MINIST E RE DE LA SANTE PUBLIQUE MONOGRAPHIE DE L’INSTITUT NATIONAL D'HYGIENE N° 19 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT (Israël et Iran) DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES PARIS 1 9 6 0 VIRTVTE DICE CO MTTT TORTIT EDPNE COLLEGLVM CIVILI J. LEGUERINAIS C. LAURENT Chef de la Documentation Chef de la Section du Cancer de l'Institut National d'Hygiène et Avec la collaboration de L. MALIOL MINIS T E RE DE LA SANTE PUBLIQUE MONOGRAPHIE DE L'INSTITUT NATIONAL D'HYGIENE LE CANCER AU MOYEN-ORIENT (Israel et lran) DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES P A RIS 1 9 6 0 VIRTVTE DVCE CO MTTE FORTITVDINE C. LAURENT J. LEGUERINAIS Chef de ba Documentation Chef de la Section du Cancer de l'Institut National d'Hygiène et Avec la collaboration de L. MAUIOL MONOGRAPHIES DE L’INSTITUT NATIONAL D’HYCIENE DEJA PARUES: N° 1. — Documents statistiques sur la morbidité par cancer dans le monde, par P. F. DENOIX, Paris 1953. — Epuisé. N° 2. — L’économie de l'acoolisme, par L. DEROBERT, Paris 1953. — Epuisé. N° 3. — Mortalité urbaine et rurale en France en 1928, 1933 et 1947, par Ch. CANDIOTTI et M. MOINE, Paris 1953. — Prix : 9 NF. N° 4. — Contribution à l’étude de l'’anophelisme et du paludisme en Corse, pal C. TOUMANOFF, Paris 1954. — Prix : 12 NF. N° 5. — De la diversite de certains cancers, par P. F. DENOIX, Paris 1954. — Epuisé N° 6. — La lute préventive contre les maladies infectieuses de l’homme et des animaux domestiques au moyen de vaccins, par G. RAMON, Paris 1955. — Prix : 12 NF. N° 7. — Etudes de socio-psychiatrie par H. DUCHENE et coll, Paris 1955.- Prix; 9 NF. N° 8. — Rapport sur la fréquence et la sensibilité aux insecticides de pédiculus humanus humanus K. Linnaeus, 1758 (anoplura) dans le sud-est de la France, par R. M. NICOLI, Paris 1956. — Prix: 5 NF. N° 9. — Etude sur la maladie de Bouillaud et son traitement, par J. CHEVALLIER, Paris 1956. — Prix : 11 NF. N° 10. — Rapport d’enquête sur la réadaptation fonctionnelle de adultes en France, par H. G. POULIZAC, Paris 1956. — Prix : 10 NF. N° 11. — Etude pour l’établissement de rations alimentaires pour le tuberculeux en auna¬ torium, par F. VINIT et J. TREMOLIERES, Paris 1957. — Prix : 12,50 NF. N° 12. — Le cancer chez le noir en Afrique française, par P. F. DENOIX et J. R. SCHLUMBERGER, Paris 1957. — Prix : 15 NF. N° 13. — Broncho-pneumopathies à virus et à rickettsies chez l’enfant, par R. SOHIER. M. BERNHEIM, J. CHAPTAL et M. JEUNE. — Prix : 13 NF N° 14. — L’assistance psychiatrique aux malades mentaux d’origine, nord-africaine musulmane en métropole, par G. DAUMEZON. Y. CHAMPION et Mme J. CHAMPION-BASSET, Paris 1957. — Prix : 12 NF. N° 15. — Documents statistiques sur l’épidémiologie des infections typho-paratyphotiques, de la poliomyélite et des brucelloses en France en 1954 et 1955, par P. CHASSAGNE et Y. GAIGNQUX. — Prix : I1 NF. N° 16. — La pathologie régionale de la France. Tome J, Régions du Sud et de l’ouest. par R. MAROT. — Prix : 35 Nr. N° 17. — La pathologie régionale de la France. Tome II. Régions du Nord, de l’Est et du Centre, par R. MAROT. — Prix : 34 NE N° 18 — De la destruction de bactéries par la chaleur — Etude de l’effacite de la pasteurisation du lait, par A. NEVOT. Ph, et J. LAFONT. — Prix : 18 NF. Vente des publications ̀ L'INSTITUT NATIONAL D’HYGIENE 3, rue Léon-Bonnat, Paris (16e) — AUTeuil 32-84 Numéro de chêque postal: Institut National d’Hygiène, 9062-38 Paris Le travail que nous présentons dans cette monographie a pu être réalisé grâce a une bourse d’étude que l’un de nous a obtenue auprés de l’Organisation Mondiale de la Santé. Cette bourse avait pour objet d’effectuer un premier sondage sur les caractères majeurs du cancer au Moyen-Orient. Nous avons pu ainsi prospecter deux pays, géographi¬ quement asses différents. Israel et l’Iran, au cours du mois de septembre 1959. Nous avons rencontré partout l’accueil le plus empressé. et nous tenons a exprimer ici nos remerciements aux confrères israéliens et iraniens qui ont bien voulu nous qui¬ der à l’occasion de cette enquête. L’exposé que nous présentons, de même que les opi¬ nions que nous exprimons, ne reflétent que nos impressions personnelles. Elles ne traduisent en aucune façon les vues que pourrait avoir l’Organisation Mondiale de la Santé sur les problèmes que nous envisageons au cours de cette étude. ISRAËL LE CANCER AU MOYEN-ORIENT 6 ISRA EL. GÉNÉRALITES L’Etat d’Israel étire entre le Liban, la Svrie, la Jordanie et l’Egypte sa longue et étroite bande de territoire qui comprend : au nord, la Galilée avec le port de Hlaiffa : au centre, la Judée avec la capitale Jérusalem et Tel Aviv : enfin, au sud, le Negev, région aride qui représente actuellement 62 % de la superficie d’Israel avec la nou¬ velle ville de Beershéba, la capitale du désert, et le port de Eilat. sur la mer Rouge. Sa superficie est d’environ 20 000 tmn2 soit à peu près celle de quatre départements français moyens. Son relief varie de 1 200 m à moins 392 m aux abords de la mer Morte. Le pays se trouve ains partagé en trois zones : plaine littorale qui se prolonge au sud par le Negev, montagnes centrales et dépression du Jourdain. L’Etat n’est arrosé que par une faible partie du cours du Jourdain et par deux petites rivières côtières, mais il reçoit des pluies hivernales. Israel est le type du pays « sorti de la main de l’homme ». Il suffit de le parcourir pour constater les résultats de l’effort fourni depuis quelques années. Les villes deviennent de grandes cités moder¬ nes : de nouveaux villages sortent de terre : grâce à l’irrigation assu¬ rée par la conduite Varkone-Negev qui collecte l’eau des rivières, des sources, des eaux souterraines et le surplus des eaux d’hiver, le désert recule devant les cultures et les forêts : les nombreux et importants villages (Kibboutz et Mochay) fourmillent d’une population ardente au travail et de jour en jour mieux équipée. Les richesses minérales de la mer Morte sont exploitées à plein rendement. POPULATIONS ET RACES La population d’Israel s’élevait au te janvier 1950 à 2 031 6722 habi¬ tants, soit 07,6 au Km (contre 89 en France). Les sujets de race juive y prédominent : 1 810 148, soit 90 %% de la population. Les musulmans (152 568), les chrétiens (47 600) et les druses (21 350), représentent ensemble les 10 % restanis (1) Voici comment ces derniers se répartissent sur le territoire (2) : Si l’on considère que la population juive d’Israel ne comptait en 1882 que 24 000 membres, on reste confondu devant un tel essor, résul¬ tat des immigrations qui, faibles avant 1922, se sont intensifiées par la suite. Depuis la proclamation de l’Etat d’Israel en 1948, des centaines de milliers de Polonais et de Roumains, puis d’Africains du Nord de race juive, des dizaines de milliers de Juifs des autres nations d’Europe et d’Asie ont gagné lsrael. Le fond de la population juive comprend plusieurs groupes, tous descendants des Juifs de Judée, exilés à Babylone après la destruc tion du temple de Salomon : 1) La communauté MIZRAHL, ou orientale, formée des Juifs restés en Palestine ou installés dans les pays voisins. Svrie, Perse, même Egypte. Afrique du Nord et Yemen. Ce dernier groupe des « Véménites », populations juives qui¬ après la destruction du premier temple (586 avant J.-C.) se sont réfu¬ glées et ont vécu dans les régions pauvres du Yemen, opprimées éco¬ nomiquement et socialement, retiendra spécialement notre attention. (1) Les tablcaux qui suivent portent sur les chiffres de l’annéc 1957 oit la population était moins nombreuse que celle relevée au 1.1.59. (2). Facts about Israel 1959. Ministry of Foreign Affairs, Information Division, Jerusalem. 10 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Il présente, en effet, tant dans le domaine général de la santé que dans celui du cancer, des particularités intéressantes. C’est ainsi que les médecins constatent à l’arrivée de ces popula¬ tions en Israel une très grande résistance à la tuberculose, bien qu’elles aient vécu dans de très pauvres ghettos, mais dans un climat sec. relativement propre et non contaminé. Exposés ensuite à la contagion en Israel, les Yéménites développent des cas graves de tuberculose, de même qu’ils sont victimes de nombreux accidents consécutifs au trafic automobile auquel ils ne sont pas habitués. Enfin, les autopsies ont révélé qu’il n’existait pas chez eux d’artériosclérose à leur arrivée en Israel, celle-ci ne s’étant développée avec une fréquence identique à celle des Ashkenazi, que chez leurs descendants de la deuxième ou troisième génération, probablement parce qu’ils avaient adopté un régime ali¬ mentaire avec viande et graisse et aliments très cuits. En ce qui concerne le diabête, alors que la fréquence est de 55 % chez les Véménites de la troisième génération en Israél, elle n’est que de 0.55 % chez les Yéménites nouvellement arrivés. Enfin, dans le domaine du cancer, nous verrons que ces popula¬ tions paient un tribut beaucoup moins lourd à la localisation pulmo¬ naire que les Israéliens nés en Europe : et que les femmes véménites sont à peu près complétement épargnées par le cancer du sein. 2) La communauté SEPHARDIQUE, formée des descendants des Juifs qui, émigrés en Espagne et au Portugal, en furent exilés par les rois catholiques à la fin du XVe siècle et qui ont principalement fait souche sur le pourtour de la Méditerranée. 3) La communauté ASHRENASI, descendant des Juifs émigrés en Europe Orientale avant le moyen âge et de ceux qui ont gagné l’Eu¬ rope Occidentale (Grande-Bretagne) et l’Amérique. Ce troisième groupe est moins attaché à sa religion que les autres et pratique moins étroi¬ tement ses rites (Niddah) (1). Ces deux derniers groupes, dont le mode de vie, dans des pays de même civilisation, est à peu près semblable, seront réunis dans notre étude sous le terme général d’Ashkenazi. Nous verrons que, pour ceux-ci, la répartition des formes de can¬ cer diffère quelque peu de celle constatée chez les Mizrahi, et en par¬ ticulier chez les Yéménites. Elle est beaucoup plus proche des aspects du cancer que l’on observe dans les pays occidentaux. La population urbaine s’élève à 1 362 542 habitants, alors que la population rurale est quatre fois plus réduite (396 800 habitants), 35 % de la population vivent à Jerusalem, Tel Aviy et Haiffa. Le tableau 1 donne la répartition de la population juive et non juive par sexe et âge et par tranches de 5 ans au l° janvier 1958. (1) - A. HOCHMAN et E. RATZKOWSKI. British J. of Cancer T. 9 - 338 - 1955 RENNAWAY, British J. of Cancer T. 2 - 177 - 1948. les différences sont très marquées. ISRAEL Tableau 1 POPULATION PAR SEXE ET AGE AU Ier JANVER 1958 (1) Tableau II REPARTITION DES POPULATIONS PAR AGE AU 1er JANVIER 1958 EN ISRAEL ET EN FRANCE (peux sexes). Nous avons cru intéressant de comparer la répartition des popu¬ lations par tranches d’âge de 10 ans, en Israel et en Erance, dans le dessein de faire ressortir les différences éventuelles dans la prédomi¬ nance de certains groupes d’âges (tableau Il et graphique 1). C’est ainsi quc de 20 à 39 ans, la proportion est pratiquement la même duns les deux pays. Par contre, aux àges extrèmes de là vie. IRAN - NSTITUT DU CANCER 162 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Tableau XXXHI 206 - Système Iymphatique N: Nombre de cas - A : Pour 100 toutes localisations. Comme dans les hôpitaux, la proportion des adénopathies de siège non précisé reste assez élevé (18,7 %%). On retrouve à l’Institut du Cancer la même prépondérance des tumeurs cervicales et la même rareté des adénopathies intra-thoraciques. Il y a donc dans les grands centres hospitaliers de Téhéran une certaine homogénéité en ce qui concerne les localisations les plus habituelles du cancer. D) Répartition des tumeurs molignes les plus fréquentes selon l’âge et le sexe. L’étude de cette répartition n’a pas été possible pour toutes les localisations de cancer, en raison du trop petit nombre de cas recueillis pour les localisations peu courantes. Nous avons donc été amenés à choisir les six localisations les plus fréquentes, Nous les étudierons dans l’ordre des numéros de la nomenclature. 1) HOPITAUX DE TEHERAN. a) Tumeurs malianes de l’œsophage (150). Le tableau XNXIVY (graphique 16) présente la répartition par age et sexe pour les 69 cancers de l’œsophage relevés dans les hôpitaux, de 1950. à 1958. Ce total est évidemment insuffisant pour que la répartition par âge présente une valeur certaine : il en est de même des pourcen¬ tages — surtout ceux du sexe féminin — qui n’ont qu’une valeur indi¬ cative toute relative. Comme il est de règle, l’homme paie un tribut deux fois plus lourd que la femme à cette localisation. D’ailleurs, dans certains pays, le rapport des sexes est plus fortement encore en faveur du sexe masculip (3 ou 4 à 1) Seule certaine population mexicaine étudiée par Paul E. STEINER présente un rapport des sexes inversé : 1 à 1. 16. C’est, semble-t-il, une particularité encore isolée. Comme le montre ce tableau, l’apparition du cancer de l’œsophage s'effectue à un âge relativement précoce à Téhéran puisque la répar- (2) L’Etat d’Israel par André CHQURAQUI : Que sais-je 2 PUF, 1955. 12 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT La proportion de jeunes en Israêl est beaucoup plus grande : de 0 à 9 ans, par exemple, on enregistre en Israel 42 % de plus de jeunes enfants qu’en France. De même, dans les âges avancés, la différence devient très sensible à partir de 50 ans et beaucoup plus marquée encore au-dessus de 70 ans, puisqu’on relève 65 % de vieillards en moins, en Israél. ER 1956, le taux de natalité de la population juive a été de 26,7 9%0, chiffre plus élevé que celui de tous les pays européens, alors qu’il était de 47, 2 0%0 dans les minorités, chiffre comptant parmi les plus élevés du monde (1). Nous verrons plus loin l’importance de ces remarques dans l’expli¬ cation de certains aspects de la mortalité par cancer en Israel. « Enraciné au sein du monde juif l’Etat d’Israel l’est aussi sur « l’immense héritage spirituel, intellectuel, moral et juridique de la « tradition hébraique. Le constant et très légitime souci de chacun en « Israel, et plus particulièrement des dirigeants de l’Etat, est de se « référer à chaque occasion au passé biblique, au Dieu d’Israel, à « l’esprit des Prophêtes, à la vocation historique et spirituelle du peuple « juif «................. » et cette aspiration commune a déjà des « conséquences sur la structure politique et juridique de l’Etat (2). » L’hébreu est devenu la langue nationale : dans les écoles, l’ensei¬ gnement se fait en hébreu : les nouveaux immigrants peuvent en acqué¬ rir la connaissance dans les ULPANIM, écoles créees à leur intention. (1) AMIF, 7° année n° 68, p. 65-66 - 1958. ISRAEL 13 Le sabbat, les fêtes religieuses juives sont des jours fériés et cho¬ més : le mariage et le divorce des Juifs sont placés sous la juridic¬ tion des tribunaux rabbiniques. Les traditions (circoncision, rite Niddah, rites alimentaires), sont observées par une grande partie de la population israélienne. Cependant. « Israél garantit la liberté de religion et de conscience, de langage. d’éducation et de culture à tous les ressortissants non juits de l’Etat et il assure la sauvegarde des Lieux Saints de toutes les religions ». (Proclamation de l’Etat d’Israel.). Il serait intéressant, à propos des traditions alimentaires, dont cer¬ taines reposent sur des principes religieux, de rechercher leur in¬ fluence sur la pathogénie de certaines affections. Dans ce domaine, il nous semble utile de signaler que les Juifs d’origine véménite, récemment arrivés en Israél, et dont le régime est essentiellement composé de pain noir, de pommes de terre, piments. oignons, tomates, oranges, carottes crues, et qui boivent des hectolitres de thé et de café, et de l’alcool à base de citrons et de mélasses de betteraves à sucre, ne présentent ni artériosclérose ni diabète. Nous essaierons dans un travail prochain d’en faire ressortir les principaux aspects. Mais les origines diverses des lsraélites avant rega¬ gné le pays de leurs pères après des siècles d’exil rendront difficile ce rapprochement, les biotopes où ont vécu les uns et les autres étant essentiellement différents. Government Press Office. Jerusalem. ORGANISATION DE LA SANTÉ (1) Le Ministère de la Santé établi à Jérusalem est l’autorité adminis¬ trative suprême et l’organe de coordination de toutes les questions de Santé publique. Il supervise les 14 services de Santé des différentes régions d’Israél. Mais il a également la responsabilité des soins médi¬ caux eux-mêmes et administre 22 hôpitaux d’une capacité totale de 4 806 lits (37 % du total pour Israel), sans compter les centaines de cliniques de protection maternelle et infantile et autres institutions de la Santé publique. Le ministre de la Santé est assisté d’un Conseil consultatif repré¬ sentant des médecins et des hygiénistes. Certaines organisations créées avant la fondation de l’Etat vien¬ nent en aide à ses services médicaux : La KUPAT HOLIM, caisse-maladie de la Fédération Nationale du Travail, la plus grande organisation médicale d’Israel : son budget est le double de celui du ministère de la Santé et elle assiste les deux tiers de la population. Elle détient 2 470 lits dans 14 hôpitaux, dans des maisons de convalescence, et des centaines de dispensaires. La HADASSAH, qui relève de l’Organisation Sioniste des Femmes d’Amérique et dirige le Bothschila Hadassah University Hospital de Jérusalem, hôpital d’enseignement (550 lits), le Yassky Hadassah Negey Hospital (140 lits) de Beersheba, sans compter de nombreuses institu¬ tions de protection maternelle et infantile. D’ici peu, s’ouvrira son nouveau centre médical d’Ein Karen, à 15 Km de Jérusalem. MALBEN, soutenu par la communauté juive américaine, secourt les immigrants malades, âgés et infirmes dans ses 60 institutions (1 482 lits). MAGEN DAVID ADOM enfin, qui est l’équivalent de notre Croix¬ Rouge. Telles sont les organisations les plus importantes qui conjuguent leurs efforts avec ceux du ministère de la Santé pour assurer la pré¬ vention et la lutte contre les maladies en Israe (1) Facts about Israel 1959. Ministry for Foreign Affairs, Information Division. 16 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT ENSEICNEMENT DE LA MEDECINE Il est dispensé depuis 1949 à l’Université Hébraique de Jérusalem. institution privée, qui existait déjà quand l’Etat fut créé. Sa Faculté de Médecine est en mesure, depuis 1952, d’offrir à ses 500 étudiants un cours complet en sept années d’études médicales. En outre, les 12 plus importants hôpitaux du pays qui appartien¬ nent au Gouvernement, à la Kupat Holim et à la Municipalité de Tel Aviy y sont affiliés et apportent leur concours à l’enseignement et à la recherche. « Tout dans la Faculté, l’organisation, le programme, l’enseigne¬ « ment et tout l’aspect même de la Faculté est une synthèse de ce « qui est considéré être le meilleur, synthèse tirée de l’expérience de « tous les participants (1). » Il n’existe pas à proprement parler de chaire de Cancérologie. Cha¬ que médecin-chef, à l’intérieur de son service, initie ses étudiants à la connaissance des affections cancéreuses. Chaque hôpital possède un centre de diagnostic du cancer, oi sont examinées les biopsies et concentrés les renseignements fournis par le médecin de famille. Il existe cependant des hôpitaux spécialisés pour les maladies chroniques. A intervalles réguliers, les cas de cancer font l’objet de discus¬ sions que dirige à Malben le professeur HOCHMAN, radiologue du Hadassah Hospital à Jérusalem. (1) M. PRYWES, AMIF, ge anne, n° 71. p. 37- 1959. LUTTE ANTICANCEREUSE Le dernier aspect — le plus récent — de la lutte contre le cancer est représenté par l’Association Israélienne contre le Cancer (LC.A.) (1). présidée par le Professeur ). BERENBLUM. L’ICA, à été fondée en 1952, et pendant plusieurs années n’a eu qu’une activité réduite avec un budget restreint, composé de faibles. dotations annuelles du Ministère de la Santé et de plusieurs organisa¬ tions médicales, ainsi que du « Fonds de Maladie de la Fédération Nationale du Travail ». La situation a changé en 1956 à la suite de la participation de représentants de l’ICA, à la lIle Conférence Nationale du Cancer aux Etats-Unis. A leur retour, les deux participants israéliens ont réorga¬ nisé l’IC.A, en quatre Commissions : Finances, Médecine, Education du Public et Administration. La Commission des Finances a établi un bud¬ get modeste qui permet de faire imprimer des brochures pour l’édu¬ cation du public. Un opuscule rédigé par l’American Cancer Society pour le praticien général à été traduit en hébreu (nécessité des exa¬ mens réguliers de dépistage, technique des examens spécifiques). Le pays n’est pas assez riche pour pouvoir créer des cliniques de dépis¬ tage précoce. Seul existe depuis 1953 à Haiffa un centre de dépistage pour le cancer du sein, localisation la plus fréquente chez les femmes juives. Ce centre comprend un Comité de onze médecins. Des spécialistes consultants, assistés d’une infirmière, examinent le public, un soir par semaine, dans les cliniques municipales. La Municipalité apporte son aide matérielle et MAGEN DAVID ADOM assure l’administration du centre. A ce centre de dépistage du cancer du sein, environ 2 300 femmes ont été examinées pendant la période en cause et ont été convoquées pour un examen ultérieur. On y a découvert 11 cas de tumeurs malignes (environ 0,5 %), 5 du stade 1. 4 du groupe Steinthall 2, 2 de stade (1) L’Association Israelienne contre le Cancer (LC.A.) par P. HIRSCH. Quatcrly Leviey of the Harefuah, ne 1. Janvier-mars 1958. 1959. LE CANCER AU MOYEN-ORIENT 18 avancé inopérable, 288 affections bénignes ont été également diagnos¬ tiquées, particulièrement adénomes et mastopathies Kystiques. Un deuxième centre a été créé depuis peu à Tel Aviv. Le travail des médecins et de leurs assistantes y est bénévole et porte exclusi¬ vement sur le diagnostic : les examens sont gratuits. L’ICA, diffuse des films médicaux et organise des conférences et des congrès à l’usage des médecins, en Israél. Les documents provien¬ nent des ambassades américaine, britannique et canadienne. Les infir¬ mières et les assistantes sociales sont tenues au courant de ces activités. Les projets plus ambitieux (enregistrement du cancer, recherche anticancéreuse, services anticancéreux spécialisés) ne sont pas réali¬ sables actuellement, faute d’argent. Pourtant, le projet de statistiques dressé par Mme le Docteur KALLNEB Chef de la Section sanitaire du Bureau central des Statis¬ tiques du Gouvernemept, ne réclamerait que de faibles crédits. Nous connaissons le résultat des activités du Centre de Haiffa, pour la période de mars 1955 à mars 1958 (1). Bien que ces résultats soient encore modestes. ZADIK et SCHREIBER considèrent que les efforts de l’IC.A. dans la lutte contre le cancer sont parfaitement justifiés. ciation. Preliminary report on its activity. Acta (UICC) Vol. XV N°6, p. 1391-1394 (1) P. ZADIR et H. SCHREIBER : The Haifa Branch of the Isracl Cancer Asso¬ LES STATISTIQUES DE CANCER Malgré l’effort constamment soutenu du Gouvernement dans le domaine de la Santé publique, l’Etat d’Israel n’a pu encore parvenir à établir un système complet d’enregistrement des cas de cancer. La morbidité n’est donc qu’imbarfaitement connue, à l’exception de la mor¬ bidité hospitalière qui concerne tous les centres hospitaliers. Il s’agit là de statistiques diagnostiques établies, à l’échelon national, pour cha¬ que hospitalisation. Cette source de renseignements représente 90 % des statistiques de morbidité établies par le Bureau des Statistiques. Ce système a rendu possible la création d’un registre des cas de cancer hospitalisés, et ceci avec un minimum d’efforts et de frais. Quoique partiel, ce système d’enregistrement représente un premier pas vers l’établissement d’un registre complet des cancers, Israel est, par consé¬ quent, placé à ce point de vue comme la plupart des pays européens ou le cancer n’est pas une maladie à déclaration obligatoire. En outre, tant de questions restent à résoudre dans un pays neuf, en plein développement, que le problême statistique passe au second plan. D’ailleurs, lès possibilités de réalisation sont encore très insuffisantes. La mortalité, par contre, est connue de façon satisfaisante par sexe. par tranche d’âge et par localisation, pour la race juive. LA MORTALITE PAR CANCER EN ISRAEL Avant d’en envisager les divers aspects, il nous parait intéressant de rappeler que la mortalité générale a été en 1956 de 6, 3 0%0 dans la population juive. Ce taux est le plus faible observé dans le monde : par contre, dans les minorités non juives (musulmans, chrétiens, etc.). il est nettement plus élevé : 9,2 90. Cette constatation est liée au fait que la population comprend une forte proportion de jeunes et que. par ailleurs, le programme de santé et d’assistance médicale est remar¬ quablement bien appliqué. La répartition des décès par tranches d’âge et par sexe est présentée dans le tableau III qui se rapporte à l’année 1958. Si les taux sont élevés dans les deux sexes de 0 à 1 an. ils decroissent rapidement ensuite pour atteindre leur minimum entre 10 et 14 ans. Comme il est normal, les taux les plus élevés sont atteints par les àges les plus avancés. 20 E CANCER AU MOYEN-ORIENT Tableau III DÉCÈS PAR AGE ET SEXE, ET TAUX SPÉCIFIQUES (*) Pour 100 000 habitants - Race juive - 1958 Nous avons extrait d’une publication du Bureaur Centrar de Sta¬ tistiques d’Israel (Causes of death — 1957 —) les données concernant les principales causes de décès dans la population juive (tableau IV et graphique 2). Ces données ne sont en effet pas connues pour les sujets non israélites dont les décès sont enregistrés, spécialement dans les villages arabes, par des personnes non qualifiées médicalement. Pour la population juive, les statistiques sur les causes de décès reposent sur la déclaration des décès par les médecins aux officiers de Santé des « subdistricts ». Ceux-ci les transmettent au Bureau Cen¬ tral des Statistiques par l’intermédiaire des Services d’Immigration et d’Enregistrement des « districts ». Au Bureau Central des Statistiques. les données sont exploitées pour la rédaction de statistiques mensuelles. trimestrielles et annuelles. Les taux relevés dans ce tableau sont assez intéressants, en ce qu’ils diffèrent nettement de ceux observés en France pour la même période (1957). Les décès par tumeurs malignes, pour tous les âges. correspondent en France à une mortalité de 190 pour 100000 habi¬ tants et en Israél à 94 pour 100 000, soit deux fois moins. Ceci ne veut pas dire que les lsraéliens soient moins exposés que les Français au cancer, mais est la conséquence directe de la répartition par àge de ISAREL 21 la population qui fait apparaitre une proportion beaucoup plus grande de jeunes (tableau 11) (1). En effet, le cancer étant essentiellement une maladie des âges avancés de la vie, une population ou ces groupes d’âge avancé sont peu représentés sera plus épargnée qu’une popu¬ lation où les personnes agées sont en forte proportion, comme en Europe Occidentale. Le tableau IV (graphique 2) comprend également la proportion des cancers pour 100 décès toutes causes. Cette proportion pour Israêl est de 152 alors qu’on relève en F'rance 16,2 pour la même période (2). Tableau IV PRINCIPALES CAUSES DE DECÈS DANS LA POPULATION JUIVE Comparaison avec les données françaises Année 1957 T Health Services tn Israel 1948-1958 - Ministry of Health Jérusalem. P. 214. (1) Nous avons juge utile de faire figurer, dans certains tableaux, les chiffres francais en regard des chiffres israeliens, afin de faciliter l’étude comparative entre les deux pays. (2) Ce chiffre s’est élevé en France, en 1958, à 197, c qui revient à dire qu’un deces sur 5 est le fait du cancer. Il est probable que le même phénomène (élévation progressive des chiffres) s’observera en Israél au cours des aunées à venir. 22 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT En 1956, un travail du Docteur G. KALLNER (1) faisait état d’une proportion de 10,5 cancers pour 100 décès. Ceci confirmerait donc la notion d’une augmentation régulière du cancer en tant que cause de décès. La différence est beaucoup moins marquée que pour les taux pour 100 000 habitants : elle n’est certainement pas significative et reste bien entendu liée aux mêmes raisons, si l’on admet que la valeur des déclarations par le corps médical est identique dans les deux pays. En effet, mieux les diagnostics médicaux sont établis, plus forte est la proportion des cancers dans une population. En dehors du cancer, qui, dans les deux pays, s’inscrit en deuxième position, immédiatement derrière les affections cardio-vascu¬ laires, il est intéressant de comparer les données relatives à certaines maladies. C’est ainsi que les taux pour 100 000 d’affections cardio-vas¬ culaires sont pratiquement superposables (244, 1 en Israel et 250 en France), Par contre, la répartitiop des coronarites est tout à fait dif¬ férente : 111.7 pour 100 000 en Israel, la fréquence chez les Juifs d’ori¬ gine occidentale étant beaucoup plus élevée que chez ceux d’origine orientale, et 210 en France. Mais il convient d’insister sur l’incertitude des diagnostics de coronarite, spécialement post mortem et, par consé¬ quent, sur la valeur relative de ces chiffres. Malgré son recul important, la tuberculose demeure une maladie beaucoup plus fréquente en l’rance, où le taux s’élève encore à 27,3 pour 100 000, contre 5, 4 en lsrael. On peut donc considérer qu’elle tue. (1) Cancer in Israel. A Statistical Study, Harofé Aivri N°1-2 -1956 et aussi bien chez l’homme que chez la femme. De même qu’en ISRAEL 23 proportionnellement cinq fois plus de maladies en France: le facteur climatique est certainement pour une bonne part à l’origine de cette différence: les pays largement ensoleillés paient toujours un tribut moindre à la tuberculose. Enfin, la diphtérie et la typhoide ont sensiblement la même impor¬ tance dans les deux pays, importance très réduite d’ailleurs grâce à la généralisation des vaccinations. L’étude de la répartition des différentes causes de décès pour 100 décès toutes causes aboutit à des conclusions quelque peu dif¬ férentes : c’est ainsi que les affections cardio-vasculaires représentent en Israêl une cause de décès deux fois plus importante qu’en France. Il convient de préciser que ces affections comprennent, en Israèl, les lésions vasculaires du systême nerveux central. Nous ne nous atten¬ dions pas à relever parmi les causes de décès un si fort pourcentage de lésions cardio-vasculaires dans un pays aussi jeune qu’Israél. Cette proportion est sans doute liée pour une part à la faible place occupée par certains groupements pathologiques dans l’ensemble des décés israéliens par rapport à la France. Le Bureau Central des Statistiques à Jérusalem a bien voulu nous communiquer la répartition des causes de décès par sexe, par locali¬ sation et groupe d’âge de cinq ans (tableau V) pour 1957. Ce tableau ne concerne malheureusement que la population juive et ne porte que sur 1 759 cas, ce qui, du point de vue statistique, représente un total insuffisant dans une répartition par tranches d’age. Nous nous efforcerons, cependant, de faire ressortir les quelques idées essentielles que suggère la lecture de ce tableau 1) Rapport des Seves : Il diffère assez peu dans l’ensemble de celui des pays européens. C’est ainsi que l’on observe la, même prédominance marquée du sexe masculin en ce qui concerne les tumeurs des vojes aéro-digestives supé¬ rieures : trois fois plus de cas pour la cavité buccale et le pharynx. le larynx et le poumon. Nous remarquerons, à ce propos, que la pro¬ portion relevée en Europe est encore plus nettement en faveur du sexe masculin, ou le cancer broncho-pulmonaire est 6 à 7 fois plus fréquent que dans le sexe féminin. Pour les autres localisations (en dehors du sein, évidemment), la différence est beaucoup moins mar¬ quée entre les deux sexes. C’est le cas de la peau, des os, du tissu conionctif, des leuçoses, des tumeurs lymphatiques et des cancers de localisation non précisée. 2) Quelques remarques cur certaines localisations : a) ESTOMAC Si T’on reunit les deux sexes l’estomac reste comme en Europe la localisation principale, avec 236 cas sur 1 759. Soit 13 %. Chez l’homme, le cancer de l’estomac est un peu plus fré¬ quent que chez la femme et son maximum de fréquence se situe aux ages les plus avancés, 75 ans et plus. Ce maximum s’observe aussi bien pour le nombre absolu de décès que pour les taux pour 100 000 Tableau: CAUSES DE DECES PAR TUMEURS EN 1957, PAR SEXE. v 9) AGE ET LOCALISATION DANS LA POPULATION TUIVE 26 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Europe, le cancer de l’estomac est donc une localisation des âges avancés de la vie Il est exceptionnel avant 35 ans (tableau VI et graphique 3) : Tableau VI (établi d'après le tableau V) DECES PAR CANCER DE LESTOMAC Année 1957 - Population juive AomIbre et taux pour 100 000 habitants b) POUITON (tableau VI et graphique 4). — En Israet comme par¬ tout ailleurs, le cancer broncho-pulmonaire frappe essentiellement les hommes : il est ici, pour 1957, plus fréquent que le cancer gastrique. avec 150 cas contre 130. Par contre, une enquête sur la mortalité en Israel couvrant les huit années de 1950 à 1957 signale : « Pour les hommes de toutes les. classes de la population israélienne, la localisation pulmonaire arrive au deuxième rang après l’estomac, avec un pourcentage deux fois moins élevé que la localisation gastrique ». Israel reste par conséquent un des rares pays du monde où le cancer gastrique n’est plus chez l’homme la localisation la plus fréquente. Cette primauté de la localisation broncho-pulmonaire est un phénomène nouveau qui se manifeste déjà dans quelques rares pays. Il n’est pas douteux qu’il s’étendra progressivement, par la suite, à la plupart des pays civilisés. On peut se demander si cet accroissement apparent corres¬ pond à une augmentation réelle de la fréquence ou s’il est simple¬ ment dù à une amélioration du diagnostic des tumeurs endotho¬ raciques. Il est vrai qu’il ne se maintient pas pour 1958, oi la pré¬ pondérance de la localisation gastrique réapparait avec 185 cas contre 123 pour la localisation pulmonaire. ISRAEL 27 Tableau VI (établi d'après le tableau V). DECES PAR CANCER DE LA TRACHEE, DES BRONCHES ET DU POUMON Année 1957 - Population juive Nombre et taux pour 100 000 habitants du col parmi les 55 cas signalés. Quoi qu’il en soit, le taux est cer¬ 28 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Le maximum de fréquence se situe, du point de vue de l’âge, à la tranche d’âge 60-64 ans, si l’on se réfère au nombre de cas Par contre, si l’on se réfère au taux pour 100 000, c’est la tranche d’âge de 70 à 74 ans qui vient au premier rang. Les chiffres ont moins de valeur dans le sexe féminin, étant donné le petit nombre de cas recueiltis (33). Pour les deux sexes réunis, c’est dlans la tranche d’âge 70 à 74 ans qu’on relève les taux les plus élevés. Nous remarquerons également que les tumeurs broncho-pulmonaires apparaissent dans l’en¬ semble un peu plus tôt que les tumeurs gastriques : c) SEIN (tableau VIL et graphique 5). — Il représente, en Israîl. la localisation la plus fréquente chez la femme, atteignant presque la fréquence relevée chez l’homme pour le cancer pulmonaire. Nous reviendrons sur cette importante notion qui mérite que l’on s’y arrête plus longuement. Le maximum de fréquence du cancer du sein se situe à la tranche d’âge 45-49 ans, alors que son taux pour 100 000 habitants s’élève pro¬ gressivement en fonction de l’âge pour atteindre son maximum, 132 pour 100 000 à 75 ans et plus. De même qu’en Europe, il est très rare avant 40 ans : d) COL, DE L.’TTERTS — Comme nous nous y attendions le can¬ cer du col est parui les plus rares, en Israêl, puisqu’on ne relève (tableau V) que 8 cas sur 1 750 décès, soit 04 %, pourcentage excep¬ tionnellement faible. Il est d’ailleurs probable qu’il est dans la réalité plus élevé, étant donné que la rubrique suivante (autres parties de l’utérus et utérus S.A. 1.) doit comprendre un certain nombre de cancers ISRAEL 29 Tableau VIII établi d’après le Tableau v. DÉCES PAR CANCER DU SEN Année 1957-population juive 90 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT tainement très inférieur à celui observé en Europe : le cancer du col semble plus rare même que les tumeurs conjonctives qui ont entrainé 13 décès chez la femme. Dans un chapitre ultérieur nous essaierons de faire le point sur cette notion, certainement la plus caractéristique de l’épidémiologie du cancer en Israel : e) PEA1. — A l’inverse de ce qui est observé en fran, ou la loca¬ lisation cutanée se place au premier rang, le cancer de la peau, pour l’année 1957, est assez rare en Israêl : 23 décès sur un total de 1759 cas soit 1.3 %. Mais, pour les années 1950 à 1954, le taux de mortalité en est, en lsrael, de 9,9 pour 100 000 (il est de 12,8 en Grande-Bre¬ tagne, de 10,4 au Danemark et de 13 en Hollande) (tableau V). Les deux sexes y sont à peu près également représentés. La ven¬ tilation par groupe d’âge n’a pas de signification, étant donné le petit nombre de cas observés. Il ne faut pas perdre de vue que le cancer de la peau est sans doute le moins redoutable de tous, et que, bien traité, il entraine rare¬ ment la mort. Il en résulte qu’une faible mortalité ne correspond pas forcément à une faible morbidité. On peut même être assuré que cette dernière représente beaucoup plus que 1.3 % de l’ensemble de nouveaux cas annuels de tumeurs malignes : T) LEUCEMIE. — 99 cas ont été relevés pour les deux sexes, avec une répartition sensiblement égale dans l’un comme dans l’autre. Là encore, la différence avec l’Iran oi les leucoses sont très peu signa¬ lées, est importante. Cette localisation est la seule où la répartition par âge est assez homogène, avec, semble-t-il, une légère prédomi¬ nance après la cinquantaine : les adultes jeunes représentent le groupe d’âge le moins touché. Ceci se superpose parfaitement avec ce qui est observé en Europe (tableau V) : 8) Les autres localisations non mentionnées dans ces rubriques (OEIL. GLANDES ENDOCRINES SYSTEME NERVEUX, etc) ont été regroupées avec les localisations non spécifiées, ce qui représente un total de 487 sur 1759 décès, soit 28 %. Il convient encore d’ajouter à ce total 1 12 décès par tumeurs non spécifiées comme bénignes ou malignes et portées au bas du tableau (1), ce qui fait un total de 599 décès sur 1759, soit plus du tiers. Il n’est pas douteux que ces 599 tumeurs mal définies viennent perturber assez fortement les taux et les pro¬ portions respectives de chaque localisation. Il serait souhaitable que le corps médical s’efforce, dans l’avenir, de réduire au maximum le nom¬ bre des cas peu ou mal définis. Cette amélioration du diagnostic est chaque année plus sensible en Europe : il est probable qu’elle se pro¬ duira en Israel dans un proche avenir. Dans son ensemble, la lecture de ce tableau fait apparaître que. sauf pour la leucémie et les localisations non spécifiées, le cancer est exceptionnel avant 35 ans et ne s’observe pratiquement pas au-dessous (1) Il est à présumer qu’avant entrainé la mort, ces tumeurs pcuvent être considérées, dans l’ensemble, comme des néoplasmes malins. concernant tous les patients qui, sortent de l’hopital, après une maladie ISRAEL 31 de 25 ans, alors que le maximum des cas (291) est relevé dans le groupe d’âge 75 ans et plus. Ceci pourrait paraitre surprenant, étant donné qu’on se trouve en présence d’une population essentiellement jieune où — nous l’avons vu — les groupes d’âge avancé sont fort peu représentés, mais cela confirme une fois de plus la notion clas¬ sique de l’augmentation du risque de cancer avec l’âge. De même, si l’on se réfère au tableau général des décès par âge et sexe (tableau III). on s’aperçoit qu’en dépit de la faible proportion de vieillards-dans la population, c’est bien le groupe d’âge 75 et plus qui est, de loin, le plus touché, en taux pour 100000 comme en nombre absolu. MORBIDITE PAR CANCER EN ISRAEL Nous avons signalé au début de ce chapitre que l’enregistrement du cancer en lsrael n’était encore que partiellement réalisé. Cet état de choses est uniquement lié à l’insuffisance des crédits mis actuel¬ lement à la disposition du Bureau de Statistiques. Ce problème vient d’être partiellement et provisoirement résolu grâce à une petite sub¬ vention allouée tout récemment au Service sanitaire de ce Bureau. Très rares également sont les pays européens qui ont pu établir un registre complet des nouveaux cas de cancer apparus annuellement. Cet enregistrement n’est pratiquement organisé que dans quelques pays scandinaves : Norvège. Danemark. Finlande, etc. Nous présentons ci-dessous le mémoire rédigé par le Docteur G. KALLNEB. Chief. Health Section. Central Bureau of Statistics. Jerusalem, sur l’enregistrement du cancer en Israél : Mémoire sur l’enregistrement du Cancer en lsrasl L’Enregistrement Central National du cancer a commencé en Israel le 1-1-1954 Il a été jusqu’à présent subventionné par le Ministère de la Santé et le Burcau Central de Statistiques (B.C S.), et la responsabilité en est assumée, en plus de ces deux organismes, par l’Association Israé¬ lienne contre le cancer. Le registre se trouve actuellement dans les services du Bureau Central à Jérusalem. Il a été concu dans le dessein de servir de base à un programme intensif de lutte contre le cancer. On considère cependant que ce but ne pourra être atteint — en. raison des considérations d’ordre technique et financier — que dans un certain nombre d’années. C’est pourquoi les efforts sont actuelle¬ ment concentrés sur l’utilisation épidémiologico-statistique du registre. a) ORICINE DES RENSETCNEMENTS 1) Fiches de sortie de l’hopital. Le B.C S, reçoit mensuellement les fiches de renseignements 32 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT quelconque. Si ces fiches mentionnent une affection maligne, on les. reproduit et on les insère dans un fichier alphabétique (1). 2) Liste des biopsies et examens nécropsiqnes effectués dans les Instituts d’Anatomie Pathologique. Le programme comporte l’envoi de listes mensuelles, au registre, Jusqu’à présent, il n’a été appliqué qu’à l’un des huit Instituts du pays Pour les autres, la méthode a consisté à recopier les cas dans leur fichier respectif à la fin de chaque année. 3) Liste des malades des dispensaires (radiologiques, dermatolo¬ giques, ophtalmologiques) où l’on suppose que se présentent d’une. façon continue des cas ambulatoires de cancer (cette partie de l’en¬ quête n’est encore qu’un projet). 4) Liste aIphabétique des décés. — A la fin de l’année, on cop¬ fronte les fiches du fichier avec cette liste, afin de s’assurer du sort des malades enregistrés et d’ajouter les cas de cancer pour lesquels le certificat de décès est le premier ou le seul renseignement. D) FONCTIONNEMENT DIT REGTSTRE Comme la proportion des malades hospitalisés atteints par l’en¬ quête est — au moins, en théorie — de 100, %, et comme les certificats de décès arrivent automatiquement, les statistiques de morbidité pour les cancéreux non ambulatoires peuvent être considérées comme assez complêtes, même en l’absence des données recueillies dans les dis¬ pensaires. On réunit les diverses sortes de renseignements obtenus pour un même malade, procédé qui nécessite une méthode spéciale d’identifi¬ cation alphabétique. (Ce procédé est particulièrement difficile à appli¬ quer étant donné le nombre important de changements de noms et la transcription des noms dans le langage national.) Le programme comprend une fiche imprimée où l’on peut trans¬ crire les différentes rubriques de renseignements. (Pour le moment. on attache ensemble les fiches multiples, par exemple de réadmission. et les fiches préparées d’après les listes anatomo-pathologiques). C) RENSEIGNEMENTS ORTENUS DANS LE REGISTRE Qutre la distribution des cancers dans leur ensemble, les cas sont classes par localisation et par type histologique, ensuite on précise les données suivantes : 1. Sexe. 2. Age. 3. Origine ethnique et géographique. 4. Période d’adaptation des immigrants. 5. Lieu de résidence, qu’on peut étudier par : (1) Les fiches initiales sont rcuvovées à l’hopital. Comme les movens limités dont le R.C.S, dispose ne permettent pas l’emploi de méthodes compliquées, ces statistiques, en vuc d’éliminer les malades admis plus d’une fois à l’hôpital dans une même année, portent sur le nombre d’hospitalisations pour une certaine maladie. plutôt que sur le nombre de personnes hospitalisées. 5 R A E L 33 a) géographie, climat : b) autre élément du milieu physique : c) caractères sociologiques. 6. Hospitalisation : a) durée : b) nombre de réadmissions: c) type de l’hospitalisation. 7. Résultats finaux. 8. Traitement. 9. Période de survie. 10. Stade de la maladie au moment du diagnostic. 11. Délai entre le début de la maladie et le diagnostic, et entre le diagnostic et le traitement. Dans l’état actuel du programme, on ne peut utiliser pour les études statistiques que les rubriques 1 à 6. On espère pouvoir dévelop¬ per suffisamment le registre au cours des prochaines années pour rendre possible l’utilisation des rubriques 7 à IR d) VALEUR DE CET ENBEGISTREMENT Sur le plan de la morbidité, on peut se demander ce que repré¬ sente le Registre Israélien du cancer : couvre-t-il pratiquement — à quelques exceptions près — l’ensemble des cancers observés chaque année ou bien ne représente-t-il qu’une partie plus ou moins exacte de la morbidité par tumeurs malignes 2 Il est difficile de répondre avec certitude à cette question. Il s’agit en somme ici d’une morbidité essen¬ tiellement hospitalière complétée par celle des laboratoires d’anatomie pathologique, puisque les dispensaires n’entrent pas encore dans le recensement. Un tel mode d’enregistrement ne représenterait en France guère plus des 273 des cas, le 1/3 restant correspondant aux malades traités en ville par les praticiens et les cliniques privées. Il est pro¬ bable qu’il n’en va nas ainsi en Israel où l’organisation de la médecine est assez différente : les cliniques privées y ont sans doute moins d’im¬ portance que dans notre pays et les instituts d’anatomie pathologique examinent probablement la quasi-totalité des coupes résultant de biop¬ sies ou d’exérèses chirurgicales. On peut considérer, dès lors, qu’après introduction des dispensaires dans le circuit d’enregistrement, les don¬ nées recueillies correspondront sensiblement à la morbidité réelle du pays. Les cas échappant au recensement seront trop peu nombreux pour en perturber efficacement les résultats. Israel se trouvera alors mieux placé dans le domaine des statistiques médicales que beaucoup de pays européens où l’enregistrement total s’est révélé jusqu’à main¬ tenant irréalisable. Pour l’instant, on peut valablement estimer que l’enregistrement actuel couvre près des 3%4 des cas, ce qui autorise tout de même à tirer certaines conclusions des données recueillies, d’autant qu’elles concernent aussi bien la population juive que la population non juive. Il est vrai que les vieilles communautés arabes, assez traditiona¬ oe encore peu tendance à utiliser les services hospitaliers LE CANCER AU MOYEN-ORIEN 34 israélites. Il faudra certainement de longues années avant de pouvoir prétendre connaitre la morbidité dans tous les groupes ethniques réunis. 2 — Le nouvequ Registre Israetien du Cancer (1960). Au moment de mettre sous presse, nous recevons du Ministère Israélien de la Santé une documentation extrémement intéressante rela¬ tive au nouveau Registre Israélien du Cancer. La création de cet organisme au sein du Ministère de la Santé place pratiquement Israél sur le même plan que les pays scandinaves qui, depuis quelques années, ont eux aussi, instauré un systême d’en¬ registrement à peu près complet des cas de cancer. Une telle initia¬ tive dans un pays de création si récente est tout à l’honneur du Gou¬ vernement et traduit bien l’effort considérable qu’il poursuit dans le domaine de la Santé Publique. Il ne nous est pas possible de commenter les divers aspects de ce nouveau Registre dont la création date seulement de janvier 1960 et dont nous n’avons pas eu connaissance lors de notre mission en Israél. Qu’il nous suffise simplement de rapporter les données essentielles de la docamentation qui vient de nous parvenir. a) GENERALITES Quelques années après la fondation de l’Etat d’Israel, l’idée d’un enregistrement des cas de cancer a été défendue par divers médecins et organismes d’Hygiène, et en particulier par l’Association Israélienne contre le Cancer. On a d’abord essavé à plusieurs reprises d’organiser cet enregistrement sur la base des établissements collectifs (hôpitaux, etc.). Mais on a bientôt dù reconnaître que la solution la plus conve¬ nable était un enregistrement national effectué par le Ministère de la Santé, Toutefois, en raison de nécessités plus urgentes, la réalisation en a été différée. En attendant, le Bureau Central de Statistiques, sur l’initiative per¬ sonnelle du Docteur G. KALLNER, expert en Statistiques Médicales à l’O M.S., a commencé, comme première étape, en 1954, à organiser un fichier alphabétique des personnes atteintes ou mortes de cancer ou de tumeur mal définie (maligne ou non). Les déclarations des cas sont effectuées dans le cadre de l’enregistrement habituel des causes d’hospitalisation et de décés. Cette initiative a été portée à la connais¬ sance de l’O M.S., sous le nom d’ISRAEL. CANCER REGISTRATION. Tout en reconnaissant parfaitement les grands mérites de ce tra¬ vail, on éprouve depuis longtemps le besoin d’établir un Registre du Cancer véritablement systématique, Par suite, après une discussion approfondie de tous les organismes intéressés, y compris du Bureau Central des Statistiques, le Ministère de la Santé a établi un Registre Central du Cancer dans les services de la Division des Maladies chro¬ niques et du Reclassement (Directeur : Docteur J. SILBERSTEIN), A partir du l° janvier 1960, les nouveaux cas diagnostiqués sont enregis¬ trés au Ministère de la Santé de la facon décrite plus loin. résoudre ce problème. ISRAEL 38 b) BUTS. Cette nouvelle activité du Ministère de la Santé a pour but de permettre au Registre du Cancer de devenir un service de lutte anti¬ cancéreuse, et partant, une liaison essentielle entre les divers services d’hygiène du pays. Ses objectifs sont essentiellement : l° De stimuler la recherche épidémiologique et clinique, et les travaux de laboratoire, dans le domaine du cancer a) En lsraél, on s’intéresse vivement à l’épidémiologie de nom¬ breuses maladies, qui paraissent varier d’un groupe ethnique à l’autre. C’est ainsi qu’on relève des différences significatives dans la fréquence des diverses localisations du cancer. Les faits relatifs à ces différences, telles qu’elles existent actuel¬ lement dans un pays d’immigrants, doivent être établis solide¬ ment, et il faut surveiller les éventuelles modifications de ces différences dues aux transformations des conditions de vie et de milieu. b) Le Registre du Cancer du Ministère de la Santé a toutes chances de permettre une amélioration dans la précision des diagnostics. et les données de la morbidité seraient grâce à lui établies sur une base plus solide. 2° De faire le bilan des serbices disponibles pour la lutte anticancé¬ reuse et de leurs possibilités, et de contribuer à leur extension. a) C’est seulement après avoir établi les taux réels qu’il sera pos¬ sible d’évaluer les taux de survie — ce qui est, en quelque sorte, la pierre de touche de la lutte anticancéreuse. D) On espère obtenir assez de renseignements, en analysant les retards dus aux malades et les retards dus aux médecins, et en appréciant l’extension de la maladie au moment du diagnostic. pour mettre en évidence le facteur délai. En outre, ces tra¬ vaux ont toutes chances de révéler les besoins encore insatis¬ faits dans le domaine de l’hospitalisation et du reclassement. c) Les Bilans épidémiologiques pourraient fort bien mettre en évi¬ dence l’existence de groupes plus particulièrement exposés à certaines formes de cancer. Ces groupes deviendraient l’objec¬ tif de certains programmes de dépistage et de prévention. 3° De renforcer la continuité du traitement des cancéreux. En Israel, le cancéreux est à même de bénéficier des divers services dont il à besoin au cours de sa maladie (diagnostic, traitement, post-cure. etc.) dans des cliniques et des hopitaux. Bien que personne ne mette en doute le principe de la surveillance des cancéreux, le contact entre le malade et son médecin dépend de la compréhension et de la collaboration du patient. On espère que, grâce au Registre du Cancer, le Ministère de la Santé pourra convaincre les médecins et les organismes de santé de la nécessité d’une surveillance plus active, et les aidera à prendre les mesures nécessaires pour LE CANCER AU MOYEN-ORIENT 36 4° D’aider la profession médicale et tous les organismes intéressés d la lulte contre le cancer. à) Le Registre du Cancer doit être une source de renseignements mise à la disposition des médecins praticiens, des chercheurs et des administrations. b) Les Publications font partie intégrante des activités du Registre. C) STRUCTURE. Pour souligner l’orientation particulière du Registre on l’a ratta¬ ché à la Division des Maladies Chroniques et du Reclassement. Un médecin, le Docteur B. STEINITZ, Y a été spécialement affecté. La Division, quand elle doit prendre des décisions d’organisation, et quand elle s’occupe de questions techniques est assislée par : 1° La Commission du Cancer du Ministère de la Santé qui com¬ prend des représentants du Département d’Epidémiologie, du Service de blanification et de Contrêle du Ministèré de la Santé et de la Section d’Hygiène du Bureau Central de Statistiques. 22 Un Conseil Mirte du Cancer, qui comprend des représentants de diverses organisations d’Hygiène, de l’Ecole de Médecine, de l’Assis¬ tance Médicale d’Israel et de l’Association lsraélienne contre le Cancer. d) ORGANISATTON, Le Registre du Cancer espère bénéficier du fait que la profession médicale est bien informée, intéressée par ce problème et conscien¬ cieuse, que les services médicaux sont bien organisés et accessibles à tous, et que la valeur des diagnostics est élevée. Mais en revanche, en organisant la collection systématique des renseignements, il faut tenir compte du fait que : L° Les médecins, ici comme ailleurs, répugnent à remplir des questionnaires. 2° La déclaration obligatoire dépend de la promulgation d’une législation appropriée : c’est là une entreprise de longue haleine et d’issue incertaine, et même si elle réussit, elle ne garantirait pas pour autant que les déclarations seraient bien faites. On a donc tiré parti du fait que le Directeur Général du Ministère de la Santé est habilité à demander aux hôpitaux et aux cliniques les renseignements néces¬ saires dans l’intérêt de la santé de la population. On a aipsi pu leur adresser les instructions utiles. Cette mesure, purement administrative, a été vivifiée par un contact personnel accompagné d’explications, pris avec les directeurs d’hôpitaux et de cliniques, avec les bibliothéçaires cbargés des fichiers, etc. 6) SOURCES DE RENSEIGNEMENTS. 17 Les bibliothéçaires chargés des fichiers sont priés de réunir régulièrement et d’adresser à la Division des Maladies Chroniques des copies des observations, dactylographiées, avec le diagnostic exact. ISAREL 37 2° L’Association des Anatomo-pathologistes après une prise de contact a accepté d’envoyer régulièrement des copies des examens his¬ tologiques, cytologiques et autoptiques en cas de résultat positif ou suspect pouvant intéresser le Registre du Cancer. Cette source de ren¬ seignements révélera sans doute un nombre considérable de cas ambulatoires. 3° Les hôpitaux qui ne rédigent pas d’observations dactylographiées ont recu des questionnaires à remplir. 4° On a également demandé aux cliniques phtisiologiques et der¬ matologiques et aux centres de radiothérapie de remplir des ques¬ tionnaires ou, tout au moins, des listes mensuelles : mais cette mesure en est encore au stade des essais. 5° Le Bureau Central des Statistiques transmet au Ministère de la Santé les renseignements figurant sur les fiches de sortie de l’hopital et sur les certificats de décès, ce qui ajoule des données démogra¬ phiques utiles. Ce programme a été porté à la connaissance de la profession médicale et de tous les organismes intéressés, et a recueilli l’appro¬ bation générale. D) OBGAVISATTON TECHNIQUE. 1° L’enregistrement porte sur : Tous les cas malins : 3 — Les tumeurs de malignité potentielle (par exemple, papillome. de la vessie) : Toutes les tumeurs (malignes, hénignes ou non définies) du système nerveux central. 2° Apres avoir étudié les diverses méthodes d’enregistrement du cancer et après avoir travaillé avec le Registre National de la T’uber¬ culose d’Israel, on a mis sur pied un système qui permet d’identifier les cas, de passer en revue « l’́chantilionnage » recensé et d’enregis¬ trer ces données de façon uniforme en vue de leur traitement statistique. 3° Il fallait prendre des mesures spéciales pour garantir le secret professionnel, condition necessaire à la collaboration des médecins et des organismes d’Hygiène dans notre pays. C’est ainsi qu’en dehors de la déclaration originale, le nom du malade et le diagnostic en toutes lettres ne sont jamais réunis sur le même document. 4° Une fiche alphabétique porte le nom, l’adresse, etc, et le numéro de code de la localisation avec le numéro d’enregistrement. Ces der¬ niers renvoient aux fiches tumorales qui sont classées selon un code de localisation à trois chiffres et, à l’intérieur de chaque localisation. seton le puméro d’enregistrement. Pour compléter les moyens d’iden¬ tification, la fiche tumorale porte également la première letre du nom de famille, du prénom et du nom du pere, ainsi que si possible le numéro d’identité qui a été atribué à chaque citoyen israélien à sa naissance ou au moment de son inmigration. LE CANCER AU MOYEN-ORIENT 38 5° On a décidé d’utiliser, au moins pendant les prochaines années. comme fiche tumorale, une carte perforée, en marge, à la main. La morbidité par cancer étant d’environ 5 000 cas et le fichier étant subdivisé en localisations, ce système parait viable. La fiche per¬ forée à la main a pour avantage qu’on peut facilement y porter des additions. Les rubriques générales sont perforées et les renseignements plus détaillés sont écrits à la main. On pense que ce système permet¬ trait de transcrire assez facilement les renseignements en code 1B M. au cas où l’on déciderait plus tard de passer à la perforation mécanique. 6° Le recto de la fiche est disposé pour recevoir, en plus des renseignements d’identification : 1) Les rubriques démographiques (âge, état matrimonial, rési¬ dence, immigration, pays d’origine) : 2) Les particularités du diagnostic et du traitement initial : 3) Les renseignements relatifs au décès. Au verso sont mentionnées les hospitalisations et les observations de surveillance. 8) PROBLEMES ACTUELS. Les principaux points intéressants au stade actuel de cet enre¬ gistrement sont les suivants : 1° La quantité de trapail exigée par l’enregistrement. On a pris soin que, dès le début, la réception des documents et l’exploitation des données fassent l’objet de rapports périodiques. Après une période d’essai de quelques mois, sur une échelle limitée, le programme a été porté au niveau national à partir du fer mars 1960. Depuis cette date. le nombre des cas déclarés chaque mois augmente régulièrement : 2° La complétude des déclarations. Il est encore beaucoup trop tot, bien entendu, pour évaluer le pourcentage réel des cas déclarés. Mais en étendant le réseau aussi largement que possible, et en faisant porter l’enquête sur un ensemble aussi varié, on peut admettre que seul un petit nombre de cas hospitalisés échappera au recen¬ sement. Les cas ambulatoires de tumeurs malignes (pour la plupart des cancers cutanés) ne sont déclarés de façon satisfaisante que dans la mesure ou ils font l’objet d’un examen histologique. Il semble y avoir un nombre considérable de cancers de la peau qui sont traités sans confirmation histologique, et il faudra faire en sorte que les dermato¬ logistes les déclarent régulièrement. Quant au nombre des cas qui ne se présentent pas aux hôpitaux, il est actuellement inconnu. Si le Registre fonctionne efficacement, le nombre des cas qui ne parvien¬ dront à notre connaissance qu’après le décès ne devra pas être consi¬ dérable. 3° La quatité des renseignements. Comme on pouvait s’y attendre. cette qualité varie selon la nature des renseignements. Les déclarations anatomo-pathologiques sont évidemment les documents les plus solides du point de vue du diagnostic. Mais les données sont parfois incom¬ plêtes dans certains domaines (âge, sexe, anamnèse, etc). LE CANCER AU MOYEN-OBIENT 40 nous contentons de le transcrire ci-dessous tel qu’il nous est parvenu. Il serait hasardeux de prétendre en tirer des conclusions quant à la fréquence réelle du cancer en Israel. On peut seulement remarquer que le cancer du sein demeure le plus fréquent chez la femme, alors que la prépondérance revient chez l’homme aux tumeurs digestives. Le can¬ cer cutané vient au premier rang (deux sexes réunis) et le cancer des voies respiratoires au quatrième. Il est à regretter que l’épithélioma du col n’ait pas été séparé des tumeurs des organes, génitaux de la femme Cette dIsonctior sera sans aucun doute réalisée dans l’avenir CAS DIAGNOSTIQUES EN 1960 ET ENREGISTRES JUSQU’AU 30 TUIN 1980. PAR LOCALISATION. Morbidité hospitalière par cancer Le tableau Ix présente par ordre décroissant les dix plus impor¬ tantes causes d’hospitalisation selon le nombre de cas hospitalisés en 1954. Les taux en sont rapportés à 100 000 hospitalisés avec sensible¬ ment 3 % de l’ensemble des hospitalisés (2 910 sur 100 000). Les tumeurs malignes viennent ici en septième position : il est vrai que la différence avec les tumeurs bénignes est pratiquement insi¬ gnifiante et doit être variable d’une année sur l’autre. On ne peut manquer d’être frappé de l’importance des avortements qui représen¬ 42 IE CANCER AU MOVEN-ORIENT Graphique 6.- Principales localisations tumorales d’après le nopbre d’hospitalisations (1955 ment identique de tumeurs bénignes et de tumeurs malignes : 2920 et 2530. Cette proportion est un peu différente de celle relevée dans les Centres Anticancéreux français ou elle se maintient habituellement autour de 173 de malades cancéreux contre 273 de malades non can¬ céreux (proportion étabbie à l’aide des statistiques de consultation). Parmi les tumeurs malignes, c’est évidemment la localisation diges¬ tive qui vient en tête avec 530 cas de cancers pour 100 000, et c’est comme d’ordinaire l’estomac qui, parmi les tumeurs digestives, repré¬ sente de loin le siège le plus fréquent. Par ordre de fréquence décrois¬ sante vient ensuite la localisation au sein avec 330 cas pour 100 000. La localisation utérine est comme toujours en Israel beaucoup moins importante que la localisation mamimaire (près de la moitié). Le cancer du poumon est au quatrième rang avec 170 cas pour 190 006. Les tumeurs de nature non spécifiée sont malheureusement encore trop nombreuses : 620 cas pour 100 000, et ceci n’est pas sans pertur¬ ber la valeur des taux par localisation. Le tableau NI présente ces mêmes notions sous un jour un peu différent pour 10) 000 patients hospitalises d’upe part, et pour 10 000 journées d’hôpital d’autre part. L’ordre de grandeur des résul¬ tats est sensiblement identique et l’on retrouve la même prédominance des tumeurs digestives. Le tableau XI qui concerne l’année 1954 est loin de représenter l’ensemble de la morbidité hospitalière du pays. Il a seulement la 1 5 RA E 1 43 valeur d’un sondage portant sur le quart des cas hospitalisés. Les loca¬ lisations ne sont pas toutes représentées : seules les plus importantes. à l’exception de la peau, y figurent. La répartition par âge ne permet pas de connaitre avec précision l’âge à partir duquel la fréquence du cancer augmente de façon signi¬ ficative, car l’ensemble des adultes jeunes ont été groupés de 15 à 44 ans. On peut seulement remarquer que seules les leucémies et les tumeurs lymphatiques sont relativement fréquentes au-dessous de 15 ans. Tableau XT. DSTRIBUTION DES DIAGNOSTICS CHEZ 19 00 PATIENTS HOSPITALISES ET POUR 10 000 JOURS DHOPITAL (" () Statistics of Hospitalization 1954. Special series n° 86, tableau 9, p. 19. L’étude des proportions relatives pour chaque localisation cancé¬ reuse fait apparaître une prédominance marquée de la localisation mammaire qui représente près du quart (23,25 %) de l’ensemble. Viennent ensuite, chez l’homme, le systeme lymphatique avec 124. le poumon avec 11.6, l’estomac avec 10,2. Il est certain que cette répar¬ tition ne correspond pas à la morbidité réelle du pays. La place rela¬ tivement réduite occupée par le cancer de l’estomac dans cette statis¬ tique en est la preuve. Il est vraisemblable que les Centres hospitaliers qui envoient leurs documents au « Central Bureau of Statistics » sont plus spécialement orientés vers le traitement des tumeurs mammaires que vers celui des tumeurs gastriques. C’est pourquoi nous n’attacherons qu’une valeur toute relative à ce relevé, en tant que reflet de la mor¬ bidité réelle. L’étude de la répartition des tumeurs par continent d’origine fait apparaitre une prédominance considérable des Israélites nés en Europe et en Amérique qui représentent plus des deux tiers des cas. L'ENREGISTREMENT DES CAS DE CANCER A L'INSTITUT DU RADIUM (HADA SSA H HOSPITAL) Grâce à l’obligeance du Docteur STEINITZ de la Division des Mala¬ dies Chroniques au Ministère de la Santé à Jérusalem, nous avons bu (1) Statistice on hiospitalzation 1954 - Special sertes of the Central Bureau of Statistics, séries n° 44 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Tableau XII - NOMBRE DE PATIENTS HOSPITALISES SELON LA LOCALISATION, (Chiffres basée sur un échantillonnage ISRAEL 42 LE SEXE, LE GRQUPE D’AGE ET LR CONTNENT DE MAISSANCE - ISRAEL (1) représentant le quart des cas hospitalses). tableau 10. Le ttal compren des cas 9) l’age n'tait mae precie. LE CANCER AU MOYEN-ORIENT 46 visiter le Service d’Enregistrement des malades de l’Institut du Radiun du Hadassah University Hospital. Ce Service placé sous l’autorité du Professeur HOCHMAN est dirigé avec compétence par Mme KARKLINSKY¬ NA’OR. Il est composé de dix membres appointés par le Hadassah Uni¬ versity Hospital de Jérusalem. Nous résumerons ci-dessous la composition du dossier médical¬ tupe de chaque malade admis au Hadassah University Hospital. Ce dossier est un important document rédigé en hébreu et qui comprend 39 feuillets, sans compter la feuille de température qui reste au lit du malade et les rapports obstétricaux. On ne peut manquer d’être surpris de l’importance des données qui peuvent être recueillies pour chaque malade. Pratiquement tout y est prévu, depuis les bilans humoraux jusqu’à l’autopsie finale, sans omettre tous les résultats d’examens spéciaux (test à l’iode, examen ophtalmologique, fond d’œil, etc.). On n’y trouve pas de fiche spéciale pour les malades atteints de cancer qui sont systématiquement soumis aux mêmes investigations que les aufres patients. Mais, bien entendu, ce dossier comprend une fiche d’anatomo-pathologie, des fiches opératoires (comptes rendus chi¬ rurgicaux et anesthésiques) et de radiothérapie : nous n’y avons pas relèvé de feuilles de curie-thérapie non plus que de cytologie exfolia¬ trice (frottis vaginaux et autres), les premières restant à l’Institut du Radium, les secondes étant incluses dans le rapport anatomo-patho¬ logique. Il est certain qu’un tel document représente un immense avan¬ tage pour le corps médical hospitalier, qui dispose ainsi de fiches spé¬ ciales, extrêmement pratiques, pour chaque aspect de la pathologie, et exploitables à tout moment. Il y a là un réel progrès par rapport aux anciens dossiers médicaux où les divers examens pratiqués étaient notés à la suite, sur de grandes feuilles blanches, ce qui rendait la recherche d’une donnée particulière longue et laborieuse. C’est à partir de ce dossier médical qu’ont été extraites, grâce à l’amabilité du Docteur KARPAS, directeur général du Hadassah Uni¬ versity Hospital, et du Professeur HOCHMAN, les données relatives à notre enquête. Dans le cadre de la morbidité hospitalière, nous présentons le tableau XI communiqué par le Service d’Enregistrement de l’Insti¬ tut du Radium (graphique 7): le total des malades s’élève à 510, ce qui représente à peu près l’activité d’un Centre Anticancéreux français de moyenne importance. Nous nous garderons bien d’en tirer des conclusions quant à la morbidité par cancer en Israel, car si nous nous r’apportons à ce qui se passe dans les Centres Anticancéreux français, la clientèle de l’Institut du Radium doit représenter un recrutement très particulier. Il est à présumer que celui-ci est spécialement orienté vers les localisations habituellement traitées par des agents physiques (peau, utérus, poumon, os, sein, etc.) alors que les localisations pure¬ ment chirurgicales : estomac intestin, testicule, voies biliaires, etc. pourtant très fréquentes, sont habituellement traitées dans les services chirurgicaux des hopitaux généraux Cette orientation particulière 16 BA E 1 42 qui est également celle des Centres Anticancéreux français — nous vaut de voir ici l’estomac mentionné en cinquième position, derrière la loca¬ lisation utérine, alors que les tumeurs gastriques demeurent la loca¬ lisation la plus meurtrière et que l’on sait la reraté des cancers utérins en Israel. Tabieau XIH NOUVEAUX CAS DE CANCERS ENREGISTRES EN 1959 A L’INSTITUT DU RADUM DU HADASSAH UNIVERSITY HOSPITAL JERUSALEM - ISRAEL. LE CANCER AU MOYEN-ORIENT 48 Ce caractère très spécial du recrutement de l’Institut du Radium nous interdit de faire de plus amples commentaires sur ce tableau. En conclusion, si l’on veut se faire une idée de la fréquence du cancer en Israel, il est préférable de se reporter aux données de la mortalité, bien qu’elles n’apportent une notion valable qu’en ce qui concerne les localisations de pronostic très grave, au détriment de celles qui, comme la peau, tuent rarement le malade. Il faudra attendre sans doute d’assez longues années avant de connaitre avec certitude la morbidité par cancer, selon les localisations. On peut cependant considérer que, comme en France, ce sont les tumeurs gastriques qui restent prédominantes, représentant 13,4 % de la mortalité par cancer toutes localisations. Il est également intéressant de noter que, dans le sexe masculin, c’est la localisation pulmonaire qui apparait comme la plus redoutable, comme dans divers autres pays européens. Dans le sexe féminin, comme en France, le cancer du sein reste le plus fréquent. La rareté habituelle de localisations utérines chez la femme, et génitales externes chez l’homme, confirme ce que nous apprennent depuis quelques années les études épidémiologiques du cancer dans la race juive. Nous reviendrons sur cêtte notion au cours du prochain chapitre. ESSAL D’INTEBPRÉTATION DES PARTICULARITES OBSERYÉES POUR CERTAINES LOCALISATLONIS DANS LA RACE LUIVE L’étude des statistiques de morbidité et de mortalité nous a permis de mettre en évidence certaines notions relatives à la fréquence de quelques localisations qui présentent en Israél un aspect franchement différent de ce que l’on observe dans les pays occidentaux. Ce sont, en somme, les particularités intéressantes des tumeurs malignes en Israêl que nous essaierons de dégager maintenant. Nous retiendrons, par conséquent, les localisations pour lesquelles on enregistre des différences notables de fréquence ou de répartition entre Israel et les pays européens. 1) Cancer du col de l’utérus De même que tous les auteurs qui ont étudié l’épidémiologie du cancer en Israêl, nous avons été frappés de la rareté relative des tumeurs du col de l’utérus, chez les femmes juives. Ce fait, déjà main¬ tes fois signalé, s’est trouvé confirmé dans notre enquête aussi bien par les statistiques de mortalité que par celles de morbidité. On peut donc penser qu’il est le fait d’une particularité raciale. Comme tel, il justifie qu’on s’y arrête spécialement en envisageant les diverses hypo¬ thèses qui seraient susceptibles d’y apporter une explication valable. La population juive d’Israel n’est pas absolument homogène. Elle est formée, nous l’avons vu, de communautés de types ethniques diffé¬ rents. Pourtant la fréquence du cancer du col est du même ordre dans toutes ces communautés. Les continents d’origine de ces communautés sont très variés nuis¬ que l’on trouve en Israêl des populations immigrées d’Amérique, d’Eu¬ rope, d’Asie et d’Afrique en même temps que des autochtones. Or, dans tous ces groupes, la fréquence du cancer du col est sensiblement la même. On serait donc tenté de faire intervenir l’hypothèse d’un fac¬ teur racial : hien qu’originaires de continents différents, les sujets juifs du monde entier descendent d’un rameau ethnique commun, ils restent profondément liés entre eux : ils ont ainsi formé des groupes homo¬ gênes chez lesquels le degré de consanguinité est plus marqué que IE CANCER AU MOMEN-ORIENT 50 chez les autres peuples. C'est la raison pour laquelle CASPER. MAR SEN, NOVACK entre autres, ont pensé qu’un facteur génétique pourrait être responsable d’une véritable résistance du col utérin à la carcino¬ génése. Une telle hypothèse est intéressante mais il est difficile actuel¬ lement d’en vérifier le bien fondé. En tout état de cause, le facteur géographique ne peut être retenu en tant que facteur étiologique, à l’in¬ verse de ce qui est observé dans certains pays (R.F. KAISER, A.G. GIL¬ LIAM et STOCRES. Tout récemment, un travail de J. CASPER (1). fait état d’une enquête comparative effectuée en Israêl et à New¬ Vork sur le taux du cancer du col chez les femmes juives. Il signale des taux de fréquence du cancer du col faibles et absolument iden¬ tiques dans les deux groupes sociaux. Par contre, le pourcentage du cancer du corps chez les femmes juives d’origine occidentale à New-York et en lsrael correspond à celui des populations ocidentales blanches. Le cancer du corps utérin est moins fréquent chez les Juives d’origine orientale et méditerranéenne. Il reste à considérer les facteurs généralement admis dans l’étio¬ logie du cancer du col : a) SITUATION DE FAMILLE Il est maintenant établi que la probabilité d’avoir un cancer du col est plus grande chez les femmes mariées que chez les célibataires Tableau XIV () REPARTITION DES AGES AU MARIAGE SELON LE SEXE (Population juive - 1956). (1) J. CASPER. Acta (U.LCC.). V. 16, n° 7, p. 1686-88, 1960. ISRAEL 35 (R.T. KAISER et A-G. GILLIAM). Cette notion a été récemment confir¬ mée en France par un travail de CIM. GROS. R. KEILING et B. RENAUD sur 512 cancers du col observés à Strasbourg. Quelques années auparavant. P.F. DENOIN, comparant les statistiques de Grande¬ Bretagne et du Pays de Galles depuis 1900, trouvait respectivement 3 et 13 % de célibataires pour le cancer du col et le cancer du sein. A l’étranger, bien d’autres travaux ont abouti à des résultats identiques. On peut évidemment objecter que la classification femmes mariées¬ célibataires est très arbitraire, l’état de célibat n’impliquant pas néces¬ sairement l’abstinence sexuelle. C’est précisément pour répondre à cette objection que GAGNON a recherché la fréquence du cancer du col chez des religieuses de la région de Québec. L’importante enquête qu’il fit en 1954 dans les couvents de cette région ne lui permit pas de découvrir un seul cancer du col sur 216 cancers de tous les autres organes. Le mariage — ou plus exactement une vie sexuelle active semble donc favoriser le développement de l’épithélioma cervical. A plus forte raison, le mariage à un âge précoce renforcerait cette action. Nous avons donc cru intéressant de présenter par groupes d’âge (tableau XIV) pour l’année 1956 la répartition des femmes israéliennes mariées. Comme il est habituel, c’est le groupe de 20 à 24 ans qui totalise la plus forte proportion avec 5 295 femmes, mais il est intéres¬ sant de noter que le groupe de 15 à 19 ans le suit de très près avec 4 683 femmes. Le fait est significatif car il permet d’affirmer que. malgré la précocité des mariages, la fréquence du cancer du col reste particulièrement basse. Cette notion infirmerait donc, du moins en. Israél, l’opinion émise par certains auteurs selon laquelle il existe une corrélation entre la précocité du mariage et la fréquence des épithé¬ liomas cervicaux. D) ROLE DE LA FECONDITE. Le risque de cancer du col semble plus grand chez les multipares que chez les nullipares, chaque grossesse l’augmentant légèrement (MALIPHANT), A Strasbourg. GROS, KEILING et RENAUD sont arri¬ vés à la conclusion que « les femmes atteintes de cancer du col ont en moyenne un nombre de fécondations plus élevé que celles souffrant d’un cancer du sein ». Cette notion est parfaitement en accord avec les travaux publiés antérieurement par P.F. DENOIX. Le tableau XV montre que, pour les Israéliennes de souche, la fécon¬ dité demeure toujours inférieure à celle relevée en Asie et en Afrique. mnais assez voisine de celle relevée pour les femmes venant d’Europé et d’Amérique. Elle est, dans l’ensemble, légèrement supérieure à cette dernière, mais les différences sont peu apparentes, Il semble donc qu’on puisse en conclure que le taux de fécondité n’est pas, non plus, une notion qui permette d’expliquer la rareté du cancer du col en Israel. C) ETAT SOCIO-ECONOMIQUE. Bien que CLEMMESEN ait observé à Copenhague que le cancer du col était plus fréquent dans les quartiers pauvres, le facteur socio¬ économique ne parait pas davantage devoir être considéré, car il existe Tablea TAUX SPECIFIQUE POUR MILLE DE FECONDITE PAR : Population juive - 16 C) statistical Abstract lerael 1957-58, tableau 19, page 43. XV ISRAEL 33 en Israél des classes riches, aisées et des classes pauvres des séden¬ taires et des nomades. Les conditions d’habitat y peuvent être très différentes, depuis les « bidonvilles » sans aucune hygiène des cam¬ pagnes jusqu’aux luxueuses habitations modernes des villes. Les carac¬ téristiques de l’alimentation sont enfin très variables suivant les régions d’origine : d’ailleurs, il n’est pas habituel de faire intervent l’alimentation dans l’étiologie du cancer du col d) HABITUDES RELIGIEUSES. Celles-ci qui consistent en une abstinence sexuelle de 5 jours au moins pendant les règles et de 7 jours après (rite Niddah) (1), sont respectées par une plus grande proportion de mizrahis et de sephar¬ dis que d’ashkenasis. Ces derniers, gagnés peu à peu aux idées occiden¬ tales, respectent moins volontiers les traditions du peuple juif. L’en¬ quête poursuivie en Israêl par CASDER est des plus significatives à ce point de vue : les deux tiers des femmes qu’il a interrogées ne connais¬ sent même pas les prescriptions du rite Niddah Il en est de même d’ailleurs parmi les Israélites de nos régions. On peut donc conclure que rien ne permet d’attribuer un rôle à ces habitudes religieuses dans l’étio¬ logie du cancer du col utérin. L’explication la plus plausible — bien que J. MONTPELLIER la conteste nour les Israélites d’AIgérie — à la faible fréquence du can¬ cer du col en Israél, tient au fait que les hommes subissent la cir¬ concision, règle religieuse qui ne souffre pas d’exception. C’est DAVIDSON qui, le premier, aux U.S.A, en 1939, a émis cette hypo¬ thèse. Elle semblerait confirmée par les recherches de SUTUMO) et TIOKRONEGRO qui ont trouvé le cancer cervical plus fréquent chez les épouses des Chinois non circoncis que chez les Indonésiennes dont les époux étaient circoncis. Aux iles Fidi, HANDLEY a pu faire les mêmes constatations. La faible fréquence du cancer du pénis, chez les hommes circon¬ cis, aussi bien juifs que musulmans, a amené certains auteurs à pen¬ ser que le smegma était cancérigène (WYNDER, 1954), opinion confir¬ mée par des données expérimentales. C’est le smegma des hommes non circoncis qui, amené au contact de l’épithélium cervical, pourrait être l’un des facteurs de cancérisation de cet épithélium. Cette notion semblerait confirmée par les travaux de PLAUT et KHON SPEYER sur l’action carcinogénétique du smegma préputial (1947). Il serait donc logique d’admettre que le manque d’hy¬ gièpe, favorisant l’accumulation de ce smegma, augmenterait les ris¬ ques de cancérisation de l’exocol. La circoncision, supprimant radica¬ lement la formation de smegma, protégerait du même coup les femmes israélites. (1) Ainsi que de 40 jours aprés la naissance d’uu garçon et 80 jours après la naissance d’une fille. (Bul. AIgér. Carcinol. N° 26, p. 187-189 - 1955). ISRAEL 55 notion nous est confirmée par un travail de G. KALLNER cité par J. RAROWER (1957), qui, au cours d’une enquête menée en Israel. de 1950 à 1954, a trouvé 486 décès sur 1 370 000 habitants dus au cancer bronchique. A cette époque, le cancer pulmonaire venait au deuxième rang chez l’homme (après le cancer de l’estomac) et au troisième rang chez la femme (après les cancers du sein et de l’estomac). La fré¬ quence du cancer du poumon était beaucoup plus forte chez les Israé¬ liens nés en Europe (16,7 pour 100 000 en 1954) que pour les autres (5,1 pour 100 000). On peut se demander quelles sont les causes d’une telle différence. trop importante pour être liée au hasard. Un problème analogue s’est posé au Danemark, à CLEMMESEN, qui avait remarqué que la mor¬ bidité urbaine par cancer du poumon était plus élevée que la mor¬ bidité rurale. Cet auteur pensait pouvoir attribuer ce phénomène à la consommation de cigarettes qui est certainement plus importante dans les villes que dans les campagnes (la pollution de l’air est également susceptible d’intervenir). Cette hypothèse pourrait s’appliquer en Israèl, où les populations immigrées d’Asie et d’Afrique ont commencé à fumer la cigarette beaucoup plus tard que celles originaires des pays occi¬ dentaux. La plus haute mortalité existe chez les Israéliens d’origine turque, alors qu’elle n’est que de 4,5 chez ceux d’origine irakienne ou nord-africaine. Le cancer du poumon est rarissime chez les Véménites : de 1940 à 1950, on n’en a observé aucun cas chez les Véménites admis au Hadassah University Hospital de Jérusalem alors qu’ils représentent pourtant 6 % de la population. De 1950 à 1954, alors que l’immigration des Israélites du Yemen était presque achevée, on a découvert 6 cas seulement de cancer bronchique parmi les Véménites, soit 19 pour 100 090. D’ailleurs, on n’a trouvé chez les Véménites dans les cinq années suivantes que 93 décès par cancer, soit 29 pour 100 000, alors que chez les autres Afro-asiatiques le taux était de 57 et chez les Juifs d’Europe de 168,5. Ces populations auraient-elles été à l’ahri, dans leur pays d’ori¬ gine, des facteurs cancérigènes 2 C’est ce qu’il y aurait lieu d’étudier avec soin. Quoi qu’il en soit, une importante enquête est actuellement envisagée, à l’instigation du « National Institute of Health » des U. S.A. sur l’importance du facteur tabac dans la genèse des cancers broncho-pul¬ monaires. Un travail préliminaire « Smoline Habits of the Popula¬ tion » (novembre 1958), sur ce sujet, a déjà été publié. 4) Cancer du sein Comme nous l’avons vu, le cancer du sein est une localisation très fréquente en Israel ou elle occupe le premier rang chez la femme, aussi bien dans les statistiques de mortalité que dans celles de mor¬ bidité hospitalière. On retrouve donc ici, une fois de plus, cette sorte 56 LE CANCER AU MOYEN-ORENI de balancement qui existerait entre les deux localisations de la sphère génitale féminine, utérus et sein. L’étude comparée des facteurs biolo¬ giques permet de penser que : les épithéliomas du col seront d’autant plus fréquents que la femme présentera une activité génito-hormonale plus marquée : alors que les tumeurs du sein seront d’autant plus fréquentes que la femme présentera une activité génito-hormonale plus faible. Ainsi que le suggère P.F. DENOIX, « il semble possible d’admettre que les cancers du sein et du col de l’utérus apparaissent en opposition de fréquence sur des terrains hormonaux différents composés d’éléments de sens inverse et que cet ensemble est en relation étroite avec les conditions générales de vie des individus dans les différentes régions. » D’après le Docteur HIRSCH, vice-président de l’Association Israélienne contre le Cancer, il frappe plus fréquemment les femmes ashkenasi que les mizrahi et épargne les femmes véménites à peu près complêtement. Chez ces dernières, en effet, la fréquence annuelle du cancer du sein ne serait que de 1 sur 300 000. En recherchant les raisons de telles différences dans ces sous¬ groupes raciaux, nous sommes amenés à considérer l’allaitement au sein comme un factetr de protection contre le cancer du sein En effet, les femmes véménites pour la plupart mènent une vie plus proche de la vie naturelle que les femmes émigrées des pays occiden¬ taux et étant d’un rang social moins élevé, allaitent elles-mêmes leurs enfants. Nombre d’auteurs ont été tentés d’établir une corrélation entre l’allaitement et la faible fréquence du cancer du sein. Une lactation prolongée et renouvelée à chaque naissance protégerait la mère contre le développement éventuel d’un cancer mammaire. Dans un même ordre d’idées, le docteur HOOK attribue la fréquence élevée de ce cancer chez les femmes ashkenasi au mariage tardif qui peutentrainer une lactation défectueuse, et au contrôle des naissances. Parmi les facteurs étiologiques généralement admis pour le cancer du sein, la nulliparité semble jouer un rôle prépondérant. Dans un groupe donné, les femmes sans enfants paraissent plus menacées par le cancer du sein : les primipares courent plus de risque que les mul¬ tipares et parmi ces dernières, le risque diminue à mesure que le nombre d’enfants augmente. Cette constatation (SCHWARTZ. DENOIX pourrait également jouer pour les femmes originaires des communautés orientales dont le nombre d’enfants dépasse en moyenne celui des femmes d’origine occidentale. 5) Capcer de la peau Nous n’abordons cette localisation, dont la fréquence est sensible¬ ment égale à celle de la France (1.4 et 1.3 respectivement pour 100 cancers toutes localisations), que parce que nous avons été frap¬ pés par sa rareté en Israel comparée à sa fréquence élevée en lran. Si, en Israél, la fréquence n’est que de 14 %%, en fran, elle atteint 25 %, autrement dit, 1 cancer sur 4 y est le fait de la localisation ISRAEL 57 cutanée. D’après un travail effectué par le Docteur G. KALLNER, il apparait qu’après 65 ans, le taux spécifique des cancers cutanés, pour les années 1950-54, est deux fois plus élevé pour les sujets venus d’Orient (Véménites, etc.) que pour les Israélites d’origine occidentale (15,1 contre 7,5 pour 100 000). En moyenne, compte tenu de l’exiguité du territoire d’Israél (4 départements français) et de la grande étendue de l’Iran qui repré¬ sente à peu près quatre fois la France, les deux pays sont situés à la même latitude et, par conséquent, exposés au même ravonnement solaire, auquel on attribue ordinairement un rôle dans l’étiologie du cancer de la peau. Il est vrai que la richesse en ravons ultraviolets est beaucoup plus grande en lran où l’altitude élevée du plateau (plus de 2000 m en moyenne) entraine une irradiation ultraviolette intense. Mais il nous semble qu’à côté de l’action des radiations solaires. une place puisse être faite au facteur hygrométrique. En effet, lsrael. bordé sur sa longue face occidentale par la mer Méditerranée, jouit d’un climat méditerranéen, tandis que le plateau iranien, protégé. comme nous le signalons plus loin, de toute influence maritime, est soumis à un climat continental, très chaud en été, très froid en hiver et d’une sécheresse extraordinaire en toutes saisons, Par suite de cette sécheresse, les hyperkératoses avec fissures des téguments dans les zones de plis cutanés (rides, etc.) sont très fréquentes en lran et consti¬ tueraient peut-être un facteur prédisposant au cancer de la peau. Ceci ne s’observe pas en lsrael où la proximité de la mer maintient un degré hygrométrique suffisant pour « tamiser » les ravons ultra¬ violets solaires. Nous reprendrons l’étude de cet important problène à propos de l'épidémiologie du cancer en lran. CONCLUSION Nous avons vu que les données statistiques sont, dans le domaine du cancer encore incomplêtes et sujettes à quelques améliorations. Israél, pays neuf, se trouve en face de problèmes multiples, beaucoup plus importants que le recensement d’une maladie, même lorsqu’il Si les données de mortalité sont, dans l’ensemble, aussi valables que dans certains pays européens, il convient de rappeler qu’elles ne concernent que la population juive et qu’une part non négligeable de la population (225 500 sur 2031 672 habitants, soit 11 %), échappe ainsi au recensement. Cette limitation n’est pas le résultat d’une discrimi¬ nation « raciale » mais de faits et de circonstances sur lesquels nous Le caractère incomplet de ces données joint à la proportion rela¬ tivement forte de décès par causes mal définies et de sénilité doit nous faire considérer avec circonspection les données relatives à la mortalité par cancer. Ces réserves étant faites, il n’en reste pas moins que, comme en France et dans la plupart des pays européens, le cancer est, en Israel. en progression constante et qu’il y tient le deuxième rang parmi les causes de décès, avec 15,2 décès par cancer pour 100 décès toutes causes. Le taux de mortalité qui s’élève à 94 pour 100 000 habitants est cependant deux fois plus faible qu’en France. Cette situation témoigne bien que ce pays en plein essor est, sur le plan social et sur celui du développement sanitaire, beaucoup plus proche des pays européens que de ses voisins immédiats, où persistent encore des fléaux plus redoutables que le cancer. Il reste à souhaiter qu’au fur et à mesure de l’organisation du pays, le recensement des décès soit plus complet et plus précis et per¬ mette de connaitre avec exactitude la fréquence du cancer dans l’en¬ semble de la population. Malgré ces insuffisances, les données relatives à la mortalité res¬ tent, en matière de cancer, les plus valables, puisque la morbidité est pour le moment inconnue. Comme dans la plupart des pays européens. le cancer n’est pas une maladie à déclaration obligatoire en Israel. de sorte que seule est connue avec précision la morbidité de quelques hopitaux. L’examen que nous en avons fait nous permet de considérer qu’elle ne reflête en aucun cas la morbidité générale Suivant l’orien¬ tation du recrutement hospitalier, les aspects de la morbidité sont très variables et la prédominance de telle ou telle localisation cancé¬ reuse est surtout fonction de la spécialisation du centre hospitalier. s’agit d’un fléau aussi redoutable que le cancer. avons déjà insisté. 60 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Il convient d’ailleurs de remarquer que cet état de chose n’est que provisoire, car un excellent systême d’enregistrement a été élabore par le Docteur G. KALLNER, Il comprend 11 rubriques, outre la loca¬ lisation et l’histologie, et constituera certainement l’un des registres les plus complets en matière de cancer. Son fonctionnement sous sa forme définitive ne pourra vraisemblablement pas être réalisé avant de nombreuses années : pendant la période de transition, on devra se contenter de notions simples portant sur la localisation, le sexe, l’âge. l’origine ethnique, le lieu de résidence et l’hospitalisation. Il est vraisemblable que les résultats de l’exploitation du nouveau Registre lsraélien du Cancer ne pourront que consolider cette impression. Rappelons que, selon ces statistiques, ce sont les localisations diges¬ tives qui viennent en tête dans la morbidité hospitalière, avec 530 hos¬ pitalisations annuelles pour 100 000 habitants (sauf à l’Institut du Radium). Sur cet ensemble, c’est, bien entendu, la localisation gastrique qui prédomine : mais elle n’a pas chez la femme la même fréquence que chez l’homme et, dans le sexe féminin, la première place revient à la localisation mammaire qui entraine, commé en France, le plus grand nombre de décès. Le cancer du poumon arrive au quatrième rang. chez l’homme, alors que les statistiques de mortalité le placent au premier rang en 1957. Ces résultats confirmeraient encore l’opinion que nous avions avancée, selon laquelle Israel présente des caractéristiques sanitaires très proches de celles des pays européens. Ainsi que tous les auteurs qui ont étudié l’épidémiologie du cancer en Israel, nous avons été frappés par la rareté du cancer du col de l’utérus chez la femme, et du cancer de la verge chez l’homme. Nous avons, à ce sujet, soulevé diverses hypothèses qui pourraient expli¬ quer, dans une certaine mesure, rce caractère propre à la race juive en général, sans perdre de vue cependant qu’on retrouve des particu¬ larités analogues dans d’autres groupes ethniques fort éloignés des Israélites. Ce travail ne présente, en définitive, que l’intérêt d’un premier sondage. Bien des points demeurent à préciser et ne pourront l’être que lorsque les données statistiques seront plus complêtes et plus solide¬ ment établies. Nous pensons qu’une telle enquête reprise dans une dizaine d’années serait susceptible d’entrainer des conclusions beau¬ coup plus valables. Un important effort, dont nous avons heureusement pu bénéficier à été fourni par le « Central Bureau of Statistics » de Jérusalem. Nous sommes heureux de rendre hommage en terminant à l’équipe qui a pu mener à bien en si peu de temps une tâche difficile et parfois ingrate. Il nous reste à exprimer aux Docteurs KALLNER. STEINITZ et KARPAS, au Professeur HOCHMAN et à Madame KARKLINSKY-NAOR mes très vifs remerciements pour l’aide précieuse qu’ils nous ont appor¬ tée dans l’élaboration de ce travail, et pour l’accueil si cordial qu’ils ont réservé à l’un de nous. IR A N IRA N GÉNÉRAL ITÉ Immense pont lancé, de la mer Caspienne au golfe Persique, entre la Turquie, l’Irak et l’U. R S.S. d’une part, le Pakistan et l’Afahanistan d’autre part l’tran a une superficie de 1 648 000 Km2, égale à trois fois celle de la France. C’est un haut plateau que l’influence maritime n’atteint que dans ses régions côtières. Le climat en est donc conti¬ nental, à très gros écarts thermiques, la sécheresse intense, les terres altérées ne sont fertiles qu’aux points irrigués. C’est en ces points que se sont développés les villages, très isolés les uns des autres, et les grandes villes (10 de plus de 100000 habitants), dans l’exabérance légendaire de leurs oasis. Ailleurs, c’est le désert, un désert de pierres. ponctué de hauts sommets, dont certains culminent à près de 6 000 m. et accidenté au point que le seul chemin de fer « Transiranien » doit franchir 4 772 ponts et pénétrer dans 226 tunnels avant d’avoir effectué ses 2 000 Km de parcours, du nord au sud du pays. Téhéran, l’actuelle capitale de l’tran (1 350 m d’altitude), située à 300 Km de la Caspienne, est reliée aux autres villes par trois voies ferroviaires et par un réseau de routes qui assurent le transport des vovageurs et des marchandises, Par ces routes, s’acheminent vers T’éhéran les malades de toutes les régions, qui n’hésitent pas à accom¬ plir sur un camion passant à proximité de leur habitation un parcours dont quelquefois ils ne voient pas la fin, pour tenter d’atteindre l’hopi¬ tal ou ils espèrent trouver la guérison. RACES ET RELIGIONS (L Outre les Kurdes et les Lurs, l’Iran comprend d’importantes mino¬ rités turques, baloutchi et arabes, et des groupes d’Arméniens, d’Assy¬ riens (chrétiens nestoriens), de Géorgiens, de Brahuis dravidiens et de Hazaras afghans, d’origine mongole. La grande prépondérance du chiisme et le mode de vie qu’il prescrit est un facteur d’unification qui supprime les différences raciales ou sociales, entre les six classes qui se partagent le pays : ulémas (savants), nobles, propriétaires ter¬ riens, marchands, citadins et paysans. C’est également pour cette rai¬ son que s’exerce parfois la discrimination religieuse. Les Kurdes ménent une vie nomade entre les frontières nord-ouest d’Irmia et les plaines de Kermanshah, et ce mode de vie y a main¬ tenu le systême tribal, de même que chez les Lurs. La majorité de la population de la région méridionale du Khouzis¬ tan est arabe et mène une vie semi-nomade. Dans le Khorassan, le long de l’U. B S.S, prédominent les Turk¬ mènes, généralement fixés par l’agriculture. L’Azerbadian est la seule région ou la population soit homogène. du fait qu’elle est fixée depuis des siècles en groupes plus ou moins compacts dans les villes et les villages (Turcs) (1). Au recensement de 1956, la population s’élevait à 18 944 821 habi¬ tants soit 12 au Kilomêtre carré. Téhéran venant en tête avec 1 797 429. habitants dont 1 512082 pour la seule ville (densité 253,2) (tableau XVI). La religion d’Etat est le chisme, confession schismatique séparée de l’orthodoxie musulmane par quelques particularités de droit et de dogme, elles-mêmes liées à des faits d’histoire et de civilisation. Elle compte 14 millions d’adeptes, contre 1 million de musulmans ortho¬ doyes Les chrétiens (120 000), les bahaistes (120 000) et les juifs (15 000) forment l’ensemble de la minorité. Le Persan chite est très attaché à sa religion et il en observe à la lettre les régles et rites ancestraux, dont certains peuvent jouer un rôle dans la question qui nous occupe. (1) Encyclopaedia Britanniça Vol. 17 (P. Plant) pp, 582-83. (Article : Persia. section : Population). Recensement de 1956. LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Les enfants du sexe masculin sont circoncis pour 95 % des cas dans les trois premiers jours de leur vie, pour 5 % avant la puberté soit par le barbier du village pour 85 % des cas en province, soit pour moitié par le barbier et le médecin dans les villes. Comme c’est la règle dans tout l’Islam, l’usage de l’alcool est interdit, de même que la consommation de la viande de porc. 66 Tableau XV1 DONNEES DEMOGRAPHIQUES CONCERNANT LA VILLE DE TÉHERAN ET SES ENVIRONS CONDITIONS ET MODE DE VIE L’Iranien est soumis à des conditions climatiques excessives : en été, le soleil le frappe de ses ravons ardents : en hiver, le froid intense gerce sa peau, car son habillement rudimentaire ne le protège qu’im¬ parfaitement. Le vétement est complété chez 80 % des femmes par le « tchador », long voile dont elles s’enveloppent complètement et dont elles se couvrent la tête, en le retenant avec les dents. Le Persan cultive le riz dans le Nord: le blé et les dattes dans le Sud : il pèche dans les régions côtières. Et comme les transports sont couteux et malaisés, la base de l’alimentation est presque exclusi¬ vement réduite aux produits cultivés ou recueillis dans la région même. Il s’ensuit que les classes inférieures, très nombreuses en lran. sont soumises à un régime carencé, encore accru par la pauvreté du sol, du point de vue agricole. En effet, la surface cultivable, exploitée par 80 % de la population, n’occupe que le 178 de l’ran. Par contre, la nature a doté le sous-sol d’une richesse incomparable, le pétrole. exploitée dans la région méridionale et traitée sur les lieux mêmes de production. L’alimentation se compose des produits déjà cités, d’une très faible quantité de viande de mouton débitée en fines lanières et incorporée aux légumes du plat national, l’abgoucht. Elle est complétée par le vaourt et les fruits de saison. Les plats sont accommodés aux graisses animales, mouton particulièrement, et dans une faible mesure, au beurre fondu. Le caractère principal de l’alimentation est sa carence en pro¬ téines animales, en calcium et en certains facteurs vitaminiques (1). La polygamie, tout en étant reconnue par l’Etat, est devenue exceptionnelle, les classes aisées étant gagnées à la civilisation occi¬ dentale, les classes inférieures ne pouvant supporter la charge de plu¬ sieurs femmes au foyer et de la progéniture qui en résulterait. (1) Enquête sur l’alimentation et les budgets familiaux dans deux régions de l’Iran. Buli, de l’Institut Natioual d’Hygiène. Tome 12. N° 3, pp, 593-631 - 1957 IE CANCER AU MOYEN-OBIENT La femme iranienne se marie jeune et elle est dans l’ensemble féconde. Dans les milieux aisés et dans les villes, la femme a en moyenne deux à trois enfants : dans les classes inférieures et en pro¬ vince, elle a en moyenne sept enfants. La fécondité est donc plus forte qu’en Europe. D’après le « Health Statistics Bulletin » de 1956, il y aurait une mortalité infantile de 250 020 naissances vivantes (151 9%0 à Téhéran). La natalité serait de 51,4 960 habitants. La mortinatalité atteindrait 86,5 260. soit le quadruple de celle de la France. L’allaitement au sein est général. 68 ORGANISATION DE LA SANTE Les Universités forment d’une part des médecins qui, tenus à prendre « 12 degrés » en six années d’études, en sortent avec le titre de « Docteur en Médecine » : d’autre part, des « behdares » ou officiers de Santé qui, tout en étant astreints à prendre le même nombre de degrés, ne font que quatre années d’études. Ces officiers de Santé formés par les Universités de Chiraz, d’Ispahan, de Meshed, s’astreignent peu à peu à faire les deux années complémentaires, qui leur permettront d’obtenir le doctorat. Le Ministère de la Santé a sous sa dépendance 728 hôpitaux répar¬ tis dans le pays, dont 150 dans le Sharestan (villes de province), où exercent des médecins, et 580 dans le Dehestan (villages) où exercent des bedahres. La Faculté de Médecine de Téhéran fondée en 1848 a été réor¬ ganisée en 1939 par son doven, le Professeur Charles OBERLING. A elle seule, elle a la haute main sur sept grands hôpitaux, dont la direction lui a été attribuée par le Ministère de la Santé et la Municipalité de Téhéran, lors de sa fondation Elle a bépéficié, dès 1939, d’un sys¬ tême de fiches individuelles appliqué à tous les malades fréquentant les hopitaux de la Faculté. Chaque fiche porte le nom, le sexe, l’âge. le diagnostic de l’afection et, pour les cancéreux, le résultat de l’exa¬ men histologique. Les maladies spéciales à l’Iran sont : la fièvre typhoide qui rêgne à l’état endémique avec poussées épidémiques : la variole, la rage et la peste sous formé de cas sporadiques, le bouton d’Orient. Le cancer, hélas t y sévit comme en Europe, et c’est à lui que nous consacrerons la suite de ce rapport, en nous efforcant de faire ressortir les caractères essentiels de la maladie cancéreuse en lran. LORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LE CANCER ASPECT MÉDLCO SOCIAI L’enseignement de la cancérologie est assuré par la Chaire de Cancérologie qui dépend uniquement de la Faculté de Téhéran et est occupée par le Docteur RAHMATIAN, Professeur à l’Université. Elle fait partie de la Fondation TADT PAHLA VI ou INSTITUT DU CANCER de l’Iran, dont il nous semble intéressant de tracer l’historique et de définir la structure. SML, le Shah d’ran forma le projet vers 1949 de mettre à la disposition de la Société du Lion et Soleil Rouges — équivalent de notre Croix-Rouge française — environ 250 mg de radium pour le trai¬ tement du cancer en fran. SA, la Princesse Shamss Pahlavi, bienfaitrice et présidente du Lion et Soleil Rouges, prit alors contact avec l’Université de Téhéran et obtint de celle-ci un bâtiment voisin de l’hepital Pahlavi, que les différents occupants de la deuxième guerre mondiale avaient complè¬ tement détérioré. Un accord en sept articles fut passé entre le Lion et Soleil Rouges et l’Université de Téhéran, selon lequel le premier s’en¬ gageait à remettre en état le bâtiment et à fournir l’équipement, et la seconde à fournir le personnel assurant le fonctionnement médical du Centre. Cent millions de rials — 650 millions de francs — furent consacrés à cette œuvre par le Lion et le Soleil Rouges de l’Iran. La Fondation Tadi Pahlavi est constituée de deux sections nette¬ ment distinctes : 1° La Chaire de Cancérologie relevant de la Faculté : 2° Le Centre Hospitalier, dont l’administration est assurée par le Lion et Soleil Rouges de l’Iran. L. — La Chaire de Cancérologie comprend elle-même deux orga¬ nismes : a) Le Centre de Diagnostic des Tumeurs, créé en même temps que la Chaire et comprenant un laboratoire d’anatomie pathologique qui effectue les examens pour le Centre lui-même et pour l’ho¬ pital Pahlavi : LE CANCER AU MOYEN-ORIENT 72 b) Le Centre de Recherche C. OBERLING (directeur: Professeur BAHMATIAN) auquel a été attribué en 1958 un microscope électronique. Le Plan d’Organisation de l’Iran, grâce au revenu des pétroles, a consacré 1 million cinq cent mille rials (9 mil¬ lions de francs) à l’achat de ce microscope, et également 5 mil¬ lions de rials (30 millions neuf cent mille francs) à la construc¬ tion du bâtiment de recherches prolongeant le pavillon déjà existant. Le sous-sol ou sera installé le microscope électro¬ nique existe déjà l’étage prévu pour l’extension du laboratoire et des animaleries a été terminé en janvier 1960. I1. — Le Centre Hospitalier qui dispose de 100 lits dépend du Lion et Soleil Rouges, Il comprend trois sections : a) Le Service de Chirurgie dirigé par le Docteur HIASCHEMLAN qui a acquis à Londres une longue expérience, aidé du Doc¬ teur SARKISSIAN, chirurgien thoracique : b) Le Service de Radiodiagnostic, dirigé par le Professeur MA¬ LEKI, ancien Professeur agrégé de la Faculté de Montpellier : c) Le Service de Radiothérapie dirigé par le Docteur BONAKDAR POUR, qui a travaillé pendant cina années aux Etats-Unis : d) Le Service Administratif qui relève du Lion et Soleil Rouges de l’iran. Tout le personnel scientifique du Centre Anticancéreux se réunit deux fois par mois pour la présentation des cas intéressants, dont les clichés radiographiques et les coupes histologiques sont projetés sur l’écran de la belle salle de projection, en vue d’arrêter le traitement final. Le compte rendu de cette réunion est publié dans le Bulletin Médical de l’Université de Téhéran. L’Institut du Cancer est dirigé par un Comité Directeur composé de cina membres : le doven de la Faculté de Médecine président d’office, deux délégués de l’Université et deux délégués du Lion et Soleil Rouges de l’Iran. Réalisé selon les conceptions les plus modernes, il répond à toutes les nécessités. Son développement depuis sa création représente l’illus¬ tration la plus frappante de son importance : en 1956, 1 345 malades ont été examinés au Centre. En 1957, leur chiffre s’est élevé à 2812 et en 1958 à 3 467. Avant la créatiop de l’Institut du Cancer de l’Iran, les malades étaient examinés et traités dans les DIY HOPITAUY DEPENDANT DE L’UNIVERSITE DE TEHERA N Ceux-ci continuent à soigner les malades admis dans leurs services et atteints d’un cancer, dans les quelque 1250 lits dont disposent les Services de chirurgie. Les laboratoires d’ana¬ tomie pathologique de la Faculté de Médecine et de l’Institut du Cancer de l’Iran reçoivent les prélèvements pratiqués dans tous les Services de chirurgie de la Faculté de Médecine. IRAN 75 Les malades des hôpitaux, de même que ceux qui se présentent à l’Institut du Cancer, se recrutent aussi bien à Téhéran que dans les autres villes et dans les provinces, de sorte que l’image que nous obtiendrons de la morbidité hospitalière à Téhéran sera sensiblement le reflet de la morbidité hospitalière de l’ensemble du pays. La surveillance des cas de cancer n’est qu’incomplêtement assurée en lran, après la période d’hospitalisation : dans les campagnes, elle est presque impossible à exercer, du fait des distances et des diffi¬ cultés de communications : à Téhéran, le pourcentage des malades sous surveillance peut être estimé à 10 %, pour l’Institut du Cancer, les cas intéressants en faisant seuls l’objet. Une surveillance efficace y est difficile à réaliser à l’heure actuelle, les malades changeant très sou¬ vent de medecin. LES STATISTIQUES Le Service des Statistiques de l’Iran a été créé par le Gouverne¬ ment iranien en 1918 : il comprend 107 bureaux établis en province en plus des services permanents existant dans les villes. Dans ces der¬ nières, et surtout à Téhéran, l’enregistrement est exact, alors que dans les villages qui ne font partie de la circonscription d’aucun médecin. les certificats de décès ne sont pas établis et la cause du décès reste ignorée. 2 En ce qui concerne les statistiques, notre pays est très pauvre. et si leur préparation a jamais été envisagée, elle ne l’a été que sur des bases très élémentaires », constate le Docteur M. FARIS dans son avant-propos au volume I. n° 1 du « Public Health Statistics Bulletin 3 de Téhéran. Et le Docteur MORSHED y note plus loin : « Malheureu¬ sement, les statistiques sur les causes de décès telles qu’elles existent actuellement dans presque toutes les régions de notre pays ne peuvent être considérées comme valables en raison de deux facteurs princi¬ paux : enregistrement partiel des cas et diagnostic inexact des causes de décès ». Il convient d’ajouter que ce sont deux facteurs que l’on retrouve également dans beaucoup d’autres pays. Les statistiques de morbidité sont pour diverses raisons entachées des mêmes insuffisances. DONNEES DEMOCRAPHIQUES Elles ne sont malheureusement pas connues pour l’ensemble du pays où les bulletins de décès ne sont pas enregistrés la plupart du temps. Seule, la ville de Téhéran possède un Service de Statistiques bien organisé qui dépend du Ministère de la Santé publique. Ce Service nous a remis les statistiques publiées pour l’année solaire 1334 (qui correspond à l’année 1955) et contenues dans le volume L. n° 1 du « Public Hiealth Statistics Bulletin ». Les autres publications ont trait aux deux premières causes de décès en lran : maladies des appareils respiratoire et cardio-vasculaire. La population de Téhéran en 1948 comprenait 517 230 personnes du sexe masculin et 523 546 du sexe féminin, soit au total: 1 040 776 habitants. Elle a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, puisqu’elle atteignait au recensement de 1956, 1 513 164 habi¬ tants pour la seule ville de Téhéran et 1 957 143 habitants pour la ville et ses faubourgs. 76 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT La répartition par groupe d’âge (tableau XVI et graphique 8). fait apparaitre une prédominance très nette des groupes d’âge jeunes. puisque c’est entre 15 et 19 ans qu’on trouve la plus forte proportion de population : 17,24 %. Vient ensuite le groupe d’âge 25-34 ans qui représente 13,38 %. On ne peut manquer d’être surpris de la faible proportion de sujets avant dépassé la cinquantaine. Le total des grou¬ pes d’age au-dessus de 55 ans ne représente que 7,39 % de la population. Tableau XVH () POPULATION DE TEHERAN PAR TRANCHES D'AGE (: MORTALITE EN IRAN 1R A N 1 Nous nous trouvons donc en présence d’une population très diffé¬ rente de celle des pays d’Europe Occidentale où la proportion des personnes âgées est nettement plus élevée. En France, par exemple. le groupe de 55 ans et plus représentait 22,5 % de la population, en 1955. En lran comme en Israel on trouve une forte prédominance d’éléments jeunes dans la population. Ceci est encore confirmé par le calcul de l’age moyen de la population dans la ville de Téhéran : 21,4 ans (tableau XVI). STATISTIQUES DE MORTALITE Le calcul des taux de décès basé sur l’enregistrement des hulle¬ tins de décès fait apparaitre en 1953, dernière année publiée, un taux de 6,9 %, qui correspond à un total de 139 157 décès annuels (tableau XVII) En 1954, ce taux s’élève à 7.1, taux dix fois plus élevé, par consé¬ quent,, qu’en lsraél. Il nous a paru intéressant de présenter (tableau XIN, graphique 9) la répartition par âge (tranches de 5 ans) et par sexe des décès à Téhéran en 1955-56. Ce tableau est particu¬ lièrement démonstratif : on remarque, en effet, que plus de la moitié des décès (7 717) concernent des enfants de moins de 4 ans. La mor¬ talité infantile atteint ici des chiffres considérables. Le cap des 5 ans franchi, la mortalité diminue et atteint son minimum entre 10 et 20 ans. Elle augmente ensuite progressivement et est déjà élevée après 35 ans. Enfin, chose frappante, on relève deux fois moins de décès après 65 ans que dans la première année de la vie 1 rableau XVH () () Public Healtn statistics Bulletin, Vol. 1, n° 1, p. 14, 1334 (1985). 78 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Tablea XIX () NOMBRE TOTAL, DE DÉCES PAR AGE ET SEXE A TÉHERAN PENDANT L'ANNEE SOLARE 1334 (2i mars 1955 - 20 MARS 1959) 18 A N 79 L’étude de la répartition des causes de décès est effectuée selon la Nomenclature Internationale de 1955, dans laquelle le cancer et les autres tumeurs sont répertoriés sous les numéros 140 à 239. L’ran suivant par conséquent le système de codification internationale, la comparaison avec les autres pays en sera facilitée. Ces données numé¬ riques ont une valeur malheureusement limitée par le fait qu’elles concernent uniquement la ville de Téhéran et ses faubourgs. La mor¬ talité porte donc sur une population de 1800000 habitants qui ne représente que le 1710 de celle du pays. Sur l’ensemble des décès de l’année solaire 1334 Cmars 1955¬ mars 1956), le cancer figure pour un total de 521 cas (282 du sexe masculin, 239 du sexe féminin) (tableau XX et graphique 10). Ce chiffre est faible (1) puisque, sur un total de 14 982 décès, il donne un pourcentage de 3 % pour les tumeurs malignes. Il est probable que ce pourcentage est inférieur à la réalité, ce qui confirmerait les asser¬ tions du Docteur MORSHED sur le sous-enregistrement des cas de cancer. Rappelons que dans les pays de l’Europe Occidentale, le cancer représente pratiquement 20 % de l’ensemble des décès. Il convient également de remarquer l’importance considérable de la sénilité et des causes inconnues ou mal précisées dans l’ensemble des décès : près de 4 000 décès ont été rangés sous cette rubrique, ce qui représente pratiquement le 1/4 de la mortalité générale (tableau XX1), et dissimule vraisemblablement un certain nombre de tumeurs non diagnostiquées. Le classement des causes de décès en dix groupes principaux (tableau XXI) fait apparaitre la prédominance surprenante des maladies du tube digestif; 2 458 sur 14 982, soit 16,4 % de l’ensemble. Le cancer vient très loin derrière, au huitième rang, avec 521 cas, soit un pour¬ centage de 3 %. On sait que dans les pays de l’Europe Occidentale, le cancer vient habituellemeht en deuxième position, après les maladies cardio-vasculaires. Les hommes et femmes y paient un tribut sensiblement égal, avec toutefois une légère prédominance du sexe masculin : 282 contre 239. Ce devrait pourtant être l’inverse, puisque la population féminine est légèrement plus forte, sauf à Téhéran où l’on recense 112 hommes pour 100 femmes en 1956. L’étude de la répartition des principales causes de décès suivant l’âge est également présentée dans ce numéro du «Public Health Statistics Bulletinx. Nous n’avons pas cru devoir reproduire l’en¬ semble des tableaux correspondant à chaque groupe d’age, nous contentant seulement d’en extraire les données essentielles concer¬ nant le cancer. Au-dessous de 25 ans, le cancer n’y figure pas. car il occupe une place trop réduite, Il apparait par contre, (1) Il tient pour une grande part au petit nombre de laboratoires qui existent en lrap. Un grand nombre de cancers cliniquement diagnostiqués ne font pas l’objet d’examens au laboratoire d’Anatomie pathologique. LE CANCER AU MOYEN-OBIENT 80 Tableau XX () OunEE POrAL DE DECESs PAE EXE DAPEe L CLsIECaTon RTEATONALE DES CAUSES DE DECÉS, DANS LA VILLE DE TÉHERAN PENDANT L’ANNEE SOLAIRE 1334 (21 mars 195 - 20 mars 1656) (: () public Health statistics bulietin, vol, 1, n° 1, p. 18, 1334 (1955). () Baport des cipetires de Tonran. 1R A N 81 à partir du groupe d’âge 25-34 ans et — on doit s’en éton¬ ner — en cinquième position, avec 39 décès sur un total de 361, soit pius de 10 %. C’est ensuite dans le groupe d’âge 45-54 ans qu’on retrouve les tumeurs malignes, et là encore en cinquième position, avec 121 décès sur 870, soit 14 %. Enfin, le maximum de fréquence s’observe dans le groupe d’âge 55-64 ans, ou le cancer occupe la deuxième place parmi les causes de décès, immédiatement après les maladies de l’appareil circulatoire. Il est vrai qu’il les suit d’assez loin, alors qu’en France la différence est beaucoup moins nette : sur 962 décès, on enregistre 153 cas de cancer, Ici encore, le sexe mas¬ culin prédomine légèrement. Nous avons été très surpris de ne pas retrouver le cancer dans les groupes d’âge avancé, 65 ans et plus. Seuls figurent cinq groupements pathologiques dans ce tableau, avec prédominance des maladies de l’appareil circulatoire. Le fait est telle¬ ment anormal en ce qui concerne le cancer qu’il est permis de se demander s’il n’y a pas là une omission, une erreur, ou une insuffi¬ sance de diagnostic. Cette hypothèse nous a été confirmée par le Doc¬ teur HABIBI. Que conclure, en définitive, de ces données incomplêtes et partiel¬ les sur la mortalité par cancer 2 Il convient d’abord d’insister sur le fait qu’elle ne porte que sur le 1710 de la population du pays et que par ailleurs les taux en sont en quelque sorte faussés par une mortalité infantile considérable. Ces restrictions posées, on ne peut qu’être surpris de la proportion extré¬ mement faible de décès par cancer (3 %), ce qui place les tumeurs malignes au huitième rang des causes de décès. Nous savons déjà que ce taux est inférieur à la réalité, étant donné qu’un bon nombre de cancers échappent aux statistiques de mortalité. Tableau xx1 () LE CANCER AU MOYENOBIENT 82 LES DIX GRQUPES PRINCIPAUX DE CAUSES DE DECES PAR SEXE A TÉHÉRAN PENDANT L’ANNEE SOLAIRE 1334 (21 mars 1955 - 20 nars 1856) C) C) public healtn, statistics Pulhletin, vol, 1, p. 27, 1334 (1955). ("°) Rapports des cimetières de Téhéran. Il faut également insister sur la proportion très élevée des décès par sénilité et par causes inconnues ou mal définies qui représente le quart de la mortalité générale et dissimule, ainsi que nous l’avons déjà signalé, un nombre non négligeable de cancer. A ces constatations, vient encore s’ajouter un fait essentiel que nous étudierons à propos de la morbidité cancéreuse, à savoir l’im¬ portance exceptionnelle de deux localisations réputées « bénignes » du cancer, la peau et l’utérus, et qui représentent à elles deux près de la moitié des cas enregistrés à Téhéran (voir diagramme graphique 12). Il est bien évident qu’un pays ou les localisations à pronostic sombre. comme les localisations pulmonaires et gastriques, seraient prépondé¬ rantes, verrait sa mortalité par cancer atteindre des taux beaucoup plus élevés. La « bénignité » habituelle des tumeurs cutanées, si fré¬ quentes en lran, est donc une explication plausible au taux très faible de décès par cancer relevés dans ce pays. 84 LE CANCER AU MOYENORTNI Ce tableau nous montre en outre la proportion élevée d’illettrés dans la population urbaine, 57, 1 %. Cette proportion est d’ailleurs beaucoup plus forte dans les environs de Téhéran où pratiquement les trois quarts de la population sont illettrés. Dans l’ensemble, le milieu socio-économique semble, particulie¬ rement modeste, plus de la moitié de la population de Téhéran étant économiquement faible. Nous pensons que ce fait peut avoir un reten¬ tissement sur l’épidémiologie et la pathologie probres à cette popula¬ tion. Au Danemark. Clemmesen a déjà fait d’intéressantes observations à ce sujet. La proportion des personnes mariées ne parait pas justifier de commentaires. MORBIDITE CANCEREUSE De même qu’Israêl et la plupart des pays occidentaux, l’Iran ne dispose pas encore de statistiques valables sur la morbidité par cancer Les tumeurs malignes, en effet, n’entrent pas dans le cadre des mala¬ dies à déclaration obligatoire, et il n’est pas possible de dénombrer avec exactitude les nouveaux cas de cancer apparus chaque année. La seule source de renseignements intéressante est représentée par l’enregistrement des cas hospitaliers. Ce sera donc uniquement sur les données hospitalières que reposera l’étude de la morbidité cancéreuse. 1) Données fournies par le « Cenerol Department ot Public Health ». Le Docteur ADHAM nous a fourni en 1959 la liste des cas de cancer enregistrés en lran pour l’année solaire 1334 (du 21 mars 1955 au 20 mars 1956). Cette liste a été établie d’après les déclarations des cas de cancer faites par les divers hopitaux au Bureau des Statistiques. Notons que l’Institut du Cancer, qui n’a commencé à fonctionner qu’en 1956, n’a pas participé à ces déclarations. Le tableau XXIII (graphique 11) établi suivant cette liste présente par ordre décroissant le nombre de cas de cancer rapportés aux loca¬ lisations anatomiques de la Nomenclature Internationale (Genève, 1955). ainsi que les taux correspondants. Malheureusement, la répartition par sexe n’en a pas été faite et nous sommes privés de données intéres¬ santes et plus exactes. Cette statistique annuelle porte sur un total de 2558 cas Il est peu probable qu’elle comprenne la totalité des cas de cancer. Les cli¬ niques privées et les praticiens sont également susceptibles: de traiter eux-mêmes certains cas qui ne sont pas communiqués au Bureau des Statistiques. Il est malheureusement impossible d’estimer la proportion des cas qui échappent ainsi aux statistiques. Rapportés arbitrairement à la population de Téhéran (1 797 429. habitants), ces 2 558 cas donnent un taux pour 100 000 habitants avoi¬ sinant 142. Ce taux est bien inférieur à celui relevé aux U.S.A, et dans les pays européens (de 300 à 350 nouveaux cas annuels pour 100000). Il conviendrait, pour tenter d’expliquer cette grande diffé¬ rence, de remarquer, qu’en dehors de l’enregistrement certainement (d 21 mars 1955 au 20 mars 1956). Tableau XXIH 85 TOTALITÉ DES CAS DE CANCER DECLARES AU MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE 86 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT incomplet, ce recensement concerne une population jeune dont l’âge moyen est de 21, 4 ans. Cetté notion à elle seule suffirait à expliquer la fréquence peu élevée du cancer en fran Remarquons également que ce taux coincide assez bien avec la faible mortalité par cancer signalée au chapitre précédent (3 %). Il est intéressant de confronter les écarts entre les chiffres de l’Iran et ceux de la France, dans le domaine de la mortalité et de la morbidité par cancer : — En lran, le cancer représente 3 % de la mortalité générale : En France, le cancer regrésente 20 %% de la mortalité générale : — En lran, le capcer frappe annuellement 142 habitants pour 100 000 (taux très approximatif): — En France, il en frappe annuellement 300 pour 100 000. On voit que la mortalité par cancer est près de sept fois plus forte en France, alors que la morbidité n’est que deux fois plus forte. Nous signalons cependant que d’après les relevés du Docteur HABIBI. confrontés au nombre de décès déclarés aux cimetières, le rapport morbidité"mortalité serait de 13710 En France, les estimations les plus dignes de foi donnent un rapport de 15710. Les localisations les plus fréquentes sont : 1) La peau (Y compris les mélanomes) qui prédomine de très loin (37 %% des cas): 2) Le col de l’utérus (12 %). 1R A N 82 La prédominance de ces deux localisations est un phénomène assec surprenant qui différencie considérablement l’Iran des pays européens. ou ces deux localisations ne sont jamais les plus importantes. La suite de ce tableau n’est pas moins surprenante, puisque c’est l’œsophage qui arrive au troisième rang des localisations (8,38 %% de l’ensemble), suivi par les tumeurs ganglionnaires. Si l’on regroupe les localisations ganglionnaires : 198 (adénopa¬ thies secondaires), 200, 201 et 202, on arrive à un total de 24 % de l’en¬ semble. C’est ainsi que le nombre de cas de maladie de Hodekin (113). est plus élevé que celui des cas de cancer du sein (93) : Par contre, le cancer de l’estomac — le plus fréquent en Europe et en Israel — arrive au treizième rang : il apparait ainsi qu’il est plus rare en lran que les conionctivomes : Nous relevons dans ce tableau d’autres particularités propres à l’Iran : les tumeurs broncho-pulmonaires y ont la même importance que les tumeurs du système nerveux central : les leucémies y sem¬ blent beaucoup moins fréquentes qu’en Europe, puisqu’elles ne repré¬ sentent ici que 0, 35 % de l’ensemble (9 cas sur 2 558). Les cas signalés ici se réfèrent surtout aux biopsies ganglionnaires et non aux examens hématologiques. Enfin, le cancer primitif du foie y est aussi rare que dans les pays ocidentaux (2 cas sur 2 558, soit moins de 1 pour 1 000). A l’aide des pourcentages du tableau XXIII a été établi par le General Department of Public Health, un diagramme polaire (gra¬ phique 2) pour 1955. Il présente de façon schématique mais assez frappante la répartition des principaies localisations. On voit immé¬ diatement que la peau occupe plus du quart du cercle et que ce quart est en majeure partie occupé par les localisations cervico-céphaliques. Seuls, l’utérus, l’œsophage, la lèvre, le larynx et le sein apparaissent 88 LE CANCER AU MOYEN-ORIENI sur ce diagramme, toutes les autres localisations avant été regroupées dans la plage de gauche, où elles figurent pour 42 %. Il n’est pas sans intérêt de rappeler que pour cette même année 1955, la mortalité était cinq fois plus faible que la morbidité (521 décès). ce qui revient à dire que pour 5 cancers apparus en une année, on ne relève qu’un seul cas de décès par cancer. Il y a là une dispro¬ portion si inhabituelle qu’elle incite à faire les plus grandes réserves sur ces données numériques. Rappelons pour fixer les idées qu’en France, on relève près de 100 000 décès annuels nar cancer, alors qu’on estime à 150 000 les nouveaux cas de cancer apparus en une année sur 500 000 décès. Les statistiques fournies par le General Department of Public Health ne portent, rappelons-le, que sur l’année solaire 1334 (21 mars 1955-20 mars 1956). Il est difficile de se faire une idée de la mor¬ bidité par cancer en fran avec les seuls cas enregistrés en une année 2) Données recueillies sur place dans les HApitaux et ̀ l’institut du Cancer de l’Iran. En vue de pallier cet inconvénient, nous avons cru utile d’entreprendre. en 1958, avec plusieurs membres de la Faculté de Médecine de Téhé¬ ran (Professeur ARMIN. Docteur HABIBI) la réunion des cas hospita¬ liers de la ville, d’après les fiches cliniques des malades. Nous avons pu ainsi collecter, entre 1958 et 1960, les documents concernant les cas de cancer examinés ou traités dans les hôpitaux dépendant de la Faculté, pour les années comprises entre 1950 et 1958 (1). Ces documents dépouillés au fur et à mesure de leur arrivée à l’Institut National d’Hygiène ont été transcrits sur cartes perforées, en vue d’une exploi¬ tation mécanographique. Le nombre total de 5 227 cas de cancer nous a semblé suffisant pour permettre une étude statistique valable. Nous en présenterons les résultats au cours d’un prochain chapitre. Cette étude sera suivie de celle des cas recneillis à l’Institut du Cancer de l’Iran grâce à l’amabilité du Professeur RAHMATIAN qui a bien voulu nous permettre de consulter les fichiers de cet Institut. Elle porte sur un ensemble de 2 471 cas : 447 en 1956, année de la fondation de cet Institut, 930 en 1957 et 1 094 en 1958. Nous n’avons pas cru devoir réunir les statistiques de ces deux groupes hospitaliers, qui sont dans l’ensemble assez superposables et qui représentent un total de 7 698 cas. A) Activité des Centres Hospitaliers par année et par sexe;pour les principales tocolisations du concer. L’activité des Centres Hospitaliers est résumée dans les ta¬ bleaux XXIV. XXV. XXVI. Ces tableaux n’ont qu’un intérêt mineur au point de vue médical : nous avons cru cependant utile de les pré¬ (1) Nous tenons à remercier Monsieur ESK ANDERY qui a continué le travail que nous avions entrepris et nous à fait parvenir des donnes sur quclqule : 990 e de cancer. Tableau 3 HOPITAUX DE TEHERAN - NOMBRE DE CAS PAR ANNEE POU HOPITAUX DE TEHERAN - NOMBRE DE CAS PAR ANNEE PO Tableau : Tableau INSTITUT DU CANCER DE L’IRAN (TEHERAN) - NOMBRE DE XXVI CAS PAR ANNEE POUR LES LOCALISATIONS PRINCIPALES 91 I R A N senter pour nous faire une idée de l’activité annuelle des hôpitaux d’une part et de l’Institut du Cancer d’autre part. Ils n’appellent guère de commentaires. On peut considérer cependant que dans l’ensemble le nombre de cancers n’augmente pas avec les années dans les hôpi¬ taux de Téhéran : les quelques variations annuelles observées peuvent être considérées comme dépourvues de signification, Par contre, il semble bien que depuis sa création, l’Institut du Cancer ait tendance à voir augmenter sa clientèle. Cette seule notion confirmerait s’il, en était besoin l’utilité indiscutable de sa création 8) Répartition des tumeurs malignes selon la localisation anatomique. La présentation en est faite dans les tableaux XXVII et XXVIII (graphique 13), le premier, selon l’ordre numérique (140, 141 142, etc.) de la nomenclature internationale, le second, par ordre d’im¬ portance décroissante. C’est celui-ci qui retiendra davantage notre attention. Il faut tenir compte que les chiffres de l’Institut du Cancer ne se rapportent pas aux mêmes années que ceux des hôpitaux de léhéran : ceci est, bien entendu, lié à la création récente de cet Insti¬ tut (1956). Ce tableau est intéressant en ce qu’il diffère de ce qu’on observerait dans les pays occidentaux. En effet, ce n’est plus le cancer gastrique — le plus important en Europe — qui tient la première place, mais le cancer de la peau. Il représente aussi bien dans les hôpitaux qu’à l’Institut du Cancer le quart des cas. Cette notion est la plus importante de l’épidémiologie du cancer en lran : nous y revien¬ drons plus longuement dans un chapitre ultérieur. Viennent ensuite les cancers du col de l’utérus qui représentent, aussi bien dans les hopitaux qu’à l’Institut du Cancer, plus de 10 % de l’ensemble. Il y a là une divergence essentielle par rapport à ce que l’on observe en Israel et à ce point de vue, l’Iran est plus proche des pays occidentaux que de ses voisins plus immédiats du Moyen-Orient. Cette notion est cer¬ tainement intéressante et mériterait un essai d’explication. La troisième localisation par ordre d’importance est le cancer du système lympha¬ tique. Le fait est surprenant quand on sait la relative rareté de ces tumeurs en Europe : il s’agit bien entendu ici de tumeurs primitives : lymphosarcomes, Iymphomes malins. Hodgkin, etc. On peut d’ailleurs se demander si certaines de ces tumeurs apparemment primitives ne sont pas en réalité des métastases ganglionnaires d’épithéliomas non encore découverts, surtout en l’absence de biopsie chirurgicale du gan¬ glion. En réalité, le Docteur HABIBI, qui a effectué lui-même les exa¬ mens histologiques, nous à assuré du caractère primitif de ces adéno¬ pathies malignes. On peut d’ailleurs remarquer que la localisation 198. qui concerne cette dernière variété tumorale, est également relativement importante dans le tableau XXVIII puisqu’elle arrive au sixiême rang Si l’on additionnait les deux localisations gangtionnaires (206 1 198). on arriverait à un total de 12,.1 %, ce qui placerait les cancers gan¬ glionnaires au deuxième rang, immédiatement après la localisation cutanée Nous avons déjà eu l’occasion de noter cette prépondérance surprenante des tumeurs lymphatiques dans certains pays africains. raleau RAN - CANCER PA Tages. IRAN - CANCER PAR LOCALISATION PAR Tabeau RÉPARTITION DES CANCEES PAL LE CANCER AU MOYEN-OBENT 98 Parmi les autres barticularités qui différencient l’Iran des pays occi¬ dentaux, il convient encore de signaler l’importance inhabituelle des localisations aérodigestives supérieures (larynx et œesophage en parti¬ culier). Nous reviendrons sur cette notion d’une façon plus approfon¬ die à propos de l’étiologie des épithéliomas de l’œesophage en lran. Par contre, les tumeurs gastriques, habituellement les plus fréquentes en Occident, arrivent ici au douxième rang, immédiatement après les sarcomes du tissu conjonctif. Le contraste est d’autant plus saisissant que l’on sait la rareté des tumeurs conjonctives malignes en France. De même, l’épithélioma du poumon ne représente dans la morbidité hospitalière de Téhéran que 13 % des cas, proportion bien inférieure à celle relevée habituellement aussi bien en Amérique qu’en Europe. C’est la, semble-t-il, l’essentiel des remarques que puisse susciter ce tableau. Les autres localisations ne semblent présenter aucune parti¬ cularité digne d’être notée. Le tableau XXIX, qui n’est en somme qu’un complément au tableau XXVIII présente la même répartition des locali¬ tions selon le sexe. Nous crovons superflu de l’accompagner de com¬ mentaires, étant donné que nous serons amenés dans le chapitre sui¬ vant à reprendre les principales localisations précisément en fonction du sexe et de l’âge. C) Répartition des tumeurs malignes selon le sièze précis (4e lettre de la nomenclature). Les données de notre enquête ne nous ont permis de faire cette étude que pour deux localisations importantes. Pour les autres, elles étaient, soit trop imprécises, soit numériquement insuffisantes. 62 IRAN-HOPITAUX Tableau 333 191 - Tumeur maligne de la peau N: Nombre de cas - % : pour 100 toutes localisations. a) Tumeurs malianes de la peau (191 — tableau XXX et gra¬ phique 14). Ce tableau montre que les localisations à la tête et au cou, c’est¬ à-dire aux parties cutanées les plus exposées, sont de très loin les plus fréquentes "Elles atteignent 67,9 % soit plus des deux tiers des cas. Encore faut-il supposer que dans les 20% où le siège de la lésion n’est pas précisé se trouve certainement compris un certain nombre RAN - HOPITAUX 1 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Tableau 3xx1 206 - systême lymphatique N: Nombre de cas - : Pour 100 toutes localisations. de cancers atteignant la tête et le cou. Par contre, le tronc, non exposé au soleil ni aux intempéries, est infiniment moins touché : 2,4 6. On peut s’étonner de l’absence de localisations cutanées multiples qui sont assez fréquentes dans les pays occidentaux. b) Tumeurs maliqnes primitives du sustême lumphatique. Le tapleau XXXI (raphique 15) pous montre dle dans la moitt des cas (49,3 %) la localisation exacte n’a pas été précisée. semblable qu’elles n’ont pas toujours été mentionnées dans notre enquête car on sait la tendance habituelle des lympho-sarcomes ou des adénopathies hodakiniennes à envahir plusieurs aires ganglion¬ naires. 18 A N 101 Lorsque l’aire ganglionnaire est indiquée, ce sont toujours les chaines jugulo-carotidiennes et sous-maxillaires qui sont les plus tou¬ chées. Cette localisation représente au moins le tiers des cas si l’on tient compte des 49,3 % de cas non précisés. On constate également que les adénopathies intra-thoraciques sont rares mais il est vraisem¬ blable qu’elles le sont moins dans la réalité, étant donné qu’elles sont inaccessibles à l’examen clinique direct. Seule une radiographie bien faite est susceptible de les mettre en évidence, Par contre, les adéno¬ pathies intra-abdominales présentent un taux relativement élevé 13,5 %. Il est certain que la palpation permet de les diagnostiquer assez facilement. Enfin, il faut signaler la rareté — sans doute assez sur¬ prenante — des localisations pluri-focales : 1 cas sur 443, lIl est vrai¬ Tableau XXXI IHAN - NSTITUT DU CANCER 191 - Tumeur maligne de la peau N : Nombre de cas -— : Pour 100 toutes localisations. 2) INSTITUT DU CANCER. a) Tumeurs malianes de la peau (tableau XXXII et graphique 14). Les résultats sont ici assez superposables à ceux des hôpitaux de Téhéran et appellent les mêmes commentaires. On relève 67 % de can¬ cers localisés à la tête et au cou : par ailleurs, la proportion de loca¬ lisations cutanées non précisées est pratiquement la même que dans les hôpitaux (20,9 %). La seule différence notable réside dans le fait que ce n’est plus ici le tronc qui est le moins touché mais les mem¬ bres inférieurs. Notons en passant qu’il s’agit la encore d’une partie de la peau qui, comme le tronc, n’est pas habituellement exposée en fran b) Tumeurs maliqnes, primitives du sustême tumphatique (ta¬ pIeau XXXIII, graphique 15). 7 103 rapleau XXXIV IRAN - BOPITAUX 150 - Tumeur maligne de l’œesophage N: Nombre de cas - 4: Pour cent décès d’âge coh 104 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT tition est assez homogène chez l’homme entre 25 et 65 ans. En France. ce cancer apparait dans l’ensemble beaucoup plus tard (vers la cin¬ quantaine). Pour les deux sexes, le maximum de fréquence (13,8 %) s’observe aussi bien de 35 à 39 ans que de 60 à 64 ans. Tableau 3x3V RAN - HOPITAUX 161 - Tumeur maligne du larynx 1 R A N 105 b) Tumeurs malianes du larunx (161). Cette localisation a ici une importance inhabituelle puisque le nombre de cas (238) n’est que légèrement inférieur à celui des cas de cancer du sein (270) (tableau XXXY). Il est, comme toutes les localisations aéro-digestives supérieures. beaucoup plus fréquent chez l’homme que chez la femme (rapport des sexes 4 à 1). Tumeur de l’âge mur, elle présente un maximum de fréquence vers la cinquantaine, (le quart des cas chez la femme), mais, comme pour le cancer de la peau, le risque augmente en réalité avec l'’âge IRAN-HOPITAUX Tapbleau XXXVT 170 - Tmeur maligne du sein 171 - Tumeur maligne du col 174 - Tumeur maligne du corps de l’utérus N: Nombre de cas - A : Pour cent décèn d’âge connu Le tableau XXXY (graphique 17) montre qu’un cas dans le sexe mas¬ culin s’est produit entre 5 et 9 ans : le fait est certainement excep¬ tionnel. c) Tumeurs maliapes de la spbère gépitale féminipe (seip el utérus - 170, 171 et 174). Nous avons regroupé les trois localisations du tableau XXXVI étant donnée la remarquable homogénéité que présente leur réparti¬ tion par age. Le maximum de fréquence, aussi bien pour le sein que LE CANCER AU MOMEN-ORIENT 106 coce (entre 10 et 19 ans). 1R A N 102 pour l’utérus, se situe entre 35 et 54 ans, ce qui, à cinq années près correspond approximativement à ce qu’on observe en Europe. Il est inté¬ ressant de noter que quelques cas se sont produits à un àge très pré¬ d) Tumeurs malianes de la peau (191). C’est, nous l’avons vu, en fran, la localisation de beaucoup la plus fréquemment observée. On relève un total de 1 195 cas (tableau NXNVII dont 1/3 de femmes et 273 d’hommes. Cette prépondérance masculine est peut-être liée au fait que les femmes vivant plus habituellement à leur domicile sont moins exposées que les hommes aux radiations solaires et aux intempéries. Comme pour presque toutes les localisations, la pro¬ portion de cas d’âge non précisé est très élevée puisqu’elle porte sur près d’un tiers des cas. Le maximum de fréquence du cancer de la peau se situe après la cinquantaine (50-64 ans). Le fléchissement que l’on cons¬ tate entre 55 et 59 ans est certainement dépourvu de signification. En réalité, en fran comme ailleurs, la fréquence du cancer cutané aug mente avec l’âge et c’est la proportion relativement faible de personnes âgées dans la population qui semble provoquer la raréfaction des cas après 65 ans. Ceci serait facile à contrôler si l’on calculait par tranches d’âge les toux pour 100 000 habitants en admettant bien entendu que la morbidité hospitalière se superpose à la morbidité générale par cancer. 108 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Tableau XXXVHT RAN - HOPITAUX 198 - Tumeur maligne secondaire et non spécilfée des ganglions lymphatques 1R A N 109 Tableau XXXIX RAN - HOPITAUX 206 - Système lymphatique e) Tumeurs maliqnes secondaires des aanalions lumphatiques (198). Comme il est normal, ces adénopathies secondaires sont nettement moins fréquentes que les primitives qui totalisent, nous le verrons, deux fois plus de cas. Elles frappent — cette notion est classique — 1 R A N 111 2) On ne pourra manquer d’être surpris par la proportion massive des ages jeunes dans cette répartition. Les sujets de plus de 50 ans ne totalisent que 13 cas sur 291, avec un maximum de fréquence dans les deux sexes pour la tranche d’âge 21-30 ans : là encore, bien qu’en Europe la Iymphogranulomatose maligne frappe plus volontiers les adultes jeunes, l’écart est beaucoup moins marqué entre ces derniers et les groupes d’âge plus avancé. 2) INSTITUT DU CANCER. L’ensemble des cas, qui s’élève à 2 471, se rapporte aux années 1956 à 1958 inclus. Ce totai est deux fois plus faible que celui des hopi¬ taux de Téhéran, mais il porte également sur une période trois fois plus courte. On peut donc considérer que, dans l’ensemble, les malades atteints rableau XL. IRAN - NSTITUT DU CANCER 150 - Rmer maligne de l’esophage N:: Nombre de cas 4: Pour cent décs d’ge connu. de cancer sont soignés pour moitié dans les hôpitaux, pour moitié à l’Ins¬ titut du Cancer, mais, de plus en plus, les malades semblent orientés vers l’Institut du Cancer, qui absorbe ainsi une partie de la clientèle pri¬ mitivement destinée aux hôpitaux. Nous avons étudié la répartition par âge et par sexe pour les mêmes localisations cancéreuses que dans les hôpitaux, afin de pou¬ voir examiner s’il existait des divergences intéressantes. Nous les envi¬ sagerons dans l’ordre de la nomenclature internationale, comme pour les hopitaux. Il convient de remarquer que pour l’Institut du Cancer hopitaux, de 40 à 64 ans. LE CANCER AU MOYEN-ORIENT 112 les relevés des cas semblent plus précis et que la proportion des cas ou l’âge n’a pas été indiqué est beaucoup plus réduite que dans les hopitaux. Elle oscille entre 2 et 4 %. a) Tumeurs maliones de l’œsophage (150) (tableau XL, gra¬ phique 16). Il est remarquable qu’on ait enregistré en trois ans à l’Institut du Cancer trois fois plus de cas qu’en neuf ans dans les hôpitaux : 192 contre 69. Il semble donc que les malades atteints de tumeur de l’œeso¬ phage soient plus spécialement orientés vers l’Institut du Cancer. Nous vovons à cette situation une explication possible : les médecins sont si désarmés en présence d’un épithélioma de l’œsophage pour lequel la chirurgie et les radiations sont généralement inopérantes, qu’ils pré¬ fèrent confier le malade à un établissement spécialisé ou, pensent-ils. des soins, même palliatifs, mieux adaptés à son cas, lui seront assurés. De plus, l’Institut du Cancer dispose de générateurs de haute énergie (thératron) dont les autres centres hospitaliers ne sont pas encore dotés. De même que dans les hôpitaux, la prépondérance masculine est plus marquée, mais sensiblement moins qu’en Europe, puisque le rap¬ port des sexes n’est même pas de 2 à 1 (113 hommes contre 79 fem¬ mes). Les tranches d’âge les plus touchées s’étalent, comme dans les Tapleau X11 IRAN - NSTITUT DU CANCER 161 - Tumeur maligne du laryx 114 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT relève pratiquement trois fois plus d’hommes que de femmes. Il est difficile de commenter la répartition par âge de cette localisation, car elle ne porte que sur un total de 87 cas, ce qui est nettement insuf¬ fisant pour obtenir des pourcentages de quelque valeur. c) Tumeurs maliqnes de la sphère aénitale féminine (tableau XLII et graphique 18) (sein, col utérin et utérus SAI, n° 170, 171 et 174 de la Nomenclature Internationale). Il est ici intéressant de signaler la forte prépondérance de la loca¬ lisation cervico-utérine qui totalise trois fois plus de cas que la loca¬ lisation mammaire, alors qu’elle n’en totalise que deux fois plus dans les hôpitaux. Tableau XLHI IRAN:INSTITUT DU CANCER 1a1 : Ngets Bltge duve N: Nombre de cas - 6 : Pour cent décès d’âge conu. En Europe, c’est habituellement le cancer du sein qui est le plus fréquent C’est ainsi que dans l’enquête menée par l’Institut National d’Hygiène en Loir-et-Cher, nous relevons 121 cas de cancer du col pour 152 cas de cancer du sein, dans ce département francais Il y a là une notion intéressante, d’autant plus qu’on observe exac¬ tement l’inverse en Israél, où les tumeurs du sein sont beaucoup plus fréquentes que les tumeurs utérines. Pour les trois localisations étudiées, le maximum de fréquence s’observe autour de la cinquantaine (tranche d’âge de 40 à 54 ans. 1R A N femme. Le maximum de fréquence s’observe après la cinquantaine, et 115 en particulier). Ceci confirme ce que nous avions observé dans les hôpitaux. A noter, cependant, que la proportion des tumeurs utérines de localisation non spécifiée est ici beaucoup plus faible : 11 cas seu¬ lement sur un total de 286 cancers utérins. d) Tumeucs maligaes de l4 peau (190-191) (tableau XLIL et gra¬ phique 19). Comme dans les hôpitaux, la localisation cutanée est également à l’Institut du Cancer de loin la plus fréquente avec 26,8 % de l’ensemble. De même, elle frappe deux fois plus fréquemment l’homme que la Tableau XLIV IRAN - NNSTITUT DU CANCER 198 - Tumeur maligne secondaire et non spécifiée des ganglions lymphatiques N: Nonbre de cas - 4 : Pour cent décès d'âge comnu. spécialement dans le groupe d’âge 60-64 ans, qui totalise le quart des cas (24,3 %%). La fréquence diminue rapidement ensuite et ceci est lié en partie au fait que la population iranienne comprend relativement peu de vieillards. Il est intéressant de noter dans le groupe d’âge 55-59 ans un flé¬ chissement aussi important que celui que nous avions observé dans les statistiques hospitalières. Il y a là un fait curieux puisqu’on le retrouve aussi net dans des établissements hospitaliers différents dont les sta¬ tistiques portent sur des, périodes de temps également différentes. Nous sommes dans l’impossibilité d’en présenter une explication valable. IRAN - NSTITUT DU CANCER LE CANCER AU MOYEN-ORENT 116 Tableau XLY 206 -— Tumeur maligne du système lymphatique Les 8 cas observés chez l’enfant de moins de 15 ans sont vrai¬ semblablement des naevocarcinomes, les épithéliomas spino et basocel¬ lulaires étant absolument exceptionnels dans l’enfance. e) Tumeurs mafanes secondaires des aanolions lumphatiqnes (198) (tableau XLIY et graphique 20). La statistique de l’Institut du Cancer comprend presque exactement deux fois moins de cas que celle des hôpitaux (92 contre 195), mais les cas feminins y sont relativement plus nombreux que dans les hôpitaux puisque la sex-ratio est de 5 à 4. La répartition par âge y est pra¬ tiquement la même avec un maximum de cas autour de la cinquantaine f) Tumeurs mationes primitives des aanalions lumphatiques (206). (tableau XLV et graphique 21). Comme pour la localisation précédente, on relève ici deux fois plus de cas que dans les hôpitaux. On peut d’ailleurs leur appliquer les mêmes commentaires car on trouve le même étalement des ages avec le même maximum dans la tranche 50-54 ans (12,3 % à l’Institut du Cancer et 12,1 % dans les hôpitaux). Nous n’avons pas cru utile de présenter la répartition par sexe et par âge pour les autres localisations qui comportaient un nombre insuffisant de cas. IRAN - HOPITAUX (Histologe). 116 LE CANCER AU MOMEN-OBIENT E) Répartition des tumeurs malignes les olus tréquentes, seton l’histologie. Nous avons choisi pour cette étude histologique trois des plus importantes localisations, pour lesquelles nous possédions des rensei¬ gnements histologiques précis sur un total élevé de cas. La première concerne le col de l’utérus : dans les deux dernières. la peau et l’œsophage, l’élément masculin domine. l'Institut du Cancer, dans l'ordre de la nomenclature et sexes réunis. Nous étudierons comparativement les données des hôpitaux et de Tabieau XLVII IRAN - NSTITUT DU CANCER (Histologe). 171 - Tumeur maligne du col de l’utérus Tableau XLIX 171 - Tumeur maligne du col de l'utérus 18 A N 119 a) (Esophage (150) (tableaux XLVI et XLVII). A l’Institut du Cancer, les formes d’épithélioma spinocellulaire augmentées des formes à tendance spinocellulaire représentent 90 % de l’ensemble des tumeurs de l’œesophage. Les formes glandulaires sont beaucoup plus rares puisqu’elles ne représentent que 5,6 %% de l’ensemble. Rappelons que SARKISSIAN n’en relève que 2 % dans son enquête. Enfin, on ne note qu’un seul sarcome sur 192 cancers. Dans les hopitaux, le total des cas est trop faible pour en tirer des pourcentages présentant quelque valeur, mais la tendance est la même et les épithéliomas spinocellulaires constituent plus de 85 %% du total des cas. b) Col de l’utérus (171) (tableaux XLVI et XLIX et graphique 22). Pour cette localisation, le total est élevé et l’on peut en tirer des pourcentages significatifs. On relève dans les hopitaux deux fois plus de cas qu’à l’Institut du Cancer. Pour les premiers, près de la moitié des épithéliomas sont du type spinocellulaire (47 %): ceux du type basocellulaire sont rares (1.3 %). certainement plus rares qu’ils ne le sont en France. Enfin, ceux du type intermédiaire (19,5 - 23,6 1.3 — 44,4 %) représentent un pourcentage 120 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Tableau L. IRAN - HOPTAUX DE TÉHÉRAN (Histolode Iau : ppeir malone de la peau IRAN 21 Tableau LI IRAN - NSTITUT DU CANCER (Histologie) 191 - Tmeur nalitgne de la peau qui atteint presque celui des épithéliomas spinocellulaires et dépasse de beaucoup le pourcentage français. Les épithéliomas glandulaires sont rares (6 % au total). Nous noterons l’existence de quelques formes d’épithélioma in situ. A l’Institut du Cancer, si les épithéliomas glandulaires atteignent les mêmes pourcentages que dans les hopitaux (6,2 %), les formes inter¬ médiaires sont plus rares et les formes spinocellulaires plus fréquentes que dans les hôpitaux. Mais ces constatations ne peuvent avoir de signification précise que si le même histologiste a lu toutes les coupes, ce qui nous semble bien improbable. Il est certain que le facteur personnel compte dans l’interprétation des données, spécialement en anatomie pathologique. c) Pequ (190-191) (tableaux L. et LI et graphique 23). On peut pratiquement considérer que tous les cas ont donné lieu à un examen histologique, tant à l’Institut du Cancer que dans les hopitaux, car, dans ces deux organismes, trois cas seulement n’ont pas fait l’objet d’un examen. Pour cette localisation encore, les statistiques des hopitaux tota¬ lisent deux fois plus de cas que celles de l’Institut du Cancer. 122 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT Dans l’ensemble, les données des hôpitaux et de l’Institut du Can¬ cer présentent une assez grande homogénéité. Les épithéliomas spino¬ cellulaires l’emportent, mais assez faiblement, sur les basocellulaires. D’autre part, on rencontre quelques formes rares (xeroderma pigmen¬ tosum, mycosis fongoide, etc.). Les sarcomes ne représentent guère que 14 % de l’ensemble dans les hêpitaux et à l’Institut du Cancer, Par contre, les naevocarcinomes ne sont pas rares : 6 à 8 %% du total. On retrouverait en France une répartition histologique assez super¬ posable, de sorte qu’on peut dire que si les cancers cutanés sont plus fréquents en lran, leurs formes histologiques sont sensiblement les mêmes que dans les pays occidentaux. de l’ensemble des cancers. ESSAL D’INTERPRÉTATION DES PARTICULARITÉS ORSEBVÉES POUR CERTAINES LOCALISATLONS EN IRAN 1) Cancer de l’OEsophage En nous référant au diagramme polaire (graphique 12), établi par le General Department of Public Health de Téhéran, nous vovons que cette localisation représentait pour l’année 1955, 8, 35 % de l’ensemble des cas de cancers (2558 cas) déclarés au Ministère de la Santé Publique. D’autre, part, le tableau XXVI nous montre que, pour les cas de cancer relevés dans les hopitaux de Téhéran, pour la période 1950 à 1958 inclus, l’œesophage figure pour 1. 3 % alors qu’à l’Institut du Cancer il figure pour 7,8 % pour la période 1956 à 1958 inclus. Constatons, en passant, les différences importantes qui existent entre les taux de ces groupes hospitaliers (1.3 % contre 7,8 %%) et rappe¬ lons une fois encore qu’elles sont dues à la répartition très inégale des localisations du cancer, selon l’orientation, la spécialisation du groupe hospitalier ou encore le recrutement des malades. La fréquence élevée du cancer de l’œsophage confirme ce qui avait été signalé à l’un de nous en 1958, lors d’un premier vovage en lran, et qui ne reposait que sur une impression du corps médical puis¬ qu’aucune étude épidémiologique n’avait encore pu être réalisée. Il nous parait intéressant de comparer certains taux recueillis dans la littérature de ces dernières années avec ceux qui concernent le cancer de l’œesophage en lran — sans pour cela lenter de faire coincider les années d’observation, qui sont très variables d’un pays à l’autre à seule fin de donner un apercu comparatif de la question. En France, en 1958, la localisation œsophagienne, représente 4,25 % de l’ensemble des décès par cancer (3 796 cas sur 80 186 décès). Rappelons que pour cette localisation meurtrière, les relevés de mor¬ talité peuvent être assimilés à ceux de la morbidité. Cette dernière n’est connue dans notre pays que par l’enquête réalisée en 1951-52 dans le Loir-et-Cher : l’œsophage y tient la neuvième place avec 4, 1 % 124 IE CANCER AU MOYEN-ORIENT En Angleterre, d’après B. W. BAVEN (1), la mortalité par tumeur de l’œesophage représente 3,25 % de tous les cancers chez l’homme et 2,01 %% chez la femme, soit 2,63 % au total. Au Portugal, à l’Institut d’Oncologie, le cancer de l’œesophage représente d’après F. COSTA RAMOS (2). L.3 % de tous les cancers. Aux U.S. A, d’après P.E. STEINER (3), il représente 2 % de tous les néoplasmes malins. Enfin, d’après L%. SANTA CRUZ (4), la localisation œsophagienne représente, aux Philippines, pour la période 1945-1953, 0,6 % de tous les cancers du pays (47 cas, dont 3 ont été autopsiés). Par contre elle est la localisation la plus fréquente parmi la population indigène de l’ile de Curacao et atteint 27,7 c% de tous les décès, pendant la période 1936-1947, d’après une série d’autonsies (PH. HARTZ (5). A Sin¬ gapour, d’après C.S. MUIR (6), elle atteint 27,6 % de tous les décès par cancer. De l’exposé de ces quelques chiffres, il résulte qu’à l’exception de Curacao et de Singapour, aucun autre pays ne présente une propor¬ tion de cancers de l’œsophage aussi élevée que l’Iran. Il y a sans doute la un phénomène assez particulier qui justifie, crovons-nous, une ten¬ tative d’interprétation. Quels sont donc les facteurs susceptibles de provoquer ou de favo¬ riser le développement du cancer de l’œsophage dans ce pays 2 On a souvent incriminé (CRAVER, aux U.S.A.: DIETZ : SANGHVI, aux Indes) l’habitude de fumer la cigarette. Il ne semble pas, cepen¬ dant, que les turkmen qui paiept le plus lourd tribut au cancer de l’œsophage s’adonnent plus que les autres lraniens à la cigarette. L’alcool a aussi ses partisans, dont les arguments semblent plus solides, F. COSTA BAMOS (2) cite TISON et PEQUET en France, qui ont remarqué que sur 100 cas de cancer de l’œsophage, on relève à Lille 95 %% de consommateurs habituels d’alcool Il cite également CLEMMESEN, au Danemark, qui observe des faits analogues : IRI¬ SAVA, à TOkio, qui incrimine le Saka, boisson contenant 14 % d’alcool. Pour HURST, aux U.S.A, l’alcool augmenterait quatre fois les proba¬ bilités de contracter un cancer œsophagien, alors que pour H. PET¬ TIT (1), au contraire, il n’aurait pas de rôle étiologique, Il nous semble que les arguments de ce dernier ne sont pas de nature à emporter la conviction, et tous les cancérologues ont à la mémoire des faits pour le moins troublants oi l’alcool semble bien jouer le rôle de facteur favorisant. Ceci doit être surtout vrai des alcools à degré élevé (rhum. eau-de-vie, marc). (1) R.W. RAVEN, Acta U. LC.C. Vol, 14, ne 5, pp, 558-563 — 1958. (2). F. COSTA RAMOS. Arquivio Patologia. Vol. XXX, n° 3, pp, 539-595 - 1958. (3).. P.E. STEINER. Cancer. Vol, 9, n° 3, pp. 436-452 - 1956. (4) J. SANTA CRUZ. Acta UICC. Vol, 14, ne 5, pp. 545-547 - 1958. (5) P.H. HARTZ. Acta UICC. Vol. 14, n° 5, pp., 564-569 - 1958. (6) C.S. MUIR. Brit. J. Cancer. Vol. XIII, n° 4., pp, 595-605 — 1959. (7) H.S. PETTIT. Amer. J. Rontg. Vol 77, n° 5, pp. 818-825 - 1957. LE CANCER AU MOYEN-ORIENI 125 Mais le rôle étiologique de l’alcool n’est sans doute pas univoque. et il faut, en lran, faire intervenir d’autres facteurs : on sait, en effet, que la religion musulmane interdit la consommation des bois¬ sons alcoolisées, et les lraniens dans leur ensemble suivent ce pré¬ cepte ; rares sont ceux qui les enfreignent. A Curaçao où la fréquence de cette localisation est exceptionnelle¬ ment élevée, parmi la population indigène, on ne boit pas plus d’alcool. d’après HARTZ, que dans les pays peu touchés. On peut tout de même se demander si, dans les Antilles, la culture intensive de la canne à sucre ne favorise pas la consommation de rhum ou de produits similaires. HARTZ serait tenté d’attribuer la cause de la prédisposition à cette localisation de cancer à des facteurs de milieu, tels que la polution aimosphérique, l’ile possédant de grandes raffineries de pétrole pro¬ ductrices de fumées peut-être cancérigènes. Il est vrai que cette action serait plus sensible encore au niveau des muqueuses respiratoires. Quoi qu’il en soit, ce facteur ne peut être invoqué en lran où. malgré d’importantes ressources pétrolières, la maieure partie de la population est agricole. On attribue également un rêle à l’action phusiauc des aliments ingérés : La température de ces alimenis, quand elle dépasse un certain degré de chaleur, serait susceptible, en provoquant des altérations de la paroi œsophagienne — de la muqueuse surtout — de faire le lit au cancer, de l’œsophage et ce pourrait être le cas chez les lraniens. et particulièrement chez les Turkmen, pour lesquels on signale une forte proportion de tumeurs œsophagiennes et qui ont l’habitude de boire leur thé bouillant, à toutes les heures de la journée. Les arguments de RAMOS contre cette hypothèse ne sont pas absolument convaincants : les liquides ingérés seraient déjà refroidis à leur passage dans la bouche et atteindraient l’œsophage à une tem¬ pérature insuffisante pour léser la paroi œsophagienne : de plus, ce n’est généralement pas le tiers supérieur de l’œsophage qui est le siège le plus habituel du cancer. En réalité, l’expérience quotidienne montre qu’au cours de la déglutition d’une tasse de thé, chaque gor¬ gée ne séjourne dans la bouche que quelques secondes, ce qui est très insuffisant pour en refroidir efficacement la température. P.E. STEINER, qui a beaucoup étudié l’épidémiologie du cancer. envisage l’action chimiauc comme facteur étiologique et cite KIVI¬ RANTA, au Japon. Celui-ci a trouvé dans l’anamnèse de 381 malades atteints de cancer de l’œsophage 9 cas de rétrécissement par ingestion de produits corrosifs (les 9/10 par de la lessive). C’est évidemment une étiologie possible, mais elle ne doit pas être courante en lran. D’ailleurs, on peut généralement supposer que tous les facteurs d’irri¬ tation, infection, inflammation, etc. sont susceptibles d’être des phé¬ nomènes prédisposants, aussi bien pour l’œesophage que pour les autres focalisations. 126 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT L’hérédité ne semble pas devoir être prise en considération. De tout ceci, on ne peut conclure avec certitude. Sans doute le facteur thermique est-il valable chez les Turkmen, mais il n’explique pas tout. Peut-être existe-t-il chez de nombreux lraniens certaines habi¬ tudes alimentaires, telles que l’utilisation d’épices ou d’aromates par¬ ticuliers, qu’il y aurait intérêt à rechercher. C’est peut-être dans cet emploi exagéré des énices, aromates et condiments variés, tels que le piment, que pourrait se trouver la cause de la grande fréquence du cancer de l’œsophage à Curaçao et à Singapour. 2) Cancer de la pequ Comme nous l’avons déjà signalé dans l’enquête sur le cancer en Israel, la localisation culanée est en lran, prépondérante et représente le quart de l’ensemble des tumeurs malignes. Nous savons également que le Noir d’Afrique paie un lourd tribut au cancer de la peau et il nous a semblé, par conséquent, intéressant d’établir unp parallèle entre les caractères propres du cancer cutané chez l’Iranien d’une part, et chez le Noir d’Afrique, d’autre part. Alors que l’Iranien présente le plus fréquemment des localisations cutanées à la tête et au cou — que nous avons essavé d’expliquer par les modifications thermiques exagérées et la sécheresse du cli¬ mat — le Noir d’Afrique (1) présente plus couramment des épithé¬ liomas des membres inférieurs (2). Ce fait n’est pas lié à une parti¬ cularité raciale — bien que la pigmentation des Noirs représente peut¬ être un écran à la pénétration actinique — ou géographique, mais semble devoir être rattaché au mode de vie et aux conditions du milieu. En effet, les Noirs d’Afrique présentent facilement des ulcé¬ rations chroniques des jambes, suppurant longuement, entretenues par les thérapeutiques fraditionnelles souvent utilisées par les indigènes. ulcérations qui sont évidemment susceptibles de se cancériser. D’autre part, en raison de la végétation et de la nature du sol, la peau des (1) P.F. DENOIX, J.R. SCHLUMBERGER, C. LAURENT et L. MAUIOL. Mono¬ graphie de l’Institut National d’Hygiène n° 12. Paris 1957, pp 54 et 57. Dans cette monographie de l’Institut National d’Hygiène, l’étude sur le cancer chez le noir d’Afrique à porté sur les annćes 1940 à 1955 incluse. La localisation cutanée a représenté 11,5 % de tous les cancers dans le sexe masculin et 10 % dans le sexe féminin. Depuis lors, cette étude a été complétée chaque année (Bulletin de l’LN.H.) La dernière publication qui a trait aux cas enregistrés en 1957, en A.O.F. et AE.F., au Togo et au Cameroun, signale que la localisation cutanée représente 12 % de l’ensem¬ ble des cancers declarés chez l’homme. On y note une importante rgression par rapport à 1956 ou, dans le sexe masculin, 28 % des cancers étaient le fait de la localisation cutanée. (2) J. LEGUERINAIS. C. LAURENT et L. MALTIOL, Bnuletin de l’Institut Natio¬ nal d’Hygiène. T. 15, n° 1. pp 1-12 - 1960. 18 A N 127 jambes est fréquemment entamée, arrachée par les broussailles épi¬ neuses si courantes dans ces régions, et, la chaleur aidant, les surin¬ fections microbiennes et parasitaires se développent rapidement. En fran, rien de tel, le sol ne présentant qu’une végétation rare. quand il n’en est pas totalement dépourvu. Peut-être faudrait-il faire intervenir dans la genèse des cancers cutanés le manque d’hygiène, et spécialement d’hygiène de la peau. Les lraniens des régions désertiques rencontrant les plus grosses dif¬ ficultés à se procurer l’eau nécessaire à l’alimentation ne peuvent consacrer ce précieux élément à l’hygiène corporelle : alors que les Israéliens, surtont ceux des villes, ont la possibilité de pratiquer une hygiène corporelle semblable à celle des pays occidentaux dont la plupart sont originaires. Enfin, il serait peut-être pertinent d’attribuer un rôle, dans la pro¬ duction du cancer cutané, à la nutrition défectueuse fréquente en lran, et qui, non seulement retarde la cicatrisation des plaies, mais est également susceptible de provoquer des dermatoses pouvant faire le lit du cancer. Comme nous l’avons déjà vu (page 4), l’alimentation des lraniens présente des carences vitaminiques importantes qui pour¬ raient jouer un rôle cans l’étiologie des tumeurs de la peau. CONCLUSION L’Iran, dont la superficie équivaut à trois fois celle de la France et dont la surface cultivable n’occupe que le huitième du pays, a réa¬ lisé dans le domaine de la Santé Publiate, une œeuvre considérable. Il existe diverses Facultés de Médecine dans les villes de province (Chiraz Ispahan, Tabriz. Ahvaz, Mesched) auxquelles sont rattachés des hôpitaux assez importants. Mais, c’est à Téhéran, capitale de l’Iran. que sont concentrés les services hospitaliers disposant de tous les moyens les plus efficaces pour l’établissement du diagnostic et le trai¬ tement des malades. En ce qui concerne le cancer, les soins aux malades sont assurés : 1° Par l’Ipstitnt du Cancer de l’Iran (100 lits) de conception très moderne, qui dispose des méthodes de traitement les plus récentes. (bétatron, thératron), et d’un microscope électronique dont la mise en place était prévue pour le début de 1960. Cet Institut, fondation ori¬ ginale qui date de 1956 et qui, tout en étant subventionnée par le Lion et Soleil Rouges de l’Iran (équivalent de notre Croix-Rouge fran¬ caise), est en relation étroite avec la Faculté de Médecine de Téhéran. C’est, en effet, de cet Institut que dépend la Chaire de Cancéro¬ logie, qui comprend deux organismes : — Le Centre de Diagnostic des tumeurs. — et le Centre de Recherche Charles OBERLING. 2° Par les dix arands hôpitaux de Téhéran (1 250 lits) qui dépendent de la Faculté de Médecine de cette ville, à laquelle le nom du pro¬ fesseur C. OBERLING reste attaché. Bien que non spécialisés, ces hôpi¬ taux traitent une assez forte proportion de cancéreux, ce qui leur est commun avec de nombreux hôpitaux européens. Le Ministère de la Santé Publique de l’Iran, grâce à son « General Department of Public Health », dispose d’un service de statistiques qui est à meme de rournr, de raçor de plus en plus précise pour la région dans ces vingt dernières années. LE CANCER AU MOYEN-OBIENI 130 de Téhéran, les renseignements d’ordre démographique et médico¬ social concernant la santé publique : mortalité et morbidité. a) Mortalité. Elle ne porte que sur le dixième de la population de l'Iran, puis- que les documents rassemblés ne concernent que la ville de Téhéran et ses environs, et elle se trouve en quelque sorte faussée par une mortalité infantile considérable (les décès des enfants de moins de 4 ans entrent pour moitié dans la mortalité générale). Quoi qu’il en soit, la proportion de décès par cancer est extré¬ mement faible (3 %, contre 20 % dans les pays d’Europe Occidentale et certainement inférieure à la réalite, en raison du grand nombre de cas non diagnostiqués et non enregistrés. C’est pourquoi les tumeurs malignes ne viennent qu’au huitième rang des causes de décès : elles affectent d’une façon sensiblement égale les deux sexes, avec un maxi¬ mum de fréquence entre 55 et 64 ans. Les localisations les plus fréquentes sont la peau, le col de l’uté¬ rus, l’œsophage et le système lymphatique, répartition très différente de celle qu’on observe dans nos pays. b) Morbidité. Un premier travail sur la morbidité cancéreuse en 1955 dans les hôpitaux de l’Iran et portant sur un total de 2558 cas a été réalisé et publié en 1959, par le « General Department of Public Health ». Les résultats ne portaient malheureusement que sur une année et un nombre un peu insuffisant de cas. La mission d’études que l’un de nous a poursuivie en 1959 en lran nous a permis d’entreprendre. avec l’appui du Professeur ARMIN et du Docteur HABIBI un premier sondage plus étendu dans le domaine de la morbidité cancéreuse. C’est ainsi que tous les cas de cancer observés dans les hôpitaux de Téhé¬ ran de 1950 à 1958 inclus ont été enregistrés selon un schéma stan¬ dard assez simple (sexe, âge, localisation, histologie). Nous avons pu ainsi recueillir 5 227 observations de cancer en neuf années. D’autre part, en 1959, un travail analogue a été poursuivi à l’Ins¬ titut du Cancer de l’Iran et a permis de collationner 2 471 cas, entre les années 1956 et 1938 incluse. Nous avons donc disposé au total de 7 698 cas de cancer, nombre suffisant pour permettre des études statistiques de quelque valeur. Comme pour les statistiques de mortalité, les taux de morbidité nous montrent que les localisations cancéreuses présentent une répar¬ tition très différente de celle qu’on observe dans les pays occidentaux. C’est ainsi que le cancer cutané arrive au premier rang et repré¬ sente le quart de tous les cancers, que les tumeurs malignes du col de l’utérus arrivent au deuxième rang et représentent le dixième de l’ensemble (deux sexes réunis), qu’enfin, les tumeurs du système lym¬ phatique occupent le troisième rang. I R A N 13 Nous notons également une prépondérance des localisations laryn¬ gée et œsophagienne, si rares en nos pays. D’autre part, les sarcomes du tissu conionctif, exceptionnels en France, occupent le onzième rang, alors que les tumeurs gastriques. les plus fréquentes en Europe, ne viennent qu’au douzième rang. De même, l’épithélioma du poumon, le plus fréquent après celui de l’estomac chez l’homme dans les pays occidentaux, ne représente dans la morbidité hospitalière de Téhéran que 1.3 %% des cas de cancer. La prépondérance de certaines localisations nous a incités à ten¬ ter un essai d’interprétation étiologique. C’est ainsi que le cancer de l’œsophage qui présente une fréquence spécialement élevée (moyenne 548 %) comparée à celle des pays de l’Europe Occidentale a retenu tout d’abord notre attention. Son étio¬ logie que l’on attribue plus spécialement à l’habitude de fumer la ciga¬ rette et surtout à la consommation d’alcool semblerait liée pour une part, en lran, à l’action thermique sur la muqueuse œsophagienne des aliments ingérés, et particulièrement celle du thé absorbé bouillant. à toute heure du jour. Cette hypothèse n’exclut pas la possibilité d’in¬ tervention d’autres facteurs tels que certaines habitudes alimentaires (utilisation d’épices et d’aromates particuliers). La localisation cutanée des tumeurs malignes est prédominante en fran : elle représente le quart de l’ensemble de ces tumeurs et affecte principalement la tête et le cou, régions constamment exposées à l’air et au soleil. Le climat continental avec ses variations thermiques excessives, et la sécheresse qui règne sur le haut plateau iranien pour¬ raient avoir un rôle dans l’étiologie de cette forme de cancer. Ce travail présente une enquête originale sur la morbidité hospi¬ talière dans les hôpitaux de Téhéran commencée en 1958 avec l’aide du Docteur HABIBL, Elle a permis l’étude statistique des données — encore fragmentaires, il est vrai — concernant 7 698 cas. La Faculté de Médecine à l’intention de poursuivre cette tâche, en éclairant plus particulièrement certaines questions restées jusqu’à présent dans l’ombre, telles que les rapports entre la grossesse et le cancer de l’uté¬ rus, entre l’allaitement et le cancer du sein, chez la femme : et enfin. entre l’usage du tabac et les tumeurs des voies respiratoires. Cette première enquête sur les aspects particuliers du cancer au Moyen-Orient pourrait être, en quelque sorte, le point de départ de futures investigations, dans les pays voisins de l’Iran ou d’Israel (Tur¬ quie, frak, Jordanie. Liban, etc.). On arriverait peut-être ainsi à déga¬ ger les aspects et les tendances de la maladie cancéreuse parmi les variétés ethniques de cette entité géographique que représente le Moyen-Orient. En terminant, nous avons à cœur de remercier le Professeur ARMIN et le Docteur HABIBI — qui nous ont permis de jeter les premières bases de notre étude — ainsi que le Professeur RAHINATIAN et le Docteur ADHAM de l’aide précieuse qu’ils nous ont apportée et de la cordialité de leur accueil. 19 TABIE DES FIGUBES 1. — CARTESI Pages ISRAEL IRAN. 82 II. — GRAPHIQUES 4) ISRAEL. 1. Répartition des populations par âge, en 1958, en Israel et en France....... 2. Graphique comparatif des principales causes de décès en France et en Israel (population juive)................... 3. Décès par cancer de l’estomac (1957). Répartition par age (Sexes réunis)......................................... 4. Décès par cancer de la trachée, des bronches et du poumon (1957). Répartition par âge (sexe masculin)............... 5. Décès par cancer du sein (1957). Répartition par àge (sexe féminin).......... 6. Principales localisations tumorales d’après le nombre d’hos¬ pitalisations (1955).................................... 7. Les localisations les plus fréquentes du cancer à l’Institut du Radium (1959)............................... 48 12 22 22 28 29 42 134 LE CANCER AU MOYEN-ORIENT D) IRAN. 8. Répartition par tranches d’âge de la population de Téhéran (Recensement de 1956)................................. 9. Courbe des décès en fonction de l’âge (21 mars 1955-20 mars 1956) (nombres absolus)............................... 10. Les huit principales causes de décès à Téhéran (21 mars 1953¬ 20 mars 1956)........................................ 11. Les sept localisations les plus fréqueptes du cancer à Téhéran (morbidité 21 mars 1955-20 mars 1956). General Depart¬ ment of Public Health.................................. 12. Répartition des principales localisations (Diagramme polaire). d’après le General Department ot Public Health.......... 13. Les sept principales localisations du cancer (morbidité hospi¬ talière) (deux sexes). Hopitaux et Institut du Cancer...... 14. Le cancer de la peau. Répartition par localisations anato¬ mIqHeS) ........................................ 15. Les tumeurs malignes primitives des ganglions lymphatiques. 100 Répartition selon la localisation........................ 16. Cancer de l’œsophage: répartition par ages....... 103 194 17. Cancer du larynx : répartition par ages................ 18. Cancer du col de l’utérus: répartition par àges........ 106 107 19. Cancer de la peau : répartition par ages................. 20. Tumeurs malignes secondaires des ganglions lymphatiques : 108 répartition par ages...................................: 21 T’umeurs malignes primitives du systême lymphatique : 199 répartition par àges................................... 22. Cancer du col de l’utérus : formes histologiques les plus 119 fl'équentes............................................ 120 23. Cancer de la peau : formes histologiques les plus fréquentes: 76 78 81 86 85 98 99 Mémoire sur l’enregistrement du Cancer en Israel: TARIE DES MATIERES ISRAEL Pages GENERALITES ET RAPPEL GEOGRAPHIQUE POPULATIONS ET RACES ORGANISATION DE LA SANTE Enseignement de la médecine LITTr ANTICAYCERELISE LES STATISTIQUES DE CANCER La mortalité par cancer en Israel. L. Rapport des sexes.... 2. Quelques remarques sur certaines localisations....... a) Estomac...... b) Poumon...... c) Sein.......... d) Col de l’utérus... 6) Peau......... f) Leucémie.......... g) Autres localisations: Morbidité par cancer en larasl.. 15 16 12 19 19 23 23 23 26 28 28 30 30 30 31 31 40 136 IE CANCER AU MOYEN-ORIENT Le nouveau registre israélien du Cancer 34 34 a) Généralités................ 35 b) Buts.......... 36 C) Structure................... 36 d) Organisation............. e) Sources de renseignements...................... 36 f) Organisation technique....... 37 8) Problèmes actuels............ 38 h) Codification utilisée par le registre israélien du 39 Cancer ............. i) Les premiers résultats publiés..... 39 Morbiaite bospitalière par Cancer L’enregistrement des cas de Cancer à l’Institut du Radium (Hadassah Hospital)................................. 43 ESSAL D’INTERPRETATION DES PARTICULARITES OBSER¬ VEES POUR CERTAINES LOCALISATIONS DANS LA RACE JUIVE 49 1. Cancer du col de l’utérus..... 49 a) Situation de famille...... 50 51 b) Rolé de la fecondité..... c) Ftat socio-économique................ 51 53 d) Habitudes religieuses 3 2. Cancer de la verge 54 54 3. Cancer du poumon 4. Cancer du sein... 55 56 5. Cancer de la peau.. CONCLUSION 59 lnstitut Nosonal d’etudes Démoarachioues BIPL IC2 T Lis CUR 23-25, Ave Ftaollin Boosevelt PAENT-9 Achevé d’imprimer le 22 Décembre 1960 sur les presses de 1. K R. SENNAC 54, fbg Montmartre PARIS-9e N° Iaprimeur 10325. IMPRIME EN FRANCE INSTITUIT NATIONAL D’HYCIENE 3. RUE LÉON BONNAT, 3 N 8 15x Y 11 AUT, 32-84