n°24 nous avons pratiqué de la même facon en ce qui concerne l’I.P. P. Le coût des incapacités temporaires et permanentes ne correspond que très approximativement aux durées de ces incapacités. Deux diver¬ gences notables : MARSEILLE présente un prix de revient de l’I.T. très élevé et un prix de revient de l'I.P.P. faible, ce qui signitie que la consolidation intervient tardivement et ne laisse que des séquelles peu importantes. ORLEANS, par contre, consolide précocement et sert des rentes élevées. Loin de nous la pensée d’y voir une doctrine pos¬ sible, d’après laquelle une consolidation fardive conduirait à une meil¬ leure, réduction des séquelles et par la à une économie — puisque l’1.P.-P. intervient lourdement sur le coût global. — Bien des facteurs interviennent dans la longueur de l’LT, qui sont souvent étrangers à la gravité du traumatisme.. Mais il nous a semblé utile de rechercher de manière plus détaillée les incidences financières de l’une et l’autre posi¬ tion en matière de consolidation, et de voir si pratiquement elles sont suivies d’une réduction quelconque des charges, Sur lé diagramme ne 25 nous avons groupé le coût de l’LT, et celui de l’L.P.P., et classé les Caisses Régionalés suivant le con̂t global qui inclut les charges de Gestion et de Prévention : 44 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Diagramme Ne 25. La Caisse de BORDEAUX présente un coût global élevé en rai¬ son d’une charge d’incapacité dépassant la moyenne, et surtout d’une. Gestion-Prévention lourde. STRASBOURG, qui était en tête du point. de vue LPP, ne dépasse la moyenne que très faiblement car sa Ges¬ tion-Prévention est peu coûteuse. LILLE la dernière pour sa faible durée d’I.P.P, reste parmi les dernières pour son coût global. de même que MARSEILLE et NANCY De cette confrontation nous pouvons déduire que la Gestion-Prévention présente d’assez notables variations d’une Caisse à l’autre, sans relation avec l’importance de l’incapacité ((moyenne: 0,22). Le diagramme, ne 26 classe les Caisses Régionales suivant les Coût I.P.P. valeurs du rapport Coût I.T. La position de NANCY est, à notre sens, très caractéristique d’un équilibre, car elle s’écarte des doctrines systématiques et permet d’obte¬ nir un con̂t global parmi les plus faibles. La logique, d’ailleurs, nous incite à penser qu’il ne saurait exister de critères financiers en un¬ domaine où, seules, commandent les considérations médicales et mé¬ dico-sociales. La consolidation est liée à l’état de santé avec d’antan plus de certitude que la multiplicité des « individualités biologiques " explique assez les particularismes en cette matière. Et si nous tenons. compte de l'esprit et de la lettre des textes de Sécurité Sociale, qui ETUDE STATISTIQUE 45 font intervenir la capacité de travail et de gain comme l’indépendance sociale, c’est-à-dire des critères professionnels et sociaux d’une com¬ plexité extrême, nous comprenons fort bien que les moyennes statis¬ fiques perdent alors toute espèce de signification. Diagramme Ne 26 Il n’est pas superflu de considérer ici les incidences d’une conso¬ lidation trop précoce ou trop tardive, car les dommages pratiques et psychologiques d’une position trop systématique sont encore plus gra¬ ves que les dommages financiers. Une consolidation trop précoce laisse le blessé dans une situation physique souvent améliorable et l’oblige à reprendre ses activités avec un handicap plus ou moins accusé : nous augmentons de cette manière le nombre ’dé handicapés et nous réduisons leur capacité de travail et de gain. On pourra dire, sans doute, que la reprise de travail est un moyen de traitement fonctionnel, mais cette considération purement médicale reste théorique lorsque nous connaissons quelque peu les exi¬ gences des Entreprises, qui sont d’employer une main-d’œuvre norma¬ lement productive. Au reste, le déclassement inévitable qui sanctionne une reprise de travail avec un handicap est très rarement corrigé par la suite. L’argument de la « pension compensatrice » reste un vigou¬ reux préjugé, et d’autre part le handicapé ne porte pas en lui la¬ volonté et le désir spontanés de compenser sa déficience. Loin de cons¬ tater une réadaptation par le travail, nous assistons bien plutôt à la Ia momification » d’un état fonctionnel dont les uns et les autres espé¬ ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 46 rent tirer le meilleur parti. Ce fait est très précisément mis en évi¬ dence par les enquêtes que nous avons pu effectuer après la reprise de travail. Ce n’est pas le rôle de l’Entreprise d’organiser et de sur¬ veiller méthodiquement, au sein de ses circuits productifs, des progres¬ sions dosées de Réadaptation, dans le but d’améliorer la capacité de gain. Que la profession, et l’Entreprise en particulier, aient un rôle. déterminant dans cette tâche, nul' ne le conteste, mais le bilan et l’orientation du handicapé, comme son réentrainement physique, men¬ tal et technologique, ne peuvent être rationnellement conduits que dans des Centres spécialement équipés à cet effet, et articulés avec les Industries régionales. Aussi importantes sont les conséquences mentales et physiques. d’une incapacité trop longue, favorable à une progressive atrophie des dispositions au travail et des aptitudes productives. La longueur de l’TT, ne peut se concevoir dans l’attentisme d’une guérison spontanée. lorsque l’on considère les lois impératives de la vie, qui imposent un exercice permanent des fonctions organiques si l’on veut éviter leur détérioration : l’altération fonctionnelle s’inscrit à la longue dans le sub¬ stratum anatomique des organes. Lorsque la lésion traumatique est réparée, c’est dans une convalescence active et dans un exercice condui¬ sant peu à peu aux rythmes antérieurs que nous gardons la possi¬ bilité pratique de réparation fonctionnelle. C’est assez démontrer la nécessité absolue, dans un cas comme dans l’autre, d’un double équipement sanitaire et social Sanitaire, pour traiter en milieu spécialisé les accidentés du travail et pour soigner autant les lésions que leurs séquelles : le bénéfice en est une réduction de l’LT, et surtout une gué¬ rison fonctionnelle:. (Social, pour réadapter au travail et aux tâches extranrotes¬ sionnelles les handicapés de tous ordres: le bénéfice en est une réduction de l’LP P. et mieux encore une réduction du handicap. Nous aboutirions ainsi à une définition juridique et technique très cohérente de ces deux disciplines : la Traumatologie, attachée aux lésions et à leurs séquelles, finissant à la consolidation médicale, et d’autre part la Réadaptation, attachée au handicap finissant à la reprise du travail, que nous pouvons également appeler la « consolidation sociale ». Statistiquement, nous pourrions de cette manière étudier rigoureusement les dépenses afférentes à l’IT, et à l’I.P.P et suivre l’évolution et le traitement de l’une et l’autre incapacité. Technique¬ ment, nous aurions une distinction heureuse entre des méthodes encore souvent confondues, et nous pourrions améliorer notablement la valeur professionnelle des accidentés du travail en la traitant de manière spécifique, en milieu compétent. En fait, la clé du problème de la consolidation n’est pas dans une doctrine financière hi dans un « systême » quelconque, Elle est dans un équipement sanitaire et social valable et correctement adapté là son objet. Telle est aussi la conclusion qu’une pratique du contrôle. 1 4 * ETUDE STATISTIQUE 47 médical de la Sécurité Sociale nous avait déjà inspirée: l’arme essen¬ fielle du Médecin-Conseil chargé de celle redoutable décision de la consolidation et de l’estimation du handicap n’est pas d’ordre répres¬ sif, statistique ou doctrinal, mais elle est constituée par la possibilité pratique de réaliser un traitement fonctionnel précoce et une Réadap¬ tation pensée en termes professionnels et sociaux. Nous verrons, en sont temps, l’aspect légal de) cette question et l’évolution souhaitable des textes, si nous voulons qu’ils recouvrent et stimulent les progrès techniques. e) Le cout professionnel. Ces différentes remarques, inspirées par les variations du cont de l’incapacité dans le cadre régional, méritent d’être confrontées avec celles que peut nous inspirer l’étude du coût de l’accident selon les professions. Les diagrammes ne 27, 28 et 29 nous donnent les varia¬ tions du coût de l’LT., de l’LP. p, et des charges de Gestion-Prévention- dans ce découpage : Diagramme Ne 27. Moyenne; 25- Variance. 27— Ecart-type:5 19. Erreur-type de la moyenne : 1, 29- Coefficient de variation : 0, 20. A comparer au résultat du diagramme Ne 23 : Test F de 2. 12, c’est à dire voisin de la limite prêvue pour p.-0.05. Le coût de l’L T. est sensiblement comparable dans le découpage régional et dans 1 découpage professionnel. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 48 Diagramme Ne 28 Moyenne: 495 — Variance : 57 6 Ecart-type : 7,59 Erreur-type de la moyenne : 1, 89 — Coefficient de variation : 0.01. A partir de ces chiffres, il nous est possible de calculer un cer¬ tain nombre de corrélations : — entre le coût de l’IT et celui de l’I P P: r. — 945 Cette rela¬ tion assez significative reste logique et ne mérite aucun com¬ mentaire : entre le coût de l’I. P. P. et le coût global; r. — 9.11. La rela¬ tion est moins évidente entre ces deux valeurs : entre le coût de l’IT. et le cont global. r. — 9,54. Il existe. une corrélation significative entre l’incapacité temporaire et le coût global, ce qui ne manque pas de nous étonner¬ Le coût de l’LP.P, reste une caractéristique expressive du risque professionnel, mais ses fluctuations sont considérablement atténuées : 10-01 contre 9.38 pour la durée. A l’inverse, le coût de l’I.T. fluctue davantage que sa durée-O, 20 contre 0.09. Au fotal le risque financier doit nécessairement tenir compte du coût de l’IT. et de l'I.P. P. étant données leurs variations spécifiques et leurs relations différentes avec le coût global. Si nous calculons les écarts à la moyenne des différentes valeurs du cût de l’incapacité, nous obtenons des chiffres qui confirment cette constance du coût de l'I.P.P. La somme des carrés des écarts du coût ETUDE STATISTIQUE 49 40 Diagramme Ne 29. Moyenne :62 - Variance : 246 — Ecart-type : 15, 68. Erreur-type de la moyenne: 3. 92 - Coefficient de Variation : 0, 19. de l’LT, où Σu² étant supérieure à la somme des carrés des écarts. du con̂t de l'I.P.P. ou Σv² (ramenés à l’échelle de l’I.T.) : Σu² = 364 Σv²= 150 C’est pourquoi nous avons calculé la corrélation entre le nombre des accidents avec arrêt et le montant des prestations par accident, Le coefficient est de r=0.71. c’est-à-dire que l’association est signi¬ ficative. La même conclusion s’impose à l’éthde des carrés des écarts à la moyenne du coût des prestations par accident. La somme de cest carrés est : Σy² = 263 (Celle-ci se place donc à mi chemin entre Σu² et Σv² (écarts du coût de l'I. T. et de celui de l’I.P.P.). Σu²=364 (I.T.) Σv² = 150 (I.P.P.) Σy² = 263 (prestations globales). Erreur-type de la moyenne : 0. 43 -— Coefficient de variation : 0. 80 120 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Le diagramme ne 29 présente les variations du coût global moyen : les Groupes professionnels où l’accident est le plus cher sont ceux de l’Interprofessionnel, du Livre, de la Chimie, des Transports et Manu¬ tentions. La Métallurgie, qui fournit la plus grande proportion d’acci¬ dents avec arrêt (0.346), obtient un coût global parmi les plus faibles, sans doute en raison du phénomène de dilution statistique, Pierres et Terres à Feu et Bâtiment restent en dessous de la moyenne: là encore. il s’agit d’un étalement des dépenses dans un nombre important d’acci¬ dents bénins. La notion du coût moyen d’un accident du travail est donc sujette à interprétation, car le chiffre brut varie de manière déci¬ sive avec le volume des accidents de la profession ou de la région, avec la proportion d’accidents graves et le taux des séquelles résiduelles. Pour caractériser l’aspect financier des AT. la Caisse Nationale. prestations ce. nous donne un Taux de Risque, qui est le rapport salaire rapport correspond au s poids » de l’incapacité sur l’ensemble des res¬ sources salariales, et ses variations par professions nous sont révélées par le diagramme n° 30). Diagramme Ne 30. Moyenne; 2, 17 -— Variation : 1.75 - Ecart-type : 1.32. Cotisation nous conduit à des constatations intéressantes. Dans une ETUDE STATISTIQUE 51 (Le classement ainsi obtenu se rapproche du classement établi pour le rapport journées LP.P. 1(cf, diagramme n° 19), D’antre part le coef- assurés ficient de corrélation entre le volume d’assurés et le Taux de Risque. financier nous donne r. — 9.05, c’est-à-dire que la masse des presta tions varie de manière caractéristique dans chaque famille profession¬ nelle. Ces deux remarques s’unissent pour donner au Taux de Risque une valeur plus expressive que le montant des prestations par accident (corrélation 0,18 avec le volume d’assurés et 0,56 avec N.A-T. avec arrêt). Si nous considérons, enfin, non plus les prestations, mais le mon¬ tant de la cotisation par accident, tel qu’il nous est donné par le dia¬ gramme ne 23, nous faisons alors intervenir les frais de Gestion-Pré¬ vention dans le prix de revient. La corrélation entre cette série de chiffres et la distribution des accidents avec arrêt nous donne r. — 923. La cotisation par accident est donc plus dispersée que le Taux de Risque, Pour exprimer le poids financier de l’accident, nous préfèret rons faire appel au montant de la cotisation, c’est-à-dire que nous esti¬ mons très importante la valeur de la Gestion-Prévention. Si nous res¬ tions dans une optique purement administrative, nous pourrions choi¬ sir le Taux de Risque, qui sert de base au calcul des charges complé¬ mentaires. Mais si nous nous plaçons dans une optique de Prévention, nous choisirons la charge globale de l’accident, toutes dépenses comprises. Avec la cotisation moyenne par accident nous tenons un chiffre qui complète les deux facteurs précédemment étudiés, Fréquence et Gravité. Il constitue la troisième caractéristique du Risque et, comme les deux autres, il prend sa meilleure signification dans le cadre pro¬ fessionnel. Si nous l’étudions dans le temps, pour suivre les varia¬ tions de la charge financière des accidents, il présente alors tout son intérêt, malgré les quelques fluctuations du nombre d’assurés. V. — POUR UNE DÉFINITION ÉLARGIE DU RISQUE : Il nous apparait intéressant de tenter le regroupement de ces trois expressions en une formule unique, qui nous donnerait un chiffre signi¬ ficatif : un coefficient de Risque, malgré le reproche qui pourrait lul être fait de diluer les significations dé ses éléments, constituerait un 2 symptôme » capital de l’évolution des accidents. Il nous permettrait d’estimer la qualité de la Prévention, de situer les résultats de la Trau¬ matologie du Traitement fonctionnel et de la Réadaptation, et d’éta¬ blir des relations entre le traumatisme, ses conditions d’apparition et ses conséquences pratiques. Ce qui, d’ailleurs, ne nous empêcherait nul¬ lement d’analyser les variations de chacune de ses composantes. a) Confrontation Fréquence — Gravité - Cotisation : Au reste, la confrontation de la Fréquence, de la Gravité et de la 52 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN première étape, établissons les valeurs de ces trois éléments et clas¬ sons les familles professionnelles dans chacune des trois séries de chiffres ainsi obtenus : Notons que les résultats du tableau l ont été ramenés à une échelle commune pour que les chiffres soient du même ordre de grandeur, et pour que nous puissions les traiter comme des indices comparables. Le classement des familles professionnelles s’établit comme suit : Classement dans les trois séries et d’après la moyenne des rangs. Le Batiment, malgré son classement inférieur en matière de cout, reste le premier en moyenne des rangs, et il est suivi successivement par les Transports et Manutentions, les Pierres et Terres à Feu, le Bois et la Chimie. 53 ETUDE STATISTIQLE Si nous calculons la variance de chacun des trois indices puis si nous cherchons leur valeur standardisée selon la formule : Vs — valeur standardisée x. — valeur de l’indice m — moyenne de la série a — écart type de la série Nous obtenons des valeurs nouvelles, qui sont des indices mathé¬ matiques « abstraits ». TARLEAU 3 Les deux méthodes donnent des résultats assez voisins, et nous obtenons en combinant les deux classements finaux : TARLEALI 4 CLASSEMENT D’APRES LA MOYENNE DES TARLEAUX 2 ET 3 Au cours de ces calculs, nous pouvons remarquer que la Gravité et la Fréquence vont de pair, ce que nous avions déjà souigné et repré¬ senté sur le graphique n° 21 bis. Nous pourrions par conśquent uti¬ ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 54 liser indifféremment l’un ou l’autre des taux de Fréquence ou de Gra¬ vité pour réduire notre coefficient de Risque à deux seules variables. Nous choisirons le taux de Gravité en raison de sa signification statis¬ tique. Sa corrélation avec la distribution des assurés est en effet beau¬ coup moins accusée que celle du taux de Fréquence, c’est-à-dire qu’il varie de manière importante d’une profession à l’autre et exprime plus fidèlement les fluctuations du Risque. Logiquement, d’ailleurs, le nom¬ bre de journées d’incapacité correspond plus exactement au « poids » de l’accident que la Fréquence. Quelle relation existe-t-il entre ces ultimes données, la gravité et le coût " A première vue, il semble que l’LP. P. et l’IT, soient direc¬ tement liées au cout de l’accident, puisqu’elles en constituent la base. L’I. P. P. en particulier intervient pour une part importante puisque son cout (C L.P. P.) est plus élevé que celui de l’LT. (C LT.), selon la rela¬ tion : C L.P.P. — 137 C LT. Or, le graphique n° 30 bis nous montre qu’il n’en existe aucune. De son coté, la fréquence n’a pas davantage de relation avec le cout : cation à l’autre. Les dépenses de Gestion et de Prévention sont elles¬ mêmes extrêmement variables, selon l’importance des Entreprises, la nature de leurs travaux et l’esprit d’initiative des services « Préven¬ tion ». Cette divergence entre gravité, fréquence et cout n’a donc rien d’extraordinaire a priori, mais il serait certainement intéressant de mener une étude détaillée de ce problème, car il importe de vérifier que le divorce entre ces deux données n’a pas pour origine une trop grande incertitude du calcul des cotisations. où 0 T. 10 960 5C,510 ETUDE STATISTIQUE 55 Sur ces deux graphiques, 30 bis et 30 er, la disposition des valeurs est en plage plus ou moins circulaire, sans le moindre axe d’orientation. En réalité, plusieurs facteurs interviennent dans le cout. en dehors de l’incapacité temporaire et permanente. Le salaire, qui sert de base aux prestations, varie d’une région à l’autre et d’une qualifi¬ b) Le coefficient de Risque : De toute manière, nous tenons deux notions fondamentales et com¬ plémentaires, qui sont le taux de Gravité et le cout moyen, pour esti¬ mer le poids de l’accident sur une collectivité quelconque, Intervien¬ nent-elles sans « pondération », ou devons-nous estimer que l’une ou l’autre présente une importance telle qu’il faille lui affecter un coeffi¬ cient pour en augmenter la signification 2 Le taux de Gravité repré¬ sente, pour sa part, l’incapacité sous ces différents aspects. Nous devons bien reconnaitre qu’une certaine divergence existe, en fait, entre la Gravité réelle et l’opinion que s’en fait la Sécurité Sociale: un cer¬ tain nombre d’abus d’arrêt de travail et d’hypertrophies des taux de rentes viennent incontestablement grossir les taux de Fréquence et de Gravité, et nous en avons la preuve dans les disproportions de l’I.T. et de l’IP.P. d’une Caisse à l’autre — à plus forte raison si nous hous référons à l’expérience journalière du contrôle médical. Mais si Hous amputions la Gravité d’un certain pourcentage d’abus, un pour¬ centage similaire serait à ôter du cout moyen, ce qui ne modifierait guère la relation gravité-cout. D’un autre côté, nous ne pouvons guère « pondérer » le coût moyen puisqu’il exprime deux notions essentielles qui ont chacune leur pleine signification : le coût des incapacités et le cont de la Cestiop, Bréventiop Malgré tout, une correction d’échelle s’impose, qui permette d’ohtenir des chiffres comparables. N. journées 1 000 T. — Taux de gravité N. heures-ouvriers cotisations C. — Cout moyen (en 19; trs) : N. accidents s’établira ainsi : 82 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN Le cout moyen doit donc être divisé par 10, et la formule finale Le classement des valeurs de R nous donne le diagramme n° 31 : Diagramme N° 31. Moyenne : 1 30 - Variance : 0. 078 -— Ecart-type : 0, 028 Erreur-type de la moyenne : 0. 008 - Coefficient de Variation : 0. 02 L’écart-type de cette nouvelle série est a — 0.07, et le coefficient moyen de risque R — 130. R est donc une expression du poids de l’accident, variant avec l’incapacité et la cotisation. Si nous comparons le classement des familles professionnelles ainsi obtenu à celui que nous donnait la valeur moyenne des rangs du tableau 4, nous consta¬ tons une sensible divergence : les valeurs du coût moyen ont une inci¬ dence marquée sur le coefficient R. L’accident du travail présente par conséquent le « poids » le plus lourd dans les trois familles des Transports et Manutentions, du Bati¬ ment, des Pierres et Terres à Feu. C’est donc là que la Prévention doit ETUDE STATISTIQUE 52 taire l’objet des efforts les plus intenses, pour réduire les charges de l’incapacité : — Les incapacités longues amputent le capital main-d’œuvre : — Les incapacités permanentes élevées indemnisent des handica¬ pés qu’il est difficile de reclasser : — Les cotisations fortes retentissent globalement sur l'’activité des familles professionnelles. L’objiet de notre second chapitre sera précisément d’analyser les composantes de l’incapacité. Nest-il pas intéressant de remarquer. avant toule étude, que les trois familles ainsi mises a la première place sont celles qui font interpenir dans toute son ampleur « le facteur humain » 2 VI. — CONCLUSION. Une première évidence s’est imposée à nous tout au long de notre travail sur le Risque : la méthode statistique mériterait d’être mieux connue dans toutes les sphères intéressées par l’accident du travail. Elle permet de suivre l’évolution de ce phénomène collectif, mais à la condition de s’établir sur des données primitives correctes et complêtes. Nous ne pouvons atteindre cet objectif que si tous les organismes rédi¬ geant des documents sont avertis de l’importance de leurs interven¬ tions, et si tous ces documents sont prévus selon un plan d’ensemble. Il est essentiel d’obtenir une codification aisée, qui ne fasse pas inter¬ venir de tron délicates interprétations. D’autre part, nous avons bien souligné la nécessité de connaitre, dans chaque série de chiffres, non seulement la «population — assurés », mais surtout la « population¬ heures ». Les résultats que nous avons néanmoins obtenus précisent que : La Fréquence des accidents reste considérable malgré tous nos efforts de Prévention. Dans le Nord-Est, par exemple, la pro¬ portion de rentes attribuées pour I.P.P. est passée de 0,07 en 1952 à 0,12 en 1959, soit en augmentation de 0,.71.. : Calculée d’après le taux de MONTREAL, la Fréquence varie parallèlement au nombre d’assurés de chaque famille profes¬ sionnelle, avec une corrélation plus étroite que dans le décou¬ page régional : N. accidents graves ne La Gravité estimée selon le rapport N assurés correspond plus aussi fidèlement au nombre d’assurés : les pro¬ fessions sont exposées au risque d’accidents graves de manière plus inégale encore qu’au risque d’accidents avec arrêt. Cette inégalité est plus évidente lorsqu’on considère l’LP.P. : D’une profession à l’autre l’I P. P varie davantage que l’LT. sans que l’on puisse en déduire de conclusion systématique sur la fixation précoce ou tardive de la consolidation : la meil¬ 36 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN leure garantie contre l’inaptitude est naturellement la Préven¬ tion, mais aussi un équipement valable de Traumatologie et de Réadaptation : Séquelles fonctionnelles et handicap nous sont apparus comme deux notions distinctes, la première trouvant son remêde dans la Traumatologie — ou la thérapeutique fonctionnelle soit lar¬ gement intégrée — et la seconde dans la Réadaptation profes¬ sionnelle et sociale : Le cout des incapacités montre que l’IT se trouve associée au cout global de l’accident avec plus de certitude que l’LP-P., en raison d’une plus grande cohérence des valeurs de l’I.T. Nous avons retenu, comme la plus expressive du risque finan¬ cier, la cotisation moyenne par accident, puisque celle-ci com¬ prend l’ensemble des dépenses de l’Entreprise Fréquence. Gravité et Cotisation moyenne de l’accident sont donc les trois aspects fondamentaux du Bisque. Une corréla¬ tion parfaite associe Fréquence et Gravité, ce qui nous permet de choisir la seule Gravité dans un coefficient qui serait le « symptôme » du phénomène collectif de l’accident. Au reste. la Gravité signifie bien les charges de l’économie sur le plan de la main-d’œuvre, puisqu’elle correspond aux amputations réelles de ce capital précieux. Quant à la Cotisation moyenne. sa valeur est si peu en relation avec la Fréquence et la Gravite qu’elle constitue un aspect caractéristique du risque, complé¬ mentaire de la Gravité : Cm X 16 — Le coefficient R va dlonc nous, donner, une 16 idée des incidences économiques de l’accident, et ses variations vont nous permettre de suivre les résultats de la politique de défense organisée contre l’incapacité sous tous ses aspects. Ce qui ne nous interdit aucunement de suivre, d’un autre côté. les variations de ses composantes comme celles du taux de Fréquence. Ce dernier garde toute sa valeur, qui est de signi¬ fier de manière théorique le caractère dangereux de l’Entre¬ prise et l'’adaptation de sa main-d’œuvre au travail. Qu’il nous soit permis de raccourcir en une seule réflexion les observations de ce premier chapitre : L’analuse du Bisque est le fop¬ dement de toute action sanitaire et sociale. — Conclusions. CHAPITRE I1 LES VARIATIONS DE L’INCAPACITE TEMPORALRE ET PERMANENTE SOMMAIRE : L — Les incapacités selon l’âge et le sexe. 11 — Les incapacités selon le pays d’origine. I1 — Les incapacités selon la qualification professionnelle IY — Incapacités et heure de l’accident. Y — Incapacités et circonstances d’apparition. VI — Les incapacités selon la nature et le siège des lésions. « L’quamentation continue et inquiétante du « nombre des accidents, en dépit des plus « idicieuses précautions, fait orienfer les « recherches vers une noupelle direction, en « découvrant les lois phusiotoaiques et psucho¬ « logiques du travait humain.. » PrOf. EZIOMARIA MONTI. Congrès de Bruxelles 1958. Pour étudier les variations de l’incapacité temporaire et perma¬ nente en fonction des principaux facteurs qui interviennent dans l’acci¬ dent, nous ne disposons que de ventilations absolues dans les rubriques que nous avons retenues : age et sexe, pays d’origine, qualification pro¬ fessionnelle, heure de l’accident, circonstances d’apparition, nature et siège des lésions. Il eut été intéressant de connaitre dans chacune d’elles les coefficients de Risque, qui nous auraient permis de situer très exactement les incidences de ces différents éléments. Mais à défaut des chiffres de « populations », nous nous limiterons à des études com¬ paratives qui, de toute manière, vont nous faire pénétrer sur le terrain assez nouveau de la psychophysiologie du travail. 60 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN L. — LES INCAPACITES SELON L’ACE ET LE SEXF. SOMMAIRE : Le nombre d’accidents. Les incapacités selon l’âge. Les accidents selon le sexe. Le nombre d’accidents : Le diagramme n° 1 montre que les accidents les plus nombreux sont fournis par la tranche d’âge de 20 à 20 ans. Les trois tranches suivantes, jusqu’à 60 ans, donnent des volumes régulièrement décrois¬ sants. Diagramme N° 1 Mais cet aspect de la ventilation d’accidents ne signifie nullement que les fréquences suivent la même répartition. Or, le point impor¬ tant est précisément celui des variations de la Fréquence avec l’age. Nous pourrions, avec ces chiffres, nous faire une opinion sur l’ampleur des problèmes d’apprentissage des jeunes, en même temps que nous situerions l’âge moyen des « reclassements préventifs », dans les famil¬ ETUDE STATISTIQUE 61 les professionnelles et plus significativement encore suivant les quali¬ fications. Il est bien connu que les aptitudes physiques varient avec le vieillissement, et que celui-ci est assez directement lié au genre d’activité. Ainsi, doit-on régulièrement surveiller les antitudes senso¬ rielles et psychomotrices des conducteurs d’engins, pour dépister, très précocement, leurs défaillances. Les capacités cardio-pulmonaires sont les témoins de la résistance à l’effort chez les travailleurs de force. Les automatismes et, bien souvent, les aptitudes mentales, sont fré¬ quemment perturbés après des travaux exclusivement répétitifs, comme les travaux à la chaine. L’intérêt d’une étude statistique très analysée de l’adaptation et du vieillissement du travailleur, selon les fonctions sollicitées et selon l’âge, ne peut être contesté : vieillissement profes¬ sionnel d’ailleurs ne signifie pas vieillissement global, car la profession met en œuvre des fonctions plus ou moins spécifiques, selon des pro¬ cessus d’action plus ou moins fragmentaires. Nous n’obtiendrons de tra¬ vaux valables sur ce point que dans le cadre des Entreprises, par des Médecins du Travail attachés à l’étude de la psychophysiologie des différents postes (CE. G. Lehmann : Physiologie pratique du travail). Si nous comparons les ventilations nationales et celles de, la Métal¬ lurgie et du Bâtiment, sur le diagramme n° 2, nous constatons une variation assez significative du pourcentage d’accidents de ces deux familles professionnelles. Diagramme N° 2 62 ACCIDENTS DUI TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Le Bâtiment dépasse nettement la moyenne nationale dans la tranche d’âges de 20 à 29 ans, et se trouve de plus en plus inférieure à elle dans les trois tranches suivantes La Métallurgie reste supé¬ rieure à la moyenne de 20 à 39 ans, puis lui devient inférieure, plus nettement encore que le Bâtiment. Il semble donc que ces deux famil¬ les professionnelles exposent, davantage leurs jeunes travailleurs, en raison de la nature de leurs travaux, et peut-être du manque de pré¬ paration de ces jeunes. Sur le diagramme ne 3, nous avons comparé la région de NANCY à la FRANCE entière. Diagramme N° 3 Cette région, qui comporte des activités où prédominent Métallur¬ gie et Bâtiment, se situe au second rang des fréquences. Deux varia¬ tions la caractérisent : une augmentation du nombre d’accidents de 20 à 29 ans et de 50 à 59 ans, et par ailleurs une diminution assez notable de 30 à 49 ans. Les deux problèmes de la préparation de la main-d’œuvre jeune et du reclassement des travailleurs agés caracté¬ risent par conséquent la Prévention en fonction de l’âge, et nous mon¬ trent un premier aspect des exigences du facteur humain. eTUDE STATISTIQUE 63 Les incapacités selon l’âge : L’incapacité temporaire des accidents avec arrêt, et plus encore l’incapacité permanente nous apportent un enseignement très impor¬ tant : si le nombre d’accidents décroit de 20 à 60 ans, par contre leurs incapacités ne suivent pas le même processus Les incapacités perma¬ nentes augmentent, au contraire, de manière assez notable. En réalité, si les accidents peuvent être plus graves pour les travailleurs agés. entrainant des séquelles plus importantes, il reste évident que les pro¬ cessus de guérison ralentissent et se détériorent avec le vieillissement. Il n’est donc pas suffisant de considérer la seule fréquence des acci¬ dents pour envisager des mesures de reclassement préventif, il faut encore tenir le plus grand compte de cette autre donnée qui est l’inca¬ pacité temporaire et définitive, c’est-à-dire de la Gravité, telle que nous l’avons étudiée dans notre premier chapitre. 9 Le diagramme ne 4 précise que l’écart ent'e les pourcentages de journées d’I.T, perdues de 20 à 29 ans et de 50 à 59 ans n’est que de 0.030 environ, tandis que l’écart entre les pourcentages d’A.T. était de 0,166. Diagramme N° 4 64 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN Quant à l’IP.P, le pourcentage des journées perdues est supé. rieur, dans la tranche de 40 à 59 ans, à celui de la tranche de 20 à 39 ans. Fait caractéristique: la ventilation des journées perdues par l’IT, dans la Métallurgie et le Batiment montre que celle-ci reste plus importante chez les jeunes, tandis que l’IP.P, garde une valeur sensi¬ blement comparable à tous les âges. Compte tenu du nombre d’acci¬ dents de ces deux familles professionnelles, cet étalement des pour¬ centages d’IT et d’I. P. P dans les tranches d’ages successives garde toute sa signification, c’est-à-dire qu’elle exprime une difficulté crois¬ sante de la réparation organique et fonctionnelle avec le vieillissement. Diagramme N° 5 Une triple nécessité découle de ces considérations : la préparation des jeunes au travail, le reclassement préventif des vieux — ou plus exactement des travailleurs soumis au surmenage habituel de telle ou telle aptitude — et le traitement chirurgical et fonctionnel attentif des accidentés agés. Ce qui signifie que la Prévention doit s’attacher direc¬ tement aux fluctuations du facteur humain, et que la Réadaptation, après les accidents des travailleurs âgés, doit comporter nécessaire¬ ment deux étapes successives, le traitement fonctionnel précoce et bien conduit, puis l’étude des aptitudes restantes et du reclassement. Cette uerirère etape se presente donc comme une modalité particulière de 1 International des accidents et des maladies du travail, Genève, 1931. ETUDE STATISTIQUE 65 la Prévention, puisqu’elle tend à éviter les accidents ultérieurs en réa¬ lisant une nouvelle adaptation des travailleurs à des postes conve¬ nables. Autant les jeunes pourront espérer retrouver leur travail anté¬ rieur par un réentrainement systématique, compte tenu de leurs capa¬ cités naturelles d’adaptation biologique, autant les vieux seront justi¬ ciables de mesures de « reclassement préventif », puisque leurs capa¬ cités sont à ce point marquées par l’âge. tes accidents selon le sexe : Le travail des femmes présente des asbects variés, selon que l’on considère l’orientation et l’affectation à des postes particuliers, le ren¬ dement, l’accident et l’absentéisme (1). Des chiffres trop généraux. comme ceux qui nous sont donnés par le découpage régional, n’ont pas de signification. Aussi, avons-nous utilisé les ventilations par famil¬ les professionnelles, mises en évidence sur le diagramme n° 6. Diagramme Ne 6 Le Vétement fournit la plus forte proportion d’accidents féminins et dépasse très nettement le Textile, les Cuirs et Peaux et l’interpro¬ (1) Cf: TERUOKA G. Aspects biologiques du travail des femmes. VIe Congrès ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 46 fessionnel. Sur le plan national, la moyenne est de 0,172 c’est-a-dire que sur 100 accidents, 17 intéressent les femmes. A titre documentaire. signalons que dans une Entreprise sidérurgique du Nord-Est, la fré¬ quence de ces accidents est de 0.05 pour un pourcentage de 0,008. tandis que la fréquence d’accidents masculins est de 0.21. Cette Entre¬ prise se situe par conséquent très en dessous du pourcentage national de la Métallurgie, qui est de 0.06 La classification des Entreprises est donc loin de correspondre à une définition technique de leurs activités. Le diagramme n° 7 nous montre que l’Incapacité temporaire est en moyenne plus longue pour les femmes que pour l’ensemble des traumatisés, mais dans des proportions très faibles : 21 1 jours contre 20,4 jours, c’est-à-dire avec une différence de l’ordre de 3 %. Dans le Vêtement, où les accidents sont les plus nombreux, la « dilution » sta¬ tistique nous donne une valeur de l’IT, faible, ce qui est une preuve supplémentaire de la fragilité des ventilations brutes d’accidents. Mal¬ gré tout, nous pouvons conclure à une durée généralement plus longue de l’arrêt du travail pour les femmes. Diagramme Ne 7 L’IP.P., par contre, se révèle moins importante pour l’ensemble des professions. 73 ETUDE STATISTIQUE 67 Diagramme N° 8 Faut-il en déduire que la prolongation de l’LT, conduit à une meil¬ leure réduction des séquelles, ou que, plus simplement, les accidents féminins sont moins graves 2 Nous ne pouvons répondre valablement à cette question d’autant que bien d’autres éléments interviennent. comme le mode d’estimation de la rente, le niveau de salaire et la nature des activités professionnelles De toute manière, un parallélisme intéressant existe entre les valeurs de l’I. P.P. pour l’ensemble et pour les femmes, sauf dans les Transports et Manutentions et le Bâtiment. Encore devons-nous remarquer que le nombre réduit d’accidentées puisse partiellement expliquer la longueur anormale de l’I.P.P. dans ces familles. Fréquence plus grande, incapacité temporaire plus longue, rentes moins élevées, telles semblent être les principales caractéristiques des accidents féminins. Les mesures de Prévention sont dominées par cer¬ tains aspects physiologiques de cette main-d’œuvre, habituellement remarquable par son instabilité psychomotrice. C’est-à-dire que le choix judicieux du poste, la préparation au travail, la gymnastique de pause et de relaxation, les reclassements préventifs, vont s’imposer icl avec une particulière acuité. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 68 IL. — LES INCAPACITES SELON LE PAYS D'ORIGINE SOMMAIRE: La répartition et la fréquence des accidents. Les incapacités. Importance du facteur humain. La Répartition et la Fréquence des accidents. Pratiquement, deux catégories de travailleurs peuvent être compa¬ rées à celle des travailleurs français, les Nord-Africains et les Etran¬ gers. Nous étudierons ici, approximativement, la notion de fréquence des accidents avec arrêt pour les Nord-Africains, puisque nous dispo¬ sons des chiffres de populations. Nous comparerons surtout les incapa¬ cités des uns et des autres, dont les différences sont assez caractéris¬ tiques, mais sans pouvoir en tirer d’enseignements précis : l’L.T., davan¬ tage que l’IP.P, est soumise à des variations qu’explique en grande partie un facteur social ou racial difficile à analyser. Tout d’abord, le graphique n° 9 nous donne, pour la France entière. la répartition des accidents suivant le pays d’origine, et montre une prédominance logique de ceux qui touchent les travailleurs français. Diagramme Ne 9 ÉTUDE STATISTIQUE Diagramme N° 10. donnaient une fréquence de 0,10. Nous pouvons en conclure que les 66 Un autre document de base nous a été fourni par le Docteur CHAPPUIS, Médecin-Conseil chargé des questions nord-africaines à NANCY. Il nous donne, par tranches d’âges de 5 ans, la pyramide des âges des travailleurs d’Afrique du Nord emplovés dans la région du Nord-Est (diagramme n° 10). L’âge moyen de ces travailleurs se situe aux environs de 31 ans et le sommet de la pyramide est placé entre 25 et 30 ans. Pour l’en¬ semble de la région du Nord-Est, l’effectif nord-africain était de 12 046 en 1956, ce qui donne le chiffre de 541 691 pour les autres catégories. Comme le nombre de leurs accidents avec arrêt était, de 7 829, nous 7829 soit, le chiffre consi¬ pouvons calculer la fréquence absolue : 12016 dérable de 065, contre une fréquence de 0 12 pour les autres caté¬ Bories. Pour l’ensemble du pays, la fréquence était au cours de la 113 295 même année de pour les Nord-Africains, soit 0,58, chiffre légé¬ 195 060 rement inférieur à celui du Nord-Est ou l’emploi est surtout effectué dans des Industries lourdes et dangereuses. Les autres travailleurs nous ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 70 Nord-Africains sont, sans aucun doute, victimes d’accidents avec arrêt plus fréquents, mais avec la réserve que l’arrêt de travail peut très bien être partiellement déterminé par une attitude particulière de cette main-d’œuvre en face du traumatisme, et par certaines autres raisons que nous allons tenter de rechercher. Nous devons rapprocher de cette fréquence catastrophique (taux de fréquence nat, 290 ), la distribution professionnelle des Nord-Afri¬ cains, telle que l’a précisée Andrée MICHEL dans son intéressant tra¬ vail publié en 1956 par le C.N R.S. « Les Travailleurs algériens en France ». Le diagramme ne 11 montre la très grande prédominance des manœuvres et des O. S. dans l’ensemble du pays (plus accusée encore dans le département de la Moselle). Malgré l’absence de ventilation des accidents selon ce double aspect du pays d’origine et de la quali¬ fication, nous pouvons tout de même considérer, compte tenu des résul¬ tats d’ensemble de nos statistiques précédentes, que les accidents sont là aussi, très directement liés, dans leur fréquence, à cette absence de qualification et au caractère « manuel » des travaux effectués. Les Nord¬ Africains constituent par conséquent une population pratiquement « ex¬ périmentale » de manœuvres-O. S., en même temps qu’un exemple signi¬ ficatif de travailleurs non préparés psychologiquement aux conditions de vie et de travail de la Métropole. Diagranmge EE ETUDE STATISTIQUE 7 Les Incapacités. Sur les deux diagrammes suivants n° 12 et n° 13, nous avons représenté les durées d’I.T. et d’I.P. P. Dans l’interprétation de ce résultat, il nous faut tenir compte de la dilution des LT, dans un grand nombre d’accidents, Par contre, les L.P.P. sont une expression plus exacte de la Gravité, et elles montrent qu’en général les séquelles sont moins importantes que pour la popu¬ lation française, et moins importantes encore que pour les étrangers. S’agit-il d’un mode d’estimation différent — peu probable — ou bien d’une guérison habituellement meilleure, ou d’un caractère plus bénin des accidents indemnisés 2 Il est bien délicat de faire la part de l’une ou l’autre argumentation. Mais le taux de gravité se situe à la valeur considérable de 16, c’est-à-dire 4 fois plus que la moyenne, alors que le taux de fréquence est presque 5 fois plus élevé. La connaissance de la population globale nous permet de calculer une distribution théorique des accidents chez les Nord-Africains et chez les autres travailleurs. Le diagramme n° 14 nous donne les valeurs comparées des probabilités pour les uns et les autres. Statistiquement, les Nord-Africains sont beaucoup plus exposés au Risque. Rapprochons de ce fait l’extrême prédominance des Manœuvres et des O.S., et nous aurons situé l’accident dans son contexte profes¬ sionnel. Il est probable que le comportement psychologique habituel des Nord-Africains soit en partie responsable de la fréquence des arrêts de travail par accidents. Mais dans la pratique, il faut aussi reconnaître qu’un travailleur de force peut difficilement continuer son activité avec un traumatisme bénin, ce qui n’est pas le cas pour un « métallo » plus ou moins qualifié. Nous devons, d’autre part, tenir compte de l’importance des condi¬ tions matérielles d’existence pour expliquer la « désadaptation » de ces travailleurs. Andrée MICHEL, note en effet, que si, sur le plan profes¬ sionnel, les travaux qui leur sont confiés sont souvent difficiles, mal¬ sains ou dangereux, parallèlement, leur cadre d’existence est notoire¬ ment insuffisant. Enfin, leur formation initiale en Afrique du Nord est trop éloignée des conditions qui leur sont faites dans l’Economie et la Civilisation françaises pour que l’harmonisation soit d’emblée conve¬ nable. Si bien que la préparation de cette main-d’œeuvre est une néces¬ sité absolue, préparation autant sociale que professionnelle. La Préven¬ tion révèle ici qu’elle est basée sur l’adaptation au travail, au milieu professionnel, comme sur la mise en place de conditions matérielles de vie satisfaisantes, psychologiquement conformes aux habitudes et aux tendances individuelles. Importance du Facteur Humain. Nous ne pouvons manquer de souligner que, dans ces différentes considerations nous sommès directement en contact avec le facteur humain : dans des conditions de travail identiques, les Nord-Africains sont victimes d’accidents avec arrêt 5 ou 6 fois plus souvent que les autres travailleurs. 72 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN Diagramme N° 12 3 ETUDE STATISTIQUE 73 Diagramme Ne 14 Une masse d’accidents aussi spectaculaire résulte du comporte¬ mept à la fois physique et mental de l’homme devant le travail et devant ses dangers. La main-d’œuvre nord-africaine est bien souvent employée sans orientation ni préparation, après un profond déracine¬ ment climatique, social et culturel. Il s’agit là d’une évidence que nul ne songe à contester, mais qui laisse encore le monde du travail dans l’expectative d’une solution N’est-ce pas une responsabilité essentielle¬ ment nationale et d’intérêt public d’acclimater, d’orienter, de former et d’informer systématiquement la main-d’œuvre nord-africaine avant son emploi dans l’Industrie 2 Le temps n’est plus à la « ségrégation ». du moins si nous voulons considérer l’intérêt supérieur de l’Economie Française. Et la lutte contre les accidents du travail se présente comme aptes 2 74 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN étroitement liée à la valorisation technique, physique et mentale de la main-d’œuvre, y compris de la moins qualifiée. Les Nord-Africains et les Etrangers nous mettent en face d’un devoir crucial, et d’un aspect essentiel de notre politique de Prévention-Réadaptation. Il n’y a pas deux catégories de travailleurs, les Professionnels et les autres : une même formation professionnelle, une même préparation au travail s’im¬ pose, quels que soient le niveau scolaire et l’activité envisagée, de manière à obtenir la meilleure adaptation aux exigences industrielles. Et nous découvrons là que cette adaptation dépend aussi des condi¬ tions matérielles de vie. N’est-ce pas poser comme fondamentale l’édu¬ cation initiale, et souhaiter un effort très particulier pendant la période scolaire et au cours de l’apprentissage, pour préparer les jeunes la vie ouprière et pas seulement a quelque diplôme promis aux plus III. — LES INCAPACITES SELON LA QUALIFICATION PROEE SIONNELLE. SOMMAIRE. Considérations générales. La répartition des accidents selon la qualification professionnelle. Incapacité et qualification professionnelle. Conclusions. Considérations générales. Avec l’étude des incidences de la qualification professionnelle sur les incapacités temporaires et définitives, nous abordons l’un des points déterminants de la Prévention. L’apprentissage, en effet, se présente actuellement comme une discipline pédagogique réservée aux futurs ouvriers professionnels et cadres, et il tend à épanouir au mieux les aptitudes physiques et mentales au travail. Il est logique de penser que les ouvriers « professionnels » ainsi sélectionnés et entrainés seront mieux armés contre les accidents, informés des risques de leur métier et préparés à des comportements parfaitement adaptés aux exigences de l’Entreprise. Dans la réalité, nous devrions retrouver une différence signifi¬ cative entre les travailleurs sortis d’une école d’apprentissage et ceux que l’on a recrutés de manière plus ou moins improvisée, sans forma¬ tion préalable, et trop souvent sans « information préventive » — ou. pour reprendre le terme heureux de ZURELUH, sans « éducation-sécu¬ rité ». — Mais cette démonstration ne nous sera malheureusement pas possible sur le plan national, à défaut de connaissance des chiffres de populations dans les séries de « qualifications professionnelles ». Nous avons toutefois eu la bonne fortune de disposer des chiffres d’une grosse Entreprise sidérurgique du Nord-Est qui nous a permis de com¬ pier un peu cette grave lacune. de son médecin du travail, le Dr COUILLAUD. ETUDE STATISTIQUE 75 Si nous examinons les rubriques prévues par la Caisse Nationale. et les techniques de codification des Caisses à partir des déclarations d’accidents, nous devons reconnaitre une certaine imprécision dans les qualifications retenues. Compte tenu de ces réserves, les ventilations sont habituellement effectuées dans le cadre suivant : La catégorie des manœuvres, attachés par définition à des tra¬ vaux à dominante corporelle et « polygestuels » : Les ouvriers spécialisés, qui sont affectés à des travaux délimi¬ tés et précis, en général sur une chaine de production ou sur une machine automatique ou semi-automatique. Leur formation est réduite à une mise au courant, et leur aptitude à une capa¬ cité définie de production dans leur poste, grâce à des auto¬ matismes bien réglés : Les ouvriers professionnels, sortis des écoles professionnelles ou des centres d’apprentissage font intervenir leurs connais. sances technologiques au cours de leur travail. Ils constituent un groupe de travailleurs qui utilisent à la fois leurs aptitudes mentales et physiques : Les cadres, employés et apprentis forment un ensemble soumis à des risques limités : Les VR.P gens de maison et sportifs professionnels, par contre, sont victimes d’accidents graves, en particulier les V.R P, dont le métier implique une circulation en voiture pra¬ tiquement permanente : ces accidents de la route sont alors considérés comme « accidents du travail » : Des rubriques ont enfin été prévues pour les ouvriers anali¬ fication non précisée, les divèrs, et les non précisés. Après un examen des résultats bruts de la ventilation des acci¬ dents et de leurs séquelles, nous analyserons en particulier le cas de notre Entreprise sidérurgique. Connaissant ses effectifs et leur répar¬ tition selon les qualifications professionnelles, il nous sera possible d’es¬ timer le risque propre à chacune d’elles (1). De toutes ces considé¬ rations, nous tirerons quelques enseignements fondamentaux sur le rôle du facteur humain dans les accidents du travail, dont nous avons pu entrevoir quelques aspects à l’occasion de l’étude des accidents chez les Nord-Africains. La Répartition des accidents selon la Qualification professionnelle. Sur le diagramme n° 15 nous voyons confrontées les répartitions d’accidents dans l’ensemble des familles professionnelles et dans la Métallurgie. Le cas des manœuvres permet de considérer que, s’ils fournissent la plus forte proportion d’accidents dans le premier cas. par contre, ils n’arrivent qu’au troisième rang dans la Métallurgie, où ils sont dépassés successivement par les O).S. et les O.P. Sur le dia¬ (1) Ces renseignements statistiques nous ont été fournis par les « Aciéries de Pompey » en M.-et-M., grâce à la bienveillance de sa Direction et en particulier 76 ACCIDENTS DU TRAVAIL FT FACTEUR HUMAIN Diagramme N° 15. Diagramme N° 15 Diagramme N° 16 9 P2 ETUDE STATISTIQUE 2 gramme n° 16, nous avons représenté les carrés des écarts à la moyenne de chaque pourcentage. Ils mettent nettement en évidence les deux catégories des Manœuvres et des ().S, pour l’ensemble des familles pro¬ fessionnelles. Les O. P. n’arrivent qu’au sixième rang, sur le même plan que les VR.P. Divers et Ouvriers à qualification non précisée. Le diagramme n° 17 compare les professions du Bâtiment et du Bois à celle de la Métallurgie. 5 Diagramme N° 17. Nous retrouvons dans les deux premiers cas une prédominance des accidents chez les Manœuvres. Les O.S. et les O. P. y sont habi¬ tuellement employés en moins grand nombre. La forte proportion d’acci¬ dents chez les O.S, dans la Métallurgie s’explique par la même raison. ce genre de main-d’œuvre étant utilisé en nombre croissant dans des fabrications de plus en plus automatisées. De toute facon, dépassent la moyenne les trois groupes des Manœuvres. O) S, et O.P, donc les tra¬ vailleurs utilisant leurs aptitudes gestuelles, dans des proportions variables, c’est-à-dire à la fois leurs fonctions neuro-musculaires en précision et en force, leurs fonctions nerveuses et mentales, et d’une manière générale leur résistance à l’effort. Dans cet ensemble des travailleurs manuels, ou sont conjointe¬ ment utilisées les capacités physiques et mentalès, nous separerons le 78 ACCIDENTS DU TPAVAIL ET FACTEUIE HIUMAAIN groupe des Manœuvres et O).S, de celui des O P. Plusieurs facteurs les distinguent, dont nous devons remarquer l’importance dans notre com¬ préhension des données de la Prévention : La sollicitation presque exclnsipe des capacités phusiques dans le premier aroupe Manœupvres-O. S. Ces capacités mises à contri¬ bution varient sans doute d’un poste à l’autre, et se situent à des niveaux plus ou moins élevés dans l’arc sensori-psycho¬ moteur : soit le systême ostéo-musculaire, dans les travaux de force, soit les automatismes sensori-moteurs dans les travaux de série, avec une participation des régulations mentales réduite et variable dans les deux cas. La caractéristique commune de tous les postes confiés à ces travailleurs est qu’ils ne nécessi¬ tent pas d’apprentissage technologique, mais une simple « mise au courant » : Dans le groupe des O.P, un meilleur équilibre s’établit entre capacités physiques et mentales. Les opérations de travail réclament une connaissance et une compréhension technolo¬ giques approfondies. Dans, une certaine mesure, l’éducation et la promotion intellectuelle et morale de ces travailleurs se réa¬ lisent à travers leur formation professionnelle, comme autre¬ fois l’éducation et la promotion artisanales dans le cadre cor¬ poratif. La préparation à la vie de travail, et dans une très large mesure l’éducation préventive, sont le résultat d’une ado¬ lescence en grande partie construite dans le cadre du Centre d’apprentissage. Les « réflexes » y sont lentement élaborés et contrôlés. Une psychologie « spécifique » y est peu à peu déve¬ loppée, et même si la Prévention, dans ses aspects théoriques. n’occupe qu’une place restreinte, l’exercice et la compréhension progressive des gestes du travail sont les meilleures garanties de leur exactitude et de leur sécurité : Comparant ces deux groupes, nous ne poupons que les onnoser sur le plan de cette préparation initiale, pratiquement absente dans le premier, minutieusement élaborée dans le second. Nous les opposerons également sur le plan de l’orientation profession¬ nelle, improvisée ou inexistante pour les travailleurs peu qua¬ lifiés, plus étudiée pour les apprentis, Plus exactement, nous parlerons d’adaptation professionnelle, réunissant sous cette même rubrique l’orientation et l’apprentissage, et donnant à l’apprentissage son caractère physiologique réel, c’esl-à-dire celui d’un véritable entrainement physique et mental à des taches déterminées. Dans cette perspective, sans aucun doute plus réelle et concrête que celle des « programmes technolo¬ giques », il nous est possible de supprimer les distinctions arbi¬ traires qui séparent les travailleurs non qualifiés de ceux qui peuvent bénéficier d’un apprentissage : un seul et même entrai¬ nement au travail s’appliquerait à tous, dont les stades se dis¬ tingueraient par des critères de « niveau d’entrainement », Par¬ ETUDE STATISTIQUE 79 tant de l’entrainement physique général et spécifique à des taches purement manuelles, nous pourrions progresser dans la spécificité de l’apprentissage suivant les capacités réelles révé¬ lées au cours de l’expérience pratique et de l’observation conti¬ nue qu’elle permettrait. « L’adaptation au travail » comporte¬ rait de cette manière un tronc commun, puis se diviserait et se subdiviserait à mesure que les tâches se compliqueraient et se grefferaient sur un support technologique de plus en plus important. Telle est notre première réflexion, basée sur le souci de la véritable nature du travailleur et de ses actions professionnelles, c’est-à-dire, en définitive, sur une recherche délibérée de l’unité psychophysiologique de l’homme au travail. Ces remarques théoriques étant posées, nous irons plus avant dans l’étude statistique des accidents du travail, pour tenter d’y découvrir de plus amples raisons d’atténuer le divorce entre deux catégories de travailleurs, les qualifiés et les non qualifiés, les bénéficiaires d’une éducation initiale et les autres, véritablement défavorisés de la natf dans notre système actuel d’apprentissage. Restons dans le cadre des « ventilations » de la Caisse Nationale. pour y comparer les répartitions d’accidents selon les qualifications et les régions. Nous réduirons le problème à l’analyse des groupes qui nous intéressent directement: les Manœuvres. O.S. O.P. et les autres. Le graphique n° 18 nous permet de situer les régions de NANCY et de PARIS, fortement industrialisées, par rapport à l’ensemble du pays. Nous retrouvons, pour NANCY, la prédominance des accidents chez les Manœuvres et les O. S. tandis que les O. P. sont nettement en retrait. La même répartition existe pour la France entière, avec toutefois une proportion moindre pour les deux premières catégories. Si nous comparons les nombres absolus d’accidents dont Manoeuvres et O. S. sont victimes pour NANCY et le reste du pays, nous obtenons un 7 (test de PEARSON) de 19,05 pour 1 DL, donc une probabilité de dépas¬ ser cette valeur inférieure à 0.01. Il existe une hétérogénéité signifi¬ cative entre NANCY et le reste du pays qui correspond au fait que le Nord-Est comporte nettement plus d’accidents pour cette catégorie Mapœpuvres-O.S, que pour les autres catégories. Par contre, les acci¬ dents d’O. P. sont comparables, puisque le test . — 1. Notons, en passant, que les chiffres de la FRANCE entière sont quelque peu imprécis du fait que les déclarations d’accidents sont incomplêtes et que nous relevons 0, 18 « Ouvriers à qualification non 80 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Diagramme N° 1 précisée ». Toutefois. NANCY présente 076 accident touchant Manœu¬ vres et O). S. contre 0,44 pour l’ensemble du pays. La différence de 0,32 dépasse nettement ce taux de 0,18 et le test de PEABSON signi¬ ficatif reste valable, même si toutes les victimes d’accidents à « qua¬ lification non précisée » dans la FRANCE entière étaient « Manœuvres¬ 0S » Le même 72 calculé pour NANCY et PARIS nous donne au contraire une valeur de P située entre 0,50 et 020, c’est-à-dire une homogénéité pratique qui correspond à une proportion comparable d’accidents des Manœuvres-O. S, dans les deux régions. Nous tenons là une première notion, qui est la prédominance significative des acci¬ dents dont sont victimes les travailleurs « non qualifiés » dans les régions fortement industrialisées. lncapacité et qualification professionnelle. Quelles sont les incidences de cette qualification professionnelle sur l’incapacité temporaire et définitive 2 A première vue, il semble que nous devrions constater des séquelles plus graves chez les manuels purs, c’est-à-dire des accidents plus graves. En fait, le nombre plus important de leurs accidents conduit à une « dilution » des incapacités. mise en évidence par les diagrammes 19 et 20. Cette dilution s’explique Diagramme N° 20 ETUDE STATISTIQUE 81 Diagramme N° 19 82 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN d’autant mieux que les A T. avec séquelles ne représentent que 0,051 des AT, avec arrêt, et que les L.P.P. inférieures à 10 % représentent 0,500 environ des séquelles indemnisées. La même explication s’applique sans doute à la longueur des inca¬ pacités temporaires et définitives relatives aux accidents des Cadres. Emplovés. V. R. P. et divers. Le nombre absolu d’accidents avec arrêt est réduit pour ces catégories, ce qui peut expliquer l’importance rela¬ tive de leurs séquelles Il nous faut espérer un résultat blus expressif d’une étude sous d’autres incidences, en particulier d’une étude des causes d’accidents. De toute manière, nous constatons, pour les trois catégories envisagées sur ces deux diagrammes, des valeurs correspon¬ dantes d’I.T, et d’I.P. P., avec un même classement : le Bâtiment vient en premier lieu, et la Métallurgie se situe au troisième rang. Les V.R.P sont victimes des incapacités les plus longues et pré¬ sentent les séquelles les plus graves, alors que leurs accidents sont les moins nombreux. Cette « dilution » minima suffit-elle à expliquer de telles incidences 2 Là encore, il nous faudrait connaître les popula¬ tions pour y répondre, mais à première vue, les accidents de circu¬ lation des V.B. P. peuvent expliquer une telle gravité. Nous avons eu la possibilité de nous faire une opinion sur le risque d’accidents par tranches d’Age et chez les Manœuvres. 0.S et O) P. dans notre Entreprise sidérurgique-témoin du Nord-Est. Il s’agit sans doute d’un cas isblé mais l’effectif global de 4687 ouvriers nous parait suffisant pour permettre des calculs valables : nos déductions. naturellement, ne vaudront que pour cette entreprise particulière et ne sauraient en aucune facon être généralisées. Nous passerons rapidement sur les accidents par tranches d’âges. car le découpage ne correspond aucunement à celui de la Caisse Natio¬ nale. Il résulte d’indications particulières du Ministère du Travail, don¬ nées dans l’arrêté du 20 mars 1954 (annexe n° 5) relatif au fonction¬ nement des Comités d’Hygiène et de Sécurité. Ne pourrait-on aboutir à une meilleure coordination entre deux services sollicitant des rensei¬ gnements, puisqu’il s’agit dans les deux cas de chiffres demandés aux Entreprises par un même Ministère 2 Quoi qu’il en soit, nous retrouvons une répartition similaire des accidents dans les deux statistiques, avec une nette prédominance entre 18 et 45 ans. La proportion de 0.248 accident avec arrêt par rapport à l’en¬ semble des accidents est supérieure à la moyenne de la Métallurgie du Nord-Est qui est de 0, 169. Ceci correspond, soit à une utilisation moins fréquente du registre d’accidents bénins, soit à des accidents plus gra¬ ves, ce qui semble moins probable. En ce qui concerne la densité N. accidents avec arrêt des accidents avec arrêt, c’est-à-dire le rapport N. effectic. nous obtenons 0231, chiffre comparable à celui de la Métallurgie du ETUDE STATISTIQUE 83 Diagramme N° 21 Nord-Est qui est de 0,230. Le risque est donc identique pour la partie et le tout, ce qui confirme la possibilité et l’intérêt d’une meilleure exploitation du registre d’accidents bénins dans cette Entreprise par¬ N, accidents avec arrêt ticulière. Par tranches d’âges, le rapport N. total des accidents nous donne les valeurs de 0 156 pour les moins de 18 ans, de 0,244 entre 18 et 45 ans et de 0.276 après 45 ans. La proportion d’accidents avec arrêt s’accroit donc notablement avec l’âge Nous retiendrons surtout la répartition et la densité des accidents avec arrêt selon la qualification professionnelle, et nous calculerons. pour terminer, leur distribution théorique selon nos deux catégories regroupées : Manœuvres-O.S. et O. P. Les diagrammes n° 22 et 23 nous indiquent la répartition des accidents avec arrêt. Là encore nous retrouvons les Manœuvres en tête, puis les O.S. et les O.P. Les valeurs A et B du diagramme 22 correspondent, à deux sections de l’Entreprise, et nous relevons un risque plus impor¬ 84 ACCIDENTS DU TPAVAL ET TACTEUR THL MAAIN Diagramme Ne 22 Diagramme N° 23 Moyenne : 0. 23 - Variance : 0. 034 - Ecart-type : 0, 18 Erreur-type de la moyenne : 0, 12 - Coefficient de variation : 0, 78 graphique n° 24 concrétise ces faits. ETUDE STATISTIQUE 85 tant pour la section A. Nous avons donc une idée exacte du risque propre à chaque qualification, ce qui complête très heureusement et confirme les notions qui se dégageaient déjà des ventilations d’acci¬ dents. Si nous regroupons Manœuvres-O.S., nous obtenons une den¬ sité de 0,31 accident avec arrêt, tandis que les O P. restent à 023 et les autres catégories réunies à 0.04. Les variations sont considérables pour les Manœuvres-O.S. : 78 %. Nous tenons un chiffre à notre sens capital, propre à étaver nos considérations sur la préparation de la main-d’œuvre au travail. La distribution théorique relevée sur notre Diagramme N° 24 6 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 86 Pour l’ensemble du pays, la densité d’accidents est pratiquement trois fois plus grande pour les Manœuvres-O.S, que pour les O.P. (50 % contre 18,8 %), et nous pouvons en découvrir trois raisons : — Les besoins de l’Industrie en Ouvriers non qualifiés s’accroissent sans cesse : Les travaux de force et de série présentent les risques les 22 plus graves : La préparation à ces travaux n’est que rarement et imparfai¬ 2 tement assurée, tant sur le plan de l’initiation aux techniques gestuelles que de l’entrainement à l’effort et au rendement. Parallèlement, la formation-sécurité n’est qu’épisodique et reste théorique. CONCLUSION: Par conséquent, nos recherches et nos efforts porteront principa¬ lement sur les travailleurs non qualifiés, qui échappent encore à l’ap¬ prentissage, et nous ne voyons pas d’autre moyen d’aborder ce pro¬ blème que l’analyse des aptitudes gestuelles et foncières au travail manuel et l’élaboration de programmes physiologiquement exacts et rigoureux d’apprentissage et d’entretien pour les travaux à dominante corporelle. Pour rester conformes aux règles de la physiologie profes¬ sionnelle, nous verrons également l’intérêt des relaxations et gymnas¬ tiques de pause au cours du travail. En conclusion, notre étude de la qualification professionnelle, dans ses relations avec les accidents. nous fait pénétrer dans un domaine encore peu exploré, celui de la vie physique du travailleur : c’est à travers cette vie physique que nous atteindrons avec le plus de sureté les valeurs morales qui condition¬ nent l’observation des disciplines de Prévention, Prendre le problème dans l’autre sens correspondrait à une méconnaissance de la réalité physique, de ses exigences et aussi des ressources de sa pédagogie propre. La Prévention est réellement une éducation, mais une éduca¬ tion concrête et sensible, ou le travailleur prend conscience par lui¬ même et dans son être tout entier des règles élémentaires de sa sécu¬ rité. Au reste, l’apprentissage des métiers qualifiés passe par les mêmes cheminements, de sorte qu’il n’existe qu’une seule et même discipline d’adaptation au travail, valable pour tous, et conduisant chacun à son meilleur épanouissement physique et mental. C’est donc pour l’ensemble de la main-d’œeuvre que nous souhai¬ terons une orientation et une adaptation professionnelles, et nous ne séparerons pas les aptitudes physiques des aptitudes technologiques et morales : le travailleur est un tout cohérent dans ses relations avec le travail et ses risques propres. la quatrième heure : ETUDE STATISTIQUE 82 IV. — INCAPACITE ET HEURE DE L’ACCIDENT. SOMMAIRE : Considérations générales. L’accident suivant l’heure du poste. Quelques aspects de la psychophysiologie du travail. Considérotions générales. L’heure à laquelle survient l’accident nous parait être révélatrice d’un état organique de moindre résistance et de moindre vigilance. Nous abordons ainsi un autre aspect de la psychophysiologie du travail, dont il faut-bien reconnaitre le retard par rapport à nos connaissances de psychologie et de physiologie générales (1). En ce qui concerne la Prévention, nous devons également souligner que de nombreux travaux et des sommes considérables ont été consacrés à la protection des machines et à l’organisation des techniques de travail, mais que par ailleurs le facteur humain est resté négligé. Et pourtant, pour ne citer que celles-la, les recherches de G. LEHMANN et de P. BUGARD, les expérimentations de l’école de PAVLOV, les conceptions de SELYE sur le syndrome d’adaptation, celles plus récentes de LABOBIT sur la réaction oscillante post-agressive, ont largement ouvert la voie. L’effort et la fatigue, comme les procédés d’entrainement et d’élabora¬ tion des automatismes, sont des sujets d’importance fondamentale. dont nous attendons encore les données de base utilisables sur le plan de la Médecine du Travail. L’Accident suivant l’Heure du poste. L’accident, signe évident de fragilisation aux aggressions extérieu¬ res, ne survient pas à n’importe quel moment. Le graphique ne 25 nous montre un aspect de cette fragilisation. Le maximum de fréquence des traumatismes se situe entre deux et trois heures après le début du travail. La courbe, toutefois, impose les réflexions suivantes : Sur une même représentation graphique, nous avons deux don¬ nées qualitativement différentes. Jusqu’à la quatrième heure. nous vovons réunis les accidents des deux demi-journées pour les Entreprises n’appliquant pas la journée continue et les acci¬ dents de la première demi-journée par les autres. Au-delà de cette limite, la courbe ne représente plus que les accidents survenus dans les Entreprises appliquant la journée continue. Telle est la raison essentielle de la décroissance rapide après (1) Cf, à ce sujet BALTHAZARD, PIEDELIEVRE et VILLARET : La fréquence des 4T, dans le temps, Paris Médical, 17 uovembre 1928. — JUNGBLUTH (in Freudmann W.).: Analnse dp Conarès de Disseldorf en 1954, sur les conditions de pie et de santé ANDLAUER : Variations nuctémérales de la fréquence horaire des 4.T. (thèse Strasbourg, 1953). 89 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN Diagramme Ne 25 — Nous avons donc un regrettable mélapge, entre 0 et 4 heures. d’accidents de la première et de la deuxième moitié de la jour¬ née, ce qui nous empèche de donner une signification quel¬ conque à la pointe de 2 à 3 heures : est-elle surtout le fait d’un « manque de mise en condition » à l’instant où le rythme de production s’accroit, ou bien résulte-t-elle de la fatigue du milieu de l’après-midi, ou encore également de ces deux phénomènes 2 Il nous faut donc rechercher une autre distribution, correspon¬ dant plus réellement à l’heure du poste à laquelle survient l’accident. Nous avons trouvé cette ventilation à la Caisse Régionale de NANCY. mhais pour lès seules Industries sidérurgiques (graphique n° 26). ETUDE STATISTIQUe 89 Diagramme N° 26 En pourcentage, la plus forte densité d’accidents graves se mani¬ feste à la première heure. Puis nous constatons trois pointes distinctes. qui sont, dans l’ordre, de 2 à 3 heures, de 5 à 6 heures et au-delà de 7 heures (1). La moyenne globale des accidents, de son côté, décroit assez régulièrement du début à la fin de la journée, ce qui ne corres¬ pond pas exactement aux constatations habituelles, qui mettent en évi¬ dence une pointe deux heures avant la fin du travail. Les deux graphiques suivants, ne 27 et 28 présentent certaines particularités qui méritent une interprétation : les longueurs moyennes des incapacités temporaires et définitives ne sont pas superposables. AL’incapacité temporaire a son maximum pour les accidents survenus entre 2 et 3 heures, mais pour ces "mêmes accidents, l’incapacité per¬ manente est très faible. Nous devons expliquer ce fait par la dilution des 1 P. P dans une forte quantité d’accidents graves Par contre, les séquelles définitives sont les plus marquées pour les accidents de la prémière heure et pour ceux qui surviennent entre 4 et 5 heures. alors que les incapacités temporaires sont les plus courtes. (1) Ct, les rapports présentés à la réunion d’information des 24-25 et 26 mars 19538 à l’Institut Nautionat des Sports à Paris, sur les relations entre l’Education physique et la Prévention. Diagramme N° 27 90 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN Si nous réunissons ces différentes données, nous pouvons dire que les accidents sont incontestablement les plus fréquents à la première heure, et que leurs séquelles sont importantes. Entre la deuxième et la troisième heure se situe une autre pointe d’accidents caractérisés par leur fréquence et la longueur de leur LT. Puis, entre la quatrième et la sixième heure, nous avons une recrudescence des accidents graves. moins fréquents qu’au début de la journée, mais laissant les séquelles les plus importantes. La dernière heure est marquée par une légère recrudescence d’accidents bénins. An fotol, la journée de frapail est marquée par trois étapes essentielles : la première heure et les périodes situées entre la deuxiême et la troisiême heure, puis entre la quatriême ct la cinquiême beure. Nul doute que les accidents de la première période soient le résultat d’une mise en route difficile, d’une mauvaise préparation au travail, tant physique que mentale. L’adaptation au contexte professionnel n’est pas réalisée d’emblée. Puis, dès que les rythmes de production atteignent leur pleine efficience, probablement vers la deuxième heure, nous avons un risque accru. Nous assistons à ce passage dangereux des opérations contrôlées par la volonté à celles qui deviennent automatiques. Ensuite, nous avons un certain calme jusqu à la cinquième heure. Nous navons plus, au début de 91 ETUDE STATISTIQUE Diagramme N° 28. l’après-midi, la même pointe qu’à la première heure du matin, mais nous assistons sans doute à des phénomènes de fatigue dès la cinquième heure, qui se confirment par la légère recrudescence en fin de jour¬ née : compte tenu du ralentissement habituel des rythmes à la der¬ nière heure, cette recrudescence nous parait assez significative. Et nous voyons une preuve supplémentaire de fragilisation par la fatigue à la cinquième heure dans l’aggravation des séquelles constatées pour ces accidents. Nous ne pouvons donc pas isoler, dans une étude de l’heure propice aux accidents, les notions de fréquence et de gravité. Si nous comparons sur notre graphique n° 29, les trois familles du Bâtiment, de la Métallurgie et du Textile, nous vovons nettement apparaitre une pointe particulière au Bâtiment, entre deux et trois heures après la prise ou la reprise du travail. Nous pouvons admettre que ces accidents résultent des deux phé¬ nomènes constatés à la deuxième et à la cinquième heure pour l’en¬ semble des professions, et avancer sans trop de risque d’erreur que la pointe élevée de notre graphique n° 25 résulte principalement de la fatigue de la cinquième heure : nous ne constatons pas de différence avec la Métallurgie pour les accidents de la première heure, c’est-ଠACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN 92 Diagramme N° 29 dire pour la mise en route. D’autre part, les travaux du Bâtiment sont certainement moins soumis que ceux du Textile et de la Métallurgie aux exigences des rythmes de production. Enfin, le Bâtiment comporte des travaux à dominante corporelle plus lourds, et il semble logique de prévoir une fatigue plus accusée davantage musculaire que psycho¬ nerveuse, lorsqu’il faut terminer le programme quotidien, en fin de journée. Ruthme de travail et fatique se conjuquent. Quelques ospects de la psychophysiologie du gravait. Ces constatations et interprétations recouvrent assez exactement les travaux de physiologie appliquée consacrés à ce problème. Nous citerons en particulier les communications du Congres d’HeisinRr en ETUDE STATISTIQUE 93 aout 1959, où Vera RVZHKOVA (1) a excellement souligné l’intérêt d’une gymnastique fonctionnelle permettant d’améliorer le rendement moteur et d’atténuer la fatigue. L’exercice, d’une manière générale, per¬ met de constater une augmentation de 2 à 4 % du tonus musculaire. Parallèlement, deux méthodes de lutte contre la fatigue ont été expéri¬ mentées : — La relaxation, qui permet une amélioration de 0,45 à 0.95 % des valeurs dynamométriques : L’exercice fonctionnel, qui porte cette amélioration entre 175 et 3,85 % : Les mêmes résultats sont constatés au niveau de toutes les autres capacités fonctionnelles de l’organisme : La conséquence pratique de l’exercice est que, statistiquement. il produit une diminution du nombre des traumatismes et des affections médicales, s’il est correctement appliqué. Passant de ces constatations de laboratoire à la pratique, les tech¬ niciens de l’éducation physique ont obtenu l’application d’une gymnas¬ tique fonctionnelle préparatoire dans les Entreprises, au début de la journée de travail, et d’une séance de gymnastique dite « de pause » deux heures avant la fin du travail, c’est-à-dire, très exactement au moment de nos pointes statistiques En effet, le nombre élevé d’acci¬ dents au cours de la première heure s’explique habituellement, selon QUKHTOMSKY, par un rythme anormal, insuffisant ou exagéré, de toutes les fonctions organiques, rythme qui ne coincide pas avec le rythme nécessaire à la production de travail. L’énervement et la fatigue provoqués par un trajet plus ou moins long doivent être dissipés par des exercices correctement rythmés. La somnolence qui suit au contraire à un réveil trop rapproché doit être corrigée par une stimu¬ lation psychomotrice. De toute manière dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de « libérer » les centres nerveux supérieurs de toutes les associations fonctionnelles susceptibles de perturber leur fonction¬ nement, que ce soit l’inbibition due aux préoccupations du trajet, ou le freinage du au sommeil trop récent. Le travail doit être abordé dans des conditions de tonus organique adaptées à ses exigences. D’autre part, la nature des exercices de mise en condition, comme celle des exercices de pause, sera variable selon les métiers et selon les fonctions qu’ils sollicitent. Il est clair qu’un manœuvre de force ne devra pas subir de fatique supplémentaire par des exercices trop vio¬ lents, et qu’une dactylo liquidera efficacement ses fatigues de posture par une dérivation motrice où prédominent les exercices dynamiques. Mais de toute manière, la preuve semble faite, dans tous les pays où la gymnastique de pause est adoptée, que l’exercice « défatigue » plus surement que le repos absolu, ce qui n’empêche pas d’ailleurs d’asso¬ cier relaxation et exercice. Citons à ce sujet les exemples de la SUEDE et des PAYS-BAS, oit cette discipline est plus ou moins systématique¬ (1) Travax de l’Institut de Fechercbe Seientifiqve sur la Culture Physique, à Leningrad. ACCIDENTS DU TRAVALL ET FACTEUR HUMAIN 94 ment appliquée et ou ses heureux effets se sont clairement manifes¬ tés. L’explication physiologique essentielle de ces bienfaits nous parait être autant la dérivation de l’influx nerveux hors des zones par trop sollicitées au cours du travail, que la décontraction active et systéma¬ tique des groupes musculaires maintenus trop longtemps en contrac¬ tion statique (travaux répétitifs). Revenons aux chiffres publiés par la Caisse Nationale : le graphique n° 30 nous montre assez clairement la divergence des résultats entre la région du Nord-Est et l’ensemble du Days. Diagramme N° 30 Cette divergence porte essentiellement sur la somme d’accidents de la deuxième et de la cinquième heures, plus importante dans notre Tegion Iiuustriene, our prSuomICnL eS postes à exigence corporelle Il existe quelque 50 000 postes en France. ETUDE STATISTIQUE 95 marquée et les accidents du groupe Manœuvres-O.S. Ce fait nous incite à suggérer la mise en pratique, sinon généralisée, du moins adaptée aux professions les plus fréquemment accidentées, d’une gymnastique de mise en condition, et d’une gymnastique de pause. L’expérience pour¬ rait être faite dans certaines Entreprises du BAtiment et de la Métal¬ lurgie, et ses résultats rigoureusement étudiés. Les Médecins du Tra¬ vail seraient associés dans ce but aux moniteurs de gymnastique des Centres d’apprentissage Mais une sérieuse étude préalable s’impose. pour définir les buts et les méthodes, pour établir les tests d’explora¬ tion des résultats, et pour conduire l’expérience de manière coordonnée. La statistique finale aurait alors le dernier mot en fixant un coef¬ ficient de réussite qui ferait intervenir à la fois la réduction du coeffi¬ cient de Risque et l’augmentation de la production. 22 V. — INCAPACITE ET CIRCONSTANCES D’APPARITION. SOMMAIRE : Systématisation des causes d’accidents. Résultats statistiques. La réadaptation professionnelle: l’expérience de GONDREVILLE. Systématisation des cquses d’accidents. Les rubriques prêvues par la Caisse Nationale nour l’analyse des causes d’accidents sont, en fait, des têtes de chapitre. Si nous voulions connaître le risque dans chaque poste de l’Industrie, il nous faudrait à la fois une gentilation détaillée à l’extrême, avec d’inévitables et importantes variations d’un Etablissement à l’autre, et une distribution des travailleurs selon ces postes II est sans doute possible d’espérer un travail de cette ampleur dans certaines grosses Entreprises, mais, sur le plan national, nous ne pouvons y atteindre. Aussi, disposons-nous de rubriques très générales, pour catégoriser les circonstances de l’accident. La rubrique 01, par exemple, regroupe globalement tous les acci¬ dents survenus au sol, nar chute, glissade ou ohstacle au déplacement du sujet. La rubrique 02 s’oppose à la première, en ce sens qu’elle intéresse les accidents au cours d’une évolution en hauteur, sur échelle. échafaudage, poutre, toit ou autre appareillage du chantier. Les acci¬ dents de manutention sont classés dans la rubrique 03 Viennent ensuite des circonstances assez variées oi nous pouvons distinguer les causes extérieures, telles qu’objets en mouvement, particules de matière, et l’ensemble des machines engins et outils commandés et manipulés par la victime. La liste des circonstances matérielles rete¬ nues par la Caisse Nationale, bien que très longue, ne peut malgré tout prétendre à une analyse des dangers spécifiques de chaque poste. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 96 Nous avons donc cherché les points communs et les distinctions fondamentales susceptibles de systématiser les éléments matériels. L’expérience de la Réadaptation professionnelle nous a permis d’orien¬ ter délibérément cette recherche dans le sens de la psychophysiologie du travail. Physiologiquement, en effet, l’évolution au sol met en jeu le train inférieur, et les accidents par glissades, chutes, déséquilibres divers résultent d’une désadaptation de la statique sous l’effet de cir¬ constances plus ou moins déterminantes. Il est évident qu’un contrôle individuel de cette statique est capable de réduire ou de compenser les perturbations qu’elle subit. Nous ne voulons aucunement avancer que les accidents au sol pourraient être tous supprimés, par une meil¬ leure vigilance ou une meilleure forme physiologique du travailleur: les circonstances extérieures peuvent être telles qu’aucun contrôle indi¬ viduel ne soit plus possible. Mais, dans ce conflit des aptitudes à la statique avec le milieu de travail, il reste incontestable que la rupture d’équilibre se produit d’autant plus fréquemment que ces aptitudes sont déficientes, ce qui n’exclut pas l’intervention de l’encombrement et de l’insécurité des surfaces d’évolution au sol. L’évolution en hauteur fait appel à des aptitudes sensiblement plus complexes, comme le sens de l’équilibre à des hauteurs variables, les coordinations membres supérieurs-membres inférieurs, la précision des réflexes, la force musculaire et généralement la maitrise de soi dans des situations plus ou moins vertigineuses. L’évolution et le travail en hauteur sont donc essentiellement poly¬ gestuels. Il n’en reste pas moins que bien des accidents sont dus, dans ces circonstances, à de mauvaises dispositions des échafaudages et des engins de grimper, autres manifestation du facteur humain, malgré tout. En ce qui concerne les manutentions, nous n’avons guère de pré¬ cisions à donner : elles sont maintenant bien connues dans leurs don¬ nées fonctionnelles. Il existe des règles impératives du soulever et du déplacement individuel ou collectif des charges (1), ce qui nous parait démontrer suffisamment l’unité de leurs exigences physiologiques. Nous connaissons bien, par ailleurs, les graves incidences des manutentions incorrectes : la pathologie de la colonne vertébrale s’est ainsi large ment développée et révélée, de même que celle des articulations et des synergies musculaires. La conduite des véhicules, comme celle des engins et des machines. procède de son côté d’un ensemble d’aptitudes ou dominent la coordi¬ nation et les réflexes sensori-psychomoteurs. La réaction motrice à des situations ou « stimuli » sensoriels variés dépend d’une bonne qualité des aptitudes réceptrices (conscience des situations ou organes sen¬ soriels), autant que de la précision des automatismes acquis et des réflexes psychomoteurs propres à répondre aux événements habituels ou imprévus. Il nous reste un dernier groupe d’accidents : ceux qui résulten de circonstances fortuites, où l’individu est tout à fait désarmé, ou tout (1) C. R. CHAPUT : La charge et l’homme. G.EC, 9. Cité Canrobert, Paris, 1958. l’entrainement physique de la main-d’oeuvre. ETUDE STATISTIQUE 91 au moins à l’instant précis du traumatisme Les « causes extérieures » peuvent bien être réduites par une meilleure organisation du travail. Les particules de matière dispersées dans l’atelier peuvent être cana¬ lisées, les objets de tous ordres et de toutes tailles, manipulés avec soin. Mais cette organisation rigoureuse de l’atelier et du chantier ne dépend-elle pas encore du « facteur humain », qui est l’ensemble des interventions de l’homme dans le travail 2. Néanmoins, nous envisa¬ gerons une rubrique particulière pour les accidents dont les circons¬ tances ne peuvent être rattachées à l’une ou l’autre des quatre rubriques précédentes, c’est-à-dire, pour ceux qui paraissent liés à des circons¬ tances fortuites. Nous avons donc choisi de classer les conditions d’apparition de l’accident en cina rubriques, selon la participation fonctionnelle pré¬ dominante au moment du traumatisme, et nous soulignerons encore qu’il ne s’agit pas de « causes » mais de « circonstances » : — déplacement au sol. — évolution en hauteur. — manutention. — conduite et coordination. — cause extérieure. L’intérêt de ce classement est qu’il attire l’attention sur les apti¬ tudes pécessaires à une bonne adaptation du facteur humain, ce qui n’enlève rien aux impératifs de prévention du facteur mécanique. I nous permet aussi de jeter quelque clarté sur les aptitudes de base nécessaires à une bonne orientation physiologique des travailleurs manuels. Nous verrons quels enseignements il nous sera possible d’en déga¬ ger sur le plan de l’apprentissage, ou plus exactement sur celui de Résultats statistiques. Si nous interrogeons les chiffres à la lumière de cette systémati¬ sation, nous obtenons le diagramme n° 31, qui montre la répartition des accidents. De toute évidence, et dans les familles professionnelles où les acci¬ dents sont les plus nombreux, ce sont les manutentions qui consti¬ tuent les opérations professionnelles les plus dangereuses. Viennent ensuite les accidents de coordination et de conduite. Les Pierres et Terres à Feu dominent les autres familles pour les manutentions, et le Bâtiment présente les accidents au sol et en hauteur les plus fréquents. Parallèlement, il est intéressant de voir les incidences de ces diffé¬ rents accidents sur l’incapacité temporaire et définitive (graph, n° 32). L’incapacité temporaire n’offre pas de particularité marquante. sauf pour les accidents survenus au cours de l’évolution en hauteur où elle est habituellement longue, Par ailleurs, l’incapacité permanente est très importante dans le cas de cette évolution en hauteur et pour Diagramme N° 31 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUBR HUMAIN 08 Diagramme N° 32. trapait. (Thèse Nancy, 1958). ETUDE STATISTIQUE 99 les accidents de conduite et coordination. Si bien que nous pouvons en conclure que les accidents les plus fréquents résultent des manu¬ tentions, mais ceux qui présentent les séquelles les plus graves sont ceux qui résultent de l’évolution en hauteur, de la conduite des vébi¬ cules, engins et machines, de la manipulation d’outils variés. Les dépla¬ cements au sol restent dans la moyenne. Nous regrettons de ne pou¬ voir calculer ici le coefficient de risque. Ce chiffre serait fort utile. dans la comparaison des cina groupes fonctionnels, pour déterminer en particulier si les accidents de manutention constituent réellement le groupe qui doit faire l’objet du maximum d’efforts de Prévention. et si nous devons considérer comme absolument essentielle la création de « stages de manutention » pour les travailleurs exposés à ce risque particulier, suivant en cela quelques expériences intéressantes déjà réalisées par différents C.RE P S., spécialement à NANCY. Le ectoptocior, proteciopeule : Tevpérience de Condrevil Pour terminer et illustrer cette étude des circonstances de l’acci¬ dent, nous utiliserons un travail effectué au Centre de Béadaptation professionnelle de GONDREVILLE. Le réentrainement des handicapés aux exigences physiques de leurs postes nous a permis d’élaborer une méthode gymnique où s’équilibrent deux tâches complémentaires : — Le réentrainement foncier et global à l’effort : — Le réentrainement spécifique aux conditions du poste. Nous ne dirons rien de la première discipline, ou dominent les exercices naturels, systématisés par G. HEBERT, et où des testings réguliers permettent de régler les exercices et de suivre les progres¬ sions selon les aptitudes individuelles et les acquisitions de l’entrai¬ nement : profil biométrique, capacité vitale, tests de SCHNEIDER et de FLACR, etc. Le réentrainement spécifique, de son côté, nous a conduit au choix de quatre séries d’exercices professionnels, selon les buts recherchés dans le poste de chacun : — Les déplacements au sol, sur pistes et terrains variés, de diffi¬ cultés croissantes : — L’évolution en hauteur, sur échelles, poutres d’équilibre, écha¬ faudages, etc. : Les manutentions isolées et en groupe : — Les maniements et coordinations. Ainsi, pour compléter l’entrainement foncier, nous avons le choix entre l’une ou l’autre de ces séries d’exercices. L’intérêt de la méthode est qu’elle nous permet un testing « gestuel », grâce à des performances étalonnées et régulièrement « revalidées » selon les populations adres¬ sées au Centre (1). Nous publions ci-dessous le tableau statistique des performances obtenues à la sortie de GONDREVILLE, pour des handi¬ (1) Dr E. WAGNER : Le bilan et l’entrainement des aptitudes phusiques au 100 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN capés dont les aptitudes permettaient la reprise normale de leur tra¬ vail. Ce tableau nous donne un ensemble d’aptitudes « minima » compa¬ tibles avec les différents groupes de postes à dominante corporelle de notre région. Il s’agit, en fait, de grilles d’aptitudes élaborées, non pas à partir d’études théoriques des postes, mais à partir d’une statistique des aptitudes effectivement mesurées chez les travailleurs. Les notes obtenues dans chaque épreuve-test vont de 0 à 9, et de haut en bas. les quatre lignes de chaque poste correspondent successivement à l’entrainement : 1 -— Train inférieur : 2 - Evolution en hauteur : 3 - Manutention : 4 - Maniement et coordination. ETUDE STATISTIQUE 101 Ci-dessous, nous donnons la liste des épreuves-tests utilisées, avec les performances validées pour les différentes populations du Centre : le premier chiffre du test correspond à son groupe gestuel, et le seçond à l’ordre du test dans le groupe. ET.: 11 représente la première épreuve du groupe 1, qui est celui de l’entrainement du train inférieur. Si nous considérons ces deux tableaux, nous remarquons la néces¬ sité d’excellentes aptitudes « train inférieur » et « manutentions » pour les manutentionnaires, et d’une manière générale, de très bonnes apti¬ tudes physiques globales pour les manœuvres de force et les conduc¬ teurs d’engins lourds. Les O.S, ou Manœuvres spécialisés peuvent être notablement en retrait, ce qui nous permet un reclassement des manœuvres de force dans cette catégorie, grâce à une certaine pro¬ motion, généralement aisée à obtenir. Quoi qu’il en soit, nous sommes en présence de niveaux de uer¬ formances susceptibles de nous donner une base objective dans l’orien¬ tation et le réentrainement des travailleurs manuels. Naturellement. nous pourrons procéder de deux manières complémentaires : — Le bilan des inaptitudes mentales et physiques, par des exa mens médicaux : — A l’inverse, le bilan des aptitudes par un testing de perfor¬ mances sur le plan psychologique, foncier et gestuel. Mais dans l’un et l’autre cas, nous ne pouvons relier nos conclu¬ sions à la réalité professionnelle que si nous entrons délibérément dans le domaine de la psychophysiologie du travail, où nous trouverons le support technique indispensable à toute action, que ce soit pour l’adap¬ tation ou la réadaptation au travail. La connaissance des postes, l’ana¬ Iyse de leurs exigences gestuelles, foncières et mentales, sont indispen¬ sables si nous voulons donner un but à l’entrainement. Nous revien¬ drons, dans nos conclusions, sur ce point essentiel. Mais nous devons remarquer, à propos de nos résultats statistiques, que la réadaptation au travail ne diffère pas fondamentalement de l’adaptation, et que tou¬ tes deux s’imposent avec une même acuité si l’on veut obtenir une sauvegarde de la santé des travailleurs et une protection efficace contre les traumatismes. Les accidents, nous l’avons vu, surviennent dans l’immense majo¬ rité des cas, à l’occasion ou par le fait d’opérations manuelles. L’étude des causes d’accidents nous permet de préciser que les opérations ges¬ tuelles génératrices de la plus grande fréquence sont les manutentions, tandis que celles qui provoquent les accidents les plus graves sont les évolutions en hauteur, et les conduites d’engins et machines. Ce sont là des notions déterminantes pour l’orientation de la Pré¬ vention et de la Réadaptation, où nous voyons de manière plus pré¬ cise encore s’affirmer la part du facteur humain. 104 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN VI. — LES INCAPACITES SELON LA NATURE ET LE SIEGE DES LESIONS. SOMMAIRE : Nature des lésions et Traumatologie. Siège des lésions et Prévention : Conclusions. La distribution des lésions et de leurs séquelles suivant leur nature et leur siège va nous donner un certain nombre de précieuses indications sur la Prévention et la Traumatologie. Il est, en effet, inté¬ ressant de connaitre les régions de l’organisme les plus exposées aux accidents, et les lésions susceptibles d’orienter l’équipement et l’action des cliniques spécialisées. En ce qui concerne la Traumatologie, nous devons reconnaitre qu’elle n’a pas retenu, jusqu’à ce jour, l’attention des Organismes inté¬ ressés. Les rapports fondamentaux de M. le Professeur MERLE d’AU¬ BIGNE et du Docteur CAYE sur ce sujet n’ont pas encore trouvé en France l'’cho souhaitable. Mises à part quelques exceptions remar¬ quables, nous pouvons admettre que nous sommes encore un pays sous¬ développé et que nos besoins sont immenses : la nature des lésions donnera une orientation bien définie à cet équipement indispensable. Du point de vue de la Prévention, la connaissance du siège des lésions les plus fréquentes nous permettra de préciser certains aspects de la sécurité des travailleurs. Qu’il s’agisse de dispositifs de sécurité annexés aux outils et machines, ou de moyens de protection indivi¬ duels, nous verrons qu’une attention particulière peut être portée aux problèmes non encore résolus, parce que trop partiellement traités, du port des gants, bottes, tabliers et lunettes. Un désintérêt habituel et même une opposition systématique entravent leur usage, bien qu’ils fassent réellement partie des composantes du « geste professionnel ». Il convient d’en trouver les causes et les remêdes, bien au-delà des conceptions actuelles où les causes se limitent à des ohstacles psy¬ chologiques et les remédes à une propagande plus ou moins « terri¬ fiante » et « persuasive », selon le caractère propre des responsables de la sécurité. Nature des lésions et Trqumatologie. La ventilation des lésions les plus fréquentes nous est donnée par le diagramme n° 33. Nous situons sur un même plan, déchirures musculo-tendineuses. lésions multiples, fractures, brûlures, corps étrangers. Efforts et entor¬ ses sont un peu plus fréquents, tandis que l’ensemble des piqures, plaies et contusions constitue la très grande majorité des lésions traumatiques. ETUDE STATISTIQUE 105 Diagramme N° 33. A cette répartition absolue, nous devons ajouter l’analyse des inci¬ dences pratiques des différentes lésions, c’est-à-dire, pour chacune d’elles, les longueurs de l’IT, et de l’L. P.P. Sur le diagramme n° 34. nous avons réuni ces deux incapacités, et, pour leur interprétation. nous devons tenir compte du phénomène de « dilution statistique » dont nous avons maintes fois souligné l’importance. L’incapacité temporaire est la plus longue pour les fractures. Ce fait est à notre sens capital dans l’organisation de la Traumatologie. qui doit réunir la triple garantie de soins d’urgence éclairés, de frans¬ port dans les délais les plus rapides et les meilleures conditions tech¬ niques, de traitement chiruraicat spécialisé et complété par un traite¬ ment fonctionnel continu et judicieusement appliqué. Les notions de BOHLER restent fondamentales, et nous voudrions leur adioindre les travaux de Sir Reginala WATSON-IONES, publiés dans le très bel ouvrages « Fractures et Lésions articulaires traumatiques » (Edition Française de 1 BOUSSEL). Adversaire farouche du « micro-cisaille¬ ment » des frogments, de la sécurité trompeuse des vis, clous et pla¬ ques et de la mécanisation précoce systématique. WATSON-JONES a justement rappelé que les phénomènes biologiques de réparation Osseuse réclamaient un conditionnement très précis, dont l’immobili¬ sation absolue est un élément capital. Rapprochons aussi de ces notions 106 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Diagrammme N° 34 les travaux des Chirurgiens et des Bhumatologues sur le mécanisme des arthrites post-traumatiques, qui se traduisent dans la pratique par la nécessité d’une prudence extrême dans les mobilisations articu¬ laires (1). C’est dire que l’acte chirurgical initial doit répondre à des exigences catégoriques et se poursuivre par une surveillance étroite et continue. C’est dire également que l’indication de la mobilisation doit être posée par le Chirurgien traitant et par lui seul. C’est dire, enfin. que l’essentiel de la guérison ne tient pas tant à l’excellence des dis¬ positifs « techniques » qu’à la continuité d’action du Chirurgien et sur¬ tout à ses relations avec le patient : « Quelle que soit l’importance du développement des travaux scientifiques récents, il reste vrai que beaucoup plus de malades sont guéris par l’art de la Médecine que par la science médicale. » Cette première notion étant admise, nous pouvons remarquer qu’après les fractures viennent les lésions multiples, très caractéris¬ tiques par la longueur de leur LP.P. Nul doute qu’un polytraumatisé relève, lui aussi, d’un traitement dans un Centre spécialisé, dans les (1) Ct. P. BEINHOLD : La maladie traumatique focale, in « Rhnmatologie » ne 4, juillet-aout 1950. — GRABER-DUVERNAY : La maladie post-traumatique. centre de « Réhabilitation ». ETUDE STATISTIQUE 102 plus brefs délais. Les nécessités d’un diagnostic exact, de la minu¬ tieuse observation initiale, comme du traitement chirurgical et encore plus du traitement fonctionnel, nous conduisent à renforcer notre opi¬ nion que la Traumatologie est une spécialité nécessaire, où s’interpé¬ nêtrent les techniques les plus actuelles du traitement fonctionnel. Les incidences habituellement graves des piqures, des plaies et contusions, parfois des entorses et déchirures musculaires, pourraient être notablement réduites si le traitement initial était correct, appliqué par des Médecins et Auxiliaires éclairés sur les méthodes traumatolo¬ giques les plus efficaces, sur les lieux mêmes de l’accident : beau¬ coup de ces lésions paraissent bénignes à l’origine, et se compliquent ultérieurement à défaut de traitement précoce. C’est donc à un Méde¬ cin spécialisé de poser la difficile indication de poursuite du travail ou de soins à la Clinique de Traumatologie. Nous touchons là un deuxième aspect des structures de la Traumatologie, dont la pièce maitresse est sans doute une Clinique spécialisée, placée au centre du complexe industriel, mais dont les nécessaires prolongements sont des infirmeries d’urgence dans les Entreprises. Il est sans doute indispen¬ sable, et statistiquement nous en avons vu l’intérêt, de permetre à l’emploveur l’usage d’un registre d’infirmerie. Mais il n’est pas moins nécessaire de donner au Médecin du Travail la responsabilité des soins d’urgence, et plus encore la compétence en Traumatologie qui lui per¬ mettra d’orienter logiquement ses blessés. 4 la notion de « clinique » nous substituons par conséquent celle de « réseau cohérent » de Traumatologie. Et dans ce réseau, les moyens de communications ne sont pas le moindre facteur de réussite. Nous vovons ainsi que la loi relative à la Médecine du Travail mériterait quelques précisions dans ce sens, car il n’est guère possible d’interdiré les soins des trauma¬ tisés au Praticien qui se trouve placé dans l’Entreprise, déontologi¬ quement responsable d’une intervention immédiate, à la condition tou¬ tefois que cette intervention trouve ses garanties techniques dans le cadre d’un réseau tel que nous l’avons décrit, sous la direction géné¬ rale d’un Chirurgien traumatologue (1). Siège des lésions et Prévention. Le diagramme n° 35 situe le siège des lésions traumatiques. La localisation la plus fréquente est très certainement la main. Viennent ensuite, avec une importance égale, le tronc, les membres et le pied. Ne peut-on en conclure que l’ordre d’urgence des mesures de Prévention implique une particulière attention à la sécurité des mains. c’est-à-dire au port systématique des gants de travail 2 On a beau¬ (1) Citons la très belle réalisation anglaise de SLQUGH, où un réseau de ce genre a été mis en place dans un ensemble industriel bien délimité, et doté des moyens les plus actuels de traitement chirurgical et fonctionnel, ainsi que d’ur 108 ACCIDENTS DUI TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Diagramme N° 35 coup discuté sur ce point et cohstaté l’habituelle inefficacité des mesures d’autorité. En fait, le problème n’est pas uniquement posé en termes « d’autorité ». Le roi du « Petit Prince » commandait au soleil de se lever ou de se coucher quand il savait que ces phénomènes allaient se produire. Or, le port de gants modifie profondément les composantes psy¬ chophysiologiques du travail. Corps étranger pour la plupart, ils sont un écran entre l’opération professionnelle et l’individu. Et ils néces¬ sitent la même préparation organique, le même « entrainement » que n’importe quel outil ou machine, c’est-à-dire, la même « intégration » dans les arcs psychonerveux. A cette condition, ils deviennent un élé¬ ment intrinsêqué et obligatoire de l’association Homme-Travail. C’est donc à l’âge de prédilection de l’adolescence que seront inscrits le plus surement ces automatismes particuliers dans la physiologie du travailleur. Une mesure aussi statistiquement impérative demande une action d’envergure, située dans le temps, c’est-à-dire, une attention permanente à cet élément nouveau du travail, qui ne doit plus être surajouté artificiellement mais réellement incorporé dans les opéra¬ tions professionnelles. La même remarque s’impose pour la protection des veux et des membres inférieurs : le travail avec des lunettes, le déplacement avec ETUDE STATISTIQUE 100 des bottes spéciales doivent faire également l’objet d’entrainements particuliers. Il n’est guère possible d’imaginer que les bottes, lourdes et encombrantes, vont d’emblée constituer une sécurité au cours d’évo¬ lutions plus ou moins délicates sur des surfaces irrégulières, glis¬ santes, encombrées ou instables. Si la mise en ordre des ateliers se présente comme une mesure parallèle propre à faciliter l’évolution. l’« intégration » physiologique des bottes ne peut être réalisée que par l’exercice systématique, et plus spécialement dès le jeune âge. Quant aux lunettes, les facteurs essentiels de leur efficacité sont d’une part. la clarté de leurs surfaces transparentes, où des ravures ne- s’opposent pas à une vision normale, et d’autre part, la suppression des buées. La solution est sans doute d’abord technique, mais l’habitude du tra¬ vailleur restera l’élément déterminant d’un usage systématique. En bref, l’usage des dispositifs de protection individuelle fait intégrale¬ ment partie des éléments du travail et aucun geste professionnel ne devrait être enseigné sans eux. Si nous considérons les incapacités relatives aux différentes loca¬ lisations traumatiques, nous obtenons le diagramme 36. Diagramme N° 36 10 ACCIDENTS DUL TBAVAL ET FACTEUR HUMAIN Les incidences pratiques, en particulier financières, sont les plus lourdes pour les localisations multiples, les sièges internes et la tête. Médicalement, nous pouvons admettre en effet que les lésions soient. dans ces cas, plus graves. Ceci renforce notre conviction qu’un « réseau de Traumatologie » s’impose pour leur orientation immédiate vers la clinique spécialisée, dans des conditions de transport convenables. Il est des pays où les traumatisés crâniens sont systématiquement trans¬ portés d’urgence vers des Hopitaux bien équipés, et ce transport s’ef¬ fectue même par avion lorsque cela est nécessaire et possible. De toute manière, les statistiques confirment exactement ce que nous enseigne la Clinique, à savoir que tout traumatisme crânien ou interne. tout polytraumatisme et tout traumatisme grave en général relèvent d’une mise en observation dans une Clinique de Traumatologie, et de soins continus jusqu’à la récupération fonctionnelle. Il n’est pas tou¬ jours nécessaire d’intervenir chirurgicalement, car le traitement d’ur¬ gence est parfois uniquement médical : la Traumatologie est donc une spécialité médico-chirurgicale et nous serions tentés de dire qu’elle est essentiellement une thérapeutique « fonctionnelle » Du point de vue de la Prévention, la protection du crâne est nécessaire lorsqu’existent des dangers particuliers. Mais les lésions multiples et internes posent des problèmes beaucoup plus vastes, que nous ne saurions systématiser ici. Chaque Entreprise devrait minutieu¬ sement en analyser les causes à l’occasion de chaque accident, pour en tirer les enseignements utiles. Il s’agit d’ailleurs moins de mesures d’ensemble que d’aménagements particuliers, dont l’efficacité dépend de l’étude analytique des circonstances favorisantes et déterminantes du traumatisme et de l’application immédiate des mesures de traite¬ ment spécifiques. Une enquête de cesgenre devrait être systématique. car elle engage gravement la responsabilité de l’emploveur. Ce qui ne signifie nullement que nous éliminions le « facteur humain » dans la série des causes possibles, et nous verrons ultérieurement à quelles mesures propres il peut conduire. NUIIOSCCIIS e La Traumatologie nous est apparue comme une nécessité pratique et technique, sans parler de sa nécessité morale. Nous avons suggéré. non pas tant la création de « cliniques » spécialisées, que la mise en place de « réseaux » cohérents dont les avant-postes seraient les infir¬ meries d’Entreprise. A l’appui de cette opinion, nous rappellerons l’am¬ pleur des soins d’urgence et des soins aux accidentés légers, notés sur les registres d’infirmerie, et nous leur comparerons la gravité habituetle des lésions, qui, primitivement, peuvent paraître bénignes, telles les pidures, les efforts ou les entorses, par exemple. Le diagramme n° 37 permet de comparer le pourcentage des accidents avec arrêt et celui des accidents bénins et montre l’importance de ces soins d’urgence, bien que ces chiffres soient sujets à interprétation : les registres d’u firmerie sont très inégalement utilisés. 311 ETUDE STATISTIQUE Diagramme N° 37 La Prévention, de son côté, est dominée par un impératif, qui est l’entraipement systématique des travailleure à l’utilisafion des dispo¬ sitifs de sécurité. La localisation des lésions permet d’établir l’ordre d’urgence et d’importance de ces dispositifs, et de préciser que la pro¬ tection des mains vient au tout premier rang. Encore faut-il que les gants deviennent des éléments, nécessaires de l’opération profession¬ nelle et « s’intègrent » ainsi dans la psychophysiologie des travailleurs. Parallèlement au réseau de Traumatologie, nous vovons donc l’intérêt d’un système d’apprentissage qui soit orienté vers l’acquisition d’auto¬ matismes corrects, c’est-à-dire préoccupé de psychophysiologie au même titre que de technologie, car la productivité est autant fonction du rendement biologique que de la qualification professionnelle de la main-d’œuvre. 12 ACCIDENTS DU TBAVAL ET FACTEUR HUMAIN VIL. — CONCLUSION. Sonmaite: Un mouvement en faveur de l’Education physique professionnelle : Quelques expériences significatives : Unité du facteur humain. 26 Un mouvement en faveur de l’Education physique professionnelle. Après avoir abordé les composantes du Risque et conclu à l’inté¬ rêt d’une formule mathématique réalisant leur synthèse, nous avons vu quelles incidences pouvaient avoir les facteurs âge, seve, pays d’ori¬ gine, qualification, causes, heure du poste, siège et nature des lésions sur la fréquence et sur les incapacités temporaires et permanentes. Il ressort de ce second chapitre que les caractéristiques de l’accident. son contexte matériel et ses incidences individuelles se trouvent direc¬ tement liées à la psychophysiologie du travailleur en ce sens qu’ils dépendent, non pas tant de causes extérieures fortuites, que d’une rup¬ ture d’équilibre dans l’association Homme-Travail et plus particuliè¬ rement dans l’adaptation individuelle au poste. En conclusion, nous voudrions apporter à la cause du facteur humain considéré de cette manière quelques chiffres très éloquents. résultant d’expériences-pilotes. Si nous transposons sur le plan pra¬ tique nos idées concernant la préparation physique et l’entretien des conditions de santé de la main-d’œuvre, conditions fondamentales de sa sécurité au travail, nous pouvons dire que seront directement inté¬ ressantes toutes réalisations permettant d’étudier les relations entre l’entrainement physique, les traumatismes et les incapacités qu’ils déterminent. Or, la France n’est pas restée à l’écart du mouvement, assez géné¬ ral dans les autres pays, en faveur de l’Education physique profession¬ nelle. CHOUFFET fut un promoteur dans le cadre du Bâtiment, et nous tenons à lui rendre hommage pour cet engagement courageux. en un temps où les esprits étaient plus ou moins bien préparés à accepter une telle novation. A sa suite, nous avons vu apparaitre un certain nombre d’essais, tous intéresants de quelque manière. Il semble que nous sovons à une période ou la synthèse devienne néces¬ saire, ou du moins la confrontation des idées et des méthodes: les responsables de l’Education physique ont pris l’initiative de réunions instructives sur ce chapitre, préparant des Congrès internationaux d’envergure à BRUXELLES, puis à HELSINRI. Quelques expériences significatives. Citons, entre autres, les heureux résultats du Centre d’Apprentis¬ sage des Travaux Publics à EGLETONS, ceux de l’Ecole des Métiers de l’Electricité de France à GURCY-LE-CHATEL, avec le Docteur gistes de l’Institut de Moscou. ETUDE STATISTIQUE 113 LAMBERT, des Eclles d’Apprentissage des Ftablissements carnaud et Forges de Basse-Indre, des Houillères du Pas-de-Calais avec le Docteur LAFAY, des Lsines Renault, de la SNCE avec M GUILLEN, des Mines et Aciéries Lorraine-Escaut avec le Docteur GODARD), si éclairé sur les problèmes de main-d’œuvre, des Usines de Wendel à HAYANGE. avec Elly ROUS. Citons aussi les efforts de coordination et d’éduca¬ tion du GE G. de l’Association de la Jeunesse Ouvrière (M. STERBE). de l’Institut National de Sécurité (M. SALLE), de la Fédératiop Fran¬ caise d’Education Physique (Mme René MAYER) et tout spécialement du Haut-Commissariat à l’Education Physique et aux Sports, sous l’im¬ pulsion de M. Maurice HERZOG. Citons enfin les travaux déjà effectués sur le rôle de l’Education physique dans l’adaptation à la vie sociale et professionnelle. (Docteur PERIE. Docteur CAVEL. Docteur EN¬ CAUSSE), sans parler de ceux des spécialistes en matière de physio¬ logie et de psychologie du travail et de l’exercice (1). Nous rendrons un particulier hommage à celui qui nous a légué un héritage spirituel et technique de première valeur, notre maitre Georges HERERT. Toutes ces expériences et tous les efforts dépensés ont abouti à la conviction que l’entrainement physique général, associé à l’appren¬ tissage des gestes professionnels et à la création d’automatismes cor¬ rects, constituait une amélioration considérable de l’efficience de la main-d’œuvre et une condition de sécurité. Diverses statistiques ont été publiées, mettant en évidence ce rôle protecteur de l’Education physique 9) De Wendel à HAVANCE (EIIY ROUIS) : 330 sujets du Centre d’Apprentissage observés pendant 3 ans — Absentéisme par maladie: — 30 jours par apprenti chez les 66 plus faibles : — 4,6 jours par apprenti chez les 264 moyens et forts. — Absentéisme par accident : — 18 jour par apprenti chez les 66 plus faibles : — 933 jour par apprenti chez les 264 moyens et forts. Le rapport est donc de 1 à 6 entre les deux lots d’apprentis. Sur 174 accidents constatés, 40 sont répartis sur les 25 plus faibles. soit 1,6 par apprenti. Entre les 25 plus forts et les 25 plus faibles. nous trouvons un rapport de 1 à 5 en matière d’accident : les 25 plus forts n’ont montré qu’une fréquence de 0,32. (1) Cf, en particulier : PrOf. Miro MIHOVILOVIC, Institut d’Education Physique de Zagreb (vougoslavie) : PrOf. BRAMBILLA et CERRETELLI, PrOf. EZIOMARIA MONTI (Italie). — Dr. B. DELANNE PrOG. COPPEE: Institut Médical du Travail de Lige. — vera RYSHKOYA à Leningrad, QUKHTOMSRY, DONSEOI et les physiolo¬ 114 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN b) Mine de MOINEVILLE. SIDELOR : Trois lots de sujets de 23 à 30 ans ont été comparés pendant 5 ans Ces ouvriers sont des travailleurs de force polygestuels : — 26 sujets ont pratiqué et pratiquent encore Education physique et Sport : — 50 ont pratiqué, puis abandonné : — 50 n’ont jamais pratiqué. Le nombre d’ouvriers sans accidents a été : — dans le premier cas : 38,5 %% (soit une fréquence de 0, 119): — dans le deuxième cas : 20,0 % (soit une fréquence de 0,186): — dans le troisième cas : 8.0 %% (soit une fréquence de 0,304). L’absentéisme par accident se répartit ainsi : — dans le premier cas : 28,5 %: — dans le deuxième cas : 31,5 %: — dans le troisième cas : 40,0 %%. C) Aciéries des ANCITES : Sur l’ensemble des acidents du travail de 1955, la moyenne des journées perdues par accident a été de 5,03 % : pour les ouvriers prati¬ quant le sport, cette moyenne n’a été que de 1.75 %%. d) Société Forérienne des Travoux Publics : SAINT-ETIENME. Sur un total de 6 années, deux lots d’ouvriers de même age moyen ont pu être comparés. L’intérêt incontestable de cette étude est qu’elle s’applique à des conducteurs d’engins lourds, donc victimes fréquentes d’accidents dans notre statistique nationale : — Les non sportifs ont présenté une densité totale de 28,6 acci¬ dents : — Les sportifs, une densité de 5. 1. L’absentéisme pour maladie et accident a suivi la même répar¬ tition : — Les non sportifs présentent une moyenne de 76, 1 : — Les sportifs, une moyenne de 0,3. M. ROCHER, Sous-Directeur de la Société et auteur du travail sta¬ tistique, souligne que les sportifs sont, dans leur ensemble, plus aptes à la conduite d’engins, ce qui se traduit par ce taux d’accidents très notablement plus faible que celui des non sportifs. Il fait aussi remar¬ quer, sur le plan du travail, des qualités mentales et psychomotrices très supérieures chez les sportifs : discipline, maitrise de soi, décision. exactitude des réflexes, meilleure résistance à la fatigue. Sur le plan des loisirs, le sport est également favorable à un équilibre men¬ tal et physique, sans parler de l’esprit d’équipe, qu’il développe régulièrement. Nous n’avons pas de commentaire à ajouter à ces chiffres, suffi¬ samment éloquents par eux-mêmes. Ils confirment notre opinion que l’entrainement physique général, à plus forte raison s’il est complété ETUDE STATIS IQUE 113 par un entrainement spécifique des automatismes professionnels et par une éducation technologique et morale, permet d’améliorer la qualité du travail produit et de constituer des équipes ouvrières plus cobé¬ rentes et efficientes : le signe tangible de ces progrès se trouve dans la réduction du taux d’accidents et de l’absentéisme. Ajoutons à ces études les chiffres établis par le Centre de Réentrainement au Travail de GONDREVILLE, ou cet entrainement physique professionnel a été appliqué à des handicapés. L’hypothèse d’une systématisation des exi¬ gences corporelles du travail en quatre groupes de base résulte d’une étude statistique des causes d’accidents. Ce sont : la manutention, la conduite et cordination, les déplacements, l’évolution sur engins. Les progrès moyens réalisés par les handicapés dans des épreuves¬ tests cotées de 0 à 9 se situent autour des moyennes suivantes (les chiffres résultent de la différence entre les performances à l’entrée et à la sortie du Centre) : Ces chiffres, établis après deux ans d’expérience, montrent une certaine hiérarchie dans les progrès obtenus. Il est simple de calculer le pourcentage des progrès par rapport aux performances optima de 9 : — Train inférieur : 31 (% : — Conduite et coordination : 29 % : — Evolution sur engins : 27 % : — Manutention : 24 . Nous pouvons en conclure que : — Le réentrainement au travail permet d’améliorer la condition physique et les aptitudes pratiques aux opérations profession¬ nelles dans une proportion moyenne de 30 % : Cet entrainement est le plus efficace dans la récupération des capacités du train inférieur et de la coordination : Il semble que les capacités de fond et les automatismes néces¬ saires à ces deux catégories d’épreuves soient les aptitudes les plus améliorées par les techniques d’entrainement utilitaire. Les manutentions, par contre, doivent faire l’objet de disci¬ plines particulières et des plus attentives, si l’on veut obtenir des résultats équivalents (1). (1) C. Communication Pr. MERRLEN, DrSs POULIZAC et WAGNER, R. SAVOYEN au Copgrès d’Helsipki, aout 1955. Les facteurs d’aptitude qu trapait, leur bitul et leur réentrainement. 116 Unité du facteur humain. ETUDE STATISTIQUE Deux extraits illustrent nos premières constatations : — Le premier est tiré du discours d’ouverture au Congrès Inter¬ national d’HELSINKI. « Dans combien de pays la connaissance scientifique et la « compréhension effective de la vie corporelle dans le dévelop¬ « pement de l’enfant et de l’adolescent inspirent-elles, quident¬ « elles, pénêtrent-elles l’éducation dans son ensemble ?.. Cette « unité profonde de l’éducation doit se poursuivre à travers la « vie. L’harmonie de la personnalité et celle de la société sont « à ce prix. De même qu’il faut intimement unir le gympase « et la salle de classe, le terrain de jeux et la maison, de « même il faut unir l’atelier, le bureau, l’usine et le stade. » (M. B. MAHEL, Directeur de l’UNESCO.) — Le second est tiré d’un livré qui retrace l’expérience d’une intel¬ lectuelle conquise, mais durement éprouvée, par le travail manuel. « Je me suis apercue, à l’usine, combien il est paralysant « et humiliant de manquer de vigueur, d’adresse, de sureté « dans le coup d’œil. A cet égard, rien ne peut suppléer, mal¬ « heureusement pour moi, ce qu’on n’a pas acquis avant « 20 ans., Je ne suis pas loin de conclure que le salut de l’âme « d’un ouvrier dépend d’abord de sa constitution physique, 3 (Simone WEIL. La Condition humaine). DEUXIEME PARTIE ACCIDENTS DU TRAVALL ET FACTEUR HUMAIN PLAN DE LA DEUXIEME PARTIE ACCIDENTS DUT TEAYAIT ET EACTELUIR LUuHAR INTRODUCTION. CHAPITRE L: L’APPRENTISSAGE DES TRAVAIL¬ LEURS « NORMAUX »........... CHAPITRE II : LE CAS DES HANDICAPES. CHAPITRE IIT : LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE... CHAPITRE TL : POUR UNE POLITIQUE CENERALE DU CONTROLE MÉDICAL DES A-T. CHAPITRE L : LES TEXTES CONCLUSIOI BIBLIOCRAPHTE 121 129 147 150 165 175 187 17P tifique, ce sont des mesures d’ensemble qui s’imposent, où chaque res¬ INTRODUCTION SOMMAIRE : Le facteur humain et les accidents du travail : Apprentissage et adaptation professionnelle : La Réadaptation : Prévention et production. « le ne sais plus que des choses fellement « évidentes qu’un homme infelligent dédaiane¬ « rait de les dire, Tellement épidentes que la « plupart des hommes ont fini par les oublier.» LANZA DEL VASTO. «Principes et préceptes du retour à l’Evidences L’enseignement essentiel de notre étude statistique est que les cir¬ constances favorisantes et les causes immédiates des accidents du tra¬ vail sont multiples et variées. Schématiquement distinguées en « fac¬ teurs matériels » et en « facteurs humains », elles sont en réalité très intriquées et dans l’état actuel de l’organisation industrielle et sociale. elles relèvent de compétences nombreuses, habituellement et malen¬ contreusement isolées les unes des autres : Chefs d’Entreprise. Chefs du Personnel Directeure d’Etablissements Publics et Privés d’Appren¬ tissage, Ingénieurs Médecins du Travail. Spécialistes de la Prévention. Psychologues. Psychotechniciens. Assistantes Sociales. Responsables de la Sécurité Sociale ete Si nous considérons, en effet, l’Homme dans ses relations avec le Travail, nous sommes manifestement génés par une telle dispersion. Or, la Prévention et la Réadaptation ne peuvent se concevoir sans une connaissance globale des différents facteurs de l’adaptation biologique du travailleur à son poste, autant que des condi¬ tions techniques du travail et de leur compatibilité avec les structures de l’individu. Et, à partir de cette connaissance, de plus en plus scien¬ ACCIDENTS DU TRAVAIL ET TACTEUR HUMAIN 122 ponsable de cet immense monde du Travail aurait un rôle précis à jouer. Pour rester efficaces, Prévention et Réadaptation doivent rester près de leur objet v́ritable, et ne pas s’enfermer dans des spécialités théoriques et abstraites. Notre deuxième partie sera donc un essai de synthèse qui nous conduira sinon à des réalisations pratiques déterminées, du moins à une méthode de travail et à des idées générales propres à orienter les recherches. Et dès l’abord, nous rendrons hommage à M. le Professeur L. PARISOT, qui nous a enseigné l’essentiel de toute méthode d’étude et d’action sociale, très justement résumé en un précepte dont il est l’auteur : unir sans absorber. Autour de problèmes bien délimités, dont l’importance et l’ordre d’urgence ont été au préalable minutieusement fixés, il convient d’associer les efforts conjugués des spécialistes. C’est par la coordination que sont le plus sdrement sauvegardés les princi¬ pes d’une politique cohérente et l’originalité de chaque expérience. Et mieux vaut utiliser les Organismes existants et les intégrer dans un plan général que risquer les doubles emplois par des créations concur¬ rentes. Autant dire qu’il s’agit là d’une méthode qui est à la fois une morale, puisque le dynamisme et la vitalité propres de chaque unité sont respectés avec autant de soin que l’intérêt collectif auquel ils sont appelés à participer. Le « Facteur humain » et les accidents du frovait. Quelques tendances caractéristiques ont marqué l’évolution des idées et des recherches relatives au sfacteur humain », qui nous parait sous-jacent à toutes les causes proches et lointaines de l’accident, et que nous vovons en transparence à travers les facteurs matériels. Les premières hypothèses de GREENWOOD et NEWBOLD, puis les statistiques de MARBE, conduisirent a la première théorie de la pré¬ disposition aux accidents. A. ARBQUS emplova, pour caractériser cette prédisposition, le terme significatif d’ idiosyncrasie ». Plus près de nous, en France, les travaux de LAUGIER, MONNIN. LAHY et PACAUD se sont orientés vers l’analyse des réactions psychomotrices. L’accident serait dù à une hyperexcitabilité anormale du systême nerveux et à l’incohérence des réponses motrices aux stimulations sensorielles. De son cété. BONNARDEL, mit l’accent sur l’acquisition d’une « intelli¬ gence concrête » au cours de l’adolescence, qui permettrait de proté¬ ger l’individu dans les situations dangereuses : c’est ainsi que notre éducation scolaire théorique devrait être complétée par une éducation « gestuelle », où la formation physique rejoindrait intimement la for¬ mation intellectuelle et où les exercices favorables au dévelonnement harmonieux de l’organisme prendraient un tour utilitaire, à la manière de l’Hébertisme, par exemple. A la suite de PAVLOV, les psychophysiologistes russes ont estimé que les « automatismes », acquis par un entrainement professionnel bien conduit, étaient une garantie de sécurité: le geste efficace fut ainsi considéré dans ses commandes nerveuses supérieures, qui réali¬ seraient la synthèse et le lien entre les manifestations physiques et la hiérarchie et le groupement des éléments essentiels qui entrent dans ACCIDENTS DU TBAVAL ET FACTEUR HUMAIN 123 mentales de l’activité. Sans admettre une certaine tendance philoso¬ phique latente dans ce point de vue, et sans accepter le principe du « dressage » comme moyen d’acquérir ces automatismes de sécurité nous pouvons tout de même reconnaitre l’importance d’un apprentis¬ sage et d’un entrainement professionnels conformes aux lois et néces¬ sités de la psychophysiologie du travailleur Nous rejoignons quelque peu les idées de BONNARDEL, mais avec une insistance particulière sur l’aspect professionnel de la formation « gestuelle », qui ne doit pas rester uniquement polyvalente, mais s’inscrire dans une préparation plus spécifique au travail, si nous voulons lui donner toute sa portée pratique. ZUBELUH, dans son récent travail sur la Prévention, a suagéré de poursuivre cette formation initiale par une « formation-sécurité : continue dans le cadre des Entreprises. Contremaitres et ouvriers pren¬ draient ensemble conscience des dangers de leurs ateliers, puis élabo¬ reraient et mettraient en application les mesures préventives adaptées. Dans la région du Nord-Est, une intéressante expérience a repris ces idées, à l’initiative de M. MOREAU. Directeur de l’Ecole Régionale de la Sidérurgie, à METZ. Les cadres des Entreprises sont ainsi réguliè¬ rement réunis pour échanger leurs points de vue et recevoir un ensei¬ gnement spécialisé sur la Prévention, ses motivations morales et ses conséquences pratiques. Le but recherché est de former des militants capables d’entrainer les travailleurs à leur suite, et non seulement d’s engranger » des connaissances : « L’essentiel du cierge n’est pas la cire, mais la lumière » Assurant la jonction entre psychologie et physiologie, entre com¬ portement individuel et milieu social, les psychosomaticiens et les socio¬ logues ont avancé des opinions sinon différentes, du moins complémen¬ taires. Pour FLANDERS DUNBAR, par exemple, les fracturés des mem¬ bres présenteraient fréquemment, lors de leur traumatisme, des senti¬ ments de révolte et d’agressivité. TILLMANN et HOBBS ont abouti à des conclusions semblables et assimilé les accidentés à des « psychopathes légers ». La plupart des auteurs sont arrivés à la même notion d’une désadaptation mentale, traduction plus ou moins fidèle d’une désadap¬ tation physique. Ce fut aussi l’avis de MORENO et de ses disciples, qui ont considéré le traumatisme comme la sanction d’une rupture d’équi¬ libre dans le « Groupement sociométrique » des travailleurs. Mais, prises isolément, ces différentes conceptions peuvent paraitre tendancieuses et de toute manière conduire » des applications par¬ tielles et inopérantes Il est difficile de passer du laboratoire à la réa¬ lité, ne sachant quelle importance absolue ou relative donner à cha¬ cune des hypothèses avancées. Prédisposition aux accidents, défaut d’intelligence concrête, automatismes erronnés, information insuffi¬ sante, trouble caractériel, désadaptation sociale conduisant au « socio¬ drame », sont autant d’aspects d’une même déficience « humaine », qui en présente d’ailleurs, bien d’autres. Il nous faut tenter une simpli¬ fication des données et envisager une conception globale rétablissant 124 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN les conditions d’adaptation et de désadaptation au travail. Et si nous avons choisi d’éclairer la Prévention et la Réadaptation sous ce jour particulier du facteur humain, c’est précisément en raison de la diver¬ sité des opinions et de la pauvreté des réalisations qu’il a inspirées, au regard de l’importance qu’il parait avoir et que l’on estime de plus en plus décisive. C’est aussi parce que nous pensons que conditionne¬ ment et individu finissent par se réunir en une seule et même don¬ née qui est l’intervention de l’homme dans le travail. Que faut-il entendre par « facteur humain » 2 Nous éliminerons dès l’abord le simplisme qui le confond avec la culpabilité du travailleur. En un domaine ou interviennent des élé¬ ments aussi complexes, il ne semble pas possible de faire peser sur les seuls agents d’exécution la responsabilité morale pleine et entière de la « causalité accident ». Celle-ci est caténaire et relie tous les tech¬ niciens de l’Entreprise. La capacité productive, en effet, résulte aussi bien de la qualité de l’orientation initiale, de l’apprentissage et de l’entrainement au métier, que de la surveillance attentive des aptitudes au cours de l’existence professionnelle. Le « conditionnement » de l’ouvrier dépend de l’organisation générale de l’atelier, de l’ordre et de la clarté de ses dispositioas, comme de l’intelligence des procédés de fabrication et de l’outillage utilisé : ce sont là des questions pure¬ ment techniques dont la bonne solution dépend de la compétence et de l’attention des cadres. Or, elles sont de nature à orienter très direc¬ tement le comportement du travailleur. Nous ne pouvons pas méconnaitre que le goût au travail, le soin. la conscience professionnelle dépendent d’une correcte harmonisation du couple Homme-Travail. Le tonus mental et la bonne volonté, si ardemment souhaités par l’emploveur, apparaissent comme une résul¬ tante et non seulement comme une donnée primitive, faveur providen¬ tiellement accordée à tel ou tel individu. Ils n’expriment pas tant les dispositions naturelles que la réussite de l’Entreprise dans les domai¬ nes interdépendants des facteurs matériels et humains. Ils sont sur¬ tout déterminés par l’organisation du travail. l’orientation profession¬ nelle et la pédagogie de la main-d’œuvre. La Prévention ainsi consi¬ dérée prend un relief particulier. Elle devient le souci permanent de toute activité industrielle. Bien plus qu’une discipline accessoire et spé¬ cialisée, elle est une disposition d’esprit, tendue vers la sécurité. S1 bien que la responsabilité de l’accident est réellement collective et dif¬ fuse, puisque le facteur humain finit par être partout présent dans les circonstances qui commandent sa « probabilité ». Que penser, dans ces conditions, d’estimations quantitatives de l’intervention du travailleur dans l’accident 2 Elles se révèlent réguliè¬ rement imprécises et variables, avec la particularité, à notre sens très significative, qu’elles sont progressivement croissantes dans le temps. En 1926. NEWBOLD considérait cette intervention comme nulle, en même temps que FROIS, à l’occasion de 242 accidents mortels, l’éva¬ luait à 43 %%. MANOIL, portait ce chiffre à 60 %% dans une étude de 4 500 accidents. En 1930, la LOC. belge estimait la participation ACCIDENTS DU TBAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 125 humaine à 68 %%. Depuis, les auteurs américains et français, dont ceux de la S. NC.F., se sont accordés sur la proportion de 75 %%. Tenant compte du point de vue particulier des psychotechniciens. MORALLI¬ DANINOS et SOLOMONIDIS envisageaient, plus récemment, un taux de 85 7%, rejoignant en cela les appréciations faites par un certain nombre d’Ingénieurs. Quant au Professeur MIHOVILOVIC, de ZAGREB. sa récente estimation est de, 90 %. (1) Toutes les opinions possibles ont donc été soutenues. Mais il parait assez vain de parcourir les publications sur ce thême, car les résultats avancés reposent sur des accidents trop divers. survenus dans des Entreprises nullement comparables. Il s’agit d’un problème qualitatif et non quantitatif, où intervient davantage tel groupe d’aptitudes individuelles dans telle opération professionnelle. qu’une plus ou moins grande part de facteur humain. Nous sommes en présence d’un équilibre très précis entre des capacités physiques et mentales et les exigences d’un poste, et nous devons connaitre tou¬ tes les composantes de cet équilibre, puisque sa rupture conduit à l’accident. La Prévention est ainsi bâtie sur la convergence des apti¬ tudes et du poste, qui permet d’éclairer à la fois les disciplines d’orien¬ tation, de formation et d’entretien de la main-d’œeuvre, et l’organisa¬ tion technique du travail. La question est de savoir si, pour provo¬ quer le traumatisme, les conditions professionnelles ne correspondaient plus aux possibilités de l’ouvrier, ou si, inversement, l’ouvrier avait perdu ses possibilités de répondre à telle ou telle sollicitation pro¬ fessionnelle. A. ARBOUS disait : « Il est certain que l’essence de la « causalité accident » est l’ac¬ « tion réciproque, plutêt intriquée, qui existe entre l’individu et l’envi¬ « ronnement, et l’influence de l’un ne peut être appréciée sans que « l’on considère l’action de l’autre, » Tel est l’esprit dans lequel nous envisagerons le facteur humain. qui est interdépendance entre le travailleur et son milieu profession¬ nel et social. Apprentissage et adaptation professionnelte. Les statistiques nous ont montré la particulière fréquence des trau¬ matismes chez les travailleurs manuels, manœuvres, et ouvriers spécia¬ lisés, qui effectuent des opérations à « dominante corporelle » pour reprendre un terme de la classification de GUNTHER LEHMANN, Parmi ces opérations, la manutention est le plus souvent en cause, si par « manutention » nous comprenons le déplacement des charges par le. seul moyen de la force et de l’habileté physiques. La conduite de véhi¬ cules, d’engins et de machines vient immédiatement après, et fait inter¬ venir davantage les aptitudes psychomotrices que les capacités mus¬ culaires et foncières. En ce qui concerne les accidents au sol, qui vien¬ nent au troisième rang, leur cause déterminante ou favorisante est l’uti¬ (1) Congres de Bruxelles, 6-7 mai 1958. 126 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN lisation défectueuse du train inférieur. Les accidents par chute au cours d’une évolution en hauteur, pour être les moins fréquents, sont néan¬ moins les plus graves : les déplacements sur échelles, poutres, écha¬ faudages et appareillages divers, sollicitent principalement les syner¬ gies nerveuses et musculaires. Dans ces différents cas, il est pratique¬ ment impossible de faire la part du conditionnement et de l’individu. mais nous avons retenu un tel groupement pour la similitude des opé¬ rations « gestuelles » effectuées au moment du traumatisme. Si, par ailleurs, la caractéristique commune de ces travailleurs manuels est qu’ils sont professionnellement peu ou pas qualifiés, et que leur capacité de gain dépend surtout de leur rendement neuro¬ musculaire, nous pouvons en conclure que, d’une manière générale. ils n’ont pas subi d’initiation et d’entrainement spécifiques à leur poste. et que, le plus souvent, ils procédent par routine, mélant les bonnes et les mauvaises habitudes. Ce qui nous semble le plus grave, c’est qu’ils aient échappé aux disciplines éducatives des Ecoles d’Apprentissage. en particulier à l’Education physique, si importante au cours de l’ado¬ lescence. Peut-on prétendre que l’exercice de leur métier soit en lui¬ même un moyen d’éducation suffisant " L’activité professionnelle est¬ elle, par ailleurs, un entrainement physique valable ? Tous les spécia¬ listes s’accordent sur l’absolue nécessité d’une Education physique géné¬ rale pour aboutir à un développement normal de l’organisme. Quant à l’entrainement professionnel, au même titre que l’entrainement spor¬ tif, il réclame un exercice progressif dosé et surveillé des aptitudes gestuelles et foncières, comme des aptitudes mentales. Le travail répé¬ titif et utilitaire, qui sollicite les mêmes groupes musculaires avec une intensité constante, n’est que très partiellement un entrainement : il permet tout au plus l’acquisition d’automatismes, qui, dans la plupart des cas, sont aberrants parce que routiniers et empiriques. Et il u a loin de l’automatisme aux capacités de fond, de la qualilé du geste son erploitation industrielte. Si nous désirons améliorer le rendement biologique de la main¬ d’œuvre, c’est-à-dire reculer les frontières de la fatigue et en même temps assurer les conditions de sa sécurité, nous sommes donc, dès l’abord, placés sur le terrain de la politique générale de l’apprentissage. On a donné beaucoup d’importance aux Centres et Ecoles de Forma¬ tion Professionnelle, mais on a négligé l’entrainement physique des Manœuvres et des O.S. On a beaucoup pensé aux aptitudes technolo¬ Siques et pas assez aux aptitudes corporelles. Et dans tous les cas, on a séparé, sur le plan de l’éducation générale, ceux qui ont la chance de disposer des capacités nécessaires à une formation professionnelle et les autres, auxquels il est refusé une éducation à leur mesure, dans un langage qu’ils soient susceptibles de comprendre et de sentir. Apprentissage, entrainement physique et éducation nous apparaissent comme étroitement complémentaires, Passé l’âge de l’adolescence, nous sommes conduits à envisager un nécessaire entretien des capacités acquises. La lutte contre la fatigue et les déformations professionnelles posent alors des problèmes particuliers, où l’Education physique rite Sociale, encore que la promotion puisse être parfois le seul moyen ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 127 devient gymnastique spécialisée d’introduction, de pause, de correction. et où la surveillance médico-sociale du travailleur permet de faire face au vieillissement par un reclassement préventif décidé en temps utile. La Réadaptation. Si l’accident survient, son traitement chirurgical et fonctionnel. puis la Réadaptation du handicapé, doivent se succéder dans le temps pour permettre une récupération des capacités perdues. La Trauma¬ tologie et le traitement fonctionnel sont encore peu développés, mais n’en ont pas moins des assises techniques suffisantes, laissant l’espoir d’une extension aisée et rapide, Par contre, la Réadaptation profession¬ nelle et sociale des traumatisés qui gardent un handicap pratique reste encore bien imprécise. Depuis les claires expériences des pionniers que furent VALENTIN HAUY et l’abbé de l’EPEE, nous n’avons constaté que des références éparses d’une Réadaptation encore à la recherche de ses définitions et de ses méthodes, du moins dans notre pays. En général absorbée dans la rééducation à un métier nouveau, elle n’a que très partiellement découvert ses bases éducatives, psychologiques. physiologiques et sociales, encore plus importantes que pour l’adapta¬ tion des jeunes travailleurs. Et si nous devons élargir les copceptions traditionnelles de la réé¬ ducation professionnelle, parallèlement nous devons rompre les adhé¬ rences qui subsistent entre Réadaptation et traitement fonctionnel. Nous les vovons souvent confondus bien qu’ils soient techniquement distincts. Il nous faut dégager la récurération de la capacité de tra¬ vail et de gain, si nécessaire aux bandicapés inaptes à leur travail antérieur, de ce prolongement de la thérapeutique chirurgicale que cons¬ titue la rééducation des fonctions motrices Sans doute, ce traitement fonctionnel s’impose-t-il comme une Prévention du handicap, car il améliore la guérison clinique, mais la Réadaptation n’en est pas moins indispensable pour éviter le déclassement professionnel ou le chômage. en permettant la meilleure compensation possible des déficiences. La combinaison de ces deux actions étagées est le seul moyen de mettre un peu d’ordre dans le réemploi des traumatisés : le fait de replacer le plus grand nombre d’entre eux à des postes praductifs permet de réserver les postes secondaires ou « légers » aux plus gravement handi¬ capés. Sinon, nous aboutirions inévitablement à une saturation de ces postes « légers », c’est-à-dire à des difficultés rapidement croissantes de la politique de réemploi. Quant à l’aspect social de cette question. il n’échappe à personne que le handicapé souhaite conjointement une récupération de son salaire et de son indépendance dans la vie quoti¬ dienne, Tout doit être mis en œuvre pour une compensation ration¬ nelle du handicap, qui soit une manière de libération par la conquête d’aptitudes nouvelles. Il ne s’agit pas tant de « promotion systématique » que de sauve¬ garde du potentiel d’action, au sens le plus strict de la loi de Sécu¬ 128 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN pratique de garantir le réemploi. Dans tous les cas, le handicapé ne fait plus ici valoir un droit sans retour, puisque son droit au travail résulte d’efforts particuliers, qui dépendent de son adhésion. Sa capa¬ cité de gain est à ce prix, et par elle son avenir personnel. En fait. une solidarité étroite l’unit à ses camarades d’infortune, puisque sa réussite dans le retour à un poste productif est une condition de suc¬ cès de l’ensemble du réemploi. C’est dire que pour les handicapés comme pour les travailleurs « normaux », la capacité de travail et de gain dépend d’une politique bien définie mais très ample, qui déborde les limites trop étroites de l’apprentissage technologique et incorpore dans la préparation au travail une indispensable éducation. La Réodan¬ tation, tout comme la Prépention, est avant fout une Pédaqogie médico¬ sociale. Prévention et production. Ainsi considérée, la Prévention quitte la voie étroite du « protec¬ tionnisme », qui ne s’intéresse qu’aux conditions matérielles du tra¬ vail et ignore l’intervention décisive du facteur humain. Elle devient liée à l’orientation, à la formation et à l’entretien de la main-d’œuvre La Réadaptation, qui est aussi prévention des rechutes n’est plus une prolongation plus ou moins arfitraire des soins, ou le seul appren¬ tissage d’un métier nouveau promis aux plus aptes. Le Réemploi n’est plus une faveur « sociale » ou « charitable » obtenue par d’astucieuses démarches. Prévention et Réadaptation sont positivement établies sur les bases objectives de la connaissance des capacités individuelles et d’un entrainement techniquement valable répondant aux besoins des Entreprises. Dans l’un et l’autre cas, le critère de réussite devient la paleur ouvrière, quels que soient la qualification et le poste envisagés. Le Chef d’Entreprise n’obtiendra donc une réduction suhstantielle des charges du traumatisme et du handicap qui pèsent si lourdement sur sa gestion, que s’il étudie de près les éléments de sa production, sans en excepter aucun. Pour lui, facteur matériel et facteur humain sont également importants, et plus encore leur adaptation réciproque. Et la production dépend de la valeur de ces trois données : perfection des moyens matériels au service de la fabrication, qualification et valeur morale et physique des travailleurs affectés aux différents postes, exactitude de la synchronisation entre les capacités individuelles et les rythmes, productifs. Ce sont aussi les trois données d’une Pré¬ vention qui considère l’ensemble des facteurs de sécurité Prévention et Production procédent par conséquent d’une même recherche et abou¬ tissent au même résultat, ou l’on trouve réunis les intérêts collectifs de l’Entreprise et les intérêts individuels des travailleurs. Et c’est là l’Evidence qu’il nous faut découvrir ou découvrir, après avoir mesuré la charge écrasante de l’accident et de ses suites. DES TRAVAILLEURS NORMAUX II. — L’entretien de la condition physique : IV. — L’éducation-sécurité : V. — Les structures. main-d’œuvre française nous incite à examiner sa confrontation avec CHAPITRE PREMIER L’APPRENTISSAGE SOMMAIRE: L. — Considérations générales : II. — L’apprentissage-orientation : « Force-les de batir ensemble une tour. et tu les changeras en frères, mais si tu veux qu’ils se haissent, jette-leur du grain, » A. DE SAINT-EXUPERY, : Citadelle 1. — COMSIDERATIONS CENERALES. Le facteur humain, considéré dans son ensemble, s’impose donc comme un élément favorisant ou déterminant de l’accident du travail. en même temps qu’il commande la productivité. Nous n’aborderons pas son intervention dons le « conditionnement » de l’Entreprise, car elle justifierait à elle seule une très longue étude : la mise en ordre de l’atelier, de ses dispositions de son ambiance la simplification des tâches et procédés de fabrication vont de pair avec l’évolution des progrès industriels, et rencontrent le succès lorsqu’elles correspon¬ dent exactement aux possibilités de la main-d’œuvre. C’est dans la double voie du perfectionnement technique et de l’humanisation du travail que se trouvent nécessairement engagés les responsables de ce tacteur matériel : les résultats spectaculaires des Etats-Unis en ma¬ tière de Prévention en constituent la preuve. Mais nous limiterons notre analyse aux aspects et interventions du facteur humain dans l’exécution des taches professionnelles, c’est-à-dire à l’adaptation du travailleur à son poste, à son métier, et plus généralement à l’Entre¬ prise et à la famille professionnelle. La qualité traditionnelle de la 130 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN les évolutions industrielles et à découvrir les raisons essentielles de sa désadaptation, traduite par la particulière fréquence de ses accidents. Chacun connait la marque pofonde du métier sur l’individu, et l’on peut dire qu’il existe une physiologie, une psychologie, un compor¬ tement du maçon, du métallo, du conducteur d’engins, etc. Et le bon ouvrier est celui qui connait assez son travail pour l’exécuter sans erreur, et surtout pour s’adapter intelligemment à ses éventuelles fluc¬ tuations, aux situations imprévues, aux variations des gestes et des rythmes. Or, une telle adaptation ne peut se concevoir sans une com¬ préhension des opérations professionnelles, de leurs mécanismes et de leur finalité. Elle ne peut pas non plus se passer d’une suffisante pré¬ cision des gestes et des automatismes, signes habituels d’une pratique réfléchie. L’accident résulte d’une rupture d’équilibre entre l’interven¬ tion du travailleur et les conditions extérieures qui déterminent son action, c’est-à-dire qu’il sanctionne une désadaptation progressive ou brutale, ou les facteurs mentaux et physiques sont mélés à des degrés divers. Il semble bien que le « rendement » industriel soit trop sou¬ vent étudié en marge de ses composantes fondamentales, en particu¬ lier du « rendement biologique » de la main-d’œuvre. Si bien que, dès l’abord, l’orientation professionnelle, l’apprentissage, l’entretien de la condition physique et mentale, tout comme le reclassement préventif en cas de déficience passagère ou définitive, nous apparaissent comme des préoccupations majeures de l’Entreprise, et s’imposent à elle avec une acuité au moins équivalente à celle du nécessaire perfectionne¬ ment des procédés de fabrication,. Bien plus, la cohésion des fonctions physiques et mentales chez le travailleur, qui nous permet de placer au premier plan les dispositions au travail, avant même la condition physique et la qualification technique, va nous entrainer beaucoup plus loin que l’apprentissage traditionnel. Nous pénétrerons nécessai¬ rement dans le vaste domaine "de l’éducation ouvrière, pour y décou¬ vrir que la qualification professionnelle n’est qu’un outil dont se ser¬ vent les énergies mentales pour accomplir l’ouvrage proposé avec toute la tension indispensable. Et pour situer le sens de notre recherche. nous préciserons que, loin de réunir les moyens de créer des robots¬ productifs, nous inclinerons bien plutôt vers l’épanouissement des apti¬ tudes individuelles, la satisfaction des besoins fondamentaux de l’homme et la véritable promotion qui n’est pas évasion mais « enra¬ cinement ». C’est en devenant pleinement un travailleur, que le tra¬ vailleur deviendra pleinement lui-même. Une telle prétention se heurte rapidement à un obstacle grave : notre système officiel d’apprentissage est à ce point codifié et saturé de technologie qu’il ne laisse guère de place à la véritable éducation ouvrière. D’autre part, il n’est réservé qu’aux plus aptes, qu’il « écrème : rationnellement à un certain niveau scolaire, et rI abandonne délibé¬ remept les autres c’est--dire plus de la moifie des frapailleurs français (1). Or, l’accident vient frapper avec prédilection cette classe 4) C A ROSIER: Laction sociale en faneur de la « Jeunesse ai trapait » dans l’Evolution Médicale. (L, rue de Courcelles, Paris - VIII°), Juin 1960, p. 149. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 13 des « rejetés ». Un travail à dominante corporelle, tel celui des Manœuvres et des O.S., est d’autant plus dangereux qu’il réclame moins de compétence intellectuelle. Et dans la réalité, rien n’est fait, ou presque, pour armer cette main-d’œuvre, pour la garantir contre les risques par une parfaite condition physique, pour l’avertir des tech¬ niques de travail les plus économiques et les plus sures par une ini¬ tiation et un entrainement spécifiques. Non seulement l’apprentissage traditionnel doit faire éclater ses limites trop étroites, mais encore doit-il s’étendre à des catégories professionnelles qui lui échappent. S’il apparait nécessaire de préparer la main-d’œuvre non quali¬ fiée à l’ensemble de ses tâches physiques propres, de l’initier et de l’entrainer à des automatismes gestuels convenables, encore faut-il développer chez elle les dispositions au travail par une éducation à sa mesure. Et plus encore que pour les ouvriers qualifiés, cette édu¬ cation doit s’étendre hors de la profession, et préparer les jeunes à leurs responsabilités personnelles dans la vie sociale. Une hygiène de vie correctement suivie, des loisirs organisés et véritablement béné¬ fiques, sont autant de garanties de l’entretien d’une bonne condition physique : cette condition physique, qui est souvent le seul outil de travail et qui, lorsqu’elle disparait, condamne l’ouvrier manuel à une existence professionnelle dévaluée, avec tout ce que cela comporte de déceptions et d’abandons. Ces points de vue utilitaires, nous ne les dissocierons pas d’un per¬ manent souci de la personne du travailleur, quel que soit son niveau intellectuel. L’usage a tout de même démontré que dans l’action, et plus spécialement dans l’action professionnelle, l’homme se réalisait et exprimait l’essentiel de lui-même. Que penser d’une action qui ne serait pas nourrie par une suffisante énergie mentale et par une atten¬ tion, une intelligence, une persévérance capables de la conduire à ses fins véritables 2 Loin de nous la pensée d’un « conditionnement » inté¬ gral, tel celui de la plante dont on veut canaliser et déterminer la poussée. Si le but que nous recherchons est élevé, et si l’apprentis¬ sage ainsi généralisé à tous les jeunes manuels ne nous parait pas dissociable d’une formation de base individuelle, dans le choix de la méthode, nous ne pouvons hésiter entre le dressage et la pédagogie active. Aux réflexes conditionnés minutieusement élaborés, nous pré férerons une prise de conscience personnelle et progressive des possi¬ bilités, des tendances des devoirs et des responsabilités Au-delà de la valorisation professionnelle, qui nous laisse enfermés dans ce condi¬ tionnement, qu’on le veuille ou non, il existe un humanisme ouvrier. aussi pur que l’humanisme classique, mais qui s’exprime en un autre langage que celui, des livres, et, des, mots. Cet humanisme de l’action traduit sa hiérarchie des valeurs en situations pratiques, sur le plan de la vie de relations. L’ouvrier comprend et parle « avec ses mains » et si nous prétendons accéder à sa personnalité intime, force nous est de réaliser la liaison entre nos schémas intellectualisés et ce lan¬ gage particulier. 132 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Pédagogie orientée vers l’éveil guidé des aptitudes, et exprimée en termes compréhensibles, c’est-à-dire, en un mot : pédagogie sensible. Et nul procédé codifié ou standardisé, nul programme savant, nulle méthode d’enseignement parfaite en théorie, ne remplacent le contact personnel entre l’éducateur et son élève, même si le dialogue emprunte la voie des disciplines de groupe et des leçons générales. C’est à une découverte individuelle des réalités ouvrières qu’il nous faut aboutir mais à la condition que nous les avions au préalable découvertes nous¬ mêmes. Les statistiques nous avaient déjà montré l’ampleur du problème de la Prévention, faite de psychophysiologie et de psychosociologie pro¬ fessionnelles. Le contact avec le facteur humain nous place délibéré¬ ment dans les vastes frontières d’un apprentissage ou l’éducation ouvrière soit une infrastructure solide. En réalité, rares sont les Entre¬ prises soucieuses de ce problème. Rares sont les mouvements éduca¬ tifs et les écoles qui ont « désintellectualisé » la formation, et par là même changé leurs perspectives de sélection d’une certaine élite « semi¬ livresque » pour pénétrer sans détours dans cette voie nouvelle de l’éducation des masses. Pratiquement, nous aborderons l’éducation ouvrière par son déno¬ minateur commun et son fondement essentiel, qui sont les réalités pre¬ mières du travail et du monde ouvrier. C’est par la formation profes¬ sionnelle que nous atteindrons le plus surement les premières données éducatives. Et c’est par la découverte des situations pratiques de l’exis¬ tence extra-professionnelle que nous pénétrerons plus avant dans le développement de la personnalité. Or, qui dit pédagogie dit aussi pro¬ gression. Il existe une progression logique depuis la vie physique du travailleur jusqu’à sa vie familiale et sociale, en passant par sa vie professionnelle. Les découvertes s’enchainent les unes aux autres, dans ce domaine des « situations », depuis l’action individuelle jusqu’au tra¬ vail d’équipe, puis à l’activité sociale. Mais notre but sera limité sur ce point à quelques principes généraux, et nous allons voir plus spé¬ cialement de quelle manière nous pourrions envisager l’apprentissage professionnel pour répondre aux exigences de l’adaptation Homme¬ Travail. I1. — L’APPRENTISSACE-ORIENTATION. Le naturel cartésien du Français l’a conduit à d’excessives systé¬ matisations, et la forme actuelle de l’apprentissage en est l’éloquente illustration. Le découpage des écoles en sections et la normalisation des programmes signent l’incontestable prédominance de la technologie sur l’éducation. Or, l’évolution industrielle dérègle sans cesse les décou¬ pages théoriques. Les ouvriers « professionnels » sont progressivement portés vers de plus hautes qualifications, en même temps que des ouvriers « spécialisés » les remplacent sur des machines de plus en tudes et potentialités individuelles avant de penser à l’entrainement des ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN 1331 plus automatiques. Si bien que les programmes sont toujours quelque peu en arrière des exigences de l’Industrie, tandis que le recrutement et l’orientation des jeunes suivent avec la même imprécision les besoins de main-d’œuvre. Le problème n’est pas simple, mais un hiatus regrettable sépare trop souvent l’école de l’Entreprise, les pro¬ grammes de la vie professionnelle, avec ses incessantes modifications Précisons encore que nous n’avons nullement l’intention de « réfor¬ mer » les méthodes et les programmes, et encore moins de nous pré¬ valoir de notre courte incursion dans les statistiques d’accidents du travail pour y puiser les raisons d’une critique fondamentale. Mais nous voudrions nous placer, après ces remarques préliminaires, dans l’optique du Médecin qui serait chargé de cette adaptation Homme¬ Travail. Nous tenterons d’y découvrir quelques aspects ignorés ou mal compris de la vie physique du travailleur et nous en profiterons pour rappeler quelques lois biologiques susceptibles d’éclairer les méthodes d’orientation et d’entrainement de la main-d’œuvre. Au reste, il ne s’agit pas tant de « réformer » que de suivre les progrès en la matière, car, dans beaucoup de pays étrangers, l’apprentissage évolue résolu¬ ment vers la polyvalence et la formation générale, conséquence logique de l’évolution économique et industrielle. Nous ne reviendrons pas sur les enseignements caractéristiques des taux de Fréquence et de Gravité, qui mettent en évidence la néces¬ sité absolue d’une préparation physique au travail, où interviennent l’adaptation gestuelle, l’acquisition d’automatismes, l’entrainement des capacités d’effort : quel que soit le poste, il fait toujours appel, dans des proportions déterminées, à quatre catégories générales d’aptitudes : mentales, psychomotrices, gestuelles et foncières. Et lorsque l’on analyse un poste, c’est habituellement son aspect gestuel qui est, le premier, étudié et décrit. L’opération professionnelle résulte d’un ensemble de gestes, que l’on décompose de manière plus ou moins analytique Les aptitudes mentales, psychomotrices et fon¬ cières sont moins apparentes et elles sont aussi plus délicates à saisir. Mais physiologiquement, ce sont les gestes professionnels qui comman¬ dent leur intervention, Par conséquent, l’éducation et l’entrainemen gestuel nous permettront de développer les aptitudes mentales,. psy¬ chomotrices et foncières propres à assurer l’exactitude, l’efficacité et le rendement des gestes. Et lorsque nous avons considéré, pour l’en¬ semble des familles professionnelles, les caractéristiques des opera¬ tions gestuelles, nous avons pu aisément les regrouper autour de quatre grandes fonctions utilitaires : te déplacement au sol, l’évolution en hau¬ teur, les manutentions, les maniements et coordinations. Il semble donc logique de retenir ces fonctions de base comme cadre des progressions dans toutes préparations physiques au travail. Mais n’oublions pas que nous sommes placés à l’âge de l’ado¬ lescence, qui est celui du développement physique et de la structura¬ tion mentale. Il nous faut d’abord obtenir l’épanouisement des apti¬ 134 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN capacités acquises et à la préparation directe au métier. Le premier stade de l’apprentissage comprendra par conséquent : — Une formation physique pénérale, ou éducation physique : — Une formation gestuelle polyvalente, orientée vers le dévelop¬ pement des quatre grandes fonctions de base. Pour obtenir cette formation préliminaire de l’appareil moteur et de ses contrôles psychomoteurs, nous préférerons l’Hébertisme à toute autre méthode parce qu’il s’exprime en un langage clair et compréhen¬ sible, celui des exercices naturels. Le saut, la course, la marche, le lancer, le grimper, la natation, les levers-porters, la lutte, tels qu’ils ont été si bien décrits par G. HEBERT, correspondent aux structures véritables de notre organisme et sont les mieux adaptés à son harmo¬ nieux développement. Et leur valeur pédagogique est incontestable. puisqu’ils correspondent à des gestes utiles et traditionnels, propres à entrainer l’adhésion du sujet, autant qu’à entrainer sa volonté et sa puissance de fond, moteurs de toute action musculaire. Un autre inté¬ rêt des exercices naturels est qu’ils peuvent être transposés dans le domaine professionnel, les obstacles que constituent les sols irréguliers, les échafaudages, les charges diverses, les outils et engins hahituels des chantiers permettant de rettrouver les groupes gestuels clés des leçons d’Hébertisme Et plus encore que les gestes prévus, les prin¬ cipes de ces leçons conviennent à l’éducation physique du travailleur, puisqu’ils placent au centre de toutes les préoccupations le développe¬ ment des capacités foncières selon les aptitudes individuelles, chacun restant au niveau de ses « performances réelles ». C’est d’ailleurs à l’Hébertisme qu’ont fait appel, spontanément et unanimement, ceux qui ont déjà réalisé des expériences de préparation physique au métier. en particulier les responsables des Ecoles et Centres dont nous avons eu l’occasion de citer les résultats dans notre première partie. L’éducation physique « naturelle » pourrait donc constituer l’acti¬ vité dominante d’une première étape de l’apprentissage, sorte de « tronc commun » oi ne seraient pas distinguées les spécialisations ultérieures. Par ailleurs, un enseignement scolaire et une éducation ouvrière élémentaire compléteraient ce développement préliminaire des capacités foncières et de l’appareil moteur. Cet ensemble de disciplines permettrait une évaluation détaillée des aptitudes physiques et men¬ tales, et donnerait à l’orientation une de ses bases objectives les plus sérieuses : le terrain de sport serait le lieu d’observation par excel¬ lence du comportement en face de l’obstacle, de la qualité des gestes et de la résistance à l’effort. Il est bien évident que l’éducation phy¬ sique et générale ne saurait être limitée à une durée de quelques mois. et qu’elle devrait s’étaler tout au long de la période de l’apprentis¬ sage. Mais son application intensive au départ, et le bilan des progrès obtenus, en même temps que l’étude des connaissances scolaires et de l’assimilation des premières notions d’éducation ouvrière conduiraient à une distinction entre ceux qui seraient capables d’accéder à une qua¬ lification plus poussée, et ceux qui devraient se résoudre à un travail corporel de manœuvres. Nous qurions ainsi une ercellente introduction les capacites physiques, les unes et les autres étant portées à leur ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN 135 « la qualification professionnelle, que nous appellerions la « préfor¬ mation », ou encore la « mise en condition ». A son terme, nous aurions sélectionné les futurs manœuvres. La seconde étape serait celle de l’ initiation techpoloaiane » des O.S. et O.P., pendant que les manœuvres aborderaient plus directement la préparation à leurs activités. Pour ces derniers, l’éducation phy¬ sique générale serait continuée, mais la préparation gestuelle pourrait prendre progressivement l’aspect d’un entrainement. Et la condition d’un entrainement valable est naturellement la connaissance du poste ou du groupe de postes promis au jeune apprenti. Nous retrouvons là l’indication d’une liaison directe avec lès Entreprises, et d’une connaissance de leurs besoins de main-d’œuvre. Sans cela, nous ne pourrions pas établir de progressions et donner de sens aux activités. sinon celui d’un développement moteur trop général. En même temps que les manœuvres s’écarteraient ainsi du tronc commun de la préformation pour s’engager dans l’entrainement au tra¬ vail, les autres candidats suivraient une initiation aux premières notions technologiques de la famille professionnelle et aux gestes de base de ses différentes activités. En fait, le contact avec les gestes profession¬ nels élémentaires pourrait être réalisé dans le cadre des postes d’O S. pour une grande part tout au moins. Au cours de cette phase seraient distingués les jeunes qui se révéleraient aptes à l’acquisition des notions technologiques et des gestes spécialisés du métier, c’est-à-dire. ceux qui seraient susceptibles de progresser jusqu’à la qualification d’O.P., et les autres, qu’il faudrait se résoudre à maintenir au niveau des O.S. Ces derniers seraient alors entrainés spécialement aux postex qui leur seraient destinés, ce qui donnerait à l’Entreprise une main¬ d’œuvre d’emblée productive et adaptée à ses tâches. Nous avons déjà souligné que les O S, croissaient en nombre dans l’évolution des tech¬ niques de production, c’est-à-dire, que leur préparation méritait de plus en plus d’être étudiée et réalisée avec méthode. L’apprentissage se doit donc d’intégrer, dans ses progressions la formation des O.S. avec le souci d’une initiation aux grandes lignes de la technologie de la profession d’une éducation générale, de manière à donner à cette catégorie de travailleurs comme aux manœuvres, toute la valeur humaine possible et les meilleures dispositions au travail. Quant aux plus aptes, promis à la qualification d’O. P., voire de cadres ou de techniciens ce p'est qu’aprés celte denriême phase que serait complêtée leur formatiop technoloaique Il est évident que leur préformation et leur initiation leur auraient apporté une base phy¬ sique, psychologique, scolaire et technique solide. Tout au long de ces trois stades successifs, l’éducation physique et l’éducation générale suivraient elles aussi une progression, adaptée aux capacités et à leur degré d’épanouissement. Mais aucun des trois contingents, Manœuvres, OS. ou O.P., n’en serait privé, les notions enseignées étant accessibles à chacun d’eux. Les capaciles mentales seraient entrainées de la même manière et selon le même plan que 136 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN plafond de développement. Aucun problème de la vie du travailleur n’échapperait à cette « ouverture » d’esprit : prévention, organisation professionnelle, évolution économique, hygiène générale et alimentaire, logement, sécurité sociale loisirs, etc. Et tandis que les OP. se ver¬ raient promis à une « période dorée » d’apprentissage assurément plus longue et plus intéressante, les Manœeuvres et O) S. n’échapperaient plus à une indispensable formation, puis à un entrainement spécifique à leurs activités : dans l’Entreprise sidérurgique du Nord-Est que nous avons citée en référence, les manœuvres et O.S, représentent 0,53 de l’effectif, et fournissent 0,72 de l’ensemble des accidents, avec une fréquence de 0.31, contre 0, 19 pour l’ensemble des autres travailleurs réunis".. C’est dire toute l’ampleur du problème et sa portée sociale. L’emploveur ne peut que voir des avantages à recruter une main¬ d’œuvre ainsi orientée et adaptée de manière très exacte, protégée au mieux contre les risques d’accidents. Mais ce n’est pas son rôle d’assu¬ rer lui-même ces tâches complexes, et encore moins d’improviser « sur le tas » des formations hâtives, altérant ainsi ses circuits productifs. Il ne peut assurer qu’une adaptation finale, une dernière mise au point. Aussi, en arrivons-nous à cette conclusion importante d’organisation pratique : L’apprentissage-orientation est une œuvre qui appartient en propre a la famille professionnelle, et plus spécialement au groupe¬ ment des Entreprises similaires dans des complexes régionaux déter¬ minés. Sa place véritable est" dans ce double découpage professionnel et régional, à l’intérieur de Centres spécialement concus. Nous avons insisté sur un apprentissage continu, et apercu l’inté¬ rêt d’une orientation étroitement conjuguée avec lui. Il semble néces¬ saire de préciser quelque peu le sens et les méthodes de cette orien¬ tation, car son insertion dans les progressions d’apprentissage modi¬ fie assez profondément ses aspects traditionnels et officiels. L’orien¬ tation ainsi comprise ne peut plus guère être décidée une fois, pour toutes, à partir de tests abstraits, et en dehors de toute connaissance du développement rapide des aptitudes, tel qu’il se réalise au cours de l’adolescence. Ce n’est qu’en fonction des progrès réalisés, du com¬ portement pratique et de l’évolution mentale et caractérielle dans le cadre des disciplines d’apprentissage que l’orientation peut prétendre devenir significative et positive Le facteur « temps » est ici beaucoup plus déterminant que le facteur « aptitudes », puisque celles-ci se déve¬ loppement de manière très individuelle sous l’action des méthodes péda¬ gogiques appliquées. Une orientation basée sur le « comportement » n’est pas exactement ce que l’on appelle une orientation « clinique ». L’étude du comportement n’exclut aucunement les tests théoriques, qui demeurent indispensables pour explorer en profondeur les aptitudes et discerner celles qui méritent d’être exploitées. Mais, de toute manière, l’orientation devient une discipline appliquée à l’éducation. dont elle règle en permanence les modalités. N’est-ce pas la replacer dans sa véritable définition ? D’une perspective statique et « photo¬ graphique », en quelque sorte instantanée, qui embrasse du même coup la totalité de l’individu et porte un pronostic lointain et définitif, elle s’ouvre à une perspective dynamique et « cinématographique », où elle ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 137 suit les courbes d’évolution. N’est-ce pas aussi lui donner une arme statistique significative, puisque la dimension du temps assure ses pro¬ nostics 2 Mais, là non plus, nous ne prétendons pas faire oeuvre de technicien et de réformateur. Nous voulions rappeler une autre réalité physiologique, qui est celle du développement de l’adolescent. Chez le jeune, les aptitudes ne sont pas toutes situées sur le même plan et n’ont pas toutes les mêmes potentialités évolutives. Elles se manifestent et se développent par poussées successives. Elles dépen¬ dent les unes des autres à la manière des branches nouvelles issues d’une branche maitresse, dont il est impossible de prévoir les inflexions et la direction finale. La personnalité ne saurait ainsi être saisie d’em¬ blée, mais elle ne livre son dessin et sa forme générale qu’avec le temps, et plus encore à l’épreuve de l’éducation. Si bien que l’orien¬ teur ne trouve sa véritable place qu’à l’intérieur du Centre d’Apprentis¬ sage, où ses interventions s’accolent et s’adaptent à celles des péda¬ gogues. L’orientation ne peut, biologiquement, être préalable et théo¬ rique, isolée dans un laboratoire, alors que son meilleur test est le temps et que sa meilleure validation est l’évolution. En fait, nous pen¬ sons que l’orienteur doit être psychologue par sa formation. Il n’est pas un « prophête », mais un véritable « éducateur », animateur de l’équipe d’apprentissage. C’est pour cela que nous avons réuni en une association de termes « apprentissage » et « orientation ». Au-delà de son intérêt pédagogique. l’ « apprentissage-orientation » offre un bénéfice moral incontestable aux jeunes travailleurs : chacun peut espérer, de cette manière, obtenir sa véritable place dans le monde du travail. N’est-ce pas faire reculer l’in¬ justice de déclassements souvent imposés par des impératifs financiers. qui obligent bien des jeunes à travailler prématurément parce que leur charge ne peut être longtemps supportéé par un budget ouvrier 2 Nous n’avons pas abordé ces problèmes de l’apprentissage pour en retirer un système précis. Puissions-nous en retenir simplement l’in¬ térêt d’une éducation ouvrière des jeunes travailleurs, et d’une prépa¬ ration physique à leur métier. La fatigue, la maladresse, l’ignorance. le désordre, le manque d’initiative sont des manifestations significatives d’une grave lacune sur ces deux points essentiels, et nous les avons si souvent rencontrées à l’origine des accidents du travail que nous avons voulu leur chercher un remède. La Prévention ne peut faire abstrac¬ tion du facteur humain et, à mesure que l’on descend les échelons de la hiérarchie proressionnelle celui-ci devient de plus en plus prédo¬ minant et de plus en plus directement exposé aux dangers extérieurs. Ses meilleures défenses sont la condition physique et l’énergie men¬ tale, qui ne peuvent se développer que dans un système d’apprentis¬ gage pense et exprimé en langage concret et pratique. Le schéma suivant résume très simplement ces considérations sur l’ apprentissage-orientation ». 138 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET TACIEUR HUMAIN LIL — L’ENTRETLEN DE LA CONDITION PUYSIQUE. Si les disciplines d’apprentissage tendent à adapter la main¬ d’œuvre à son contexte professionnel et social, leur efficience ne sau¬ rait être définitive. Une attentive surveillance des aptitudes acquises et leur entretien continu doivent garantir en permanence une bonne condition physique et mentale. Nous passerons rapidement sur le rôle décisif du Médecin du Tra¬ vail en matière de dépistage des affections médicales, des symptômes de fatigue et des désordres fonctionnels transitoires. Il semble d’ail¬ ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN 139 leurs qu’une voie spécifique lui soit tracée, notablement divergente de la voie de la médecine de soins, et qui est celle de l’étude des capa¬ cités de travail et des « états prémorbides ». Dès l’apprentissage, son objectif est le bilan des aptitudes, l’évaluation des progressions, de telle sorte que ses examens servent directement à l’orientation continue. I favorise le développement des adolescents, tandis que la découverte d’affections déclarées n’entre que pour une très faible part dans ses activités. UItérieurement, au cours de la vie professionnelle du travail¬ leur, il intervient surtout pour déceler les désadaptations, avant même que l’état de santé ne s’altère assez pour laisser s’organiser une affec¬ tion caractérisée ou pour laisser survenir un accident. Avant la lésion pathologique, il existe toujours un stade de déficience fonctionnelle. générale ou locale, état « prémorbide », qui constitue l’objet véritable des études et préoccupations de tout médecin de collectivité. Le pro¬ blème resterait effectivement mal posé s’il était réduit au diagnostic précoce des affections déclarées, et les accidents du travail sont la pour nous rappeler que les modifications du « terrain » constituent réellement l’objet de la médecine préventive: l’hygiène, et principa¬ lement l’hygiène alimentaire, y tiennent naturellement une place pré¬ pondérante. C’est d’ailleurs le seul moyen de redonner au Médecin son rôle actif, qui est de favoriser le rendement de l’Entreprise par l’en¬ tretien de la meilleure efficience physique et mentale de chacun de ses membres. Il devient ainsi le lien nécessaire entre les intérêts indi¬ viduels et collectifs, entre l’équilibre de chaque travailleur et celui de la productivité : le placer au service exclusif de l’un ou l’autre intérêt déplacerait gravement son rôle technique et plus encore ses responsa¬ bilités morales, car le Médecin du Travail doit être avant tout un « militant » de l’harmonie sociale. Il doit avoir aussi intensément soucl du respect de la personne que du bien-être de la communauté, car l’un et l’autre sont interdépendants et rigoureusement solidaires. Techniquement, d’ailleurs, le Médecin du Travail se trouve placé dans des conditions très particulières : il est à même de connaitre à la fois le comportement biologique individuel et la plupart des fac¬ teurs du conditionnement, c’est-à-dire qu’il tient en mains les deux éléments du problème de l’adaptation professionnelle. Mais nous limi¬ terons notre exposé à son intervention dans l’entretien de la condition physique de la main-d’œuvre, et plus particulièrement dans l’organi¬ sation de la lutte contre la fatigue, contre les dysharmonies les plus graves entre les rythmes de production et les rythmes physiologiques. contre les dégradations les plus évidentes de l’état fonctionnel. C’est ainsi que les méthodes gymniques deviendront pour lui des armes effi caces dans les conditions suivantes : La mise en condition au début de la journée de travail : La pause et la liquidation de la fatigue : La correction des déformations et altérations fonctionnelles dues au travail : Les loisirs extra-professionnels, qui ont une telle importance pour l’entretien de la condition physique et mentale. minutes. 140 a) La mise en condition¬ ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN Nous avons pu mettre en évidence la fréquence et la gravité des accidents au début de la journée de travail, nous accordant ainsi avec la plupart des auteurs, et en particulier avec QUKHTOMSKY, dont les recherches sur ce point sont très significatives. Les rythmes fonc¬ tionnels des différents organes sont très dissemblables selon les indi¬ vidus au moment de leur arrivée à l’usine, et, de toute manière, ils ne correspondent pas à ceux du travail professionnel. Qu’il s’agisse de « freinage » des centres nerveux et des régulateurs persistant après le sommeil, ou au contraire d’hyperexcitation due à un trajet plus ou moins long, à une angoisse devant l’idée d’un retard ou d’une diffi¬ culté quelconque, il convient toujours de rechercher au préalable une stabilisation physique et mentale propice au travail. Or, la plupart du temps, cette mise en condition s’effectue sur le chantier ou à l’atelier par un début progressif de la production. Un double avantage peut donc être espéré d’une gymnastique préparatoire organisée : la prévention d’accidents particulièrement fréquents et graves, et l’amélioration de la production. Des expériences sur ce point pourraient fort aisément être conduites dans certaines Entreprises, remarquables par leurs coefficients de Risque élevés La statistique permettrait de suivre l’évolution de ces coefficients autant que celle des courbes de production, et d’estimer avec précision l’efficience des mesures appliquées, Point n’est besoin d’un moniteur dans chaque ate¬ lier pour commander les exercices. La lecon peut être diffusée, grâce à des enregistrements variant d’une semaine à l’autre et réalisés dans un Centre d’Education physique, ou mieux dans l’Ecole d’Apprentissage de la famille professionnelle. Et les exercices peuvent être exécutés sur place, surveillés par l’un ou l’autre des contremaitres, qui sui¬ vraient dans ce but une initiation technique et deviendraient des « instructeurs-militants ». Notons encore qu’il existe des modalités diverses de la mise en condition, suivant les exigences des postes. Mais, en général, cette gym¬ nastique s’adresse tout particulièrement aux travailleurs de force et aux manuels de toutes catégories. Elle doit donc comporter des exer¬ cices respiratoires et fonciers, en même temns que des exercices ges¬ tuels mettant en éveil et au rythme désiré l’appareil moteur. La durée de cette séance d’introduction au travail peut varier de quinze à trente b) La gymnastique de pause. La deuxième caractéristique des courbes de fréquence et de gra¬ vité selon l’heure du poste est qu’une pointe au milieu de la matinée et une autre au milieu de l’après-midi correspondent à un certain éta de fatigue. On a pu ajouter à cette explication le fait qu’après une période de travail attentif, où le contrôle volontaire intervient de sidrotts ferbrindet - Atpidaberos industrie ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 14 manière importante, le travailleur acquiert une certaine « automati¬ cité », et que ce passage est propice aux traumatismes. En tout état de cause, l’accroissement de la fréquence et de la gravité à la deuxième et à la sixième heures ont conduit les emploveurs à envi¬ sager une gymnastique de pause à ces instants précis. Certains physio¬ logistes, pensant surtout à la prévention de la fatigue, ont pris un autre point de repère et situé l’instant favorable à cette gymnastique aux environs de deux heures avant la fin du travail, ce qui revient pratiquement au même. Tous les travailleurs, y compris les emplovés, sont justiciables d’une gymnastique de pause, puisque son but est de liquider la fatigue. soit après des travaux corporels exigeants, soit après des opérations qui font trop exclusivement appel à certains segments moteurs, soit encore après un travail statique continu de certains groupes muscu¬ laires de posture. Une sténo-dactylo, par exemple, ressentira des ten¬ sions douloureuses électives au niveau des extenseurs dorsolombaires, des ceintures scapulaires et des petits muscles de la main. Un manœuvre de force ressentira une fatigue générale ou une fatigue seg¬ mentaire selon la nature de ses travaux. Le moyen efficace de luter contre ces signes de fatigue est de dériver les influx nerveux hors des circuits par trop sollicités. G. LEHMANN insiste sur les effets circu¬ latoires et neuromusculaires du travail statique, qui inhibe la circu¬ lation intramusculaire et soumet le muscle à une tension permanente : pour ces raisons, il est plus fatigant que le travail dynamique et poly¬ gestuel. Les psychophysiologistes russes soulignent, de leur côté, que les circuits nerveux des groupes musculaires en contraction statique arrivent rapidement à une saturation fonctionnelle. Ce sont là deux aspects d’un même problême, mais qui aboutissent tous deux à la même nécessité d’une dérivation par des exercices dynamiques, et d’une relaxation des segments saturés. La gymnastique de pause se justifie pleinement, et ses deux aspects sont ainsi définis. A la condition de ne pas aboutir à une fatigue supplémentaire et cumulative par excès. elle sera dominée par les exercices dynamiques d’extension, les prin¬ cipaux gestes professionnels s’effectuant en flexion, et par une relaxa¬ tion guidée des muscles fatigués D’ailleurs, selon les postes, il est nécessaire d’adapter les exercices aux différents groupes de travail¬ leurs, et plus encore de les faire varier dans le temps (1). Là encore. la statistique sera notre moyen de contrôle le plus exact. 6) La oymnasique corective. Certains postes sollicitent des gestes tellement stéréotypés et 6 detormants qu’ils produisent des altérations musculo-articulaires. d’abord fonctionnelles, puis progressivement inscrites dans les struc¬ (1) (7 les Lrvaur, d. Mne NIborE CIESEE, Sude: Sn9 BoPo 142 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN tures anatomiques. Si des mesures préventives ne sont pas appliquées systématiquement, nous pouvons être conduits à des reclassements définitifs de ces travailleurs « déformés » par leur métier. Mais le reclassement n’est qu’un pis-aller et une dernier recours. Et il n’est pas que les déformations « gestuelles » pour justifier une prévention physiologique. Certaines ambiances de travail, où deviennent dange¬ reux les empoussiérages, les températures anormales, les fumées toxi¬ ques, déterminent, elles aussi, des perturbations fonctionnelles et ana¬ tomiques. Des dispositifs de sécurité peuvent bien éliminer l’excès de danger, mais ils ne deviennent pleinement efficaces que s’ils sont asso¬ ciés à une rééducation fonctionnelle élective, soit des fonctions respi¬ ratoires, soit des régulations thermiques et neurovégétatives, soit des fonctions de dépuration. Les travailleurs déficients ou agés relèvent tout spécialement d’une compensation individualisée de leurs insuffisances, non pas seu¬ lement en raison de leur milieu professionnel mais surtout de leur état de santé particulier. C’est au Médecin du Travail d’envisager tou¬ tes les éventualités et de prescrire les exercices les mieux adaptés. qui vont, dans leur ensemble, constituer la base de la « gymnastique corrective ». Il est donc essentiel que les Entreprises et les Groupes d’Entreprises disposent. de moniteurs d’éducation et de rééducation physique compétents, et prévoient dans le cadre des horaires de tra¬ vail les séances individuelles et collectives nécessaires à l’entretien de leur main-d’œuvre : mise en condition, pause et compensation font partie intégrante du travail, puisqu’elles sont destinées à en amélio¬ rer les rythmes et à en corriger les effets nocifs. d) Sport et ploin air La vie physique du travailleur, précisément en raison de la spé¬ cialisation et de la fragmentation croissantes des opérations profes¬ sionnelles, ne saurait être limitée au seul travail à l’Lisine Une com¬ pensation et une relaxation efficaces des tensions nerveuses, muscu¬ laires et mentales de l’Usine peuvent être trouvées dans la pratique des sports, et plus couramment, dans celle des loisirs de plein air. Les incidences sociales et morales de ces activités physiques sont considérables, lorsque l’on examine par ailleurs les conditions habi¬ tuelles de logement, les conditions climatiques des quartiers ouvriers, tapis au pied des usines, et plus encore la nature des loisirs recher¬ chés dans l’incertitude et les tendances spontanées d’une catégorie sociale si délaissée au point de vue pédagogique. Or, l’intérêt pour les sports et le plein air ne peut naître que d’une éducation ouvrière capable de faire comprendre et désirer ces activités salutaires dès le jeune âge. C’est notre seule chance de sortir d’un « envoutement » par des loisirs amenuisants, où l’alcoolisme remplit ce double rôle d’anes¬ thésique et de refuge. L’alcoolisme p’est probablement qu’un symp¬ tôme, traduisant un mal dont l’étiologie première se trouve dans la faillite ou simplement l’absence d’une éducation préalable et patiem¬ ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 1437 ment entretenue. Mais tel n’est pas notre sujet, et nous en resterons à cette opinion que sport et plein air mériteraient un développement massif, et avant tout un équipement correct. Les Entreprises pour¬ raient associer leurs efforts, sur ce point, à ceux des Organismes « sociaux » chargés de la santé des travailleurs : non seulement elles garantiraient la capacité de travail de leurs ouvriers, mais par là même. elles contribueraient à épurer la vie extra-professionnelle et à forti¬ fier le bonheur individuel. Faisons éclater les agglutinations de tous ordres polarisées par l’Usine, en particulier les concentrations des cités ouvrières, et libérons les individus des solicitations incessantes et épuisantes de la foule et du bruit. Il n’est pas d’autre moyen d’obte¬ nir un meilleur équilibre de santé physique et morale que d’ouvrir les chemins de la nature. IV. — L’EDUCATION-SECURITE. Toutes ces remarques, inspirées par l’apprentissage, l’orientation et l’entretien de la condition physique, seront peut-être considérées comme trop générales pour épuiser le problème de la Prévention, qui ne se résoud pas totalement en données individuelles et en « facteur humain ». Effectivement, il existe des aspects spécifiques de la lutte contre les accidents, telle l’étude des dispositifs de sécurité, telle encore la formation-sécurité des travailleurs. Mais nous ne pouvons les isoler de l’apprentissage et de l’entretien de la main-d’œuvre, car ils en garantissent la valeur pratique et l’efficacité. La Prévention, nous l’avons vu, est plus encore une disposition d’esprit qu’une discipline spécialisée, et cette disposition sanctionne l’exactitude de l’adaptation au travail et à la vie sociale Tous ceux qui ont préconisé l’appli¬ cation d’une mesure préventive quelconque se sont heurtés, tot ou tard, à l’incompréhension, à la routine, à la paresse, et ont fini par conclure que leurs efforts restaient finalement vains s’ils n’intéres¬ saient d’abord les esprits, s’ils ne trouvaient l’écho suffisant dans les consciences, s’ils ne touchaient les jeunes dès l’apprentissage, c’est-ଠdire, en fait, si les mesures préventives ne devenaient physiologique¬ ment des automatismes : c’est reconnaitre que l’éducation est essen¬ tielle et qu’elle est réellement la donnée première de la Prévention. Les termes dans lesquels ZIIRELUH a exprimé l’éducation-sécurité sont d’ailleurs des termes pédagogiques. Celle-ci réclame un entraine¬ ment des travailleurs à l’esprit et aux techniques de Prévention, sous l’impulsion de contremaitres avertis de leur rôle de militants. Et nous comprenons fort bien que le grain ne poussera, là aussi, que sur des terrains propices. Ce n’est pas en se limitant à des exposés théoriques et à des exhortations morales que sera comprise la signification d’une mesure préventive, mais à partir de démonstrations pratiques. L’inté¬ gration psychophysiologique des gants protecteurs, bottes, lunettes, et autres dispositifs de sécurité, sanctionne un entrainement d’automa¬ tismes, qui a ses meilleures chances de réussite chez les jeunes. réservée aux O. P. 144 ACCIDENTS DUI TBAVALL ET FACTEUR HUMAIN Le dispositif de sécurité peut être techniquement parfait, et ren¬ contrer l’indifférence la plus absolue ou l’hostilité des vieilles habi¬ tudes. Sa bonne utilisation dépend d’une compréhension pratique préa¬ lable, d’une participation personnelle au but poursuivi, mais surtout d’une adaptation physiologique et mentale progressive. C’est dire qu’il ne saurait être accepté d’emblée, à partir d’une affiche plus ou moins suggestive ou terrifiante, ou à la suite d’un discours moralisateur plus ou moins persuasif : il doit passer par les règles et méthodes de l’en¬ trainement et de l’éducation. La théorie doit être secondaire à la pra¬ tique, et l’idée se dégager des faits. Que le commentaire visuel vienne illustrer l’expérience et pénétrer plus avant dans l’imagination, sans tomber dans le développement malencontreux d’un complexe d’inhibi¬ tion ou d’angoisse, nous y vovons un intérêt certain, mais rien ne remplace pour les travailleurs, la connaissance pratique et Dersone V. — LES STRUCTURES. L’adaptation professionnelle des travailleurs réputés « normaux » nous a donc constamment inspiré le souci d’une pédagogie ouvrière, d’une formation générale, d’un entrainement physique. Si nous en déga¬ geons les structures souhaitables, nous sommes contraints d’envisager un long développement, puisqu’aussi bien l’apprentissage-orientation et l’entretien de la main-d’œuvre conduisent à une véritable rénovation de l’organisation professionnelle. Comme nous avons choisi de ne pas nous avancer trop loin sur le terrain technique, nous en resterons à des orientations générales, qui seront une manière de resumé : — Les écoles professionnelles nous paraissent devoir s’orienter vers la formation de techniciens de plus en plus qualifiés, pour répondre aux évolutions industrielles. Les écoles d’apprentissage sont placées dans la situation de réformer la notion traditionnelle de « sections» étanches et spécialisées, pour entrer dans la voie d’une polyvalence de la préparation au travail. Les programmes d’apprentissage deviendraient ainsi très sou¬ ples, et permettraient l’éducation de toutes les catégories de travailleurs manuels, des manœuvres aux O.P. et aux Cadres. Trois stades successifs réaliseraient une progression continue : — Le stade de la préformation, consacré à l’éducation phy¬ sique et à une large information sur les problèmes de la vie ouvrière, en même temps qu’à un perfectionnement sco¬ laire qui serait, pour la plupart, un rattrapage : Le stade de l’initiation technoloaique, où seraient enseignées les notions générales du métier et l’utilisation de ses outils et machines de base : Le stade de la formation professionnelle proprement dite. mission sociale. 145 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN — A chacun des stades d’apprentissage serait envisagée une orien¬ tation continue, estimant aptitudes et résultats, et permettant de décider des méthodes pédagogiques à appliquer. Ainsi. seraient sélectionnées successivement les trois catégories de travailleurs : Manœuvres, O.S. O.P. Dès leur sélection, ils seraient entrainés aux postes que l’En¬ 6 treprise leur réserverait, tout en laissant à celle-ci le soin de parfaire cet entrainement sur place en un temps très réduit. Parallèlement à l’entrainement technologique, seraient pour¬ suivies : — Une éducation physique utilitaire et générale. — Une éducation ouvrière préparant les jeunes à leur vie sociale et professionnelle. Après la période de l’apprentissage, l’entretien de la condition physique de la main-d’œuvre serait assuré : — Par une gymnastique de mise en condition : — Par une gymnastique de pause : — Par des exercices correctifs pour les déficients ou ceux qui sont exposés à des risques particuliers : — Par le développement du sport et du plein air. Sur le plan technique de la Prévention, une formation-sécurité permettrait d’enseigner les travailleurs sur les dangers de l’En¬ treprise et les dispositifs de protection, sous l’impulsion de contremaitres-militants. Et cette formation-sécurité se présen¬ terait, au même titre que l’apprentissage, comme un entraine¬ ment physique autant que comme une pédagogie active. Que ce soit à l’école d’apprentissage, à l’usine ou dans le quar¬ tier d’habitation, le gymnase et le terrain de sports sont des équipements indispensables à l’équilibre de santé du travail¬ leur, à sa capacité de travail et de gain, à sa protection contre la maladie et l’accident. Nous aurions pleinement réussi dans notre expose, si nous avions contribué à faire admettre ce dernier point aux employeurs et orga¬ nismes sociaux, en particulier pour les professions maieures, qui four¬ nissent le tot le plus important d’accidents du travail : l’équipement sportif est la base de départ pour toutes les autres réalisations. Et cette politique, en vérité nouvelle, sauf dans quelques rares Entre¬ prises, pourrait être réalisée par le moyen de puissantes associations. dirigées par des éducateurs sportifs compétents et soucieux de leur 3 49 de l’assurance à la Sécurité Sociale, tant il est vrai que les habitudes CHAPITRE u IE CAS DES HANIDICAPÉS SOMMAIRE : J. — La sauvegarde de la capacité de travail et de gain: II. — Le traitement fonctionnel : II1. — La Réadaptation professionnelle et sociale : IV. — Le réemploi et le travail protégé : V. — Nécessité d’une politique régionale de Réadaptation : — Conclusion. «. Car j’ai pu trop souvent la pitié s’éagrer. « Cette pitié, je la retuse our blessures osten¬ « tatoires qui tourmentent le cœur des femmes. « comme aur moribonds et comme qur morts. « Et je sais pourquoi. » A. DE SAINT EXUPERY scitadelte» 1. — LA SALIVTCARDE DE LA CABACITE DE TRAVAIL ET DE CAIN. Après l’ère de la cour des miracles vint celle de l’assistance plus ou moins organisée, qui donna aux miséreux, infirmes et diminués de toutes catégories un élémentaire droit à la vie, et qui épura quelque peu les bas quartiers de nos cités en dissociant leurs cohortes bruvantes et revendiquantes, Puis ce fut l’ère de l’assurance, organi¬ sant le droit à la santé pour les salariés les plus défavorisés, Une rapide évolution des textes devait enfin donner aux handicapés l’espoir d’une Sécurité Sociale forte et dynamique, techniquement et matériel¬ lement capable de sauvegarder leur capacité de gain, et par là de conquérir, pour eux et avec eux, le droit au travail. Droit à la vie, à la santé et au travail, tels furent les jalons juridiques et moraux du progrès social, bien qu’en réalité les applications pratiques soient constamment restées en recul sur les claires promesses de la loi. Bien des obstacles ont enravé le délicat passage de l’assistance et 48 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN acquises s’opposent à l’adaptation aux situations nouvelles et qu’il est plus facile de définir et satisfaire des droits que de faire appel au devoir : le droit au travail des handicapés est surtout la sanction et le couronnement d’un certain nombre d’études et d’efforts collectifs. Techniciens médicaux et professionnels doivent se joindre aux admi¬ nistrateurs des Caisses dans la recherche de solutions logiques et effi¬ cientes, pour que l’emploi d’une main-d’œuvre plus ou moins large¬ ment amputée de ses capacités fonctionnelles se révèle possible dans des conditions acceptables de production Il ne s’agit plus ici d’appli¬ quer des textes, ni même de partir à l’assaut des consciences et des cœurs, pour imposer un réemploi autoritaire toujours aveugle, ou pour arracher des réintégrations charitables ou approximatives de la part d’emploveurs, dont tout le monde sait que le rôle essentiel est d’assurer la meilleure gestion de leur eptreprise. Mais il faut rendre possible et fructueuse cette double démarche de l’adaptation du tra¬ vailleur handicapé au poste le plus convenable et de l’aménagement éventuel du poste en fonction de ce facteur humain parfois insolite. même si l’on bouleverse traditions et usages. Les conceptions et les habitudes de l’assurance sont aussi diffi¬ ciles à infléchir et à canaliser que celles des Entreprises Considérer la compensation du handicap sous le seul angle financier est devenu un dogme, tandis que restent secondaires la capacité de gain et son amélioratiop. Et pourtant, la gestion même d’un Organisme d’assurance l’incite à réduire ses charges, comme l’intérêt de l’économie est la sau¬ vegarde de son capital « main-d’œuvre ». Or, limiter ses préoccupations à la distribution des rentes, pensions et prestations aboutit à l’iso¬ lement des malades et accidentés hors des forces productives du pays. sans autre ressource que leurs bropres énergies. Les plus favorisés trouvent en eux des solutions valables, certes, et rencontrent ainsi l’écho souhaitable auprès de leurs emploveurs. Mais ceux qui sont constitutionnellement défavorisés, ou trop altérés par leur handicap, n’ont pas d’autre recours que la compensation financière : une nou¬ velle cour des miracles se constitue sous nos veux, modernisée. repeinte aux couleurs officielles du droit et de la sécurité, mais d’une sécurité qui a manqué son but et qui s’est traduite par une réclusion. Et dans toute réclusion s’alimentent humiliation et dégradatiop, dont les expressions désespérées sont la revendication et l’abandon IIs sont près de deux millions ceux qui, mutilés, infirmes ou déficients, sont amputés dans leur capacité de travail et de gain par un handicap professionnel partiel ou total, et qui sont en droit de réclamer un travail à leur véritable mesure. L’urgence et l’ampleur du problème vont, à brève échéance. prendre un caractère aigu. Notre évolution démographique introduira. dans les prochaines années, un nombre considérable de jeunes sur le marché du travail Est-il encore temps de mettre en place l’équipe¬ ment technique indispensable à la réadaptation professionnelle et au réemploi des bandicapés, qui, sans cela, trouveraient dans cet afflux des jeunes une irrésistible concurrence 2 Peut-être est-ce aussi le Elles donnent de toute manière à la Réadaptation sa définition la plus ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 149 moment décisif de prévoir, dans les plans d’équipement économique du territoire, des activités nouvelles réservées aux infirmes les plus graves — même si elles sont à rythme réduit-2De toute manière, il nous a semblé utile d’analyser les principaux aspects d’une action sanitaire et sociale propre à orienter vers le travail un nombre suf¬ fisant et déterminant de handicapés et de « pensionnés » Avant de créer des circuits économiques spéciaux pour ceux qui ne peuvent plus accéder à l’économie normale, il faut mettre en place un réseau suffi¬ sant de Réadaptation pour éviter ou atténuer le handicap C’est-ଠdire que la Prévention du déclassement passe avant l’organisation d’un ensemble d’ateliers pour ceux qui sont gravement diminués- dans leur capacité de gain. C’est là une question de logique et de méthode, qui nous conduit à traiter d’abord le traumatisme, puis ses séquelles, et enfin le handicap, puisqu’aussi bien il nous est possible de réduire le nombre de diminués professionnels par un traitement rationnel. Mais qu’est-ce, au juste, que ta Béadaptation 2 L’évolution des idées et des techniques aboutit peu à peu, nous l’avons vu, à la sépa¬ ration théorique et pratique entre un stade initial, consacré au trai¬ tement fonctionnel, et un stade ultérieur qui constitue véritablement la Réadaptation, c’est-à-dire la réinsertion du handicapé dans ses acti¬ vités habituelles, ou du moins dans celles que lui permettent son nou¬ vel état et ses possibilités restantes. C’est pourquoi nous ne pouvons mieux définir cé « traitement » du handicap que par le terme signifi¬ catif de « Réadaptation professionnelle et sociale ». L’expérience du Reclassement nous avait déjà permis d’établir une telle distinction entre le stade fonctionnel et le stade de la Réadaptation, car nous avions acquis la conviction que le retour au travail des handicapés dépendait d’une guérison anatomique et fonctionnelle la plus complête possible, sans doute, mais aussi d’une revalorisation professionnelle de ceux qui gardaient une diminution quelconque de leur capacité de gain. Et il convenalt de « revaloriser » les handicapés de toutes les manières possibles, pour aboutir à tous les niveaux des hiérarchies professionnelles. Nous avions déjà considéré que la Rééducation professionnelle était concue de manière tron étroite et théorique, puisqu’elle laissait pour rompte bon nombre de handicapés mentalement inaptes à un appren¬ tissage. Une Réadaptation efficace doit être en mesure de résoudre tous les cas et non pas se contenter de sélectionner les plus aptes. Aussi avions-nous souhaité une profonde révision des méthodes de rééduca¬ tion professionnelle, et une adaptation aux véritables exigences des Entreprises. La formation d’artisans est largement désuête et dépassée. celle d’O P. commence à se transformer. La multiplicité des cas indi¬ viduels et la mobilité des besoins industriels ne peuvent être enfer¬ mées dans les limites de sections préfabriquées et immuables. Ces considérations soulignent la nécessité de fournir aux Entre¬ prises une main-d’oeuvre productive — nous pourrions risquer une image quelque peu excessive et dire une main-d’œuvre « sur mesurex¬ 190 ACCIDENTS DUL TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN exacte, qui est la revalorisation professionnelle et sociale en fonction des besoins industriels et conformément aux aspirations individuelles des handicapés. C’est pourquoi elle s’éloigne du traitement fonction¬ nel, centré sur la récupération des capacités motrices et mentales, et elle se tourne délibérément vers la technologie des métiers et les apti¬ tudes professionnelles, c’est-à-dire qu’elle prend l’aspect d’une « édu¬ cation » en vue d’activités où s’équilibrent la réalité du handicap et les caractéristiques du contexte socio-professionnel. C’est pourquoi elle regroupe, nécessairement, pour arriver à ses fins, un certain nombre de disciplines encore éparses et trop analytiques, telles que le bilan et l’orientation, la rééducation, le réentrainement au travail, la réadapta¬ tion sociale, la psychothérapie, voir le travail protégé. Le succès final dépend de leur bonne articulation autour d’un objectif commun. La Réadaptation n’est pas une technique, ni une méthode, ni un ensemble de méthodes, mais une unité pédaoooiqne Après une période d’impré¬ cisions et d’incertitudes, nous en arrivons à une conception satisfai¬ sante, qui permet de rattacher le traitement fonctionnel aux soins médico-chirurgicaux et la Réadaptation à la revalorisation profession¬ nelle et sociale des handicapés. C’est dire, par là même, que le trai¬ tement fonctionnel sera spécialement attaché aux déficiences fonction¬ nelles de l’affection, c’est-à-dire aux séquelles, tandis que la Béadap¬ tation sera attachée au handicap, c’est-à-dire aux incidences pratiques des séquelles définitives. Et nous pouvons ainsi distinguer les méthodes consacrées à l’une et à l’autre préoccupation, traitement des séquelles et Réadaptation du handicapé. L. — LE TRALTEMENT FONCTIONNEL Dans les usages et dans les textes, une telle distinction n’est pas aussi claire, et nous vovons subsister des confusions regrettables entre Traitement fonctionnel et Béadaptation, entre Réadaptation et Béédu¬ cation professionnelle. Et pourtant, si nous nous plaçons dans une optique médicale, nous pouvons reconnaitre que l’affection médicale ou chirurgicale se manifeste par des symptômes, qui réclament des soins spécifiques, et qu’elle laisse après elle des séquelles, dont l’évolution est améliorée par un traitement fonctionnel ou domine l’exercice actif des fonctions déficientes SymptÂmes et séquelles sont donc du ressort du Médecin traitant chargé du retour à la santé, quelles que soient les méthodes et les spécialités nécessaires. Le traitement fonctionnel est l’une de ces spécialités, que le Médecin traitant peut faire inter¬ venir selon les modalités qui lui paraissent les plus judicieuses, Toute la période qui se situe entre la première constatation médicale et la consolidation lui appartient : il en est l’organisateur, le juge et le res¬ ponsable. D’ailleurs, traitement fonctionnel et soins proprement dits sont habituellement intriqués pendant un certain laps de temps : Le stade des soins, en effet, est celui des mobilisations pré¬ coces du traumatisé, des exercices respiratoires analytiques du pulmonaire, de la physiothérapie et de la Kinésithérapie hospi¬ ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTELR HUIMAIN 5 talières du poliomyélitique etc Cest par definition le stade de la prévention des séquelles, où l’on tente de corriger les effets nocifs, tant physiques que mentaux, de l’inaction et du repos systématiques, tout en aidant à l’efficacité des soins et en res¬ pectant leurs impératifs comme, par exemple, celui de l’immo¬ bilisation rigoureuse des fractures (selon les préceptes de WATSON-JONES) : Le stade de la conpalescence, consacré à la réduction des séquelles qui n’ont pu être évitées, est habituellement confié à des Centres spécialisés ou à des auxiliaires médicaux agissant sur prescription du Médecin traitant. Les Centres disposent d’un équipement perfectionné, ce qui permet de leur réserver les cas les plus graves. En réalité, leur équipement et leur fonction¬ nement varient suivant la nature des séquelles : les déficients neurologiques, cardiaques, respiratoires, rhumatisants, trauma¬ tisés, réclament des interventions fort différentes pour chaque catégorie et des procédés spécifiques. Mais la nécessaire conti¬ nuité et la cohérence des mesures appliquées juqu’à la conso¬ lidation renforcent encore notre opinion relative aux devoirs et prérogatives du Médecin traitant, même s’il doit faire appe à un Centre de, médecine fonctionnelle. C’est pourquoi ces Cen¬ tres spécialisés doivent être construits à proximité immédiate ou dans l’enceinte des hôpitaux. IIs sont le prolongement fech¬ nique des Services hospitaliers dont les maiades restent médr¬ calement et moralement dépendants jusqu’au terme de leur qué¬ rison fonctionnelle. Qu’il s’agisse de Prévention ou de Réduction des séquelles, l’obiec¬ tif permanent est donc la meilleure guérison clinique et la limitation du temps d’incapacité temporaire, ce qui n’exclut pas les préoccupa¬ tions « psychothérapiques », tels l’ergothérapie, la formation scolaire. les loisirs éducatifs, l’information sanitaire et sociale. Le temps du trai¬ tement est l’occasion d’une activité mentale propice à la guérison. comme d’un entretien des capacités volontaires, sans lesquelles il n’est pas de participation active aux exercices prescrits. Mais cette psycho¬ thérapie reste strictement subordonnée aux possibilités d’amélioration fonctionnelle, que seules l’expérience clinique et l’observation attentive des cas individuels permettront de situer. C’est pourquoi la psycho¬ thérapie trouve sa base objective et solide dans l’expériencé et la connaissance des capacités fonctionnelles, de leurs altérations et de leurs améliorations. Aussi, progrès thérapeutiques et recherche scien¬ tifique sont-ils solidaires, si nous ne voulons pas laisser espérer des améliorations par des pronostics erronnés, gravement démentis par la réalité clinique. II. — LA RFADAPTATION PROFESSIONNELLE ET SOCLALE. Lorsque la thérapeutique fonctionnelle a épuisé toutes ses ressour¬ ces et que les séquelles sont pratiquement fixees, nous sommes alors en mesure d’établir le bilan des capacités restantes et d’estimer le 152 ACCIDENTS DLL TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN handicap. Autant, au premier stade, nous étions préoccupés de séquel¬ les, autant, à son issue, nous sommes placés dans une optique utili¬ taire, professionnelle et sociale. Nous passons à la phase de la Réadap¬ tation, où l’entrainement physique et mental et où l’apprentissage concu de manière globale, très exactement à l’image de l’apprentissage que nous avons envisagé pour les « normaux », doivent aboutir à la pleine efficience des gestes nécessaires, c’est-à-dire, en définitive, à une réduc¬ tion du handicap et de l’LP.P. Si bien que nous pouvons avancer comme fondamentale la période du bilan du handicap et de l’orien¬ tation, qui va commander la nature et le sens de cet entrainement au métier : on ne s’entraine qu’à des tÂches bien déterminées, tel le spor¬ tif qui recherche le meilleur « rendement biologique » dans les épreuves de sa spécialité. Le but final de la Réadaptation professionnelle et sociale est, par conséquent, de fournir à l’Entreprise une main-d’œuvre qualifiée et pro¬ ductive, et d’autre part d’obtenir l’indépendance dans les actes cou¬ rants de la vie extra-professionnelle. Une illustration — parmi bien d’autres — de ce point de vue, est la statistique de reclassement des Caisses du Nord-Est en 1959 : valorisés par une Réadaptation profes¬ sionnelle, les handicapés ont été reclassés dans 0.83 des cas, Par contre, les reclassements directs, sans rééducation, n’ont été réalisés que dans 0.23 des cas, les « sans, suite » étant de l’ordre de 0.17 de l’ensemble. L’emploveur est donc avant tout intéressé par la valeur professionnelle, et la plupart des difficultés de réemploi s’effacent si l’on peut lui donner à ce sujet toutes garanties (1). Le travailleur est. de son côté, désireux de retrouver un salaire conforme à ses possibi¬ lités et une vie personnelle dégagée de l’assistance de tierces personnes. Ainsi devons-nous faire la preuve de la valeur ouvrière des handi¬ capés, comme ils doivent se faire la preuve à eux-mêmes qu’ils retrou¬ vent de nouvelles capacités. Et la valeur ouvrière se situe à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, du manœuvre aux cadres et techniciens. Nous touchons la le fond du problême, qui est celui de la pédagogie parficmlière de la Béadaptofion, dont il faut attendre une réharmonisation entre l’individu diminué et son contexte extérieur. Cette pédagogie passe par trois voies complémentaires, où la méthode fondamentale est « l’autodémonstration » et où les buts sont la « qua¬ lification » et la « production ». Psychologiquement et pratiquement, le Médecin cède le pas à l’Ingénieur et à l’Educateur : La voie de l’entrainement phusique, et en particulier de l’en¬ trainement gestuel des compensations du handicap : l’efficacité du geste retrouvé est la meilleure démonstration des progrès accomplis : La poie de l’eptraipemept fechpolooiqne aux conditions du poste : la constatation de la qualification obtenue et la perspec¬ tive d’un salaire convenable sont, ici, les meilleurs stimulants : (1) Compte rendu annuel d’activité du Service social de la C.B.S.S. à Nancy. Assistante Sociale Régionale : Mlle M.L. WINSBACK, 1959. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 153 La pore phs loroe mois phus gelerminonte encore de P'duce. tion générale, qui donnera au handicapé la notion de ses possi¬ bilités et de sa place dans le monde du travail. Le moteur de tout entrainement est la volonté de conquérir des aptitudes nou¬ velles et une place active dans la collectivité : mais c’est un enfantement difficile, sanction d’efforts guidés et soutenus. physiologiquement et mentalement adaptés aux altérations de l’appareil moteur — ou des autres appareils — et bien sou¬ vent aussi à des tâches inconnues. Le handicapé deviendra effec¬ tivement « homme comme les autres », s’il a été capable d’inté¬ grer et de compenser son handicap dans toutes les situations. Ces conceptions très générales sur la Réadaptation nous ont conduit à envisager comme essentiel le bilan du handicap et son corol¬ laire l’orientation professionnelle. Or, dans la situation actuelle de nos connaissances et de nos structures médico-sociales, il faut bien recon¬ naitre que nous éprouvons les plus grandes difficultés à traduire ainsi en données pratiques l’étude clinique des séquelles d’une affection quelconque. En réalité, nous n’échappons pas aux décisions improvi¬ sées. De leur côté, les Caisses chargées de garantir la capacité de gain ne disposent pas encore de techniciens spécialisés en mesure de faire la synthèse entre les données cliniques et fonctionnelles, la psychophy¬ siologie professionnelle, la connaissance des postes de travail et de leurs exigences technologiques. Il semble d’ailleurs difficile de réunir ces compétences en un même technicien, et c’est dans le travail d’équipe qu’il nous faudra rechercher une solution convenable. En par¬ ticulier, trois questions doivent être résolues — L’estimation du handicap : — L’orientation vers un poste convenable : L’indication des mesures de Réadaptation nécessaires pour abou¬ tir à la qualification souhaitée, ou à un travail déclassé et pro¬ tégé en cas de handicap très grave. Ce bilan-orientation étant effectué, il est alors possible de mettre en application trois modalités essentielles de compensation du handicap : Compensation psychophysiologique : réentrainement aux gestes et rythmes de travail, prothèse utilitaire, etc. : Compensation technologique : entrainement à un poste différent. parfois avec apprentissage d’une qualification d’O S. ou d’O P. compte tenu des aptitudes individuelles et des besoins de l’Entreprise : Compensation finapcière terminale : rente dont le taux corres¬ ponde au handicap définitif. Schématiquement, nous pouvons dire qu’en réalisant ces compen¬ sations, nous ne rencontrons pas de différence fondamentale entre le rentrainement des handicapés et l’entrainement de la main-d’œuvre 158 ACCIDENTS DU TPAVAL ET FACTEUR HUMAIN l’une ou l’autre discipline, puisque sans cela nous ne pouvons prétendre à une solution logique et techniquement valable : guérison médicale et revalorisation professionnelle sont deux tâches distinctes et complémen¬ taires, articulées entre elles par le bilan du handicap et l’orientation de la reprise de travail. Il nous semble essentiel d’envisager le rôle des Médecins conseils des Caisses dans cette perspective particulière, car ils sont situés, par leurs responsabilités propres, au point le plus déterminant, celui où il leur est possible de prendre en charge les traumatisés du début à la fin de leur affection. Ils sont ainsi les arti¬ sans les plus efficaces de la politique médico-sociale de la Sécurité Sociale, en garantissant la continuité des mesures appliquées, et en réalisant les liaisons nécessaires avec les Médecins successivement chargés du blessé. Mais nous y reviendrons. De toute manière, la Sécurité Sociale est, dans son ensemble, res¬ ponsable d’un allègement de ses risques et d’une réinsertion correcte de tous les traumatisés dans l’économie. Sa mission légale la conduit à une politique de réduction systématique de l’inaptitude au travail sous toutes ses formes, partielle ou totale. Sinon, l’implacable évolu¬ tion démographique du pays la conduira au déséquilibre le plus grave. en même temps qu’elle condamnera au chômage forcé et à la dépen¬ dance financière tous les handicapés — et pas seulement les victimes d’accidents du travail —. C’est pourquoi l’assurance, dans sa définition originelle, est historiquement dépassée, et la Sécurité Sociale devient davantage une politique, et plus encore un mouvement, qu’un système plus ou moins mécanisé et automatisé de redistribution des cotisations. C’est aussi pourquoi une ossature technique lui est indispensable pour devenir un outil de progrés. Le niveau des remboursements, le montant des prestations et des compensations financières du handicap ne dépendent pas tant de combi¬ naisons administratives ou comptables que d’une libération de ressour¬ ces grâce à la réinsertion effective des malades et des accidentés dans la population active et cotisante, et grâce aussi à une prévention menée sur une vaste échelle. Prévention et Réadaptation sont les deux voies essentielles du Progrès social, de même que le Traitement fonc¬ tionnel et la Traumatologie sont une nécessaire évolution de la Médecine de soins. Et la Réadaptation assure le passage de la Médecine à l’Eco¬ nomie, comblant ce fossé qui les sépare encore et que ne peuvent fran¬ chir seuls les handicapés. Encore faut-il qu’elle devienne technique¬ ment une réalité éducative, antichambre de l’usine et non prolonge¬ ment de la dépendance hospitalière : elle appartient en propre a l’Eco¬ nomie, pour répondre a ses besoins, et trés précisément pour assurer cette « Maieutique » sociale qtui, d’un patient, fera un travailleur. 72 CHAPITRE uIL LA BECHERCHE SCIENTIFIQUE SOMMAIRE : 1. — La Recherche, infrastructure de la Prévention et de la Réa¬ daptation : I1. — Statistique et Recherche : II. — La psychophysiologie du travail : IV. — Recherche et entreprises. « II fant craindre de réussir sans comprendre. « tout qutant que de aaaner aux cartes. 3 ALAIN. L. — LA RECHERCHE. INERASTRUCTURE DE LA PREVENTION EI DE LA RFADAPTATION. L’adaptation et la réadaptation de la main-d’œuvre au travail pré¬ sentent, nous l’avons vu trois aspects principaux : mental, physique et technique Mais dans ces trois domaines, nous sommes en présence de problèmes difficiles à résoudre, qui demandent des connaissances étendues de psychophysiologie professionnelle, voire de psychosocio¬ logie, comme des connaissances détaillées sur les caractéristiques tech¬ niques des Entreprises et sur les méthodes d’apprentissage. Or, ce sont là des disciplines en constante évolution, incompatibles avec des systèmes clos et des organismes fixés, et dont les nécessaires perfec¬ tionnements ne peuvent se dégager que d’une recherche scientifique bien structurée. Deux applications pratiques sont à considérer : la Prévention et la Réadaptation,. Si l’une et l’autre ont des caractéristiques propres. toutes deux cependant reposent sur une même connaissance de l’adap¬ tation-orientation de la main-d’œuvre, qui n’offre pas de différences fondamentales lorsqu’il s’agit de travailleurs « normaux » et de ceux qui réclament une compensation d’un handicap gestuel, foncier ou men¬ du Centre de recherche. 160 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FAL TEUR BUMAIN tal. Attachées à une même définition et à une matière identique les recherches en Prévention et en Réadaptation sont également réunies par une méthode commune, qui est la coordination de disciplines. variées et encore très dispersées. Un travail d’équipe doit regrouper des connaissances complémentaires, si nous voulons prétendre à l’effi¬ cacité pratique. Ainsi peu à peu s’affirmera une psychophysiologie industrielle, qui traitera du travailleur dans ses relations avec son conditionnement dans l’Entreprise. Car il ne semble pas possible de séparer l’étude du facteur humain de celle du milieu extérieur, qui détermine si directement son comportement. Nous avons établi qu’un dispositif de travail n’avait de chances d’être retenu que s’il était com¬ patible avec les possibilités de l’ouvrier, et surtout s’il était progres¬ sivement « intégré » dans sa physiologie et sa psychologie, permettant une productivité normale : c’est le cas des dispositifs de sécurité, des protections individuelles et des machines nouvelles. Il s’agit là d’un processus biologique tout à fait comparable à celui du développement des « compensations s d’un handicapé. Qu’il soit question de sécurité ou de réadaptation, les modifica¬ tions du conditionnement ne peuvent être imposées aux Entreprises qu’à l’issue d’études démonstratives. C’est ainsi que la recherche scien¬ tifique doit fournir des prouves irréfutables, avant toute élaboration de textes réglementant les dispositifs de sécurité, les aménagements nécessaires aux handicapés, les méthodes de fabrication ou les carac¬ téristiques de l’ambiance de travail. Nous en arrivons à souhaiter que Prévention et Réadaptation soient traitées ensemble et de deux manières distinctes : — Par un Centre de recherche consacré aux problèmes du travai en ce qui concerne leurs aspects techniques : Par un « appareillage » officiel chargé de l’élaboration de textes et de leur application, en l’occurrence le Ministère du Travail. après avis des Caisses de Sécurité Sociale et selon les résultats LL. — STATISTIQUE ET RECHERCHE Il nous est apparu qu’un Organisme de Sécurité Sociale ne pouvait raisonnablement pas, à moins de se résoudre à un rôle de redistribu¬ tion pure et simple des cotisations, suivre la marche de ses risques et fixer une politique générale d’allègement de ses charges, sans faire appel à l’exploitation statistique de ses résultats Et nous avons sché¬ matisé l’application de cette méthode en trois stades successifs : — La codification et la collecte des renseignements de hase : — La ventilation mécanographique selon les rubriques retenues pour leur intérêt pratique : — Le calcul des significations, corrélations, probabilités, etc. Les chiffres ainsi obtenus peuvent naturellement constituer une première base de recherche. Ils permettent d’élaborer des hypothèses ACCIDENTS DU TBAVAL ET FACTEUR HUMAIN 161 susceptibles de guider l'’expérimentation. Mais un tel usage suppose une certaine modification des méthodes actuelles, en particulier la création de Services spécialisés de statistiques, dont nous vovons bien les relations avec le Centre de recherche. La statistique, en effet, n’est pas seulement utilisable sur le plan très général de la gestion des risques. Elle est aussi un outil précieux dans la conduite des travaux de recherche et dans l’exploitation de leurs résultats. Il n’est pas possible de passer du cas particulier et des constatations fragmentaires aux lois générales sans le calcul, dont les enseignements sont de plus en plus précis à mesure qu’évoluent nos connaissances en la matière. La méthode statistique apparait désor¬ mais comme une donnée fondamentale de toute organisation scienti¬ fique moderne, au même titre que la méthode expérimentale, dont elle est un nouvel aspect. L’étude psychophysiologique du travail, et nous pourrions dire également l’étude psychosociologique, s’applique à des phénomènes individuels, mais qui ont une expression collective. Avec A. CUVILLIER, nous avancerons que la statistique est la méthode d’in¬ vestigation la mieux adaptée à l’étude du groupe, qui est précisément une réalité en tant qu’ensemble, et la psuchophusiologie profession¬ nelle ne s’affirmera que si elle est d’abord considérée comme une étude de groupe. LI — LA PSYCHOPUYSIOLOGIE DU TRAVAL. Très grossièrement, un Centre de recherche sur les prohlèmes du travail nous semble devoir comprendre, outre un nécessaire ser¬ vice statistique : Un service consacré à l’étude des conditions matérielles du travail et de leurs incidences sur la santé (1) : poussières. température, humidité, bruit, et tous les facteurs d’ambiance qui supposent des mesures d’épuration et d’équilibration, de même que les dispositifs de sécurité nécessaires aux machines dangereuses, ou encore les règles d’organisation du travail et les méthodes de fabrication. Les progrès techniques évoluent très rapidement, et le laboratoire doit être en mesure d’effec¬ tuer les analyses de ces facteurs d’ambiance, d’en discerner la toxicité et les dangers, et de mettre au point les protections les plus efficaces. Un service d’étude du facteur humaip, oi celui-ci soit envisagé sous tous ses aspects. Trois chapitres méritent d’être distingués La psucholoqie industrielle, si profondément dépendante de la nature des activités, et qui présente des altérations propres et des traitements particuliers (cf. A, et P. SIVA¬ DON, de VERBIZIER, POLY, etc.). Et nous avons assez (1) Cf, le compte rendu du Congrès « L’inffuence des conditions de pie et de travait sur la santé ». Cannes, septembre 1957. Ed. par « Assocation Internationale pour l’étude des conditions de vie et de santé ». Pfcilgasse, 35 Wien VIII (Autriche). 33 162 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN souligné l’importance du facteur mental dans la conduite de l’orientation, de l’apprentissage et de la réadaptation pour toutes les catégories de travailleurs : La phusiologie appliquée au trapail, où sont diversement mêlées et dans des proportions variables les aptitudes ges¬ tuelles, psychomotrices et foncières : La technologie professionnelle, c’est-à-dire l’ensemble des connaissances théoriques et pratiques nécessaires à l’exer¬ cice du métier, compte tenu des incessants progrès des tech¬ niques industrielles. Ces connaissances et leur adaptation aux caractéristiques propres des Entreprises déterminent très directement les méthodes d’apprentissage Et nous avons remarqué que la pédagogie du travailleur réclamait des connaissances générales et une culture ouvrière, que la recherche permet de préciser avec certitude. Alors que les métiers traditionnels se fragmentent et deviennent progres¬ sivement des « postes de travail », l’apprentissage se doit de redécouvrir ses sources véritables pour répondre à la mission éducative qui est la sienne. La recherche se trouve ainsi très directement articulée avec l’Entreprise et l’Ecole d’apprentissage, pdur discerner les aspects du comportement biologique de la main-d’œuvre et les conditions de son équi¬ libre et de son rendement. Un service de documentation doit enfin alimenter toutes les acti¬ vités du Centre de recherche et diffuser les résultats à tous les niveaux. Non pas enfermée dans les limites de la recherche. la documentation est nécessairement un outil d’information. peut-être de pédagogie. A ces titres divers, elle est une pièce maitresse du Centre. Au total, nous pouvons ainsi résumer les activités de base d’un Centre de ce genre : Statistique : Documentation et diffusion : Etude des conditions de travail : — Etude du facteur humain. Ce sont, en fait, les têtes de chapitre d’une discipline unique. que nous appelons la psychophysiologie du travail. Gardons-nous, à ce sujet, de cet abus de langage qui consisterait à confondre sous ce terme, comme le souligne H. BARUR, des données de physiologie arbi¬ trairement transposées dans le domaine de la psychologie Gardons¬ nous aussi des assimilations et extrapolations abusives des tenants de l’Ecole Paylovienne, qui considèrent les phénomènes psychologiques comme des expressions étroites des automatismes nerveux. Mais s’il ne nous semble pas possible d’absorber entièrement la psychologie dans la physiologie, souhaitons cependant qu’une coordination effective conduise les physiologues, les psychologues, les sociologues, les statis¬ ticiens et les ingénieurs à des études conjointes sur leurs problèmes ACCIDENTS DU TBAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 163 communs. La coordination, dans cette perspective, n’est ni une direc¬ tion de l’un ou l’autre, ni une colaboration librement consentie tou¬ jours à la recherche de son but, ni un travail d’équipe, où l’entente nait de techniques communes, mais une conjugaison des efforts entre chercheurs de disciplines différentes, grâce à une « persuasion souple » pour reprendre un terme de R. SCHWOB : « Il s’agit de créer un milieu favorable et non d’imposer des mécanismes de relations et de contrôle contraires à la vraie création et à la recherche libre, 3 IV — RECHERCHE ET ENTREPRISES, Mais nous pouvons analyser les données, conjuguer les efforts et tenter en permanence d’ajuster les recherches aux besoins des Entre¬ prises, l’essentiel restera toujours de passer à la réalisation pratique en sortant du laboratoire. C’est peut-être là une des meilleures condi¬ tions de succès du travail en commun : mettre les données théoriques à l’épreuve de la réalité Et si nous quittons le domaine des spécu¬ lations, le véritable laboratoire devient naturellement l’Entreprise elle¬ même. Cest dans le but d’intéresser personnellement l’emploveur à la recherche que nous sommes conduits à imaginer des Centres organi¬ quement ou fonctionnellement liés aux Entreprises, c’est-à-dire consa¬ crés aux problèmes de complexes industriels bien délimités ou de familles professionnelles techniquement cohérentes. De même qu’il serait vain de réaliser un apprentissage, une traumatologie et une réa¬ daptation dans l’abstraction des techniques et de leur perfectionne¬ ment essentiel de même il serait vain d’organiser des Centres de recherche qui ne seraient pas directement insérés dans leurs véritables milieux d’étude. C’est précisément la raison qui milite en faveur d’une compréhen¬ Sion des emploveurs et de leur collaboration, dans un intérêt général. Nous vovons dans la méthode statistique un moyen de donner une base pratique à cette collaboration. L’Entreprise, si elle est un laboratoire. doit comprendre et mesurer les effets des expérimentations. Et la sta¬ tistique est à la fois une méthode expérimentale et un moyen de contrôle des résultats La mesure ohjective de tous les fravaux engagés restera la production, dont les fluctuations seront ainsi rigoureusement ana¬ Iysées. Encore faut-il ne pas omettre, dans ce que nous appelons « pro¬ duction », les charges de la Sécurité Sociale, qui sont, tout autant que la valeur des fabrications réalisées, un très sur témoin de la bonne condition du facteur humain et de la bonne organisation du travail. Ainsi largement comprise et mesurée, la production ne peut être étudiée que dans le cadre des familles professionnelles, où les risques sont cohérents et les fabrications comparables. Elle nous place, non plus dans le cadre de l’Entreprise, mais dans celui de la profession. et nous avons bien reçonnu que le capitat main-d’œuvre était un capi¬ tat de la profession. Toute politique économique est nécessairement thèses 164 basée sur ce découpage professionnel, en même temps que sur le découpage régional, qui donne aux problèmes une dimension conve¬ nable. Telle nous parait être également la structure de la recherche. si nous voulons qu’elle puisse s’adapter exactement à son objet. Et des maintenant, notre étude statistique nous permet de situer les labora¬ toires de psychophysiologie du travail dans quatre domaines qui se conjuguent et se complêtent : Les Centres d’Apprentissage, et en particulier les Centres d’Entrainement professionnel des Manœuvres et des O.S. : Les Centres de Béadaptation professionnelle, tels que nous les avons décrits : — Les Entreprises elles-mêmes : Les Centres de Recherche, étroitement associés aux Services de Prévention des Caisses de Sécurité Sociale, en particulier à ceux qui seront assez étoffés pour rassembler tous les résul¬ tats relatifs aux facteurs matériels et humains, et pour les inter¬ préter statistiquement. De toute manière, l’impératif catégorique en matière de Préven¬ tion et de Béadaptatiop nous parait être la plus étroite articulation entre la Recherche et la Réalité ouvrière : c’est dans le sens des véri¬ tables problèmes du travail que les chercheurs doivent orienter leurs efforts. La pocation de la Sécurité Sociale est très certainement de situer ces problêmes, ard̂ce à des Services de Prépention techniquement capables d’en déqager les données exactes. Ainsi compris, ces Services assureront la meilleure jonction et proposeront les meilleures hypo¬ ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN 8R séquelles et du handicap, pendant que notre équipement sanitaire et CHAPITRE IV POUIB UINE POLITIQUE GÉNÉRALE DU CONTROLE MÉDICAL DES ACCIDENTÉS DU TRAVAIL SOMMAIRE : 1. — La Recherche, infrastructure de la Prévention et de la Réa¬ daptation : I1 — Statistique et Recherche : II. — La psychophysiologie du travail : IV. — Recherche et entreprises. « L’orqanisation de la Sécurife Sociale « aarantit les trapailleurs et leur familte « confre les risques susceptibles de réduire ou « de supprimer leur capacité de qain » Code de la Sécurité Sociale. Livre L. Art, Ier. 1. — LA RECHERCHE IMERASTRLICTURE DE LA PREVENTION ET DE LA READAPTATION. Depuis le temps des Assurances Sociales, le Médecin-Conseil est considéré comme un contrôleur, dont le rôle serait de dépister les abus en matière d’arrêt de travail et d’actes thérapeutiques. L’esprit et les termes de la loi de Sécurité Sociale n’ont pas encore modifié cette conception, et il semble bien que le « contrôle médical » soit à la recherche de ses assises techniques et de sa véritable vocation dans l’Organisme Et l’on discerne avec peine, à travers un rôle policier. les ébauches d’une politique constructive au service de la consolida¬ tion médico-sociale des malades et des accidentés, ou la capacité de gain prendrait la première place et deviendrait le centre de toutes les interventions médicales, paramédicales et professionnelles admises par les textes. Nous avons déjà remarqué les difficultés pratiques sou¬ levées par une semblable évolution, car nous ne disposons que de notions insuffisantes et dispersées sur les méthodes d’estimation des 166 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN social se révèle manifestement inférieur aux besoins. Il est évident que si la Sécurité Sociale est essentiellement attachée à la sauvegarde de la capacité de gain, elle se doit de mettre au point, avant tout, les méthodes d’estimation de cette capacité et de ses altérations, en même temps qu’elle se doit de promouvoir et de stimuler un mouvement en faveur de l’équipement propre à l’améliorer. En fait, il nous faut recon¬ naitre que le passage de l’Assurance à la Sécurité n’est pas encore réalisé, ni techniquement ni même psychologiquement, ce qui est sans doute plus grave. Il n’est pas facile de passer du systême simple, et simpliste, de la pension et de la rente à celui de la garantie pratique des capacités ouvrières. Il y faudrait effectivement de sérieuses études. en même temps qu’un vaste courant de collaboration avec le monde du travail dans son ensemble. De toute manière, le Médecin-Conseil est pro¬ bablement le mieux placé pour étudier et résoudre ces problèmes, ou la consolidation et la reprise de travail occupent la première place Il est le seul à pouvoir suivre, du début à la fin, l’évolution d’une affec¬ tion et de ses incidences pratiques. Nous examinerons spécialement ses interventions possibles dans le cadre de la législation sur les acci¬ dents du travail, car elles sont particulièrement bien délimitées et défi¬ nies dans ce cas. LL. — STATISTIQUE ET RECHERCHE. L’article 43 du BA P. du 31 décembre 1946 prévoit que la Caisse Primaire, dès réception de la déclaration d’accident, puisse faire exa¬ miner la victime par son Médecin-Conseil. Elle lui demande alors de justifier les décisions prises par le Médecin traitant, en particulier l’in¬ dication et la durée de l’arrêt de travail. Les questions posées se résument ainsi : S’agit-il d’une affection traumatique susceptible d’être rappor¬ tée à une cause professionnene 2 La nature des lésions justifie-t-elle l’arrêt de travail 2 Existe-t-il une probabilité d’incapacité permanente, qui entrai¬ nerait une enquête de justice de paix, une déclaration à la Caisse Régionale et une surveillance médicale particulièrement attentive 2 (Articles L474 et L.479 du Code.). Il semble difficile, en effet, que les Services administratifs pren¬ nent en charge, sur le compte du risque « Accidents du Travail », une lésion quelconque sans qu’il soit répondu par un Médecin-Conseil à ces trois questions fondamentales, ou du moins aux deux premières. et ceci dans les tlus brefs délais. Ce n’est qu’avec une réponse pré¬ cise sur ces points que le lien de causalité Traumatisme-Travail peut être établi par l’Administration ou par la Juridiction compétente, puis¬ qu’aussi bien une telle décision n’est pas uniquement médicale. Une fois pris en charge administrativement et médicalement. l’accidenté peut faire l’objet d’un contrêle médical, dans les conditions prévues par les articles 70 et suivants du même R.A. P. du 31 décem¬ bre 1946, c’est-à-dire à l’initiative de la Caisse ou du Médecin-Conseil. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 167 Nous analyserons de quelle manière le Médecin-Conseil peut ainsi tech¬ niquement intervenir tout au long de la période d’incapacité tempo¬ raire, depuis le tri initial jusqu’à la consolidation et la reprise du travail. 6) Le tri des déclarafions d’occident du gravail. Pour faciliter et accélérer leurs décisions, certaines Caisses ont admis de confier à un Médecin-Conseil spécialisé le tri de toutes les déclarations. C’est le moyen de poser l’indication d’une étude judicieuse des lésions décrites, de leur caractère traumatique, de leurs incidences sur l’incapacité temporaire et permanente. C’est surtout le moyen de confier au contrôle médical la prise en charge des cas les plus graves. pour lesquels il est d’emblée possible de prévoir les déficiences fonc¬ tionnelles et le handicap, c’est-à-dire, l’éventualité d’un traitement et d’une réadaptation orientés vers la prévention de l’I P.P et du reclas¬ sement. Ainsi, le Médecin-Conseil peut-il garder l’initiative de ses contrôles et, par la, intervenir dans toutes les mesures médico-sociales pour qu’elles soient suffisamment précoces, efficaces et cohérentes. Cette prise en charge des accidentés graves fait actuellement l’objet d’une expérience intéressante de la Caisse Régionale de NANCY, d’au¬ tant plus intéressante que l’équipement médico-social du Nord-Est com¬ mence à se développer : la longue pratique de la Commission de reclas¬ sement et l’existence d’un premier Centre et de Sections hospitalières de Traitement fonctionnel donnent au Médecin-Conseil les ressource techniques élémentaires pour étaver son action. 5) Le contrêle de l’évotution du traumatisme. Après ce tri desz déclarations d’accidents du travail, le Médecin¬ Conseil dispose par conséquent d’un certain nombre de cas dont il lui faut suivre l’évolution dans le cadre des dispositions légales. D’une manière générale, l’article premier du Code de la Sécurité Sociale situe le sens de ses appréciations. C’est la capacité de travail et de gain qui constitue le critère permettant d’estimer la conduite du traitement et de la réadaptation, en même temps que la durée de l’incapacité et le taux de rente. C’est aussi par rapport à ce critère que seront jugés le plus exactement les abus éventuels. Or, classiquement, les interventions du Médecin traitant se limitent à la période d’évolution clinique des lésions. Elles cesent lorsque sont réduits les symptômes morbides. Mais l’optique nouvelle créée par l’ex¬ tension des procédés de Traitement fonctionnel permet de considérer que le but réel des interventions médicales n’est plus la réduction des symptômes, et qu’il comprend, également, la réduction des séquelles. Bien plus, lorsque les déficiences graves subsistent, nous devons pen¬ ser à la réadaptation en vue d’une activité possible garantissant un salaire comparable au salaire antérieur. De « tableau clinique », le blessé devient « ensemble fonctionnel », puis « individu social ». Pour le Médecin-Conseil, la guérison n’est donc plus uniquement clinique. 168 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN elle devient sociale. Mais dans la pratique, il se heurte à quelques obstacles majeurs : Les conceptions médicales traditionnelles, qui n’ont pas encore évolué vers la notion de guérison fonctionnelle : L’équipement sanitaire et social insuffisant, et en particulier les lacunes graves en matière de Réadaptation. La loi lui donne toutefois des directives précises lorsqu’il lui faut poser l’indication de ces deux catégories de mesures : Le Traitement fonctionnel, selon le décret du 7-1-1959, (art, 11). est étudié en commun par le Médecin-Conseil et le Médecin traitant, et fixé par eux dans ses modalités et dans sa durée : La Réadaptation professionnelle, selon les articles L.444. L445 et L.448 du Code, est étudiée par le Médecin-Conseil avec l’aide d’un psychotechnicien, et, dans l’état actuel des choses. avec l’aide de la Commission départementale d’Orientation des infirmes. De toute manière, c’est la Caisse qui décide des pres¬ tations et compléments de salaire à accorder pendant cette période de « revalorisation professionnelle ». Il est d’ailleurs important de noter qu’à la base de toute décision doit être fixé le poste de travail à rechercher : c'est en vue d'un poste déter- miné que l’on peut réadapter un handicapé, qu’il y ait ou non besoin d’un nouvel apprentissage. Cette précision n’est pas sans intérêt, car elle nous, montre l’orientation du bilan du handi¬ cap et de la Réadaptation professionnelle. Notons, toutefois. qu’une intervention préalable du psychotechnicien n’est habi¬ tuellement sollicitée que pour la prise en charge d’une réédu¬ cation à un métier nouveau, et rarement pour celle d’une réa¬ daptation à un nouveau poste grâce à un réentrainement ou à une reprise progressive de travail, à l’Usine ou dans un Centre spécial. Si, dans ces textes, le Traitement fonctionnel est reconnu comme une mesure d’essence médicale, la Réadaptation, par contre, est une mesure d’ordre professionnel, qui n’engage plus seulement le Médecin¬ Conseil et le Médecin traitant; mais l’orienteur et l’Entreprise, ou les Services de main-d’œuvre. Aussi est-elle laissée à l’appréciation de la Caisse elle-même, qui doit y trouver le moyen d’affirmer sa politique sociale. Nous retrouvons là notre distinction entre séquelles et handi¬ cap, les unes étant fonctionnelles, l’autre étant médico-social, et plus particulièrement médico-professionnel. c) Le réemploi et le rectassemenr. A l’issue de cette période thérapeutique, éventuellement complétée par une Réadaptation, l’accidenté du travail va aborder l’épreuve déci¬ sive de son réemploi, ou de son reclassement, c’est-à-dire, du retour à son poste ou d’une mutation quelconque Le Médecin Conseil ne pourra en étudier les modalités qu’avec le Médecin du Travail, et, par son intermédiaire, avec le chef du personnel et les techniciens de l’En ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN 160 treprise. Il est en présence d’un travailleur théoriquement en mesure d’aborder les rythmes de travail avec la qualification qu’il possède. Et le salaire retrouvé signera, en définitive, le succès ou l’insuccès de toutes les mesures appliquées et, d’une certaine manière, la réussite du Médecin-Conseil dans sa prise en charge LI1. — LA PSYCHOPHYSIOLOCIE DU TRAVAIL Tri initial, période d’évolution clinique, application du Traitement fonctionnel et de la Réadaptation, réemploi, telles sont les étapes de l’intervention du Médecin-Conseil. Encore faut-il qu’il dispose des bases techniques nécessaires à l’examen du traumatisé pour envisager l’une ou l’autre opération avec les meilleures garanties et pour en apprécier l’efficacité. a) AI conrs du fri inffrol, un examen clinique sera parfois utile pour préciser le caractère traumatique des lésions déclarées, tels une hernie et un effort lombaire, par exemple. De toute manière, le Méde¬ cin-Conseil devra faire appel à son expérience médicale pour établir un pronostic de gravité, prévoir les séquelles et le handicap, et retenir les traumatismes qui nécessitent une prise en charge particulière : et c’est avec l’Assistance Sociale qu’il la réalisera. b) Dés le débrt de P’épolution cfnigne un contact peut être uti¬ lement pris avec le Médecin traitant, puisqu’il est maintenant admis que certaines interventions puissent varier dans leurs modalités suivant le contexte social et professionnel Il n’est certes pas question d’envi¬ sager, à ce stade, une orientation, car le handicap n’est pas encore connu, encore que certains cas puissent trouver leur solution exacte dans un pronostic professionnel à longue échéance. Mais ce contact avec le Médecin traitant aura surtout pour but de poser une première indication de Traitement fonctionnel précoce, qui évitera les séquelles habituelles de l’inaction et de l’immobilisation, tout en respectant les impératifs du traitement. En tout cas le rêle psychologique du Médecin-Conseil ne saurait être méconnu pendant la période de soins, rôle qu’il partage avec l’Assis¬ tance Sociale. Au Médecin traitant, il apporte le fruit de son expé¬ rience médico-sociale et sa collahoration fort utile sur ce plan. Il attire son attention sur les Traitements fonctionnels efficaces, et décide avec lui de l’avenir de son malade. Au traumatisé, il apporte le témoignage de son intérêt soutenu et la préparation psychologique aux mesures envisagées. Il représente la Sécurité Sociale dans ce qu’elle a d’humain et il exprime au mieux sa politique générale au service des travail¬ leurs. Il met en œuvre toute mesure propre à garantir une guérison socialement complête et à donner ainsi au traitement ses meilleures chances de réussite, puisqu’il est depuis longtemps démontré que le 170 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN moral agit très directement sur le physique pour accélérer et perfec¬ tionner la réparation organique. c) L’indication du Traitement fonctiopnel va faire intervenir un autre genre d’examen, qui est le « testing » des séquelles. La connais¬ sance des déficits habituellement constatés après un traumatisme per¬ mettra au Médecin-Conseit d’apprécier à leur juste valeur et de pré¬ voir la destinée et les possibilités d’amélioration des raideurs articu¬ laires, atrophies neuromusculaires, troubles vasculaires, déréglements des équilibres neurovégétatifs locaux et généraux, anomalies de la nutri¬ tion et altération des capacités foncières, mentales, psychomotrices, etc. En fait, il s’agit de décrire des insuffisances fonctionnelles périfoçales. au niveau des segments traumatisés, et de découvrir les incidences à distance et générales des séquelles locales. Il sera nécessaire de chif¬ frer le plus possible ces constatations de manière à pouvoir apprécier dans le temps l’amélioration provoquée par le Traitement fonctionnel. Une raideur articulaire, par exemple, peut être cotée de 0 à 9, ou inversement la course laissée libre. Dans ce cas, il est simple de cal¬ culer un coefficient d’amélioration selon la formule très générale : D (différence de cotation avant et après traitement) Ca 9XT (temps de traitement par périodes de 15 jours) D’autre part, les équilibres moteurs seront soigneusement analy¬ sés, en étudiant les différences qui séparent le côté lésé et le côté sain, les agonistes et les antagonistes, et leurs incidences possibles sur la statique et la dynamique glohales. Nous saisissons de cette manière les synergies et les coordinations, comme les éléments de la marche. des différents déplacements, des manipulations usuelles, etc. C'est à partir de ce testing détaillé et de l’étude étiologique très serrée des différents déficits qu’un pronostic de récupérabilité peut être établi, et que les techniques de Traitement fonctionnel peuvent être prescrites. Les questions posées sont les suivantes : — Un Traitement fonctionnel est-il susceptible de réduire les séquelles décrites 2 Dans ce cas, quelles en sont les modalités les plus efficaces 2 Quel délai parait raisonnable pour espérer une amélioration 2 Notons que de très nombreux déficits localisés et peu importants seront réduits très simplement par une reprise immédiate de travail et que la Kinésithérapie ou la physiothérapie ne seront justifiées que pour des séquelles étendues ou d’emblée difficiles à améliorer. Mais d’une manière générale, un traitement chirurgical correct et une thé¬ rapeutique fonctionnelle précoce sont la meilleure prévention des séquelles et la meilleure garantie de récupérabilité. d) 4 l’issue du Traifement fonctionpet ou dès l’abord si celui-ci ne s’impose pas, le Médecin-Conseil établira le bilan du handicap éven¬ tuel. Les textes, ici, ne parlent que d’un examen psychotechnique pour fixer le poste de réemploi. Mais il nous faut voir de plus près ce pro¬ blème délicat. ACCIDENTS DU TBAVAL ET FACTEUR HUMAIN 17 Depuis les textes originels de la Sécurité Sociale, en effet, les techniques ont évolué. La pratique des Commissions de reclassement. puis celle des Commissions départementales d’orientation, ont mani¬ festement élargi les critères d’appréciation du handicap. L’examen médical préalable, sans être codifié, y est réalisé par un Médecin de main-d’œuvre connaissant les différents postes de son secteur. Les enquêtes sociales se révèlent indispensables pour étaver les « motiva¬ tionss du handicapé et expliquer très largement ses dispositions d’es¬ prit et ses besoins essentiels. Les Services de main-d’œuvre prennent une part déterminante dans la décision d’orientation en précisant l’état du marché du travail et les caractéristiques des Entreprises. Si bien que l’avis psychotechnique finit par être bien autre chose qu’une série de résultats à des tests théoriques, car il devient la synthèse et la discussion de tous les renseignements relatifs au handicapé (1). Il détermine le comportement en face des déficiences, le niveau des apti¬ tudes restantes, les possibilités d’apprentissage, et finalement l’orienta¬ tion en fonction des possibilités de réemploi. Cela suppose une for¬ mation particulière et une compétence qui sont du niveau d’un psycho¬ logue industriel, et cela suppose également un travail de coordination avec tous ceux qui ont eu l’occasion de connaitre l’un ou l’autre des problèmes du handicapé. En fait, un ordre logique situe ces diffé¬ rentes collaborations : Une enguête sociale et professionnelle préglable permet de replacer le sujet dans son véritable contexte : l’avenir pourra s’appuver sur le passé, sur les acquisitions et les expériences antérieures : Un examen médical donne à la fois la description des séquelles et celle des inaptitudes pratiques qu’elles déterminent: En fonction de ces deux sortes de données, l’eromen nsncho¬ logique peut alors distinguer les aptitudes restantes sur le plan mental et sur le plan psychomoteur : connaissances, goûts et tendances, maturation affective, comme automatismes acquis. état des réflexes qualité des organes sensoriels, nerveux et musculaires : C’est en présence des Membres de la Commission que sont enfin mises au point les décigfons definitipes, selon les possi¬ bilités d’emploi, les caractéristiques sociales, les possibilités de prise en charge. Et peut-être l’oublie-t-on parfois, l’ultime accord est celui du handicapé lui-même, qui reste libre de suivre ou de refuser les conseils proposés, et demeure le seul maitre de son avenir. En théorie cette Commission départementale d’orientation est le moyen techniquement valable d’estimer le handicap et de lui trouver (1) Voir à ce suiet : « La Commision de Reclassement de Nancn » et « Pour une sotintion technique du reclassement des Diminués Phusiques ». Docteur Hl. Pou¬ lizac, dans la Revue de la Sécurité Sociale (Janvier 1953). ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 172 les meilleures solutions, c’est-à-dire les meilleures compensations. Mais en pratique, elle se présente comme un appareil lourd et lent, dont les réunions ne sont certainement pas assez fréquentes pour régler en temps utile la multitude de cas qui se présentent au contrôle médical. Il est donc indispensable que le Médecin-Conseil soit en mesure de régler les situations les plus simples et de ne faire appel à la Commis¬ sion d’orientation que pour les problêmes complexes. La solution des cas simples ne peut être trouvée en dehors d’une collaboration entre Médecin-Conseil et Médecin du Travail, Par « cas simples », nous vovons bien qu’il faut entendre ceux qui ne demandent pas une orientation approfondie, et en particulier, ceux qui ne relèvent pas d’une rééducation professionnelle. Cependant, en étudiant les enquêtes de l’Assistante sociale, en utilisant les bilans du Médecin¬ Conseil, en se référant au dossier du Médecin du Travail, il doit être possible de se faire une opinion suffisante sur un handicap limité et sur ses solutions. Il sera parfois utile de procéder à certains examens complémentaires : L’étude des capacités fonciéres grâce à des tests maniables du type « profil biométrique », tests de Schneider. Lian et Marti¬ net. Flack. Mac Cloy, etc. : L’étude des capacités gestuelles par un essai dans l’Entreprise. ou, lorsque cela est possible, par un véritable bilan utilitaire. Nous ne pouvons que souhaiter, dans ce but. l’installation de Centres d’Apprentissage en mesure d’effectuer ce bilan, ou encore mieux, de Centres de Réadaptation professionnelle : L’étude des capacités psuchomotrices, soit par le psychotechni¬ cien de l’Entréprise lorsqu’il existe, soit par celui de la Com¬ mission d’orientation. L’indication de la Réadaptation est donc le résultat d’une consul¬ tation entre le Médecin-Conseil et le Médecin du Travail, tous deux en accord avec le Médecin traitant. De leur décision peut se dégager une organisation des techniques à employer, soit une reprise progres¬ sive de travail, soit un réehtrainement à l’effort, soit une réadapta¬ tion gestuelle, soit un entrainement d’O S, etc Si une rééducation pro¬ fessionnelle semble devoir intervenir, ou si le cas est très complexe. le handicapé sera alors adressé à la Commission d’orientation. Mais quelle que soit la solution envisagée, le Médecin-Conseil reste le responsable de la conduite des opérations, puisque son rôle est de « sauvegarder la capacité de gain ». Au total, le schéma de ses interventions au cours de la période d’incapacité peut-être ainsi tracé : Tri des fraumafismes grqpes et étude du caractère trauma¬ tique des lésions douteuses : Prise en charae des traumatisés qui peuvent laisser prévoir des séquelles ou un handicap, parallèlement à une prise en I0 8 LPREP lormer et de spécialiser, pour chaque Caisse, un Médecin-Conseil dans ACCIDENTS DU TBAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 1731 consultations avec le Chirurgien ou Médecin traitant pour fixer les modalités et étudier les résultats du Traitement fonctionnel. consultation avec le Médecin du Travail pour établir le bilan du handicap et décider d’une éventuelle réadaptation, et en particulier d’une présentation du cas à la Commission. d’orientation. étude du réemploi ou du reclassement, suivant que l’acci denté retrouve son poste ou doit être muté dans un poste différent : Tout au long de ce cheminement de l’hêpitat :, l’usine, les contacts avec le blessé permettront d’expliquer la signification des mesures appliquées et d’atténuer, sur le plan psycholo¬ gique, les incidences possibles du traumatisme et de ses séquelles : Les derniers contaets avec le Médecin ou Chirurgien traitant seront consacrés aux décisions finales de consolidation et d’appréciation du handicap. C’est en effet un des rôles essen¬ tiels du Médecin-Conseil de montrer ainsi de quelle manière est fixée une compensation financière, c’est-à-dire quelle est la conception légale et médico-sociale du handicap, et, par la. quelle est la politique véritable de la Sécurité Sociale et dans quelle voie doit s’orienter la Médecine pour donner à la gué¬ rison toute sa portée et son efficience : Le Médecin-Conseil est donc le lien entre le Médecin traitant et le Médecin du Travail. A ce titre, il a un rôle d’informa¬ teur, responsable de la diffusion des conceptions nouvelles en matière de capacité de travail et de gain. Il est aussi la garantie d’unité dans, les différentes phases du traitement du trauma¬ tisme, et le soutien le plus sur pour le traumatisé : it doit répondre au naturel besoin des trapailleurs d’une indispensable sécurité. IV. — RECHERCHE ET ENTREPRISES, Il est évident que si le Médecin-Conseil exerce sa surveillance tout au long de la période des Soins et de la Réadaptation, son inter¬ vention la plus délicate se situe au moment du bilan du handicap. c’est-à-dire "lorsqu’il se concerte avec le Médecin du Travail. Tandis qu’avec le Médecin traitant ses contacts sont d’ordre clinique, avec le Médecin du Travail il devra traduire la notion de séquelles et ana¬ lyser les éléments complexes du handicap, c’est-à-dire tous les facteurs de désadaptation provoqués par le traumatisme. Il lui faudra donc connaitre les postes et leurs données psychophysiologiques, en même xtemps qu’il devra mettre au point des critères et tests d’appréciation arigoureux des aptitudes et inaptitudes. Aussi semble-t-il judicieux de 3 ACCIDENTS DU TRAVALL ET FACTEUR HUMAIN 174 ce domaine. Le terrain est à défricher, pour une très grande part, puisque nous n’avons guère évolué depuis la loi de 1898. Et cette spécialisation s’impose avec plus d’acuité depuis le récent décret du 13 mai 1960, qui donne à la Caisse Primaire la charge entière du risque « Accidents du Travail ». C’est aussi la raison qui nous fait souhaiter une coordination de ces Médecins spécialisés, et une étude d’ensemble de leurs méthodes et de leurs résultats sur un plan régional. Or, nous avons déjà consi¬ déré que le Service de Prépention des Caisses Régionales était bien adapté à cette tâche de coordination, grce « ne secfion gni serait chargée de l’étude du facteur humain sous tous ses aspects. D’autre part, la section « statistique » de ce même Service assurerait le calcul final et l’interprétation des caractéristiques fournies par les Caisses Primaires. En réatité. Prévention et Réadaptation supposent le même équipement d’étude et de recherche et la même analyse du facteur humain, qu’il s’agisse d’adaptation ou de réadaptation professionnelle Le Médecin-Conseil est donc un élément fondamental de la poli¬ tique des Caisses, tant par ses études des résultats et des besoins. que par ses interventions au service des traumatisés. Il est le mieux placé pour orienter le interventions médico-sociales, pour diffuser les idées et les techniques nouvelles, pour envisager les organismes utiles. C’est ainsi que, grâce à l’action à la fois individuelle et collec¬ tive, médico-sociale et statistique, technique et psychologique, de ses Médecins spécialisés, le Médecin-Conseil Régional pourra, comme le lui demande la loi, proposer des plans cohérents d’équipement sanitaire et sociat. C’est dire que le premier devoir de la Sécurité Sociale est de former ses Médecins-Conseils et de les orienter dans le sens de sa mission propre. C’est là sans doute la clé du problème si débattu de la compétence et du rôle de l’Organisme dans l’équipement du pays ou du moins, dans la mise en place du dispositif nécessaire à la garantie effective de la capacité de gain des travailleurs. Et c’est la aussi le point de départ d’une nouvelle manière d’estimer le handicap. sous ses aspects médico-sociaux réels, et dans une perspective sociale plus positive. CHAPITRE LES TEXTES SOMMAIRE: 1. — La Prévention : IL. — La Traumatologie : II. — La Réadaptation : IV. — Le Reclassement : Y — Le Travail protégé — Conclusions. « II est prudent, du moins provisoirement. « de respecter ce que l’on ianore. » Jules TANNERY. Nous ne retiendrons des textes législatifs concernant la Préven¬ tion, la Réadaptation et le Beclassement que leurs tendances générales et leurs principes, de manière à saisir le sens de leur évolution et leur portée pratique. Dans l’état actuel de nos structures, d’ailleurs. il semble bien que les réalisations marquent un retard considérable sur les textes, et que nos efforts soient plus justifiés sur ce plan que sur celui d’une amélioration des dispositions légales. 1. — LA PREVENTION. L’article L. 419 du Code de la Sécurité Sociale précise qu’en matière de Prévention l’action des Caisses Bégionales et de la Caisse Nationale s’exerce dans le cadre d’une politique générale définie par le Ministre du Travail. C’est par voie d’autorité que sont appliquées les mesures reconnues efficaces. Mais d’autre part, les Caisses Régionales doivent adresser à la Caisse Nationale et par elle, au Ministre, les résultats de leurs travaux et les suggestions qu’ils leur inspirent. C’est au sein des Comités Techniques Régionaux, constitués par familles professionnelles, que ces résultats sont, au préalable, dépouillés et dis¬ cutés. En particulier, ce sont les statistiques portant sur la fréquence. 176 la gravité, les causes et les effets des accidents qui doivent servir de base à cette étude. Un certain nombre de circulaires ministérielles se sont ajoutées aux articles du Code, dont la C.M. 147 SS du 5 juillet 1949 et la circulaire D6 22 SS du 1t mars 1953, pour définir les grandes lignes de la Prévention. Nous pouvons en retenir que la Caisse Régionale intervient de la manière suivante : — Groupement et étude des statistiques d’accidents et maladies professionnelles : — Enquêtes, études techniques et contrôle des conditions de tra¬ vail et des dispositifs de sécurité dans les Entreprises : Liaisons avec les Comités d’Hygiène et de Sécurité — Information et propagande : — Aide aux emploveurs pour les soins aux accidentés légers e les soins d’urgence aux accidentés graves : — Contribution à la rémunération du personnel infirmier : Prêts, subventions et récompenses : Expérimentations propres à éprouver des solutions nouvelles de Prévention : Réunion des Comités Techniques Régionaux pour l’étude des résultats. L’accent est donc mis sur la Prévention du facteur « matériel » tandis que le facteur « humain » n’est abordé que par les soins aux accidentés et l’information. En réalité, dans ces deux cas, nous remar¬ quons une orientation bien précise, qui est celle d’une protection sys¬ tématique contre les agressions extérieures, c’est-à-dire d’une sorte de « défense passive » contre les aaents traumatisants. Or, nous avons posé le problême en termes différents : le danger d’un outil ou d’une machine dépend principalement de son mode d’uti¬ lisation et de l’adaptation du travailleur à son usage correct. Il n’est pas possible de traiter séparément les deux facteurs en présence, et nous avons préféré à l’habituelle distinction entre les conditions de travail et le facteur humain, la notion plus concrête de leur interdé¬ pendance, c’est-à-dire, en fait, une conception globale et unitaire de l’adaptation Homme-Travail. Aussi pouvons-nous suggérer l’extension de l’armement technique des Caisses Régionales et l’aménagement de leurs Services de Préven¬ tion, de telle sorte que la réalité humaine et matérielle des facteurs d’accident puisse y être étudiée sous tous ses aspects et de manière positive. Ce Service serait placé, éventuellement, sous la direction d’un ingénieur capable d’assurer ses multiples relations extérieures dans les meilleures conditions et d’harmoniser les rapports et échanges entre les trois disciplines fondamentales suivantes : ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN ACCIDENTS DUL TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 1722 1 - La statistique réalisée en trois étapes : — La codification et la collecte des résultats : — La ventilation mécanographique : — Le calcul et l’interprétation statistiques, effectués par des mathématiciens spécialisés. 2 -— La prépention du facteur matériel, c’est-à-dire la mise en place des dispositifs de sécurité, l’épuration des ambiances dangereuses, la surveillance des surfaces d’évolution et des techniques de fabrication. au même titre que l’informatiop des travailleurs sur les dangers des Entreprises. Des Ingénieurs et Contrôleurs de sécurité sont habituelle¬ ment consacrés à cette tâche, mais il semble bien que leur nombre et leurs moyens d’action soient à réviser en fonction des besoins réels. 3 - La prépention du factenr humain, sous tous les aspects que nous avons décrits. Des Médecins spécialisés en psychophysiologie profes¬ sionnelle étudieraient ces questions, en liaison avec les Médecins du Travail. Les Soins d’urgence, la Traumatologie, la Réadaptation et le Reclassement entreraient logiquement dans les préoccupations de cette section, en même temps que le dépistage systématique des maladies professionnelles et surtout les problèmes d’adaptation de la main¬ d’œuvre, c’est-à-dire l’apprentissage, l’entretien de la condition phy¬ sique des travailleurs, etc. Les travaux des trois sections ainsi schématisées, discutés et mis au point dans les Comités Techniques Régionaux, pourraient servir de base aux recherches d’un Centre Régional ou National attaché à l’étude scientifique du Travail. Et nous avons précisé l’intérêt matériel et moral d’une telle insertion de la Recherche dans la réalite professionnelle. Les textes ne s’opposent pas, du moins dans leur esprit, à une évolution de ce genre Et nous retiendrons comme essentielle cette infrastructure solide de toute création et de toute expérience. Dans la pratique, plusieurs budgets peuvent concourir à la mise en place d’un équipement de Prévention : l’action sanitaire et sociale pour tout ce qui concerne la Traumatologie, le fonds national de Prévention pour tout ce qui concerne l’Adaptation et la Béadaptation de la main¬ d’œuvre. Mais plus encore que l’équipement au niveau de l’un ou l’autre des chainons du systême cohérent de Prévention - Traumato¬ logie - Réadaptation - Reclassement, importe l’unité doctrinale, tech¬ nique et pratique : il semble que ce soit le rôle propre des Caisses d’y atteindre, en liaison avec tous les Services compétents, en particulier la Santé Publique, l’Inspection du Travail et la Main-d’Euvre. I1. — LA TRAUMATOLOCIE, Notre pays rencontre les plus grandes difficultés pour réduire sa carence en matière de Traumatologie, malgré de remarquables excep¬ tions dont celle du Centre de Strasbourg et, plus récemment celle de l’Hopital COCHIN Si nous regardons l’exemple de l’Italie, nous som¬ mes étonnés de l’extraordinaire développement de cette spécialité, du certainement à un systême d’assurance-accidents autonome et dyna¬ 12 178 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN mique. Quoi qu’il en soit, retenons de ces réalisations que Chiruran et Traitement fonctionnel s’y trouvent intimement associés, et que la Traumatologie ainsi comprise est davantage un réseau organisé qu’une clinique, puisqu’elle appuie son action sur les Services d’urgence des Entreprises, avant-postes dont les interventions sont harmonisées avec celles de la Clinique centrale. Pour qui pratique cette spécialité, il est clair que sa pleine efficience dépend de l’unité des conceptions tech¬ niques et de la cohérence des différentes interventions qui conduisent le blessé du lieu de son traumatisme au Centre de soins le mieux adapté à son état, puis aux Organismes de Traitement fonctionnel et de Réadaptation. En ce qui concerne les Soins d’urgence, nous avons précisé que la Caisse Régionale intervenait pour aider à leur fonctionnement en groupant les commandes de fournitures de pansements — ce qui réduit le cout global-Elle participe également à la rémunération du person¬ nel infirmier, ce qui permet de s’assurer de sa qualification. Ces dis¬ positions ont sans aucun doute favorisé l’organisation d’infirmeries d’En¬ treprises, mais elles ne prendront leur signification et n’étendront leur portée technique et sociale que si les infirmeries ainsi mises en place sont coordonnées par des Cliniques de Traumatologie. Au stade de la Clinique elle-même, la prise en charge des actes chirurgicaux ne souffre aucune discussion, puisqu’elle est réglée par une nomenclature détaillée et éprouvée, et que, de cette manière, la Traumatologie trouve un cadre convenable et conforine aux traditions médicales du paiement « à l’acte ». Cette éventualité n’exclut d’ailleurs pas la possibilité d’une Chirurgie à temps plein, favorable à la recherche. Plus délicat est le problème des soins fonctionnels, car les auteurs de la nomenclature paraissent avoir rencontré de sérieuses difficultés pour les codifier. L’arrêté du 25 mai 1954 est venu ajouter à quelques actes antérieurement prévus de « massothérapiex, une liste d’interven¬ tions de rééducation motrice où il est bien difficile de faire entrer les interventions réelles. Il ne s’agit d’ailleurs que d’actes dispensés par des auxiliaires médicaux exercant individuellement selon les pres¬ criptions des Médecins traitants. En pratique, il est souvent souhai¬ table d’associer des méthodes complémentaires, difficilement codi¬ fiables, et de faire appel à des Centres où l’équipement technique soit adapté aux différentes familles de séquelles : appareils de physiothé¬ rapie, dispositifs d’hydrothérapie locale et générale, piscine, gymnase et salles de kinésithérapie, ateliers d’ergothérapie, voie d’appareillage provisoire, etc. Sans aller plus avant dans ces difficultés d’une nomen¬ clature trop brève, nous souhaitons d’emblée l’extension des Centres spécialisés, où le forfait journalier soit une règle. Pendant la période de séjour hospitalier, le Traitement fonctionnel peut d’ailleurs suivre cette même règle du forfait, ce qui suppose que, dans un cas comme dans l’autre, le personnel para-médical soit salarié et que les Services soient gérés de façon autonome pour permettre l’établissement du prix de revient exact. D’ailleurs, il semble que le forfait puisse également reduit par les mesures de rééducation professionnelle. Ce court alinéa ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 176 s’appliquer aux auxiliaires extra-hospitaliers, à la condition que le Médecin-Conseil puisse s’assurer de la nature des soins dispensés dans certains cas complexes tout au moins-Et nous retiendrons qu"’an¬ cun Traitement fonctionnet ne peut être légalement pris en chorge sans accord préalable du Médecin-Conseit et du Chiruraien traitant (art, 11 de l’arrété du 7 janvier 1959). IIL. — LA RFADAPTATION. Si les prestations en nature et en espèces ne soulèvent guère de difficultés pendant la période de Soins, par contre, elles nécessitent une étude attentive au cours de la Réadaptation. Les textes, et en particulier les articles L. 444 et L448 du Code de la Sécurité Sociale, prévoient en effet deux éventualités : — La rééducation professionnelle, période qui ouvre droit à un « présalaire » calculé d’après le salaire du manœuvre de la pro¬ fession recherchée : La reprise progressipe de frapail, qui ouvre droit à, un « com¬ plément de salaire », calculé d’après le salaire de la profession exercée, ou d’après le salaire antérieur s’il était plus élevé. Ces compléments de salaire sont proposés par le Médecin-Conseil à sa Caisse Primaire, si la reprise de travail est de nature à améliorer l’état de santé. Il n’est pas envisagé de Béadaptation dans un Centre spécialisé modalité par ailleurs prévue dans la circulaire ministérielle (CM. 21 SS 13 février 1952) relative aux conditions d’agrément des Centres de ce genre. Entre l’apprentissage d’un métier nouveau et la reprise du tra¬ vail, il y a effectivemenf la place d’un réentrainement physique et mental au travail antérieur ou à un poste voisin. Et nous ne vovons pas de différence entre ce réentrainement, où les Manœuvres et O.S. trouvent leur Réadaptation spécifique, et l’apprentissage d’un métier nouveau : le but et les moyens sont identiques, puisque la valorisation professionnelle est recherchée dans tous les cas par un entrainement physique, mental et technologique. Toutes les méthodes susceptibles d’améliorer la canacité de gain entrent dans une seule et même Réa¬ daptation professionnelle et sociale, distincte, par conséquent, des Soins chirurgicaux et fonctionnels. Légalement, la distinction est déjà faite. puisque l’une et l’autre disciplines donnent lieu à des prestations spécifiques : Prestations en nature et en espêces pour la période de Soins : Présglaire pour la période de Réadaptation. Malgré tout, une certaine confusion subsiste, due à l’imprécision des termes, Mais nous remarquons qu’ « in fine », l’article L444 pré¬ voit que le taux de rente attribué à la consolidation ne pourra être 12 180 ACCIDENTS DU TBAVAL ET FACTEUR HUMAIN est de nature à déterminer toute l’orientation future des téchhiques et des textes : La rente doit être fixée a la fin de la période de Soins, qui se fermine par la consolidation médicale, et qui est l’instant précis de l’estimation du handicap. En réalité, tout serait fort simple si nous distinguions nettement ces deux périodes des Soins et de la Réadaptation. Dans cette sépara¬ tion, qui se justifie pleinement sur le plan physiologique, nous aurions la solution de la plupart des difficultés psychologiques et pratiques de la Réadaptation : elle ne pourrait plus réduire la rente fixée en fonc¬ tion des séquelles, comme le précise l’article L 444, mais elle devien¬ drait le moyen de réduire le handicap, c’est-à-dire que, pour le sujet, elle serait consacrée à l’amélioration de ses possibilités professionnelles et de son salaire. Nous n’éliminerons jamais totalement la sinistrose sociale qui consiste à rechercher la meilleure rente en simulant défi¬ ciences et handicap, mais nous épurerons le dialogue entre les parties, Sécurité Sociale et accidenté, et nous donnerons leur exacte définition aux deux opérations successives de la thérapeutique fonctionnelle et de la Réadaptation, la seconde étant libérée de l’hypothêque d’une réduction possible de la rente. Il nous parait donc souhaitable de fixer la rente globale et défi¬ nitive avant la Réadaptation. Il est évident que nous tenons là une base légale très solide pour l’organisation de la Réadaptation, puisque le présalaire ne peut être estimé qu’en fonction d’une qualification profes¬ sionnelle, ou plus exactement d’une famille professionnelle : on ne peut donc prescrire une Réadaptation que si l’on précise le poste enpisaae aprés le « bilan-orientation » initial. Et nous voudrions bien souligner qu’il n’existe pas de différence essentielle entre le choix du poste appris en rééducation et celui du poste repris au titre de la Réadap¬ tation dans l’Entreprise, ou dans un Centre compétent. Cette période de revalorisation professionnelle est la transition légalement et techniquement bien individualisée entre Médecine et Eco¬ nomie, et elle semble devoir appartenir au Médecin-Conseil, qui pour¬ rait en être personnellement tenu pour responsable dès la consoli¬ dation clinique : le Médecin-Conseil prendrait la suite du Médecip frai¬ tant, et ses interpentions se termineraient à la reprise du travail et a la compensation du handicap final. Le très gros obstacle qui resterait à lever — après la fixation de la rente en ses deux composantes — serait celui du mode de prise en charge de la période de Réadaptation, Ni les prestations en espèces de la période d’I.T. ni la rente ne peuvent être retenues, puisque les premières sont interdites par une consolidation médicale qui en a mar¬ qué la fin, et que la seconde n’est pas encore versée. La solnt’on réside dans l’orqanisation d’un risque nouvequ, qui serait le risqte de l’Inap¬ titude au travait — à ne pas confondre avec l’Inaptitude due à la vieillesse, bien que sa définition soit la même et que son intégration mer convenablement et objectivement la capacité de travail et de qain. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN 18 dans ce risque ne paraisse pas impossible-Nul doute qu’à ce stade la compétence du Médecin traitant soit largement dépassée, puisque la période thérapeutique est terminée et sanctionnée par un taux de rente compensant le dommage résiduel. Ce risque couvrirait toutes les dépenses de la période de Réadaptation, dépenses qu’il serait simple d’intégrer dans les comptes de cotisations. Les indemnités journalières seraient « le présalaire », dont la prise en charge serait déterminée par le bilan initial, éventuellement confié à la Commission d’Orientation pour les cas complexes. Le droit resterait ouvert à certains soins com¬ plémentaires, qui se révèlent parfois nécessaires après la consolidation clinique. La reprise du travail marquerait la fin de la prise en charge. et la compensation du handicap serait alors réalisée avec la meilleure précision. Du point de vue pratique, nous pourrions ainsi aisément vérifier l’efficacité des mesures de Traitement chirurgical et fonctionnel et de Réadaptation : La dureee de l’IT, et le touxr de repte terminale sont des notions simples, qui permettraient les analyses statistiques des résultats de telle ou telle méthode emplovée sur le plan de la Traumatologie dans son ensemble La lonquenr de la période d’Ipapfitnde an fraparil et le dearé de handicap professionnel et social permettraient, de leur côté. la même analyse. Il serait statistiquement possible de considé¬ rer l’efficience de telle ou telle politique de Réadaptation — dont le terme ultime et significatif serait le salaire etrouvé¬ Et la nécessité absolue d’une étude de la gestion de ce risque d’Inaptitude conduirait à une meilleure cohérence des idées et des interventions pratiques, c’est-à-dire à une conception posi¬ tive de l’équipement de Réadaptation souhaitable. Certaines nuances d’application pourraient laisser la place à quel¬ ques cas-limites, par exemple lorsqu’une rééducation professionnelle est possible malgré que le blessé ne soit pas encore médicalement « conso¬ lidable ». Quant aux reprises de travail au titre « Traitement fonction¬ nel », il est évident qu’elles se situent pendant la période des soins. puisque théoriquement il n’existera pas de handicap professionnel au terme marqué par une consolidation médicale pure et simple : sinon. il serait nécessaire d’envisager une Réadaptation professionnelle pour améliorer la capacité de gain. Certains autres cas-limites, d’ailleurs. seraient caractérisés par une consolidation qui signerait à la fois la fin de la période de soins et la constatation d’une impossibilité totale à réduire le handicap et la perte de salaire. La souplesse dans l’appli¬ cation dépend, en défipitive de l’intelligence pratique du Médecin¬ Conseil et de la valeur de ses bilans et de ses pronostics. Si bien que là encore, nous devons envisager pour lui une formation technique suffisante ainsi qu’un équipement propre a esti¬ ACCIDENTS DU TBAVAL ET FACTEUR HUMAIN 182 IV. — LE RECLASSEMENT On a beaucoun parlé et écrit sur le reclassement des handicapés (1) et nous résumerons brièvement les conditions de réussite de cette disci¬ pline assurément complexe et malaisée (2) : Avant tout, nous devons définir le Béemploi, qui est le retour au poste antérieur dans des conditions normales, et le Reclas¬ sement, qui est le changement d’affectation, avec ou sans apprentissage préalable : Un esprit de Prépepfion doit s’attacher à éviter les séquelles. puis le handicap, et enfin le reclassement. Ce qui suppose une structure cohérente de Traitement fonctionnel et de Réadapta¬ tion, de manière à réduire le nombre de candidats à reclasser : Dans les Entreprises, les postes légers doipent être réserbés aux handicapés les plus grapes. Leur embouteillage par des handicapés capables d’avoir une production normale, ou même par des travailleurs normaux, constitue un obstacle à une poli¬ tique d’ensemble : Dans cette même optique de mise en ordre de la main-d’œuvre. il est donc indispensable de réadapter conpenablement au fra¬ pail les handicapés, pour les mener à une valeur profession¬ nelle normale : c’est la condition de toute action de Reclasse¬ ment logique, autant qu’une mesure socialement valable : En tout état de cause, le déclassement et la perte de salaire sont les principaux témoins d’une Réadaptation mal conduite. Ils sont aussi la preuve que les emploveurs gardent trop sou¬ vent ce réflexe de déclassement dès qu’une rente leur apparait constituer une compensation du handicap. L’emploueur: est donc un élément de « l’équipe » de Réadaptation, et il importe de lui faire accepter le sens de l’action menée: pour lui, il n’est pas d’autre preuve que la démonstration pratique, ni d’autre argument que l’estimation exacte des capacités ouvrières par des critères positifs et surs : Ces considérations sur le Reclassement sont de nature à défi¬ nir le rôle de la Béadaptation avec plus de certitude que toute autre considération théorique. C’est par l’efficacité pratique que sont appréciées les méthodes, et dans l’efficacité nous ne pou¬ vons disioindre les cas individuels de l’intérêt collectif. La réussite de chqque cas particulier dépend de la réussite d’une politique générale. Si nous considérons la loi du 23 novembre 1957 sur le Reclasse¬ ment qui fut pour les handicapés un immense espoir, mais dont on attend toujours l’application, nous constatons que les tendances actuel¬ (1) G. GAUTHIER - H. POULIZAC, J. GQURNET, J. LARGUEZE : La Commission de Rectassement de Nancu. Archives des Maladies Professionnelles, p. 190. Année 1952. (2) Cf, également : Le reclassement professionnel des travailleurs handicapés (expérience de la Caisse Centrale de la R.P.). Revue de la Sécurité Sociale, avril 196 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN 183 les sont exactement orientées vers une extension des méthodes Réadaptation. Ce droit au travail cherche à s’affirmer, mais il n’est pas qu’un droit, il est surtout un devoir, une exigence, une conquête difficile par chaque handicapé de ses capacités profession¬ nelles. Le droit séparé du devoir aboutit à des mesures qui ont déjà prouvé leur inefficacité, telle l’imposition aux Entreprises d’un certain pourcentage de travailleurs handicapés. Pour aboutir à un succès qui ne sera jamais total — la loi devrait considérer comme essentiels les points suivants : La base du réemploi des handicapés est d’obord lo définition du handicap, qui doit être apprécié de manière globale, et non d’après un examen médical isolé Pour des déficiences simi¬ laires, telle la cécité par exemple, le handicap est extrémement variable d’un individu à l’autre, selon ses capacités, sa réadap¬ tation et le poste qu’il occupe. Sur une chaine de montage un aveugle peut avoir une production normale, comme sur une machine automatique ou à un standard téléphonique aménagé. Dans les fonctions de Kinésithérapeute un aveugle est très han¬ dicapé, puisqu’il ne voit pas les mouvements commandés, et son activité ne peut que se limiter au massage et à la physio¬ thérapie. La notion de handicap est donc particulière, distincte de la notion de séquelles et si elle est mal définie, elle peut prêter à confusion et à contestation : Une mesure autoritaire basée sur un pourcentage mathéma¬ tique, même s’il tient compte de a variation des exigences des postes d’une Entreprise à l’autre, peut conduire à un réemploi qualitativement désastreux, Pour être en règle, l’emploveur peut se contenter de l’exécution des impositions quantitatives et ne pas considérer le déclassement et la perte de salaire qui résul¬ teraient d’une affectation erronée. A la valeur du bilan du handi¬ cap il nous faut ajouter l’exactitude de l’orientation vers le poste qui sauvegardera au mieux la capacité de oain : Une imposition quantitative, si elle n’est pas assortie de ces garanties qualitatives, tuera dans l’œuf toute possibilité de reva¬ lorisation professionnelle et sociale. Il ne faut pas laisser de confusion entre le droit au réemploi et le droit au poste qui garantira la capacité de gain : Le danger des mesures quantitatives ne peut donc être évité que par une politique d’enverqure en fapeur de la Réadaptation. Le réemploi ’et le reclassement doivent pouvoir couronner et sanctionner les efforts des handicapés pour compenser leurs. déficiences pratiques. Nous comprenons ainsi qu’une garantie de réussite de toute loi relative au reclassement soit d’abord la bonne marche des Com¬ missions départementales d’Orientation, responsables du bilan du handi¬ cap — avec la restriction que le cadre départemental est assez inexac¬ tement ajusté aux comnleves industriels — Et nous reprendrons nos 184 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN considérations sur le rôle décisif de la Sécurité Sociale et de ses Méde¬ cins-Conseils à ce sujet. Une autre garantie de réussite — sans doute plus délicate à obte¬ nir — est la coopération des emploueurs à ces tâches, que nous avons étroitement solidarisées, de Prévention. Traumatologie et Réadaptation. Dans un même secteur industriel, il est indispensable de réaliser une politique commune de la main-d’œuvre, au sein des familles profession¬ nelles. L’association des Entreprises deviendrait, pour les handicapés. une sorte de « banque » où les différents Etablissements pourraient effectuer des échanges de main-d’œuvre. De toute manière, l’association serait collectivement responsable du réemploi de tous ses handicapés. soit dans le circuit normal, soit dans un atelier protégé commun. Ne peut-on envisager dans ce cas que l’imposition quantitative serait exactement conforme au nombre de handicapés fourni; par l’ensemble de l’association " Nous passerions ainsi du plan théorique à un plan pratique, et nous aurions le moyen de stimuler, par là même, la Pré¬ vention.. Mais l’intérêt ne serait pas limité au réemploi des handicapés. Il s’étendrait à l’ensemble des problèmes de main-d’œuvre, dont celui de l’apprentissage, qui est aussi une responsabilité commune. Pour toutes ces raisons, il nous faut trouver un découpage professionnel et géographique des Entreprises : le cadre départemental semble dépassé par l’évolution économique. Enfin, nous ne pouvons guère imaginer que la politique générale de la main-d’œuvre reste fragmentée et que ses diverses disciplines se developpent sans liaison. L’équipement économique du territoire ne peut se développer efficacement que s’it s’appuie sur un équipement paralléle qu Serpice de la main-d’œeuvre, c’est-à-dire de son adapta¬ tion et de sa réadaptation aux besoins industriels. Aussi parait-il néces¬ saire d’étoffer et d’aménager les différentes Commissions attachées à ces problèmes, et surtout de coordonner leur action autour de buts communs. V. — LE TRAVAIL PROTECE. Nous avons défini le travail protégé comme un moyen de réaliser une Réadaptation professionnelle « au long cours », qui laisse une porte toujours ouverte vers l’économie normale, même pour ceux qui onf besoin de conditions spéciales de travail : il est toujours possible d’en¬ visager, après une parfaite adaptation, tel ou tel dispositif spécial dans le cadre d’une Entreprise, si son efficacité a fait ses preuves. Pendant le temps oi le séjour en atelier protégé peut être assi¬ milé à une Réadaptation, il n’y a aucun obstacle à l’application de l’article L.448 du Code de la Sécurité Sociale prévovant, pour les acci¬ dentés, le versement du complément de salaire en cas de reprise d’un travail léger ou à temps partiel. Toute la difficulté réside dans l’appré¬ ciation de la date de consolidation finale, qui peut être plus ou moins retardée — comme dans le cas des neurologiques par exemple — Wotre Un hiatus socialement regrettable sépare le Médecin traitant du Méde¬ ACCIDENTS DU TRAVALL ET FACTEUR HUMAIN 185 meilleur critère sera ici la capacité de qain retroupée. Et nous vovons une différence fondamentale entre la Réadaptation effectuée dans des Centres spécialisés, qui ne donne droit qu’à un présalaire basé sur le montant du salaire de manœuvre de la profession recherchée, et la Réadaptation effectuée dans l’Entreprise ou dans un atelier protégé. qui permet d’attribuer un complément de salaire garantissant le gain antérieur à l’accident. Une simplification serait possible avec notre sug¬ gestion d’un régime d’Inaptitude, qui considérerait de la même manière toutes les modalités de Réadaptation et qui ne dévaluerait pas celles qui sont réalisées dans des Centres. Un autre genre d’atelier réservé est l’atelier d’assistance par le travail. Il n’est plus possible, dans ce cas, d’espérer une capacité de gain normale, mais simplement d’humaniser la période d’incapacité. pour des raisons psychologiques et sociales. C’est pourquoi, dans le cas d’un handicapé grave, ou d’un accidenté âgé devenu inapte au tra¬ vail dans une Entreprise, la rente doit donc tenir compte du handicap total, et ne pas faire intervenir le petit salaire éventuellement retrouvé dans les conditions précaires d’un atelier d’assistance. A ce propos, notons l’opinion habituelle des handicapés graves : la rente prendrait à leurs veux sa véritable signification si elle deve¬ nait réellement une compensation de sataire, variable avec le gain, et si elle était dissociée de l’aide d’une tierce personne, parfois justifiée par le handicap social, alors même que la production est redevenue normale (c’est le cas des aveugles). C’est dire que l’évolution souhaitée est très exactement ce passage de l’assurance à la Sécurité Sociale. où la capacité de gain soit le critère d’appréciation du handicap et où ce handicap soit envisagé sous ses deux aspects, professionnel et social. C’est aussi confirmer notre opinion concernant un régime de l’Inap¬ titude, dissocié du régime des prestations liées à la période des Soins. fondamentalement distincte de la période de Béadaptation. — CONCLUSIONS : Jusqu’à présent, les réformes de la Sécurité Sociale n’ont été que des modifications de pure forme, destinées à corriger les incertitudes d’une Administration qui a sans doute poussé trop vite. Mais les réformes de fond intéressent les principes eux-mêmes qui ne sont que timidement avancés et qui p’ont pos trouvé dans les faits, l’écho souhaité par ses créateurs Tron d’attaches lient encore l’Organisme aux habitudes et traditions de l’assurance, voire à la vieille loi de 1898 et à celles de la Première Guerre mondiale. L’un des soucis maieurs de notre étude est précisément d’analyser les liens nouveaux qui le solidariseraient avec le monde du travail, ses exigences tech¬ biques et ses besoins propres. Encore solidement enfermé dans les limites de l’activité médicale, il doit s’en dégager, non pour abandon¬ ner ses recherches d’un équipement sanitaire efficace, mais pour pro¬ longer l’action médicale jusqu’à son véritable terme, qui est l’usine. ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR HUMAIN 186 cin du Travail et de l’Ingénieur, et ce hiatus doit être comblé par le Médecin-Conseil doté d’un équipement technique à la mesure des tâches à accomplir. Compléter la guérison médicale par une guérison sociale. traduire le langage symptomatique et pathogénique du Médecin trai¬ tant en langage psychophysiologique et en termes d’aptitude et d’inap¬ titude professionnelles, telle parait être la mission de la Sécurité Sociale. si elle veut rendre à la société laborieuse non pas des malades conso¬ lidés mais des travailleurs productifs. Le Traitement médical doit être poursuivi par un véritable Traitement médico-social — et nous pour¬ rions dire psychomatique — du handicap sous toutes ses formes et sous toutes ses incidences. Et ce n’est pas seulement un trapailleur qu’il nous faut rendre à la collectipité, mais encore plus un homme qu’it faut renore a la pie actipe et a sa famille, où il s’alimente et s’épanouit grâce à toute nourriture qui fait de lui un être libre et indépendant. CONICILISION « Si tu l’arrêtes à jeter des pierres aux « chiens qui aboient contre toi, tu n’arriveras « jamais au bout de ton voyage. 3 Proverbe arabe. Sans revenir sur nos considérations relatives à la Prévention, ou nous avons jeté le lien du facteur humain entre l’organisation de la Sécurité et celle de la Traumatologie et de la Réadaptation, nous résu¬ merons les suggestions essentielles que ce facteur nous a inspirées. En premier lieu, nous avons souligné l’intérêt de la méthode sta¬ tistique dans la connaissance des phénomènes collectifs et des phéno¬ mènes biologiques. Son degré de perfectionnement actuel la situe au rang des méthodes expérimentales. Aussi en avons-nous suggéré l’uti¬ lisation dans plusieurs circonstances : 1 - Dans le cadre de la Prévention et de la gestion du risque Accidents du Trapait : — Elle met en évidence les différents aspects du risque, sa fré¬ quence, sa gravité et ses caractéristiques financières, que nous avons réunis en un coefficient unique : Le coefficient de risque est un symptôme expressif du phéno¬ mène de l’accident, car il en situe le « poids » réel. Aussi convient-il parfaitement à l’analyse des causes et circonstances. à la condition que soient connues les populations, et mieux encore les « heures-ouvriers », dans chaque série de chiffres : pratiquement, il semble que dans chaque région, une centra¬ lisation des ressources mécanographiques de toutes les Caisses de Sécurité Sociale soit la seule solution valable pour disposer des chiffres nécessaires au calcul : S’il est souhaitable d’obtenir des renseignements plus précis sur les postes où survient l’accident, pour connaitre le facteur 188 ACCIDENTS DU TRAVAIL ET FACTEUR HUMAIN matériel, il est également souhaitahle de revoir les conceptions en usage au sujet du facteur humain, que la statistique peut analyser selon ses aspects essentiels : La statistique, enfin, est un outil de recherche. Elle est indis¬ pensable à tout Centre spécialisé, ou elle constitue la méthode expérimentale de choix : Aussi avons-nous suggéré son inclusion dans le Service de Pré¬ vention des Caisses Régionales, ou elle pourrait s’établir confor¬ mément à ses exigences propres, et coordonner l’action des Entreprises et des Caisses Primaires sur ce point. Elle serait un moyen de liaison efficace entre les Entreprises, les Caisses et les Centres de Recherche, contribuant à élaborer des hypo¬ thèses, à suggérer des structures nouvelles, et à vérifier l’exac¬ titude et l’efficacité des mesures appliquées. 2 - Dans le cadre de la Tranmatoloaie, de la Béadantation et du Béemploi, elle peut apporter au Médecin-Conseil régional. chargé des études relatives à l’action sanitaire et sociale. une base solide dans l’estimation des besoins, et dans l’appré¬ ciation de la valeur technique de tel procédé ou de tel orga¬ nisme. Il ne suffit pas pour lui de « proposer », mais encore est-il moralement et lechpiquemept respopsable de la paleur des créations, ou plus exactement de leur fidélité aux buts ori¬ ginels et a leurs fluctuations épenluelles. Nous avons ensuite pénétré sur le terrain de la psychophysiologie professionnelle où nous avons rencontré le rôle déterminant du facteur humain dans l’accident. L’adaptation et la désadaptation au travail sont directement liées aux caractéristiques biologiques de la main-d’œuvre. qui réclament une attention permanente : Au stade de l’appreptissage, il est essentiel d’envisagèr upe éducation physique générale, étendue à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle. Le bon développement physique est une garantie d’équilibre mental, autant que, de productivité et de prévention. Au niveau des manœuvres et O).S., les plus exposés aux accidents, cette éducation physique serait complé¬ tée par une préparation gestuelle et foncière, selon les exi¬ gences du poste. C’est là une modalité particulière d’apprentis¬ sage, dont ne peuvent être privés les travailleurs manuels. Et au-delà d’une préparation physique, nous devons envisager une éducation ouvrière, elle aussi condition d’équilibre mental. parce qu’elle est condition de bonne adaptation sociale, Tout au long de l’apprentissage, dont nous avons envisagé une réa¬ lisation polyvalente et continue, l’orientation permettrait de suivre les progrès, d’adapter les méthodes aux individus, et surtout de placer chacun à son meilleur niveau de qualifi¬ cation. Si bien que les Centres d’Apprentissage actuels seraient transformés dans leurs conceptions générales par cette exten¬ sion vers les travailleurs manuels et vers l’éducation ouvrière. CONCIUSIONIS 189 Une autre solution, peut-être plus simple à réaliser, serait la création de Centres spéciaux: réservés aux jeunes reconnus inaptes à une formation professionnelle, futurs manœeuvres et O.S. Les expériences de VERSAILLES et de MARSEILLE nous paraissent significatives, comme celles des Centres dont nous avons cité les résultats et qui ont établi l’entrainement phy¬ sique au rang de discipline majeure de la préparation au travail : Au stade de l’activité professionnelle, l’entretien de la condi¬ tion physique et la formation-sécurité ont retenu notre atten¬ tion. Différentes méthodes de gymnastique de mise en condi¬ tion, de pause, de correction, permettent de lutter contre les désadaptations des rythmes individuels et professionnels, la fatigue et les déformations ou altérations fonctionnelles. Quant à la formation-sécurité, elle se présente comme une éducation continue et indispensable, sous la direction de Contremaitres militants : Au stade du vieillissement organique, le dépistage des surme¬ nages fonctionnels est le moyen de prescrire en temps utile des reclassements préventifs, avec plus d’efficacité que la constatation trop tardive de lésions organiques instalées Le Médecin du Travail est donc placé dans la situation de connaitre les « états prémorbides », pour agir précocement sur les tra¬ vailleurs qui présentent les signes précurseurs d’une désadap¬ tation propice aux maladies et aux accidents. Lorsque l’accident survient, c’est un véritable réseau de Trauma¬ tologie qui doit en assurer la prise en charge immédiate. Tous les rouages de ce réseau ont une égale importance, depuis le poste des premiers Soins à l’Usine jusqu’à la Clinique spécialisée ou au Centre hospitalier départemental et régional, sans omettre les moyens de transport des blessés. Une unité de conceptions techniques à tous les stades serait garantie par la direction du Traumatologue, qui comman¬ derait soigneusement tous les gestes thérapeutiques à effectuer. Et dans la Traumatologie, nous avons inclus le Traitement fonctionnel : à l’intérieur même de la Clinique pour assurer la « Prévention des séquelles », dans un Centre spécialisé pour assurer leur « Réduction ». A l’issue de la thérapeutique, chirurgicale et fonctionnelle, se pose le problème du bilan du handicap définitif et de l’indication d’une Réadaptation qui soit avant tout une revalorisation ouvrière et sociale. C’est en fonction d’un poste ou d’un groupe de postes que cette Réa¬ daptation doit être conduite, et ses méthodes comprennent, outre la formation professionnelle, une gymnastique et un entrainement phy¬ sique propres à redonner la meilleure puissance d’action, ainsi qu’une éducation qui permette l’adhésion du handicapé aux buts et procédés d’entrainement envisagés La Réadaptation sociale aux tâches de la vie extra-professionnelle n’est pas moins importante que la revalorisation ouvrière, car le handicapé est un ensemble cohérent et indissociable 190 ACCIDENTS DU TRAVAL ET FACTEUR TUIMHE qui doit conquérir physiquement et mentalement son indépendance, sa capacité de gain autant que sa « maturité » sociale. La Réadaptation conduit donc le handicapé vers sa reprise de travail Les emploveurs sont avant tout intéressés par la valeur pro¬ fessionnelle dans le poste prévu, et leur opinion assez générale est que le réemploi ne présente pas de difficulté maieure si cette condition fondamentale est remplie. Malgré tout, il nous a semblé utile de com¬ menter les mesures prévues par la loi du 23 noyembre 1957, ou le réemploi obligatoire des handicapés réclame des aménagements et en particulier un développement parallèle des Organismes de Traitement fonctionnel et de Réadaptation professionnelle et sociale. D’autre part. certains handicapés ne peuvent espérer un retour au travail dans l’Eco¬ nomie normale qu’après un séjour plus ou moins long dans un atelier protégé. Les handicapés totaux et définitifs relèvent d’une assistance par le travail, dans des ateliers de type artisanal où ils, trouveront une activité nécessaire à l’entretien de leurs facultes physiques et mentales. Pour assurer la continuité des interventions qui se succédent ainsi dans le temps, le Médecin-Conseil nous est apparu comme le techni¬ cien le mieux placé et le plus efficace. Il peut trier dès l’abord les accidentés graves et les prendre personnellement en charge, en liaison avec l’assistante sociale. Il peut établir des liaisons fréquentes avec le Médecin traitant, aussi bien au moment de l’intervention initiale. qu’à ceux de la décision de Traitement fonctionnel, du bilan du handi¬ cap, de la Réadaptation et du Réemploi. Aussi est-il un artisan déterminant de la politique de la Sécurité Sociale, basée sur la récupération de la capacité de gain. Evolution du systême périmé de l’assurance, cet Organisme devient nécessaire¬ ment un facteur de progrès social, s’il considère le travailleur au-delà du malade, et l’homme au-delà du travailleur. La répartition des pres¬ tations devient pour lui une préoccupation mineure, comparée aux énormes tâches de Prévention et de Réadaptation qui lui permettent à la fois d’équilibrer ses risques et de sortir de l’assistance financière les victimes d’accidents et de maladies. Aussi doit-il s’insérer peu à peu dans le monde du travail, qui est son véritable milieu d’action, et où les problèmes de main-d’œuvre l’intéressent au premier chef sous leurs aspects psychophysiologiques et sous l’angle de l’adaptation Homme-Travail, qu’il s’agisse de travailleurs normaux ou handicapés : son moyen d’étude est un Service de Prévention étoffé, qui s’intéresse au facteur humain au même titre qu’au facteur matériel. Quelques modifications des textes favoriseraient une telle évolu¬ tion de l’assurance, à la Sécurité Sociale, en particulier la création d’un régime de l’Inaptitude professionnelle. Mais il faut reconnaitre que nous avons surtout besoin de Techniciens, et plus encore de Constructeurs capables d’édifier et d’animer les Organismes qui expri¬ meront la politique nouvelle. Et à la base de son action la Sécurité Sociale se doit d’assurer et de développer deux disciplines majeures. 191 CONCLUSIONS qui sont l’Education sanitaire et sociale ouvrière et la Becherche scien¬ tifique des facteurs de Prévention et de Réadaptation. Ainsi pourra¬ t-elle préciser et réaliser pleinement sa vocation propre. Sans une ins¬ cription dans les techniques et les structures, cette vocation resterart théorique et paine, incapable de donner une finalité et une unité aux multiples efforts et aux disciplines éparses qui s’épuisent cà et là dans des actions analytiques. 13 BIBLIOGRAPHIE Compte rendu publié par la revue « Sport », 21, rue des Minimes, BRUNELLES. Compte rendu publié par la revue « L’Éducation Physique ». 2, rue de Valois. 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