DES ALIMENTS MINLSTE RE DE LA SANTE PUBLIQUE MONOGRAPHIE DE L’INSTITUT NATIONAL D'HYGIENE N° 20 Section de Nutrition PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION PA RIS 1 9 6 0 VRTVTE DIET CO AMTLE TORTZTEDEVE COLLEGIVM GIVILE AD SANITATEM Unité de Recherches de Nutrition Humaine de l'INSTITUT NATIONAL d'HYGIENE Hôpital BICHAT, Paris, 13-14 mai 1960 MINIST E RE DE LA SANT E PUBLIQUE MONOGRAPHIE DE LINSTITUT NATIONAL D'HYGIENE N° 20 Section de Nutrition PRORLEMES POSES DAR IA DEFINTION DES ALIMENTS PA RIS 1 9 60 VIRTVTE DUZE CO MTTE FORTITVDINE COLLEGIVM CIVILE AD SANTTATEM Unité de Recherches de Nutrition Humaine de VINSTITUT NATIONAL d’HYGIENE Hôpital BICHAT, Paris, 13-14 mai 1960 MONOCRAPHIES DE L’INSTITUT NATIONIL D’IYǴIENE DLA PRUES: N° 1. — Documents statistitues aur la morbidité par cancer dans le monde, par P. F. DENOIX, Paris 1953. — Epuiś. N° 3. — L'́conomie de l’alcolisme, par L. DEROBERT, Paris 1953. — Epuisé. N° 3. — Mortalité urbaine et rurale en France en 1928, 1933 et 1947, par Ch. CANDIOTTI et M. MOINE, Paris 1953. — Prix : 9 NF. N° 4. — Contribution à l’étude de l’anophélisme et du paludisme en Corge, par C. TOUMANOFF, Paris 1954. — Prix : 12 NF. N° 5. — De la divergité de certains cancers, par P. F. DENOIX, Paris 1954. — Epuisé. N° 6. — La lutte préventive contre les maladies infectieuges de l’homme et des animaux domestiques su moyen des vacins, par G. RAMON, Paris 1955. - Prix: 12 NF. N° 7. — Etudes de socio-paychiatrie, par HI. DUCHENEetcoll, Paris 1955.- Prix: 9 NF. N° 8. — Rapport sur la fréquence et la gensibilité aux insecticides de pédiculus humanus humanus K. Linnaeus, 1758 (anoplura) dans le sut-est de la France, par R. M. NICOLL, Paris 1956. — Prix : 5 NF. N° 9. — Etude aur la maladie de Bouillaud et son traitement, par J. CHEVALLIER, Paris 1956. — Prix : 11 NF. N° 19. — Rapport d’enuête sur la readaptation fonctionnelle des adaltes en France. par H. G. POULIZAC, Paris 1956. — Prix : 10 NF. N° I1. — Etude pour l'’́tablissement de rations alimentaires pour le tuberculeux en sana¬ torium, par F. VINIT et J. TREMOLIERES, Paris 1957. — Prix: 12,50 Nr. N° 12. — Le cancer chez le poir en Afrique francaige, par P. F. DENOIX et J. R. SCHLUMBERCER, Paris 1957. — Pri: 15 NF. N° 13. — Broncho-pneumopathies à virus et à rickettsies chez l’enfant, par R. SOHIER, M. BERNHEIM, J. CHAPTAL et M. JEUNE. — PIix : 13 Nr. N° 14. — L’assistance paychiatrique aux malades mentaux d’origine, nord-atricaine musulimane en metropole, par G. DAUMEZON. Y. CHAMPION et Mme J. CHAMPION-BASSET, Paris 1957. — Prix : 12 NF. N° 15. — Doceuments stuatigtiqes aur l’pilmiologie tes infections Uypho-parstophondlinue. de la poliomvélite et des brucelloges en France en 1954, et 1955, par P. CHASSAGNE et Y. GAIGNQUX. — Prix : 11 Nr. N° 16. — La pathologie régionale de la France. Tome I, Régions du Sud et de l’Ouest. par R. MAROT. — Prix : 35 NF. N° 17. — La patholbogie régionale de la Frapce. Tome I, Régione du Nord, de l’Eet et. du Centre, par R. MAROT. — Prix : 34 NF. N° 18. — De la deatruction des bactéries par la chaleur — Etude de l’eficacite de la pasteurisation du lait, par A. NEVOT, Ph, et J. LAFONT. — Prix : 14 NF. N° 19. — Le Cancer au Moyen-Orient (Jarail et lran). Domées epilémiologiques par C. LAURENT et J. LEGUERINAIS avec la collaboration de L. MAUIOL. — Prix : 13 NF. Vente des publications 3 L’INSTITUT NATIONAL D’HYGIENE 3, rue Léon-Bonnat, Paris (16e) — AUTeuil 32-84 l'untero de cheque postal : Institut National d’Hygiène, 200%50 Paris PRÉSENTATION Ce volume présente les exposés et discussions d’un Symposium tenu à l’hôpital BICHAT les 13 et 14 mai 1960, dans le cadre de la Section de Nutrition de l’Institut National d’Hygiène. Les participahts étaient les suivants : M. J. ADRIAN. Chargé de Recherches au Laboratoire de Biochimie de la Nutrition du Centre National de la Recherche Scientifique. M. F. ANGER. Conseil en Marketing. M. B. BEAUCHESNE. Conseil en Relations Publiques. M° L. BERARD, Diététicienne auprès du Service d’Etudes Biologiques de la Société Astra. M. S. BONFILS, Médecin des Hêpitaux. M. H. BOUR, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. Société Internationale des Conseillers de Synthèses. M. M. BRESARD. Chef de la Section de Socio-économie de l’Alimen¬ tation de l’Institut National d’Hygiène. M. F. CUSTOT, Ingénieur E.S PCI. Directeur du Laboratoire Coopé¬ ratif d’Analyses et de Recherches. M. J. DARGENT, Délégué à l’Information au Comité Interprofessionnel du vin de champagne. M. P.E. DELMOTTE Charaé des Liaisons Scientifiques à la Société Astra. M. B. DERACHE Sous-Directeur à l’Ecole Pratique des Hautes-Etudes. M. M. DIETLIN, Secrétaire général de la Fédération Nationale des Syndicats des Industries de l’Alimentation. M. A. DUFFAURE Directeur de l’tinion Nationale des Maisons Fami¬ liales d’Apprentissage rural. PROBIEMES POSES PAR LA DETINITION DES ALMENTS 4 M. J. DUMARD. Chargé de Recherches au Centre de Recherches et de Documentation sur la consommation. M. R. FERON, Directeur Technique des Usines Astra. M. J. GATTINO M. A. GAUSSEL, Ingénieur au Laboratoire Coopératif d’Analyses et de Recherches. M. P.B. GRQULT Président de l’Institut Français du Manjoc. M. A. GUILBOT. Chef du Laboratoire de Biochimie et de Physicochimie. des Céréales de l’Institut National de la Recherche Agrono¬ mique. M. G. GUILLEE. Chargé des Relations Extérieures à la Chambre Syn¬ dicale de la Margarinerie. M. G. HERAUD, Médecin-Conseil : Ancien Chef de Clinique à la Faculté de Médecine de Paris : Chef du Service Scientifique du Centre d’Etudes et de Documentation pour l’Utilisation du Sucre. M. G. LE BIDEAU. Chargé d’Etudes Biologiques auprès de la Société Astra. M. J. LE BIHAN, Assistant de Recherches à l’Institut National Agro¬ nomique. Mlle A. LE GALL. Assistante au Centre National de Recherches 7o0¬ techniques de l’Institut National de la Recherche Agronomique. M. E. de LINIERES. Directeur Générat de l’Union Nationale des Fédé¬ rations et Syndicats de Biscuiterle M. LOUZIER M. B. LOWY, Chef de Laboratoire à l’Unité de Recherches de Diété¬ tique de l’Institut National d’Hygiène. M. R. MEZONNET, Ingénieur au Laboratoire Coopératif d’Analyses et de Recherches. M. G. MOCQUOT. Directeur de la Station Centrale de Recherches Lai¬ tières et de Technologie des Produits Animaux de l’Institut National de la Recherche Agronomique. M. P. MOREL. Directeur Général du Centre d’Etudes et de Documen¬ tation pour l’Utilisation du sucre. M. H. PEILLON. Chet du Service des Ventes à la Sociéte Nestlé. M. G. PEOUIGNOT, Médecin. Chef-Adioint de la section de Nutrition de l’Institut National d’Hygiène. M. F. PERIGOT. Chef de Produits à la société Astra. M. R. PERO, Directeur de Recherches à la Station d’Aviculture du Centre National de la Recherche Agronomique. PRESENTATION Mme L. POTTIER. Chet du Service de Documentation Technique de la Société Astra. Mme G. RACT. Collaboratrice Technique à la Section de Nutrition de l’Institut National d’Hygiène. M. A. BENAULT Délégué général à la Chambre Syndicale Nationale des Chocolatiers. M. B. RIBADEAU-DUMAS, Assistant à l’Institut National de la Recher¬ che Agronomique. M. F. RICARD. Assistant à l’Institut National de la Recherche Agro¬ nomique. M. G. ROTTIER. Secrétaire général du Centre de Recherches et de Documentation sur la Consommation. M. J.-P. RUASSE. Médecin (Association Française pour la Recherche de l’Alimentation Normale). Mlle V. SERVILLE. Attachée de Recherches à la Section de Nutrition de l’Institut National d’Hygiène. M. J. TREMOLIERES. Chef de la Section de Nutrition de l’Institut National d’Hygiène : Directeur à l’Ecole Pratique des Hautes¬ Etudes. J. TREMOLIERES INTRODUCTION Disposer des aliments les meilleurs possibles est un objectif national d’une importance majeure. Le commerce extérieur et les ressources qui en dépendent, la santé, le bien-être de la population, les valeurs culturelles qui se font jour autour de la table, la valeur socio-économique de ceux qui assurent la production et la distribution, dépendent de la qualité alimentaire. Or, cette « qualité » que chacun, dans son secteur, souhaite la meilleure, est un terme vague désignant pour chacun un caractère différent et finalement, devient souvent une source de confusion et de perturbation des marchés. Les études qui vont suivre montrent, à partir de cas concrets, ce que sont devenus la production de certains de nos aliments, l’organi¬ sation agricoie, technique, économique et professionnelle sous-jacente. les moyens de présentation au consommateur et d’appréciation du nutri¬ tionniste ou de l’économiste. Chacun de ces aspects de l’alimentation contribue à définir ce qu’on appelle de façon trop générale, la qualité. Elles voudraient apporter des rudiments à l’élaboration d’une véri¬ table politique alimentaire qui manque actuellement. Le sujet est trop complexe pour qu’un abord conceptuel et sché¬ matique soit possible. Nous avons donc choisi la méthode empirique demandant à chacun de présenter son expérience objective et le juge¬ ment qu’il porte sur elle. Les matériaux ainsi mis en commun consti¬ tueront une base objective de réflexion. PLAN 1. — PRODUCTION. Les moyens techniques et économiques de production, le type d’entreprise, c’est-à-dire d’organisation humaine qui va tirer du sol ou de l’animal un aliinent, en conditionnent avant tout la nature. M. MOCOUOT. Directeur de la Station de Recherches Laitières de Jouv-en-Josas (Institut National de la Recherche Agronomique), montre comment, à partir de la masse de lait collectée, des délais de traite¬ ment, des techniques mises en œuvre, on produit des fromages diffé¬ rents et il analyse ces différences. 8 PRORIEMES PORES PAR LA DEFINITION DES AUIMENTS M. PEILLON Chef du Service des Ventes à la Société de Produits Alimentaires et Diététiques, présente ce qu’une entreprise disposant de capitaux importants et centralisés a dù faire depuis la ferme jusqu’à l’épicèrie pour assurer le prestige d’une marque et les éléments de ce prestige. Quittant le lait, M. FERON. Directeur Technique des Usines Astra. présente un panorama des problèmes qu’il a fallu résoudre pour pro¬ duire une graisse appétissante, bon marché, utilisant les matières premières les moins onéreuses et répondre à l’échelon mondial à l’obiec¬ tif que Napoléon I n’avait fixé que pour le pauvre ouvrier parisien. A l’opposé. M. DARGENT, Délégué à l’Information au Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne dégage ce qu’était et les problèmes que pose actuellement une production qui est par excellence l’art de l’artisan et le type du produit de luxe. M. GROULT, Président de l’Institut Français du Manioc, expose l’effort de son organisine sur le plan de la recherche des qualités diététiques du tapjoca et les moyens employés pour promouvoir la consommation d’un aliment exotique. Enfin. M. PERO, de la Section Aviculture à l’Institut National de la Recherche Agronomique, avec le poulet, à présenté un produit, qui tout en restant ici et là une production artisanale, est maintenant l’objet d’une production industrielle. 2. — ORCANISATIONS PROFESSIONNELLES M. DIETLIN, Secrétaire Général de la Fédération des Industries Alimentaires, a présenté les difficultés qui se posent à l’échelon d’un organisme interprofessionnel qui doit accorder les diverses opinions scientifiques, publicitaires, économiques, avec la production. M. de LINIERES. Directeur Général de l’Union Nationale des Fédérations et Syndicats de Biscuiterie etc, à l’échelon d’un syndicat particulier, a dégagé les problèmes d’intéret général qui se posaient à une profession. Une note de M. DUFFAURE, l’animateur des Maisons Familiales Rurales, présente l’effort si remarquable de deux organisations d’agri¬ culteurs pour prendre conscience de l’évolution actuelle et y faire face. 3. — INEORMATLON : PURLICIIE Bevenant sur un aspect déjà abordé par les deux études précé¬ dentes. M. BEAUCHESNE. Conseiller en Relations Publiques, a montré les difficultés du passage des données dites scientifiques à l’information. M. CUSTOT. Directeur du Laboratoire Coopératif d’Analyses et de Recherches, a présenté comment il concevait son rôle de défense du corsonrratcur er d’information de l’épicier. INTRODUCTION 4. — ECONOMIE. M. ROTTIER, Secrétaire Général du Centre de Recherches et de Documentation sur la Consommation, expose ce que la statistique et l’économétrie peuvent et ne peuvent pas apporter à la connaissance du marché alimentaire. M. LE BIHAN, Assistant de Becherches à l’Institut National Agro¬ nomique, expose les préoccupations de l’Economie rurale devant l’évo¬ lution des moyens de production et l’évolution des marchés. 5. — NUTRITION HUMAINE. M. TREMOLIERES. Chef de la Section de Nutrition de l’Institut National d’Hygiène, étudie les possibilites et les limites qur’offre la Nutrition pour définir ce qu’on entend par « Bon pour la Santé ». M. HERAUD, Médecin-Conseil au Centre d’Etudes et de Docu¬ mentation pour l’Utilisation du Sucre, expose le rôle d’un médecin chargé d’informer un organisme professionnel. M. GATTINO analyse le sens de la préoccupation actuelle du «Naturel », témoignant de ce lien intime que constitue notre type alimentaire entre nos conditions de vie et nous et donc de l’importance des aspects psychologiques et culturels de l’alimentation. PROBLEMES MAJEURS Le sujet étant trop vaste, les travaux se sont centrés sur quelques préocupations urgentes ou majeures. L. — LARELS - NORMALISATION. La création de labels de qualité est un fait actuel. Le Secrétariat aux Affaires Economiques, le Ministère de la Santé avec son label « approuvé », divers mouvements, tendent à développer le processus de « label ». Jusqu’ici, il n’y a guère là de la part des pouvoirs publics, que l’application aux denrées alimentaires de cette mentalité professorale et mandarinale qui, gènée d’être assise dans une chaire ou un bureau et de voir le réel lui échapper, désire cependant le régenter. L’incidence pratique de ces labels n’est probablement pas bien grande jusqu’ici et c’est leur donner de l’importance que d’en parler. Leur seule justification, outre l’incompétence de ceux qui les proposent. me parait être que devant l’évolution si rapide des moyens de produire. de transformer, de conserver, de distribuer, de présenter les aliments. une prise de conscience commune des producteurs et des consomma¬ teurs ne s’est pas encore faite suffisamment sur ce que sont devenus PROBIEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES AUMENTS 10 les aliments de notre temps. Il faut souhaiter une réflexion approfondie de la part des principaux secteurs intéressés sur ce que sont devenus ces biens, ces fruits essentiels, du travail de l’homme, les aliments de notre temps, en espérant qu’une connaissance plus approfondie de ce qu’ils sont et des multiples services qu’ils rendent, effacera la caricature que l’on en fait avec les labels actuels. %. — INTORMATION - PUBLICITE. Il est difficile pour le consommateur de se faire une opinion saine sur ce qu’il achête, faute d’une presse ou d’une information suf¬ fisamment approfondie. Des marchés dont certains sont parfaitement absurdes se développent. Une certaine presse crée la hantise de l’obé¬ sité, vit de réclames de produits « amaigrissants » sans valeur objec¬ tive : chaque réclame rapporte plusieurs millions à l’entreprise qui réalise ce genre d’exploitation. Le besoin de produits supplémentés en vitamines est né de la purification de certains autres. Des banques et maisons de publicité connaissent le rendement financier de la vente de bouteilles dont l’eau diffère de façon insignifiante de celle distribuée par nombre de robinets. Des graisses athérogènes au pain cancérigène. le catalogue des informations mal fondées est bien garni. Sans doute, l’exploitation de l’anxiété, de la bétise ou de l’igno¬ rance, sera-t-elle toujours rentable, mais elle serait moins aisée si un effort sérieux de prise de conscience de la valeur réelle des marchés était fait. 3. — LIMITES ET OPPORTUNITÉ DE L’INDUSTRIALISATION ALIMENTAIRE. Notre production alimentaire s’engage, semble-t-il, rapidement dans la voie de l’industrialisation, c’est-à-dire utilise les techniques de pro¬ duction anglo-saxonnes. Or, le type de denrées ainsi produites (fromages neutres, lait conservé, poulets et porcs de croissance rapide) voient leurs marchés probablement plus proches de la saturation que les pro¬ duits de « terroir » avant gardé un cachet artisanal et un prestige socio-économique. La transformation de la « table française » dans le « good food » américain ou anglais, demande examen. Va-t-on se résoudre à ne plus faire de l’alimentation qu’une hygiène 2 Même à un point de vue économique, est-ce le moment 2 Le bilan de l’industrialisation alimentaire n’est guère fait qu’à très court terme. Le prix de revient de fromage sortant d’une usine traitant 500 000 litres de lait par jour est inférieur à celui d’une coopérative qui en traite 20 fois moins. Mais, si l’on fait intervenir le coût de l’urba¬ nisation, la « valeur pénurie » que représentent l’abandon des villages et tout ce qui constitue le prix réel de l’industrialisation, le bilan n’est plus toujours aussi favorable. comportement. ASPECTS NUTRITIONNEIS DE LA QUAUTE 109 Cet effet dure encore : les étrangers affluent de toutes les parties de l’Europe, pour rafraichir, durant la paix, les douces habitudes qu’ils contractèrent pendant la guerre : il faut qu’ils viennent à Paris : quand ils y sont, il faut qu’ils se régalent à tout prix. Et si nos effets publics ont quelque faveur, on le doit moins à l’intérêt avan¬ tageux qu’ils présentent, qu’à la confiance d’instinct qu’on ne peut s’empècher d’avoir dans un peuple chez qui les gourmands sont heureux. 2 C’est donc pour simplifier une analyse complexe, et en soulignant au départ que les critères physiologiques devront être conjoints aux critères culturels, sociaux et économiques, lorsqu’on voudra les uti¬ liser pratiquement, que nous délimitons ainsi notre étude. Sous l’angle de la Santé, un aliment pose une série de questions : 1) A pfitude a couprir les standards nutritioppels de l’homme : L’aliment considéré apporte-t-il des nutriments dans une pro¬ portion conforme aux taux recommandés, ou est-ce un aliment désé¬ quilibré, trop riche en graisses ou en glucides que d’autres aliments devront venir équilibrer 2 En somme, un aliment est à considérer : a) Pour son apport en nutriments : b) Pour l’équilibre deses nutriments entre eux équilibre que l’on compare à ceux des standards recommandés. 2) Les modolifés du tranail dioestif qu’il demapde c’est-à-dire les sensations digestives qui accompagnent sa digestion : Effet sur l’appétit : Effet sur chacun des facteurs de la digestion, salivation, pou¬ voir excito-moteur et sécrétoire sur l’estomac, le grêle, le colon : Modalités de son attaque enzymatique et interférence avec les actions fermentaires et bactériennes, effet sur la sécrétion fécale. Nos sensations digestives jouent un rôle majeur dans notre com¬ portement, l’acceptabilité d’un aliment dépend en grande partie des sensations digestives qu’il produit. 3) Les effets phusiologiques, les sensations aénérales qu’it produit: La viande réchauffe, soutient et fortifie et son action est de longue durée : L’alcool produit un effet un peu semblable, mais son action est plus brève et peut être dangereuse : Le sucre soutient l’effort musculaire, etc. A long terme, ce sont ces sensations générales intégrées dans notre mémoire qui règlent quantitativement et qualitativement notre INTRODUCTION 4. — LE PRIX DES SERVICES RENDUS PAR LA PRODUCTION ALIMENTAIRE. On dit, et il semble bien exact, que les industries alimentaires sont loin d’être aussi « pavantes » que l’électronique ou l’automobile. Est-ce qu’un effort suffisant à été fait pour dégager les services que rend effectivement une bonne industrie alimentaire : valeur sociale et culturelle du travail agricole dans une nation, valeur d’exportation de certaines productions, bonne santé liée à une bonne alimentation. valeur culturelle, sociale, familiale d’une bonne table 2 A un moment où chaque secteur industriel a besoin de faire valoir le poids qu’il a dans l’équilibre d’une nation pour obtenir le pavement des services qu’il rend, la production alimentaire est en retard à ce point de vue en France. Les services rendus par la production alimentaire ne sont pas assez dégagés, qu’il s’agisse de son rôle dans la santé et l’activité ou dans des conditions de vie qui, autour de la table, peuvent constituer une part importante de ce qu’on appelle culture ou civilisation. Le « Ban¬ quet » ou la « Céne » ont joué un rôle suffisamment grand dans la civilisation Gréco-Chrétienne pour qu’on puisse s’interroger sur l’évo¬ lution actuelle qui considère comme un signe de « développement » la réduction du pourcentage des dépenses alimentaires et l’augmentation des charges liées à la vie en grande ville. 5. — ARSENCE D’UNE STRUCTURE APTE AU DEVELOPPEMENT DU MARCHÉ ALIMENTAIRE. Les structures juridiques et gouvernementales actuelles sont ina¬ déquates pour promouvoir ou au moins ne pas gêner un développement des productions alimentaires de qualité et de prestige. La loi qui défi¬ nit les aliments date de 1905, c’est-à-dire correspond à une production qui ne tient pas compte de l’industrialisation : cinq ministères ou ser¬ vices ministériels différents interviennent sans politique commune pour fixer les prix, les conditions de production, de vente, les critères de qualité. Si la recherche agronomique a pris un assez grand développe¬ ment, la recherche toxicologique et sur les effets physiopathologiques sur l'’homme est quasi-inexistante, remplacée par des conseils. académiques. C’est donc à l’étude des divers aspects d’une politique alimentaire et de leurs interférences qu’est consacré le travail de ces journées. PREMIERE PARTIE PBODUCTION ET QUALITÉ ALIMENTAIRE 1 — La aoalité des tromages........ C. MOCQUOT 2 — Comment Nestlé conçoit la notion de qualité H. PEILLON 3 — Quotité des margarines. Problèmes et solutions R. FERON 4 — La quatité des vins de Chompagne.......... L. DARGENT 5 — L’action de l’Instieux Français du Manioc pour promouvoir te qualité du tapioca........... P. B. CROQULT 6 — La quolité du poulet.... R. PERO PRODUCTION ET QUAUTE AUMENTAIRE 15 1. LA QUAUTÉ DES FROMAGEN 6. MOcQUOT INTRODUCTION. Le Docteur TREMOLIERES a demandé à chacun d’entre nous de traiter, dans ce domaine complexe de la qualité des produits alimen¬ taires, la partie qui relève de notre spécialité propre. Je me placerai donc surtout au point de vue du technicien froma¬ ger. Il faut espérer que la réunion des différentes opinions ainsi expri¬ mées permettra de dégager des lignes communes d’appréciation. Si des divergences existent, les exposés auront au moins le mérite de préciser les méthodes d’appréciation particulières à chaque spécialité. LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DU FROMACE. Le fromage est une « conserve » de lait préparée par l’homme depuis des temps anciens. Il est formé de la majeure partie de la matière grasse du lait (elle représente environ la moitié de la substance sèche du fromage), de la matière azotée (surtout la caséine) et d’une partie des sels minéraux du lait. La caséine joue un rôle spécialement important dans les premiers stades de préparation du fromage : elle passe en effet de l’état de suspension colloidale (forme sous laquelle elle existe dans le lait) à celui d’une gelée présentant dans certaines conditions, une structure fibrillaire. On peut imaginer que les globules de matière grasse sont enserrées dans les mailles du « filet » que constituent ces fibrilles. Si le fromage est une « conserve », il doit cette propriété à l’action antiseptique exercée par l’acide lactique. Celui-ci est formé par les bactéries lactiques qui fermentent le lactose dès les premières heures de la préparation du fromage. L’abaissement de pIl ainsi obtenu « oriente » les fermentations ultérieures et l’action des enzymes. L’action antiseptique de l’acide lactique est complétée par celle du sel, ajouté par le ronreger. sur une courte distance et pendant une courte durée, la préparation PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALMENTS 16 La coagulation de la caséine — début obligé de toute préparation de fromage — peut être obtenue de deux facons : ) Coagulation par un enzyme — la présure — agissant au pll du lait (pH 6,6). Le coagulum obtenu est alors souple, élastique, imper¬ méable, fortement rétractile: l’expulsion du sérum se produit rapi¬ dement. La caséine, reste associée au phosphate de calcium colloidal du lait. b) Coagulation par un acide (par exemple, l’acide lactique produit par les bactéries lactiques) au point iso-électrique (pIl 4,6) : on obtient dans ce cas la caséine « acide », qui a perdu toutes les substances minérales auxquelles elle se trouve associée dans le lait. Le coagulum obtenu est alors pulvérulent : il s’émiette facilement mais s’égoutte assez difficilement, il perd facilement de l’eau par évaporation. La pratique fromagère est une combinaison de chacun de ces deux procédés et, dans la gamme des fromages, on définit chaque type sui¬ vant qu’il se rapproche plus ou moins du caillé présure (gruvère, cantal) ou du caillé lactique (fromages persilles, certaines « pâtes molles » et les « pâtes fraiches »). Un certain nombre de fromages sont consommés frais mais les caractères les plus typiques de l’aliment « fromage » sont obtenus après une période de maturation ou affinage qui donne au fromage des qualités organoleptiques particulières. Elles résultent des actions protéolytiques lentes exercées par les enzymes de la présure, du lait et des micpoorganismes. Ces derniers se développent soit dans la masse du fromage, soit seulement à sa péri¬ phérie (formant ainsi la « croûte »). Les substances formées ou libérées lors de la protéolyse (en particulier les acides aminés) contribuent de façon appréciable à l’arôme et à la saveur du fromage. Cependant, si la matière grasse est relativement moins dégradée que les matières azotées, les substances formées à ses dépens (action des lipases du lait et des microorganismes) jouent, elles aussi, un rôle majeur dans l’arôme des fromages. (Il suffit de se rappeler les fromages « maigres » fabriqués à partir de lait écrémé pendant la dernière guerre et la médiocrité de leurs caractères organoleptiques.) Inversement, il semble bien qu’une proportion excessive de graisse dans les fromages affinés — par exemple lorsque cette proportion dépasse notablement 50 % de la matière seche du’ fromage — entraine upe action excessive des lipases et n’aboutit pas à des produits présentant les meilleures qualités organoleptiques COMMENT LA QUALITÉ EST-ELLE INELUENCEE PAR LES MÉTHODES DE FABRICATION 2 Les conditions de collecte de lait exercent une influence marquée sur les propriétés de ce dernier vis-à-vis de la transformation en fromage : lorsque la collecte comporte seulement un transport du lait PRODUCTION ET QUALITE ALIMENTAIRE 17 du fromage peut commencer peu de temps après la traite. L’empré¬ surage du lait se fait avant qu’aucune modification de l’état colloidal ne se produise. Mais si la collecte du lait est plus longue, ou si un intervalle de temps plus long sépare la traite de l’emprésurage, une partie des phosphates colloidaux passe à l’état solubie, même en l’absence de toute action microbienne. Le caillé obtenu ne possède plus, alors, exac¬ tement les mêmes propriétés que celui provenant de lait frais : sa consistance, ses propriétés au point de vue de l’égouttage sont légèrement différentes. Même lorsque le fromage est préparé avec le lait mélangé de deux traites, ce phénomène exerce encore une influence. Mais l’allongement de la collecte, nécessaire pour permettre de traiter, dans la même fromagerie, des quantités de lait importantes. est souvent inséparable, surtout en France, d’un développement plus important — et malheureusement surtout plus varié — de la population microbienne (en particulier des ferments « gonflants », tels que les bactéries coliformes dont on voit souvent la proportion augmenter). Depuis longtemps. — au moins pour certains types de fromages — on remédie en usine aux inconvénients d’un tel développement micro¬ bien en « pasteurisant » le lait de fromagerie puis en ré-ensemencant ce lait pasteurisé avec une flore de bactéries lactiques. C’est à ce point qu’apparait l’influence la plus importante de la méthode de fabrication sur les qualités du fromage. La « pasteurisation » supprime une bonne partie du peuplement microbien en excès : elle détruit également, en grande partie tout au moins, les bactéries pathogènes éventuellement présentes (Muc, fuber¬ culosis, Brucella). Mais le ré-ensemencement du lait « pasteurisé » par un levain lac¬ tique introduit dans le lait une flore « simplifiée », composée seule¬ ment d’une ou plusieurs souches de bactéries lactiques, bien définies. Le gros avantage du procédé est de garantir une fabrication régu¬ lière d’un jour à l’autre et des produits de grande uniformité. Par contre, la destruction de la flore spontanée élimine une pro¬ portion des espèces bactériennes dont quelques-unes sont nuisibles. mais dont beaucoup contribuent, probablement en association avec les enzymes du lait (eux aussi détruits plus ou moins complètement par la pasteurisation), à la formation de l’arôme et de la saveur carac¬ téristiques des fromages de lait cru. LES FROMACES DE BONNE QUALITÉ. De cette brève description technique, est-il permis de tirer des conclusions quant au meilleur procédé, à la meilleure formule, condui¬ sant à l’obtention des meilleurs fromages 2 Je pense qu’il n’est pas inutile de souligner le fait que la prépa¬ ration du fromage présente tous les caractères d’une « recette de cui¬ sine » ou plutôt que la préparation des nombreux types de fromages iue nous connaisons en France tout au moins sont auiant de «recetles de cuisine ". ces fromages sont le siège : PROBLEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES ALIMENTS 18 le pense qu’it est difficile de séparer la « recette de cuisine » de la « cuisinière », car l’expérience m’a montré que si l’on demande seule¬ ment au fromage de correspondre à un mélange en proportions définies de matière grasse, de matières azotées et de sels minéraux, on peut obtenir, à partir du lait, des produits qui n’ont guère de points com¬ muns avec ce que nous connaissons sous le nom de Camembert, de Brie, de Roquefort, etc. Cette remarque est importante car elle s’applique aux fromages. mais ne s’applique pas aux autres aliments préparés à partir du lait : le lait en nature, pasteurisé, stérilisé, concentré, en poudre et le beurre pour ne citer que les produits principaux — peuvent être caracté¬ risés d’une façon assez satisfaisante d’après des critères de compo¬ sition biochimique et bactériologique. De plus, ils peuvent être traités suivant des procédés parfaitement définis en ce qui concerne la tempé¬ rature de pasteurisation ou de stérilisation, le vide au cours de la concentration ou l’ensemencement en bactéries lactiques destinées à la maturation de la crème. C’est donc à ce point du raisonnement que la question se pose de savoir comment l’on peut maintenir, dans les meilleures conditions. la production de tel ou tel type de fromage et, le cas échéant, en inventer de nouveaux qui supportent, sans démériter, la comparaison avec les variétés déjà existantes. Les recettes utilisées en France sont souvent anciennes : elles ont donc été inventées à une époque où le lait était traité à la ferme ou dans, de petites fromageries (cas du Gruvère dans l’Est de la France). Une proportion appréciable du fromage fabriqué en France est encore obtenue de cette façon. En Suisse, toute la production du Gruvère et de l’Emmental se fait à l’échelle artisanale et les Suisses ont organisé autour de cette produc¬ tion un réseau d’institutions destinées à défendre et à améliorer la bonne qualité de leurs produits. Il est peu d’exemples, à ma connais¬ sance, tout au moins dans le domaine laitier, où une organisation technique (Inspection des fromageries, etc.) et commerciale (sélection. marquage des fromages à l’exportation) aussi efficace ait été mise sur pied pour défendre la bonne qualité d’un fromage. On sait, d’autre part, qu’une quantité importante de lait est aujour¬ d’hui transformée en fromage dans les usines rassemblant chaque jour plusieurs dizaines de milliers de litres, et les raisons techniques et économiques de cette concentration sont bien connues et justifiées. Voyons comment peuvent se résumer les caractéristiques de ces différents types de fabrication du fromage. COMPARAISON DES POSSIBILITES OFFERTES PAR DIFFERENTES METHODES DE FABRICATION. Les productions de fromage à l’échelle artisanale ont à leur actif : a) Leur qualité organoleptique. — grande richesse de saveur et de « bouquet » — résultant surtout de la transformation en fromage d’un lait fraichement trait et des actions fermentaires compleres dont PRODUCTION ET QUALITE ALIMENTAIRE 19 b) Leur présentation, souvent très attrayante : C) Leur variété, en ce qui concerne des types de fromages, corres¬ pondant à autant de recettes locales et dans une certaine mesure — au moins pour une fraction des consommateurs — leur variété, à l’inté¬ rieur d’un même type, suivant les saisons et les localités, situation très comparable, à cet égard, avec celle qui existe pour les vins : d) L’existence, au moins dans quelques zones évoluées, d’une aristocratie d’artisans qui sont fiers de leur métier et de la respon¬ sabilité que leur confère la gestion de leur petite entreprise. Au passif, it fout inscrire : a) Une proportion souvent élev́e de mauvaises fabrications, rer dant la commercialisation difficile: b) Un rendement souvent mauvais du lait en fromage, provenant notamment de la part importante du fromage que représente la croûte. Ces deux facteurs contribuent à faire de tels produits des produits « chers » au moment de la vente. Pour l’Emmental Suisse, par exemple. — un des fromages les mieux étudiés et celui dont la fabrication arti¬ sanale est une des plus rationnelles — le prix de vente est une fois et demie à deux fois plus élevé que celui du fromage de même type fabriqué à l’échelle industrielle : C) Un certain risque — probablement faible, mais non nul — sur le plan de l’hygiène : d) Une durée de conservation limitée, tout au moins pour certains types (fromages à pâtes molles) : e) Qu au contraire une trop longue durée d’affinage qui entraine des investissements d’argent importants. Les oroductions industrieles ont à leur actit : a) La réduction des frais de main-d’œuvre : b) La régularité et le haut rendement de la transformation (réduc¬ tion des pertes — de la crôte notamment — à un minimum) : C) Les possibilités accrues de conservation et la facilité de distri¬ bution, notamment depuis l’introduction de l’emballage sous plastique surtout dans le cas des gros fromages qui peuvent être ainsi facile¬ ment débités en portions : d) Une rotation plus rapide des stocks, donc une moindre immo¬ bilisation des capitaux: e) De meilleures garanties offertes sur le plan de l’hygiène (destruc¬ tion des pathogènes), bien que le lait de fromagerie soit, pour des raisons tenant à la technologie fromagère (consistance du- caillé et découpage de ce dernier, notamment), rarement pasteurisé aux tempé¬ ratures nécessaires pour assurer la destruction immédiate des bactéries pathogènes éventuellement présentes. PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AULMENTS 20 Au passif, il faut inscrire : a) L’uniformité et la platitude relatives du goût et de la saveur tenant essentiellement à ce que le lait traité est un lait de grand mélange qui, en raison de sa pollution microbienne importante, doit subir la pasteurisation et qui est ré-ensemencé après pasteurisation avec une flore « simplifiée ». Cette uniformité et cette platitude des caractères organoleptiques diminuent l’attrait des consommateurs pour le fromage. Il faut noter d’ailleurs qu’il s’agit là d’un défaut % épiter, plutôt que d’un défaut inépitable, inhérent au procédé lui-même : b) La réduction du nombre des types de fromage ou, ce qui revient au même, une accentuation des ressemblances existant entre tous les types (c’est une observation que j’ai faite personnellement dans certains pays étrangers) : C) La compensation de la pauvreté relative des qualités organo¬ leptiques par un recours à des « emballages » destinés à attirer l’oil du client, mais qui ont pour résultat de faire paver à ce dernier le « contenant » plutôt que le « contenu » de la marchandise qu’il achête: d) La disparition du métier de fromager en tant que tel et son remplacement par- une main-d’œuvre analogue à celle des ouvriers tra¬ vaillant à la fabrication des matières plastiques. Pour le technologue, les points les plus importants à retenir dans cette comparaison sont : 1) La réduction des frais de main-d’œuvre par hectolitre de lait mis en œuvre (ce point domine l’ensemble du problême dans les pays ou la main-d’œuvre est chère), et 2) la réduc¬ tion des pertes, qui permet de mettre en vente un nombre maximum de Kilos de fromage par hectolitre de lait traité. Est-il bien sur que ces avantages, fort appréciables au niveau de la transformation et du commerce, soient aussi effectifs au niveau de la consommation On a dit qu’avec le contenu des poubelles de New¬ Vork on pourrait nourrir une ville comme Calcutta. Est-ce qu’une partie du fromage uniforme et sans goût préparé dans certains pays à tech¬ nique très évoluée, ne contribue pas, justement, au remplissage desdites poubelles par un consommateur blasé qu’ennuie la monotonie d’une nourriture sans agrément 2 QUEL PROCRAMME D’ACTION PEUT-ON ENVISAGER 2 Une des qualités principales du fromage réside dans son Rout. sa saveur. Un des atouts de la France, à cet égard, est la gamme étendue de fromages aux caractéristiques organoleptiques variées, encore fabri¬ qués à l’heure actuelle. Ce serait une erreur, à bien des égards, de laisser disparaitre cette variété qui a depuis longtemps fait partie de notre réputation. PRODUCTION ET QUALITE ALIMENTAIRE 21 Or, bon nombre de ces « recettes » fromagères ne sont pas écrites mais sont maintenues, localement, par les fromagers qui les connaissent. Il y aurait donc intérêt à maintenir cette tradition, tout au moins dans ce qu’elle a de meilleur, c’est-à-dire dans les régions et pour les produits où existe un minimum d’organisation de la production du fromage. D’un autre côté, l’expérience montre que la réussite, dans ce domaine, c’est-à-dire la mise en valeur et le maintien d’une fabri¬ cation artisanale de qualité, est très difficile. La Suisse, nous l’avons dit, a obtenu, avec la fabrication artisanale de l’Emmental, un beau résultat sur le plan technique : en France. le succès du Roquefort est indéniable. De même, celui de certains fromages, comme le Gruvère de Comté. Comme toujours, seuls les efforts intelligents d’organisation et la persévérance sont couronnés par la réussite. Il serait vain de se dissi¬ muler que ces efforts et cette persévérance sont choses difficiles à obtenir, surtout au niveau d’une production artisanale dispersée. Cepen¬ dant, lorsqu’il existe encore une structure valable (au niveau de la ferme ou de la fromagerie, au niveau de l’affinage et de la commercia¬ lisation), le fromage de cru pourrait être soutenu et défendu. D’autre part, il ne fait aucun doute que les défauts d’uniformité. de « platitude », principal reproche des fabrications de grande série. ne sont pas un écueil inévitable pour toutes les fabrications de type industriel. Il existe déjà un nombre suffisant d’exemples — et de réussites montrant que l’on peut arriver dans ce domaine à des créations nou¬ velles et intéressantes. Il serait tout à fait injuste de les décrier : il faut au contraire les encourager et espérer que d’autres viendront enrichir la liste. Le point qu’il faut garder présent à l’esprit est de ne pas consi¬ dérer le fromage comme un simple mélange de graisse et de matières azotées, comme un « ensilage » de lait qu’il s’agit de préparer le plus vite possible et de la façon la plus uniforme possible, sans autre préoccupation. LES PROCRES POSSIRLES DANS LE DOMAINE DE LA SAVEUR ET DE L’ARGME DU FROMAGE. A propos des goûts et arômes du fromage affiné, je pense qu’un nouveau chapitre s’est ouvert plus largement, depuis quelques années, avec l’apparition de nouveaux outils de travail : en effet, l’association de la chromatographie en phase gazeuse, de la spectrophotométrie infra¬ rouge et de la spectrophotométrie de masse permet de déterminer la nature chimique des constituants d’un mélahge de produits volatils. même lorsqu’on ne dispose que de quantités infimes de substances de l’ordre de quelques microgrammes. Une étude approfondie des arômes des aliments est, de ce fait, devenue possible. 22 PROBIEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES AUMENTS Cette étude peut se proposer deux buts : D’abord un véritable inventaire des produits alimentaires préparés en France et, bien entendu, les fromages (et les vins..) devraient y occuper une place de choix : Ensuite, un moyen de discerner l’influence exercée par tel ou tel type de microorganisme (ferments lactiques, moisissures, etc.) sur la qualité des produits fermentés de façon à pouvoir utiliser ces derniers à l’état de flore complexe et de mélanges convenablement dosés. La première étape contribuerait à asseoir et à faire connaître les particularités et l’originalité de nos productions : la deuxième permet¬ trait de diriger les processus de production, et de transformation — et notamment les fermentations — dans un sens conforme à la fois aux intérêts des producteurs, transformateurs et, consommateurs. Pour une telle recherche, il est essentiel de disposer de produits de référence, c’est-à-dire du fromage ou du vin de cru A tous les stades de leur préparation : de tels produits n’existent pratiquement qu’en France et c’est là un avantage qu’il ne faut pas laisser perdre. Il serait tout à fait souhaitable que des laboratoires français puissent utiliser ces techniques et y trouvent le moyen de « révéler » les parti¬ cularités les plus fines d’un fromage de Brie, d’un vin de Bordeaux ou d’un poulet de Bresse. Une équipe possédant les connaissances nécessaires pour attaquer utilement un tel travail et désireuse de l’aborder, existe à la Recherche Agronomique. Mais il faut donner à ces biochimistes l’appareillage nécessaire pour entreprendre leur étude (soit 50 millions d’anciens francs, nécessaires à l’achat des instruments). Je crois que le pays du Bourgogne, du Roquefort, du poulet de Brese, du Champagne, devrait s’intéresser à upe telle entreprise et trouver la mise de fonds nécessaire pour contribuer à justifier et à maintenir le bon renom que nous possédons sur le plan mondial, dans le domaine des aliments, des boissons et de la cuisine. QUELS SONT LES MEILLEURS LUCES DE LA QuALTÉ 2 Un dernier point me parait important à mentionner : la réputation ancienne des fromages français est due à l’esprit d’invention et d’obser¬ vation, au travail soutenu, de nombreuses générations de fromagers et d’affineurs de fromage. A notre époque encore, les meilleurs fromages sont fabriqués, chaque jour, par ceux d’entre les professionnels qui ont su garder, entretenir ou renouveler, ces mêmes qualités. Tous ces professionnels — élite de fromagers, d’affineurs grossistes ou détaillants — savent très bien reconnaitre, d’un commun accord. ce qu’est un fromage de bonne qualité. Ils le savent instinctivement, avec une sureté d’appréciation et d’intuition que l’on ne rencontre pas souvent dans d’autres pays : cela fait partie de l’intérêt profond qu’ils portent à leur métier. Pour eux, donc point d’hésitation sur le sens qu’il convient de donner au mot de « qualité » le suis certain que tous ceux qui ont fréquenté vignerons ou fromagers ne me démentiront pas ici. originales. PRODUCTION ET QUAUITE ALMENTALRE 23 Le point sur lequel je veux attirer l’attention est alors le suivant : Ne pourrait-on considérer comme fromages de bonne qualité ceux reçonnus comme tels par les meilleurs fromagers et professionnels du fromage 2 Je ne sais si cette définition d’aristocrate est de nature à rallier beaucoup de suffrages. Je pense pourtant qu’elle est justifiée, en France ou les juges que le propose sont les héritiers — encore tout à fait valables — de ceux qui ont su inventer le Roquefort, le Camembert. le Brie, le Pont-l’Evéque, le Gruvère de Comté, etc¬ Leur opinion. — et même leur décision — m’inspire plus de confiance que celle d’un « tasting panel » formé d’individus anonymes. n’avant « aueun intérêt spécial pour la question. CONCLUSION. La préparation et l’affinage du fromage à l’échelon de la ferme ou du village et la vente par le producteur au marché local est une technique qui ne survit plus que dans de rares cas. La préparation du fromage à la ferme ou au village et son affinage dans des caves centrales, pourvues de moyens de conditionnement en température et hygrométrie est une bonne solution, logique sur le plan technique, s la préparation est entre les mains de fermiers ou d’artisans soigneux et compatible avec la préparation d’un produit de grande qualité. La préparation du fromage et son affinage dans des usines lai¬ tières importantes peut donner des produits de grande qualité et surtout permettre des créations noupelles et intéressantes lorsque l’objectif du fabricant est précisément tel. La préparation du fromage et son affinage dans des usines impor¬ tantes en vue d’obtenir un produit uniforme et de grande série, en réduisant les couts de production et les pertes, en prenant un minimun de risques, n’a pas abouti, en général, à des fromages considérés comme de grande « qualité » par les experts. On peut sans doute démontrer l’utilité et le bien-fondé d’une telle production pour obtenir une renta¬ bilité convenable de la production laitière et l’approvisionnement des consommateurs en aliments à bon marché : il est donc nécessaire qu’un secteur de la production fromagère suive cette voie. Toutefois, il est probable que ce serait une erreur de laisser cette qualité uniforme conquérir peu à peu toute notre production froma¬ gère française, car elle ferait perdre au fromage son caractère « d’assai¬ sonnement » de notre alimentation qui est en dehors de ses qualités nutritives une de ses particularités les plus intéressantes. Il faut, crovons-nous, conserver un secteur de produits de grande qualité et profiter du fait que ces produits existent et sont encore fabriqués chez nous pour éduquer des fromagers de métier, amélio¬ rer le niveau moyen des productions, et — sur un autre plan — nous efforcer de tirer profit des techniques les plus modernes du labora¬ tore, pour daire, valor, lat superiorite de nos fabrications les, Dus 24 PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALIMENTS 2 - COMMENT NESTLE CONCOIT LA NOTION DE QUALITE H. PEiLLON Le problème de la qualité dans notre Entreprise doit être abordé sous le double angle de l’industrie et du commerce. La Société de Produits Alimentaires et Diététiques fabrique et vend des produits laitiers sous la marque Nestlé, des chocolats sous les marques Nestlé et Kolher et le Nescafé Elle commercialise les bouillons et potages sous la marque Maggi fabriqués par la Société Industrielle de Spécialités Alimentaires. Le terme qualité est souvent, appliqué aux produits que nous commercialisons, mais nous apprenons à nos vendeurs à ne pas employer ce mot qui est ainsi défini par le Larousse « c’est ce qui fait qu’une chose est telle, c’est la propriété de quelque chose ». Il est donc impré¬ cis puisqu’il y a de bonnes et de mauvaises qualités et que tout produit renferme simultanément les unes et les autres selon qu’il est jugé par son producteur, son distributeur, son utilisateur ou par les pouvoirs publics. La qualité d’un produit est essentiellement une notion subjective. en tant que fabricant. Vovons tout d’abord comment nous concevons la notion de qualité Il existe en France une législation précise et très stricte sur les produits alimentaires dont l’application est du ressort du Service de la Répression des Fraudes. Il est bien évident que tout produit sortant de nos usines est strictement conforme à cette législation mais, en outre, nous avons nos propres normes qui font l’objet d’un cahier des charges très précis. Nos laboratoires d’usine exercent des contrôles très rigoureux tout au long de la fabrication et sur le produit fini. Cependant pour fabriquer un bon produit, il ne suffit pas de bien transformer, il est essentiel, en outre, de partir d’une excellente matière première. En tant qu’acheteur. Nestlé est un client très exigeant. (c’est ainsi que nous établissons des contrats très sévères avec les sucreries qui nous fournissent le sucre destiné à la fabrication des produits infantiles). Nous nous reservons de faire superviser, par nos PRODUCTION ET QUALITE ALIMENTAIRE 25 propres services techniques, le raffinage du sucre qui nous sera livne Nous disposons de techniciens dans les pays producteurs de. fèves de caçao ou de café qui apportent leurs conseils aux planteurs et sélec¬ tionnent les fèves sur les lieux mêmes de production. Nous avons mis depuis longtemps sur pied une organisation très complête de contrG¬ leurs laitiers, personnel très méticuleusement formé, dont le métien est d’assurer un contact fréquent avec les fermiers fournisseurs de lait frais de nos condenseries. Ces contrôleurs vérifient la qualité du lait dès la traite et les conditions dans lesquelles elle est faite : ils éduquent les cultivateurs tant sur l’hvgiène du bétail et des étables que sur celle du personnel responsable de la manipulation du lait. Ils introduisent dans les campagnes les méthodes nouvelles de produc¬ tion laitière et de modernisation de l’habitat rural. Toutes les matières premières ne sont admises à pénétrer dans les ateliers de transformation qu’après le visa du laboratoire d’usine. Ensuite, tout au long de la fabrication, à chaque stade de la pro¬ duction, des échantillons sont prélevés et analysés. La fabrication ache¬ vée, des boites témoins sont prélevées dans chaque lot. Elles sont analysées et ce n’est qu’après de nombreuses et souvent assez longues épreuves que le laboratoire donne son accord pour la mise sur le marché des fabrications. C’est ce que nous appelons la « libération 3 des fabrications. Nos services techniques font, par ailleurs, souvent appel à des spécialistes pour améliorer les procédés de fabrication ou les produits existants. C’est ainsi que nous mettons beaucoup à contribution le Corps Médical et, il y a peu de temps, nous avons eu recours, par deux fois, au laboratoire de l’Institut National d’Hygiène. Entr’autres préoccupations, nous avions celle de la valeur alimentaire relative de deux matières premières assez voisines et celle de l’évolution de la sapidité sous l’influence de certains sels alimentaires. Le Docteur TRE¬ MOLIERES nous a apporté de très utiles conseils sur ces deux problêmes. Lorsque le produit a été mis dans le circuit de la distribution. nous le surveillons jusqu’à sa consommation, Tous nos emballages portent un marquage qui permet à notre réseau de vendeurs de connaitre la date de fabrication de chaque boite. Nous procédons systé¬ matiquement au contrôle des stocks chez les grossistes et chez les détaillants et toute marchandise qui ne serait plus fraiche est reprise pour être détruite par nos soins. D’autre part, nous contrôlons la qualité gustative de nos fabri¬ cations par des dégustations anonymes périodiques. L’ensemble de ces attentions que nous apportons à nos fabrications à pour but de répondre à ce qu’atend le consommateur des produits Nestlé, Kohler ou Maggi : la sécurilé. Cependant, ce même consommateur attend encore autre chose de Nestle et cest maintenant que le dois aborder l’aspect commercial du problème « qualité Nestlé 2. 26 PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUMENTS Nous avons fait des études de marché pour connaitre quelle image le consommateur se fait de nos marques. Ces études nous ont montré. par exemple, que la marque Nestlé évoque chez le consommateur des idées de sucrerie, de douceurs, de bonnes choses, de confort, de sécurité, d’enfance, mais sur ce point particulier nous n’avons pas rencontré de sens restrictif à cette notion. Les adultes ne sont pas du tout génés à l’idée de consommer des produits Nestlé. Des marques comme Nestlé. Kohler ou: Maggi sont, à notre avis, de vrais labels de qualité qui se suffisent à eux-mêmes. Nous avons souvent eu des entretiens avec des organisations qui se soucient de labels de qualité, nous avons toujours dit et nous allons répétant que nos propres marques sont tout à fait suffisantes comme labels. En aucun cas, nous ne nous permettrions de mettre sur le marché un produit qui ne soit pas impeccable et le fait que le consommateur le sait, nous suffit amplement. Si nous apportions un label complé¬ mentaire à nos marques, nous nous demandons qui soutiendrait l’un ou l’autre 2 Nous nous demandons si ce n’est pas la marque Nestlé qui soutiendrait de tels labels de qualité. La grande marque est, pour le consommateur, un élément de sécurité de haute valeur, Il achête un produit de marque, car il sait qu’il a été fabriqué dans de bonnes conditions d’hygiène, qu’il est peaucoup vendu et ne traine pas dans la boutique du détaillant, que c’est un produit qui est toujours semblable à lui-même quel que soit le lieu ou l’époque à laquelle il l’achête et qu’il le trouvera partout. Le consommateur demande aussi à nos produits d’être faciles à manipuler, faciles à préparer. Lorsqu’un petit tour de main est néces¬ saire pour réussir une préparation, c’est un lourd handicap, d’autant plus que les ménagères très généralement ne lisent pas les étiquettes ou comprennent mal les modes d’emploi s’ils ne sont pas très simple¬ ment rédigés. J’ajoute, en rejoignant ce qui a été dit hier, que le prix est un élément très important de la notion « qualité » d’un produit ali¬ mentaire. Le consommateur sait qué les produits de grande marque sont plus chers que les autres, mais il y a des limites qui freinent considérablement la vente. Des études de marché nous ont montré qu’il existe des bandes de prix. Il y a des prix psychologiques. Certains produits peuvent être vendus entre 0,90 NE et 1 NE par exemple, sans aucun inconvénient, mais s’il sont vendus 1,.02 NF la vente est freinée car c’est trop cher, tout comme s’ils sont offerts à 0,80 NE car ils peuvent alors être considérés comme des produits de second choix. Il ne faut pas oublier que l’emballage d’un produit alimentaire est un élément important de l’idée que s’en fait le consommateur. Le. problême du conditionnement est vaste. Nous apportons beaucoup d’attention à ce qu’il soit résolu sous le double aspect de son rôle d’agent de conservation et de support publicitaire. Un produit alimen¬ taire est souvent plus connu du public par son conditionnement que par sa marque. Cela est d’autant plus net que le niveau de vie du 22 PRODUCTION ET QUALITE ALIMENTAIRE consommateur est bas. Tout changement de conditionnement doit être sérieusement étudié sous peine de risquer de désorienter le consom¬ mateur. Afin de répondre le mieux possible aux désirs du consommateur. donc de mieux définir la qualité Nestlé, nous réalisons des études de motivation et organisons des tests de gout. Ces études de moti¬ vation nous ont éclairés sur des problèmes de présentation,: par exemple celle des bonbons de chocolat dont chaque année l’établissement de la collection de boites nous rapproche des soucis des grands coutu¬ riers : ou, autre exemple, une étude sur le lait concentré sucré nous a apporté la certitude que, si le lait concentré sucré est très connu comme un aliment de choix pour le nourrisson, l’adulte ne voit pas pour autant un inconvénient à en consommer pour lui-même. Par contre, il ne servirait à rien de chercher à faire consommer de la farine lactée Nestlé à un enfant sorti du, premier âge Les tests de gout sont très difficiles à mener. le laisse à plus qualifié que moi le soin de parler des méthodes de toutes ces études. Cependant, je puis vous dire que les tests de gout qu’on appelle triangulaires, c’est-à-dire ceux où l’on compare deux produits semblables avec un autre produit qui est différent, sont un peu des tests de gout piège qui ne donnent aucun résultat auprès des consommateurs mais qui, par contre, sont extrèmement intéressants pour déterminer la valeur d’un dégustateur. Nous faisons aussi, par exemple, des analyses de gouts régionaux. Dernièrement, nous avons sorti, sous la marque Maggi, un potage qui s’appelle la Julienne au vermicelle. C’est un potage de plusieurs légumes et nous ne savions pas si nous allions ajouter à ce potage du vermicelle ou du tapioca. (Nous avons des amis ici qui sont inté¬ ressés au problème). Nous étions très hésitants car nous savions qu’à Paris 50 % des consommateurs préfèrent le vermicelle, et les autres 50 %% le tapioca. Nous savions, par ailleurs, que dans le midi de la France, le vermicelle a beaucoup plus de succès que le tapioça mais que, dans l’Est, le tapioca a plus de succès que le vermicelle Pour résoudre ce problème, nous avons fait notre test dans l’Est ou le tapioca a le plus de succès. Le résultat a montré que les consom¬ mateurs de l’Est se sont prononcés à peu près à parties égales, les uns pour le tapioca, les autres pour le vermicelle. Notre choix a donc été aisé, nous étions gagnants en sortant notre Julienne au vermicelle plutot qu’au tapjoça. Je rassure nos amis du tapioca : nous allons sortir, bientôt d’autres potages qui seront au tabjoça : Nous pourrions beaucoup discuter également si les tests doivent être faits auprès du consommateur ou du non consommateur, mais cela dépasserait le cadre de notre réunion. J’espère vous avoir montré ce que nous faisons pour approcher le plus près possible de ce que le consommateur demande à la « qualité Nestlé » Il me reste, sur ce plan, à préciser ce que demande le distributeur à la même « qualité Nestlé ». Ses préoccupations sont toutes diffé¬ PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUIMENTS 28 rentes de celles du consommateur. Le distributeur grossiste ou détail¬ lant recherche, dans les produits à nos marques, une bonne marge de profit, une bonne conservation, une grande facilité de manipulation et, enfin, une rapide rotation de ses stocks. Il ne s’intéresse que fort peu aux matières premières utilisées et à l’aspect du produit. Sa motivation en face de nos produits est fort éloignée de celle du consommateur. M. TREMOLIERES m’a demandé, également, ce que nous pensions de la création d’un gout standard, résuitat de l’industrialisation de la production alimentaire. Ma pensée, tout d’abord, est que l’industria¬ lisation est une force qui ne sera pas freinée. Quand nous vovons que les producteurs eux-mêmes s’organisent en coopératives indus¬ trielles, je ne vois pas très bien comment l’industrialisation des pro¬ duits alimentaires pourrait être freinée. Donc, de plus en plus, les produits alimentaires seront élaborés avant d’arriver au consommateur. La production industrielle des produits alimentaires étant une source d’abaissement du prix de revient est une source de mieux être pour la population. J’ajouterai également qu’elle pousse le producteur agri¬ cole à mieux produire. C’est ainsi qu’au début de mon exposé, je vous disais que nous suivions de très près la production agricole nécessaire à nos fabrications et que nous avons conscience d’amener les agriculteurs, avec lesquels nous sommes en rapport, à produire dans des conditions économiques et hygiéniques bien meilleures. Mais l’abaissement du prix de revient industriel implique la limi¬ tation des variétés. Nous devons toujours lutter contre la tendance de nos vendeurs à donner satisfaction à tous leurs clients. L’un désire un paquet en long au lieu de l’avoir en carré, un autre veut un produit conditionné par X unités au lieu de Y unités, etc. L’industrie alimen¬ taire doit être consciente que la limitation des variétés de fabrication est un facteur d’abaissement du prix de revient industriel. C’est à cette condition que l’industrialisation des, produits alimentaires peut entrainer une diminution du con̂t de la vie. D’ailleurs, les dépenses de l’alimentation dans le budget des foyers vont en décroissant dans tous les pays de niveau de vie élevé, tandis que la part du budget familial réservée au logement et aux loisirs va en croissant. La notion de temps réservé à la cuisine est très sensible aux ménagères : toutes les études de marché auxquelles j’ai fait allusion nous le prouvent très largement. Le plaisir de vivre dans les pays développés est de moins en moins celui de la bonne chère. Si on aime encore en France faire un bon repas, je pense que beau¬ coup de foyers et surtout de jeunes foyers, se privent davantage que leurs ainés sur la table afin de pouvoir acquérir une automobile, ou un réfrigérateur ou la télévision Après ces considérations sur la production industrielle des ali¬ ments j’ajouterai que, assez souvent, les plats préparés à domicile sont de qualité gustative inférieure, pour un travail plus pénible, à nombre de produits alimentaires élaborés industriellement. PRODUCTION ET QUALUITE AUMENTAIRE 29 Je pense que le risque de la création d’un goût standard en matière alimentaire demeure un péril lointain et, là encore, les études de marché le montrent. En effet, si j’élimine les problèmes de goût pour le lait qui, en France, n’est pas dégusté comme dans d’autres pays mais seulement consommé aromatisé ou dans des plats cuisinés. et pour le chocolat qui n’est que très peu sensible au régionalisme nous rencontrerons, pour nos autres productions, des éléments qui montrent que nous ne sommes pas encore arrivés, et de loin, à une certaine standardisation du gon̂t, Par exemple, pour le café, la variété des goûts est très grande. Il n’y a pas de torréfacteur qui n’ait plusieurs mélanges à offrir à sa clientèle. Il en est de même pour le Nescafé. Nous avons mis sur le marché quatre variétés de café soluble : le Nescafé, le Nescafé gout brésilien, le Nescafé décaféiné, le Bicoré mélange de café et de chicorée. Chacun a sa clientèle et nous savons qu’il y a encore en France des foyers qui ne consomment pas de Nescafé, n’avant pas trouvé dans notre gamme l’arôme qui leur convient. L’aspect pratique du Nescafé ne compense pas l’attachement du consom¬ mateur à un goût auquel il est habitué et qu’il recherche. Il est vrai. par contre, que le Nescafé pénêtre assez largement les jeunes couches urbaines de la population où pourra se créer un goût Nescafé, mais la concurrence qui peut offrir des poudres de café soluble avec un arome différent du Nescafé, est l’antidote de la naissance d’une stan¬ dardisation du goût du café. Pour les produits Maggi, nous offrons une grande variété de produits et nous respectons les gouts régionaux : c’est ainsi que nous avons pour les différents potages plus de vingt variétés et pour les bouillons six. Je pense que l’industrie des potages a rendu service aux consommnateurs en diffusant des recettes locales qui n’auraient jamais pu pénétrer dans les foyers, si les potages industriels n’avaient pas été mis au point. Ainsi, vous connaissez peut-être la soupe de poisson Maggi : la soupe de poisson était consommée en vacances sur la Côte d’Azur ou uniquement par les gens du Midi. Maintenant, les ventes sont très importantes sur"l’ensemble de la France et beaucoup plus de gens en consomment qu’auparavant. Nous étudions une soupe au pistou qui est très originale Nous allons sortir incessamment un potage aux légumes de Provence difficile à faire soi-même à Paris, Il me semble que ces exemples montrent que l’industrialisation de la préparation des potages va à l’ençontre. du risque de création d’un goût standard. Nous fabriquons également des crèmes de gruvère qui, étant très constantes dans leur goût peuvent, de ce fait, attirer le consomma¬ teur qui hésite à acheter du gruvère en meule de peur de tomber sur un morceau dont le gont ne lui plait pas La standardisation du goût des crèmes de gruvère n’existe que pour chaque marque mais la saveur de chacune d’entr’elles est différente et permet au consom¬ mateur de faire son choix. De plus, la creme de gruvère est une 30 PRORLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUIMENTS source d’économie sur le plan national, évitant des pertes importantes aussi bien au stade de la production qu’à ceux de la distribution et de la consommation. Enfin, les études et enquêtes auxquelles nous nous livrons montrent de grandes variations de gout entre les différentes couches sociales et les classes d’âge. Nous suivons naturellement, plus parti¬ culièrement, l’évolution des gouls et des habitudes des jeunes foyers 33 En conclusion, je dirai que, pour un industriet comme Nestlé. la qualité de nos produits est objectivement liée à des normes précises de fabrication. Elle est subjectivement liée à l’appréciation du consom¬ mateur et du distributeur et elle est orientée par les enquêtes de marché et les tests de goût. PRODUCTION ET QUAULTE ALMENTAIRE 31 3- QUAUTÉ DES MARGARINES Problèmes et solutions R. FERON La qualité d’un produit alimentaire peut se définir de bien des façons et dépend de l’optique que l’on adopte. Du point de vue de l’industriel conscient de ses devoirs, un pro¬ duit alimentaire est de bonne qualité lorsqu’il satisfait pleinement les besoins du consommateur, lesquels peuvent être : 1) Exprimes (on peut les connaitre par les études de marché) : 2) Non-exprimés (valeur nutritive), ils ne sont révélés que par la recherche, spécialement dans le domaine biologique. Les uns et les autres doivent être compatibles avec les données économiques de l’industrie considérée. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que la margarine est essen¬ tiellement une émulsion d’huiles et de graisses alimentaires avec une phase aqueuse (eau ou lait). Le produit se présente comme une matière grasse plastique, de point de fusion habituellement inférieur à 37 C. il est susceptible d’être emplové dans la cuisine familiale de la même façon que le beurre. Les matières premières de la Margarinerie autrefois entièrement animales sont maintenant de plus en plus des huiles végétales d’origine exotique, à l’exception du colza cultivé dans notre pays. BESOINS EXPRIMS. Ces besoins, nous l’avons dit, sont en général connus par les études de marché. L’industriel doit connaitre les habitudes de consommation des différents corps gras, par classes d’habitants (âge, répartition géo¬ graphique, catégories sociales, importance de la famille, etc.) afin de prévoir un ordre de grandeur pour ses fabrications. Nous utilisons très largement l’appareil statistiqué de l’INSEE et le panel STAFCO qui vous le savez, effectuent des enquêtes auprès des ménagères. PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALIMENTS 32 Il est également nécessaire de connaitre les réactions des mon gères devant un produit considéré, ce qu’elles en pensent, ce qu’elles en attendent. Les Société d’Etudes de Marché renseignent en parti¬ culier sur les raisons d’utilisation ou de non-utilisation d’un produit. sur la connaissance qu’a la ménagère de sa composition et sur l’idée qu’elle se fait de sa qualité. Enfin, il faut connaitre les habitudes de consommation, impor¬ tance et fréquence des achats, habitudes culinaires et emplois prin¬ cipaux. Une enquête du type « dernier menu » permet souvent de répondre à cette question. Ces enquêtes, bien menées, permettent de savoir ce qu’est pour la ménagère un produit de qualité et de définir. avec assez de précision, sa consistance, sa couleur, les propriétés qu’on en attend lors des emplois culinaires (mousse, brunissement, incorpo¬ ration dans les préparations, etc.). On peut également déterminer le meilleur mode de conditionnement (unité de vente, présentation, etc.). Mais on n’obtient guère par ce moyen d’indications sur la composition idéale, tout au plus peut-on relever des objections sur la présence de tel ou tel constituant. Nous verrons tout à l’heure comment on peut approcher ce problème. Le produit est alors, si j’ose dire, défini dans son contour exté¬ rieur. Il ne l’est guère dans son contenu. Pour guider son choix, le technicien doit tenir compte de deux impératifs : 1) Impérotifs économiques. Il doit fabriquer son produit avec les huiles existant sur le marché. 2) Impératif nuritionnet. En fait, c’est le service le plus important qui puisse être rendu au consommateur. Nous verrons que sur ce point les don¬ nées manquent le plus souvent pour guider le choix du technicien. ASPECT ÉCONOMIQuE. La mission de l’industrie est de mettre à la disposition du public. en grande quantité et au meilleur prix, un produit standardisé et de bonne qualité. Il est important de se rappeler cette notion lorsqu’on parle de la qualité de produits alimentaires industriels. La produc¬ tion de masse permet de pousser jusqu’à un degré de perfection élevé certains aspects de la qualité, comme régularité, qualités hygiéniques. valeur nutritionnelle. On lui reproche parfois une certaine infériorité par rapport à certaines fabrications artisanales. Mais le but de l’indus¬ trie ne serait pas rempli si elle n’utilisait, au mieux, dans l’intérêt du plus grand nombre de consommateurs les ressources dont elle dispose. PRODUCTION ET QUALITE ALIMENTAIRE 33 Prenons l’exemple des matières premières pour la Marcarinerie. On, pourrait regretter que la margtrine ne soit pas fabriquée entie¬ rement avec des huiles vierges. Ce regret serait basé plus sur des considérations sentimentales que scientifiques, mais, admettons-le, il serait cependant vain. Les graines oléagineuses d’où sont extraites les huiles sont récot¬ tées dans des pays éloignés, dans des conditions qui sont loin d’être idéales et généralement une seule fois par an. Il faut, pour les utiliser. les récolter, les rassembler, les transporter, les stocker pour répar¬ tir le travail de l’huilier tout au long de l’année. En conséquence. les huiles brutes obtenues, même dans les meilleurs cas, sont par¬ faitement incomestibles. C’est alors qu’intervient le raffinage. Il est aussi modéré que possible. L’industriel n’a aucun intérêt à compliquer son travail ni à détériorer sa matière première. Il est cependant indis¬ pensable de recourir à certaines opérations qui sont, dans un sens. des mutilations, mais que l’on peut compenser du point de vue nutritionnel. Si, pour la fabrication des margarines, l’on devait se borner à n’utiliser que des huiles directement consommables après l’extraction. la fabrication de cette importante matière grasse alimentaire serait réduite à rien (ie rappelle qu’on a fabriqué, en Europe Continentale en 1959, plus de 1 750 000 tonnes de margarines). Il en serait d’ailleurs de même pour la plupart des huiles comestibles. Je pense que cet exemple illustre parfaitement ce que j’appelle les contingences éco¬ nomiques qui font partie intégrante des problèmes posés à l’industrie. ASPECT NUTRITIONNEL. Parmi les différentes matières premières disponibles (huiles fluides. huiles concrêtes, graisses animales, graisses hydrogénées), le fabricant de margarine peut réaliser un nombre relativement important, mais cependant limité, de combinaisons tout en respectant les qualités visibles du produit, qualités dont l’absence amènerait le rejet pur et simple par les consommateurs. C’est pourquoi j’ai déjà eu l’ocasion d’insister sur le fait, il n’existe pas une margarine mais des margarines qui peuvent être très variées du point de vue de leur composition. Les données qui guideront l’industriel dans le choix d’un certain mélange de matières grasses sont : a) La disponibitité du produit. Nous connaissons sur le marché des huiles végétales, comme sur bien d’autres marchés, des périodes de crise. Lès crises les plus l’écentes sont certainement celle du coprah des deux dernières années et la mauvaise récolte d’arachides de 1959. Il est bien évident que. lorsque les produits se raréfient, non seulement leur prix augmente mais il est bien souvent impossible de s’en procurer. On est donc 34 PROBLEMES POSES PAR LA DÉTINITION DES AUMENTS obligé de recourir à des produits voisins: l’huile de coco peut être remplacée par l’huile de palmiste et, dans certains cas, par de l’huile de palme, l’huile d’arachide peut être remplacée par d’autres huiles fluides comme l’huile de coton, l’huile de colza et d’autres huiles moins répandues comme l’huile de mais ou l’huile de sésame. b) La qualité de ces matières premières Certaines matières premières parfaitement disponibles sont à l’état brut d’une qualité tellement médiocre qu’un fabricant consciencieux refuse de s’en servir. Tel a été longtemps le cas des huiles de palme avant que les efforts de l’Institut de Recherches pour les Huiles et Oléagineux aient porté leurs fruits. C’est peut-être également le cas de l’huile d’arachide en fin de campagne, etc. Le raffinage n’est pas destiné à remédier aux détériorations pro¬ fondes. C’est un axiome parmi les raffineurs qu’on ne peut faire d’huiles raffinées de bonne qualité qu’à partir de bonnes matières premières. Certaines blessures infligées au produit brut dans la graine ou après son extraction laissent des cicatrices ineffacables. c) Les connaissances sur la paleur nutritionnelle des huiles. Je sais que j’aborde ici un point délicat. On a déjà beaucoup écrit sur ce sujet et il semble qu’on écrive encore davantage. Ce qul m’apparait comme certain c’est que personne n’est en mesure, à l’heure actuelle, de formuler le corps gras idéal, c’est du moins ce qu’il res¬ sort à la lecture attentive de la masse énorme de documents rassem¬ blés depuis plusieurs années par notre service de Documentation. Dans le souci d’être parfaitement éclairés sur ces problèmes, nous avons créé une petite commission de travail réunissant les différents respon¬ sables aussi bien techniques que commerciaux sous le titre, un peu prétentieux mais exact, de Lipo-Diététique. Ce qui nous apparait le plus clairement cest que l’unanimité est loin d’être faite chez les chercheurs. T’ai déjà parlé ailleurs des reprches faits à l’industrie sur le raffinage des huiles alimentaires et montré que non seulement le raffi¬ nage était inévitable mais que les méthodes modernes de traitement respectent autant qu’il est possible ce que l’on peut considérer comme les qualités intrinsêques des huiles. On a critiqué également l’utilisation d’huiles hydrogénées dans la fabrication de la margarine. Je voudrais donner ici une précision. L’hy¬ drogénation, qui consiste à transformer les huiles liquides en huiles solides, se fait au niveau de la molécule. Dans un produit donné on peut saturer autant de molécules qu’on le veut et, par consequent, il y à des degrés dans l’hydrogénation. La saturation complête n’est jamais atteinte dans les produits comestibles. Le but de l’hydrogénation est d’élever le point de fusion des huiles de façon à donner au produit fini la consistance recherchée par le consommateur. On peut pour cela soit hydrogéner un peu une composition entierement fluide, comme c’est le fait de la plupart des PRODUCTION ET QUALITE AUIMENTAIRE 33 margarines américaines par exemple, soit utiliser dans une composi¬ tion comportant des huiles fluides et des graisses naturellement concrêtes (coco, palmiste, palme) une certaine proportion de graisses hydrogé¬ nées pour ajuster la consistance. C’est le cas habituellement des margarines françaises qui contien¬ nent rarement plus de 20 à 30 % de graisses modérément hydrogénées. Il serait certes vain de nier que l’hydrogénation saturant les doubles liaisons fait d’abord disparaitre les acides gras les plus insaturés parmi lesquels se trouvent les acides gras indispensables, mais ce qui me parait important de dire c’est que, par le choix des composants, le margarinier peut assurer à ses produits une teneur aussi élevée qu’on le voudra en certains constituants et en particulier en acides gras essentiels pourvu que la nécessité lui en soit clairement démontrée. Existe-t-il pour l’homme (bien entendu l’homme normal et sain). à l’époque actuelle et dans les pays civilisés, une carence en acides gras essentiels 2 Cela n’est pas du tout certain et personne, je crois. ne peut répondre avec certitude. Si, demain, les physiologistes se mettent d’accord sur la quantité minimum d’acides gras essentiels ou d’acides gras polvinsaturés ou de tout autre classe d’acides gras souhaitable dans la ration quotidienne d’un adulte normal, je puis vous assurer que la margarinerie ne lais¬ sera pas passer cette chance d’améliorer son produit. Que dire encore. Les margariniers ont été accusés d’utiliser des produits additifs dont l’inpocuifé ne serait pas prouvée, des colorants en particulier. Si cela a pu être le cas à une époque reculée et dans certains pays, c’était, je crois, par ignorance. La législation actuelle. en France et à l’étranger, est beaucoup plus prudente et le nombre de ces additions, vraiment très réduit, est limité aux produits inoffen¬ sifs. En France, les autorisations se limitent à tolérer l’addition d’un peu de diacétyle dans les margarines ne contenant pas de lait. On avouera que c’est bien peu. CONTRGLE DE LA QUALITÉ. Le contrêle de la gualité dans l’industrie et tout spécialement dans l’industrie alimentaire, représente un ensemble de règles dont le respect est indispensable au succès durable d’une fabrication ou d’un produit. Les impératifs d’une fabrication industrielle excluent les pro¬ ductions exceptionnelles à allure de prototypes ou de crus classés. Par contre, le consommateur pent être assuré d’une qualité constante grâce au contrôle que l’industrie peut exercer sur un ensemble de procédés que l’on tend de plus en plus à rendre continus. Ces contrôles s’exercent au stade de la production sur les condi¬ tions de fabrication par des mesures de température, de pression par exemple, et sur les produits par des mesures physiques ou chimiques dont on sait qu’elles ont atteint maintenant un degré de sensibilité extraordinaire et qu’elles se prétent même à l’automation. PROBLEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES ALIMENTS 36 Enfin, sur le produit fini, à part les caractéristiques mesurables. il reste encore à préciser si ce produit est bien tel que le consom¬ mateur l’attend. Dans ce domaine, rien n’a pu encore remplacer le travail des dégustateurs, mais plutôt que de se fier à l’opinion d’un seul d’entre eux, réputé expert, l’usage se répand de plus en plus de faire appel à un plus grand nombre (habituellement plus de 10, et parfois une trentaine d’hommes exercés) dont l’avis peut être pris en considération avec plus de certitude. Pour conclure, j’espère avoir montré que les problèmes qui se posent aux margariniers sont, pour une part, les mêmes que ceux qui se posent à tous les industriels : connaissance du marché, problèmes économiques et, pour l’industrie alimentaire, très particulièrement les problèmes de la connaissance des effets de ses produits sur l’orga¬ nisme humain. Cette autre responsabilité de l’industrie alimentaire est vivement ressentie par les industriels, et ceux-ci font entre¬ prendre fréquemment des travaux de recherche parfois très importants. qui contribuent à une meilleure utilisation des ressources alimentaires du monde. Dans le domaine des matières grasses, vous savez l’ampleur qu’ont pris ces dernières années les travaux de recherche sur les corps gras, notamment l’étude des effets éventuels dans l’athérome. Les conclu¬ sions ne peuvent encore être connues. Il eut été certes très tentant de suivre la mode et de proclamer une supériorité facilement acquise de certains produits, alors même que cette supériorité (par exemple, teneur en acides gras insaturés) n’est encore qu’une hypothèse très controversée. le crois qu’il faut savoir gré à la Chambre Syndicale de la Margarinerie de n’avoir pas cédé à cette tentation, mais bien au contraire d’avoir pris conscience globalement de l’importance des problèmes nutritionnels à la fois pour le consommateur et pour l’indus¬ trie, et d’avoir engagé le dialogue avec l’Institut National d’Hygiène qui a bien voulu entreprendre des recherches dont l’aboutissement sera, nous le souhaitons, de formuler le produit idéal que nous espérons bien fabriquer un jour. 1. DARGENT 37 PRODUCTION ET QUAUTE AUMENTAIRE 4. LA QUALITE DES VINS DE CHAMPAGNE Le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne a recu de la Loi du 12 avril 1841 la mission de veiller aux destinées du Cham¬ pagne, destinées dont dépend le bien-être, voire l’être même, de ses ressortissants vignerons ou négociants. Bien que ne se situant pas immédiatement sur le plan commer¬ cial, le C.L.V.C. doit donc suivre attentivement tout ce qui influe sur la vente du Champagne, condition de ce bien-être C’est ainsi que l’étude de la notion de Qualité s’insère au premier rang de ses préoccupations : car on achête ce qu’on aime, ce qu’on trouve bon, ce qui est bénéfique d’une matière ou de l’autre: la clientèle achête en fonction des dualités que possédent les produits qui lui sont offerts : la Qualité est donc, pour un producteur, l’argument de vente majeur. Et ceci est particulièrement vrai pour le Champagne dont la répu¬ tation de Qualité a été si constante depuis l’origine qu’il en est venu à être considéré comme le type même d’un produit de Qualité, un peu comme on dit d’un personnage qu’il est « Homme de Qualité », c’est-ଠdire qu’il a, en lui, quelque chose d’éminent et qui n’est pas du commun. Or l’existence, le maintien de cette Qualité insigne est la condi¬ tion absolue, essentielle et sine qua non de la pérennité du Cham¬ pagne. Car celui-ci est condamné par la nature et par ses conditions d’élaboration à se vendre cher, plus cher que tout autre vin mous¬ seux : il faut qu’il justifie son prix élevé auprès de ses acheteurs par quelque chose que n’ont pas ses concurrents, c’est-à-dire par un surcroit de Qualité, sans quoi la clientèle ne tarderait pas à s’aper¬ cevoir qu’elle est frustrée : le Champagne et tous ceux qui le font n’auraient alors qu’à disparaitre. Mais qu’est-ce au juste que la Qualité 2 Si nous nous référons au dictionnaire la Qualité d’un corps c’est « la manière d’être de ce corps, en vertu de laquelle celui-ci fait sur nos sens une impression particulière qui nous donne des idées d’aspect. de couleur, de volume, de nature, de saveur, etc. » Voici en somme une définition qui n’est guère précise. Et c’est ici que la difficulté commence. 38 PRORIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALMENTS Car la Qualité du Champagne risque fort d’avoir un contenu dif¬ férent selon ceux qui sont appelés à en juger. Si nous nous plaçons du point de vue de celui qui fait le Cham¬ pagne, la Qualité de celui-ci — ce que l’on pourrait appeler sa Qualité intrinsêque, essentielle — s’appréciera en termes de saveur, bouquet rondeur, plénitude, maturité, finesse, fraicheur, équilibre, teneur alcoo¬ lique, couleur, pétulance, délicatesse et tenue de la mousse, etc. Tous ces élements d’appréciation sont subtils, largement sub¬ jectifs et ne sauraient, dans l’état présent de nos connaissances, faire l’objet de mesures quantitatives rigoureuses qui définiraient la Qualité de manière absolue et convaincante. Hormis les quelques données fournies par l’analyse de laboratoire (alcool, acide etc.). — mais le Champagne ne se cote pas en degrés alcooliques — c’est donc à une méthode d’évaluation empirique que l’on s’en remet ici : une douzaine de dégustateurs sélectionnés pour leur expérience opèrent au sein du Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne en Commission de Contrôle de la Qualité : ils examinent. chacun pour soi, les échantillons anonymes qui leur sont soumis et les notent en fonction des critères sus-mentionnés : le résultat final est fourni par la moyenne des notes ainsi données. Toutefois l’expérience a permis de dégager certains facteurs tech¬ niques qui influent sur les critères "de Qualité en question. Ces facteurs tiennent à la nature des cépages emplovés, à la compo¬ sition des sols où ils sont cultivés, aux méthodes de culture, de taille. de pressurage, à la limitation des rendements par rapport à la sur¬ face et à la quantité de raisins mise en œuvre, aux procédés de vinification et d’obtention de la mousse (travail de la bouteille), à la durée du vieillissement, etc. Il en est resulté un certain nombre de règles, aujourd’hui codifiées par la loi et dont le respect fait l’objet d’un contrôle sévère qui. lui, est ohjectif. Mais il reste que l’application même de ces règles laisse une certaine latitude à ceux qui en ont la charge : en sorte qu’en dernier ressort la Qualité du Champagne appréciée sous l’angle du producteur tient à des valeurs humaines et artisanales : connaissance du métier. amour et fierté du produit, sens du travail précis, patient, bien fait plutôt que désir de produire beaucoup, et surtout respect des lois de la nature que l’on aide à s’accomplir mais que l’on ne supplante pas : le Champagne est un produit naturel, non un produit fabriqué. Ainsi la Qualité du Champagne est-elle d’abord et sous ce premier aspect le reflet d’un type d’hommes exercant leur talent sur une matière première originale dont l’essence est déterminée par l’alliance d’un sol, d’un climat et de certains cépages : c’est une synthèse d’élé¬ ments naturels et humains parfois malaisés à apprécier. Mais cette Qualité vue sous l’angle de la production peut se trou¬ ver affectée par les circonstances mêmes de celle-ci. PRODUCTION ET QUAUITE ALMENTAIRE 39 Sans parler des aléas climatiques qui font que, selon les années. notre matière première — les raisins — est plus ou moins bonne on constate avec le temps une évolution inéluctable dans les techniques de production. Ainsi, lorsqu’au début du siècle les vignes francaises sont appa¬ rues vulnérables au phylloxera a-t-il fallu greffer nos anciens plants sur des racines américaines. En est-il résulté, pour nos produits, une différence de goût ? C’est un problème que nous nous posons. Nous trouvons le même problè̂me, pour ne citer que quelques exemples. avec la disparition des chevaux qui entraine la disparition des (umures traditionnelles et leur remplacement par des engrais chimiques ou des gadoues de ville. La difficulté et le cout de l’épluchage des raisins pourraient amener la disparition de celui-ci si les techniques de cen¬ trifugation des mouts s’avéraient satisfaisantes. De même on tend en Champagne à substituer les cuves aux futs de bois traditionnels pour¬ la fermentation des mouts, la capsule au bouchon de liège pour le premier bouchage. Dans quelle mesure ces pratiques nouvelles peuvent-elles influer sur le goût du vin " C’est chaque fois pour nous et nos ressortissants un objet d’études approfondies, et ces pratiques ne sont bien entendu admises que dans la mesure où elles ne paraissent point affecter la Qualité du vin : mais il faut mettre l’accent sur cette pression cons¬ tante qu’exercent, sur la notion traditionnelle de Qualité les nécessités de la rentabilité ou de la productivité des affaires : ainsi est-il bien évident que, face à une demande en expansion continue, c’est parfois un problème pour une firme que de maintenir intactes des réserves élevées de vins en stocks dont la charge est lourde au bilan : or. on sait que l’importance du stock conditionne le vieillissement des vins et donc la Qualité. Autrefois les Champenois se contentaient de faire du Champagne et de le faire le mieux possible : le profit venait comme par surcroit : aujourd’hui, pris comme tout le monde par les exigences de l’éco¬ nomie, ils doivent en outre faire de l’argent. Et sans doute faut-il veiller à ce que la fonction commerciale et les exigences financières ne prennent pas le pas sur ce qui doit demeurer l’essentiel : la Qualité. Si nous envisageons maintenant la Qualité du Champagne sous l'’angle du Physiologue, du Toxicologue ou du Médecin, elle se défi¬ nira sans doute par une teneur en composants chimiques divers, alcools. sucres, acides, minéraux, vitamines ou autres, dont la présence ou l’absence peuvent agir plus ou moins heureusement sur l’organisme humain. Alors que certains de ces éléments et leurs effets — tel l’alcool sont d’une mesure relativement aisée, il en est d’autres, encore impar¬ faitement décelès d’ailleurs, dont les effets subtils sont mal connus. 40 PRORIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUIMENTS L’importance prise aujourd’hui, aux veux du public, par cet aspect scientifique des produits et la notion nouvelle de Qualité qui en résulte. en rend l’étude approfondie particulièrement nécessaire pour les destinées commerciales de ces produits. Pour ce qui est du Champagne — comme d’ailleurs pour nombre d’autres produits naturels — nous n’en sommes encore en ce domaine. il faut l’avouer, qu’à un stade assez élémentaire. Sans doute, sait-on que le Champagne, surtout s’il est brut, et tout en avant des effets parents de ceux de certains autres vins sur l’organisme, semble parti¬ culièrement bien toléré par celui-ci : on admet qu’il facilite la diges¬ tion, qu’il excite l’appétit, qu’il revigore les opérés et les accouchées : on prétend aussi qu’il a des vertus hémostatiques. Mais tout ceci demande à être vérifié scientifiquement si l’on veut en faire des éléments objectifs de la Qualité, et des arguments de vente. Il peut aussi devenir nécessaire de lutter contre des préjugés n’a-t-on pas vu des femmes dominées par le complexe de la ligne se détourner du Champagne sous prétexte qu’il favoriserait l’obésité : d’autres pensent qu’il donne de l’aérophagie. Et un débat nous oppose depuis plusieurs années aux douanes anglaises, en même temps que d’autres vins d’ailleurs, sur la teneur en plomb — parait-il excessive — de notre produit. La, c’est l’avenir de tout un marché qui est en cause. A noter en passant que cette teneur semble moindre dans le cas du Champagne que dans celui "du thé dont la valeur physiologique ne semble pas mise en question par nos voisins d’Outre-Manche. Voici donc un champ extrêmement vaste et complexe, oit le pro¬ blème de la Qualité se trouve posé. Il est essentiellement du domaine des laboratoires et des maitres de la Recherche et suppose, à la base, la prospection des méthodes à utiliser dans cette étude. Un organisme comme le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, qui possêde pourtant l’un des laboratoires œnologiques les mieux équipés de France, est dépassé par cette tâche pour laquelle s’impose une collaboration étroite avec d’autres organismes de recherche moins spécialisés et mieux équipés. Ainsi travaille-t-il, depuis quelque temps, en relations à cet égard avec l’Institut National d’Hygiène et de Diététique qui, sous la Direc¬ tion du Docteur TREMOLIERES, à bien voulu entreprendre pour nous des recherches dont nous attendons beaucoup. Il semble également que certains progrès dans les méthodes d’analyse peuvent nous être extré¬ mement précieux, comne par exemple les résultats que pourraient don¬ ner les techniques de chromatographie en phase gazeuse. Là aussi, des expériences sont en cours, grâce au Docteur TREMOLIERES : cela nous serait extrémement utile si l’on arrivait à déceler de façon précise et mesurable ce qui distingue le Champagne d’un autre vin mousseux et qu’on cesse enfin de nous confondre et de croire que tout ce qui mousse est du Champagne. PRODUCTION ET QUALTE ALIMENTALRE 41 Quant au point de vue du consommateur en ce qui touche la Qualité du Champagne, ce point de vue apparait bien souvent comme dominé par des motifs affectifs plutôt que par des concepts rationnels Mise à part une frange, sans doute assez réduite en nombre, d’ama¬ teurs éclairés, la notion que se fait le public de la Qualité du Cham¬ pagne ne coincide pas forcément avec celles qu’en ont le producteur. le médecin, ou l’homme de science. Ceci non par aversion envers ces notions, mais plutôt par méconnaissance ou par inculture. Une fois encore, combien de gens ne croient-ils pas que tout ce qui mousse est du Champagne 2 Pour le consommateur moyen, la Qualité du Champagne parait être un postulat hérité de traditions sociales ou familiales : ou bien elle tient à des considérations d’ordre sentimental, au souvenir des circonstances plaisantes dans lesquelles il en a bu, à l’euphorie du moment, à son caractère d’exception : le snobisme y a aussi sa part. Il faut aussi tenir compte des phénomènes d’accoutumance: nous connaissons tous, et pas seulement en Champagne, de ces braves vigne¬ rons qui vous vantent avec une conviction parfaite le bon petit gout de leur cuvée, alors que ce goût, pour le moindre connaisseur, est l’effet flagrant d’un vice de traitement ou d’une maladie du vin. Ceci pour dire que la notion que le public moyen a de la Qualité. si elle ne peut être négligée, et si nous n’y avons pas toujours d’obiec¬ tion, obéit à des réflexes individuels ou collectifs qui souvent défient toute logique. Il en résulte que cette notion de Qualité qu’a la clientèle est extrèmement changeante dans l’espace et dans le temps. La Russie d’autrefois aimait les vins sucrés. L’Angleterre a toujours préféré les bruts pleins et mars. En France, on buvait naguère le Champagne au dessert, le plus généralement en demi-sec : si cela reste la tra¬ dition de certains banquets et des milieux populaires, surtout dans les régions méridionales, l’usage se répand aujourd’hui de boire le Champagne à l’apéritif ou tout au long du repas et l’on choisit alors des vins bruts, vifs et frais, parfois assez jeunes. Les aléas de la politique, les bouleversements économiques et sociaux qui en résultent influent grandement sur la consommation du Champagne et donc sur la notion que l’on s’en fait. Les Etats-Unis étaient autrefois grands amateurs de Champagne. La prohibition, en les déshabituant du vin, leur a donné le goût des boissons fortes consommées à la sauvette : ils restent, aujourd’hui avant tout des buveurs d’alcool et ne se remettent que lentement à l’appréciation — plus subtile — du vin. Leur influence grandissante dans le monde, l’extension de l’« Ame¬ rican vay of life » ont entrainé dans leur sillage les pays qu’ils pénêtrent: les jeunes élites d’Amérique latine venaient autrefois cher cber leur culture en France et en revenaient amatrices de vin et de Champagne : elles rapportent aujourd’hui de Yale ou de Harvard une Cadillac et l’habitude du vhisky. 42 PROBIEMES POSES PAR LA DETINITION DES AUMENTS La destinée de la Qualité du Champagne est ainsi solidaire de celle de la civilisation à laquelle il se rattache. Peut-on dire que l’époque du scooter et l’ambiance des surboums appellent naturellement le gout du Champagne 2 L’évolution sociale enfin, par les changements qu’elle entraine dans les milieux où se consomme le Champagne, peut jouer un grand rôle sur la note psycbologique de Qualité qui entoure celui-ci. Naguère apanage d’une classe réservée, celle qui par exemple donna le ton à la Belle Epoque où l’on donnait à diner en son hôtel trois fois la semaine, il s’identifiait tout naturellement au prestige et à l’éclat de cette classe. Mais l’ère des ducs est révolue. Le niveau et les habitudes de vie de la masse se sont élevés. Au lieu de ses fastueux clients de naguère, limités en nombre mais achetant par dix caisses à la fois, le Champagne a aujourd’hui beaucoup de petits acheteurs de deux ou trois bouteilles à l’occa¬ sion de quelqu’une de ces nombreuses ocasions que l’on célèbre lar¬ gement. Il s’en suit que si la consommation du Champagne se démo¬ cratise — ce qui sans doute est un bien humainement parlant le prestige de celui-ci risque un jour de s’en trouver atteint : or le prestige est l’un des aspects — et non des moindres — de la Qualité au sens où "le public l’entend. C’est là d’ailleurs, pour tous les produits de luxe, un dilemme particulièrement aigu en période de démocratie montante, dilemme dont les parfums nous offrent aussi l’exemple. Car le luxe présuppose la rareté, la sélection, et celles¬ ci s’accordent mal avec une économie de masse, égalitaire dans son principe. Le problême est encore compliqué par le fait que les milieux les plus aptes à apprécier la qualité intrinsêque d’un produit comme le Champagne — disons les milieux de vieille culture — sont ceux dont les moyens d’existence ont tendance à décroitre relativement à ceux de certaines classes nouvelles et plus populaires qui, eux. augmentent. La conséquence est que tel milieu traditionnellement capable de goûter la Qualité tout en demeurant fidèle au Champagne se portera vers les qualités les moins chères alors que les plus grandes marques, censées incarner la plus haute Qualité, iront à des buveurs parfois assez peu aptes à les apprécier. L’un des propriétaires de celles-ci me disait récemment s’être arrêté à Saulieu chez Dumaine auberge bien connue par son haut standing gastronomique — ou il n’y avait pas une bouteille de Champagne sur les tables, alors que deux conducteurs de Poids Lourds arrétés au bar d’en face parta¬ geaient l’une de ses propres bouteilles. S’il faut maintenant tirer quelques leçons de ces réflexions peut¬ être confuses, la première sera sans doute que s’agissant d’un produit comme le Champagne, la notion de Qualité est extrémement complexe. mouvante, en perpétuel devenir. DRODLICTION ET QUAUITE ALIMENTAIRE 43 Notre seconde leçon sera que cette notion n’est point, pour le moment tout au moins, du domaine de l’absolu : c’est peut-être là une copstatation affligeante : on aimerait pouvoir se référer à une perfection clairement établie et définie, mais il faut admettre que nous débordons ici le domaine purement scientifique. La Qualité d’un acier se définit en termes aisément mesurables. Celle du Champagne met certes elle aussi en jeu des données scientifiques, mais celles-ci en sont encore au stade de la découverte : par contre la notion de la Qualité, en ce qu’elle touche le Champagne, est enrichie de consi¬ dérations dominantes tenant à la nature, aux sentiments, à l’humain qui sont loin d’être méprisables, qui contribuent à composer la per¬ sonnalité de notre produit et amènent celui-ci aux confins de l’art : or y a-t-il une Qualité absolue de l’œuvre d’art 2 Un peintre ou un musicien peut faire œuvre de Qualité sans que celle-ci soit immédiatement reconnue : il travaille pour lui d’abord. pour sa propre conception de l’Art et éventuellement pour l’avenir. Les Vignerons et Négociants Champenois eux, au contraire, tra¬ vaillent pour leurs contemporains : sous peine de disparaitre, ils doivent leur vendre, c’est-à-dire leur faire aimer, ou encore leur faire admettre la Qualité d’un produit dont les données essentielles leur sont prédéfinies par la Nature et dont la marge d’adaptation aux goûts de leur clientèle n’est que faible. Quelle peut alors être, face à ce problème, l’attitude d’un orga¬ nisme qui, tel le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne. a mission de veiller aux destinées de la qualité du Champagne 2 Nous posons bien entendu en principe que cette Qualité doit être maintenue et s’il est possible encore améliorée. Dès lors devons-nous : a) D’abord approfondir et affiner sans cesse notre propre connais¬ sance des divers éléments qui, au jour le jour, composent cette notion de Qualité, et ceci nous impose : une expérimentation toujours plus poussée des techniques de culture de nos" vignes et d’élaboration de nos vins, ce pour quoi nous sommes déjà assez avancés. un travail de recherche fait en colaboration entre nos labora¬ toires locaux et d’autres centres sur les aspects proprement scienti¬ fiques qui caractérisent notre produit : nous souhaitons, à cet égard. voir se resserrer encore les liens déjà existants entre notre Profession et tous autres organismes privés ou publics avant des préoccupations analogues aux nôtres. une étude toujours renouvelée des réactions mouvantes de l’opinion à l’égard du Champagne : pour ce sondage psychologique du marché, qui doit être permanent, nous disposons de ce moyen privis¬ légié d’intormation que constituent les antennes commerciales très ramifiées de nos deux cents Maisons de Négoce : PROBIEMES POSES PAR LA DETINITION DES AUIMENTS b) Notre seconde tâche sera de chercher à répandre parmi nos ressortissants, vignerons et négociants, une conscience aigué de cette notion de Qualité, de son exigence, et éventuellement des moyens d’y parvenir : et nous devons les aider du point de vue économique à mettre en œuvre les moyens d’améliorer la qualité car ils ne peuvent s’en charger isolément : c) Enfin, nous devons poursuivre inlassablement l’information du public, notre client : non point bien sur pour dépoétiser la notion qu’il se fait du Champagne, mais pour ajouter à cette notion parfois instable, quelques lumières plus objectives sur ce qu’est au vrai le Champagne et ce qui en fait la pleine Qualité. Ainsi éviterons-nous peut-être que ne soit galvaudée à l’avenir cette appellation qui a jus¬ qu’ici si bien qualifié l’un des meilleurs fruits de nos terroirs. 44 Alimentaires. PRODUCTION ET QUAUTE ALIMENTAIRE 46 5- L’ACTION DE L’INSTITUIT ERANCALS DU MANIOC POUR PROMOUVOIR LA QUALITE DU TAPIOCA P. B. GRQULT INDUSTRIE ET COMMERCE DU MANIOC ET DU TAPIOCA. L’industrie du manioc comprend deux aspects : l’extraction de la fécule et la transformation de celle-ci. L’extraction de la fécule est réalisée sur les lieux de production du manioc dans des féculeries dont le schéma industriel se rapproche de celui des féculeries de pommes de terre. Si cette fécule est des¬ tinée à des usages industriels (apprêts, dextrines, etc.) elle est séchée et expédiée aux industries utilisatrices situées en général en Europe ou en Amérique du Nord. Si au contraire on désire obtenir un pro¬ duit alimentaire, l’amidon du manioc est cuit sur place et expédié sous forme de floçons de tapjoca dans les régions tempérées, où il est alors réduit par un procédé de meunerie en une semoule qui est le tapjoca du commerce ou tapioca granulé. En France, le brovage et la vente du tapioca sont assurés tradi¬ tionnellement par les Maisons de Produits de Régime et de Pâtes DISPOSITIONS POUR ASSURER LA PROMOTION DU MANIOC. L’introduction du tapioca en Europe est au fond assez récente. Ses propriétés sont assez peu connues. Contrairement à la plupart des produits de régime et aux pâtes alimentaires, il n’a fait l’objet d’aucune publicité auprès du public parce qu’il ne constitue, en général, qu’un secteur très faible de l’activité des Firmes qui en assurent la trans¬ formation et la distribution. Pour ces raisons sa consommation en France et en Europe est encore extrémement faible. Considérant, d’une part, les qualités culinaires du produit et les implications de celles-ci sur le plan de la nutrition et, d’autre part. l’absence totale d’action d’information exercée jusqu’à présent, les, pro¬ ducteurs de manioc et plus particulièrement le Gouvernement de Mada¬ gascar concurent, à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, le projet 46 PROBIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUIMENTS d’un organisme dont la mission serait de faire procéder à la réali¬ sation d’un certain nombre de recherches sur les propriétés du tapioca et de conduire auprès du public une action éducative appropriée. C’est pour, répondre à cet objet que fut créé en 1954 l’Institut Français du Manioc. Sa gestion est assurée par un Conseil d’Administration où siègent des représentants de certains départements ministériels de la République Française, du Gouvernement de Madagascar, des planteurs de manjoc, des féculiers de Madagascar et des transformateurs fran¬ cais. Il assure depuis 1956 la double mission de recherche et propagande pour lesquelles il avait été créé. ACTION DE L’INSTITUT ERANCAIS DU MANIOC. L’action de l’Institut Français du Manioc s’est donc exercée sur deux plans, celui de la recherche et celui de l’information du public. A la recherche, il a été assigné trois objectifs : — dans le domaine médical, étude des propriétés particulières du tapioca au plan de la nutrition. — dans le domaine culinaire, explorer de manière approfondie la gamme des préparations auxquelles se prête cet aliment. enfin, dans le domaine technologique, étudier les possibilités de réalisation d’entremets à préparation rapide ou de plats de consom¬ mation instantanée. Le thême proposé au Centre de Recherches de l’Institut National d’Hygiène était le suivant : le médecin du 19e siècle observait de manière empirique la légèreté de la bouillie lactée préparée à partir du tapioca. La même observation s’applique à une série d’entremets ou même de préparations salées dérivées du même type d’appareil qui associe le lait, le tapjoca et le blanc d’œeuf. Serait-il possible de trouver une explication scientifique à cette notion de légèreté 2 A partir de cette donnée a été entrepris un travail très approfondi. Si l’éxplication des causes profondes de la légèreté des préparations au tapioça parait encore fort éloignée, d’importantes constatations ont déjà pu être effec¬ tuées qui permettront vraisemblablement de corroborer l’observation empirique des médecins du siècle dernier. Parallèlement, la qualité du tapjoca d’être un nutriment amvlacé très pur comportant notamment 5 à 6 fois moins de matière protéique que les amidons de céréales a paru présenter un intérêt suffisant pour justifier la mise en route d’un programme de recherche sur l’alimentation de l’enfant du premier age. Au plan culinaire, une étude systématique et logique des varia¬ tions possibles a été entreprise à partir des thèmes proposés : potages. entremets et laitages. Il s’agissait, dans chaque cas, de mettre au point des procédés de préparation qui permettent d’éviter les échecs culi¬ naires et, d’autre part, de fournir une gamme d’assaisonnements divers. On est arrivé ainsi à partir de formules de base destinées à des entre¬ PRODUCTION ET QUAUTE AUIMENTAIRE 42 mets, à des préparations salées utilisant aussi bien les champignons que divers légumes ou même certaines viandes. Un des résultats les plus récents de ces travaux a été la mise au point d’une pâte pou¬ vant servir indifféremment à la confection de beignets ou de quenelles et dans laquelle une quantité importante de beurre et d’œufs se trouve remplacée par du tapioca et du lait avec, fait important à souli¬ gner, une amélioration des qualités organoleptiques du produit obtenu. Dans le domaine technologique enfin, la recherche a consisté d’une part à mettre au point un entremets à préparation rapide qui associe essentiellement le lait sec, le tapioça et le sucre : d’autre part, depuis plus d’un an, un effort a été entrepris en vue de spécialiser les pré¬ parations culinaires que l’on peut obtenir à partir du tapjoca afin de permettre leur livraison au public sous une forme immédiatement consommable. Quant à l'’action d’information, elle se propose en utilisant les sup¬ ports appropriés : conférences, films éducatifs, presse, de porter à la connaissance du public le résultat de l’ensemble des travaux de recherche culinaire. Avec les précautions qui s’imposent, des argu¬ ments plus particuliers notamment dans le domaine de la nutrition pourront être éventuellement exposés à des catégories plus restreintes telles que les collectivités ou le Corps Médical. L’ensemble des travaux entrepris par l’Institut Français du Manioc se révèle, comme c’est bien souvent le cas en telle matière, dépasser assez sensiblement le cadre qui avait été tracé au départ. Les respon¬ sables de l’Institut Français du Manioc en tirent aujourd’hui deux conclusions principales : d’une part, l’intérêt que présente la poursuite d’une action de recherche approfondie est ressenti de plus en plus : d’autre part, l’exploitation des résultats de la recherche aux fins d’infor¬ mation pose un problème moral extrêmement délicat qui justifierait la mise en place d’un organisme officiel à l’échelon national ou mieux européen à qui incomberait la tâche de réglementer notamment la qualité des produits alimentaires et la diffusion des arguments fournis pr là recherche à des fins de propagande. 48 PRORIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUMENTS 6- LA QUAUTÉ DU POULET R. PÉRO La production et la consommation du poulet ont connu un déve¬ loppement important au cours de la dernière décade. Tandis que les producteurs s’efforçaient d’améliorer la produc¬ tivité de leurs élevages, de manière à abaisser le prix de revient de leurs poulets, les consommateurs faisaient entendre des réclamations de plus en plus nombreuses vis-à-vis de la qualité de ceux-ci et notamment vis-à-vis de la qualité gustative. L’importance de ces réclamations a conduit plusieurs groupes pro¬ fessionnels à s’interroger sur le fondement des critiques des consom¬ mateurs et à entreprendre depuis deux ans environ, une véritable campagne pour l’amélioration de la qualité du poulet. Avant d’analyser les causes de la variation dans la qualité du poulet, il me parait nécessaire de préciser les conceptions de cette qualité qui diffèrent suivant le stade où on la considère. Pour l’élepeur, le meilleur poulet est celui qui lui procure le plus grand profit : dans les conditions actuelles du marché ce profit dépend surtout de la qualité zootechnique des oiseaux (viabilité, croissance. indice de consommation, conformation, etc.). L’éleveur attache donc une importance prioritaire à ces caractères. Pour le polailler (ou l’abattoir), qui achête le poulet vivant et le revend mort, le meilleur poulet est celui qui perd le moins de valeur au cours du conditionnement : ce résultat dépend du poids des viscères et de la résistance de la carcasse aux opérations d’abat¬ tage qui sont de plus en plus mécaniques. On concoit facilement que ces deux points de vue ne coincident pas avec les desiderata du consommateur pour lequel le meilleur poulet est celui qui lui procure, après cuisson, la plus forte proportion de morceaux savoureux. En fait, notre marché traditionnel de la volaille est surtout fondé sur le poids et la présentation extérieure de la carcasse dont les récla¬ mations actuelles nous montrent suffisamment qu’elle n’a que des rela¬ tions aléatoires avec les qualités gustatives. C’est la raison pour laquelle la campagne actuellement entreprise par l’A F.A.O. (Association Française pour l’Amélioration de la Qualité des produits agricoles) fait intervenir dans la qualification du poulet commercial qu’elle contrôle une appréciation directe de la qualité gus¬ tative, déterminée au moyen de tests de dégustation. dernière décade. PRODUCTION ET QUAUITE ALMENTAIRE 49 Nous verrons tout à l’heure quels autres facteurs doivent aussi être pris en considération pour aboutir à une amélioration de la qualité du poulet tel que l’entend le consoinmateur. COMPOSITION DE LA VIANDE DE POULET. Certains constituants de la viande de poulet varient sensiblement suipant son dae. C’est notamment le cas de l’eau et des lipides comme le fait ressortir le tableau suivant (1) : Tandis que les protéines et les minéraux restent constants entre 7 et 15 semaines, la teneur en eau s’abaisse de 15 % et la teneur en lipides augmente de 17 %%. A un âge donné, pour un même animal, la teneur en lipides varie également suivant la partie de la carcasse que l’on considère : elle varie en particulier pour le blanc et pour le bis, comme le montrent les chiffres ci-après, relatifs à un poulet de 12 semaines (1) : Les tests de dégustation confirent que la qualité gustative varie aussi avec la composition du poulet : dans l’état actuel de nos obser¬ vations, il semble bien que l’âge ait une influence prépondérante sur le développement de la saveur. Remarquons à ce propos que dans la mesure où les progrès de la technique avicole nous permettent d’obtenir des poulets de poids commercial (1 500 g environ) à un âge de plus en plus précoce, ils nous conduisent à un abaissement corrélatif de la saveur de ces pou¬ lets. En fait, le rajeunissement du poulet commercial est également une des principales causes de la diminution de goût contre laquelle récriminent (à juste titre) la plupart des consommateurs. Notons en effet que l’age moyen des poulets abattus pour le marché est passé. en élevage rationnel, de 13 semaines à 9 semaines au cours de la PRORLEMES POSES PAR LA DETINITION DES ALIMENTS 50 L’analyse des protéines de la viande de, poulet (2), nous montre qu’elle est relativement riche en acide glutamique (14 % des protéines totales), glycine (10 %), lysine (7,5 %), arginine (6,5 %) et leucine (6,5 %2). D’après Marion et Stadelman (3), la viande de poulet serait une excel¬ lente source de protéines. Sa digestibilité est bonne : sa valeur biolo¬ gique est voisine de 87. L’analyse des lipides nous révèle une forte proportion d’acides gras désaturés et une teneur relativement faible en cholestérol (60 m pour 100 « de viande de poulet au lieu de 125 mg pour 100 g de viande de bœuf) (4). D’après SCOTT, la graisse du poulet et du dindon a une composition qui rappelle celle d’une huile végétale (4). WATT et MERRILL, (5) enfin estiment que la viande de poulet est une source intéressante de riboflavine et de niacine. LES PRINCIPALES MODITICATIONS DE LA COMPOSITION ET DE LA QUALITE DU POULET. Nous avons déjà vu l’influence de l’âge sur la composition et la qualité de la viande de poulet : celles-ci dépendent également d’autres facteurs qui interviennent aux différents stades de la carrière du poulet. Facteurs génétiques. La constitution génétique du poulet intervient dans la détermi¬ nation de sa croissance (de son poids), de sa conformation, de la couleur de la peau et des pattes. Bien que celle-ci ait encore une influence prépondérante sur le marché du poulet (les poulets jaunes se vendent plus ou moins chers que les poulets, blancs suivant les régions), on n’a pas encore établi de relation entre ce caractère et la qualité de la carcasse. La justi¬ fication de la pratique commerciale semble tenir à des habitudes régionales. Il semble en être de même pour le poulet de Bresse dont les qualités de carcasse (finesse de la peau, de la viande et du sque¬ lette) ne sont pas liées à la pigmentation traditionnelle de la patte bleu foncé. Il en est de même pour la couleur du plumage, en dépit de certains préjugés. Etot sanitaire. Celui-ci peut avoir une répercussion directe sur la croissance et sur la composition anatomique de la carcasse à un âge déterminé. Les poulets qui terminent leur carrière à l’abattoir dans un état sani¬ taire défectueux ont en général, au même âge, un poids inférieur aux autres et une carcasse plus maigre. Il est probable qu’ils ont aussi une saveur différente, bien que cela n’ait pas été observé méthodiquement. PRODUCTION ET QUAUITE AUMENTAIRE 51 Afimentation. Indépendamment du rêle général qu’elle peut jouer dans la crois¬ sance, la nature du régime peut avoir une influence importante sur la composition de la carcasse. Dès 1938. HARSHAW (6) a montré que les régimes composés presque exclusivement de céréales augmentaient la teneur en graisses de la carcasse au fur et à mesure que le poulet avançait en àge. Les études de DONALDSON en 1956 (7) ont montré que la compo¬ sition de la carcasse variait en fonction de la relation nutritive du régime, c’est-à-dire en fonction du rapport entre les protéines et les calories de la ration. Quand le rapport Calories-Protéines de la ration augmente, les lipides de la carcasse augmentent tandis que l’eau et les protéines diminuent : D’autres travaux (8) (9) ont montré que la forme sous laquelle l’énergie était apportée dans la ration (glucides ou lipides) influait également sur la composition chimique de la carcasse : lorsque l’énergie est apportée sous forme de matières grasses, les lipides de la carcasse augmentent. On a observé d’autre part que les régimes riches en lipides et pauvres en cellulose augmentent le poids des viscères (10). Les régimes pauvres en graisse améliorent la saveur et l’arôme de la viande et du jus après cuisson (11). Il semble en être de même des régimes de finition à base de céréales et de lait écrémé d’après nos propres expériences (12). Certains gouts désagréables peuvent également passer dans la viande de poulet à partir des constituants du régime. C’est le cas notamment pour les goûts de poisson qui peuvent provenir des farines de viande ou de poisson, ou même du tourteau de lin non déshuilé. contenant des acides gras insaturés (13). Les pigments contenus dans la chlorophylle et dans le grain de mais jaune sont réputés pour renforcer la pigmentation jaune des poulets : au contraire le riz, le lait, l’orge, la chataigne blanchissent la peau et la graisse sous-cutanée (13). Certains se sont élevés avec véhémence contre les « produits chi¬ miques » ajoutés à la nourriture des poulets : il est exact que l’on incorpore aux rations des médicaments ou des adiuvants destinés à protéger les poussins contre les maladies du jeune âge (pullorose et coccidiose notamment), ou à favoriser leur croissance (antibiotiques). PROBLEMES POSES PAR LA DETINITION DES ALIMENTS 52 Il faut savoir que l’emploi de ces produits est sévèrement contrôlé et que leur usage n’est autorisé qu’après l’épreuve de leur innocuité pour le consommateur. Les réclamations à ce sujet n’ont donc pas de fondement. Rappelons à ce propos que l'’usage des hormones femelles pour le chaponnage chimique du poulet a été interdit par un décret du 24 mars 1956, ainsi que celui des dérivés de l’arsenic et de l’antimoine. Méthodes d’élevage. Eles ne paraissent pas avoir une influence sur la qualité du poulet, dès lors qu’elles ne conduisent pas à un état sanitaire défec¬ tueux. Des poulets d’une qualité comparable peuvent être obtenus par l’élevage en liberté ou en claustration, au sol ou en cages, si cet éle¬ vage est bien conduit (14). Les affirmations relatives à la supériorité du poulet fermier doivent être rapportées à son age beaucoup plus qu’à la nature de son élevage Abottage - Conditionnement. La manière dont le poulet est tué a peu d’importance, pour sa qualité ultérieure, pourvu que le saignage soit rapide et complet. L’influence du mode de plumaison, à l’eau ou à sec, ainsi que l’opportunité de l’éviscération immédiate, sont controversées. Il semble par contre important de refroidir rapidement le poulet après l’abattage, si l’on veut avoir une meilleure conservation. Conservation. Le poulet se conserve normalement 4 à 5 jours avec une temné¬ rature inférieure à 10° : 28 à 30 jours à 09: 3 mois à — 122 et 6 mois à — 18 C (1). Pendant ces temps l’oxydation lente des graisses de la carcasse qui se poursuit même à basse température, peut conduire à un ran¬ cissement plus ou moins prononcé. La congélation provoque le noircissement des os. Si elle est trop brutale elle peut provoquer sur la carcasse l’apparition de taches brunes caractéristiques Cuisson. D’après les observations de plusieurs experts les poulets à peau fine et à viande tendre supportent mieux la cuisson à la broche ou au gril que le rôtissage au four. Cette observation semhle valahle pour la plupart des poulets jeunes que nous oitre actuellement le marché. PRODUCTON ET QUAUTE AUMENTAIRE 53 CONCLUSION. Cet exposé, quoique sommaire, montre que la qualité du poulet renferme un ensemble complexe de caractères dont certains peuvent être antagonistes. Nous ignorons encore à peu près tout sur le déter¬ minisme de la saveur et ceci rend assez difficile la définition d’un programme rationnel pour l’amélioration des caractères qui intéressent directement le consommateur. Dans l’état actuel des choses, l’appli¬ cation correcte des techniques d’élevage, la limitation inférieure de l’âge du poulet commercial et le contrôle de ses qualités gustatives par les tests de dégustation constituent des premiers pas dans une direction qui reste à suivre. BIBLIOGRAPHIE (1) Journées de la Volaille et de T’œEuE. — 1 voL. CNRS, édit, 1954, Paris. (9) WILLIAMS (H.A.) et al. — T. BioL. chem, 1954, 2098, 27-288. (3) MARION et STADELMAN. — L. Am, Dietetic Asso, 1958, 34, 6I1-614. (4) SCOTT (M.L.). — J. Am, Dietetic 45so, 1958, 34, 154-16. (5) WATT (B.R.) et MERRILL (A.L.). — V.S.D4. Aariculturat Handbook no 8, 1950. (6) HARSHAY (H.M.). — Poult. Sci, 1938, 17, 163-169. (7) DONALDSON (W.G.) et al. — Poult. Sci, 1956, 35, 1100-1105. (8) BALDINI (J.T.) et ROSENRERG (HLR.). — Poult, Sci, 1957, 36, 432-435. (9) WILLIAMS (M.A.) et GRAU (C.R.). — J. Nutrition, 1956, 59, 255-265. (10) HARMS (R M.) et al. — Poutt. Sci, 1957, 36, 420-422. (11) BRANDT et al. — XI Congrès Mondial Avicuture, 1958. (2) CALET (C) et DELPECH (P.). — Ann, 790L, 1958, 4, 325,240. (13) PERO (R.), CALET (C) et DANSETTE. — But, Ind. Alim. Anim, 1957, 79, 29-35. (14) HANSON et al. — Poutt. Sci, 1959, 38, 1071. DEUXIEME PARTIE ORGANISATIONS PROFESSIONNELIES ET QUAUITÉ ALIMENTAIRE 1 — Pcoblèmes de la qualité au niveau d’une Fédé¬ M. DIETLIN ration d’Industries de Produits Atimentaires: F. de LINIERES 2 — Points de vue d’uu sypdicat oorticulier....: A. DUFFAURE 3 — Prise de conscience chex les cultivoteurs... ORGANISATIONS PROTESSIONNELES ET QUAULTE ALIMENTAIRE 57 1- PROBLEMES DE LA QUAUTE AU NIVEAU D’UNE FÉDÉRATION D’INDUSTRIES DE PRODUITS ALIMENTAIRES M. DIETLIN Pour l’organisme professionnel qui a comme adhérents les diverses branches d’industries (une quarantaine) traitant ou transformant les produits de la terre ou de la mer pour en faire des produits alimen¬ taires, les préoccupations relatives, à la qualité de ces produits ali¬ mentaires sont d’un ordre différent non seulement de celles des hommes de science ou des technologues, ce qui est évident, mais aussi. ce qui l’est peut-être moins à première vue, des préoccupations au niveau de l’entreprise ou du syndicat d’une industrie déterminée. La F.LA, qui œuvre au nom et pour le compte d’industries diverses. aux intérêts souvent divergents ou même opposés, qui n’a pas de contacts directs avec les firmes et se garde de pénétrer dans le domaine de chaque syndicat d’industrie, n’intervient qu’à l’occasion de ques¬ tions générales communes aux diverses branches qu’elle rassemble. questions souvent posées et traitées dans la perspective d’une meil¬ leure organisation du ou dans le secteur industriel dont, sur ce plan d’ensemble, elle exprime les préoccupations ou réalise les projets. Concernant la qualité, cette vocation, sur quels plans se manifeste¬ t-elle 2 En d’autres termes, quel dénominateur commun permet une intervention inspirée par le souci de répondre en fin de compte à certaines préoccupations et à certains desiderata de chaque branche barticulière d’industrie et de chaque entreprise 2 Jusqu’a présent, l’action de la F.LA, s’est exercée en fonction des deux considérations suivantes : 1) Position de l’industrie et de l’industriel au regard de l’aspect scientifique du problème de la qualité : 2) Position de l’industrie au regard de la certification de la qualité des produits. POSITION DE L’INDUSTRIE AU RECARD DE L’ASPECT SCIENTIEIQUE DU PROBLEME DE LA QUALITE. La notion de la qualité en général et de la qualité d’aliments ou d’un produit alimentaire en particulier, est difficile à saisir et à définir. Il n’est pas besoin d’y revenir. leurs professions. 58 PRORLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALMENTS L’industriel, dont des exposés vous ont rappelé, devant cette notion, les préoccupations diverses, technologiques, organoleptiques. commerciales, au niveau de l’entreprise, de la profession, d’un institut technique, au regard des difficultés d’ordre scientifique, impliquées par cette notion parce que inhérentes à la nature du produit et de ses composants, est en règle générale dans la situation suivante : il n’est pas un homme de science, il n’est pas un chercheur, surtout au niveau fondamental, ni un médecin, ni un clinicien, etc., etc, et il se trouve en présence de problèmes qui n’ont pas encore de solu¬ lions ou dont lès solutions actuelles même celles retenues par les autorités officielles, sont souvent révisées ou font l’objet de contro¬ verses entre hommes de science médecins etc. Par ailleurs, il est soumis au contrôle d’une administration répressive et se trouve en butte aux attaques — de même d’ailleurs que cette administration. les autorités officielles et d’autres hommes de science " — de certains cercles dont les animateurs ou certains d’entre eux sont assurément de bonne foi mais qui perdent de vue ou dont l’entourage perd de vue la notion de rigueur scientifique dans l’exposé public de leurs idées, qui perdent aussi de vue cette rigueur à l’occasion de l’appli¬ cation des moyens qu’ils préconisent pour la fabrication de produits conformes à leurs normes.. Devant cette position inconfortable, notre rôle a consisté et consiste à rappeler et à faire comprendre que l’industriel, qui n’est donc pas à même de juger par lui-même qui a raison dans les controverses dont les produits ou les composants des produits qu’il fabrique font l’objet, ne peut qu’avoir une position de stricte neutralité dans un domaine où la connaissance scientifique semble moins certaine que dans d’autres. C’est aux hommes de science à rechercher la vérité ou à pro¬ gresser dans cette voie quitte « à se battre entre eux » pour justifier et faire triompher leurs points de vue respectifs. L’industriel, dont le combat se situe au niveau de la concurrence industrielle et commer¬ ciale, se doit, quant à lui, et c’est primordial, étant donné qu’il s’agit de faire passer les acquisitions de la science dans le produit fabriqué à l’intention du consommateur, d’informer les chercheurs sur les impli¬ cations du traitement industriel : souvent des solutions de principe ou de laboratoire ne sont pas assimilables par l’industrie. Il faut donc pousser la recherche plus loin, éventuellement l’orienter dans des voies nouvelles. L’industriel, en fin de compte, s’inclinera devant la vérité définitive ou passagère telle qu’elle s’exprimera dans les textes officiels. qui confirmeront ou modifieront des réglementations antérieures ou en introduiront de nouvelles. Vis-à-vis de personnalités ou d’organismes dont les controverses. même passionnées, demeurent sous le signe de la rigueur scientifique. il appartient aux industriels — beaucoup d’entre eux le savent et le font — d’aider matériellement les hommes de science dans leurs recher¬ ches, de susciter même ces recherches, de faire eux-mêmes de la recherche appliquée dans les laboratoires de leurs entreprises ou de ORGANISATIONS PROTESSIONNELLES ET QUAUTE AUMENTAIRE 50 Quant aux organismes dont les méthodes sont éloignées de toute rigueur scientifique, notre position est dans la ligne de celle qui vient d’être définie: ce ne sont pas les industriels qu’il faut mettre en cause, si les produits de base, les composants utilisés ou les produits fabriqués ne sont pas conformes aux normes de ces organismes. Il y a naturellement des fraudeurs, mais ce n’est, pas d’eux qu’il s’agit. Les porte-parole de ces organismes doivent d’abord confronter leurs vues avec celles des autres spécialistes. Cette confrontation seule per¬ mettra de déceler où se situe la vérité ou le progrès. En attendant. et tant que ne cesseront pas les outrances démagogiques, qu’elles résultent d’un manque de bonne foi ou, ce qui serait pire, d’un manque d’information, il ne parait pas possible d’accorder à des organismes le bénéfice de cette neutralité dont nous faisions état plus haut. C’est pour permettre à l’industrie, dans son ensemble, de mani¬ fester les points de vue ci-dessus, que la F. LA, a créé, il y a trois ans. un « Comité Alimentation-Santé ». Le but de ce Comité est d’associer au niveau des professions les industries aux recherches sur les inci¬ dences sur la santé du consommateur des produits alimentaires et des procédés mis en œuvre pour appliquer les résultats de ces recherches. La liaison qu’il établit avec les milieux scientifiques et adminis¬ tratifs permet une information mutuelle : celle des industriels sur les travaux scientifiques en cours et les projets de réglementation des Administrations, celle des hommes de science et des Administrations sur les préoccupations des industries, les difficultés qu’elles rencontrent dans l’application des résultats des travaux scientifiques. Autre illustration de ce qui a été dit : le Comité tient la liaison en cause avec toutes personnalités ou tous organismes dont les tra¬ vaux ont trait à son objet, sans qu’il puisse être question de patronner telle ou tel plutôt que d’autres. La notion de neutralité, d’objectivité. impliquée par le défaut de compétence de l’indastriel est exclusive de toute sélection. Nous devons demeurer en contact avec ceux qui. à un titre ou à un autre, mais pourvu qu’ils le fassent scientifiquement. interviennent, sur leur plan, dans un domaine qui, sur un autre plan et dans des perspectives différentes, est aussi celui de nos industries. POSITION DE L’INDUSTRIE AU RECARD DE LA CERTIFICATION DE LA QUALITE DES PRODUITS. De ce deuxième point de vue, les préoccupations de la E.LA, ont trait aux problèmes posés par le développement des marques collec¬ tives et leur usage en faveur d’une politique de qualile Multiplicité et diversité des marques collectives. M. PEILLON vous a rappelé que, pour manifester et garantir la qualité de leurs produits, les industriels ont évidemment recours, en premier lieu aur marques indipiduelles. Mais le désir d’apporter une garantie supplémentaire et objective au consommateur a conduit à mais aussi des industriels. 60 PRORIEMES POSES PAR LA DEEINITION DES AUIMENTS compléter la marque individuelle par des marques collecfipes Ces der¬ nières peuvent être le fait de syndicats ou d’associations profession¬ nelles comme d’entreprises ou d’associations étrangères à la profes¬ sion. Dans certains cas, les Pouvoirs Publics garantissent eux-mêmes la qualité sanctionnée par la marque collective. Ce que vous a dit M. PEILLON montre qu’il n’y a pas toujours identité de vues entre certaines firmes disposant d’une marque individuelle et les promoteurs de marques collectives. Il faut aussi signaler que la normalisation, déjà adoptée en de nombreux pays étrangers, et pour quelques produits en France, a un rôle à jouer en matière de qualité des produits alimentaires. Soit direc¬ tement parce qu’elle permet de définir des critères et des spécifications de qualité (normalisotion dite qualitative), soit indirectement parce qu’elle permet de simplifier et de réduire les appellations, de standar¬ diser les dimensions, les méthodes d’analyse et de contrôle, d’assurer l’homogénéité des produits, etc, etc. La F.LA, a créé, en 1955, un Bureau Professionnel de Normalisation des Produits Alimentaires. En bref, les moyens de certification concernant plus ou moins directement la qualité, auxquéls il faut naturellement ajouter les régle¬ ments des fraudes, sont nombreux. Il serait trop long, ici, de donner les caractéristiques et les buts de chacun d’eux. Nous n’en feron qu’une énumération, d’ailleurs non limitative. a) Mouens publics ou professionnels. Réalements des frandes, regles professionnelles des Centres Tech¬ niques Indusfriels, en aénéral dans la mesure ou il s’aait du, seuil minimum de qualité: normes AFNOR, normes du Groupe d’Etudes Permanent des Marchés de Denrées 4 limentarres, labels d’oriaine non contrôlée, labels d’origine controlée, labels d’exportation, labels d’ori¬ gine joints a certains critères, labels de qualité. b) Mouens autres. Notices de qualité de l’Association « Qualité-France », labels ou marqnes d’eptreprises teles que l’Insitut de la Diététique, le Comité National de la Qualité, projet de label AFRAN, label de l’A.F.A.O., etc. En vérité, l’on se trouve en présence d’un ensemble peu cohérent de mesures, dopt chacnne a éfé concue ef est mise en œupre sans égard aux autres. D’où confusion dans l’esprit des consommateurs. Nécessité et modalités d’une mise en ordre. Le problème pour une Fédération d’industries dont les professions s’attachent à la promotion collective d’une qualité dont les facteurs ne sont pas seulement d’ordre biologique ou nutritionnel est donc de par¬ venir à mieux définir les rôles respectifs de chacune des mesures obligatoires ou non, publiques ou résultant d’initiatives particulières. qui conditionnent, déterminent ou certifient la qualité des produits. ORGANISATIONSPROTESSIONNELESET QUALITE ALMENTAIRE 1 Il est aussi, ce rôle, d’essaver de distinguer les valeurs relatives de ces mesures. L’existence de marques attribuées sans contrôle ou après des contrôles insuffisants ou selon des critères trop bas, nuit aux marques valables et apporte une perturbation sur le marché. La plupart de ces mesures ont sans doute leur rôle particulier. leur utilité, leur justification dans l’esprit de leurs promoteurs, en fonction de leur conception de la qualité, de l’aspect de la qualité qu’ils ont retenu. Faudrait-il encore que ces promoteurs reconnaissent qu’ils ne peuvent en proposer l’emploi (ou contester celui d’une mesure voi¬ sine) qu’à condition qu’elles soient respectivement situées les unes par rapport aux autres et par rapport au produit. Il semble, en effet, qu’en les classant selon l’ordre croissant de qualité qu’elles se proposent de sanctionner, il deviendrait possible de mieux discerner leur nature et leurs rôles respectifs. L’on constaterait rapidement, à notre sens, qu’il y aurait lieu de distinguer deux grandes catégories de ces mesures : a) Celles qui ont pour objet la protection de la santé publique (type label AFRAN), Nous pensons que c’est à tort qu’il est proposé pour assurer cette protection des mesures collectives du type marques ou labels : le domaine de la protection de la santé publique est celui des Pouvoirs Publics. Dans la ligne de ce qui a été dit dans la pre¬ mière partie de cet exposé, c’est à eux de décider si les propositions des promoteurs d’actions en faveur d’une meilleure protection de la santé publique doivent, après confrontation avec les points de vue des autres spécialistes, être retenues ou non par la réglementation offi¬ cielle, en bref : si le seuil minimum de protection doit être relevé. Il ne nous semble pas possible que les Pouvoirs Publics laissent se créer deux façons de protéger la santé du consommateur : celle qui résulte de leur propre réglementation et celle qui résulterait d’une réglemen¬ tation autre. En d’autres termes, à notre point de vue, des mouvements qui prétendent désigner des produits non nuisibles ou moins nuisibles à la santé du consommateur, ne doivent pas se manifester par l’octroi de marques, labels, etc. Ces marques, ces labels ne sont même pas concevables, ne serait-ce que par le doute qu’ils laissent planer sur les produits qui ne les portent pas mais qui sont pourtant conformes à la réglementation officielle. C’est par cette réglementation, et non par les marques, que les animateurs des mouvements en cause doivent s’effor¬ cer de faire triompher leurs thèses : b) La deuxième catégorie de mesures collectives, mais en fait la seule, selon nous, se propose au contraire de distinguer les produits au-delà du seuil minimum de protection de la santé publique, en fonc¬ tion d’éléments divers que M. de LINIERES évoquera devant vous et qui concourent à conférer à un produit un degré plus ou moins élevé de qualité ou plutôt de qualités au pluriel (caractères, attributs intrin¬ sêques ou extérieurs du produit). C’est cette qualité ou ces qualités au-delà du seuil de protéction de la santé publique qui constituent proprement le domaine des marques collectives, celles dont nous par¬ lerons désormais dans la suite de cet exposé. Une remarque importante PRORIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALIMENTS 62 doit être faite ici : cet exposé est consacré aux seules marques collec¬ tives. Le manque de temps ne permet pas d’aborder la question des rapports entre marques individuelles et marques collectives. C’est un aspect qui ne doit pas être oublié et devra être traité à une autre occasion. C’est donc en faisant de telles distinctions que l’on parviendrait à définir et à asseoir une politique de la qualité. Des indications très précises pourraient alors être données sur les critères selon lesquels pourraient être sollicités et devraient être attribués les certifications. les ignes des mesures ci-dessus énumérées sur les meilleures formules possibles aussi de garantie. Conditions d’applications des marques collectives. 1) Notre Fedération pose en principe apres ce qui viont d’être dit, que, s’agissant de produits alimentaires, l’attribution de « signes » distinctifs de qualité ne devrait (être accordée qu’a des produits déja conformes « une définition de base, objectipe et « a jour ». Si l’on reconnaissait par exemple : que les réglementations des fraudes ou les rêgles des centres techniques tenant lieu d’usages lovaux et constants déterminent le seuil minimum de vente d’un produit, c’est-à-dire celui qui assure la protec¬ tion de la santé publique : que la norme définit les différentes spécifications de dimen¬ sions, d’appellations, etc, d’un produit : il serait alors plus facile de faire admettre que les diverses marques collectives, les notices de qualité, les normes qualitatives de l’AENOR ou des centres techniques professionnels ne devraient être attribuées qu’à des produits répondant déjà aux exigences des défi¬ nitions de base des fraudes ou des centres techniques ou de la nor¬ malisation ou à celles résultant de leur combinaison. En bref, l’apposition de ces marques attesterait que non seulement les seuils obligatoires ou de hase sont atteints, mais qu’ils sont dépas¬ sés et qu’ils le sont dans telle ou telle mesure. 2) Quant aux modalités d’application de ce principe c’est-à-dire quant à la détermination des critères d’attribution de ces marques sup¬ plémentaires de qualité, au contrôle des produits qui en bénéficieraient et, par conséquent, à la garantie même de leurs qualités (il s’agit, je le rappelle, des qualités au-delà du seuil de protection de la santé publique), la F.L.A, estime que ce sont des questions à propos des¬ quelles la profession a un rôle primordial à assurer, ces questions ne sauraient en aucun cas être traitées par des organismes agissant en dehors de la profession. La détermination des caractéristiques qua¬ litatives d’un produit alimentaire, c’est-à-dire d’un produit agricole ou de la pêche traité ou transformé par l’industrie, met en œuvre les ORGANISATIONSPROTESSIONNEUES ET QUALTE ALMENTAIRE (3 facteurs les plus divers (c’est-à-dire pas seulement scientifiques) qui nécessitent entr’autres la connaissance la plus totale possible des condi¬ tions de fabrication comme du comportement des produits et de leurs composants pendant les opérations de fabrication, la connaissance aussi du marché, du goît des consommateurs, etc. Il importe en outre que les organisations professionnelles, qui ont pour mission de défendre les intérêts collectifs de leurs adhérents, veillent à ce que des initiatives extérieures à la profession ne viennent pas entraver les actions profes¬ sionnelles qu’elles ont engagées et animent en matière d’amélioration collective de la qualité et, par conséquent, d’assainissement du marché. Le rôle des professions est donc essentiel lors de l’établissement du « Cahier des Charges » qui fixe les conditions auxquelles devront répondre les produits soumis au contrôle. C’est pour répondre à ces préoccupations que la F. J.A, a établi avec Qualité-France un accord de procédure à l’occasion de l’octroi de la notice de Qualité-France à un produit alimentaire, cet accord toutefois n’est pas d’application obligatoire. Il est bien entendu, c’est un dernier point à signaler, qu’aucune marque collective délivrée par des organismes non officiels ou étran¬ gers à la profession ne doit être obligatoire. C’est à chaque firme, à chaque profession, à définir leur attitude à leur égard. Toute intervention qui récuse, sous quelque prétexte que ce soit. les professions à un moment ou celles-ci et les entreprises se penchent sur le problème, soit en accord avec les Administrations pour établir ou améliorer les réglementations de base, soit en liaison avec les milieux scientifiques pour déterminer ou définir les qualités propre¬ ment hygiéniques des produits, serait maladroite et prématurée en ce sens qu’elle apporterait des éléments de confusion supplémentaires dans un domaine où manque de méthodes et de coordination et diffi¬ cultés techniques inhérentes à la nature des produits et à une termi¬ nologie incertaine n’existent que trop et où l’action professionnelle entreprise tend précisément à mettre de l’ordre. Un groupe de travail spécialisé de ta Cominission des Industries de l’Alimentation du Commissariat au Plan, réunissant aussi bien des fonctionnaires et des techniciens que des professionnels, a d’ailleurs approuvé ces vues puisqu’il a exprimé le vœeu suivant, à savoir que : « toutes marques, labels, notices de qualité, etc, d’ordre collectif ne puissent être délivrés à un produit alimentaire qu’à la condi¬ tion que ce produit réponde au minimum aux exigences formulées. selon les cas, par les réglements des fraudes, les notices des centres techniques, les normes de l’AENOR, les spécifications d’ordre public. En raison, d’autre part, de l’importance des conditions techniques de fabrication comme du comportement des produits et de leurs com¬ posants pendant les opérations de fabrication, l’avis des profession¬ nels est essentiel Aucune marque, aucun label, aucune notice de qualité, etc, d’ordre collectif ne devrait donc pouvoir être délivré sans le concours des professions, 3 64 PRORIEMES POSES PAR. LA DEFINITION DES AUIMENTS Qualification des organismes délivrant des marques collectives. Il a été fait brièvement allusion à un autre aspect de la question : celui des garanties offertes par les organismes délivrant des marques collectives. Il faut y revenir. Certains des organismes privés qui se proposent d’attester la qua¬ lité des produits par une certification particulière, et parfois simple¬ ment à la suite d’une simple inscription publicitaire, ne disposent pas toujours ou ne disposent qu’insuffisamment de moyens de contrôle. Ils prétendent même délivrer ces attestations en l’absence de la régle¬ mentation de base des fraudes et sans atendre que soient terminés les travaux entrepris par l’Administration et les professions pour amélio¬ rer ces réglementations ou les usages auxquels on se reporte, en l’absence de celles-ci. Ils vont jusqu’à se référer à des critères éla¬ borés par des Comités désignés par eux seuls et où les professions. comme les Administrations compétentes, ne sont pas représentées ou le sont d’une façon inadmissible. Il ne s’agit certes pas, pour éviter de tels abus, de remplacer les marques collectives existantes par une marque unique, de réaliser en quelque sorte un monopole du contrôle de la qualité. L’expérience, ou plutôt l’échec de la « Marque Nationale de Qualité » a montré tous les inconvénients et les dangers de la formule : création de services très lourds n’avant pas le sens des réalités et des problèmes industriels et commerciaux, découragement des efforts individuels d’innovation, etc. De même, une simple réglementation administrative des labels de qua¬ lité serait également à craindre, car elle stériliserait le mouvement actuel en faveur du contrôle de la qualité. L’Etat, qui a une mission traditionnelle de répression des fraudes. devrait intervenir dans tous les cas où la marque de qualité est attri¬ buée selon des critères ou dans des conditions de contrôle et de garantie qui ne correspondent pas à ce qui est annoncé. Mais l’Admi¬ nistration des Fraudes est pratiquement dépourvue de moyens. Pour faire en sorte que les organismes chargés de la gestion des marques collectives offrent toutes garanties désirables et pour éviter aux Pouvoirs Publics d’avoir à intervenir autrement que pour réprimer les fraudes dans le domaine du contrôle de la qualité, où l’on en est encore au stade de la recherche et des expériences, il faudrait donc. selon nous : 1) Que le Cahier des Charges relatif à l’attribution de la marque collective, lors de l’élaboratiop duquel les professions doivent donc assumer un rôle déterminant, soit particulièrement rigoureux à ce sujet. C’est dans cet esprit que le Groupe de travail précité du Commis¬ sariat au Plan a formulé aussi le vœu suivant, à savoir que : « Des mesures soient prises pour que la délivrance de ces marques. « labels, notices de qualité, etc, d’ordre collectif ne puisse être le fait « que d’organismes disposant des moyens quantitatifs et qualitatifs suf¬ ORGANISATIONSPROEESSIONNELES ET QUAUITE ALIMENTAIRE 65 « fisants en personnel et en matériel, pour pouvoir assurer, d’une « manière rigoureuse et constante, le contrôle et la garantie, des pro¬ « duits auxquels seraient attribuées ces marques, labels, notices de « qualité, etc, jusqu’à la vente au détail. » Pratiquement, si les professions définissaient les conditions que. pour le succès d’une politique de qualité, les organismes intervenant en la matière devraient remplir, celles aussi, par définition, que devraient remplir les firmes, l’on peut penser que les firmes ou les professions qui seraient sollicitées par ces organismes pourraient se référer à ces conditions pour sassurer du sérieux des propositions qui leur seraient faites. Les représentants des organismes en question devraient fournir la preuve des moyens qu’ils ont en leur possession au lieu de se contenter, comme actuellement, de simples affirmations : 2) Que, et c’est une idée qui a été formulée relativement récem¬ ment et qui est la suite logique de ce qui précêde, les responsables des organismes s’assurant la gestion des marques collectives se mettent d’accord entre eux pour faire leur propre police pour obtenir un « assainissement de la profession ». E. de LINLÈRES 66 PPORIEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES AUIMENIS 2 - POINTS DE VUE D’UIN SYNDICAT PAPTICUILIER A la suite des exposés très pertinents que nous avons entendus hier et ce matin, j’éprouve quelque gène à prendre la parole. Il me revient de vous exposer les « points de vue d’un Syndicat particulier » : mais, vous le, savez, un organisme professionnel doit s’efforcer de n’exprimer que les opinions générales qui peuvent être dégagées de la confrontation des idées particulières de ses commettants. Pour vous entretenir avec autorité des points de vue de l’Orga¬ nisation professionnelle que je représente il aurait donc fallu en défi¬ nitive que je procède à une enquête auprès de ses membres sur le thême même qu’il m’était proposé de traiter aujourd’hui — ce que je n’ai pas eu le loisir de faire, vous vous en doutez De cette enquête, je puis cependant imaginer aisément ce qu’elle m’aurait apporté. D’abord, la confirmation de cette observation que le Docteur TREMOLIERES a très judicieusement faite au paragraphe 2 de sa Note d’Information sur le présent coloque : « Personne n’est, semble-t-il, actuellement capable d’analyser le « contenu de la notion Qualité et chaçun la présente en un langage « qui est mal compris. 2 Et pourtant, dans les professions que je représente, nombreux sont ceux qui paraissent avoir réglé le problème en ce qui les concerne. Certains fabricants ont, en effet, sollicité et généralement obtenu la délivrance d’un label de la part d’un Institut ou Organisme qui s’est donné pour mission de définir et de controler la qualité, en considé¬ rant l’aspect proprement oustatif, oraanoleptique du produit. D’autres ont sollicité une marque de garantié d’Organismes qui se proposent de définir la qualité des produits plus spécialement du point de vue de leurs « normes biologiques 2. Un troisième groupe — composé surtout de firmes dont les mar¬ ques sont notoirement connues sur le plan national — professe qu’il ne saurait concevoir d’autres garanties de la qualité que le nom même de la marque: vous venez de l’entendre confirmer avec netteté par M. PEILLON. ORGANISATIONS PROFESSIONNELESET QUALUITE ALMENTAIBE (7 Enfin, périodiquement, certains fabricants avant effectué dans le marché de la concurrence des prélèvements de produits, se retournent vers leur organisation professionnelle et réclament — quelquefois avec véhémence — la mise en chantier immédiate d’une réglementation de la qualité avec octroi d’un label. Quelquefois également, une suite est donnée à cette demande, des commissions ad hoc fonctionnent, élaborent des rapports, des projets. Dans certaines professions ils aboutissent, dans d’autres, non.. Vous le voyez, en définitive, il semble que dans une profession. la plupart de ses membres se fassent une idée assez nette sinon iden¬ tique de la qualité et finalement dans celle que je représente, il me parait qu’il n’y a guère que moi qui sois justifiable de l’observation du Docteur TREMOLIERES, c’est-à-dire qui sois incapable d’analyser le contenu de cette notion, ce qui me met dans une position quelque peu délicate aujourd’hui ! Si je me suis permis cette introduction, c’est qu’elle m’a donné la possibilité de vous laisser entrevoir, de prime abord, combien le « Pro¬ blème de la Qualité » est d’une approche malaisée pour un Syndicat Professionnel, puisque l’ensemble de ses membres, loin d’avoir une conception commune de ses données, est au contraire fort partagé sur la notion même de « Qualité » " Considérez au surplus qu’il s’agit, en l’occurrence, d’un groupe¬ ment dont la compétence s’étend à un ensemble de produits extrême¬ ment variés dont la production, enfin, bien qu’industrialisée, n’est pas tellement étrangère à celle des Métiers d’Art et de Création. Mais il est également une constatation qui s’impose immédiate¬ ment : c’est que la « Qualité » est un problème dont l’importance n’échappe pas aux membres d’une profession et les attitudes diverses que je viens de décrire ont en définitive un point commun : il y a. en quelque sorte, une « Quête » permanente pour en saisir les données. Les dirigeants et les animateurs d’une Organisation Professionnelle valable ne peuvent donc pas éluder une question qui préoccupe à si juste titre ses Adhérents. J’essaierai donc de dégager devant vous les conclusions, ou plu¬ 19t les réflexions auxquelles est parvenu le Groupement que j’ai l’honneur de représenter. Mais il est d’abord indispensable que je vous le présente. L’Union Nationale des Fédérations et Syndicats de Biscuiterie, Produits de Régime. Entremets Instantanés. Extraits de Malt Industriels et Ali¬ ments similaires est constituée de quatre groupes de produits, celur — des Riscuits et des Pains d’Epices. — des Biscottes. — des Aliments Diététiques et de Régime divers. — des Entremets Desserts Instantanés. 68 PROBLEMES POSES PAR LA DETINITION DES ALMENTS De ce simple énoncé il vous apparaîtra aisément que la notion même de la « Qualité » ne peut être identique dans l’ensemble de tout ce secteur. En effet, s’il va de soi que les fabricants des Groupes de la Bis¬ cuiterie et du Pain d’Epices, des Entremets et Desserts Instantanés sont surtout soucieux d’offrir au consommateur les produits les plus agréables au goût, les plus délicieux — une telle préoccupation n’arrive plus nécessairement en première ligne lorsqu’il s’agit d’un Aliment Diététique et elle est absolument secondaire quand il s’agit de cette catégorie particulière de l’Aliment Diététique qu’est le produit dit de « Régime ». La qualité d’un Biscuit s’apprécie en fonction des satisfactions gustatives qu’en retire le consommateur : la qualité d’une Biscotte « sans sel » pour le même consommateur astreint à un régime alimen¬ taire spécial doit répondre à d’autres critères. Il y a deux catégories de produits pour lesquels la conception même de la qualité ne saurait être la même. Je n’ai pas cru devoir examiner ici le problème dans le domaine des Produits Diététiques et de Régime qui pourraent faire l’objet d’un Exposé spécial. Le fait que nous recensons à l’intérieur de notre Union ces deux catégories nous a rendu sans doute plus sensibles que d’autres à l’un des aspects les plus importants du problème de la qualité en matière d’alimentation, et je crois qu’il est indispensable que nous fassions connaitre nettement et franchement notre modeste avis sur ce point. Je veux parler du problème de la « Qualité bioloaique des 4 liments ». Dans l’étude remarquable et ce, pour ma part, j’ai trouvé pas¬ sionnante, que le Docteur TREMOLIERES a bien voulu nous adresser en janvier dernier, nous informant de son intention d’organiser le pré¬ sent colloque, il nous a été proposé une nomenclature des critéres de la qualité alimentaire : Ceux liés à la valeur alimentaire : — le taux calorique. — certaines protéines animales. — les lipides. — les glucides : — Les critères psuchosensoriels et leurs effets sur les sensations digestives générales, organoleptiques : Les critères socio-économiques enfin. 7 Devant l’évolution des techniques et le développement de l’indus¬ trialisation à tous les stades de la production des aliments, c’est-à-dire aussi bien à la Terre qu’en Usine, devant aussi, il faut le reconnaitre. une apre concurrence imposée aux Producteurs et aux Commercants par l’Expansion économique, les milieux scientifiques et médicaux. préoccupés à juste titre de la santé publique, et en raison même du développement de leurs connaissances, ont été conduits à apporter la plus grande attention à la Nutrition humaine et animale¬ ORGANISATIONS PROTESSIONNELLES ET QUALTEAUMENTAIRE 69 Le problème qualificatif de l’alimentation s’est donc posé en termes de biolooie — et cette attitude est d’autant plus logique que la der¬ nière guerre avait entrainé des raréfactions de denrées essentielles et provoqué pour les populations, les prisonniers, et surtout les déportés. des désordres et carences mettant en péril même la vie des individus. Mais celles de nos industries qui fabriquent des produits qui sol¬ licitent le consommateur par leur attrait austatif considèrent que le critère de qualité fondé exclusivement — ou d’une façon prépondé¬ rante — sur cette notion biologique ne saurait être considéré comme satisfaisant. (Pendant la guerre, un concours avait été institué par les services du ravitaillement entre les fabricants de « petits déjeuners » pour fixer les bases de répartition des matières, et le Jury s’était préoccupé avant tout de rechercher les produits les plus « complets » les plus « équilibrés », en raisonnant exactement comme si la popula¬ tion ne devait s’alimenter qu’avec ce seul produit : Une pareille optique pouvait peut-être se justifier en période de pénurie, elle serait absurde en temps normal.). Il ne faut pas oublier — et M. MOCOUOT a fait la mêine remarque pour les fromages — que nos industries sont nées d’un artisanat dui était lui-même issu., de la cuisine. Les fabricants de produits sucrés — qui ne renient pas leurs origines — revendiquent donc, comme étant une de leur raison d’être, la nécessité de flatter le gout du consommateur — de solliciter son désir, son « appétence ». Ce serait pour eux renoncer à une grande part de leur vocation d’accepter une « délibidinisation » de leurs produits. C’est pourquoi ils estiment que la valeur nutritionnelle si impor¬ tante qu’elle soit, ne doit pas avoir le pas dans l’établissement des critères de qualité. Une expérience récente, celle des « Biscuits Levurés » distribués dans les écoles, a prouvé que le goût jouait un rôle prépondérant. Le produit doit être « bon , si possible « très bon », l’idéal étant qu’il soit « délicieux ». Si de surplus — et il se trouve que tel est bien le cas dans la plupart des industries alimentaires — ce produit apporte au consom¬ mateur des éléments d’une grande valeur nutritionnelle : taur calo¬ rique, teneur en tipides et alucides, cela n’en est que mieux, et l’on peut compter que le fabricant saura faire état de ces caractères nutri¬ tionnels pour augmenter sa publicité, sa propagande auprès du consommateur : Le consommateur continue d’apprécier les fruits pour leur saveur. tout en avant maintenant connaissance de leur richesse en vitamines. et du caractère bienfaisant pour la santé que leur confère cette richesse. Cela posé, on est alors conduit à reconnaitre que la définition de la qualité de tels produits n’est pas aisée : les goûts sont variés sui¬ vant les individus, les régions. 70 PROBLEMES POSES PAR LA DETINITION DES ALIMENTS Je citerai, à titre d’exemple, le cas du Pain d’Epices : avant la dernière querre, il n’était presque pas consommé au-dessous d’une ligne passant par la Loire aujourd’hui il l’est dans tout le territoire métropolitain et dans certains pays de la Communauté. Dans les industries comme les nôtres, l’un des caractères fonda¬ mentaux de la qualité est donc extrémement difficile à définir et il ne peut faire l’objet d’aucune mesure. On entre immédiatement dans le domaine- du subicctif. Cependant, on peut poser des principes qui seront aisément admis. 1) On ne peut « faire bon » sans bonnes matières. Le problème de la qualité du produit « fini » est intimement lié dans nos branches à celui de la qualité des matières premières cmplonǴeS Pour certaines d’entre elles — si nous avons été amenés à faire quelques réserves au sujet de l’importance donnée à la valeur biologique du produit fini — il est certainement indispensable que des conrrd̂les bactérioloaiques soient faits (œufs, lait.). De toute façon, il est donc nécessaire que les normes qualitatives de ces dernières soient préalablement définies et connues. Cela est du domaine des fournisseurs, mais également de l’utilisateur. Il ne suffit pas en effet de parvenir à s’entendre sur la qualité intrinsêque d’un corps gras, d’une farine, d’un sucre, il faut encore qu’il s’agisse d’une qualité adaptée à l’emplot qui doit en être fait. (On a cité hier que certaines variétes de blé (Etolle de Choisy n’étaient pas satisfaisantes — pour certaines fabrications sans doute : pain, biscottes, mais pour d’autres : biscuiterie, elles le sont peut-être.) 2) En supposant franchie cette étape difficile, le problème de la qualité par le fabricant est encore loin d’être résolu. On se trouve alors devant le fait bien connu : donnez à deux cuisinières exactement les mêmes produits et elles vous feront deux plats différents. Dans nos industries en effet, la question du « savoir-faire », du « tour de main ». joue encore un rôle. La part du Maitre-d’œuvre, du Chef de fabrication. reste très importante. Il tend cependant à passer à l’arrière-plan dans les grandes Entreprises, et ici, nous vovons le problème de la qualité se compliquer du fait de l’apparition d’un outillage moderne capable de produire de grandes quantités. Il y a des impératifs économiques qu’il serait vain d’ignorer, notamment : le cout de la production, l’abaissement des prix de revient. Ils orientent de plus en plus l’entre¬ preneur vers la production de série, l’article standardisé. Et l’on peut se demander si « quantité » et « qualité » ne sont pas en définitive — dans nos branches comme dans beaucoup d’autres deux notions contradictoires. Il y aurait beaucoup à dire sur ce point dont je pense, pour ma part, qu’il devra être un de ceux sur lesquels il y aura à revenir si, comme je l’espère, ce colloque doit être suivi de travaux précis. Puisque j’essaie de dégager les principes sur lesquels on serait susceptible de se mettre d’accord dans le secteur intéressé, je dirai rapidement à ce propos que le seul problème, à mon sens, est celui Professionnelle. ORGANISATIONS PROFESSIONNELES ET QUALTE ALMENTAIRE 7 de la « déperdition », car l’on doit admettre comme postulat qu’un pro¬ duit fabriqué en grande série mais qui prétend à la qualité ne doit pas l’être — même pour des motifs de prix de revient — en utili¬ sant des matières premières de deuxième catégorie — ou par dimi¬ nution des proportions de matières nobles. 3) Un tel danger, dira-t-on, ne devrait pas constituer un obstacle. Si un produit est défini, si des spécifications lui ont été fixées, elles doivent être respectées par tous les entrepreneurs, aussi bien ceux disposant d’un outillage modeste que ceux fortement mécanisés Mais cela supposerait que les produits de l’espèce aient fait jus¬ tement l’objet de définitions, de spécifications, cé qui n’est pas. Il n’existe pas dans ce secteur de réalement d’aomipistratiop pris par décret — comme c’est le cas par exemple pour la chocolaterie. Quel¬ ques rares articles se définissent par référence aux usages lovaux et constants de la profession — ce qui est bien ténu. Le « Petit-Beurre » n’a jamais été défini. Il n’a même jamais été réglementé avant qu’intervienne la loi de 1935 sur les produits lai¬ tiers. Depuis, il est exigé qu’une telle appellation s’entende d’un article comportant exclusivement du beurre comme matière grasse. Mais la proportion n’en est pas fixée. Si bien que, techniquement, on peut « sortir » un Petit-Beurre avec 4 ou 5 % de beurre, l’appellation est tout aussi correcte, légale, que pour celui qui comportera 10 à 12 %. Voilà encore un des points qui justifient les hésitations et la prudence de l’organisation Professionnelle en matière de définition de la qualité, et qui soulève même une question de principe : Dans toutes les professions alimentaires ou les instances compé¬ tentes en matière d’hygiène, de normes phyto-sanitaires, de défini¬ tions et de spécifications propres aux produits, n’ont pas jugé utile. ou n’ont pas eu la possibilité de fixer des réglementations de base prises notamment sous forme de réglements d’administration publique. par décrets, après avis du Conseil d’Etat et enquête publique, cst-i de bonne méthode d’aborder le problême de la qualité 2 Nous estimons en effet, quant à nous, qu’il y a deux stades ou deux questions diffé¬ rentes, et qui, d’ailleurs, doivent être étudiées suivant un ordre chronologique : D’abord, la définition d’un « seuil minimum » des qualités diverses, qui constitue la garantie apportée au consommateur que le produit est sain, loval et marchand. Cela suppose l’établissement des critéres du seuil: définitions, spécifications, opérations licites, contrôle de la conformité avec les réglements et dispositions générales en vigueur et dans tous les domaines. Ce travail de base est, à notre avis, en grande partie du ressort de l’Etat, dans son rôle de réglementation et de répression en vue de défendre la santé du consommateur et le protéger contre les trom¬ peries. Mais il doit être efectué en liaison étroite avec l’Organisation 72 PRORIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALMENTS Ce n’est que lorsque ce premier stade sera franchi que le pro¬ hlême de la qualité, au sens ou nous l’entendons, c’est-à-dire de la définition d’up nipeau trés supérieur au seuit admis dans l’élaboration de Réglements d’administration publique, peut être abordé. 4) Cette remarque maieure à notre avis, étant faite, revenons si vous le voulez bien, à l’endroit oit nous en étions parvenus, c’est-ଠdire à la mise en place des matières premières. En dehors de la difficulté née du danger de la déperdition des qualités des matières premières supposées excellentes, danger couru surtout dans les grandes Entreprises en raison de l’importance des quantités traitées et du matériel indispensable pour ce faire, nous allons nous heurter à une difficulté plus grande encore : celle qui résulte des transformations complexes que pont subir ces matières premières dans le processus de fabrication. Nos industries mettent en œuvre des matières premières qui ne sont pas des produits inertes, mais en quelque sorte vivants. Certains même, la levure fraiche, par exemple en biscotterie, sont destinés à provoquer des réactions : la fermentation panaire. D’autre part, pour la quasi-totalité, elles élaborent des produits composés. Les pâtes sont des « mélanges », le plus souvent constitués par plus de deux matières différentes et à l’intérieur du mélange des. phénomènes de transformation vont se produire, bref, nous entrons maintenant dans le domaine de la chimie et de la biochimie. Je ne pense pas qu’il soit utile (insister heaucoup sur les diffi¬ cultés évidentes que l’on peut rencontrer dans la connaissance exacte de ce qui se produit alors dans le mélange. Une science nouvelle est née, la « Rhéologie », justement en raison de l’importance du problème soulevé par le processus de fabrication. Il est bien évident que, dans la recherche des critères de qualité. le faconnage des pâtes (y compris la question du matériel), le pro¬ blême des réactions qui peuvent se produire doivent être connus. Le rôle des Laboratoires, tant de l’Usine que de l’Organisation Profession¬ nelle, en ce domaine est déterminant. Or, quand on aborde ces questions, on est un peu effaré de leur ampleur Ainsi l’action chimique du liquide ou des mélanges de liquide sur le matériau utilisé aboutit à des effets différents dont or peut donner quelques exemples : — Le pouvoir réducteur des sucres : — L’altération des complexes vitaminiques. Enfin, il y a les matières complémentaires incorporées aux matières de base, notamment les parfums. Comment tout cela se comporte-t-il ? Des études systématiques ont été entreprises par notre Organisation Professionnelle qui a créé un Centre Technique de Per¬ fectionnement doté d’un laboratoire d’analyses qui s’ouvrira demain à la recherche. Mais les travaux ne peuvent avancer que très lentement ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES ET QUAUTEAUIMENTAIRE 73 en raison même de la discrétion des premiers intéressés, les Fabri¬ cants, que la peur de dévoiler des formules rendent réticents. L’atti¬ tude de certains fournisseurs est identique (les fabricants de parfums se retranchant derrière le secret de fabrication). Une chose est certaine : la qualité de produits finis est en grande partie déterminée dans cette phase essentielle du Cycle de fabrication : notre Organisation Professionnelle estime donc que, sur ce point éga¬ lement, les connaissances sont trop limitées pour qu’il soit possible d’en retirer des éléments qui sont pourtant indispensables à l’établis¬ sement des critères. 5) Toutefois, supposons encore ce stade franchi, le produit sort de la machine : il est ouvré, terminé, mais il est nécessaire de déter¬ miner alors ses normes phusiques : un produit bien fait doit se défi¬ nir aussi par son humidité, son aspect, ses dimensions — et ses normes chimiques : le pH, etc. C’est peut-être le stade le plus aisé actuel¬ lement à contrôler. Mais il s’agit de sanctionner la qualité. Ce contrôle doit se faire à l’Usine même, ce qui suppose que les Entreprises ont des installations de Laboratoire suffisantes. Or, cela n’est le cas que pour celles qui disposent de moyens importants. Nous ne pensons pas que la délivrance d’un label de qualité puisse se concevoir si l’Entreprise qui le sollicite n’a pas, elle-même, les moyens de contrôle lui permettant d’apporter la garantie que les spécifications, sur les¬ quelles reposera ce label, puissent être vérifiés d’abord chez elle. 6) Il en est de même quand on aborde le dernier terme: le conditionnement du produit fini. En supposant la, encore, que tous les stades précédents, toutes les difficultés que nous avons rencontrées aient été franchis, il faut « habiller » l’article pour le livrer. L’emballage joue également un rôle important dans la qualité de nos produits : nos Industries emploient une grande variété de papiers, de cartons, de matériaux d’emballages divers : cellophane, polvéthylène, sulfurisé, alu¬ minium, etc. Il n’est pas douteux que certains de ces matériaux, qui sont en contact direct avec le produit fini, peuvent entrainer certaines altérations, communiquer un gout. J’ai là un paquetage d’un article prélevé sur un marché extérieur et dont le contenu présente un goût prononcé de pétrole et pourtant un label lui a été décerné. Ce goût lui a-t-il été communiqué par l’emballage ou par le pro¬ duit utilisé pour le graissage 2 Nous essaierons de le déterminer. Mais, de toute façon, en ce qui concerne les matériaux de condi¬ tionnement, nous estimons qu’il y a tout un travail à faire en liaison avec les Laboratoires spécialisés de l’Institut de l’Emballage pour connaitre d’une façon exacte les catégories d’emballages qui offriront au fabricant toute garantie quant aux risques d’altération du produit. Cela nous apparait également un élément indispensable à fixer dans les travaux qui doivent être effectués avant d’ahorder le pro¬ blème de la qualité intrinsêque de nos produits. 74 DRORIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALMENTS 7) Emballé dans des matériaux donnant toute sécurité le prodin n’est pas encore parvenu au seul juge qui se prononcera en définitive sur sa qualité : le Consommateur. Il doit entrer dans le circuit de la distribution et là commepce souvent le calvaire du fabricant qui a pris tous les soins pour éla¬ borer le produit. Malgré ses efforts, ses produits resteront longtemps chez le distributeur et, ce qui est encore plus grave, dans des condi¬ tions généralement aberrantes : les paquets recus récemment sont pla¬ cés paresseusement sur le devant de l’étagère qui leur est réservée. les plus anciens restant derrière ne vont apparaitre que des semaines ou même des mois plus tard, Il y a mieux : les emhallages de nos articles sont chatovants, très décoratifs, ils ont souvent, par consé¬ quent, les honneurs de la vitrine et cela est agréable au fabricant. mais celui-ci déchante vite s’il vient à passer devant cette vitrine au beau soleil de Messidor et qu’il sait que les paquets en montre sont justement ceux dont le contenu comprend un article où le pourcentage de matières grasses est important. Or, il n’est pas rare que ces paquets restent en vitrines des semaines et des mois. Quel que soit le soin apporté par l’Entreprise à la fabrication d’un article, comment voulez-vous que le consommateur le trouve bon. simplement convenable 2 Le problème des conditions de stockqge, de détention, et de montre des produits chez le distributeur est un des plus essentiels en matière de qualité. C’est avant tout celui de la conservation : conservation sur le plan de l’humidité, sur le plan des orudations de matières grasses. C’est parce qu’il connait les dangers qu’il court à ce stade oi son produit lui échappe, que le fabricant se préoccupe de rechercher les moyens qui lui permettent de protéger les qualités qu’il a réussi à lui conférer : d’où sa demande d’emplover des additifs inhibiteurs, des améliorants, des conservateurs, dont la plupart sont interdits en France. Que cette introduction d’éléments étrangers aux matières de base de la composition normale du produit enlève à la qualifé que nous désirerions sans tache, sa pureté idéale ce n’est pas douteux mais il ne parait pas possible de l’éviter. Ce serait risquer de compro¬ mettre la qualité elle-même la plus rigoureuse. De même que la grande série entraine certains inconvénients, certaines déperditions, la distri¬ bution à une masse de consommateurs extrémement dense et étendue (transports à longue distance, stockage), comporte des dangers auxquels il faut remédier. En somme, il faut accepter certaines servitudes du monde moderne et de son évolution : lâcher du lest " c’est peut-être le meilleur moyen d’éviter que nos descendants ne battent en retraite et déposent les armes, je veux dire leurs fourchettes, devant un bar ou un coa au vin et que nous puissions encore prétendre, avec BRILLAT¬ SAVARIN : « Que les animaux se repaissent. Que l’homme mange mais que seul l’homme d’esprit sait manger. » infranchissables. ORGANISATIONSPROESSIONNELESET QUALTE AUMENTALRE 73 CONCLUSION. Je ne crois pas que j’aie moi-même à tirer une conclusion de cet exposé très imparfait. Aussi bien trouve-t-il ses compléments dans celui de M. DIETLIN qui vous a apporté une étude plus exhaustive. Ce qu’il importait de montrer, je crois, c’est la prise de conscience au niveau d’une Organi¬ sation Professionnelle particulière de l’importance du problème de la « qualité » des aliments — son effort pour en définir les données dans son propre secteur et, par conséquent, pour poser les difficultés à résoudre. — Montrer également qu’une Organisation professionnelle a un rôle déterminant à jouer dans la recherche des solutions : — Indiquer les travaux et études déjà entrepris, les résultats obtenus : — Justifier également pourquoi il n’était pas possible d’aller plus loin et expliquer les raisons d’une opposition à certaines, tendances et à certaines initiatives, et en premier lieu l’insuffisance des connais¬ sances qui constitue, dans ce domaine, un des obstacles souvent encore 76 PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALIMENTS 3 - PRISE DE CONSCIENCE CHEZ LES CULTIVATEURS A. DUFFAURE L’évolution et le perfectionnement de la production agricole néces¬ sitent deux mouvements conjoints : l’un venant de l’extérieur vers les producteurs et favorisant par exemple les échanges, leur régularité apportant informations et conseils : l’autre venant des producteurs eux¬ mêmes Celui-ci est intérieur Il se traduit par la participation des paysans eux-mêmes au progrès, par leur désir d’amélioration, leur prise de responsabilités. Si le premier mouvemént semble avoir été favorisé, le second par contre n’a pas toujours retenu l’attention. Son importance apparait chaque jour plus grande. Faire prendre conscience aux paysans eux-mêmes, de leur place dans la vie sociale et dans la production, afin qu’eux-mêmes s’effor¬ cent de la changer, est indispensable à qui veut épanouir et rendre solides des évolutions. Mais cela ne consiste pas essentiellement à enseigner l’agriculture en général, à recommander les « bonnes» pro¬ ductions, les « bons » engrais, les « bonnes » machines.. Cela consiste plutôt à faire comprendre aux paysans le mécanisme de la production agricole auquel ils se soumettent par simple tradition, à leur faire examiner et critiquer tous les actes journaliers qu’ils accomplissent par habitude. « Ce qu’un homme a peut-être le plus de peine a connaitre intelligemment, c’est sa propre pie, tellement elle est faite de traditions et de routine, d’actes inconscients », écrivait Charles GUYESSE et il ajoutait : « Pour paincre la tradition et la routine, le meilleur procédé pratique n’est pas de répandre des idées et des connaissances exté¬ rieures et lointaines, mais de faire raisonper la tradition par ceux qui s’u conforment, la routine par ceux qui la suipent, » Dans cet ordre d’esprit, deux réalisations importantes se sont mani¬ festées en France ces dernières années, l’une a trait à la vulgarisation agricole dans des Centres d’Etudes Techniques Agricoles (C.E. T.A.). l’autre à la formation professionnelle agricole et ménagère rurale dans les Maisons Familiales d’Apprentissage Agricole. Chaque C.E.T.A est un groupe de 6 à 15 agriculteurs voisins. désireux de s’entraider dans la recherche d’application des méthodes les mieux adaptées à leurs besoins. Pour aider leurs études et leurs réalisations, ils font appel à un agronome qui, à leur service, les mrorme et conduit leurs études et expériences. évoluent par l’intérieur. ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES ET QUALTE ALIMENTAIRE 7 Ainsi plus de 1000 C.ETA, assurent des réunions actives men¬ suelles, méttant en étude plus de 10 à 20 000 agriculteurs, soucieux de leur meilleure production et d’une agriculture d’avant-garde, Par ce système et cette institution, entrent, depuis quelques années, « par l’intérieur », les bienfaits de la connaissance agronomique et écono¬ mique, et même d’économie domestique, dans les familles paysannes. Dans une perspective à peu près semblable des milliers de familles paysannes de France, s’associent non plus seulement pour s’assurer une bonne agriculture, mais pour garantir l’avenir de celle-ci par la meilleure formation de leurs enfants. Il y a 25 ans naissait la première Maison familiale d’Appren¬ tissage rural. Authentiques coopératives d’éducation, leur formule repose sur une association de familles paysannes réunies pour prendre en charge et contrôler un centre dans lequel se formeront leurs fils ou leurs filles de 14 à 17 ans, auprès de cadres masculins ou féminins choisis par eux. A l’originalité de cette association gestionnaire et responsable s’ajoute une originalité de structure : l’alternance des études de chaque jeune. En effet, chaque apprenti est invité à passer par intermittence durant trois hivers, une semaine au centre et deux semaines dans sa famille. L’aménagement de cette alternance, au point de vue pédago¬ gique, a fait de la Maison familiale, non seulement une école des enfants, mais aussi une école des parents. En effet, ces 15 jours passés en famille sont utilisés à une étude de l’agriculture ou de la vie ménagère pratique en famille. Cette étude pratique précède le cours théorique donné par les techniciens en classe. Ainsi, chaque élève se prépare aux cours qu’il va entendre durant la semaine, de retour à la Maison familiale. Durant ces 15 jours encore. il pourra être invité à appliquer, avec ses parents, ce qui a pu être étudié en classe. Une permanence de relation s’établit donc, entre l’enseignement donné et la vie même de chaque jeune, faisant de la ferme ou de la maison, la Ferme-Ecole des parents et de leurs enfants. Ce ne sonr donc plus des jeunes qui se forment seulement, mais la famille et le groupe qui participent à l’instruction et la formation données. L’Ecole reste dans la vie, tout en n’excluant pas les bienfaits de la discipline et de la vie sociale de l’internat. Celui-ci constitue au seul point de vue nutritionnel par exemple un moyen pratique de formation des jeunes, aussi bien formation du gout que de la qualité de la nourriture, mais aussi formation des parents par répercussion immédiate sur le milieu familial. 330 Maisons familiales acueillent 15 000 adolescents ou ado¬ lescentes, mais par ces 15 000 jeunes, 15 000 familles et des milliers de villages, par l’action de quelques-uns et de la jeune génération. 78 PROBIEMES POSES PAR LA DETINITION DES ALIMENTS Cette action conjointe des jeunes et des adultes, de la génération qui monte et de celle en place, n’est, pas sans avoir attiré l’attention de tous ceux qui s’intéressent au sort des pays en voie de dévelop¬ pement. Aussi les Maisons familiales dépassent le cadre de la France. et des initiatives en Afrique ou dans le Pacifique, prennent corps à l’heure actuelle, invitant, dans une action commune, à la formation de la jeunesse et de la population en place. Ainsi au point de vue social, s’amorce un nouveau type de déve¬ loppement et de progrès humain, issu des populations de base même et à l’initiative de celles-ci. Cette évolution solide est rapide. Elle ne touche pas seulement les aspects matériels ou économiques, mais l’édu¬ cation de la personne humaine, par la prise de conscience des respon¬ sabilités de chacun dans la construction de l’avenir. Elle apporte d’une nouvelle façon, les vraies solutions, à la grande affaire de ce temps qui. comme l’écrivait VALERY, est bien « l’accélération de la suppression du passé : les difficultés naissant de la lutte entre des choses qui ne savent pas mourir et des choses qui ne peuvent pas vivre ». TROISIEME PARTIE INEORMATION ET PUBLICITE 1 — Réftexions sur l’informagioa en matière d’ali¬ mentation 2 — Détense du consommoteur, l’information.. B. DFAUCHESNE E. cUSTOT INEORMATION ET PUBUCITE 61 1- RÉFLEXIONS SUR L’INFORMATION EN MATIÈRE D’ALMENTATION B. BEAUCHESNE Les exposés que nous avons entendus ont, tous, mentionné l’indus¬ trialisation de plus en plus poussée et généralisée du produit ali¬ mentaire. Souhaitable ou non, inqujétant ou plein de promesse, ce mnouvement, acéléré et irréversible est, en effet, au cœur de tous les problèmes qui se posent à propos de l’alimentation de l’homme d’aujourd’hui et, plus encore, de celui de demain. Parmi ces problèmes, celui de l’information, que je voudrais évoquer, est un des plus impor¬ tants, car du degré d’éducation de tous les publics, de l’importance et de là valeur des informations qui leur parviendront, dépendent pour une grande part l’évolution immédiate et future de l’alimentation des hommes et les sens dans lesquels elle se fera. L’industrie alimentaire réclame sans cesse des connaissances et des certitudes scientifiques nouvelles. La production qui, sollicitée par l’industrie, doit ouvrir des voies et mettre en œuvre des techniques révolutionnaires, à besoin d’être éclairée. Enfin, le consommnateur placé. dans le « libre service », devant des produits totalement nouveaux ou profondément modifies, privé de l’appui de la tradition et du conseil d’un professionnel compétent, doit être constamunent et systématique¬ ment éduqué et informé. Ainsi, à partir de la science et à travers elle, un courant permanent d’informations doit s’effectuer entre nutri¬ tionnistes, producteur, industriel et consommateur. Il faut malheureusement constater que ces échanges n’existent pas ou pratiquement pas. Depuis combien de temps le dialogue sérieux a-t-il commencé entre l’industriel et le nutritionniste 2 Où en est-il 2 Quelles sont les perspectives ouvertes : Quelle aide apporte et peut apporter le labo¬ ratoire de nutrition aux diverses branches de l’agriculture 2 Il ne m’appartient pas de répondre. Mais il semble bien que, malgré des progrès et des résultats encourageants, on soit loin du compte et qu’il demeure un abime entre ce qui existe et ce qui devrait être. Nous avons d’ailleurs entendu ici bien des doléances et des regrets à ce sujet. 82 PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUIMENTS La situation est plus grave et même alarmante dans le domaine de l’information du consommateur. Car une pseudo-information, une vulgarisation douteuse cachent par leur volume et leur abondance. l’absence quasi totale d’information valable et d’effort sérieux d’édu¬ cation. D’après leur origine et leurs objectifs, on peut classer les infor¬ mations qui parviennent au grand public en deux grandes catégories : les spontanées et les concertées. Les spontanées obéissent aux règles générales de l’information journalistique : suivre l’actualité et répondre aux goûts et aux désirs du public. Elles sont donc fragmentaires et discontinues et, de ce fait perdent beaucoup de leur efficacité. Le souci de plaire au lecteur est plus lourd de conséquences graves le public actuel a incontestablement le gout du « scientifique », il faut lui en « donner ». Or, les sources ou puiser l’information valable sont rares, quand elles ne refusent pas systématiquement de s’ouvrir. Peut¬ on, alors, vraiment reprocher aux rédacteurs, si sérieux qu’ils soient. de ne pas résister à la tentation de broder, un peu, sur les bases, souvent très étroites, dont ils disposent. D’ou ces informations. sinon totalement erronées, tout au moins assez éloignées de la vérité rigoureuse et, de ce fait, préjudiciables à l’éducation réelle du public. Les informations concertées : la publicité et les Relations Publiques. émanant de sociétés ou de groupes, correspondent à un but toujours défini et plus ou moins limité. Systématiques, elles sont cohérentes. et il est agréable de reconnaitre qu’elles sont aussi, dans la grande majorité, d’une tenue et d’une valeur plus qu’honorables. Mais leur origine, leurs objectifs et leurs tendances, les condamnent à être limi¬ tées et plus ou moins simplistes et partiales. Au total, l’ensemble des informations atteignant le public est très éloigné, en valeur et en volume, de ce qui serait souhaitable pour l’indispensable et urgente éducation des consommateurs. Cette carence est grave. D’abord parce que l’ignorance des vrais problèmes, s’ajoutant à la résistance instinctive du consommateur aux nouveautés, freinent couteusement l’évolution du marché alimentaire. Mais aussi, et peut-être surtout, parce que l’absence d’une information valable, objective, d’une éducation sérieuse, au moment même ou l’homme de la rue est avide de connaissance scientifique et soucieux de sa santé, laisse le champ libre à toutes les initiatives aventureuses ou malhonnêtes. Qu’un hurluberlu ou un astucieux lance des affirmations d’autant plus éclatantes qu’elles sont moins fondées ou désintéressées et. pourvu qu’elles aient un aspect scientifique, elles trouvent très vite la plus large audience. Le succes de publications, d’officines ou de slogans qu’il n’est pas besoin de citer, en est la redoutable preuve. Partagé entre son souci de se nourrir bien, son désir de profiter des avantages que lui apporte l’alimentation moderne et sa crainte de l’inconnu., le consommateur est troublé pour le présent, inquiet pour l’avenir. Il est du devoir de ceux qui le peuvent de l’éduquer. de le guider. Ceux qui le peuvent, c’est-à-dire d’abord ceux qui savent. c’est-à-dire les nutritionnistes. Le Docteur TREMOLIERES a utilise à propos de l’état d’avancement de leur discipline, la très heureuse INTOPMATION ET PUBLICITE 83 expression de « premier tour de manivelle ». On conçoit alors que l’honnéteté scientifique la plus élémentaire leur ait jusqu’ici interdit de faire entendre leur voix : leur réticence à livrer les résultats de leurs travaux, au risque de les voir dénaturés est normale. Mais il semble bien que le moment soit venu où ils doivent faire l’effort de dépasser ces scrupules et ces répugnances, car, encore une fois, d’autres n’ont pas ces crupules qui « savent » encore beaucoup moins. Plus encore, il leur appartient d’obtenir et rassembler les moyens et les concours nécessaires pour rendre possible, élaborer et réaliser l’œeuvre humai¬ nement, socialement et économiquement indispensable et urgente, de recherche, d’information et d’éducation systématique en matière d’alimentation. Le problème n’est pas simple, je n’avais d’autre amhition que de l’évoquer. Le faisant je ne crois pas m’être écarté du sujet de ce colloque : la qualité du produit alimentaire, car de la valeur et du degré d’éducation en matière alimentaire de l’homme d’aujour¬ d’hui, dépend sans aucun doute la « qualité » de l’alimentation de demain. E. CUSTOT 84 PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUIMENTS 2- DÉFENSE DU CONSOMMATEUR L’INFORMATION Notre laboratoire, le Laboratoire Coopératif d’Analyses et de Recherches, a été créé il y a cinq ans à l’initiative des Coopératives de Consommation et le but qui lui a été fixé est de rechercher et d’exprimer le point de vue du consommateur en matière de qualité et de santé. Cela est parfaitement justifié puisque le Mouvement Coopé¬ ratif de Consommation est là plus importante et la plus ancienne orga¬ nisation de consommateurs (en France, elle a plus de cent ans d’exis¬ tence et groupe trois millions de familles). Cependant, comme à tous ceux qui prétendent exprimer le point de vue du consommateur, on nous dispute plus ou moins aprement ce droit. Comme il est difficile de contester le principe du consomma¬ teur-roi (le client a toujours raison), chacun veut au moins garder le droit d’interprêter et de traduire sa volonté ou ses désirs. le pourrais essaver de vous montrer pourquoi, bien qu’avant une acti¬ vité commerciale et industrielle, les Coopératives de Consommation restent fondamentalement des organisations de consommateurs : je pourrais aussi insister sur les statuts de notre laboratoire qui est une association juridiquement indépendante, ouverte à toutes les associa¬ tions de consommateurs, coopératives ou non. Mais tout ceci me parait assez vain : l’étude des problèmes concrets permet, mieux que les dis¬ cours, de discerner ou est l’intérêt des consommateurs, et, par consé¬ quent, qui défend cet intérêt. M. PERO l’a dit, et d’autres après lui, i1 p’u « pas de e qualité » absolue, it y a tout au plus une qualité pour quelqu’un. La qualité. pour le consommateur, est liée à la notion de service rendu, et si nous cherchons de quoi est fait ce service, nous trouvons, pour une part, des réalités objectives et, pour une autre part, des éléments subjectifs. Une analyse plus poussée permet de constater qu’en matière de produits alimentaires les éléments objectifs du service rendu se ramènent à peu près exclusivement à l’absence de nocivité. Un aliment qui contiendrait un toxique aigu, une substance cancérigène, des microbes pathogènes, serait incompatible avec la notion de service rendu, quelles que puissent être par ailleurs ses caractéristiques. INTORMATION ET PUBLICITE 85 On pourrait penser que, pour un aliment exempt de nocivité, la valeur alimentaire est un caractère objectif de qualité. Beaucoup de calories, de vitamines, de sels minéraux, tout cela ne caractérise¬ t-il pas un aliment de qualité 2 L’expérience des exigences des consom¬ mateurs montre que ce n’est pas toujours le cas. Comme l’a fait remarquer M. TREMOLIERES dans son rapport introductif, la demande sélectionne parfois de préférence des aliments peu nutritifs, pauvres en calories, pauvres en graisses totales, ou en graisses saturées, ou en protéines, etc. Nous sommes donc déjà là dans un domaine subjectif. où chacun évalue le service rendu en fonction de ses besoins individuels, réels ou supposés. Et puis nous avons un troisième domaine, très large, où inter¬ viennent une série de caractéristiques qui sont, elles, très subjectives. où intervient la préférence du consommateur sans qu’on puisse le pousser dans un sens ou dans l’autre: il y a les qualités organo¬ leptiques, il y a l’origine, le terroir, il y à l’emballage, il y a les divers services qui peuvent être incorporés dans cet aliment (par exemple le modé de conservation par la chaleur, par le froid, la précuisson, tous les procédés qui permettent de gagner du temps, les mélanges tout prêts, etc.). Ce qui revient à dire que, à notre sens, mis à part cet aspect purement objectif de la non-nocivité, la qualité pour le consommateur est essentiellement liée à la connaissance que le consommateur a de la véritable nature d’un objet. Et, il faut, par conséquent, que le consommateur sache quelles sont les caractéristiques du produit qu’on lui présente. La connaissance est déja un facteur de qualité. Avec, tout de suite, une difficulté : s’il faut expliquer ce qu’est le produit. il faut expliquer assez, mais pas trop. Par exemple, on peut dire : « I y a là-dedans des acides polvinsaturés à telle dose ou il n’y en a pas : » mais il ne faut pas dire : « C’est bon pour l’athérome » parce qu’il est abondamment prouvé qu’à ce moment on va trop loin. on affirme des choses non contrôlées Dans ce sens, je crois, contrairement à ce que disais tout à l’heure M. BEAUCHESNE, qu’une certaine réglementation, une certaine censure de la publicité serait une bonne chose. Lorsque la Food and Drug Administration des Etats-Unis dit : « Il est interdit de faire état dans la publicité des matières grasses de l’effet des acides polvinsa¬ turés sur les maladies cardiovasculaires », je crois qu’elle a raison et, pour ma part, j’approuve ce type de censure. Comment donc le consommateur peut-il arriver à cette qualité » En ce qui concerne l’absence de nocivité, il semble normal que celle-ci soit assurée par un service de contrôle de l’Etat. Doit-il s’appe¬ ler Service de la Répression des Fraudes ou Service de Défense des Consommateurs, le nom n’a pas une telle importance, mais la chose en a une. A mon sens, la base fondamentale, juridique et idéologique de la Répression des Fraudes est probablement périmée. On a cherché prononcée lorsqu’il a introduit l’exposé de M. BEAUCHESNE et où il 86 PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUIMENTS a protéger le commerce honnête, c’est-à-dire à assurer le respect des contrats entre l’acheteur et le vendeur dans une économie concurren¬ tielle. On a donc admis que des syndicats de producteurs puissent contribuer à la répression des fraudes en rétribuant des agents que les services officiels « commissionnent ». L’interpénétration qui en est résultée, surtout dans les secteurs où la concurrence a diminué au point de presque disparaitre, montre à quel point la protection du consommateur est une chose différente de la protection du commerce honnête. Il faut donc à mon avis, un service de contrôle officiel complè¬ tement distinct des organismes professionnels et il faut surtout, et c’est la responsabilité de l’Etat, que ce service dispose de laboratoires abondamment équipés, possède des équipes de spécialistes connaissant bien les techniques de production, etc, toutes choses qui n’existent que de façon beaucoup trop modeste faute de moyens, faute de crédits. Bien entendu ce service a absolument besoin, pour assurer la défense des consommateurs, de collaborer avec les scientifiques des diverses disciplines : toxicologues, cancérologues, nutritionnistes, spé¬ cialistes de pathologie alimentaire, etc, et aussi, cela va de soi, avec les techniciens de l’industrie. UIn autre aspect c’est la connaissance que le consommateur a des objets qu’il achête et ceci suppose, à notre sens, une éducation du consommateur, grave problème sur lequel les avis divergent pas mal et sur lequel les deux thèses fondamentalement opposées sont à peu près les suivantes : 1) Le consommateur est complêtement idiot, il ne peut rien comprendre : moins on lui en dira, mieux cela vaudra, pourvu que dés gens compétents s’occupent de faire son bonheur indépendamment de lui : 2) Les consommateurs sont des gens très intelligents et très avisés : ils lisent tous les étiquettes et, par conséquent, il faut leur dire la vérité sur les étiquettes. Je crois que je suis plus près de la deuxième these que de la première, mais je n’ai quand même pas la naiveté de croire que nous sommes à un stade ou le consommateur lit les étiquettes, du moins dans sa grande majorité, loin de là t Cependant l’expérience de notre laboratoire et les contacts que nous avons avec les groupes de ménagères à l’intérieur et à l’extérieur du Mouvement Coopéra¬ tif nous montrent qu’il y a, parmi les consommateurs, plus d’intérêt qu’on ne le croit généralement pour ces questions et plus de désir d’être renseigné, pour autant que ces consommatrices éclairées puis¬ sent avoir le sentiment que l’information qu’on leur donne ne leur parvient pas par le canal des gens qui ont un intérêt à leur vendre quelque chose. Et c’est là que nous rejoignons l’autre problème : je ne suis pas tout à fait d’acord avec la phrase que M. TREMOLIERES a INEORMATION ET PURLCITE 82 a semblé qu’il y avait assimilation entre la publicité et l’informa¬ tion. Je crois qu’il y a deux sortes de publicité bien sur : il y a la publicité mensongère et il y a la publicité honnête. Et nous sommnes tous d’accord pour penser que la publicité mensongère existe et qu’il faut la refouler au maximum, voire la mettre dans l’impossibilité de nuire, mais je crois aussi que des gens qui font de la publicité, par définition, font autre chose que de l’information et vous ne ferez jamais croire à un consommateur — je m’en excuse, mais nous sommes ici à une table ronde non-académique — que le Service de l’Infor¬ mation de l’Institut du Manioc, ne cherche pas aussi à vendre un peu de tapioca : Quelques exemples. La, je crois qu’on pourrait entrer un peu dans le détail si le temps le permet, en prenant quelques exemples à propos des exposés qui ont été faits hier. Premier exemple, le lait : exemple qui était d’actualité il n’y a pas tellement longtemps, c’est le problème du lait gras et du lait maigre. Il y à des facteurs économiques qui font que, de temps en temps, le taux de standardisation du lait est fixé à telle ou telle valeur (1). Je crois qu’il y a des consommateurs pour du lait gras et des consommateurs pour du lait écrémé ou semi-écrémé. Cela serait très intéressant de trouver dans le commerce ces deux ou trois caté¬ gories de lait, mais la réglementation actuelle ne le permet pas. Il faudrait que chacun puisse acheter, en connaissance de cause, ce qu’il désire et chaque produit aurait alors l’acheteur pour lequel il a le plus de valeur. L’appropriation exacte du produit à l’acheteur donne au produit sa qualité : c’en est, au moins, un des éléments. En ce qui concerne les fromages, on pourrait aussi parler de matières grasses. A l’heure actuelle la tendance est au fromage le plus gras. Dans notre dernier bulletin d’information, nous posons la question : « extra-gras » égale-t-il « extra » 2 parce que le problème de savoir s’il y a un rapport entre la qualité du fromage et sa teneur en matières grasses se pose. Dans d’autres produits alimentaires, c’est la même chose. Un char¬ cutier allemand a été condamné parce qu’il avait fait de la publicité pour ses saucisses en disant : « Force et Calories avec mes saucisses ultra-grasses. » Evidemment, comme le gras est la partie la moins chère de la charcuterie, c’était extrêmement intéressant : D’autres problèmes : par exemple, les conserves. Il existe un texte légal prévovant que la date de fabrication doit être indiquée sur les (1) En 1959, le lait manquant, on a abaissé de 4 grammes le taux de matières grasses du lait standard. On disait que c’était meilleur pour la santé des consom¬ mateurs. En 1960, il y a trop de lait et on parle d’eurichir en beurre le lait standard: 88 PRORLEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES AUMENTS boites de conserve. Bien sur, pour des raisons technologiques, on ne peut pas indiquer la date en clair, parce qu’il faudrait trop de signes : alors on indique une lettre qui donne l’année et trois chiffres qui donnent le jour de l’année. A une certaine époque et conformément à l’arrêté, le code a été porté à la connaissance du public et puis. est intervenue une circulaire qui a été vraisemblablement rédigée sur l’intervention de la profession considérée et qui disait : « Dans l’état actuel de certaines préventions existant dans le public, il n’est pas souhaitable que le code de marquage des conserves soit connu et à l’avenir on ne le publiera plus » Eh bien, il est peut-être vrai qu’il existe des préventions dans le public, mais nous considérons que c’est une très mauvaise méthode pour vaincre ces préventions. Le consommateur a le droit de savoir de quand datent les conserves qu’il achête, à charge pour l’industrie de la conserve de l’éduquer sur un certain nombre de choses. Par exemple, le consommateur doit savoir que des conserves de sardines à l’huile vieilles de trois ans sont meilleures que des conserves de l’année, mais il doit aussi savoir certaines autres choses (et cela fait partie de ce qu’on ne(dit pas toujours) : dans l’informa¬ tion sur les conserves, vous lisez d’une part que toutes les qualités alimentaires et nutritionnelles du produit alimentaire sont stabilisées dans la conserve, et vous lisez par ailleurs que la température de stockage à une influence sur la perte en certains facteurs nutritifs. notamment en vitamines. Le consommateur qui veut tenir compte de ces données a le droit de le faire, de même qu’il a le droit de préférer aux épinards d’automne les épinards de printemps, qu’il pourrait choi¬ sir s’il avait le droit de connaitre le code. Dans un autre domaine, en biscuiterie, pain d’épices, il existe. comme le disait M. DE LINIERES, un texte qui règlemente l’appella¬ tion « au beurre » dans les petits beurre et dans les autres biscuits et qui interdit l’appellation « au beurre » dans les biscuits qui n’en contiennent pas du tout et dans ceux qui ont un mélange de beurre et d’autres corps gras. C’est très bien, mais à l’heure actuelle, nous constatons l’apparition de biscuits et de pains d’épices « au lait ». Lorsqu’on se renseigne sur leur teneur en lait, on arrive à des choses assez curieuses : je crois que, dans certains biscuits (dits à pâte sèche). on ne met guère plus de 3 à 4 9% de lait, ce, qui fait que le biscuit contient 03 6% de matières sèches du lait. Dans le cas du pain d’épices dit « au lait » les teneurs sont du même ordre, ce qui signifie que l’appellation « au lait » si elle correspond à un fait qualitativement exact, est quand même un moyen de tromper le consommateur. Un autre exemple encore que j’ai noté à propos de l’exposé de M. FERON sur la margarine: je crois qu’incontestablement les marga¬ riniers s’efforcent de donner des informations sur leurs produits, mais ils donnent des informations qui ne sont pas toujours complêtes et on est très frappé de voir sur quels points porte parfois l’ignorance du public. Je ne parle pas même des ménagères, chez qui c’est abso¬ jument Bererar: beaucoup de ménagères croient qu’il n’y a pas d’eau avait pris les devants un peu plus tôt, elle aurait peut-être rendu INEORMATION ET PURLICIT 89 dans la margarine, et, en tous cas parmi celles qui savent qu’il y a de l’eau, il n’y en a aucune qui ait pensé à faire des comparaisons de prix de revient. Mais je discutais dernièrement avec quelqu’un qui a des responsabilités importantes dans la gestion de collectivites et qui estimait qu’on ne peut pas se passer de margarine dans les collectivités. A quoi il ajoutait : « En ce qui concerne les huiles. je n’achête que les huiles qui disent leur nom comme l’huile d’ara¬ chide, l’huile d’olive, etc, par suite je n’achête pas d’huile de table parce qu’elle ne dit pas son nom. » Et, comme je lui faisais remarquer que la margarine était un mélange d’eau et de l’équivalent d’une huile de table puisque par définition même il y a dans la margarine un mélange de corps gras divers (la seule différence étant que dans l’huile de table il ne peut pas y avoir de corps hydrogénés, tandis que dans la margarine il peut y en avoir), il a été tout étonné. Et je crois qu’il y a quand même une chose assez nette à propos en particulier de la margarine, c’est que son utilisation n’est pas toujours rationnelle. Ce qui peut être utilisé dans la margarine c’est, par exemple. sa valeur d’émulsion en pâtisserie. Mais, dans d’autres cas, la ména¬ gère prend de la margarine : son premier soin est d’évaporer toute l’eau qu’il y a dedans et elle l’utilise ensuite comme si elle avait de l’huile. Est-ce raisonnable 2 Il est bien évident que ce genre d’infor¬ mation là ne sera pas donné, ne peut pas être donné, ne doit pas être donné par les margariniers parce que ce serait leur demander une chose absolument contre nature. Dans le domaine des bouillons et potages, j’ai pu assister, récem¬ ment, à la Société des Experts-Chimistes, à une comparaison présentée par les laboratoires de l’Intendance qui montrait de facon extrême¬ ment intéressante et nette que le bouillon fabriqué spécialement pour l’armée était très supérieur à toutes les autres marques vendues dans le commerce. Cela rejoint une autre expérience que nous avons faite. concernant la qualité bactériologique des saucissons. Lorsque nous avons essavé de débrouiller ce problème, nous avons été voir les gens de l’Intendance qui nous ont dit : « Nous avons des normes très sévères et les saucissons qui ne sont pas acceptés par l’armée sont vendus aux civils. » Et, effectivement, nous avons pu vérifier cela et nous avons eu beaucoup de mal à faire admettre que nous voulions être aussi sévères que l’Intendance et ne pas être parmi les civils qui consommaient les saucissons dont l’armée ne voulait pas. Le problème des labels l’ai déjà été très long, je m’en excuse, mais je voudrais encore vous dire trois mots : le problème des labels est un problème qui a fait couler beaucoup d’encre : nous nous y intéressons nous aussi beaucoup. Je crois effectivement d’abord que les labels comblent incontestablement un vide et que, dans une certaine mesure, si l’indus¬ trie alimentaire qui se plaint de certains excès (et je l’approuve) 90 PRORIEMES POSES PAR LA DEEINITION DES AUMENTS certains de ces excès impossibles. Mais il se pent que ces excès aient joué un rôle positif en ce sens qu’ils auront provoqué une réaction. Je ne crois pas que ce soient eux qui ont provoqué la création du Comité Alimentation-Santé : mais il est bon que ce Comité existe depuis deux ans et cela serait encore mieux s’il existait depuis vingt ans. Pour notre part, nous ne sommes pas très favorables aux labels et la raison principale est qu’ils risquent de donner dans le public l’impression que les choses sont plus simples qu’elles ne sont. Nous considérons comme un grand danger les gens qui disent que c’est tout simple.. Certaines personnes voudraient une réponse à un problême complexe dans les cina minutes et, si on ne leur répond pas, on passe pour incompétent simplement parce qu’on a un peu plus étudié le problème alors que d’autres répondent sans y avoir réfléchi. C’est cela qui est dangereux : si on donne au public un produit avec un label de qualité, le public croira que ce produit est forcément paré de toutes les vertus et même si les gens qui donnent ces labels sont compétents, ce qui n’est pas toujours le cas, on aura bien du mal à faire comprendre au pûblic la relativité de ceux-ci. Resterait le problème de savoir qui va donner les labels. Et là je ne suis pas d’accord avec ce qui a été dit tout à l’heure, à savoir que la profession doit jouer ici un rôle déterminant : je crois que l’impartialité requise ne serait pas assurée. Enfin, en terminant, je voudrais vous indiquer qu’il y a une autre voie dont on n’a pas encore parlé aujourd’hui et qui me parait inté¬ ressante du point de vue de, la recherche de la qualité : ce" sont ces initiatives qui existent depuis longtemps aux Etats-Unis, depuis moins longtemps en Angleterre, en Belgique et en Hollande, qui consistent à créer des associations de consommateurs à but non lucratif dont les moyens d’action sont fournis par la vente d’un journal qui publie des comparaisons sur différents produits du marché, en citant les marques et en donnant les éléments de la comparaison. Il s’agit de Consumers Reports, de Consumers Bulletin, etc. Malheureusement il y a une difficulté : pour des raisons économiques. pour des raisons de vente de leur journal, ces journaux s’orientent presque exclusivement vers la comparaison de produits qui ne sont pas alimentaires et qui sont généralement des produits de consom¬ mations intéressant ce que les Américains appellent la « middle high class », c’est-à-dire des gens qui ont déjà un revenu sufisaminent élevé pour se paver une voiture, un poste haute fidélité, etc. Ces gens-là font du travail à mon sens très utile parce qu’ils aident énor¬ mément à décortiquer le sens du mot « qualité ». Qu’est-ce que la qualité d’un biscuit 2 C’est extrémement difficile : il y a sur le marché 25 marques de biscuits à la cuiller (ou 250 "). A l’heure actuelle, les biscuits à la cuiller ont tels et tels caractères pour la dégustation. On ne cherche pas à déterminer la qualité absolue d’un biscuit à la cuiller (j’ai pris l’exemple le plus difficile), mais le consommateur peut trouver chez son marchand telle et telle marque. INEORMATION ET PURLCITE 9 Et nous disons, après avoir fait tel ou tel test que nous décrivons. dans telles et telles conditions de garantie, avec tel nombre d’échan¬ tillons prélevés, nous disons que celui-ci est le meilleur, que celui-ci est le moins bon et voilà pourquoi. Et la, on a un véritable facteur de progrès de la qualité qui est autre que les labels. A mon sens. c’est très prometteur au point de vue avenir : le seul inconvénient pratiquement, c’est qu’il ne semble pas que ce soit rentable. Pour l’association de consommateurs qui voudrait diriger particulièrement son activité sur les produits alimentaires, si par définition celle-ci n’est pas rentable, c’est très ennuveux, car alors il faut que quelqu’un paye. Et qui pavera 2 Evidemment ca ne pourrait être que l’Etat si on vou¬ lait faire quelque chose qui soit suffisamment impartial. QUATRIEME PARTIE ÉCONOMÉTRIE 1 — La notion de quolité dons l’économétrie de le demande.........: 2 — L’économiste agricole et les problèmes de la qua¬ J. Le BIHAN lité des produits........... C. ROTTIER G. ROTTIER ECONOMETRIE 95 1- LA NOTION DE QUALTE DANIS L’ÉCONOMETDIE DE LA DEMANINE L’analyse économétrique de la demande représente une technique d’étude qui, malgré ses origines anciennes, est encore loin d’avoir atteint sa pleine maturité, Parmi les progrès récents, le plus remar¬ quable est le développement considérable qu’a pris depuis 1937 l’ana¬ lyse économique des budgets familiaux. Si les lois reliant la consom¬ mation d’un produit au niveau de vie sont connues depuis plus de 100 ans (c’est-à-dire depuis la première publication d’ENGEL), elles n’ont été énoncées avec une précision convenable que depuis le travail d’ALLEN et BOWLEY en 1937, dans lequel les auteurs ont montré que le comportement des consommateurs pouvait être représenté par un modèle probabiliste permettant l’estimation correcte de l’influence du revenu sur la consommation. Depuis la guerre, ces travaux se sont principalement poursuivis au Département d’Economie Appliquée de l’Université de CAMBRIDGE, sous la direction de STONE, les principaux résultats avant été publiés par PRAIS et HOUTHAKRER. Ces auteurs ont notamment été les premiers à introduire le terme « qualité » dans l’analyse de la demande. Il convient d’examiner avec précision ce qu’ils entendent par ce terme, auquel ils donnent une acception technique particulière, différente de celle habituellement recue dans les autres disciplines. Après cet examen, et quelques suggestions sur l’extension qu’on peut donner à la notion introduite, nous tenterons d’en marquer l’utilité et les limites. L’économétrie des budgets familiaux vise, on le sait, à mesurer la relation qui existe entre une consommation et le revenu des consom¬ mateurs. Si C., est la consommation d’un produit i par le consom¬ mateur i de revenu R, on estime cette relation à partir d’un modèle de la forme dans lequel u, représente l’influence de foutes les variations non explicitement introduites et qu’on suppose jouer comme un terme aléa¬ toire dont la distribution de probabilité satisfait à un certain nombre de conditions explicitement énoncées. octobre-décembre 1958, N° 4. PRORLEMES POSCS PAR LA DETINITION DES AUMENTS 06 Une approximation commode, et valable quand le champ de varia¬ tion de X n’est pas trop étendu, consiste à adopter un modèle linéaire entre les logarithmes de la consommation et du revenu : D, représente alors l’lasticité de la consommation par rapport au revenu. PRAIS et HOUTHARRER ont précisé l’analyse précédente en insis¬ tant sur l’ambiguité du terme « consommation ». Prenant l’exemple du thé (c’est-à-dire d’un produit de marque avant pour chaque variété un marché national homogène, caractérisé par un prix sensiblement uniforme), ils ont montré qu’on pouvait obtenir deux relations dis¬ tinctes suivant qu’on considérait la quantité de thé consommée (en poids), ou la dépense de thé. L’élasticité b. est notablement plus forte dans le second cas que dans le premier. La différence entre les deux élasticités traduit à prix constant, l’augmentation du prix unitaire moyen du thé consommé quand le revenu s’élève. En effet, non seulement le poids de thé consommé augmente, mais les consommateurs tendent alors à acheter des variétés plus couteuses. Partant de la remarque que des variétés plus couteuses sont des « qualités » différentes du même produit, le thé, nos auteurs ont appelé effet qualité celui qu’ils venaient de mettre en lumière. Cette notion d’effet qualité se justifie par trois remarques : Elle existe parce que l’analyse ne porte jamais sur des produits homogênes. Le thé est en effet un groupe très large de produits de provenances, de gouts d’embalages différents : — La logique de l’analyse économétrique est toujours de raison¬ ner ainsi sur des groupes de produits. En effet, le revenu n’est plus le facteur explicatif dominant lorsqu’on descend trop dans le détail des variétés : — Une convention, critiquable mais point coupable, des écono¬ mistes, est d’identifier facilement qualité et prix. A partir d’une enquête française, faite en 1951 on a nu préciser quelque peu la notion introduite par PBAIS et HOUTHAKKER. Ces auteurs avaient considéré le prix moyen du produit consommé par l’ensemble des consommateurs avant un même revenu. Or, la consom¬ mation des diverses variétés, pour un niveau donné des revenus, cor¬ respond à une distribution statistique qu’il est peut-être insuffisant de représenter par sa moyenne. En considérant, pour chaque niveau du revenu, la consommation de vins de différents prix au litre (0,50. 960. 1 NF) VORANGER a pu montrer (1) que le phénomène de PRAIS et HIOUTHAKKER correspondait à une podification de cette distri¬ bution quand le revenu s’élève en même temps qu’à un déplacement de sa moyenne. (1) Le facteur qualité dans l’analyse de la demande. « Consommotion ECONOMETRIE 97 En fait, au lieu de raisonner uniquement sur la moyenne, on peut raisonner sur la loi de demande pour chaque « qualité » de vin. On s’apercoit alors que les courbes d’ENGEL, correspondantes forment un faisceau assez ouvert, les vins les plus couteux étant ceux dont la consommation est la plus élastique. Cette analyse a des limites indiscutables. La première, dont nous ne traiterons pas tellement, est massive, et il n’est pas nécessairement convenable de parler de qualité pour désigner le phénomène mis en lumière. La dénomination étant cependant maintenant classique dans le vocabulaire de l’économêtre, il est douteux qu’on puisse la changer : il est par contre nécessaire que les spécialistes des autres techniques. comme l’économêtre lui-même, sachent qu’ils utilisent le même mot d’usage courant dans des acceptions très différentes, avec tous les risques de malentendus que cela peut impliquer. La seconle limite est que le phénomène, qui est très clair dans le cas des produits de marque à marché national, l’est moins dans le cas de certains autres produits. Nous nous sommes apercus, par exemple. que nous avions qualitativement le même phénomène quand nous étu¬ dions la consommation de bœuf que quand nous étudions la consom¬ mation de vin. Les morceaux à rôtir, les morceaux à braiser, les morceaux à bouillir ont des élasticités très différentes par rapport au revenu. Mais une double difficulté se présente. La première est que la notion de morceaux à rôtir, etc. correspond à une définition plus sociologique que technologique. Elle traduit ce que le boucher a vendu comme tel, ou ce que la ménagère croit avoir acheté comme tel. Peut-être s’agit-il d’ailleurs là de la seule définition opératoire de la notion de qualité en matière alimentaire (ce paradoxe avant bien entendu pour but de provoquer la discussion et d’appeler la contradiction). L’autre difficulté, plus technique, vient de ce que la viande de bœuf n’a pas, en France, de marché homogène. Le prix du même morceau varie d’un lieu à l’autre, d’une façon qui est sans doute vraisemblablement, liée au niveau des revenus. Il en résulte que si l’étude des enquêtes de consommation permet de mettre en évidence qualitativement l’effet « qualité » dans le cas du bœuf, elle ne permet pas de le mesurer avec précision. En effet, ce que nous observons combine de facon difficilement discernable l’influence objec¬ tive de la « qualité » au sens propre, les différences dans la définition des morceaux d’un lieu à l’autre et l’effet des différences locales de prix pour le même morceau. La notion de qualité introduite par l’économêtre est donc incomplête et limitée. Il est vraisemblable que pour pénétrer plus loin dans l’analyse, un appel aux enseignements des autres disciplines sera indispensable. Cela, l’économêtre ne l’a pas encore fait, peut-être pour deux raisons. La première, c’est que comme tout le monde, il est pressé, surmené, et qu’il ne croit donc pas avoir le temps d’engager un dialogue que, pour les mêmes raisons, les autres spécialistes n’engagent pas non plus. La seconde raison, c’est que l’économétrie de la demande, comme peut-être la plupart des disciplines qui s’inté¬ ressent au comportement alimentaire, n’est pas encore assez développée 98 PRORLEMES POSÉS PAR LA DEFINITION DES AUMENTS asez sure de ses bases, pour que le dialogue puisse être engagé avec fruit. Après un premier tour d’horizon de notre domaine, nous nous apercevons que le monde réel est plus compliqué qu’une première description, qui est cependant déjà fort utile pour l’action, permettait de l’entrevoir. Aller plus loin est la tâche de l’avenir. Ces réserves étant marquées, il convient de dire quelques mots maintenant sur l’utilité pour l’action de la notion introduite, quelque incomplête ou imparfaite qu’elle soit. Prenons l’exemple des travaux de prévision économique effectués dans le cadre de la préparation des plans de modernisation en France. Ces travaux reposent sur une analyse détaillée des tendances d’évolution des dépenses de consom¬ mation des Français. Quand on a établi le Troisième Plan en 1955. on a admis que de 1954 à 1965 les dépenses alimentaires des Français augmenteraient de quelque 35 % Mais, par le jeu de l’effet qualité que nous avons défini plus haut, le contenu de ces dépenses alimen¬ taires se modifiera considérablement. La répartition entre les divers produits sera très différente de ce qu’elle était en 1954, la part des. produits transformés par les industries alimentaires, la part du condi¬ tionnement et de la distrihution tendant à augmenter. En fin de compte. la valeur à la ferme" de la consommation alimentaire des Français n’augmentera que de 25 à 30 %, et le volume physique, en terme. d’indice de quantité de produits agricoles incorporés à cette dépense alimentaire, n’augmentera que de quelque 20 %. On voit que des modi¬ fications aussi brutales que l’analyse de la notion de « qualité » permet d’interpréter, ont des incidences considérables sur l’économie du pays et sur la politique agricole. L’expérience américaine des 15 dernières années confirme le sens de l’évolution qu’on a prévue pour la France. Alors que, la consomma¬ tion alimentaire en quantité (toujours exprimée par un indice de volume des produits agricolès incorporés dans cette alimentation) n’a que très faiblement augmenté, la dépense alimentaire a augmenté presqu’aussi vite que les revenus personnels. Mais la différence entre les deux évo¬ lutions est très complexe. Il conviendrait de l’analyser avec soin, pour préciser la notion de qualité et en montrer la complexité. En effet. cette évolution recouvre pêle-mêle des éléments aussi hétérogènes que des améliorations dans la qualité nutritionnelle, la consommation de produits plus rares ou de production plus couteuse, des modifications dans le calendrier des consommations, des modifications dans la trans¬ formation ou le conditionnement des produits et enfin, des modifica¬ tions dans la structure de l’économie (comme l’urbanisation) qui augmentent les coûts (de transport et de commercialisation) nécessaires pour mettre le même produit à la disposition des consommateurs. C’est dans l’analyse empirique patiente de ces divers facteurs que le progrès doit d’abord porter. Cest à partir de cette première obser¬ vation que la discussion avec d’autres spécialistes pourra s’engager et que des conclusions, aussi bien objectives que normatives à propos de la notion de qualité devront être introduites. Il nous semble cepen¬ dant que l’optique, peut-être simpliste et trop globale, de l’économêtre. aidera à cerner une définition complête. ECONOMETRIE 76 2 - L’ÉCONOMISTE AGRICOLE ET LES PRORLEMES DE LA QUAUTÉ DES PRQDUITS J. Le BIHAN L’économiste agricole préoccupé à la fois de production et de commercialisation des produits alimentaires n’a pas à prendre posi¬ tion sur tous les aspects de la qualité. Les conclusions du nutrition¬ niste et de l’agronome (1) constituent pour lui des données dont il doit tenir compte, mais son domaine propre consiste avant fout ( orqaniser et à faire paloriser la qualité. Evidemment cet effort d’organisation et de valorisation doit en fin de compte se répercuter sur le niveau des revenus percus par les producteurs de base. Telle est l’optique dans laquelle nous nous placerons. Comment concilier ces objectifs avec l’évolution moderne vers une production et une distribution de masse 2 Tel sera l’objet essentiel de notre contribution à ce symposium. La généralisation des méthodes actuelles de production et de distrit bution modirie profondément le contenu économique de la qualité des produits. Traditionnellement en effet la qualité du produit agricole s’est identifiée d’abord avec la personnalité du producteur. Du moins en était-il ainsi pour un certain nombre de denrées consommables en l’état. Dans tel ou tel bourg rural, c’est encore chose courante que de voir tel ou tel consommateur exiger le beurre ou le cidre livré par telle ou telle exploitation agricole de la région. (1) « Un aliment de qualité doit répondre à deux conditions : — être exempt de constituants ou d’agents biologiques pouvant nuire à la santé des consommateurs. — assurer à l’organisme l’ensemble des apports nutritifs essentiels que le con¬ sommateur est en droit d’attendre normalement de l’aliment. » M. J. CAUSERET 10 PRORIEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES ALIMENTS Dans un tel contexte, la oualité était une notion individualisée. Dans une autre étape, la qualité s’est identifiée à un groupement de producteurs géographiquement bien délimité (du moins en théorie). Il sagit là de la notion de quatité — terroir. Ces deux contenus de la notion de qualité correspondaient et cor¬ respondent toujours à des structures artisanales de production et de distribution S’il n’est nullement certain que de telles méthodes de production disparaissent complètement, il semble bien que leur importance décline au fur et à mesure que s’accroit l’importance de la grande unité de distribution. I1 est prohable et même souhaitable que ces notions tradition¬ nelles de la qualité caractérisent demain certaines consommations exceptionnelles, sinon couteuses (jours de fête, anniversaires, vacances. etc.) et l’exportation. Par contre, elles semblent incompatibles avec l’industrialisation et la standardisation progressive des produits alimentaires de consom¬ mation courante. Comment oraaniser et paloriser la qualité dans cette structure massipe, tout en sauvegardant l’intérêt du producteur 2 L’ORCANISATION DE LA QUALITÉ. Principe de base - Hypothèse. La consommation de masse exige des produits standardisés. C’est une rançon de l’élargissement des débouchés. Cette standardisation progressive des produits alimentaires a des répercussions sur l’acte productif en lui-méme. La disposition des vastes lots homogènes, c’est¬ à-dire garantissant au consommateur « de trouver instantanément et exactement la saveur qu’il cherche » (G. BBOWN), ne semble guère compatible avec le libre choix des décisions de production des agri¬ culteurs. Un produit homogène suppose des méthodes de production identi¬ ques sinon comparables. Dans certaines conditions l’obtention d’un lot de produits homogènes implique l’utilisation de facteurs de production du. même type (même souche pour les productions animales, même variété pour les fruits, etc.). La norme, précisément, a pour but de garantir l’homogénéité des lots de produits. La satisfaction de la distribution de masse implique donc en fin de compte l’établissement de programmes de production au niveau des groupements d’agriculteurs. En d’autres termes l’organisation moderne de la qualité est d’essence collective. ECONOMETRIE 01 Comment treduire ces principes dans la réalité 2 En raison de l'’imperfection des marchés agricoles, il est difficile de faire confiance au mécanisme classique des prix. Par conséquent. non seulement il faut que les agriculteurs créent des groupes, mais encore il faut que s’établissent des liens orqaniques entre la produc¬ tion et la distribution. L’adaptation « posterrorr de l’offre à la demande par le biais du marché classique ne permet pas d’aboutir à la standardisation des produits désirés par le distributeur final. D’une part, les produc¬ teurs ne seront pas renseignés sur les désirs des consommateurs, ou ils ne croiront pas aux informations fournies ou bien encore ils ne voudront pas s’y conformer, ou enfin il sera trop tard en raison des délais s’écoulant entre le démarrage d’une opération productive et la mise sur le marché du produit fini. A défaut de cette adaptation a posteriori assez improbable, il y a lieu de mettre en œuvre des méthodes de coordination a priori cette fois. La base de la coordination, dans ce cas, devra être constituée par le systême des contrats de production conclus entre les groupe¬ ments de producteurs et les grosses entreprises distributrices. Ces entreprises distributrices qui sont en contact direct avec les consommateurs, sont supposées, par hypothèse, bien connaitre les désirs de leurs clients en matière d’achats d’alimentation. A partir des exigences « du souverain consommateur », il s’agit d’établir des programmes de production, mis en œuvre dans le cadre de rapports contractuels. Bien entendu les éléments qualitatifs depront faire l’objet d’une réalementation trés précise, afin d’arriver toujours d ces lots importants de produits homogenes. Nos préférences vont au groupement du type coopératif, à condition que sa gestion so économiquement saine. LA VALORISATION DE LA QUALITÉ. Une fois la qualité organisée ou même programmée et ceci grâce à une discipline au sein des groupements de producteurs, il s’agit de recueillir les fruits. En principe, l’organisation d’une production de qualité doit être pavante, elle doit acroitre l’efficacité commerciale des agriculteurs ou plutôt de leurs groupements. Les précédents historiques. Les précédents historiques n’ont pas toujours été très encou¬ rageants, d’ou cet adage bien connu parmi les agriculteurs : « La qualité ne pave pas. » Il est certain que les écarts de prix entre la bonne qualité et la moins bonne ont été nettement insuffisants. Nous parlons, bien entendu, des prix percus par les producteurs car, au stade de la 102 PRORIEMTS POSES PAR LA DÉFINITION DES ALIMENT distribution fipale, la situation était tout autre, on profitait au maxi¬ mum des écarts de prix au détail. Ce nipellement par le bas tient, à notre avis à deux choses : — D’une part, le rôle passif de l’agriculteur dans la formation des prix, comme le soulignent les économistes américains, l’agricul¬ teur classique qui vend sa matière première, même de qualité, est un s price taker » : Puis, d’autre part, aux pressions de certains secteurs de la transformation et de la distribution qui ont abusé de leur situation oligopolistique. Dans ces conditions, une production de qualité souvent plus exi¬ geante en travail qualitatif, donc normalement plus couteuse, n’était pas valorisée. Vers un rête plus ockit de l’agriculteuc. Ainsi que le souligne le B. P. DE FARCY, l’agriculteur de demain semble appelé à exercer une fonction commerciale plus poussée que celle de ses prédécesseurs ». C’est dans cette perspective qu’il faut situer les efforts futurs déplovés par les agriculteurs pour valoriser la qualité de leurs produits. Puisqu’il est très difficile de valoriser la qualité des matières premières, les groupements d’agriculteurs essaient de vendre de moins en moins de produits primaires (1) et de plus en plus de produits secondaires, voire même tertiaires. Le producteur agricole essaiera donc de remonter dans la chaine be la qualité et de mettre à la dispo¬ sition des organismes distributeurs des produits finis de qualité. Cela implique des installations de transformation, de conditionnement et de stockage à grande échelle, d’ou une raison de plus pour eux de développer leur effort coopératif. Dans ces conditions, les groupements d’agriculteurs pourront probablement jouer un rôle majeur dans la valo¬ risation des avantages qualitatifs de leurs propres produits. CONCLUSION. Il devient donc évident que les problèmes de la qualité se posent ou plutôt vont se poser sous des jours nouveaux pour l’économiste agricole. Le point de vue que je vous ai exposé résume un aspect des conseils de décisions que nous donnons progressivement aux groupe¬ ments d’agriculteurs. Nous sommes persuadés que l’extension de la compétence de l’INRA Economique à tous les secteurs de l’économie agricole et notam¬ ment aux problèmes de commercialisation, provoquera à moyen terme une étude approfondie de cette question. (1) Exemple des pays sous-développés. ECONOMETRIE 103 BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE G. BROWN. — Les problêmes de la oudtité des produits aaricoles, « Economie Rurale 2. N. 39-40, janvier-juin 1959, pp, 95-193. H. de FARCY. — Le marketina et la recherche aaronomique. Etudes d’économie rurale. N° 29, septembre 1959, pp. 1-32. Coopération agricole. — Numéro spécial «La chaine de la qualité », aout-septent bre 1959. CINQUIEME PARTIE ASPECTS NUTRITIONNELS DE LA QUALTÉ 1 — Critères permettant de qualifier un aliment J. TREMOLIERES comme « Bon pour la Sonté ».. 2 — Problèmes posés par l’intormotion médicale pour une industrie alimentaire....... C. HERAUD 3 — Remarques sur les mots : Qualité et Naturel L. CATTINO SAVARIN. ASPECTS NUTBITIONNELS DE LA QUALITE 107 1-— CRITÈBES PERMETTANT DE QUALIFIER UN ALIMENT COMME BON POUR LA SANTE J. TREMOLIERES Que veut-on dire exactement quand on dit d’un aliment qu’il est « Bon pour la Santé » 2 Mis bien souvent en vedette actuellement, ce critère de la qualité alimentaire mérite un examen approfondi. Nous ne considérons donc pas ici les facteurs culturels, sociaux et écono¬ miques de la consommation alimentaire. Nous nous limiterons aux cri¬ tères qui pourraient actuellement permettre de mieux définir ce qu’on entend quand on dit d’un aliment qu’il est « Bon pour la Santé ». Nous admettrons ici que les plaisirs du goût, par leurs conséquences sur la digestion et par la détente nerveuse qu’ils produisent, font partie du « Bon pour la Santé », de même que les effets réchauffants. dopants, tranquillisants de certains aliments. Cette distinction entre la valeur physiologique, l’intérêt culturel. social et économique des aliments est trop schématique. Ce sont les effets physiologiques du vin qui font le support de sa valeur symbo¬ lique. C’est le rôle nutritionnel fondamental du pain qui a conféré au travail et à l’organisation économique qui le produisaient, une valeur quasi sacrée jusqu’à ces derniers temps. On ne peut guère aborder cette étude sur les critères qui pour¬ raient permettre de qualifier un aliment comme « Bon pour la Santé ». sans souligner la restriction avilissante et profanante que subit un repas quand on le réduit à son aspect hygiénique. Cette réduction est peu sensible dans les pays ou ce qui importe c’est le « Good Food 2. intraduisible en français : label de soi-disants savants, stérilité bacté¬ riologique, teneur en vitamines, emballages somptueux, etc. Mais dans le pays ou la mode et la table sont nées et toujours renou¬ velées, elle est une injure vis-à-vis d’un genre de vie qui reste bien agréable, et une faute vis-à-vis d’une réalité économique qui fait de nos produits de teroir une richesse nationale. W. CHURCHILL, disait. en 1940, qu’un pays qui dispose d’un fromage différent pour chaque jour de l’année, ne peut pas mourir et il ne faisait que reprendre un fait déjà vrai après les défaites de 1815 comme l’a écrit BRILLAT¬ en a compté ce matin, » 108 PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALIMENTS « En 1815, le traité du mois de noyembre imposa à la France la condition de paver aux Alliés, sept cent cinquante millions en trois ans. A cette charge, se joignit celle de faire face aux réclamations particulières des habitants des divers pays, dont les souverains réunis. avaient stipulé les intérêts, montant à plus de trois cents millions. Enfin, il faut ajouter à tout cela les réquisitions de toute espèce faites en nature par les généraux ennemis qui en chargeaient des fourgons qu’ils faisaient filer vers les frontières et qu’il a fallu que le trésor public pavât plus tard, en tout, plus de quinze cents millions. On pouvait, on devait même craindre que des pavements aussi considérables, et qui s’effectuaient jour par jour en numćraire, n’ame¬ nassent la gêne dans le trésor, la dépréciation dans toutes les valeurs f’ictives, et par suite tous les malheurs qui menacent un pays sans argent et sans moyens de s’en procurer. Hélas " disaient les gens de bien, en vovant passer le fatal tombe¬ reau qui allait se remplir dans la rue Vivienne, hélas " voilà notre argent qui émigre en masse : l’an prochain, on s’agenouillera devant un écu : nous allons tomber dans l’état déplorable d’un homme ruiné : toutes les entreprises resteront sans succès : on ne trouvera point à emprunter : il y aura étisie, marasme, mort civile. L’événement démentit ces terreurs : et au grand étonnement de tous ceux qui s’occupent de finances, les pavements se firent avec facilité, le crédit augmenta, on se jeta avec avidité vers les emprunts et pendant tout le temps que dura cette superpuraation, le cours du change, cette mesure infaillible de la circulation monétaire, fut en notre faveur : c’est-à-dire, qu’on eut la preuve arithmétique qu’il entrait en France plus d’argent qu’il n’en sortait. Quelle est la puissance qui vint à notre secours 2 Quelle est la divinité qui opéra ce miracle 2 La gourmandise. Quand les Bretons. les Germains, les Teutons, les Cimmériens et les Scythes, firent irrup¬ tion en France, ils y apportèrent une voracité rare, et des estomacs d’une capacité peu commune. Ils ne se contentèrent pas longtemps de la chère officielle que devait leur fournir une hospitalité forcée ils aspirèrent à des jouissances plus délicates : et bientôt la ville reine ne fut plus qu’un immense réfectoire. Ils mangeaient, ces intrus. chez les restaurateurs, chez les traiteurs, dans les cabarets, dans les tavernes, dans les échoppes et jusque dans les rues. Ils se gorgeaient de viande, de poissons de gibier, de truffes, de pâtisseries et sur¬ tout de nos fruits. Ils buvaient avec une avidité égale à leur appétit et demandaient toujours les vins les plus chers, espérant d’y trouver des jouissances inoujes, qu’ils étaient ensuite tout étonnés de ne pas éprouver. Les observateurs superficiels ne savaient que penser de cete man¬ gerie sans faim et sans terme : mais les vrais Français riaient et se frottaient les mains, en disant : « Les voilà sous le charme : et ils nous auront rendu ce soir plus d’écus que le trésor public ne leur. 110 PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALIMENTS 4) Enfin, le 4° groupe de facteurs à considérer est l’innocuité de l’alimept. En fait, nous verrons combien le « toxique » est difficile à caractériser en dehors des cas où il s’agit d’un effet brutal. Les aliments comportent nombre de substances comme la théo¬ bromine, des hormones végétales, des pigments, des stérols, des alca¬ loides et seul l’usage classe ces constituants parmi les aliments ou les médicaments. La frontière du foxique est, du reste, aussi difficile à tracer dans nombre de cas nour les médicaments que pour les aliments. Nous allons maintenant étudier comment il apparait possible de caractériser un aliment pour ce qui est de ses effets sur la santé de l’homme. APTITUDE A COUVRIR LES RESOINS NUTRITIONNELS DE L’HOMME. Remarques sur les bases des standards nutritionnels. Dans l’opinion publique actuelle la nutrition est une science évo¬ luée qui a défini les standards des besoins humains comme la méca¬ nique a défini toutes les conditions d’entretien d’un moteur d’avion. Effectivement quelques académies et académiciens se sont laissés aller à tirer d’études de laboratoires de portée limitée des généralisations dogmatiques d’apparence scientifique. Un certain nombre de faits sont venus transformer la notion de standards nutritionnels. 1) Les carences vitaminiques spécifiques (mononutrient deficien¬ cies) sont rarissimes chez l’homme. On les observe dans les circons¬ tances exceptionnelles de l’animal de laboratoire maintenu à un régime élevé, comportant tous les nutriments sauf un. Chez l’homme, on voit des dénutritions globales. Le besoin en une vitamine dépend du taux de plusieurs dizaines d’autres nutriments, il est donc pratiquement imprévisible. 2) L’homme n’est pas une machine comparable au moteur de la physique classique. Devant une réduction de ration de 50 %, il maigrit de 25 %% et ajuste ses dépenses à ses recettes en 6 mois environ. Pour faire un même travail ou pour faire face à une situation climatique. il peut toujours inventer des solutions imprévues. Le besoin ne peut donc être défini que pour un certain type d’homme, un certain type d’activité et un cértain genre de vie. Il est fondamentalement relatif. 3) Les standards caloriques de la F.A.O, se calculant en tenant compte du poids, et le poids dépendant mathématiquement du taux calorique dans de larges marges, appartiennent ou bien à la caté¬ gorie de ces mêtres élastiques du domaine de l’illusionisme ou bien. obligent à choisir un Apollon et une Vénus de référence, ce qui est difficile à faire admettre sur le plan international. AGPECTS NUTBITIONNEIS DE LA QUAUTE 4) Les standards protéiques de la F.AO, basés sur les taux mini¬ mum susceptibles d’équilibrer le bilan et la valeur biologique déter¬ minée au contraire au niveau de l’entretien, sont deux extrapolations à partir de conditions de laboratoire contradictoires qui amèneraient à conseiller aux Japonais et aux Marocains à réduire leur alimentation en protéines. Aussi cet aspect des standards pose surtout le problème des condi¬ tions psychologiques qui permettent des extrapolations aussi fantaisistes. 5) Ce qui servira ici de base de référence, ce ne sera donc pas les standards de tous les nutriments classiquement nécessaires : ce sont ceux d’entre eux dont les enquêtes sur l’état de nutrition ont moutré l’importance particulière dans une population donnée. Voici les principaux points qui se dégagent, des enquêtes sur l’état de Nutri¬ tion menées par l’Institut National d’Hygiène : L’adaptation spontanée de l’appétit aux dépenses, dans certains cas, la crainte de sur et de sous-consommation dans d’autres, orientent vers certains aliments de préférence à d’autres : — Le pourcentage de calories lipidiques est considéré actuelle¬ ment comme un des index du danger d’un type alimentaire : — Il en est de même pour le pourcentage de calories alcooliques : Le pourcentage de calories protéiques est un des index les plus constants du comportement alimentaire (12 % « 1 %). L’éléva¬ tion progressive de la part des produits animaux est une tendance profonde et constante de l’homme industriel : — Chez l’enfant, la femme enceinte, les taux de calcium, de fer¬ de vitamine A, de vitamine D. sont à surveiller : d’une façon générale le danger des « caloriès vides » et l’importance des substances de protection sont à souligner. Nous avons exposé ailleurs les bases sur lesquelles reposent ces points (1). Ici, nous ne ferons que soumettre quelques réflexions ou exemples susceptibles de montrer comment les standards ainsi compris peuvent donner des orientations pour les qualités alimentaires les plus désirées ou désirables. Standards caloriques. C’est une opinion courante de dire que l’homme industriel séden¬ taire mange moins que ses ancêtres plus actifs. Ce n’est pas exact si l’on compare les consommations actuelles à celles observées il y a 70 ans en Allemagne par VOIT et aux U.S.A, par ATWATER. — Ce que l’on constate, c’est la réduction, voire la disparition dans les villes du facteur professionnel sur les taux consommés. C’est le fait que les « sédentaires » actuels consomment de 20 à 30 %% de plus que les sédentaires d’autrefois, que la puberté plus précoce et (1) J. TREMOLIERES : Vues actuelles sur l’utilisation des standards nutrition¬ nels pour juger une ration alimentaire. Nutritio et Dieta, vol. 1, N° 1 (1959), pp. 4-26. PROBIEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES AUIMIENTS 112 l’allongement des tailles moyennes vont de pair avec upe légère élé¬ vation des calories consommées pour une même catégorie d’âge. Par ailleurs, la hantise de l’obésité et de la surconsommation est un fait. D’après une étude de marché, 80 % des femmes américaines seraient inqujêtes à ce sujet, 30 % l’étant du reste sans motif. En France, cette hantise de la surconsommation n’a pas été mesurée : mais il est probable qu’elle existe et est une composante importante du comportement alimentaire. On ne recherche pas ce qui « nourrit ». C’est probablement dans cette ligne que des denrćes comme le cho¬ colat, la charcuterie, le pain voient leur consommation plafonner ou se réduire. Etre « nourrissant », « engraissant » est un caractère peu recherché actuellement. Il faut reconnaitre que les maladies de suralimentation tendent à remplacer dans nos pays les maladies de carence. Ne pas dépasser 35 % de calories lipidiques Il existe une relation statistique entre le pourcentage des calories apportées par les graissest la mortalité par maladie dégénérative du coeur et des vaisseaux, et la cholestérolémie. C’est au-dessus de 35 % de calories lipidiques que l’artériosclérose parait devenir plus fré¬ quente. Expérimentalement, des régimes comportant 60 % de calories lipidiques produisent des lésions artérielles. Comme par ailleurs une surconsommation de graisse et de viande semble bien un des facteurs majeurs de la pléthore alimentaire, que la tendance à consommer une alimentation trop grasse est une ten dance naturelle liée à une palatabilité et à une appétence spéciale, que les graisses constituent des sources caloriques très bon marché et presque vides de substances de protection, le nutritionniste actuel a la hantise des graisses. D’un point de vue pratique on ne doit pas seulement considérer les graisses d’assaisonneinent: il faut souligner que les aliments ani¬ maux fournissent habituellement la moitié de nos calories lipidiques. Le tableau suivant montre à quel point ils sont riches en graisse ASPECTS NUTRITIONNELS DE LA QUAUITE 13 Un régime n’apportant pas plus de 35 % de calories lipidiques ne devrait pas apporter plus de 15 à 20 % de ses calories sous forme de graisse visible. Le danger de la carence en acides gras essentiels a été sou¬ ligné, principalement en Angleterre, du fait de certains procédés d’élevage et de certaines technologies des margarines. Il est sans doute sage de conseiller la présence de ces acides gras à des taux moyens de l’ordre de 10 % des acides gras totaux de façon à éviter les dangers de carence. Mais il faut bien distinguer le fait d’éviter une carence de celui d’ordre thérapeutique qui consiste à créer une surcharge en acide linoléique, surcharge qui, de l’ordre de 20 « d’acide linoléique par jour avec un régime très bas en autres acides gras, serait suscep¬ tible d’abaisser la cholestérolémie. Nous verrons plus loin que le problème des altérations des graisses. soit par des techniques inadéquates, soit par mauvaise conservation. est également à considérer. Alcool. Nous avons développé ailleurs les données qui font considérer que l’homme ne peut pas oxyder normalement plus de la moitié de ses dépenses de base sous forme d’alcool (1 litre de vin à 10e chez l’homme, 374 de litre chez la femme) et encore cette oxydation réclame¬ t-elle une alimentation par ailleurs normale (1). Une enquête sur les régimes cirrhogènes (2) a confirmé cette donnée en montrant due la cirrhose alcoolique peut apparaitre à partil d’une ration d’un litre de vin à 106, par jour. Protéines. Le pourcentage de calories protéiques apparait si constant qu’il semble bien que l’homme préfère réduire son taux calorique global que de réduire ce pourcentage qui est de 12 % 1 %. Peut-être est-ce là la cause ou la conséquence de la constance du rapport de la dépense azotée à la dépense calorique. Ce rapport tend à s’élever chez les anorexiques, les fatigués. La consistance des protéines fait que, contrai¬ rement aux lipides ou glucides que l’on peut ingérer à l’état pur. les denrées qui en comportent plus de 30 % sont très mal acceptées La tendance actuelle est de rechercher les protéines animales, la nature de ce goût pour les protéines animales ne s’expliquant guère quand on considère seulement leur valeur nutritionnelle. On pourrait (1) J. TREMOLIERES et L. CARRE : Physiologie de l’utilisation de l’alcool dans l’organisme. — Renue de l’Alcoolisme, tome 5. Ne 3, 1959. J. TREMOLIERES, G. GRIFFATON, R. LOWY : Aspects biochimiques de l’utilisation de l’alcool. — Revue de l’Atcoolisme, No 1. T. 5, pages 39-62, (1959). (2) G. PEQUIGNOT : Enquête par interrogatoire sur les circonstances diététi¬ ques de la cirrhose alcoolique en France. — Bulletin de l’Institut Nationat d’Hugiène F. 13. N° 3, juillet-sept, 1955, page 719. PRORIEMES POSES PAR LA DENITION DES ALIMENITS 114 théoriquement en effet, avec de bons mélanges de protéines végétales et très peu de protéines animales, réaliser des valeurs biologiques aussi satisfaisantes. Qu bien il s’agit de facteurs inconnus encore, ce qui est fort possible dans la gamme des composés agissant sur la motricité, les sécrétions, les actions enzymatiques et bactériennes, ou bien, il s’agit d’un cas particulier de cette tendance à éviter les amidons et à leur préférer les graisses. Minéraux et Vitamines. Les teneurs minérales et vitaminiques prennent de l’intérêt lors de la croissance ou de la grossesse comme c’est bien classique. Il faut par ailleurs souligner qu’avec les aliments purifiés qui risquent de prendre une large place dans certains types alimentaires (sucre farine ultra-blanche, graisses raffinées, hydrogénées), le danger de ca¬ rence est considérablement accru. Qu’un aliment rentrant dans un plat ne soit pas équilibré, ce n’est pas grave si les autres composants du plat le compensent, Par contre, les dangers de produits du type d’entremets faits par exemple de sucre, de maizéna ou de farine très blanche, de margarine, de blanc d’œufs, d’un arôme de café et d’alginate, sont considérables si leur place augmentait dans la ration. A priori, toute soustraction d’éléments de protection surtout dans des aliments de base comme le pain, est suspecte car elle est une cause latente de déséquilibre. L’expérience de pays comme le Royaume-Uni ou les U. S. A, est instruc¬ tive sur ce point. Au point de vue nutritionnel, la soustraction d’un nutriment d’un aliment doit être considérée comme une altération de sa valeur, les produits purifiés ne doivent être employés que pour une part limitée. Ce sont eux qui risquent de créer des carences telles qu’on les réalise en laboratoire. Encore faut-il ne pas confondre produit impur (sucre roux) avec produit non purifié. DIGESTIBILITE L’acceptabilité d’un aliment dépend en grande partie des sens¬ sations digestives qu’il produit. Cette digestibilité, cest-à-dire les modalités du travail digestif. n’a pratiquement rien à voir avec les coefficients d’utilisation digestive physiologiques, comme nous l’avons développé ailleurs (1). Il s’agit d’un sujet sur lequel il y a beaucoup plus à chercher que de déjà connu. Si bien qu’ici nous essaverons, à partir d’exemples, de faire le point. (1) J. TREMOLIERES. CI. SAUTIER, F. FAUDEMAY, C. FLAMENT et J. FAR¬ QUET : Etude de la digestibilité chez l’homme. 1. Une méthode d’étude : le fécalogramme. Annales de la Nutrition et de l’Alimentation, 1960, vol. XIV, Ne 3, p. 225-257. ASPECTS NUTRITIONNELS DE LA QUAUTE 173 Nous aborderons successivement : 1) les effets sur l’appétit; 2) les sensations organoleptiques, palatabilité, arôme, gout: 3) les effets excito-moteurs et sécrétoires: 4) les effets sur la flore et sur l’excrétion fecale. Effets sur l’appétit. Exciter l’appétit, être mangé de bon appétit, est un caractère recherché, mais complexe. Il y a là tout l’ensemble de réflexes condi¬ tionnés qui nous dit que l’aliment déclenchera des sensations gustatives. digestives ou générales agréables. Nous nous limiterons ici aux effets sur les mécanismes directs de l’appétit. La distinction que l’on veut physiologiquement très nette entre la faim, liée à des contractions gastriques douloureuses et angoissantes. et à des modifications humorales poussant à manger n’importe quoi et l’appétit, désir sélectif de manger tel ou tel aliment, est à notre avis trop tranchée et il y a davantage une différence de degré qu’une diffé¬ rence de nature. Les mécanismes physiologiques qui nous poussent à manger parais¬ sent de quatre ordres probablement simultanément. — Des facteurs humoraux : mais ils semblent loin d’être constants et obligatoires. Il est des hypoglycémies qui ne déclenchent pas l’appétit. Les variations du captage du glucose par les tissus ne s’accompagnent nullement toujours d’appétit ou de satiété. Les amino-acides jouent probablement un rôle important. — Le déclenchement des contractions gastriques est également un facteur capable de provoquer la sensation de faim. BROBER, PASSMORE rattachent les sensations d’appétit ou de satiété au refroidissement puis au réchauffement de certaines parties du corps. M. DE LA PALICE nous apprendrait que l’appétit est un ensemble de sensations créant un état, qu’apaise c’est-à-dire fait cesser, l’inges¬ tion d’aliments. Cet état est psychique, neuro-endocrinien, humoral et physiologique. Il n’est pas créé par les aliments mais calmé par eux Les aliments ont seulement un potentiel de désirabilité ou de satiéte et c’est ce potentiel qui les fait considérer comme ouvrant ou nor l’appétit. Pouvair organoleptique. Les actions organoleptiques des aliments sont assez mal connues et n’ont guère fait l’objet d’études systématiques. Il semble en parti¬ culier, d’après les études de RICHTER sur le rat et d’après notre propre expérience, que souvent un aliment engendre d’autant plus vite la satiété qu’il est plus désiré, ainsi le sucre, les graisses alimentaires. Fes amers, ouvrant l’apṕtit à très petite dose, le saturent tres vite. PORIEMTS POSES PAR LA DEEINITION DES ALIMENT 116 Les extraits de viande ont le même effet ainsi qu’une série d’amino¬ acides purs. Si l’on insiste, des nausées succédent à la sensation de satiété. Il nous semble, à titre d’hypothèse, qu’en général les saveurs ou odeurs pures sont désirées, mais engendrent une satiété rapide, surtout si elles sont répétées sans un intervalle suffisant, alors que les saveurs et odeurs complexes et variables, moins bien accueillies, voient leur pouvoir apéritif se développer et se maintenir plus longtemps. Une étude expérimentale des qualités organoleptiques demande que l’on caractérise suffisamment : a) L’aliment par les saveurs, les arômes, la consistance dans la bouche : b) Le sujet par ses seuils de sensibilité gustative, olfactive, seuils que l’on sait variables suivant en particulier l’état endocrinien : c) Les conditionnements du sujet vis-à-vis des sensations déclen¬ chées. Effets excito-moteurs et sécrétoires des aliments. Jusqu’ici, c’est seulement par des techniques physiologiques assez perturbantes (petit estomac de PAVLOV, ballonet gastrique ou intes¬ tinal) que les effets excito-moteurs et sécrétoires des aliments ont été étudiés. Les pertuhations psychologiques des moyens d’investigation limitent beaucoup la portée des résultats acquis. Avec les appareils modernes d’enregistrement de pressions sans ballonnet et d’autres mé¬ thodes, ces études sont à reprendre. Nous présentons ici quelques exemples : a) Viandes — De tout temps on sait que les viandes, spécialement les viandes rouges, rôties ou les bouillons de viande, présentent des effets excito-moteurs et sécrétoires puissants. Les chimistes de l’époque de BRILLAT-SAVARIN appelaient « Osmazôme » cette partie éminem¬ ment sapide des viandes qui est soluble à l’eau froide, qui fait le mérite des bons potages, qui, en caramélisant, fait le roux des viandes. le rissolé des rôtis, le fumet de la venaison et du gibier. L’osmazôme. découvert après avoir fait si longtemps les délices de nos pères, peut se comparer à l’alcool qui a grisé bien des générations avant qu’on ait su qu’on pouvait le mettre à nu par la distillation (Physiologie du gout. Méditation V). « Le bouillon de viande est un excitant chimique du suc gastrique » observe PAVLOV. « Du moment qu’on n’a pas ou peu d’appétit, il faut inévitablement commencer ses repas par un excitant chimique puissant. c’est-à-dire par des solutions de substance excitantes contenues dans la viande » (1). « C’est sur le lait que se répand le suc gastrique le plus faible, de même que la plus petite quantité de suc pancréatique en comparaison avec les autres aliments équivalents par leur teneur (1) J. PAYLOY : L’instinet humain et l’empirisme médical (Conf.), in œEuvres choisies. Ed. Française, Moscou 1954, p. 123. ASPECTS NUTBITIONNELS DE LA QUALTE 117 en azote ». (p. 127). PAVLOY fait ensuite remarquer qu’alors que pol le lait, les sécrétions se produisent de façon équivalente, qu’il soit ingéré volontairement ou mis dans l’estomac à l’insu de l’animal, pour la viande, il n’en est pas ainsi et la sécrétion est beaucoup plus importante après ingestion volontaire, montrant la part de la sécrétion d’origine psycho-organoleptique. Les substances qui sont à la base de l’appétit tout spécial de l’homme moderne pour les viandes rouges, restent aussi inconnues qu’il y a un siècle. Reprendre les études sur les effets excito-moteurs et sécrétoires de diverses fractions d’extrait de viande, suivant sa nature, sa maturation, ses modifications par des actions bactériennes comme dans la charcuterie, pourrait peut-être conduire à l’isolement des composés actifs, à l’analyse de leurs effets, puis aux meilleures conditions de leur production. Au moment où le monde consomme et demande de plus en plus de protéines de viande dont on sait le cout très élevé de production il y aurait là des recherches susceptibles d’éclairer les raisons d’une pulsion très onéreuse et qui reste physiologiquemment énigmatique b) Produits amutacés — C’est encore PAVLOY qui, dans son dis¬ cours pour la réception du prix Nobel en 1904 note : « Une plus grande partie de ferment protéolytique est produite pour les protéines de la viande et du lait. Elles sont scindées avec beaucoup plus de facilité par le ferment protéolvtique que les protéines d’origine végétale » (p. 141). L’on sait que les amidons et celluloses accompagnant les protéines interfèrent avec la digestion des protéines. Certaines dénutritions pro¬ téiques sont rattachées aux dyspepsies produites par les farineux. La pellagre est considérée actuellement comme une non disponibilité du tryptophane des protéines du mais. In pitro, on sait que les divers amidons interfèrent diversement dans la protéolyse, que la nature et les traitements subis (cuisson, fermentation) jouent là un rôle (1). Des travaux récents semblent montrer que les divers amidons jouent, à titres divers, le rôle de résines échangeuses et sont ainsi capables de bloquer un temps des enzymes protéolytiques. Actuellement, on critique ou on prône tels procédés de séchage. de panification, de torréfaction, de cuisson sur des bases à peu près inexistantes. Si des travaux in vitro et in pipo pouvaient éclairer les facteurs physico-chimiques responsables de l’intervention des divers types d’amidon dans l’action des ferments digestifs et de la flore, on pourrait parler d’une digestibilité plus ou moins bonne des denrées amylacées. c) Certaines graisses (beurre de cacao, huile d’arachide ou d’olive) ont des effets cholécystokinétiques puissants, alors que d’autres graisses de bœuf ont des effets presque nuls (SARLES) (2). (1) J. TREMOLIERES, J.-J. BERNIER, R. LOWY : Etude sur les modalités de digestion de divers types d’amidon. Nutrito et Dieta, vol. 1. N° 2 (1959), pp. 100-120. (2) SARLES H. : Effets biliaires de diverses graisses sur l’homme. Bulletin de l’Institut National d’Hugiène, Ne 6, T. 14, noy.-déc. 1959, pp. 1184-85. graisses. Nutritio et Dieta, 1960, pour paraitre. 118 PRORIEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES AUIMENT d) Des études sur les effets excito-sécrétoires gastriques et intes¬ tinaux des facteurs réputés exciter ou saturer l’appétit sont pratiquement inexistantes. Peut-êtré que l’étal physiologique gastrique accompagnant la répétition excessive d’aliments standards, et à l’inverse celui aecom¬ pagnant l’ingestion de produits de protéolyse faisant la sapidité de certains fromages ou de certaines charcuteries pourraient être étudiés. Ettets sur la flore et l’excrétion técale. Le fonctionnement colique et les modalités d’évacuation consti¬ tuent un facteur important du confort abdominal que chacun recherche et par conséquent l’effet des divers aliments sur ce point est important. Pour quelques faits acquis, il reste beaucoup d’inconnues. — On sait qu’il suffit d’un gramme environ de celluloses de céréales pour doubler le poids fécal. Cet effet, lié semble-t-il à la nature de ces celiuloses riches en lignine, s’accompagne de pesanteur coecale et d’un état d’irritation colique dans la majorité des cas, alors qu’il est bénéfique pour certains constipés chroniques (1). Le lactose du lait peut produire une flore lactique dont on connait de longue date l’efet antibjotique vis-à-vis des autres flores et l’effet laxatif modéré. — Les graisses augmentent le volume fécal en enrobant les cellu¬ loses divisées par les bactéries. Les huiles produisent en plus un effet laxatif hydrosalin léger (2). On commence seulement à connaitre les facteurs de croissance bactérienne que sont certains polysaccharides des laits (lacto-bacillus factor) et peut-être les allergènes que certains d’entre eux peuvent constituer. EETETS PuYSIOLOCIQUES CENÉRAUX. Les sensations générales produites par les aliments contionnent plus profondément encore que les sensations digestives, la sélection alimentaire de chacun. C’est une évidence qu’il est des mangeurs de viande, des végétariens, des gros mangeurs, des buveurs de vin, des mangeurs de sucre et que les aliments constituent bien le lien le plus intime entre notre personnalité, notre type culturel et le miheu ambjant. (1) J. TREMOLIERES et R. EREMANN : Influence sur ta digestion de la sur¬ charge cellulosique apportée par le pain bluté à 98 % (Bult, de l’Acad. de Méd., t. 127. 1943, Dp. 641-645, et Presse Médicale. N 1. 8 janvier 1944, p. 7). Idem : Action sur les fonctions de digestion et d’absorption des glucides. (Acad. de Méd.. t. 128, ler féy, 1944, pp. 44-47. (2) J. TREMOLIERES. CI. SAUTIER. L. CARRE E. FAUDEMAY. C. ELAMENT et J. FARQUET : Nature et composition des fécès de l’homine. II. Effets de diverses. ASPECTS NUTRITIONNELS DE LA QUAUT 9 « La digestion est, de toutes les opérations corporelles, celle du influe le plus sur l’état moral de l’individu.. Ainsi la manière habituelle dont la digestion se fait, et surtout se termine, nous rend habituellement tristes, gais, taciturnes, parleurs, moroses ou mélancoliques, sans que nous nous en doutions, d’où il suit que le poè̂te le plus lacrymal n’est séparé du poè̂te le plus comique que par quelque degré de coction digestionnaire. Hâtons-nous, disait un général anglais de faire battre nos soldats pendant qu’ils ont encore le morceau de bœuf dans l’estomac. La digestion chez les jeunes gens, est souvent accompagnée d’un léger frisson, et chez les vieillards, d’une assez forte envie de dormir. Dans le premier cas, c’est la nature qui retire le calorique des surfaces, pour l’emplover dans son laboratoire : dans le second, c’est la même puissance qui, déjà affaiblie par l’âge, ne peut plus suffire à la fois au travail de la digestion et à l’excitation des sens. » (BRILLAT¬ SAVARIN, Physiologié du Gout. Méditation XVI). L’honnête homme du XXe siècle ne fait que reprendre l’expé¬ rience millénaire de l’humanité. « Loin de Cérès et de Bacchus, Vénus reste froide » disait saint JEROME. « Le vin fait croire que tout est sécurité et bonheur » écrivait saint GREGOIRE, mettant déjà en garde contre ce qui reste encore le meilleur des tranquillisants puisqu’il n’est pas dépresseur. « Le vin réchauffe, mais son action n’est pas de longue durée, tandis que les aliments carnés nourrissent toutes les parties de l’organisme et ont des effets beaucoup plus permanents » dit saint THOMAS. « Le jeune aime le silence, juge superflue la richesse méprise l’orgueil, vante l’humilité, donne à l’homme de reconnaitre sa faiblesse et sa fragilité » écrit saint AUGUSTIN et saint GREGOIRE enchaine : « Si les gourmands n’étaient pas aussi des bavards, le mau¬ vais riche, aux festins quotidiens et splendides, n’aurait pas la langue si dévorée par le feu ». Ces sensations générales produites par les divers aliments ont un substrat physiologique plus ou moins connu. Les unes sont généra¬ les et liées à l’acte alimentaire : les autres sont spécifiques à chaque groupe d’aliments. Celles qui sont générales, sont liées à la satiété dont nous avons vu qu’elle s’accompagne de réchauffement de certains secteurs corpo¬ rels et d’un état digestif modifié. La détente que produit le repas. par la sensation agréable qu’il procure, vient effacer les sollicitations. les tensions de la vie active et c’est probablement pour cela qu’il est si difficile de sauter un repas même quand on n’a pas faim. Comme pour un standard téléphonique surchargé, le moyen d’en réta¬ blir le fonctionnement est de faire dominer toutes les sollicitations par une, plus impérative, qui efface toutes les autres qui encombraient les lignes en se génant l’une, l’autre. Celles qui sont spécifiques, sont liées à un nutriment. Le sucre. semble-t-il, est capable de permettre un effort musculaire plus soutenu. Certaines graisses entrainent une somnolence et une réduction des pos¬ PRORLEMES POSES PAR LA DEFINITLON DES AUIMENTS 120 sihilités d’effort musculaire. Les viandes produisent un réchauffement lié à leur action dynamique spécifique et à l’excitation surrénale et sympathique qu’elles produisent. Les effets de l’alcool sont bien connus cliniquement, leurs substrats chimiques ne le sont pas. Les minéraux, et spécialement le sodium, les vitamines ont des effets physiologiques variant suivant leurs doses et leurs associations. Ici encore, il y à un domaine qui conditionne en grande partie notre comportement alimentaire et dont la connaissance est rudimentaire. L’ARSENCE DE TOXICITE Les amateurs de définitions claires de tests simples, sont ici tout spécialement dangereux, voire nuisibles, de même que leurs anti¬ podes les douteurs systématiques. Entre le toxique, le médicament et le nutriment, les frontières ne sont tracées que par les codes de pharmacie. Le cuivre, le cobalt. le zinc, la vitamine A, la vitatnine D sont des nutriments à certaines doses, des médicaments ou des toxiques à d’autres doses. Ils font partie de molécules fondamentales de notre organisme. Ils peuventt modifier des fonctions et altérer des tissus. Les définitions sont conventionnelles Ce qui importe, c’est que les conventions soient aussi valables que possible, c’est-à-dire reposent sur un ensemble de travaux qui se développent constamment sans esprit doctrinaire et sans parti pris de façon à permettre une conven¬ tion pratique, honnête. (1) Ceci est dit, parce qu’il est surprenant de voir combien il y a peu de recherches toxicologiques, combien ces recherches sont souvent limi¬ tées au stade embrvonnaire de la détermination de la dose léthale 50. combien nombre des conventions actuelles reposent sur le néant. Ce que nous voudrions essaver de faire ici, c’est seulement de poser le problème de l’innocuité, ou plutôt de fournir des éléments. pour le mieux poser. — La détermination d’une toxicité n’est pas un travail de spécia¬ liste des tests de toxicité. La détermination d’une DL. 50 ou d’une toxicité chronique peut être le stade le plus aveugle et le moins utile. La DL, 50 peut être élevée pour des cancérigènes qu’il faudra rigoureu¬ sement éviter, alors qu’elle est très faible pour certains pesticides qui, cependant, peuvent être largement employvés. Une bonne étude de toxicité devrait permettre de dire pourquoi. comment et dans quelles conditions le composé est toxique. C’est dire que tous les secteurs de la biologie peuvent être mis à contribution : recherche des enzymes métabolisant le produit, fixation dans la cel¬ (1) G. STONER. ASPECTS NUTRITIONNEIS DE LA QUALTE 121 lule : modifications qu’il produit sur les circuits métaboliques de la cellule, sur certaines fonctions des divers organes : répartition à l’éche¬ lon physiologique entre les organes : effets pharmacodynamiques : ab¬ sorption intestinale. Un composé non resorbé dans l’intestin n’a pas besoin d’être étudié sur les autres secteurs. L’aspect métabolique de la toxicologie est particulièrement im¬ portant pour les émulsifiants, les colorants, les antioxydants qui sont si peu toxiques qu’il est très difficile de déterminer leur DL 50, alors que leur consommation régulière oblige à savoir ce qu’ils deviennent et comment et où leur métabolisation se fait, les déséquilibres méta¬ boliques qu’elle entraine. Ainsi l’un de nous (1) a montré que les colo¬ rants azoiques, autorisés depuis bien longtemps, étaient métabolisés par hydrogénation de la double liaison par un système enzymatique utilisant le TPNH comme donateur d’hydrogène : le TPNH est égale¬ lement le cofacteur du systême hydrogénant la Cortisone. Ce cofacteur est produit, en particulier au début du cycle de DICRENS, c’est-à-dire sur la voie de la synthèse des acides ribonucléiques. Les conditions de métabolisation se font sur un circuit trop fondamental pour qu’on puisse en rester la- et ne pas chercher si certaines fonctions tissulaires ne sont pas modifiées par ces colorants et de fait nous observons que ces colorants modifient l’équilibre entre les voies oxydatives et anaéro¬ bies de métabolisation du glucose. — Les données de la, physiologie et de la biochimie comparée peuvent être ici très précieuses. Ainsi, savoir qu’un composé est un fungicide ou un herbicide parce qu’il interfère dans telle voie méta¬ bolique propre à la plante, peut aider à aborder son effet sur le mammifère, de même pour les antibiotiques. Cette nécessité d’une approche très large apparait encore devant les grandes variations des doses toxiques ou des effets métaboliques suivant l’état de nutrition de l’animal. Au cours d’un jeune partiel des stéroides normalement supportés à dose élevée, deviennent mortels. La toxicité de certains antibiotiques ou de carvolytiques varie de 1 à 4 suivant le taux protéique du régime. La vitamine D devient toxique s’il existe une carence en acides gras essentiels. Ce n’est qu’à l’échelon le plus large de la physiologie cellulaire, de l’enzymologie, de la physio¬ logie qu’une explication simple des faits peut être donnée. Les mutations génétiques ne sont pas rares, même chez le rat. Suivant les races et les souches, le DAR est cancérigène ou ne l’est plus : les dérivés de la phénylbutazone produisent ou non des ulcères : un régime est ou n’est pas athérogène. — Les concepts naifs ne manquent pas en toxicologie. Il y a ceux qui pensent que cette largeur de recherches n’est pas nécessaire qu’elle est du domaine « fondamental », donc universitaire. Ce sont en (1) Réduction enzymatique de colorants azoiques, par Ph. MANCHON. L. BRI¬ GAND et R. DERACHIE. — CR. des séances de la Société de Biologie, tome CLI. N° 7, 1999, p. Trr2S other foreign compounds by liver microsomes. Sciences, 1955, 121, 603-604 DORIEMES POSES PAR 1A DÉTINITION DES ALIMENTS 122 général ceux qui désirent un protocole stéréotypé de tests comme si en une matière aussi complexe, un tel code était nossible. Ils pren¬ nent un désir de sécurité et de simplicité pour la possibilité d’y atteindre. — Il y a ceux qui pensent qu’en nourrissant pendant 2 ans 7 géné¬ rations de 500 rats avec le composé, le maximum est fait pour déter¬ miner le taux de sécurité, alors qu’une expérience aveugle, « pour voir 2. sans fil conducteur, ne livre en général que des faits peu interpré¬ tables et que la statistique appliquée sans information suffisante four¬ nit des relations « statistiquement significatives » mais dont la signi¬ fication égare. — L’examen anatomique des organes, tout comme ces études pro¬ longées, notant la croissance et les taux de mortalité et de fertilité n’ont en fait donné que fort peu de résultats intéressants malgré le travail formidable qu’ils représentent. Un cancérigène puissant peut très bien ne produire presque rien avec cette méthode. Pour cesser d’être critique et négatif, nous présenterons ce qui nous semble les conditions auxquelles on peut aborder les pro¬ blèmes de toxicologie. 1) La toxicologie n’est pas une spécialité ou il s’agit d’appliquer une série de tests. Elle réclame la très large culture biologique de la Nutrition, alant de la chimie organique à la pathologie, en passant par l’enzymologie, la physiologie cellulaire, la physiologie des métabo¬ lismes, leur pathologie, la pharmacologie, les enquêtes sur l’état de nutrition de populations. 2) L’examen des propriétés physiques, de la famille chimique. des particularités des radicaux doit être fait conjointement par le physi¬ cien pour prévoir les probabilités de lieux où dans les organes et les cellules le corps se fixera : par le chimiste qui déterminera la réac¬ vité probable de la molécule : par l’enzymologiste et la physiologie métabolique qui envisageront les circuits dans lesquels le corps pourra interférer : par le physiologiste qui déduira les fonctions qui pourront être modifiées ou les efets pathologiques possibles : par le thérapeute. le pharmacologiste. Interfère-t-il avec l’action d’un enzyme digestif, l’absorption d’une vitamine 2 Les insecticides organophosphorés fournissent un exemple de l’intérêt de l’enzymologie (activité sur la cholinestérase) pour com¬ prendre les lésions nerveuses et les antidotes possibles. Le travail de BRODIE et coll, montrant le rôle du microsome du tissu hépatique dans beaucoup de métabolisations de toxiques, a dégagé la relative unité des processus par lesquels l’organisme détoxique (1). 3) Ces études préliminaires demandent que l’on soit fixé sur les doses moyennes et maxima probables que l’homme ingérera de façon permanente ou discontinue. (1) B. BRODIE, J. AXELROD, J. HUEPER et coll. : Detoxication of drugs and ASPECTS NUTRITIONNELS DE LA QUAUTE 123 4) Bien que des principes généraux soient toujours bien dangereux. il semble que plus une étude spécifique porte sur les modifications d’un système enzymatique, une voie de métabolisation, une fonction où une lésion précise est possible, plus cette étude donne de sécurité. Inversement, plus une étude porte sur des effets généraux : crois¬ sance, mortalité, fertilité, susceptibilité au cancer ou aux infections plus il y a de chances pour observer des faits de hasard non liés à l’agent étudié. L’usage du C., ou d’autres corps marqués dans le composé à étudier et de ses voies d’excrétion peut fournir des orien¬ tations utiles. Les effets suivant l’âge, le type alimentaire, les races les souches, les conditions de vie ne peuvent guère être étudiés que d’après les orientations données par les voies de métabolisation ou les mécanismes d’action possibles. 5) Le domaine des actions cancérigènes est spécialement diffi¬ cile. La sensibilité relative de l’homme et des divers animaux aux divers composés est imprévisible. C’est pourquoi les études sur l’incidence des cancers dans divers groupes de population suivant leur type ali¬ mentaire, la nature des aliments, le type de travail et les possibilités de contamination professionnelle sont d’un grand intérêt. Quand un corps est un cancérigène discret comme le cholestérol (HIEGER), il est quasi impossible de l’établir avec certitude. La connais¬ sance de l’incidence et de la distribution des cancers spontanés dans la race et dans la souche utilisées suivant le type alimentaire est déjà une tâche formidable et le monde dispose de fort peu de labora¬ toires disposant d’un tel instrument du reste toujours fragile du fait des mutations possibles. On admet que le pouvoir cancérigène est souvent lié à l’inhibition de la croissance (HADDOW), à la décoloration des poils après iniec¬ tion intradermique (BOYLAND et SARGENT), à l’augmentation de la fréquence des mutations (BOYLAND) et à des altérations chromoso¬ miques (KOLLER) (1). Il est clair que, d’une part, les connaissances biologiques les plus larges sont ici nécessaires, qu’une cancérologie « spécialisée » est une contradiction et que c’est seulement lorsqu’on abordera un peu mieux les mécanismes intimes de la cancérisation qu’on pourra sortir de l’incertitude actuelle. 6) Enfin, les déductions pratiques classant tel corps comme toxi¬ que et telle dose comme permise, n’ont jamais rien de définitif et doivent être revues au fur et à mesure des travaux nouveaux. (1) J. HIEGER. — Cholesterol carcinogenesis. (British Medicat Bulil, 198, 14. 159-160). A. HADDOY. — Influence of certain polycveclic hydrocarbons on the groyth of the Jensen, rat sarcoma. (Nature, London 1935, 136, 868-869). E. BOYLAND, S. SARGENT. — Local greving of hair in mice treated vith X rays and radiomimetic drugs. (British J. Cancer, 1951, 5, 433-471). E. BOYLAND. — Mutagens. (Pharmacol. Rev, 1954, 6, 345-364). PEORIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUIMIENTS 124 L’homme moderne qui dépense sans compter pour des traitements et des soins souvent très peu efficaces (maladies mentales, cancers) accepte qu’il n’y ait que des recherches embrvonnaires sur les produits que lui apportent tous les jours ses aliments. Ce n’est pas à un Comité académique, mais à une Fédération de labo¬ ratoires travaillant activement que l’on peut confier la responsabilité d’un jugement de toxicité ou d’innocuité. Si désagréable que cela soit à dire, en France, nous avons les comités académiques, nous n’avons pas les fédérations de laboratoires. CONCLUSIONS Résumer en quelques pages la Nutrition humaine nous a obligé à abstraire et à caricaturer. Nous crovons cependant avoir fait le point de ce qu’elle peut apporter pour juger du « Bon pour la Santé ». Il est frappant de constater l’extraordinaire disproportion entre l’importance des applications de la biologie pour mieux produire. mieux conserver, et l’état absolument rudimentaire de nos connaissances sur les effets sur l’homme des substances ainsi mises à sa disposition. Non seulement les progrès de la biologie n’ont guère été appliqués qu’à produire, mais on a substitué aux travaux qui eussent dù juger de l’intérêt de ces productions pour l’homme, des vulgarisations ou des schémas trompeurs qu’il s’agisse des standards nutritionnels ou des moyens de juger la toxicité. Pour que la Nutrition humaine, qui est encore une discipline embrvonnaire, puisse répondre à toutes les questions, jugements, dont les responsables des marchés et des pouvoirs publics la taxent, une série de points sont à considérer. 1) L’atmosphère de Scientisme dont s’entourent nombre de publi¬ cités, informations et politiques alimentaires, en invoquant la Science de la Nutrition, est fausse dans la plupart des cas et favorise donc des activités artificielles sans valeur humaine, que ce soient les recher¬ ches superficielles, l’information sensationnelle, la publicité miracle, les produits inutiles qu’elle provoque. Les déductions abusives dont la Nutrition a permis la vulgari¬ sation sont si nombreuses et graves qu’elles mériteraient un véritable procès : créations arbitraires à partir d’expériences de laboratoire de ces avitaminoses spécifiques qui devaient, pendant la dernière guerre. constituer un problème de Santé Publique, qui a conditionné une indus¬ trie et dont la notion actuelle de syndrome de dénutrition multica¬ rentielle a montré les erreurs : élaboration de standards nutritionnels à habit scientifique, enseignés, vulgarisés et appliqués, standards dont les bases ne sont plus soutenables actuellement : assimilation de la toxicité à quelques tests simples : schématisation fantaisiste des effets des graisses sur les lésions artérielles. ASPECTS NUTRITIONNELS DE LA QUAUTE 125 Ces erreurs seraient normales si elles étaient restées prudemment ésotériques. Mais un ensemble de circonstances ont voulu qu’on a fait reposer sur elles des slogans fondamentaux comme ceux du sous-déve¬ loppement et de la sous-alimentation, des programmes scolaires, une publicité alimentaire et que le mythe du fait scientifique et du jugement de la Science dans ce domaine au moins est devenu une de ces idoles sans réalité donc néfastes, qui, d’une part, dévalue l’apport réel de la recherche en nutrition, d’autre part a permis le développement d’une activité stérile. 2) Une recherche scientifique digne de ce nom, capable de répon¬ dre aux questions de santé publique posées par la production alimen¬ taire moderne, ne peut être qu’une entreprise de très longue haleine. La recherche capable de répondre à des questions pratiques pré¬ sente sur les recherches dites fondamentales de plus grandes difficul¬ tés. Sur le plan fondamentalx de la biochimie ou de la physiologie cellulaire, ou de l'’enzymologie, on recherche à isoler des systêmes dont on décrit les conditions de fonctionnement. La signification de ce qui n’est en somme qu’un travail descriptif, n’est pas obligatoire. En nutrition, il s’agit d’utiliser des disciplines fondamentales donc de connaitre leur signification. C’est une recherche qui doit prendre une signification et qui ne peut se contenter d’une simple description. C’est un stade plus approfondi que la recherche dite pure. Comme la signification de chacune des disciplines permettant les observations est plus ou moins douteuse, il faut pouvoir aborder les problèmes par divers plans, biochimie, enzymologie, physiologie cellulaire, physiologie des organes, pathologie expérimentale clinique. exploration fonctionelle, enquêtes sanitaires. La structure des groupes de recherches adéquats est donc bien complexe. A une époque où il s’agit de rendement et non plus de travail. une telle recherche est en situation périlleuse. Si on avait à classer les objectifs de la recherche par ordre d’importance, je proposerais en premier lieu la formation de meilleurs chercheurs que ceux que nous sommes. D’abord assurer la bonne graine, puis des conditions de travail plus adéquates que celles que nous connaissons, que la graine puisse être mise en une bonne terre, que la bonne graine et la bonne terre puissent produire ces travaux réels, solides, longtemps suivis. et non pas de misérables intrigues comme disait BIOT le maitre de PASTEUR. C’est en fonction de la qualité du travail des groupes de recherches que doit se ressourcer l’enseignement, l’industrie et finalement un certain type d’homme, la recherche étant concue comme le labour du réel le plus important par le type d’homme le plus compétent. Ce pourrait être ce lieu du monde où ni l’argent, ni le temps. ni aucune des puissances habituelles à notre époque ne sont maitres. le noyau où se puisse juger ce qui est périmé ou absurde ou ce qui est possibilité fructueuse. 122 PROBIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALIMENTS Notre époque qui a su monétariser en industrialisant pour produire massivement, n’a pas construit une conscience qui la puisse orienter et organiser humainement. Cette tension dialectique entre la puissance conquérante de la science et la conscience du réel est probablement le besoin majeur de notre temps. Sans doute a-t-elle bien des lieux et bien des formes, l’une d’elles pourrait être ces secteurs de recherche où ce qui se fait et ce qui se pourrait faire est analysé avec toute la pénétration que permettent les moyens d’investigation et les méthodes actuelles. Le besoin de mieux connaître ce qui est effectivement « Bon pour la Santé » existe. Les possibilités d’y répondre honnétement commen¬ cent à exister. Le travail à faire est énorme mais il en vaut la peine. ASPECTS NUTRITIONNEIS DE LA QUAUTE 127 2- PROLEMES POSÉS PAR L’INEORMATION MEDICALE POUR UNE INDUSTRIE ALIMENTAIRE G. HERAUD INEORMATION. Il est utile à une industrie alimentaire d’être documentée avec précision et discernement sur le mouvement scientifique. Journaux techniques français et étrangers, conférences et congrès permettent aisément d’être au fait des problêmes divers susceptibles d’avoir dans l’immédiat ou pour plus tard un quelconque intérêt. Dans quelques cas où un point important demeure obscur, la tâche de l’information peut aller plus loin : elle consiste à promouvoir des études, soit théoriques, soit expérimentales. C’est ainsi que le CEDUS fait réaliser annuellement des mises au point techniques et entreprend des recherches biologiques telles que la digestion comparée des sucres solubles et des amidons, l’influence d’une charge glucidique sur l’alcoolémie et les temps réflexes, l’influence d’une charge gluci¬ dique sur le taux des lipides sanguins, etc. Il est utile aussi à une industrie alimentaire d’être informée régu¬ lièrement des opinions, des jugements que l’on porte sur ses produits. D’une façon générale, l’information médicale ou scientifique par¬ vient au grand public par l’intermédiaire des quotidiens, par la lec¬ ture de feuilles spécialisées dans la vulgarisation médicale et enfin par l’intermédiaire des faiseurs d’opinion : médecins, pharmaciens. diététiciens. Les articles de la grande presse sont quelquefois le reflet de comptes rendus des sociétés savantes. Il arrive alors que l’information soit exacte et sa transposition en langage courant tout à fait judicieuse. Ailleurs, il faut déplorer soit une incompréhension partielle du sujet exposé, soit un défaut d’information. Au gré de nombreuses lectures. on finit ainsi par discerner des informateurs consciencieux dont le souci d’exactitude et le talent de vulgarisation sont dignes d’admira¬ tion. A l’opposé, il est des auteurs qui semblent n’avoir souci que de la force sd’accrochagex de leur titre et du potentiel d’angoisse de leur texte;, la tentation est grande de faire appel à l’anxiété et d’alimenter la tendance morbide de beaucoup de sujets qui aiment à s’informer de la souffrance. 128 PRORIEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES AUMENNS Ces lectures diverses permettent aussi de discerner des courants d’opinion, Par un travail d’analyse et de recoupement, on peut distin¬ guer les origines et comprendre les méandres, les distorsions, les adaptations subies par telle ou telle information diététique ou médicale. Dans l’information alimentaire du grand public, les thêmes neufs sont assez exceptionnels mais les reprises sont innombrables. Au total et surtout quand on vient de lire, par exemple, un livre diététique paru dans une collection oi l’encadrent une «clef des songess et une ginitiation sexuellex, on pense que le grand pu¬ blic n’est pas très bien informé. L’opinion des médecins, pharmaciens et diététiciens est presque toujours nuancée, prudente, modérée. Dans ces professions — du moins sur le plan de la nutrition — il n’y a que peu d’exaltés. Le rôle de ces faiseurs d’opinion est presque toujours de tempérer les excès et de faire renaitre le calme et le bon sens. Un problème tout à fait actuel, la question du cholestérol peut, à cet égard, être citée en exemple. LES DOCTRINES ALIMENTAIRES NON ORTHODOXES Un certain nombre de sujets s’éloignent résolument des idées habituelles en matière d’alimentation. Ils forment de petits groupes de composition disparate mais généralement aisés ou même vérita¬ blement fortunés. Leur préoccupation de bien s’alimenter est telle que le fait alimen¬ taire devient le fait le plus important de leur existence. Leur crovance en certains principes est si absolue que l’on peut parler de dogme. En considérant certaines successions de faits alimentaires et de faits pathologiques artificiellement isolés, « ces maniaques de l’alimentation » échafaudent des doctrines insolites. Pour qui ne partage pas leur foi, la lecture des documents édités par quelques-unes de ces sectes parvient à donner le sentiment d’une sorte de délire interprétatif. On peut s’étonner de ce que des esprits par ailleurs sensés et. même très doués puissent s’égarer de la sorte. Il faut rappeler que nul n’est à l’abri de tels égarements et ce, dans tous les domaines. Nous avons eu, récemment, l’occasion d’examiner un homme excep¬ tionnellement doué, avant fait une carrière d’ingénieur extraordinaire¬ ment brillante et qui demandait un avis quant à son état cardiaque parce que la conionction astrale de ce jour lui était défavorable à cet égard. Les doctrines alimentaires non orthodoxes ont l’avantage commun de n’être généralcment pas nuisibles sur le plan de la santé. On doit aussi reconnaître qu’elle se parent, en certaines de leurs expressions. de la noblesse d’un mouvement de l’âme, de la beauté d’une sorte univers scientifique. de produits sucrés. 129 ASPECTS NUTBITIONNEIS DE LA QUAUTE d’élan mystique. Il n’est pas loisible, cependant, de traiter d’alimentation comme de philosophie et dans toute information concernant la diété¬ tique, la qualité alimentaire, il convient de faire la part des doctrines non orthodoxes et de tenir compte de leur non-appartenance à notre ESQUISSE DES PRORLEMES PSYCHOLOCIQUES CONCERNANT UN ALIMENT. Il y a toute une psychologie du sucre. Les enquêtes faites par des organismes spécialisés le démontrent. le concept sucre est souvent associé à celui d’enfance et de vieillesse le gout sucré à la féminité. Ce phénomène est dh à ce que le saccharose est considéré essen¬ tiellement sous son aspect de douceur, c’est-à-dire de sucrerie. Les deux autres aspects du sucre, à savoir le sucre-condiment et le sucre¬ aliment ne sont qu’entrevus et échappent plus ou moins. Il est inté¬ ressant de noter que même certains travaux diététiques abordant le problème du sucre, s’en tiennent essentiellement à la sucrerie et consi¬ dèrent presque exclusivement le sucre pur. L’association d’idée « sucre¬ gourmandise » influence également maints jugements, fait naitre plus ou moins consciemment toutes sortes de réticences. Dans la réalité, le développement de la consommation du sucre aliment-condiment, notamment dans ses alliances avec les fruits et les produits laitiers, parait un des grands phénomènes alimentaires de notre époque. Le développement très rapide de la consommation des vaourts. des jus de fruits, des biscuits, des sodas peut servir d’illustration. C’est ce qui explique que le problème des carences vitaminiques et notamment de l’avitaminose B. que les travaux scientifiques fran¬ cais ont si remarquablement illustré n’est préoccupant, sur le plan médical, dans aucune nation à haut niveau de vie; le béri-béri et les affections similaires demeurent le triste apanage des états très pauvres ou des collectivités concentrationnaires dont les standards ali¬ mentaires sont caractérisés par un déséquilibre grave et permanent. L’équipement du pays en réfrigérateurs, la réalisation de distri¬ bution de boissons non alcoolisées en milieu industriel, les campagnes faites en faveur du lait et des fruits, l’adoption de nouveaux rythmes de travail comme la journée continue sont autant de facteurs qui contribuent à augmenter la consommation de produits sucrés. Il y a lieu de penser que l’ensemble des transformations que nous rappelons ici, aura pour conséquence une certaine dépersonnalisation du sucre. D’infantile et féminin, il deviendra psychologiquement plus neutre; les héros modernes, aviateurs, hommes de l’espace, para¬ chutistes, alpinistes, spéleologues, sont déjà grands consommateurs PRORLEMES POSES PAR LA DEEINITION DES AUIMENTS 130 Pour autant qu’on en puisse juger au travers de l’évolution qui s’est faite dans certains pays pilotes, la tendance ci-dessus esquissée participe à une sorte de polarisation nouvelle de l’individu; l’équipe¬ ment technique familial, le sport, la culture, le souci d’efficience. prennent le pas sur la préoccupation alimentaire. LA NOTION DE QUALITE. La notion de qualité vient, dans cette réunion, d’être examinée sous tous ses aspects. Dans cet exposé, notre désir a été, entre autres, de faire appa¬ raître la notion de qualité dans le domaine de l’information alimen¬ taire. Il est certain qu’un effort à cet égard est souhaitable. L’utilisation des bonnes volontés est certainement réalisable, encore que l’on doive tabler d’une part, avec les exigences de la tradition journalistique et d’autre part avec l’existence de déviationnistes qui sont aux diététiciens ce que sont les guérisseurs auxzmédecins. On peut imaginer de nombreuses solutions telle que la rédaction à la fin de chaque travail de diététique ou de médecine d’un résumé en langage accessible au public, telle que la création de bureaux d’information, telle que la délivrance d’un imprimatur par un Comité de techniciens. Un autre aspect de la qualité que ne peut manquer d’évoquer un médecin, est celui de l’éducation à donner au personnel des indus¬ tries, des commerces, des établissements d’alimentation, Il convient de rappeler que les dangers de contamination bactérienne des meilleurs aliments subsistent encore à de nombreux échelons. La préparation, la conservation, la vente des produits alimentaires peut bénéficier à coup sur des derniers perfectionnements techniques et d’une éducation professionnelle de qualité. Nous sommes persuadés que l’alliance entre les industries alimen¬ taires, les médecins et les techniciens de la diététique a un lole capital à jouer. ASPECTS NUTRITIONNEIS DE LA QUAUTE 131 3 - REMARQUES SUR IES MOTS : 'QUALITE" et "NATUREL" J. GATTINO Les interventions que nous venons d’entendre montrent la très grande difficulté de définir la qualité alimentaire, quand on veut le faire à partir de l’aliment seul. Une qualité est en effet un rapport d’adéquation entre deux pro¬ priétés ou deux fonctions. Pour prendre un exemple qui n’est pas alimentaire, la qualité du micro que j’ai devant moi est proportionnelle à l’adéquation entre sa fonction qui est celle de transmettre des sons et la fonction de l’oreille qui consiste à les entendre. Une poutre qui soutient un plancher a une bonne qualité quand un rapport adéquat existe entre la propriété de résister de la poutre et celle de peser du plancher. Si on définit la qualité comme un rapport, on s’apercoit aussitôt qu’il y a un niveau du problème de la qualité qui est étranger à la science; c’est celui où le subjectif prédomine. Or, dans les rapports entre l’aliment et l’être humaip, le niveau subjectif est très important. Vouloir définir scientifiquement la qualité à ce niveau, c’est vouloir l’impossible, car il n’y a de science que du général. Scientifiquement, le problè̂me de la qualité alimentaire se pose donc seulement au niveau qui est spécifique de la science et qui est celui des constantes. Si on le quitte, on tombe devant les, impasses semblables à celles qui étaient soulevées par le conférencier qui fai¬ sait remarquer qu’il y avait une qualité pour l’éleveur, une autre pour le conditionneur, une autre pour le commercant, une autre pour le consommateur qui aime la chair blanche, une autre pour celui qui préfère la rouge, etc.. Ainsi la qualité ne peut être saisie par la science qu’à partir d’un certain niveau d’universalité. Ne vaudrait-il pas mieux, alors, pour l’alimentation, utiliser plutôt le mot de naturel qui caractérise ce qui est constant et universel 2 Ces remarques par¬ tielles faites sur le problème de la qualité, j’aborde donc la question du naturel qui m’a été plus précisément assignée. Dans son dictionnaire philosophique. LALANDE écrit: «Naturel se dit dans tous les sens du mot nature et peut, par suite, être obbose à : acquis, réfléchi, contraint, artificiel, affecté, humain. PRORIEMES POSES PAE LA DÉFINITION DES ALIMENTS 132 divin, spirituel, révélé, surnaturel, surprenant, monstrueux (premiè¬ rement au sens biologique deuxièmement, au sens général), positif (droit naturel), légitime (enfant naturel). » Ces sens du mot naturel apparaissent très divers. En fait. ils diversifient une seule signification qui est leur racine commune; celle qui fait du naturel l’opposé de l’humain Relisons la liste de LALANDE: acquis, réfléchi, contraint, artificiel, humain, se rappor¬ tent au fait humain et c’est pourquoi ils sont opposés à naturel: divin, spirituel, révélé, surnaturel, se rapportent à ce qui est jugé au-delà de l’humain, mais c’est l’humain qui reste la référence; sur¬ prenant, monstrueux, positif, légitime, sont également des jugements par rapport à l’humain, sont des comportements humains et c’est en cela que le naturel leur est opposé. Bref, plus ou moins clairement, mais profondément, ces défini¬ tions du naturel par rapport à l’humain définitions classiques, tra¬ ditionnelles, de bon sens ou métaphysiques, explicitent une attitude de pensée et de crovance qui a joué un très grand rôle et qui resurgit dans notre époqué; c’est le postulat que l’homme ne doit point toucher à ce que spontanément la snatures fait ou produit et que, dans l’ordre spontané de la « nature », se trouve la vérité pour l’homme. Les deux formes modernes de cette attitude sont deux crovances : la première dit que, moins l’homme intervient dans la production et la transformation d’un produit, plus ce produit est dit naturel et est proclamé bon pour la santé. La seconde dit que ce que fait, ce que mange l’homme, doit obéir aux indications données par un ordre « naturel » qui ne peut être touché par l’homme : l’ordre des astres. J’ai assisté, pendant quelques heures, à la vente dans un magasin diététique où j’ai pu observer la conjonction de ces deux crovances : certains clients achetaient des produits auxquels ils prétaient une vertu. naturelle sans tache comme, par exemple, une argile d’une certaine couleur, en même temps qu’ils se procuraient des médailles portant les noms du zodiaque. D’autre part, chacun de nous connait des personnages, respon¬ sables d’une grande affaire ou même d’un pays, qui demandent aux astres de conduire leurs pensées et leurs actes. Enfin, tout le monde sait l’existence de groupements, de revues. de livres, qui font de ce naturel anti-humain la base de leurs positions. Nous nous trouvons donc devant une résurgence très forte d’un courant de pensée fort ancien. Mais il traduit un besoin assez grand pour susciter un tel renouveau et ce besoin nait de l’instinct de conser¬ vation de l’homme : l’homme se sent menacé, l’homme craint que la civilisation technique se désintéresse de lui : c’est pourquoi il se tourne vers la Terre, vers la « Nature », mystiquement considérée comme la mère nourricière et protectrice. ASPECTS NUTRITIONNEIS DE LA QUAUTE 133 L’erreur de ces crovances n’est pas dans cette crainte, elle est : 1) dans l’opposition de l’humain et du naturel, comme si l’être humain n’était pas la plus haute incarnation de la nature. comme si la « nature » était le bien en soi et que le mal n’y triomphait pas, comme si être homme ne consistait pas à l’amender, comme si, plus pratiquement, l’homme pouvait se développer sans imprimer sa marque au fait dit « naturel ». 2) dans l’oubli de la notion d’équilibre comme constitutive de la notion d’une qualité réellement naturelle et de la relativité de cet équilibre. Car une alimentation réellement naturelle est celle qui réalise l’adéquation entre les aliments et les énergies dépensées par l’homme pour exercer son métier d’homme. Or, cette adéquation varie suivant les types de civilisation, car les types et les intensités d’énergie ne restent pas intangibles. Certes, pendant plus de deux mille ans, l’acti¬ vité de l’homme est demeurée pratiquement la même. Mais, depuis le déferlement scientifique et technique commencé il y a à peu près un siècle et, surtout, depuis son accélération récente, qui peut sou¬ tenir que l’activité humaine est restée stationnaire et que les types et l’intensité des énergies n’ont pas changé2 L’alimentation réellement naturelle de notre temps ne peut donc être l’alimentation naturelle qui s’est faconnée par un très lent rodage durant plusieurs siècles. Si l’on pouvait faire revenir à la vie un homme d’it y a un siècle, si on le contraignait à suivre le rythme et à avoir les activités de notre temps, je me demande ce qu’il en adviendrait. Sans nul doute, une dépression très rapide et mortelle provoquée par une désa¬ daptation foncière. Ce que démontrent, par ailleurs, les inadaptés de plus en plus nombreux que nous pouvons observer. Mais comment définir cette nouvelle alimentation naturelle et la définir vite, car le rythme actuel du temps impose l’accélération des solutions Il semble qu’une méthodologie efficace pourrait consister à définir: 1) les types fondamentaux d’activité de l’homme moderne 2) les types d’énergie dépensés par ces types d’activité. 3) les types de sol, de plantes, d’animaux, canables de fournir les matériaux constitutifs des aliments porteurs de ces types d’énergie. 4) les procédés et les modes industriels, commerciaux et de diffu sion de ces aliments. le voudrais, pour conclure, avancer l’idée que notre colloque s’inscrit dans l’immense renouvellement de toutes les formes de pensée et d’agir qui, commencé il y a plus d’un demi-siècle, prend un carac¬ 134 PROBIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALMENTS tère de plus en plus extraordinaire, et remarquer que les étapes déci¬ sives de ce renouvellement se font par la remise en question de ce qui semble le plus évident, le plus « naturel ». C’est ainsi que RIEMANN a bouleversé les mathématiques en se demandant ce qu’est une parallèle et qu’EINSTEIN a renouvelé de fond en comble les conceptions de l’espace et du temps en amenant ces deux notions au tribunal de l’homme. C’est, je crois, en faisant subir le même traitement à des notions. en apparence, aussi simples et évidentes que celles de qualité et de naturel en alimentation, que le problème alimentaire pourra recevoir ses fondements nouveaux. Le colloque provoqué, par le Docteur TREMOLIERES enf l'espérance. REMARQUES TERMINALES Le sentiment très net de l’absence de politique alimentaire et de la nécessité profonde d’une telle politique s’est dégagé de cette réunion. Alors que des productions comme l’automobile, le charbon, le froid. l’électricité ont une organisation qui les rend puissantes dans le pays. qui publie hautement la part que chacune représente, dans le revenu national, les services qu’elles rendent, cette production cardinale qu’est celle des aliments n’a pas d’unité organique, méconnait elle-même la place qu’elle joue dans la santé profonde du pays, l’originalité de certaines de ses productions, laisse se répandre des critiques ou des mesures préjudiciables au travail et aux denrées honnêtes. Cette réunion a permis de voir un certain nombre de coopérations indispen¬ sables et elle a dégagé quelques problèmes paraissant urgents. L. — DéFINITIONS éLARORÉES DES ALIMEMTS ET NON PAS LABELS DE OUALITE. 1) La qualité d’un aliment tout comme celle d’un homme est une donnée essentiellement relative et complexe et donc vague et généra¬ trice de confusion : suivant qu’on l’envisage au point de vue du pro¬ ducteur, du marchand, du consommateur, du nutritionniste, de l’éco¬ nomiste, du sociologue, son contenu est différent. Un terme aussi vague est dangereux, comme tous ceux que l’on croit comprendre, dont on hésite à dire qu’on ne voit pas le contenu et sur lesquels on croit s’entendre alors qu’en réalité il n’en est rien. Ce vague est propre à favoriser des abus de confiance publicitaires. Le marché alimentaire actuel, les multiples labels dont il fut parlé. offrent des exemples nombreux des mauvais usages de ce mot. 2) Le besoin légitime de parler de qualité pourrait être satisfait par une spécification adéquaté de ce que le producteur vend, c’est¬ à-dire par des définitions des produits, définitions ne devenant jamais exclusives d’améliorations ou de modifications nouvelles. Les définitions actuelles ne tiennent en général pas compte des procédés techniques 132 PROBLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALIMENTS modernes et sont à reprendre sur le plan national comme cela est fait aux U.S.A, par exemple. Les modalités d’élaboration de ces défi¬ nitions sont à étudier et à tenir à jour pour chaque type d’aliment. La production, la technologie, la distribution, la nutrition, la gastro¬ nomie et peut-être d’autres secteurs, doivent être considérés. La défini¬ tion des aliments n’est actuellement élaborée que pour ckacun des aspects pris isolément. L’harmonisation des divers points de vue est réclamée par le fait qu’il est devenu plus difficile de vendre que de produire, et donc que la définition du service rendu doit être liée. aux particularités de la production et de la technologie. Des groupes de travail doivent être constitués. Ils auront pour mission de faire le bilan de ce que représente la « valeur » pain, vin, viandes, poissons, charcuterie, œufs, lait, fromages, graisses alimen¬ taires, pâtes, biscuits, fruits, léqumes verts : — Valeur physiopathologique et psychosensorielle pour l’homme. — Rôle dans la vie familiale et sociale. — Valeur économique à la consommation dans le budget familial et national. Valeur économique à la production : place sociale et politique des entreprises productrices. Valeurs ajoutées par la technologie, l’emballage, la distribu¬ tion. Valeur attribuée dans d’autres situations économiques et cul¬ turelles. Au lieu d’élaborer des normes, le but de ces groupes est "de donner une opportunité aux élémemts actifs et conscients d’un circuit complet de production-consommation, de mieux comprendre ce qui se fait, ce qui pourrait se faire, à quoi cela sert et à quoi cela pourrait servir. Des essais heureux ont depuis longtemps été tentés dans ce sens, Ils se sont développés en dehors de tout caractère acadé¬ mique ou officiel dans le sens d’un noyau conscient et responsable d’un secteur de production et de consommation. 2. — INEORMATION — PURLICITÉ. A côté du simplisme du « label ». il y a celui de l’information et de la publicité actuelle. Une soi-disant science nutritionnelle s’est permis de sortir des conditions expérimentales du laboratoire des lois, des normes ou des jugements, des sujets d’inquiétude qui n’avaient pas une réalité suffi¬ sante (standards — besoins vitaminiques — effets athérogènes, cancé¬ rigènes, etc.). — Les développements technologiques et l’industrialisation posent effectivement beaucoup de questions physionathologiques et toxicolo¬ giques auxquelles on ne s’est pas suffisamment soucié de répondre. REMARQUES TERMINALES 137 Le consommateur a jusqu’ici été considéré comme un animal chez qui des réflexes devaient être conditionnés plus que comme un homme à qui l’on devait fournir une information avant une valeur cul¬ turelle réele. Les circuits même de l’information, la nature des novaux où peuvent naitre des informations valables et suffisamment intégrées, les zones de résonnance capables de les diffuser, les modalités de présentation suivant les milieux sont à repenser en même temps que le développe¬ ment des recherches et prises de conscience dans les divers secteurs de la production et de la consommation. Evidemment, une information culturellement valable implique le développement des secteurs de recherches sur la valeur Santé des Aliments, actuellement embrvonnaire et une intégration difficile des données des divers secteurs (économiques, sociologiques, agricoles. technologiques, commerciaux). 3. — ETUDES DES SERVICES RENDUS. Valeur économique de la production alimentaire. Les études économiques sur la place de l’alimentation dans le revenu ou le niveau de vie sont bien souvent trompeuses. a) Quand on compare le prix d’une denrée produite industriel¬ lement à celle produite artisanalement, on ne tient en général pas compte du prix de revient réel incluant les investissements nécessaires à l’urbanisation, liés à l’industrialisation, la « valeur pénurie » de l’abandon des villages ou de certaines régions et de tout ce qui y est lie. b) Quand on admet que plus la part des dépenses liées à l’alimentation s’abaisse, plus on a affaire à un pays développé ne risque-t-on pas de méconnaitre les valeurs culturelles et sociales qui s’expriment autour de la table 2 c) Quand statistiques et planification simplifient à l’extrême les types de denrées, en parlant de viande, de céréales, de produits laitiers, ne considérant que l’individu moyen d’une société dont la structure vivante est tout autre, un aspect très partiel et trompeur de la réalité économique est présenté au pouvoir politique qui risque ainsi de prendre des mesures qui écrasent des secteurs peu apparents mais importants pour l’avenir. Comme le souligne ROTTIER, l’écono¬ métrie n’est ici qu’à son tout premier tour de manivelle et tout comme sa sœur, la nutrition humaine, a donné lieu à des directives d’action voire à des slogans de valeur douteuse : — réduction des dépenses alimentaires dans le budget familial signe d’élévation du niveau de vie. — abandon d’une série de richesses agricoles artisanales. centralisation industrielle, à des dimensions pas toujours adé¬ 3 quates, de la technologie alimentaire, privant le secteur agri¬ cole d’une activité bénéfiques PRORLEMES POSES PAR LA DETINITION DES ALIMER 138 L’industrialisation de la production alimentaire sans doute inéluc¬ table dans beaucoup de secteurs ne devrait cependant pas mener à la transformation eh friches de régions qui semblent ne pas pouvoir se préter à cette industrialisation. Une étude approfondie de la valo¬ risation des produits artisanaux ou de terroir devrait être faite. L’industrialisation alimentaire en France, venant plus tard que celle des U.S.A, ou des pays nordiques, ne doit pas se contenter de les copier, précisément à un moment où l’expansion du marché des denrées qu’elles produisent apparait très difficile. L’industrialisation alimentaire qui fera de l’agriculteur un ouvrier un technicien ou un ingénieur, du propriétaire un actionnaire, des villages des maisons de vacances pour les gens des villes, a un prix de revient qu’il ne faut pas se contenter de calculer à très court terme. Sans doute, dans les conditions actuelles, le fromage d’une usine qui traite 200 000 litres de lait par jour est-il d’un prix de revient bien plus bas que celui qui est produit à partir d’une fabrique artisanale traitant 4 000 litres. Donc le prix de revient réel doit être envisagé à plus long terme dans le temps, c’est-à-dire dans une véritable « politique ». Valeur Santé. On tend actuellement à mettre l’accent sur les qualités « santé : des aliments, admettant que la Nutrition est une science suffisamment développée pour pouvoir définir des effets physiologiques précis. Ce serait plutôt justice de publier que, pour ce qui est des effets physio¬ pathologiques, les travaux réels sont embrvonnaires, les chercheurs et laboratoires bien peu nombreux et dans une disproportion énorme par rapport aux recherches et progrès techniques pour la production. la technologie et la conservation. Ce vide de la recherche nutritionnelle permet une confusion dans les opinions, l’information et l’orientation économique. Les caractères des recherches sur les effets des aliments sur la santé et le bien-être présentent des particularités qui demandent réflexion. a) Dans les sociétés industrielles où les puissances tendent cha¬ cune à se développer au maximum, ces recherches visent à assurer la place de l’homme. C’est un phénomène nouveau qu’une connaissance scientifique puisse servir non pas à une industrie ou à une technique de production mais à apprécier des effets sur l’homme, sa santé, son bien-être. C’est un phénomène nouveau que l’on sente le besoin de tracer des limites et des conditions au développement technique. Les divers systêmes socio-économiques et politiques sont plus ou moins le résultat des moyens de produire et de répartir. La société humaine ne se sent plus suffisamment protégée contre certaines de ces puissances productrices. A la conscience individuelle à laquelle REMARQUES TERMINALES 139 il est fait théoriquement appel dans une démocratie, le monde moderne sent la nécessité d’ajouter une conscience de type élaborée dans laquelle la science a, semble-t-il, une part à jouer. b) La structure des organismes de recherches reste à être élaborée. Les multiples disciplines impliquées n’ont guère été jusqu’ici que des sciences dites fondamentales (enzymologie, biochimie, phy¬ siologie cellulaire, physiologie de la Nutrition proprement dite, patho¬ logie expérimentale, exploration fonctionnelle en médecine). Il s’agit de les intégrer par approximations successives pour qu’elles puissent répondre aux questions posées. CONCLUSION. L’élaboration d’une véritable politique de la production alimentaire revêt actuellement une importance majeure pour plusieurs raisons: 1) Dans un monde dont le génie producteur n’est plus la charrue mais la mécanique, c’est-à-dire d’après PLATON, la reproduction de beaucoup à partir de l’un, l’exrpansion des marchés devient une nécessité vitale, puisdue l’abaissement du prix de revient, la fructification des investissements sont liés à l’augmentation de la masse produite. 2) Au moment ou ce qu’on appelle « sous-développement » est en partie la résistance à cette expansion et ou, de toute façon, l’expan¬ sion industrielle commence à voir des limites tant géographiques qu’humaines, les productions de type artisanal reprennent un intérêt nouveau tant parce que leur particularité rompt la monotonie lassante des productions industrielles et leur fait une sorte de contrepoids que parce qu’elles peuvent engendrer un type d’homme qui a un génie créateur précieux dans une société ou les spécialisations sont très poussées. 3) Dans les pays non industrialisés eux-mêmes, les processus qui construisent une société à partir de l’organisation des moyens d’exploi¬ ter la terre ont le mérite d’être sains, éducatifs, quasiment physiologi¬ ques. Il serait bon de réfléchir sur le rôle des arpenteurs égyptiens repartageant les terres après chaque crue et des comptables de Méso¬ potamie dans la genèse des mathématiques, de l’alphabet phénicien et finalement dans l’explosion de la philosophie grecque. A un moment où le type d’homme qui produit dans le système industriel n’a pas encore élaboré une « civilisation » comme l’a fait l’agriculteur méditerranéen, ces processus prennent un intérêt à la fois immédiat et profond. Le moment est venu d’une véritable politique alimentaire à l’échelon national et mondial. RIANEXE CATALQGUES DE CABICATURES EN FORME DE MATIÈRE A RÉFLEXION TIRÉE DES DISCUSSIONS DU BON USACE DE L’ÉCONOMETRIE ET DE LA SCIENCE DE LA MUTRITION POUR LES PREVISIONS DE MARCHÉ ET LES JUCEMENTS DE QUALITE. 1) sIl arrive à l’homme moderne d’être quelquefois accablé par le nombre et la grandeur de ses moyens., la machine gouverne, la vie humaine est rigoureusement enchainée par elle, assujettie aux volontés terriblement exactes des mécanismes. Ces créatures des hommes sont exigeantes. Elles réagissent à présent sur leurs créateurs et les façonnent d’après elles. Il leur faut des humains bien dressés : elles en effacent peu à peu les différences et les rendent propres à leur fonctionnement régulier, à l’uniformité de leurs régimes. Elles se font donc une humanité à leur usage.. Des intelligences vivantes. les unes se dépensent à servir la machine, les autres à la construire. les autres à prévoir ou à en préparer une plus puissante : enfin, une dernière catégorie d’esprits se consume à essaver d’échapper à la domination de la machine. Ces intelligences rebelles sentent avec horreur se substituer à ce tout complet et autonome qu’était l’âme des anciens hommes, je ne sais quel daimôn inférieur qui ne veut que collaborer, s’agglomérer, trouver son apaisement dans la dépen¬ dlance, son bonheur dans un système fermé qui se fermera d’autant mieux sur soi-même qu’il sera plus exactement créé par l’homme., » (P. VALERY — Propos sur l’Intelligence. Ed. Pléjade, p. 1040-1050). J. TREMOLIERES: Il Y a des disciplines très solides (chimie organique, bactériologie, nutrition végétale, etc.) qui savent fabriquer ou produire des objets divers, et il y en a d’autres dont l’économétrie et la nutrition humaine où l’on en est, « au premier tour de manivelle ». comme M. ROTTIER nous l’a dit très justement. Or, ce qui me parait extrêmement grave, c’est que, à l’extérieur, quand on dit : « le médecin ou le nutritionniste ou l’économiste a dit », on croit que cela repose sur quelque chose, cela impressionne l’opinion, alors que M. PERO et M. DIETLIN nous ont dit très justement que cela ne repose très souvent que sur des bases fort douteuses. 142 PROBILEMES POSES PAR LA DEEINITION DES AUIMENTS A un récent symposium, très remarquable, organisé par NESTLE à Vevey, nous avons assisté à un examen de conscience de la part des économistes, qui m’a beaucoup impressionné par son humilité. Le leilmoliy était que la prévision en écopomie et même en démo¬ graphie était la chose la plus dangereuse qui soit. On avait l’impres¬ sion que tous les planificateurs, économêtres, etc, devaient se garder d’une chose, c’était de prévoir. Même à trois ans et même en démo¬ graphie. L’exemple qui a été mis en avant, c’est la prévision de l’expansion démographique du plan hindou. Des experts indiscutables se sont trompés d’un tiers et ceci en 3 ans. Laissez-moi ciler ici le ranport du Pr. G HABERLER, profes¬ seur de commerce international d’Harvard, au symposium NESTLE à Vevey. F'orecasting fulure events is a very hazardous enterprise as social scientists in general and economists in particular have repea¬ tedly discovered to their sorroy. Let me recall one or tyo evamples Ope of the most famous socio-economic forecasts, germane to the topic of this Symposium, the Malthusian Law of Population, as well as the lron Law of Wages built thereon (to the effect that real wages cannot in the long run rise much above the subsistence level) have proved entirely wrong. at least for the so-called developed countries and many underdeveloped or semi-developed countries during the first 150 vears after the law had been enunciated. Similarly, the population predictions for the Post World War II period vere completely off the mark. In the field of technology and economics, forecasts vhich turned out completely incorrect are legion. For example, the forecast made in 1956 by an expert committee of eminent engineers and scientists of an « Energy Gap » threatening Europe looks silly four vears later. Dozens of our failures could be reported from the strictly economic sphere. Much as 1 vould lite to pul a merciful mantle of silence over our own., ie, the economists mistakes. I think l must at least mention tyo; the prediction of severe postyar depressions and the videly held belief in an incurable Dollar gan AIl of these Core¬ bodings of disaster or at least serious difficulties have been disproved by events. All of these forecasts have profoundly influenced policy. While the influence on policy vas in some cases — hy no means alyays — salutary, it vould be overgenerous, indeed it vould be quite wrons in my opinion, to say that those various calamities did not arise, because their timely exposure had led to preventive action. » Ainsi je crois qu’il est extrêmement important de distinguer les disciplines qui font déis quelque chose, et phis les disciplines qui ne sont que très prometteuses et très fascinantes, et la, vous avez pré¬ senté toute une tentative d’essai d’analyse avec tout ce qu’il faudrait y introduire. Vous avez ouvert un chantier, celui de l’économétrie. Nous SonITes eir erret aur stade ou ce qui importe est d’analyser les ANNEXE 1 termes dans lesquels le problème se pose, c’est déjà très important de poser le problème comme cela parce qu’on voit des prévisions d’ex¬ pansion de marché, des « food-balance sheets » (que vous avez exécutés d’une manière que je n’aurais pas osé faire) servir à meubler les slogans politiques, publicitaires, etc. Je crois qu’il y a une entreprise d’assainissement public à faire en distinguant les disciplines qui ont atteint leur plein développement et celles qui ne sont encore que de passionnants espoirs qu’il s’agit de flairer avec circonspection avant d’en faire des instruments surs. M. ROTTIER: Je défendrai cependant l’économêtre en disant qu’après ce premier tour de manivelle, on arrive à donner, pour la plupart des phénomènes importants, trois chiffres significatifs. Le premier chiffre significatif permet déjà d’éviter de très graves erreurs en matière, en particulier, de politique économique. Mais il faut beau¬ coup plus que le premier tour de manivelle, et il faut dépenser énor¬ mément d’argent, pour avoir le premier chiffre après la virgule. M. TBEMOLIEBES : Je me permettrai de souligner la respon¬ sabilité qu’il y a à laisser tomber de ces chaires professorales que sont des disciplines scientifiques, des chiffres de prévision ou de juge¬ mient de valeur. Je me rappelle avoir eu une discussion sur les stan¬ dards alimentaires où l’Américain qui était en face de moi me dit : « Que nos standards correspondent ou non aux besoins réels, cela n’a aucune importance : dans 50 ans, quoi que vaillent nos standards, la consommation réelle sy contormera, parce qu’on se rapproche auto matiquement d’un tel chiffre théorique, » Il y a quelque chose de grave dans une position de ce genre. Quand on dit qu’un marché va s’étendre de 5 %, c’est une responsabilité, c’est une donnée qui pèse inconsciemment quelle qu’en soit la valeur réelle. A rèver une réalité possible, on risque de la voir naitre. VARIATION SUR LE THEME ACOOPÉRATIVE DE PRODUCTION OU ENTREPRISE IMDUSTRIELLE ». « Les pays pauvres sont impressionnés par le fait que, dans les pays riches, un pourcentage de plus en plus petit de travail est engagé dans l’agriculture, Industrialisation et urbanisation sont consi¬ dérés comme synonyme de progrès et de bien-être. C’est là une vue simpliste qui néglige le fait que, dans les pays riches, l’agriculture aussi est riche et productive. Le Professeur VINER remarquait qu’il est certainement vrai que dans les riches pays industriels il y a beaucoup plus de dentistes par 100 000 habitants que dans les pays pauvres. Mais il ne s’ensuit pas qu’il suffit d’élever le nombre des dentistes pour devenir un pays développé. De même, il n’est nullement sur qu’une stimulation de l’industrie négligeant l’agriculture est une bonne méthode. La théorie que l’industrie a besoin de l’aide gouvernementale alors que l’agriculture prend soin d’elle-même, semble d’une validité douteuse. L’agriculture est certainement la branche de l’économie qui PORIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES AUIMENE 144 se prête le moins à une nationalisation, collectivisation et production de masse. Ce n’est pas un hasard si l’agriculture est le tendon d’Achille de l’économie soviétique. Presque 50 %% des forces de travail sont encore engagées dans l’agriculture et ces 50 % produisent juste assez pour nourrir les Russes alors que moins de 10 % du travail américain engage dans l’agriculture produit tellement que le gouvernement ne sait pas quoi faire de ses surplus, la soi-disant « révolution industrielle » ne fut pas créée par quelques changements techniques dans l’industrie textile, ce fut l’enfant direct de la révolution agronomique basée sur les navets, la rotation quadriennale, l’amélioration du cheptel.. » (Pro¬ fesseur HABERLER. Symposium Nestlé. Vevey, 1960). M. PEILLON : Je ne voudrais pas entrer en discussion sur deux formes économiques différentes, la coopération et l’industrie. Néan¬ moins, j’ai noté avec une certaine vigueur, quelques termes que je me permets de relever. Nestlé est un industriel laitier assez connu. assez nuissant, qui s’est beaucoup occupé de problèmes agricoles et qui, souvent, a été en compétition avec les coopératives agricoles, les coopératives laitières. Nous devons donc tout de même relever le dra¬ peau quand nous entendons parler d’abus de transformateurs qui détournent à leur profit les efforts de qualité du producteur, Je ne parle pas seulement de Nestlé. Prenons un exemple : Depuis avant-guerre, un décret avait été publié par notre gouvernement et prescrivait qu’aucun lait ne pour¬ rait être collecté s’il provenait de vaches qui n’avaient pas été sou¬ mises à l’épreuve de la tuberculine. Donc, la tuberculinisation du cheptel laitier était une nécessité légale. Or, jamais cette mesure n’a été appliquée parce que le gouvernement n’avait pas mis à la dispo¬ sition des préfectures les crédits voulus. Or, à qui doit-on le fait que la tuberculinisation du cheptel laitier. en France, soit rentrée dans une voie extrémement active ? Je crois que c’est aux industriels qui ont supplanté la déficience financière de notre gouvernement et des préfectures pour paver de leurs deniers la tuberculinisation du cheptel. Et, si nous regardons simplement l’aspect qualité, je crois que la, les industriels ont beaucoup aidé à l’amélioration d’un produit essentiel à l’alimentation humaine. Nous n’avons rien contre la coopération, c’est une forme intelli¬ gente de l’amélioration de la qualité au niveau des producteurs. Ce qui n’est pas intelligent, c’est que l’on fasse une discrimination entre les efforts sous la forme coopérative, et les efforts qui sont faits sous la forme industrielle. M. LE BIHAN: Je ne cache pas qu’il y a probablement, je pense. des exceptions et, que Nestlé ait une politique plus progressiste que d’autres industriels, je n’en disconviens pas. Mais dans l’ensemble. vous avouerez que les agriculteurs n’ont quand même pas bénéficié des efforts de qualité, qu’ils ont été plutôt pressurés nar l’industrie agricole. Je ne dis pas que les agriculteurs étaient exempts de reproche. Ils n’ont jamais voulu se lier par un système contractuel aux industries tion, mais le double secteur sera une excellente émulation pour une M. PEILLON: Je suis, M. LE BIHAN, partaitement d’accord avec vous, deux systêmes économiques doivent être mis en parallèle, leur essor commun sera certainement productif. En nous placant en état concurrentiel, l’effort sera certainement meilleur : le producteur en bénéficiera et la qualité aussi. 145 ANNEXE agricoles pour s’engager à tuberculiniser la totalité de leurs vaches : mais je pense que, dans l’avenir, les agriculteurs sont décidés, la jeu¬ nesse agricole est décidée à s’en sortir et s’en sortira je pense, mais vous aurez en face de vous des coopératives peut-être plus combatives. Je n’ai pas dit que la copérative devait truster toute la transtorma¬ politique de qualité. L’ACRICULTEUR DOIT-IL PRODUIRE UNE MATIERE PREMIERE BRUTE, UN PRQDUIT ARTISANAL, UNE DENREE INDUSTRIA¬ LISEE 2 Ou remarques sur la Myhologie américaine, vue par des Français. « 0 fortunatos nimium sua si bona norint, agricolae. » « Ou donc es-tu, temps virgilien ou l’on pouvait ainsi chanter 2 » De nos jours, les plaintes et les soucis des agriculteurs, nous les écouterons tels que E. MRAR, professeur de technologie à l’Uni¬ versité de Californie les formule. « Today there are so many manufactured foods available in the more advanced areas of the vorld and even in some of the underpri¬ vileged areas, the consumer not only has a choice in variety but in brand and even size of container. The consumer, therefore, can pick and choose, so it has become necessary for the food processor to serjousiy consider the likes and dislikes of the consumer.. The consi¬ deration of foods habits in under-developed areas is essential.. A few vears ago a considerable amount of vheat flour vas shipped to India. The natives vho received it vere not accustomed to using this parti¬ cular flour for making a type of fried biscuit that vas a component of their normal diet. Naturally, they disliked the flour. On the other hand, if the natives could have been shoyn hoy to make their own type of fried biscuits from this flour, the acceptance would have been much higher, the vaste much less, and the contentment of a hungry people much greater. I believe this illustrates why the United States Army has spent so much time developing from wheat a product that looks and tastes like rice., Efforts have been made to produce a fish meal that might be used in protein deficient countries. Such meals have been produced, but unfortunately, they vere either inedible or not economically feasible. Some engineers have not vet learned that. after all, a food must be eaten. » E. MRAK, SYmposium NESTLE (Vevey, 1960). 19 PORIEMES POSES PAR ILA DEHINITION DES AUIMENTS 146 M. DIETLIN : Je voudrais faire remarquer qu’il faudrait distin¬ guer deux sortes de transformations des produits agricoles bruts. D’abord une transformation qu’on pourrait appeler artisanale, par exemple faire du blé dans son épi des grains, mis en sac, bien séchés : faire d’un lait difficile à transporter sur son lieu de consommation un fromage, etc. Jusqu’ici, c’est bien là le métier de l’agriculteur. Puis, il y a une transformation que l’on peut qualifier d’industrielle par les concentrations de capitaux, de matière première, de machines qu’elle demande. Or, c’est une tâche qui, à priori, jusqu’ici sur le plan technique, sur le plan économique, se différencie tout à fait de la transformation agricole et de la vocation naturelle de l’agriculteur. Or, dans un certain nombre de pays très évolués, plus évolues qu’en France peut-être parce qu’ils sont plus riches, on est arrivé à faire des produits agricoles de qualité par cette transformation industrielle précisément sur le lieu même du produit agricole le moins élaboré. Il y a des réglementations officielles non seulement qui per¬ mettent, mais encouragent cette transformation agricole sur place par l’agriculteur alors qu’en France, au contraire, il y a une réglemen¬ tation qui interdit à l’agriculteur de faire cette transformation agricole. Je prends un exemple : le, producteur français de céréales est obligé de vendre son blé à un Office de céréales et s’il veut trans¬ former sa céréale en viande, il faut qu’il rachête ses céréales. Est-ce que vous ne pensez pas (ce serait un débat très long à approfondir) que, dans la notion de production agricole de meilleure qualité, il faudrait d’abord que ceux qui ont pour fonction de produire des den¬ rées alimentaires commencent par faire des produits plus rentables pour eux et surtout des produits de qualité en bénéficiant de la « valeur aioutée » par les procédés d’industrialisation. Il y a là une forme de concentration de la production "qui demande un sérieux examen dans la crise agricole actuelle en France. ML. MOCOUOT : Quand M. LE BIHAN a commencé, il nous a parlé de son hypothèse de travail et il nous a dit que, dans 5 ans, il v aurait une progression très marquée du marché agricole français vers les méthodes américaines Alors ma question est celle-ci: cette pro¬ gression, telle que vous nous l’avez décrite, j’ai cru comprendre que vous la considérez comme inévitable. Est-ce que vous la considérez également comme souhaitable 2 C’est-à-dire est-ce que vous considérez que le stade auquel est parvenu l’agriculture américaine est un stade souhaitable, et est-ce que vous considérez que le consommateur amé¬ ricain, que le producteur américain sont arrivés à ce qui peut repré¬ senter, pour nous, un idéal 2 M. LE BIHAN: D’une part, je dois dire que je n’ai pas été aux Etats-Uinis : je ne connais leur organisation que de source écrite le pense que leur méthode, c’est-à-dire une organisation, est souhaitable. Un contrat de production est indispensable, tant pour l’industriel que pour le producteur. L’industriel a la garantie de sà matière première. et re transrorinateur l’assurance d’un volume de produits à traiter. ANNEXE 147 C’est une forme d’utilisation très rationnelle des ressources productives du secteur agricole. Il y a moins d’anarchie. Je pense que cette politique n’exclut pas une politique de qualité. mais c’est un aspect que les Américains ont peut-être trop négligé. Dans le sens « gastronomie » de la qualité la France ne saurait évi¬ demment laisser sa place à d’autres. M. BRESARD : Au lieu de dire américanisation, il vaudrait mieux parler de rationalisation et je pense que cette rationalisation doit être pensée dans le complexe français actuel. MI. MOCOLOT: Ou devons-nous nous arrêter, quelle est la géné¬ ralisation du terme « inévitable » ou « souhaitable ».. Surtout du terme « souhaitable » 2 M. TREUTOLIERES : Au moment ou l’expansion de la production agricole « américanisée » vers les pays non industrialisés apparait de plus en plus difficile, où la perte de valeurs culturelles réelles liées à l’alimentation apparait regrettable, il convient d’être très circonspects sur l’intérêt de cette « américanisation » de l’alimentation française. M. LE BIHAN: C’est une hypothèse de travail. Le fait de sortir assez régulièrement parmi les exploitants agricoles me permets d’être en contact avec eux à l’LN. R.A, et de voir cette pénétration rapide d’intérêts américains : c’est inimaginable la rapidité de pénétration des capitaux américains dans l’économie agricole européenne. Au point de vue aliments composés, c’est très rapide : cela a joué un rôle moteur. le constate le fait, je déduis de cette constatation quelques prévisions tout à fait intuitives. M. TREMOLIERES: le crois que nous sommes tous d’accord pour que le « souhaitable » de M. MOCQUOT soit profondément réfléchi. Je ne puis m’empécher de vous raconter la toute récente visite d’un noble médecin israélite américain s’occupant très activement de lutte antialcoolique, Il revenait de Rome où il avait cherché à convaincre le Vatican de l’intérêt qu’il y aurait à remplacer le vin dans la Sainte Messe par une boisson moins toxique, Il venait me demander pourquoi la Section de Nutrition ne faisait pas campagne pour la suppression du vin comme boisson, en France, mais au contraire en était à la base du « pas plus d’un litre par jour pour l’homme ». Assez irrité par ces positions, je ne pus m’empêcher de lui dire que, pour ma part. je considérais qu’un bon verre de vin rouge était le meilleur des tranquillisants euphorisants et que je m’inqujétais beaucoup des 5 mil¬ lions d’ordonnances journalières de tranquillisants euphorisants que les médecins américains délivraient à leurs compatriotes. Ma sollici¬ tude pour son peuple sembla le faire réfléchir et il me confia qu’aux US.A, les firmes pharmaceutiques représentaient des puissances finan¬ cières considérables. Confidence pour confidence, je lui signalais qu’en France, il en était de même pour le vin. Les arguments financiers de M. LE BIHAN me semblent bien justifier l’« inévitable » de M. MOC¬ 860T, lnars pas son « souhaitable ». PROBIEMES POSES PAR LA DETINITION DES AUMENTS 148 M. BOTTTER: Il ne faudrait pas oublier que moins de la moitié des consommations alimentaires des Français ont quoi que ce soit à faire avec l’industrie alimentaire. C’est que plus de 50 %% de notre alimentation correspond à des produits agricoles non transformés ou transformés par des secteurs artisanaux. C’est l’ensemble des consom¬ mations de fruits et légumes, des viandes de boucherie, des viandes de porc et de la charcuterie. Les affirmations de M. LE BIHAN sont extrêmement importantes pour ces secteurs où la qualité est, au contraire, amoindrie plutôt qu’améliorée par l’absence de rationali¬ sation, de mécanismes de distribution de conditionnement, de standar¬ disation des produits. Le cas des fruits et légumes est patent. Une autre question est le contrêle de certains secteurs de produc¬ tion qui échappent aux industries alimentaires au sens traditionnel du terme, par d’autres structures industrielles situées en amont : exemple. la production de poulet contrôlée par l’industrie de l’aliment du bétail. C’est un autre problème que l’on pourrait discuter aussi sur le plan de la qualité, Je ne prendrai pas position sur, le fait de savoir si c’est bon ou mauvais parce que ce n’est pas notre métier de porter des jugements de valeur, mais c’est un problème intrinséquement dif¬ férent sur le plan de sa nature économique. Il y à trois problèmes finalement. Il y a : Les relations entre production agricole et consommation ali¬ mentaire pour les produits transformés par des structures indus¬ trielles. Exemples : l’industrie de M. PEILLON, la biscuiterie. etc. En second lieu, la possibilité en amont de la production agri¬ cole, d’une industrialisation "plus importante des éléments de la production. Exemple : l’aliment pour bétail. Une troisième chose, c’est la substitution dans les produits transformés, de structures industrielles à des structures arti¬ sanales : charcuterie industrielle, le fromage dont M. MOCOUOT nous a parlé. le n’ai pas grand-chose à ajouter sur ces trois groupes, sauf que je pense que, du point de vue qualité qui est l’objet de notre colloque, ils doivent être traités de façon tout à fait distincte. M. PERO : Je voudrais apporter une contribution et en même temps nuancer un peu les affirmations de mon collègue LE BIHAN, en vous disant ce qu’on envisage de faire dans le domaine de la promotion du poulet pour essaver de maintenir, de sauver, sinon de développer une fraction de cette production dans le sens de la qualité. D’après ce que nous pouvons saisir des caractéristiques de l’évolution actuelle de la production du poulet en France, il semble effectivement indis¬ cutable que nous connaitrons dans ce domaine, dans l’avenir, un accrois¬ sement de la production de masse, c’est-à-dire, un développement de masse basé sur le principe de la recherche d’un rendement maximum en faisant appel à des techniques permettant d’obtenir un animal de poids maximum dans un temps de plus en plus court, avec les critiques que je faisais tout à l’heure quant à la qualité de cet animal. 146 ANNEXE Il est certain que cette production de masse n’échappera pas à la nécessité de présenter sur le marché un produit qui, quoique stan¬ dard, possêde une qualité minimum. Il ne parait pas pensable que la production de masse puisse espérer prospérer en présentant sur le marché un produit de mauvaise qualité, même à grand renfort de publicité, ou alors le gout du consommateur serait devenu différent de ce qu’il est actuellement, sinon aberrant. Peut-être nous envisageons dans la mesure oi nous avons actuel¬ lement une influence au Ministère de l’Agriculture sur l’orientation de la production agricole, de réserver autant que possible, la promo¬ tion d’un poulet de qualité dans le secteur de l’agriculture artisanale où il est encore présent, et présent d’une manière assez importante. On n’a pas de statistiques précises, mais on peut encore estimer que 50 % des poulets actuellement présentés sur le marché français proviennent de cette production artisanale qui travaille avec de la main-d’œguvre familiale sur de petits et moyens effectifs. La politique que nous préconisons est justement celle de concen¬ trer ou de réserver de plus en plus la production de ce poulet de qualité (dont le prix de revient sera inévitablement plus élevé que celui de la production de masse) entre les mains de groupements de producteurs qui auraient le bénéfice d’un réseau de distribution particulier. Si cette qualité revient plus cher au départ, il faut évidemment la vendre plus cher à l’arrivée. Je crois que c’est un des rôles importants d’un organisme comme l’A.FAC. d’arriver, par le jeu des labels ou de protections diverses, à obtenir que, sur le marché, cette qualité reçonnue par le consommateur comme authentique, soit finalement payée plus cher. Il faudra que le systême des prix ne soit pas détériore au cours de la transformation et de la distribution des produits. Voilà donc, dans le cas du poulet, une perspective d’orientation raisonnable de la production qui permettrait la coexistence et d’un secteur industrialisé mettant à la disposition du consommateur une marchandise courante pour un prix favorable (en supposant que le consommateur finisse par normaliser son comportement vis-à-vis du poulet) et, d’autre part, la coexistence d’une autre section qui produi¬ rait un produit, non pas de luxe, mais d’une qualité supérieure ou même différente de celui de qualité courante à condition de pouvoir le vendre assez cher. M. BOUR: Je suis tout à fait d’accord avec votre proposition d’amener l’agriculture à devenir de plus en plus un transformateur de ses produits et donc à ne pas vendre ses produits en vrac et mal présentés, mais à leur faire subir des transformations, le service rendu avant été introduit dans le problème de la qualité par M. ROTTIER Le fait de rendre des services pour l’agriculteur lui permettra d’échapper à ce dilemme : jouer uniquement sur la quantité et se désintéresser de la qualité. Reste un problème : c’est de savoir si le consommateur est au fond très bon juge de la qualité qu’il doit consommer 2 La, le nutri¬ tionniste a quelque chose a dire, parce qu’on nous a parlé de qualité 180 PRORLEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALIMENTS organoleptique, de présentation et exclusivement de ces deux aspects du problème qui, certes, sont importants pour donner un certain piment à ce que l’on consomme et que l’on doit consommer avec agré¬ ment : mais ceci quand même n’épuise pas la totalité du problème. Pourquoi s’est-on mis à faire des crevettes très rouges 2 C’est parce que le consommateur le demandait. Pourquoi nous fait-on du beurre bien jaune 2 C’est parce qu’il le souhaite. Donc il a un certain nombre d’habitudes dont il faudrait peut-être lui montrer qu’elles sont mau¬ vaises et, là, je pense qu’on touche à un problème d’éducation sani¬ taire sur lequel les médecins, les physiologistes, les nutritionnistes ont leur mot à dire. M. MOREL : L’Américain connait le développement des formes préparées, pré-cuisinées : et presque pré-mangées qu’on trouve dans les super-marchés américains et qui a correspondu d’ailleurs à un accroissement considérable du nombre des articles mis en vente car cela a été, je crois, un des secrets : on est passé de 2 500 articles à quelque chose comme 6 000 (les chiffres ont été donnés au dernier Congrès de l’ALD.A, à Lausanne). Cela a correspondu en même temps à un accroissement de la curiosité alimentaire chez les Américains. Et on a pu assister par exemple à une assez grosse progesssion des produits exotiques, des produits de proyenance étrapgère, de toute sorte de « fancy-foods » qui allaient depuis le coléoptère enrobé dans une crotte de chocolat jusqu’aux foie gras francais ou aux biscuits de qualité importés d’Angleterre, de France, etc. Il y a eu, je ne crois pas me tromper, un, énorme déplacement à l’intérieur des Etats-Unis et même dans les super-marchés, même dans les petits pays sde l’intérieur, dans la Main-Street dest plus ennuveuses des petites villes américaines, il y a eu une consommation de marchandises étrangères. chose qui était stupéfiante aux Etats-Unis. Et alors, il x a eu une espèce de mouvement contraire à celui qui s’était produit tout d’abord. On a vu d’abord un désintéressement au niveau du consommateur pour la chose alimentaire : à un moment. il était convenu de dire aux Etats-Unis qu’on avait un fils qui vous semblait un peu bizarre parce qu’il s’intéressait à la nourriture.. Les « interested in foods » représentaient des gens qui avaient vraiment des goûts et des mœurs presque étranges. Et puis les choses ont vraiment beaucoup changé depuis 2 ou 3 ans, il n’est maintenant plus du tout anormal d’être: « interested in foods » et de s’intéresser par exemple à ce que peut être un foie gras français. Je crois que c’est un phénomène intéressant, parce que la qualité et la qualité artisanale justement qui peut être représentée par les productions très spéciales, les spécialités de certains pays, reprend toute sa valeur. Cela peut entrainer une reprise du goût et une amélioration de la qualité. M. TREMOLIERES : Aucun d’entre nous, semble-t-il, n’est capable de manger pendant 20 jours des conserves ou des aliments standards. Il Y à une saturation qui reste un mystère psychophysiologique. ANNEXE I 151 Il y a là un fait qui souligne l’importance de ces marchés non standard: s’ils vont être bien difficiles à définir et à contrôler, ils n’en sont pas moins d’une importance capitale à un moment où l’on fait l’expérience de l’aplatissement des marchés trop standardisés qui, pour un Français, risquent d’être plus qu’un crime, une faute. QUOL FAIRE2 QU ESSAI SUR LE SENS DE LA DISCUSSION TINALE. « Il existe également des tendances restrictives dans des sociétés qui connaissent la spécialisation à un degré plus ou moins poussé. Dans de tels cas, ce sont des individus ou des groupes d’individus qui. parfois, réussissent à améliorer leur situation relative — et souvent aussi à augmenter leurs revenus nets — en élevant la « valeur-pénurie » de leurs services, restreignant l’entrée de nouveaux venus dans leur spécialité économique ou dans des spécialités connexes. Ces; sortes de problèmes sont devenus spécialement importants depuis que les gouvernements s’introduisent de plus en plus dans la vie économique, l’appui de l’Etat étant généralement nécessaire pour appliquer et maintenir des pratiques restrictives. Comme ces dernières sont en général appuvées par des fractions puissantes de la popula¬ tion, les gouvernements trouvent plus facile de les accepter que de les combattre. Parfois aussi les fonctionnaires accueillent avec joie ces mesures restrictives parce qu’elles facilitent le contrôle de la vie éco¬ nomique et qu’elles engendrent des systèmes économiques apparem¬ ment plus ordonnés. » (Professeur BAUER. Symposium NESTLE, Vevey. 1960.) Académie: Association de « senjor citizens » qui y ont préféré la parole au travail ou : grand jeu pour personnes àgées. Commuission interministérielle : ou loterie nationale. Quelquefois on sort son numéro. Société sapante ou l’art de la prédication dans le désert. Centre de coordination ou l’art d’étouffer un tissu sain. Après avoir médité mélancoliquement sur ces quelques formes de la vie sociale de l’homme moderne, et reconnaissant la nécessité urgente d’une action coordonnée pour développer une politique alimentaire saine dans le pays, c’est la forme du Club qui parut la plus adéquate Le Club a été compris dans son sens primitif, à savoir un endroit ou l’on se réunit de temps en temps librement pour jouer avec des gens qu’on estime. Le jeu est ici la recherche de la signification pro¬ fonde du travail que chacun assume au long de ses semaines : chercher pourquoi nous travaillons. Pour être Membre du Club, il convient donc : 1) de travailler positivement dans le domaine de l’alimentation humaine. 2) de se poser la question du sens de ce travail. Des Membres du Club se sont réunis sur 3 terrains : Labels — Informations — Conditions de développement de la recherche. ANNEXE LI IES 7 QUALITÉS DES ALIMENTS DE L’HOMME INDUSTRIEL J. TREMOLIERES INTRODUCTION. Développement industriel et prévision de marchés. Dans une civilisation dont l’instrument n’est plus la charrue mais le « mécanique » c’est-à-dire suivant PLATON, « la production de beau¬ coup à partir de l’un », dont le dynamisme est le bas prix de revient de l’automatique, le prix s’abaissant en fonction de l’accroissement de la quantité produite, il devient crucial de tout caractériser, de tout mesurer pour tout prévoir. L’expansion mesurée parait bien un des dogmes du systême industriel. Dans quelle mesure des objets aussi chargés de sens que nos aliments peuvent-ils se plier à ce dieu du monde industriel 2 Dans quelle mesure y échapperont-ils 2 C’est le problême que nous voudrions essaver de poser. L’enieu est d’importance. Le marché alimentaire résiste à la publicité, à l’organisation. aux prévisions. L’offre s’ajuste mal à la demande : les prix sont élevés quand le producteur n’a rien à vendre et bas quand la récolte est bonne. La production des aliments a peine à rentrer dans le circuit éco¬ nomique moderne qui assure à chaque travailleur un niveau de salaire connu pour un travail donné. Le paysan fait figure de tenant attardé d’une économie régionale d’autoconsommation non monétarisée. Ce pay¬ sannat qui semble bien avoir été la source vive de la vie nationale s’effrite peu à peu, battu par l’entreprise industrielle, avec sa sécurité, ses salaires automatiquement ajustés aux besoins. L’entreprise du pay¬ sannat, née avec la culture des céréales, berceau de la civilisation occidentale, s’affronte avec son rejeton, l’entreprise industrielle mo¬ derne. Les manifestations de cette lutte entre l’économie rurale et l’économie industrielle touchent tous les objets et toutes les struc¬ tures de la vie de l’homme : régime de la propriété, des investissements. conditions de vie des travailleurs, organisation et rentabilité des mar¬ chés, etc. Nos aliments, clef de vonle, unissant ce que nous faisons et ce que nous sommes, constituent des objets d’étude privilégiés. 154 DOBLEMTS POSES PAR LA DÉFINITION DES AUIMIENI Is sont encore marqués de leur sens traditionnel et participent déjà à la mode nouvelle. C’est dans cette perspective qu’il parait conve¬ nable de placer les racines de cette étude sur les caractéristiques des aliments de l’homme industriel. A partic de combien de qualités un aliment est-it suffisamment défini 2 Les « spécialistes » disent que le mot « qualité-» est très mauvais car il a mille visages. Le sens commun voit là le terrain où ceux qui produisent peuvent chercher ce qui est le mieux susceptible de bien se vendre. Le «spécialistex serait satisafait si l’on pouvait décom¬ poser le complexe de cqualités en facteurs qualifiables et quantifiables avec une approximation suffisante. L’agriculteur et l’industriel seraient contents si on pouvait leur fournir des prévisions permettant d’ajuster la nature et la quantité de leur production à la demapde Et peut¬ être que le consommateur moderne aimerait aussi prendre conscience de ce qui le nousse à dépenser près de la moitié de ce qu’il gagne pour se nourrir et choisir du chocolat dit « de régime », du pain au levain, du bifteck ou du jus d’range. Est-ce possible 2 Ce n’est pas sur Outre que les qualités qui font d’un produit un aliment, sont nombreuses, elles sont strictement rela¬ tives au milieu socio-économique, culturel pour lequel on les définit. Elles varient avec lui. De plus, pour chaque aliment, elles varient suivant sa place dans la ration, la fréquence et le niveau de sa consommation. C’est dans des axes de coordonnées singulièrement mou¬ vants qu’il faudra situer les critères par lesquels nous chercherons à définir la qualité. Une méthode d’approche. Pour ne pas bâtir sṕculativement une nomenclature des « qualités » alimentaires, on peut à la manière du géographe, chercher à esquisser quelques tendances et qualités recherchées dans son alimentation par l’homme industriel moderne, puis à la lumière des facteurs physio¬ logiques, physiopathologiques, psychosensoriels, économiques, cultu¬ rels, supposés être à la base de ces tendances, essaver de dresser une nomenclature susceptible de contenir les remarques précédentes. ASPECTS DE L’ALIMENTATION DE L’HOMME INDUSTRIEL. Les tendances alimentaires de l’homme industriel ont succédé à celles de l’agriculteur, elles-mêmes bien différentes de celles du pasteur nomade. Chaque type alimentaire fait partie intégrapte d’un type socio¬ économique et culturel. Les types alimentaires ancestraux ont été pré¬ sentés ailleurs. Nos ancêtres cultivateurs étaient essentiellement des mangeurs de céréales. Probablement comme il en est encore aujour¬ d’hui en lran ou en Afrique du Nord, les céréales apportaient 70 % des calories de la ration. Les soupes, taines, couscous, bouillies, à base 155 ANNEXE de céréales secondaires, constituaient une découverte nutritionnelle per¬ mettant la supplémentation des protéines des céréales par celle des légumes ou le peu de produits animaux dont on disposait et enrichis¬ saient d’un symbole de plus le foyer domestique. Le pain de froment à progressivement supplanté les soupes. La culture du blé correspon¬ dait à des terres plus riches et la fabrication du pain a une structure sociale plus élaborée, nécessitant par exemple une organisation com¬ munale avec un four banal. Ainsi l’alimentation des agriculteurs latins n’a guère été que les diverses manières de manger le pain : pain et olives, pain et fromage, pain et vin; pain trempé dans la soupe. pain formant le fond du plat. La viande ne faisait guère son apparition que dans les repas de fêtes, chargée de tabous, aliment du guerrier, du fonctionnaire roval. aliment réparateur, cher à produire. C’est le bourgeois des villes qui en a fait un aliment majeur. C’est à l’urbanisation qu’est liée l’élévation de la consommation de la viande. Ce bourgeois des villes est le premier devenu l’homme industriel. A grande échelle, les tendances générales de l’alimentation de l’homme moderne se dégagent assez bien. Il vit de viandes (poisson ou œeufs), de légumes verts et de fruits. Il délaisse le pain, les bouillies de céréales, le sel de ses ancêtres. Là où les qualités organoleptiques du lait sont bonnes et la libido alimentaire faible, il l’utilise comme boisson; ailleurs il utilise tout le luxe organoleptique que permet la fermentation lactique. Corrélative¬ ment, sa consommation de graisses, permettant une cuisine facile et agréable et celle de sucre accompagnant les fruits et boissons stimu¬ lantes, s’élèvent. Les formes alimentaires brutes sont supplantées par des formes de plus en plus élaborées et prêtes à la consommation. Le café est vendu torréfié, en poudre, puis en extrait atomisé: le poisson en filets; les légumes lavés, normalisés. L’attrait de la présen¬ tation sous des formes dites gde luxex remplace l’attrait de qualités originelles. La part de l’alimentation dans le budget familial baisse progressivement de 55 % dans le milieu ouvrier Français en 1945-50. à 40 %, pour être de l’ordre de 30 % aux U S.A. La valeur absolue de cette dépense s’élève alors que le nombre d’heures de travail néces¬ saires pour produire les denrées brutes a considérablement diminué. La viande constitue en France du 1/4 au 1/3 de la dépense alimen¬ taire; si on y ajoute les boissons, ces deux groupes de produits couvrent la moitié de la dépense alimentaire en milieu ouvrier. Dans ce cadre général, nous situerons 5 remarques plus précises : 1) Constance du taux calorique rapporté au poids corporel. Donc quasi impossibilité à faire consommer davantage quantitative¬ ment : 2) Elévation de la part des produits animaux, des fruits et légumes verts: — conséquences sur les consommations de graisses et de sucre; — réduction compensatrice des céréales et tubercules. 156 PROBIEMES POSES PAR LA DEFINITION DES ALMENTS 3) Délibidinisation d’une partie de l’alimentation : place accrue du « Bon pour la Santé ». Développement des palatabilités stan¬ dards, neutres, réaction probable vers la qualité de « Folklore : d’ « art » gastronomique. 4) Tendances vers une alimentation de niveau identique, en 3 repas par jour, équilibrés tout au long de l’année. La réaction vers le rythme jeune-abstinence-fête ne semble pas se manifester encore. 5) Tendances vers une industrialisation réduisant la cuisine ména¬ gère à un ajustement à l’hydratation et à la température voulue. Le rôle de la mère, c’est-à-dire la personnalisation de l’alimen¬ tation familiale, se manifeste davantage dans le choix et l’ajus¬ tement des achats, dans l’ordonnance des repas que dans l’art culinaire. Limites quantitatives de l’aligentation. Dans une civilisatidn dont le slogan est de produire davantage à plus bas prix, il n’est pas sans intérêt de remarquer que l’alimen¬ tation fait une grave exception. Certes l’homme industriel a une puberté de 3 à 4 ans plus précoce que ses ancêtres : se développant plus 191. ses besoins sont plus grands, Il a réussi à ajouter une dizaine de centimêtres à sa taille et une dizaine de kilogrammes à son poids. Son mode d’alimentation, riche en protéines, sans périodes de jeune. est également un peu plus onéreux en calories. Mais la réduction de son activité, de sa thermolyse, la hantise de l’obésité, font que l’homme industriel consomme quantitativement moins que ses ancêtres. « On est plus malade de trop que de trop peu manger » disait déjà Napoléon. L’opposition à ce qui est reconnu comme « trop nourrissant » : graisses. chocolat, pain, pâtisseries, sucre, est grande. Il y a là ce qui semble bien être une réalité physiologique : l’homme, spontanément, ajuste son taux calorique à sa morphologie et à son activité. C’est un point que nous avons développé ailleurs. Après la période de sous-consommation de 1940 à 1947, une surconsom¬ mation compensatrice se produisit jusque vers 1952. Malgré des habi tudes extrêmement diverses, le taux calorique ingéré, rapporté au poids, sur une période de 1 à 2 ans, est d’une remarquable constance à travers le monde. A quelques Kilos près, l’homme maintient son poids tout au long de sa vie alors qu’il suffirait d’une erreur systéma¬ tique de 100 grammes de pain par jour pour que son poids varie de 10 Kilos par an. Lorsqu’il dépense plus en augmentant son activité, la régulation de l’appétit compense les pertes dans les 48 heures. La conséquence de ce fait physiologique, c’est que dépensant de moins en moins de calories du fait de sa vie climatisée et sédentaire l’homme moderne tend à écarter les aliments dont l’intérêt central est l’apport calorique. En fait aucun aliment n’est qu’un pur apport calorique. Tout aliment a toujours un autre intérêt. Le sucre a sa saveur attirante. 157 ANNEXE 1 les graisses leur onctuosité; les céréales sont peut-être les aliments les plus purement calorigéniques. Comme de plus, leur digestibilité est assez laborieuse ainsi que nous le verrons, ce sont elles qui ont subi les réductions de consommation les plus importantes, réductions qui semblent bien se poursuivre encore, à un rythme de l’ordre de 3 % par an. Flévation de la consommotion des produits apimaux, des fruits et tégumes verts. Ce sont les consommations qui se sont le plus élevées. De fait. si l’alimentation de nos ancêtres était constituée par les diverses ma¬ nières de manger du pain, le repas de l’homme industriel est centré soit sur les viandes, poissons, œufs, soit sur les légumes verts et fruits. La viande a une sapidité, des effets excito-sécrétoires et moteurs sur le tube digestif, une digestion purement enzymatique, sans faire intervenir la flore, une action dynamique spécifique, c’est-à-dire un effet d’excitation sympathique et surrénale donnant une sensation de réchauffement et de force qui nous semblent expliquer l’importance que l’homme lui attache. Excitante pour l’appétit par sa sapidité, lé¬ gère à digérer, stimulante, c’est l’aliment qui se brule tout seul par le surcroit d’activité qu’il procure. C’est l’aliment de l’homme repu. qui à le choix de ce qui lui procurera le plus d’agrément. La pulsion vers les légumes verts et les fruits marque le choix d’aliments de 5 à 10 fois moins calorigéniques que les céréales et les viandes, ne demandant qu’un effort de digestion très réduit, facilitant la motilité digestive grâce à un ballast non irritant, distravants et rafraichissants au goût. — Les viandes comportant environ autant de calories lipidiques que protidiques, et viandes et légumes étant particulièrement xpala¬ tablesx cuits ou servis avec des graisses, expliquent une partie de l’élévation de la ration grasse de l’homme moderne. Il préfère en effet. pour associer à ces deux groupes d’aliments, centres de ses repas la graisse aux céréales, probablement pour des raisons organoleptiques mais peut-être aussi pour les sensations digestives qui en résultent. Les céréales ont une digestion qui fait intervenir largement la flore intestinale. Il faut remarquer que lorsque l’homme consommait heau¬ coup de céréales, c’était sous des formes pré-fermentées (pain au levain sorgho pré-fermenté) associés à des produits fermentés (Nioc-Man fromages) ou cuits très longuement (soupe) et qu’il y aurait à étudier davantage pourquoi et comment les amvlacés consommés actuellement arrivent dans le coecum en quantité importante sans avoir été digérés par les amylases de nos sucs digestifs. L’élévation de la consommation de sucre pourrait être expliquée par l’élévation de la consommation des fruits (confitures), des jus de fruits, des boissons excitantes que l’on sucre, par le tropisme général de tous les animaux vers le sucre, par l’impression de légèreté liée à l’absence de travail digestif et enfin à l’impression reconstituante que produit le sucre dans certains états. d’après leur origine et leur traitement. 158 PRORIEMES POSES PAR LA DETINITION DES ALIMENTS Ainsi, c’est autour de la recherche de la glégèreté digestivex, du « stimulant » que semblent pouvoir s’expliquer les traits généraux des tendances de consommation de l’homme industriel, placant la viande et les aliments apparentés (poissons, œufs, fromages) et les légumes erts et fruits au centre du type alimentaire. Détibidinisation de l’alimentation. a) bavantage inquiet de trop que de trop peu manger, devant. fournir un travail qui ne réclame plus guère que son activité nerveuse. cette activité nerveuse étant endormie par le travail digestif et étroi¬ tement dépendante d’une stricte ascèse alimentaire, le premier but de l’alimentation est de permettre de bien faire face aux nécessités de la vie professionnelle, d’assurer une honne activité et une bonne santé. Le « Bationnel », le « Scientifique », le « Pasteurisé », le « Vita¬ miné », les « produits du Dr X. » les produits standardisés, toujours semblables à eux-mêmes quant à leur goût, leur composition, leurs effets physiologiques, leur place dans la ration, font partie de cet univers ou l’ « art », l’ « imprévu », le « différent » constituent un luxe dangereux, sinon une hérésie. b) Mais voilà que les procédés industriels qui permettent ces pro¬ duits standards, préparés à partir de grands mélanges : lait en poudre. fromages cuits ou fondus, légumes séchés, atomisés, café soluble. conserves, graisses standardisées, ont déjà pu assister à la saturation de leurs marchés ou l’entrevoir. Ne voilà-t-il pas que le potage en sachet, que la margarine, que le café atomisé, que le fromage fondu « résistent » à la publicité, que l’Anglo-saxon reste sensible aux 365 fromages de France, que le « rationnel », le « synthétique » fait mourir d’ennui l’homme comme le rat qui reste infiniment fragile aux régimes synthétiques lorsqu’on ne lui donne pas de temps en temps un peu de carottes, de salade, de lait ou de viande. Si actuellement la puissance financière est dans les marcbés des denrées industriali¬ sées, il serait peut-être sage de laisser une place à ces produits arti¬ sanaux dont les qualités échappent au rationnel. Ils ont fait le raffi¬ nement d’une civilisation. Leur charme n’est-il pas nécessaire pour lais¬ ser au produit standard une certaine couleur par contraste. Ils font. partie de cette recherche de la « couleur locale », du « folklore », de « l’évasion », assez caractéristique de notre temps. c) La rechercbhe du « Ron pour la Santé » a du reste appris à pe pas trop se fier à l’industriel. L’industriel a fait manger à l’homme du jaune de beurre qu’on lui dit maintenant être cancérigène, des graisses hydrogénées qu’on lui dit être athérogènes, des pains sans fermentation véritable qu’on lui dit être peu digestibles, des vins comportant des antiseptiques. Si bien que le « Naturel » ou sa forme intelligente, la garantie de l’absence de toxicité ont pris l’accent d’une véritable exigence nationale, postulant une réforme du systême tradi¬ tionnel de la répression des fraudes basée sur la définition des denrées ANNEXE II 159 Régularité des repas. Le fait de manger 3 repas à peu près égaux, comportant à peu près les mêmes aliments tout au long de l’année, la suppression des jeunes et abstinences, ont conduit à sortir de la monotonie par l’aspect extérieur, la couleur, l’emballage. Des aliments de fêtes ont été « vul¬ garisés » et on a baptisé « fantaisie » les aliments de tous les jours dont la forme, la présentation et le prix étaient seulement changés. La plupart des eaux dites minérales ou de table ne sont ainsi qu’un emballage, une publicité et la respectabilité d’un prix élevé pour de l’eau. Réduction de la cuisine. La mère ne faisant plus qu’une préparation culinaire réduite, ses talents se réduisent à savoir acheter de bonnes marques qui ne trompent pas. Son prestige dépend de moins en moins de la facon dont elle cuisine et de plus en plus de la qualité de ce qu’elle sait acheter. Les denrées sur lesquelles on risque de se tromper sont délaissées et la ménagère cherche des produits normalisés qui seront sans sur¬ prise. A l’industrie de trouver l’emploi des fruits, légumes, bas mor¬ ceaux qui deviennent de moins en moins vendables puisqu’on n’a plus le temps, ni l’art, ni le gout de les bien utiliser. CRITÈRES A CONSIDÉRER POUR DÉTINIR UN ALIMENT. Une denrée alimentaire semble devoir posséder 3 types de qualités pour répondre aux 3 groupes de fonctions physiologiques, psychosenso¬ rielles, éthico-intellectuelles qu’elle doit assumer : a) Elle doit nourrir, ce qui se caractérise par sa valeur nutri¬ tionnelle (calorique, proléique, minérale, vitaminique). b) Elle doit exciter nos sensations gustatives, digestives et géné¬ rales, pour se rendre plus ou moins désirables. Elle a aussi un certain tonus ou valeur psycho-sensorielle. C) Elle a une valeur symbolique d’ordre social, économique et culturel, qui la situe dans notre moi social : les petits Dieux de la My¬ thologie alimentaire sont tout aussi vivants chez l’homme industriel que du temps d’Hippocrate. Ainsi, contrairement à ce qui se passe en physique où un objet peut être caractérisé par 1 ou 2 qualités simples, il faut ici au moins 3 groupes de critères simultanés, châque groupe étant fort complexe pour caractériser une denrée alimentaire. Quglité nuritionnelle - Valeur alimentaire. Physiologiquement, la qualité alimentaire à un sens précis et mesurable, celui de sa valeur nutritionnelle. Un aliment doit nourrir, c’est-à-dire apporter un certain nombre de « calories » ou de nutriments 160 PRORLEMES POSES PAR LA DETINITION DES ALIMENE indispensables pour l’entretien, le développement ou la réparation de la machine humaine. Suivant qu’il apporte plus ou moins de riboflavine. de calcium, de tryptophane ou de lysine, tel fromage ou tel pain est supérieur nutritionnellement à tel autre. Plus globalement, on peut grouper les aliments suivant leur valeur nutritionnelle en 6 grandes catégories : 1) Les viandes, charcuteries, poissons, légumes secs comportant de 15 à 25 % de protéines et presque toutes les vitamines du groupe B. 2) Les laits et fromages avant un intérêt nutritionnel de même ordre que le groupe précédent, au fer et au facteur d’hydratation près. 3) Les graisses, source de calories sous le plus petit volume possible. 4) Les céréales, source de calories sous forme de glucides et de protéines, et, sous leur forme complète, de complexe B. 5) Les légumes verts et fruits, sources de la plupart des miné¬ raux et vitamines, avec un très faible apport calorique. 6) Les pommes de terre, tubercules source de calories sous forme glucidique et de vitamine C. Malheureusement, si les teneurs nutritionnelles permettent de définir très rigoureusement la qualité alimentaire pour le physiolo¬ giste, cette qualité « rationnelle » de l’aliment l’homme ne s’y intéresse que « par raison », c’est-à-dire exceptionnellement. C’est que c’est un fait que l’homme n’a conscience de ses besoins véritables c’est-à-dire hiochniques que dans des états exceptionnels (état de famine, insuffisance surrénale grave, déshydratation). Nous mangeons alors que nos réserves tissulaires et nos régula¬ tions physiologiques nous permettraient de vivre 3 à 6 semaines sans manger ou de ne prendre, chaque jour, que 174 de nos besoins, recons¬ tituant la différence chaque semaine ou même chaque mois. Notre physiologie nous permettrait le rythme des animaux sauvages. Les tra¬ vaux les plus récents montrent que ce serait plus économique. Dans de nombreuses situations, moins on mange moins on a faim. et plus ou mange plus on peut manger. Les données les plus récentes de la physiologie sur la thermolyse, les tonus musculaires inconscients. les gestes inutiles, l’émotivité, le niveau des sécrétions digestives et endocrines, montrent que l’organisme de l’homme lui permet de vivre et de subsister à des niveaux de 4 50 % pour la plupart des nutriments. Si la valeur nutritionnelle est bien la préoccupation majeure de l’éleveur ou du dictateur qui veut maintenir le rendement de ses esclaves, l’homme normal ne s’en soucie guère. Habituellement ce sont certaines sensations, leur recherche ou leur souvenir, qui nous poussent à manger certains aliments. ANNEXE 1 1 Qualités psychosensoriefles. TONUS EMOTIF. Tout se passe comme si nous avions quelque part en nous, une sorte de boussole gyroscopique qui nous maintienne dans les lignes de ce que nous appelons notre « Bien-être ». Plus encore que les qualités organoleptiques qui « fignolent » notre choix, c’est ce « pilotage auto¬ matique » qui semble régler le plus profondément l’aspect le plus efficace du choix de la qualité et de la quantité de nos aliments L’aliment est doué d’un certain tonus émotif. Nous attendons du beefsteak, du lait, d’un plat gras, d’un morceau de pain, d’un fruit. qu’ils calment certaines sensations en en procurant d’autres. Cette classification des qualités alimentaires fut la plus ancienne de toutes. L’école d’Hippocrate classait du réchauffant au refroidissant. la chair des quadrupèdes, le salé, le gras : le fermenté étant réchauf¬ fant, les fruits de la terre étant rafraichissants, les céréales et les pois¬ sons étant entre les deux. Les Chinois avec les aliments Vin et Yan ont une classification analogue basée également sur le tonus émotif des aliments, introduisant davantage les caractères d’activité, d’aggressivité. de masculinité liés à certains aliments et inversement de passivité de douceur, de féminité liés à d’autres. Les sensations que nous calmons grâce aux aliments se ramènent. semble-t-il, à quelques types assez simples. 1) Il y a sensation de « ventre vide », bien différente des contrac¬ tions douloureuses de la faim psychologique. Tout ce qui est « nour¬ rissant » la calme, d’autant plus longtemps qu’il l’est davantage. 2) Elle s’accompagne souvent d’une sensation de fatigue, avec ver¬ tiges latents et frilosité. Les aliments réchauffants, remontants, dopants, stimulants y répondent. 3) Une autre sensation, moins immédiate, est le désir de détente que procurent les sensations organoleptiques agréables. Tout en étant « légers » à la digestion, ces aliments agréables, rafraichissent par le plaisir qu’ils procurent. 4) Egalement dans les sensations moins immédiates, it y a la notion intellectuelle du « Bon pour la Santé » de l’aliment qui à long terme, rationnellement, apportant tout ce qu’il faut, est supposé maintenir le potentiel vital. 5) Enfin, certains aliments médicaments sont des « tranquili¬ sants », des euphorisants, des anesthésiques. On proposera ainsi de distinguer les aliments suivant leur tonus émotif en : 1) Nourissants, les uns étant « lourds » cest-à-dire calmant la sensation d’appétit énergiquement et longtemps, les autres plus légers. 2) Réchauffants, stimulants des forces. 3) Rafraichissants. 4) « Bon pour la Santé ». 5) Tranquilisants, excitants. 162 PROBIEMES PORES PAR LA DETINITION DES ALMENTS Ces qualités primaires sont très importantes à considérer dans les prévisions de marché Un aliment gras, comme le chocolat ou la margarine, nourrissant lourd, a là une qualité majeure qui fait que les qualités secondes, organoleptiques, économiques, etc., risqueront d’être sans effet devant le fait majeur que l’homme industriel moderne n’étant que trop nourri, évite par instinct cette qualité que ses ancêtres recherchaient. Si la physiologie de la nutrition a bien établi la valeur nutri¬ tionnelle, elle commence à peine à aborder cet aspect des effets senso¬ riels des aliments. Or, elle semble à pied d’œuvre pour le faire. Ce que l’homme appelle sa « digestihilité » n’est pas le coefficient d’utili¬ sation digestive des physiologistes. Ses éléments sont à l’étude : effets excito-moteurs gastriques, hépatiques, pancréatiques, effets sur la flore, part de la digestion enzymatique et de la digestion bactérienne. régulation de l’absorption. On commence à étudier les effets digestifs propres à diverses macromolécules. Ainsi les divers types d’amidons interfèrent par le pouvoir qu’ils ont de fonctionner comme résines capa¬ bles de sélectionner certains jions dans la protéolyse: les celluloses, de façon diverse suivant leur nature, stagnant des semaines dans le cœcum Y jouent, semble-t-il, un rôle dispersant conditionnant en partie la flore et son action. Les éléments azotés non protéiques des viandes avant des actions excito-motrices sur l’estomac sont à l’étude ainsi que les effêts laxatifs de certaines huiles. Il est permis de penser que les facteurs physico-chimiques condi¬ tionnant les sensations digestives « lourdes » ou « légères » pourront être connus, et donc que les industries productrices pourront en tenir compte. — La sensation « nourrissaht » semble dépendre au premier abord de la sensation de lourdeur digestive, et à plus long terme de la valeur calorique. En effet, il semble bien exister une régulation physio¬ logique très parfaite de l’appétit aux dépenses caloriques, le poids reste d’une remarquable stabilité tout au long de la vie (sur la courbe normale d’une légère prise de poids jusque vers 60 ans), alors qu’il suffirait d’une erreur dans le même sens de 10 % par jour pour pro¬ duire une variation de poids de 10 Kgs par an. L’élévation des dépenses par exercice musculaire produit une compensation spontanée et ajustée de l’appétit dans les 48 heures. — Le « réchauffant », le « stimulant » est en partie en rapport avec une excitation sympathique et surrénale déclanchée en particulier par les amino-acides libérés par la digestion protéique. — Le « Bon pour la Santé », le « non touché par la main », qu semblent prendre de plus en plus d’importance pour l’homme indus¬ triel, comporte un aspect positif : la valeur alimentaire, et un aspect négatif encore plus important dans la mentalité de l’homme moderne : l’absence de « toxique ». Bien que très peu étudiée scientifiquement jusqu’ici, cette toxicité des aliments pourrait l’être. Ce que nos ancêtres. vivant de la cueillette, avaient dù faire, à leur dépens, pour sélectionner ce qui était comestible et éliminer les produits végétaux toxiques, nous avons à le refaire à l’époque où les progrès des techniques de produc¬ ANNEXE II 163 tion, de conservation et d’industrialisation nous placent devant des fongicides, des colorants, des édulcorants, des antioxydants, des trai¬ tements physiques par radiations dont les effets physiologiques ne sont à peu près pas connus. C’est un fait que producteur, technologue, distributeur consom¬ mateur, informateur, désirent que la Nutrition étudie et publie la valeur « Santé-bien-être » des aliments : effet de la conservation par le froid sur les nucléotides ou la structure des protides du lait ou de la viande : nature du produit de la protéolyse dans les fromages fermentés ou la charcuterie; effet des divers types de fermentation panaire sur la digestibilité et des divers types d’acides gras sur la nutrition du tissu artériel; toxicologie des substances ajoutées. On peut multiplier à l’in¬ fini les exemples. Cette mise en vedette de la valeur « Santé-bien-être » des aliments correspond à un besoin qui vaudrait une analyse pour lui-même. L’an¬ xiété vis-à-vis des conditions souvent inhumaipes de la vie indus¬ trielle moderne en est probablement une des composantes maieures. QUALITES ORGANOLEPTIQUES. La physiologie qui distingue les saveurs salées, sucrées, amères. acides, les odeurs et le tact buccal, parait ici très loin de rendre compte de l’attrait dù aux qualités organoleptiques des aliments. L’on sait l’extraordinaire sélectivité du gout qui distingue parfai¬ tement le sodium du potassium, du calcium, du fer, tolérant les uns à des doses très précises, dégouté dès que l’on dépasse certains seuils. L’on sait que les « dégustateurs » sont capables de distinguer des crus que la biochimie la plus fine ne permettait pas d’analyser et que l’on pourra peut-être aborder par certaines méthodes chromatographiques en phase gazeuse. L’on sait empiriquement que le goit et l’odorat sont des sens qui s’éblouissent, se saturent très aisément et qu’il faut resensibiliser par certaines alternances. L’on sait que les sensations organoleptiques varient suivant l’état hormonal : le désir ou la satiété pour le sodium dépend de l’état surré¬ nal, et le taux des hormones sexuelles fait varier les seuils de percep¬ tion et de dégont. Si certaines catégories de consommateurs recherchent les qualités organoleptiques toujours identiques, sans surprise, d’autres se lassent des gouts standard. Devant l’extrême complexité d’une nomenclature des qualités orga¬ noleptiques, nous proposons de ne distinguer que 2 catégories. 1) L’aliment à gout standardisé, sans surprise, que le consomma¬ teur trouve tel qu’il l’attend. 2) L’aliment, marqué de l’art spécial de l’agriculteur ou de l'’arti¬ san qui lui confère un « cru », un gout d’œuvre d’art. PROBIEMES POSES PAR LA DETINITION DES AUIMENE 164 Le choix de ces 2 critères repose sur le fait que certains milieux sociaux recherchent les premiers, d’autres un équilibre entre les deux et l’on prend conscience que les marchés standardisés sont menacés d’asphyxie à long terme s’ils ne sont pas équilibrés par des marchés artisanaux qui maintiennent le prestige de l’amour de l’art. QUALITES ECONOMIQUES ET SYMROLIQUES. Dés les temps les plus anciens, l’homme a transformé ses aliments : épluchage, brovage, fermentation, etc., sont des techniques millénaires. L’aliment « naturel » est un mythe, car l’homme intervient toujours dans la préparation des aliments. Ces modifications peuvent leur confé¬ rer une nouvelle valeur économique ou culturelle. Certains aliments prennent ainsi une telle place dans un -type alimentaire que celui-ci n’est que l’ensemble des manières d’accompagner l’aliment de base : le pain (avec le vin, le fromage, les olives, la char¬ cuterie), le riz ou la bouillie d’orge ou actuellement, en France, le befsteak. Un choix ou une préperation cutinaire experte semble indispen¬ sable pour que l’aliment prenne une valeur symbolique, liée à une certaine dignité ou à l’hospitalité. Ainsi la qualité mythique d’un aliment est-elle liée à la tradition familiale, c’est-à-dire à la signification qu’avait l’aliment dans la vie de la familte, à la dignité sociale qui s’y attache, à la puissance d’échange. de communion que lui confèrent toutes les qualités déjà vues. ESSAL DE NOMENCLATURE DES CRITERES DE QUALITE ALIMEN¬ TAIRE. Nous proposerons maintenant une nomenclature des critères de la qualité alimentaire qui rende compte des remarques précédentes. bien que l’alimentation de l’homme moderne ait encore bien d’autres aspects. Critères tiés à la valeur olimentoire. Parmi les nutriments, seulement quelques-uns ont un intérêt pra¬ tique pour la définition de la qualité. a) Le taur calorique est plutôt une qualité négative, puisque repu. sédentaire, vivant à température constante, le besoin d’énergie de l’homme industriel diminue par rapport à celui de ses ancêtres. Il recherche ce qui se mange et protège la santé sans trop de calories. b) Certaines protéines animales sont recherchées au premier chef pour leurs effets stimulants. La nature de ces effets gagnerait à être davantage connue. c) Les lipides, surtout sous forme saturée, ont tendance à être introduits en trop grande quantité dans l’alimentation actuelle. On admet qu’ils ne devraient pas apporter plus de 35 % des calories totales. De nombreuses recherches s’efforcent de préciser ceux qui seraient plus ou moins atherogènes. ANINEXE 1 145 d) Les alucides font également l’objet d’une sélection. Certains amidons et celluloses tendent à être écartés à cause de leurs effets digestifs, particulièrement sur la flore intestinale. La consommation de certains sucres ou de certaines hémi-celluloses est au contraire recherchée. e) Il faudrait ajouter, bien que l’argument soit surtout d’ordre raisonnable, les teneurs vitaminiques et minérales les plus élevées. f) Enfin l’absence de toxiques, critère qui prend réellement de plus en plus d’importance et dont les méthodes d’étude sont encore au stade préhistorique de la dose mortelle ou de la toxicité chronique. alors que les progrès de la physiologie cellulaire permettraient de mieux définir les circuits métaboliques risquant de mettre les tissus en danger et les corps susceptibles d’intervenir dans ces circuits. Critères psychosensoriels. a) Effets sur les sensations diaestipes. Ces sensations ont des substrats physiologiques qui n’ont guère été étudiés On s’est en général contenté d’appliquer à l’homme les coefficients d’utilisation digestive emplovés en zootechnie et dont on sait qu’ils sont dépourvus d’intérêt avec un régime varié et abondant. — Les effets excito-moteurs et sécrétoires contenus dans la viande n’ont guère été étudiés depuis PAVLOV. — On sait que les amidons interfèrent avec la protéolyse, qu’ils jouent, à titres divers, des rôles de résine sélective capable de se protéger contre certaines actions enzymatiques et d’en régler d’autres. Suivant la nature, les traitements subis, les divers amidons réglent la part des enzymes et des bactéries. Ce type de travaux n’a guère recu d’application à l’alimentation humaine. — Les effets digestifs des diverses graisses, des diverses cellu¬ loses commencent également à peine à être étudiés. b) Effets sur les sensations générales. Les sensations de somnolence, ou au contraire, stimulantes, que peuvent produire graisses, viandes ou alcools, restent des observations presque purement empiriques dont il est probable que l’on pourrait connaître les facteurs, donc les responsables de telle ou telle « qualité ». c) Effets oraanoleptiques. Des techniques comme certains types de chromatographies en phase gazeuse ou comme les appareils à mesurer : plasticité, onctuosité. activité de l’eau, permettraient probablement de réaliser de véritables nez et palais artificiels, donnant une mesure objective à l’appréciation des dégustateurs. Il semble qu’il faille distinguer : — Les denrées à qualités organoleptiques standards, normalisées qui sont surtout une « marque » : Les denrées « de terroir » avant gardé un élément artisanal d’art et d’imprévu. 166 PAORIEMES POSES PAR LA DÉFINITION DES ALIMENTS Le catalogue des qualités organoleptiques auxquelles l’homme semble ne pas pouvoir s’habituer (saveur du potassium, du calcium. amertume des levures), celles qui engendrent des satiétés dès qu’ils sont consommés à des taux supérieurs à quelques grammes (protéolysats) ou avec une trop grande fréquence (glutamate), reste à établir. Avec des techniques permettant des références objectives, il sera peut-être possible de sortir de erpr rsme aetuel. Critères socio-économiques. Le prix ne parait pas être un critère de qualité en lui-même. On paye l’ensemble des qualités qui constituent une denrée. a) Le degré de personnalisation que permet un aliment, c’est-ଠdire la possibilité qu’il offre à la mère de famille ou à l’hôte d’en faire son œuvre : « ton café », « ton rôti », etc., crée une caractéris¬ tique spéciale aux produits non industrialisés. b) Le caractère de « fantaisie » de « luxe », de « fête » a été très dévalué. Les produits vendus cofnme tels ne différant souvent des pro¬ duits communs que par l’emballage, la forme ou le prix. Il y aurait cependant là des possibilités de qualités réellement différentes qu’il conviendrait souvent de redéfinir. c) La valeur symbolique est probablement une des qualités les plus importantes d’un aliment. Elle varie vite au cours du temps et suivant les milieux sociaux. Parmi les critères de la qualité alimentaire, les uns paraissent relativement simples et objectivement appréciables, ce sont ceux de la valeur alimentaire : ceux de la valeur psychosensorielle, en particulier les effets sur les sensations digestives et générales n’ont guère été que très peu étudiés jusqu’ici et ceux sur les qualités organoleptiques. pas du tout du moins par des méthodes scientifiques. Des recherches longues et difficiles permettraient probablement de les objectiver. Les autres, très subtils, changeants, sont liés aux conditions socio-écono¬ miques, aux fréquences de consommation, au contexte culturel. Si tant d’études de marchés et les statistiques de consomma¬ tion en matière d’alimentation ont donné lieu jusqu’ici à beaucoup de surprises quand on a voulu les appliquer à des productions nouvelles. c’est probablement qu’elles n’ont pas pu tenir compte de quantité d’informations indispensables avec une objectivité suffisante. Ces quan¬ tités d’informations étant impressionnantes et la liste que nous avons donnée étant probablement encore incomplète, on peut même se deman¬ der si ce genre d’étude n’a pas d’intérêt seulement qu’à très grande échelle, pour les marchés nationaux par exemple, à partir du moment où ne persistent que les composantes moyennes, Ici, les groupages d’aliments, établis et utilisés à l’Institut National d’Hygiène depuis 15 ans, constituent une base de départ qu’il faudrait perfectionner en Y eS crreer es sappicrrerrtaires, par exemple le mode de ANNEXE 1 167 « présentation » et le type de qualités organoleptiques « standard » ou de « terroir ». Ces deux critères correspondent en effet à des réseaux de production, de publicité, à des prix, à des besoins très différents et il y aurait intérêt à les mieux connaitre. Lorsqu’il s’agit d’une denrée précise, on peut se demander si la méthode qui consiste à réaliser la meilleure qualité possible en tenant compte des remarques du type de celles que nous avons présentées. ne serait pas plus efficace. Peut-être la contribution de la Nutrition. collaborant avec les producteurs et technologues pour mieux préciser les effets physiologiques, l’absence de toxicité, les modalités digestives. pourra-t-elle orienter vers les qualités les plus recherchées, c’est-a¬ dire contribuer à « ouvrir » des marchés. Nous avons proposé : 1) Quelques caractères de l’alimentation moderne. Ils ne sont ni certains ni suffisants. Il serait nécessaire que chacun des participants Y ajoutat ceux que sa situation lui a permis d’observer. 2) Nous en avons déduit une nomenclature dont il ressort que de longues recherches seraient nécessaires pour permettre des juge¬ ments plus objectifs sur les diverses qualités retenues : Nature des effets excito-moteurs et sécrétoires des viandes et 3 nature des substances responsables : Effets sur la digestion des divers amidons suivant leur nature et les traitements subis : Effets athérogènes des divers constituants des graisses alimen¬ taires : effets gastro et cholécystokinétiques : Méthodologie de la toxicologie alimentaire: métabolisation des substances ajoutées ou modifiées par les multisystèmes enzyma¬ tiques des cellules : répercussion sur les circuits métaboliques assurant la vie de cellule : implications sur les conditions de résistance de la cellule aux agressions : métabolisation dans l’organisme entier : Essai d’application des chromatographies en phase gazeuse pour caractériser les aspects olfactifs dès qualités organoleptiques. 3) Une étude des services réellement rendus et à l’inverse, des échecs commerciaux auxquels ont mené un certain nombre d’études de marchés, serait intéressante pour tester les critères proposés. 4) La limite de complexité à laquelle peuvent atteindre des enquêtes de consommation pour mesurer les marchés, serait à apprécier, en particulier en essavant d’introduire les deux critères supplémentaires 259b5s, d'05 des enquetes du Qpe, de celle de l’Institut, National d’Hygiène. 48 76 SOMMAIRE 169 SOMMAIRE Pages IVTRODTCTION J TREMOLIERES Tre PARTIE. — PRODUCTION ET QUALITE ALIMENTAIRE. 13 1 ) La qualité des fromages. G. MOCQLIOT.... 15 L.) Comment Nestlé conçoit la notion de qualité. 21 H. PEILLON................. J.) Qualité des margarines, Problèmes et solutions. B. FERON....... 31 L.) La qualité des vins de Champagne. J. DARGENT........ 37 1.) L’action de l’Institut Français du Manioc pour promou¬ voir la qualité du tapioca. P.-B. GRQULT....... 45 L.) La qualité du poulet. LEIO..... IT° PA BTTE ORCANISATIONS PROFESSIONNELLES ET 35 QUALITE ALIMENTAIRE........................ I) Problèmes de la qualité au niveau d’une Fédération d’Industries de Produits Alimentaires. 57 M. DIETLIN................... II.) Points de vue d’un syndicat particulier. E. de LINIERES..... 66 I1) Prise de conscience chez les cultivateurs. 2R5 POIT AYOIL .............:: 79 81 93 153 120 PEORIEMES POSES PAR LA DÉTINITION DES AUMENTS Pages IT PA RTIE. — INFORMATION ET PURLICITE IIL.) Réflexions sur l’information en matière d’alimentation. B. BEAUCHESNE................. 81 III.) Défense du consommateur, l’information. F. CUSTOT......... IV° PARTIE. .. ECONOMETRIE IV.) La notion de qualité dans l’économétrie de la demande. 6. ROTTIER ..................................... 95 IV.) L’économiste agricole et les problèmes de la qualité des produits. 99 2°EA P2IL1A V° PARTIE. — ASPECTS NUTRITIONNELS DE LA QUALITE., 105 Y) Critères permettant de qualifier un aliment comme « Bon pour la Santé ». J. TREMOLIERES... 107 V.) Problèmes posés par l’information médicale pour une industrie alimentaire. 6. HERAUD...... 127 V) Remarques sur les mots : Qualité et Naturel. J. GATTINO.......... 131 BEMA BOUES TERMINALES 133 ANNEXE L. — Catalogues de caricatures en forme de matière à réflexion tirée des discussions ...................... 141 ANNEAXE IL. — Les « Qualités » des aliments de l’homme indus¬ triel. J. TREMOLIERES Achevé d’imprimer le 6 Jan yi er 196 1 sur les presses de J. A R. SE NNAC 54, fbg Montmartre PA R LS- 9c N° Imprimeur 19407. IMPRIME EN ERANCE INSTITUT NATIONAL D’HYCIENE 3, RUE LÉON BONNAT, 3 A R 1S : x Y1 AUI, 32-84