MINIS TERE DE LA SANTE PUBLIQUE MONOGRAPHIE DE L'INSTITUT NATIONAL D'HYGIENE N° 16 PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE TOME I REGIONS DU SUD ET DE L'OUEST P A RI S 1 9 5 8 VERTITE DUET CO AMTTE TORTATEOILE COLLEGIVM CIVILE AD SANTTATEM Par le Médecin Colonet R. MAROT Médecin des hopitaux militaires Docteur ès sciences TOME 1 MI NIS TE RE DE LA SAN TE PUBLIQUE MONO GRAPHIE DE L’INSTITUT NATIONAL D'HYGIENE N 161 PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE REGIONS DU SUD ET DE L'OUEST PARIS 19 5 8 VRTVTE DUCE CO MITE TURTTTLDLVE COLLEGIVM CIVILE AD SANITATEM Par te Médecin Colonel R. MAROT Médecin des hôpitaux militaires Docteur ès sciences Numéro de chque postal : Institut National d’Hygìne, 9062-38 Paris MONOCRAPHITS DE L’INSTITIT NATIONII DRYCIENE DE1A PARIES : N° L. — Documente statistiques gur la morbidité par cancer dans le monde, par P. F. DENOIX, Paris 1953. — Epuisé. N° 2. — L’économie de l’alcolisme, par L. DEROBERT, Paris 1953. Epuisé. N° 3. — Mortalité urbaine et rurale en France en 1928, 1933 et 1947, par Ch. CANDIOTTI et M. MOINE, Paris 1953. — Prix : 900 F. N° 4. — Contribution à l’tule de l’anophélisme et du paludieme en Coree par C. TOUMANOFF, Paris 1954. — Prix : 1200 F. N° S. — De la diveraité de certains cancers, par P. F. DENOIX, Paris 1954. — Epuisé. N° 6. — La lutte préventive contre les maladies infectieuses de l’homme et des animaux domestiques au moyen des vacins, par G. RAMON, Paris 1955. —- Prix : 1200r. N° 7. — Etudes desocio-pavchiatrie, par H. DUCHENEetcoll., Paris 1955.- Prix: 900F. N° 8. — Rapport eur la fréquence et la sensibilité aux insecticides de ṕdiculus humanus humanus K. Linnaeus, 1758 (anoplura) dans le eud-est de la France, par R. M. NICOLI, Paris 1956. — Prix : 500 F. N° 9. — Etude sur la maladie de Bouillaud et son traitement, par J. CHEVALLIER, N° 19. — Rapport d'enqute aur la régdantuation fonctionnelle des adiltes en Frances par H. G. POULIZAC, Paris 1956. — Prix : 1000 F. N° I1. — Etude pour l'établissement de rations alimentaires nour le tuberculeux en ana¬ torium, par F. VINIT et J. TRÉMOLIERES, Paris 1957. — Prix : 1250 F. N° 12. — Le cancer chez le noir en Afrique françaige, par P. F. DENOIX et J. R. SCHLUMBERCER, Paris 1957. — Prix: 150 F. N° 13. — Broncho-pneumopauhies à virus et à rictetsice chez l’enfant, par R. SOHIER, M. BERNHEIM, J. CHAPTAL eL M. JEUNE. — Prix: 1300 r. N° 14. — L’asistance peychiatrique aux malades mentaux d’origine nord-aficaine musulmane en métropole, par G. DAUMEZON. Y. CHAMPION et Mme J. CHAMPION-BASSET, Paris 1957. — Prix : 1200 F. N° 15. — Documents statietiques sur l’épidemiologie des ihfections typho-paratyphoidiques. de la poliomvélite et des brucelloses en France en 1954 et 1955, par P. CHASSAGNE et Y. GAIGNQUX. — Prix : 1.100 r. En préparation N° 17. — La patbologie rgionale de la France. Tome I. Rgions du Nord, de l’Eat et du Centre, par R. MAROr. Vente des publications à L’INSTITUT NATIONAL D’HYGIENE 3, rue Léon-Bonnat, Paris (16e). — AUTeuil 32-84 d’affection et reportées sur des cartes, même si ces cartes accusent une répar¬ DDÉFACE Le Médecin-Colonel Marot me demande quelques lignes de présentation pour son ouvrage sur la Pathologie régionale de la France, Qu’en dirai-ie sinon qu’ayant connu son dessein, j’ai souhaité voir son manuscrit et qu’en avant eu connaissance, j’ai désiré vivement qu’it fit publié 2 D’autres, plus compétents que moi en apprécieront les aspects médicaux, le veux seulement dire pourquoi un géographe surtout préoccupé des choses humaines s’intéresse a une entreprise comme celle-ci et quel sujet de satistaction il qura à la lecture de ces deux volumes. Quelques indications vraiment divinatrices de Vidal de la Blache mises part, on trouverait peu de données sur les problèmes de géographie médi¬ cale dans notre littérature scientifique contemporaine. Du côté médical, depuis les articles de Bertillon dans le Dictionnaire de Médecine 92 l’on pent ras¬ sembler d’utiles indicqtions sur la manière de traiter les questions d’influence du milieu, des articles du Docteur Neueu Lemaire sur la pathologie exotique montraient la voie — une voie duns laquelle le Professeur lust Navarre apait formellement refusé de s’engager. Du côté des géographes quelques para¬ graphes de Jean Brunhes dans son traité de géographie humaine, mais qui n’apportaient qucune vue originale, nn article puremenr descriptif de Le Lamnou sur la malaria, une négation d’4. Demangeon, fondée sur des motifs de compétence et sur une argumentation peu scientifique, 11 Y a trente ans que j’ai déploré ce vide — et repris le problème par la base (Congrès de Céographie de Cambridge, 1028). Bien des indices semblent indiquer que la curiosité des milieux médicaux est éveillée chez nous. N’eit-ce pas été une chose bien étrange que l’absence de notre pays dans un mouve¬ ment qui entraine tant d’écoles étrangères. Du pays oit précisément les recherches de Pasteur et de ses élèves ont apporté les premtières luntières sur un immense secteur de la géographie médicale 2 Aux Etats-Unis, c’est un médecin français le Dr J. Mever-May qui a donné le branle avec l’élaboration de sa magnifique série de cartes (publications de la Société de Céographie de Neuo Vork) En Allomagne un travail considérable a été accompli sous l’impulsion du Prof. Rodenualdt, de eitz et de Jussutz. Au Japon le Dr Omviti Horigut nons a donné les résultats d’une enqnête extensive sur l’archipel. L’oeuvre du Dr Marot pient donc 3 son heure et prend sa place dans un ensemble. On permettra à l’auteur des Fondements biologiques de la Géographie humuaine de, s’en réjouir. Voila done une confribution canitule 3 P’étude d’unr, probleme fondamen¬ tal de géographie humaiue, l’écologie de l’homme. Il importe en effet qu’oR ne s’y trompe pas. Réduite à des listes critiques de localités rangées par type 4 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE tition, la géographie médicale n’aurait fait que préparer le matériel pour une enquête plus vaste. Le problème est de savoir si cette répartition est purement aléatoire ou si elle se justifie par une corrélation avec un ensemble de facteurs groupés sous le nom de milieu : milieu climatique, milieu vitant. mibieu social. l’ai montré de quelle utilité pouvait être une notion auxiliaire conne celle de complexe pathogne pour l’analyse du milieu vivant et de son action. Elle donne un caractère de généralité à l’investigation géographi¬ que dans ce domaine. D’autre part, l’analyse du milieu sociat implique la connaissance du nivequ de vie, des habitudes alimentaires, en bref, de tout ce que les géographes groupent sur le vocable de genre de vie. La notion de genre de tie se combine qvec celle de complexe pathogène pour expliquer les conditions de contage dans le cas des maladies transmissibles. Certuines affec¬ tion r’accusent pas de répartition systématique, d’autres ont une répartition dont il est difficile de trouver la clé. Mais un plus grand nombre offre des maxima de fréquence très nets et dont on peut trouver l’explication dans les traits du milieu. Celles-l intéressent le géographe. L’auteur en a fait une retue exhaustive et l’on admirera l’étendue de ses dépouillements et la rigueur de sa critique. Tous les médecins connaissent la difficulté d’une telle tâche et le peu de confiance qu’on peut avoir dans les séries statistiques. Même celles qui portent sur les maladies à déclaration obligatoire sont sujettes à caution. Lorsqu’un individu meurt, nous pouvons avoir la certitude de son décès par l’Etat Civil, mais c’est bien tout " Que dire lorsqu’il s’agit de morbidité 1 Le médecin n’est pas toujours appelé à intervenir quand il s’agit d’états fébri¬ les légers, fugaces et apériodiques. Et son attention n’est pas toujours solli¬ citée par les causes véritables lorsqu’il s’agit d’affections peu répandues dont il rencontre peu d’exemples dans sa pratique jourafière. Le laboratoire seul pourrait dans certains cas l’éclairer. le pense à tout ce chapitre des leptospiroses qui me semble appeler de phlus en plus l’intérêt en milieu rurat. L’application de la quatrième regle cartésienne (faire partout des dénombrements entiers et des revues si générales qu’on soit assuré de ne rien omettre) souffre bien des difficultés dans l’espèce. L’exploitation du matériel rassemblé pouvait se faire de deux manières. La. démarche la plus simple consistait établir un dossier géographique pour chaque maladie, en groupant autour d’une carte tous les documents indis. pensables pour la recherche des influences mésologiques. Elle conduisait l’auteur écrire une géographie des maladies. Ce point de vue se défend très bien. II « été adopté par l’auteur japonais que j’ai cité. Et son appli¬ cation peut être intéresante et utile pour le médecin : exactement comme la localisation qui s’ajioute 3 la diagnose de l’espèce végétale peut être utile au botaniste. Le géographe cependant peut souhaiter autre chose. Une méthode qui apporterait au médecin des renseignements plus riches et qui serait plus conforme en même temps aux exigences du géographe lui-même, parce qu’elle prendrait comme point de départ le milieu régional et chercherait à localiser non plus des maladies isolées mais des associations de maladies caractéristiques d’une aire. Car l’expérience montre qu’il existe dans chaque contrée une com¬ binaison dominante d’affections et qu’elle est en rapport qvec l’ensembte des traits du milieu physique et humain, l’ai essavé pour mon compte d’esquisser les lignes essentielles d’une méthode dans le dernier chapitre des F’ondements biologiques de la géographie humaine. La grande originalité du livre du Méde¬ PREACE 3 cin-Colonel Marot c’est qu’il a pour la première fois appliqué une méthode que l’on n’avait guère envisagée que pour de grands ensembles géographiques (con¬ tinents ou zones climatiques) a une aire d’une étendue restreinte, et où les conditions de milieu n’oscilfent qu’avec une amplitude réduite, comme la France. I1 fallait en plus de l’information un bien grand esprit de nuance pour déceler à l’intérieur de nos frontières des régions présentant une certaine originalité. C’était presque une gageure; il l’a tenue. le r’entreprendrai pas de pusser en revue les régions discernées par l’auteur. Pour chacune, il a, comme il convient, fait précéder le tableau nosologique d’un résumé substantiet des autres caractéristiques régionales. c’est-a-dire des conditions de milieu. Mais on ne s’étonnera pas si l’insiste sur ce qu’un tel tableau apporte au géographe, au lecteur assidu des cinquante premières pages du Tableau de la France de Vidal de la Blache. La dualité des influences auxquelles est soumise la France se trouve dans l’individualisation des régions trontalières de notre pays. La pathologie méditerranéenne qvec sa teinture orientale n’est pas seulement la traduction du climat et du mode de vie des populations comprises entre les Pyrénées et la frontière italienne. Elle est sous la dépendance des rapports maritimes avec le Moyen-Orient par la fréquence de toute une famille de maladies. Et l’importance de la voie rhodunienne si marquée dans sa remontée des éléments floristiques, si continue à travers toute notre histoire se manifeste ici avec netteté. Il n’est pas moins saississant de voir sur nos frontières orientales se dessiner une région ou apparaissent les traits de la pathologie de l’Europe centrale. Les cartes zootogiques dressées par le Protes. seur Cuénot pour l’Ailas de France n’avaient-elle pas mis en évidence la péné¬ tration des espèces continentales sur notre territoire par cette porte juras¬ sienne et rhénane : Beaucoup de traits géographiques donnent à la tacade atlantique de notre pays une physionomie particutière quand nous ta com¬ parons au Monde méditerranéen ou aux Pays de l’intérieur. De plus, leur dégradation individualise du Sud au Nord, du pays basque ̀ l’Armorique. au moins deux subdivisions, sinon trois Tout cela se retrouge dans la distri¬ bution des associations pathologiques. Entin, l’ensemble des conditions de oie des contrées industrielles du Nord, que l’on rattache au bassin franço¬ belge, crée un milieu médical particulier, le me borne ces remarques très générales sans évoquer toutes les nuances décrites par M. Marot : it est possi¬ bte grâce à lui d’établir une péritable typologie des circonscriptions médi¬ cales de la France, une sorte de systématique qvec régions, secteurs et même. dans certains cas, sous-secteurs. Tel est le hénéfice pour L céographie médicale Mais il a ausi complété l’image que nous nous faisions de notre pays. C’est pourquoi il faut sou¬ haiter que les médecins me soienr pas seuls à ntiliser ces deux volumes. L’écologie humaine n’est tron souuent gu’un mot pour la plupart des géographes trop facilement satistaits d’avoir démonté les rouages de l’acti¬ vité économique. Ils ont besoin d’être aidés pour pénétrer dans le domaine peu familier de le géographte biologique de l’homme. On remerciera le Médecin-Colonet Marot de leur avoir apporté ce secours. Max SORRE, Professeur honoraire à la Sorbonne. Fevrier 1958. INTRODUCTION De tout temps, un des problèmes les plus débattus en pathologie générale a été celui des rapports qui existent entre des facteurs personnels liés au ter¬ rain et les facteurs externes conditionnés par le milieu dans le développement des maladies. S’il n’est pas toujours facile dans un cas concret d’établir la part qui revient à chacun de ces élements, du moins n’est-il pas douteux que c’est de leur conjonction que dépend la répartition des processus mor¬ bides comme le destin des épidémies dans le monde. Dès lors, il apparait qu’il ne saurait être de méthode plus efficace pour arriver à une discrimination entre les influences en cause que celle qui prend pour base l’étude des pathologies régionales. Les particularités inhérentes au milieu étant essentiellement variables sous chaque climat et dans chaque pays il semble à priori logique d’admettre que les maladies doivent être diffé¬ rentes d’un lieu à l’autré si ce sont les facteurs externes qui dominent, comme elles doivent être au contraire identiques si ce sont les facteurs internes qui l’emportent, humeurs et tissus obéissant chez l’homme à des constantes abso¬ lues quelles que soient les latitudes. Ainsi posé, le problème ne rend cenendant pas compte de toute la complexité des phénomènes. La raison principale de cette complexité réside dans le caractère extrêmement mouvant et des conditions de milieu que nous venons d’évoquer et des populations qui les subissent. Les variations des peuples dans le temps, leurs migrations dans l’espace ont apporté aux noso¬ logies locales des remaniements incessants dont nous retrouvons à chaque instant les traces dans l’histoire. Or ces remaniements anciens ne sont sans doute que peu de chose en comparaison de ceux qui sont actuellement en train de s’accomplir du fait de la multiplication des échanges, de la standar¬ disation des moyens de vie et surtout de ces énormes brassages humains occa¬ sionnés par les guerres modernes. En conséquence la tendance naturelle de cette évolution parait être à première vue d’uniformiser un peu partout les potentiels morbides, en faisant disparaitre peu à peu ce que nous pourrions appeler le « folklore médical » de chaque nation. Dane ces conditions, on peut alors se demander s’il n’est pas déjà un peu tard pour entreprendre un travail d’ensemble sur la pathologie régionale de notre pays. Nous l’avons toutefois tenté, étant convaincu de la valeur des quelques arguments que nous allons maintenant exposer. Tout d’abord, il est un fait assuré, c’est qu’en dépit de leur impor¬ tance croissante les facteurs sociaux ne parviendront jamais à effacer cer¬ taines influences décisives imposées par la nature. Il y aura toujoure une géodésiques adaptées à chaque pays. LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE 8 pathologie méditerranéenne comme une pathologie tropicale, une pathologie de la montagne comme de la plaine, de la sécheresse comme de l’humidité. De la, des spécificités locales que rien ne saurait empêcher et qui trouvent pré¬ cisément sur notre sol national des facilités d’expression particulières, liées à la diversité extrême des reliefs et des climats. C’est ainsi que l’on ren¬ contre chez nous, venues de tous les points de l’horizon mais étroitement asservies au terroir qui les a adoptées, une fièvre boutonneuse provencale, une échinococcose alvéolaire franc-comtoise, une suette miliaire désormais reléguée au fond des quelques vallées de la Charente et du Poitou. En fait, c’est bien là la vraie pathologie régionale avec ses monopoles comme ses exclu¬ sives. Et la description des éléments, qui la composent suffirait déjà à moti¬ ver notre enquête, si celle-ci ne méritait d’être complétée et élargie par l’étude d’une série d’autres affections, plus banales sans doute, mais dont la fréquence, parfois élective, contribue également à conférer à chacune de nos contrées sa silhouette médicale propre. Parmi ces affections, il nous faut mentionner avant tout les grands fléaux universels et les maladies infectieuses dites cosmopolites. Malgré leur ubiquité. ces processus conservent en effet des zones de prédilection bien définies. Il est courant notamment d’entendre dire que la mélitococcie affectionne spé¬ cialement la Corse et la Provence, que l’alcoolisme et la tuberculose ont fait de la Bretagne leur véritable fief, que les fièvres typhoides ravagent princi¬ palement nos côtes, que la scarlatine, enfin, revêt dans le Nord une gravite qui contraste avec sa bénignité sur les berges méditerranéennes. En dressant aussi exactement que possible le « cadastre » de tous ces maux, en essavant surtout d’interpréter leurs incidences, on (imagine tout de suite de quels apports précieux peut ainsi s’enrichir le domaine qui nous occupe. Mais il y a plus. En reprenant une des pensées les plus fécondes de Charles Nicolle, on peut dire que chaque maladie transmissible peut être considérée comme avant une triple existence. En premier lieu, une existence individuelle : elle touche un organisme, parvient à son acmé, puis régresse et disparait en cas de guérison. En second lieu, une existence épidémique : surgissant dans une agglomération humaine, elle y frappe des dizaines, des centaines, voire même des milliers de sujets, atteint bientôt son maxi¬ mum pour ensuite décliner et s’éteindre. Enfin, et c’est ce qui nous importe surtout ici, une existence historique : cela signifie qu’apparue à un moment donné en un point choisi, elle y débute d’abord timidement, le plus souvent par des formes frustes ou inapparentes, multiplie rapidement ses attaques. arrive par sa fréquence et sa gravité croissantes à une sorte d’apogée, puis, perdant à la fois de son dynamisme et de sa virulence, recule petit à petit. abandonnant en fin de compte tout le terrain conquis. Ainsi l’histoire de chaque germe correspond à une courbe où viennent s’inscrire tour à tour ses triomphes et ses échecs. Mais ces courbes, loin d’être parallèles entre elles. se trouvent décalées dans le temps et dans l’espace, tantôt se chevauchant et tantôt alternant, conférant du point de vue épidémiologique à chaque région un visage sans cesse changeant. Si l’on veut s’en convainere, il suffit d’exa¬ miner le cas de la Provence qui, jadis ravagée par la peste, le choléra et le typhus aujourd’hui déchus, a vu s’édifier sur ces ruines, depuis un demi¬ siècle à peine, une pathologie toute nouvelle, entièrement régénérée, où dominent la mélitococcie et la typhoide, associées à des recrues plus récentes telles que la fièvre boutonneuse, le Kala azar et enfin la fièvre des trois jours. De semblables exemples pourraient être multipliés. Tous nous condui¬ raient aux mêmes conclusions : C’est, d’une part, qu’il existe incontestablement des nosologies locales au même titre que l’on distingue des flores, des faunes ou des configurations INTRODUCTION Mais c’est d’autre part — et surtout — que ces nosologies ne sauraient être considérées dans le cadre trop restreint d’un moment. Leur aspect, loin de rappeler l’instantané photographique dont l’image s’estompe avec le temps, évoque bien plutôt un film aux épisodes divers où se retracent les souffrances de l’humanité et parfois aussi ses victoires, quand celle-ci réussit à opposer aux maux qui l’accablent les ressources de son génie. Envisagée sous cet angle, l’étude de la géopathologie peut devenir fort attravante malgré les variations incessantes nécessitant des mises au point continuelles. Au fait, il n’est pas impossible que ce soient ces variations mêmes qui aient jusqu’ici rebuté les chercheurs, retardant l’avènement d’une science qujourd’hui encore à ses débuts. Notre tâche première à donc été de rassembler les documents de base (publications et statistiques) épars dans la littérature médicale, de les con¬ fronter avec les données essentielles de la géographie, puis de les compléter au moyen d’enquêtes personnelles. Ensuite est venue l’œuvre de synthèse, la plus difficile sans doute Exa¬ minant tour à tour les processus les plus caractéristiques de notre temps et de notre pays, il a fallu essaver de déterminer les conditions spéciales de leur dévelopbement en faisant intervenir, outre les notions habhituelles de géo¬ logie et de elimat, de faune et de flore, ce « facteur humain » si important pour l'’épidémiologiste. L’homme, en effet, crée son milieu tout autant qu’il le subit. Et les effets de sa puissance s’étendent de nos jours jusqu’à ses aptitudes morbides elles-mêmes que nous verrons, chemin faisant, se nuancer selon ses mœurs, ses occupations et ses habitudes, selon surtout les expres¬ sions d’un instinct social exacerbé qui le pousse à fonder des cités débor¬ dantes, points d’appel électifs pour les infections. Reste maintenant à définir la « région » dans le cadre oi pous l’avons concue. Afin d’éviter un morcellement excessif des grands courants morbides observés sur notre territoire, nous avons préféré aux frontières trop étroites de l’ancienne province ou du département celles plus souples et plus larges de dix grands secteurs dont l’individualité, du point de vue nosologique. s’avère cependant certaine. A chacun d’eux nous avons consacré un chapitre de cet ouvrage. Tel est le projet que nous présentons En réalité, la matière abordée est infiniment trop vaŝte pour que celui-ci puisse être autre chose qu’une ébauche. Nous estimons néanmoins que notre essiai aura atteint son but s’il peut appor¬ ter quelque précision dans les discussions actuellement en cours et, dans le domaine pratique, s’il procure au médecin civil ou militaire transplanté en terre inconnue des renseignements utiles sur les maux qu’il sera plus parti¬ culièrement appelé à détecter et à combattre. Pour terminer, noue tenons à remercier tous ceux qui ont bien voulu nous aider de leurs conceils dans l’élaboration de ce travail. Notre pensée va tout spécialement à nos anciens Maitres, les Médecins-Généraux Inspecteurs Dutrey et Lieux auprès desquels nous avons toujours rencontré la compré¬ hension la plus parfaite. Qu’ils veuillent bien trouver ici l’expression de notre respectueux souvenir et de notre affectueuse reconnaissance. BAS-LANGUEDOC ROUSSILLON LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 100 Appendice : LE THERMALISME RÉCIONAL La question du Thermalisme sortant du cadre de cette étude, nous nous bornerons à rappeler ici certaines donnes essentielles, renvovant, pour plu de détail aux travaux très complets qui ont été publiés notamment par MM. Giraud et Puech. Le Bas-Languedoc et le Roussillon ont l’avantage de posséder des stations thermales et hydrominérales aussi nombreuses que variées, qui constituent une des ressources du pays et attirent vers lui chaque année une quantité de plus en plus importante de malades. Les voici très rapidement énumérées en suivant l’ordre de leur distribu¬ tion géographique. Quelques-unes d’entre elles sont universellement connues. 1. - Pyrénées-Orientales. Dans ce département, ce sont les eaux sulfurées sodiques qui prédominent de beaucoup. La station d’Amélie-les-Bains, la plus réputée, occupe à 228 m d’alti¬ tude une riche vallée offrant d’une bart un versant climatique très bien exposé et d’autre part un versant hydrominéral dont les sources sont très recommandées aux rhumatisants ainsi qu’aux sujets atteints d’affections chro¬ niques des voies respiratoires. Citons encore, dans la même catévorie. Verner, les Bains Molitx (derma¬ toses), Thuès (accidents de la diathèse arthritique) la Preste (catarrhes chro¬ niques des voies urinaires et lithiase rénale). Carcanières-Escouloubes, etc. Dens un ordre à part, il faut ranger la station du Boulou dont les eaux bicarbonatées sodiques fortes sont indiquées chez les urinaires et dans les diarrhées coloniales. 2. - Aude. On Y trouve des sources aux proprités très diverses : Eaux de Rennes se présentant sous trois formes différentes (thermales simples, chlorurées sodiques et sulfatées ferriques), et convenant aux sequelles articulaires et cardiaques du Rhumatisme. Eaux bicarbonatées calciques ou bicarbonatées sulfatées calciques d’Allet. de Ginoles, de Campagne et de la Fou pouvant être prescrites chez les entéro¬ colitiques et pour les cures de diurèse. 3. - Hérautt. C’est sur le territoire de ce département que se trouvent les deux impor¬ tantes stations de Lamalou et Balaruc. La station de Lamalou, avec ses eaux chaudes (24 à 485) bicarbonatées sodiques et calciques, ses trois sources de Lamalou-le-Bas. Lamalou-le-Centre et Lamalon-le-Haut, se trouve ordinairement conseillée dans les cas de tabès avec douleurs fulgurantes et dans les névralgies de toutes natures (sciatal¬ gies surtout). GÉNÉRALTES Dans cette vaste province méridionale du Languedoc, entre la Garonne et le Rhône, on rencontre, en bordure de la mer, une plaine dont l’étendue d’un seul tenant est un fait géographique des plus rares dans le Bassin médi¬ terranéen. Ce qui donne encore à cette plaine alluviale un aspect bien particulier c’est que, du Roussillon au Rhône, elle est ceinte d’un rempart montagneux massit qui l’isole des pays voisins, protège la molle tiédeur de son climat contre les bises océaniques, lui octroie un système hydrographique autonome avec une végétation parfaitement adaptée. De ce pays, appelé Languedoc méditerranéen ou Bas-Languedoc, on à pu dire avec justesse qu’il était « un Midi dans le Midi » tant il constitue une véritable entité géographique. Cette région, si fermée par ailleurs, s’ouvre largement à l’Est sur le delta et le couloir rhodanien et à l’Ouest communique avec le Bassin aqui¬ tain par un ancien détroit resserré et d’accès"malaisé : le seuil de Naurouze. Le Bas-Languedoc réunit donc par sa plaine alluviale le bassin de la Caronne au hassin du Rhêne en permettant d’éviter la masse génante du Plateau Central. — C’est un pays de passage, un de ces chemins naturels où l’histoire s’est inscrite de toute antiquité. Strabon l’a décrit sous le nom « d’isthme gaulois » — Par là passait la voie Héracléenne réunissant par terre les Emporia phéniciens ou grecs de la côte. — Les Romains lui juxtaposèrent la voie Domitienne plus solide. ombragée de grenadiers qui subsistent encore. — Séduits par la douceur du climat, ils échelonnèrent le long de la voie impériale des colonies de retraite pour certaines légions, notamment la VII (Béziers), ce qui valut au pays le nom de Septimanie. La malheureuse Septimanie, si elle servait de voie des échanges, devait aussi devenir à travers l’histoire la voie sanglante des invasions, et aujour¬ d’hui encore on retrouve en maints endroits la trace de ce passé tourmente. Dans sa physionomie actuelle, ce pays languedocien aux grandes lignes soutenues, aux horizons si nets dans l’irréelle transparence de l’air, se pre¬ sente comme un immense amphithéâtre à trois étages de gradins : La MOn¬ tagne, la Carrigue, la plaine litorale, ouvert sur le merveilleux spectacle de la mer lumineuse. LE BAS-LANGUEDC (Vue dens ENIIIEIE NEPIINAEE LE LA INAINCE 16 J. ta Montagne. Le plus haut gradin est formé par cette frontière montagneuse mention¬ née précédemment, qui se rattache à deux grands systèmes orographiques : les Pyrénées et le Massif Central. Au Sud, le Massif Pyrénéen du Canigou, par la chainé des Albères, barre la frontière espagnole et, par les deux vallées bien abritées du Tech et de la Têt, laisse pénétrer le climat méditerranéen au plus profond des montagnes. La plaine roussillonnaise d’abord, comprise entre la mer et les derniers contreforts des Corbières, voit soudain l’un de ceux-ci s’avancer vers la côte et séparer le, pays catalan de la plaine narbonnaise, ne laissant qu’un étroit passage gardé par la citadelle de Salses. Le rempart Nord du Bas-Languedoc est formé par une puissante arête granitique ou schisteuse à demi submergée par les terrains calcaires. Débutant à l’Ouest, au seuil du Lauraguais, par la Montagne Noire, elle se poursuit vers l’Est par le Massif de l’Espinouze, les Monts Cévennes et. s’infléchisant vers le Nord avec les Monts du Vivarais, forme une courbe. enserrant dans sa concavité toute la base méridionale du Plateau Central. La ligne des hautes crêtes de cette chaine continue représente exacte¬ ment la ligne de partage des eaux et la limite des climats. Mais alors que le versant océanique, brumeux, pluvieux ou neigeux, monte en pente douce vers les sommets couverts de hauts paturages ou de châtaigneraies, le versant méditerranéen montre des rocs abrupts, dénudés et chauds, encerclés par un véritable maquis ébineux (l’Espinouze) où jaillissent des eaux torrentielles. Ces crêtes de granit émergent de tables calcaires d’aspect très diff́rent suivant le versant. Au Nord, ce sont les immenses Causses gris, couronnés de dolomies et profondément entaillés par les caions creusés par les rivières, steppes déso¬ lées et désertes dont les eaux de surface, aussitêt absorbées par les innom¬ brables fissures du sol, peuvent donner des résurgences dangereusement polluées. Sur le versant méridional, au-dessous de l’étage des sommets cévenols. s’élèvent des colines calcaires d’aspect très particulier, qui forment les gra¬ dins moyens de cet amphithéâtre : ce sont les garrigues. 2. Les garrigues. On appelle « garrigues » les colines pierreuses que les broussailles basses et les herbes rares couvrent « d’un tapis haillonneux et troué ne cachant pas entièrement la roche nue ». Des cours d’eau au régime torrentiel, rappelant les oueds africains, tra¬ versent de leurs ravines le sol desséché; tels sont, parmi les plus importants. l’Orb, l’Hérault, le Vidourle. Quelques Kermès sur lesquels on cueillait jadis les cochenilles pour teindre les draps de Montpellier, quelques veuses, quelques pins d’Alep, témoignent seuls de nos jours de l’importante forêt que des exploitations malençontreuses. des feux de berger et le pacage des tailis ont transformée en une contrée brîlée par le soleil ou les larves de tiques, embusquées sous les feuilles des cistes ou des genêts, viennent attendre au passage les chasseurs avec leur chiens. Seuls quelques fronpeanx de montons et de chèvres hroutent ces maigres pâturages pour, dès qu’arrive l’été, fuir vers les versants moins torrides par BAS-LANGUEDOC- BOUSSLION Agde, Port-Vendres, ont été supplantés par Marseille, leur rivale heureuse. 17 les très anciennes voies de la transhumance, les drailles, oi leurs colonnes en marche s auréolent d’une poussière dorée et jalonnent leurs gites d’étape de véritables réceptacles de métitocoques. 3 La plaine littorale. Le dernier degré qui sépare la « garrigue » de la mer est formé par la plaine, littorale. Cette, plaine, soulevée de-ci de-là par d’anciens ilots (pic Saint-Loup, la Gardiole, etc.), est faite de marnes alluviales descendues des Cévennes, alternant avec le tertiaire marin ou les cailloutis pliocènes. Au Xvu° siècle, ces plaines de Béziers, de Narbonne, d’Arles, étaient emblavées de céréales, mais le rendement en était si taible et la sécheresse rendait les moissons si incertaines que cette culture a été totalement aban¬ donnée pour faire place à celle de la vigne, de l’olivier et du murier. La vigne est ici dans un terrain de choix; elle est autochtone et croit spontanément en tianes sauvages au pied du pic Saint-Loup. Elle fut d’abord presque uniquement cultivée sur les pentes des « car¬ rigues », culture pénible, de rendement faible, mais donnant un vin géné¬ reux en alcool et chaud, qui jouissait déjà d’une certaine renommée. Au XIX° siècle, le cep envahit la plaine, le vin perdit son caractère. mais la production s’amplifia. Lorsque le phylloxera ravagea le vignoble lan¬ gucdocien de 1863 à 1860, on luta par la greffe de plants étrangers sur les plants français, on engagea d’énormes dépenses et l’on vit alors apparaitre cette « mer de vignes », écharpe verte en été et rougeovante en automne qui se déroule du Roussillon au Rhône. Mais la surproduction entraina la mévente; on eut recours à la distilla¬ tion et, chose plus grave, à la fabrication d’apéritifs, si bien qu’en 1910, le Gard arrivait en tête des départements buveurs d’absinthe avec plus de 2 litres annuels par individu de plus de 15 ans. La plaine atteint la mer par une cête basse, cête de submersion. Recti¬ ligne en Rousillon, elle décrit ensuite de larges courbes qui s’attachent aux promontoires volcaniques d’Agde et de Sête, puis au delta du Rhône. Les vagues viennent déposer sur ces côtes les sables et alluvions arrachés à ce delta et construisent ce cordon littoral qui, peu à peu, a fermé les anciens golfes pour les transformer en étangs Tels sont l’étang de Bages et de Sigean, les étangs de Thau, de l’Or du Roi parmi les principaux, Par ailleurs, les lagunes situées à l’embouchure des fleuves ĉtiers sont lente¬ ment colmatées par les apports alluviaux et se transforment en « palus », en marais. En Camargue, ces marais nourrissent de leur végétation des « manades » de bovidés célèbres et des chevaux réputés. Mais dans ces marécages pululent en été et en automne des nuées de moustiques. Déjà au XIE siècle le paludisme désolait les villages côtiers vers 1860 entre Lunel et Sête l’âge moyen des décès s’abaissait de 10 à 15 ans au-dessous de la moyenne francaise. La mortalité avant 10 ans dépassait dans ces régions 350 pour 1 000 et atteignait 547 pour 1 000 à Vias. Depuis cette époque, les travaux d’assainissement entrepris ont considérablement modifié la situation. Néanmoins, les cas autochtones de malaria demeurent relativement fréquents dans cette région. Au surplus, il faut compter avec d’autres moustiques que les Anophètes, en particulier avec les Phlebotomes. nombreux sur le littoral et qui peuvent y colporter les fièvres à papatasi comme le démontrent certains faits récents. Enfin, on a signalé le Stegomia, surtout dans les environs de Port-Vendres. tadis sièges d’un trafic intense, les ports situés sur cette côte : Sête. 3 LA PATHIOIOGIE RÉGIONALE DE LA TRANN P Seule. Sête garde un certain mouvement, mais n’en demeure pas moins un port de second ordre. Les ports de pêche sont également peu actifs; les pécheurs peu nombreux aiment mieux cultiver quelques pieds de vigne, faire quelques journées comme dockers ou louer leur maison aux estivants; de plus, le poisson est rare. A Sête, parmi les pêcheurs de haute mer se trouve une majorité d’Italiens, les pêcheurs autochtones préférant l’étang de Thau. Les étangs fournissent en effet des animaux marins, ces « fruti di mare » oursins, seiches, violets, palourdes, clovisses, huitres et moules, si appréciés dans le pays. Malheureusement la cueillette des coquillages insuffisamment organisée et les parcs parfois mal établis livrent encore des produits suspects. Aussi, malgré tous les efforts des Pouvoirs publics et en dépit d’une régle¬ mentation de plus en plus sévère, les cas de fiêvre typhoide et d’intoxication ne sont pas rares. Les plages avoisinant les ports de pêche sont pendant l’été assaillies par une foule compacte de haigneurs qui viennent demander à une insolation souvent inconsidérée ce hâle rapide qui fait leur orgueil. Quelques Etablissements héliomarins se sont également installés sur ces plages pour profiter des deux grands agents thérapeutiques naturels : la mer et le solgil. En effet, par sa situation géographique, avec sa stabilité remarquable des jours ensoleillés, avec ses pluies rares, ses hivers tièdes, ses horizons lumi¬ neux et clairs, le Languedoc méditerranéen parait infiniment séduisant. Cette apparence est en réalité trompeuse. Les vents amènent de profondes et fréquentes altérations des constantes thermométriques et barométriques. « Cum vento fastidiosa, sine vento venenosa » dit un vieil adage. Il est vrai que le vent dominant, le vent terrestre, chasse les poussières et l’humi¬ dité, dessèche les marais, mais par ailleurs, ses sautes brusques sont de plus préjudiciables aux cultures et aux organismes fragiles (affections pulmonaires. otitiques, etc.). Les vents dominants sont conrinentaux et regnent surtout en hiver et au printemps — et moins souvent en automne. Ils sont dus aux appels d’air provoqués par les dépressions parcourant la Méditerranée. La Tramontane, courant polaire attiré par une dépression stabilisée au large d’Alger, correspond à de hautes pressions sur le Nord de l’Europe. C’est un vent froid amenant varfois des pluies intenses ou prolongées et même de la neige. Le MisrAI (Magistrai, le « Maitre Vent »), appelé aussi Cers ou Narbon¬ nais suivant la région, résulte d’une dépression sur le Golfe de Cênes appe lant l’air des hautes pressions régnant sur les Alpes, le Massif Central ou les Pyrénées. Il peut donc venir du Nord-Est, du Nord, du Nord-Quest ou de l’Ouest. C’est un vent sec, mais moins froid que le précédent, surtout réputé pour sa violence. En dehors des vents terrestres dominants, on enregistre assez souvent des vents venant de la mer. Le vent du Sud-Est, dit « Marin » est le plus fréquent; c’est par excel. lence le vent de la pluie. C’est lui qui est sans doute à l’originé du vent d’Autan qui souffle du Lauraguais vers la région toulousaine. En ́té, même avec la lég̀re baise thermométrique qui l’accompagne. le marin, par son haleine moite et tiède, est extrémement pénible, surtout la nuit où l’atmosphère lourde ne permet point le repos. Il provoque alors chez l’homme, soit de l’irritabilité, soit une asthénie marquée. simplantent dans les plaines de Perpignan, Narbonne, Béziers et jusque dans les BAS-LANGUEDOC- ROUSSILION 19 Très voisin du « Marin » est le « Grec » ou vent de l’Est - Sud-Est, vent de pluie également comme l’enseigne un vieux dicton « Lo grec, la pleige al bec». Fort heureusement les vents terrestres sont les seuls dominants et, par suite, la pluie, si elle est abondante, est relativement rare Les précipitations, surtout en été, se font par ondées orageuses très courtes. En hiver, les pluies ne sont guère plus prolongées, mais leur inten¬ sité est telle qu’il faut parfois aller jusqu’à l’Insulinde ou les Philippines pour rencontrer des indices pluviométriques aussi élevés. Mais le régime des pluies est ici plus important que leur quantité même. 1 Jusqu’au XVure siècle, le littoral languedocien fut considéré comme le « climat médical » par excellence. On lui attribuait, et on lui attribue encore souvent, une action tonifiante sur l’organisme en même temps qu’une influence destructive sur les germes microbiens due à l’intensité des radiations solaires (voir fièvres éruptives). Depuis lors, la Côte d’Azur est venue ravir au Languedoc à la fois son titre et sa réputation. En outre, de nombreux tuberculeux, des Anglais principalement, séduits par le mirage de la mer et du soleil, vinrent hâter leur fin parmi les rafales de vent et les brusques variations de température. Aujourd’hui, les médecins ne dirigent plus ce genre de malades que vers quelques points de la côte très abrités des vents terrestres : les anses des Albères. Collioure, Banvuls, etc., stations également recherchées par le retraités, et notamment les retraités coloniaux, ce qui n’est point sans dan¬ ger pour la propagation du paludisme et de l’Amibiase. En résumé, on a pu dire de ce climat qu’il est « sain pour les gens sains », laissant dans l’ombre tout ce qu’il peut avoir de fâcheux pour les mal portants. Les populations peuplant le Bas-Languedoc sont extrémement mélangées : lieu de passage et bord d’une mer fréquentée depuis des millénaires, le apports ethniques s’y sont multipliés, superposés, brassés, si bien qu’il est impossible de décrire un type ethnique caractéristique du pays. Cependant, on peut distinguer d’une façon nette les hommes de la région montagneuse de ceux du littoral. L’homme des versants montagneux, habitué à une vie rude au fond des chataigneraies ou berger solitaire des causses arides, est un individu robuste. d’esprit lent, de corps massif dur au travail et aure au gain. Souvent sous alimenté par suite d’une nourriture par trop frugale, il émigre vers les grandes villes, Paris en particulier. Quelques-uns encore se rendent dans les parties industrielles du pays. munes de houille du bassin d’Alès ou de Craissessac ou mines de baugite de Villeveyrac. L’homme du littoral, d’apparence plus frèle, d’intelligence plus souple. présente le véritable tempérament méridional, se grisant facilement de grand air, de lumière et de bruit, ami de la facilité et d’un laisser-aller optimiste sous un ciel trop clément. Ces hommes ont tendance, tant dans les villes quo dans les cultures, à ne fournir que les classes aisées, les dirigeants, se rebosant pour le travail sur les efforts des ouvriers immigrants En effet, depuis l’expansion viticole, il se produit chaque année une immigration saisonnière venant en grande Partie d’Espagne. Récemment encore on comptait euviron 15.000 Espagnols passant annuellement la frontière au mo¬ ment des vendanges. Beaucoup se fixent dans le pays comme ouvriers axricoles et 29 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE palus du Bas-Rhône où ils se rencontrent avec l’immigration italienne con¬ currente,. Mais l’Italien parait réussir davantage dans le commerce ou la main-d’œuvre du bâtiment. C’est à ces étrangers que le pays doit une grande partie de son accrois¬ sement (40 pour 100 des naissances). Un fait remarquable frappe enfin l’observateur : dans la plaine luxu¬ riante les villes abondent, tandis que dans la montagne l’habitat est clair¬ semé. Les communes de la région des garrigues sont les moins peuplées de France : Viols-en-Laval. Cazeviols comptent tout juste 2,1 habitants au Km2. alors que les localités viticoles de Saint-Thibery avec 131,6 et de Valros avec 140 habitants sont parmi les plus denses de notre pays dont la moyenne est de 75,9. Telles sont, très rapidement brossées, les caractéristiques géographiques essentielles de la région du Bas-Languedoc-Rousillon. Au cours de cet exposé nous nous sommes surtout efforcés de démontrer que, du fait même de sa configuration spéciale, cette province possédait une autonomie indiscutable. encore accrue par diverses conditions d’ordre climatique ou économique. Dès lors, il devient logique de penser que les habitants de ces contrées. assujettis aux mêmes influences et aux mêmes nécessités, doivent également être soumis à des facteurs morbides communs dont certains peuvent être propres au pays. C’est ce que nous allons tâcher d’établir en passant en reue les diffé. rentes affections qui sont les plus couramment rencontrées sur cette partie du littoral. BIBLIOCRAPHIE 1. BÉNEVENT (E.). Le Midi méditerranéen, Presses Universitaires de France, Paris, 1946. PAS-LANCUEDOC- ROUQQLION 21 J. — LES BRUCELLOSES La Fièvre de Malte, jadis maladie méditeranéenne, est devenue maladie mondiale; de maladie bénigne elle devient maladie grave; enfin, de maladie professionnelle elle se transforme en maladie familiale. Par ailleurs, ses caractères biologiques varient, cependant que son germe causal, voit s’accroitre à la fois sa virulence et ses facultés d’adaptation. C’est à cette évolution extensive, à cette progresion constante dans le temps et dans l’espace qu’elle doit d’avoir pu être qualifiée par Nicolle de « Maladie d’avenir». Au cours de sa marche envahissante à travers les continents, la mélito¬ coccie semble avoir pris pied en France vers le début du siècle au niveau du département du Gard. Depuis, elle a conservé une prédilection marquée pour ta région languedocienne ou elle sévit encore de nos jours avec une particulière intensité. C’est pour cette raison, sans doute que le « Centre de recherches sur la Fièvre ondulante » (C. B. F.O.), institué en 1930 à l’instigation de la fon dation Rockefeller, s’est vu définitivement installé à Montpellier ou le Pro fesseur Lisbonne le dirigeait récemment encore avec toute son autorité. A — DISTRIRUTION CÉOCRAPHLQUE DE LA MALADIE ET INCIDENCES SUR LE BAS-LANCUEDOC-ROUSSILLON. La Fièvre ondulante, individualisée par Marston en 1863 dans l’lle de Malte, a été très rapidement identifiée par la suite sur tout le littoral du bassin méditerranéen. De la, elle s’est répandue à travers l’Europe entière et jusque dans les contrées les plus lointaines telles que le Canada, le Tur¬ Kestan, la Chine septentrionale et les Indes. En France, les premiers cas semblent quoir été dépistés dans le Card par deux praticiens. Cantaloube et Auber, à l’occasion d’une petite épidémie survenue à Saint-Martial en 1909. A partir de cette date, on voit les faits se sucéder à une cadence de plus en plus accélérée. L’affection gagne bientôt les départements limitrophes et notamment l’Hérault puis elle s’étend à toute la ĉte depuis les Alpes Maritimes jusqu’aux Pyrénées-Orientales. Dès lors, véhiculée par les trou¬ peaux transhumants, elle remonte jusqu’aux régions alpestres du Sud-Est tant et si bien qu’en 1925 on peut évaluer à 17 le nombre des départements atteints. Jusqu’à cette époque, il était admis comme un dogme que la maladie ne débordait guère au-delà du 45° degré de latitude (ligne passant par Bor¬ deaux et Briançon). Mais, à mesure que ses manifestations sont mieux connues et que les investigations sont plus largement poussées, la mélitococcie voit ses frontières reculer d’année en année. En 1935, elle est signale dans 50 départements, soit les deux tiers de la superficie de notre pays. Au cours des trois années qui suivent, on la voit s’infiltrer le long du Masit Central et absorber par ailleurs une bonne partie de la Normandie. Seule, il Y a quelques années, la Bretagne paraisait avoir échappé à ce flot, envahiseur. Nous verrons plus loin, que cette proyince ne fait plus aujourd’hui exception à la règle. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE EE 4,74 BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 23 Malgré cette généralisation à peu près totale de la maladie la morbi¬ dité due à la Fièvre ondulante est loin d’atteindre en tous les points de la France une égale intensité. Actuellement, ce sont les départements du Midi qui paraissent encore les plus sérieusement touchés, l’affection y revétant l’aspect d’une réritable endémie, alors que partout ailleurs elle se présente sous la forme de cas isolés. Tout au moins c’est là l’impression d’ensemble qui se décage de l’exa¬ men des faits, mais qu’aucun document officiel ne vient en réalité corrobo¬ rer. Il est en effet très regrettable de voir avec quelle irrégularité sont faites les déclarations concernant cette affection, surtout dans une région atteinte comme celle-ci et qui, par cela même, devrait donner l’exemple dans son propre intérêt. Dans de telles conditions, toute statistique se trouve nécesairement faus¬ sée et on en est réduit à des approximations tout à fait arbitraires. Lisbonne estimait cependant qu’il existe chaque année en France envi¬ ron 3 000 cas de Brucelloses, 500 d’entre eux provenant du seul département du Gard, le plus forrement contaminé. Une telle estimation, bien que ne reposant que sur des bases imprécises semble toutefois en accord avec les observations faites par divers auteurs tout au moins pendant la période d’avant-guerre. C’est ainsi que Puig, à Perpignan, a réuni à lui seul 200 cas de mélitococcie en une douzaine d’an nées, que Blanc et Daudé, dans l’Aude, en ont signalé 272 cas en 15 ans et enfin que Lisbonne a pu en identifier en 5 ans 120 cas dans l’Hérault. Ces chiffres paraissent avoir quelque peu baissé durant les années 1939-40, comme d’ailleurs ils avaient déjà diminué pendant la période de 1914 à 1918. Cette régression momentanée parait en relation avec l’état de guerre qui limite les migrations de troupeaux et rend les déclarations médi¬ cales encore plus inconstantes. Depuis la fin des hostilités, il semble du reste que l’on soit revenu aux taux antérieurs et il se pourait même que ceux-ci aient été parfois dépassés D’après les statistiques qui nous ont été communiquées avec beaucoup d’obli¬ geance en 1944 par Monsieur Schmuts, alors Directeur Régional de la Santé. le nombre des atteintes par Mélitoçoccie dans les départements placés sous sa surveillance pouvait au cours des deux années 1942-1943 être évalué comme suit : Aude Aveyron Héraulu Lozère: Pyrénées-Orientale 33 cas 8 120 » 9 » 114 » Et voici un autre document officiel émanant de l’Institut National d’Hy¬ giène qui aboutit sensiblement aux mêmes conclusions. Il indique les taux moyens (LM.) de la morbidité mélitococcique pour 100 000 habitants durant la période quinquennale 1941-1945 avec, en regard, le classement (R) occupé parmi l’ensemble des départements français par chacun des cina département teressés : LM. 25,76 1944 13,28 12,96 R. 4° sur 90 » 6 » » 2 2 17 2 2 Pyrènées-Orientale Gard.. Héraule Aude: Avevron E1 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Tous ces faits mettent netement en lumière l’importance de l’endemie brucellienne sur toute, la côte du Languedoc-Roussillon, cette région venant se situer, au cours de la période considérée, immédiatement après la Corse et la Provence pour la fréquence de ses contaminations (1). Depuis 1945, la situation a sans doute subi quelques modifications. Mais celles-ci n’ont en rien changé la physionomie d’ensemble du problème. On peut s’en assurer en consultant les stâtistiques ci-dessous, également emprun¬ tées à l’Institut National d’Hygiène et relatives aux années 1949-1953 On voit par ce tableau qu’il s’est produit récemment un véritable glis¬ sement des grands pôles d’activité mélitococcique vers la portion centrale du littoral languedocien au détriment des annexes périphériques. Néanmoins l’indice global de morbidité pour toute la région est demeuré sensiblement le même: 14,8 au lieu de 15,2 au cours de la période précédemment étudiée Si ce chiffre traduit un certain fléchissement dans la densité des atteintes, ce fléchisement est en tout cas très léger et ne saurait être comparé à celui qui a été observé dans plusieurs autres provinces françaises. Mise à part la Corse qui reste toujours le principal foyer mélitococcique de notre pays, seule la Haute-Provence semble vouloir accuser aujourd'hui des taux plus élévés. B. — DISTRIBUTION DES CERMES ET DES RÉSERVOIRS ANIMAUX ». CONDITIONS LOCALES DE L’EXPANSION DE LA MALADIE. La Fièvre ondulante est provoquée par des germes se rapportant au genre Brucella, lequel comporte trois espèces nettement individualisées qui sont : Brucella pélitensis de Bruce. Brucella abortus bovis de Bang Brucella abortus suis de Traum. Chacune de ces variétés microbiennes possède une affinité élective pour une espèce animale donnée. -C’est ainsi que Brucella mélitensis a pour hôte habituel la chèvre (et sans doute la brebis). Brucella abortus bovis la vache et Brucella abortus suis la truie. Tous ces germes provoquent chez l’animal une infection généralisée, une hactériémie, décelable à l’examen du sang, mais qui demeure parfaitement compatible avec la conservation d’un excellent état général. Il s’agit donc d’une infection inapparente (Nicolle) qui risquerait fort de passer inapercue si deux faits essentiels ne venaient en révéler l’existence. Ce sont d’une part l’élimination du bacille par les sécrétions et les déjections de l’animal malade et d’autre part, chez la femelle, l’avortement épizootique. (1) Durant l’année 1943, nous avons eu l’occasion de traiter, aux salles militaires de l’hopital suburbain de Montpellier, 4 cas de Fièvre de Malte provenant des Chantier de Jeunesse du voisinage. Debuis cette date, baucoup d’autrés observations ont étt publiées. Mais la fréquence de la Mélitoçoccie étant désormais bien établie, toutes ce publications n’ont plus guère aujourd’hui pour objet que de mettre en lumière telle forme clinique apormale ou telle cxpérience thérapeutique nouvelle. C’est le cas notamment, d’une relation récente de Janbon et Bertrahd portant sur un lot de 82 mualadcs dépistcs au cours d’un laps de temps d’a poine 452uois (mai 1848-févriet 1919), puis soutmis à un traitement d’essaui par la streptomxcine-sulfadiazinc. BAS LANIGUEDOC- KOUSSILON 23 Or, ces diff́rentes Brucella sont pathogènes pour l’homme chez qui la contamination peut se faire précisément par l’intermédiaire d’une ingestion de lait, d’une souillure au contact d’excretas ou encore au cours des mani¬ pulations qui accompagnent l’avortement. Dans l’organisme humain, l’infection apparait comme constamment grave lorsqu’elle est déterminée par Brucella mélitensis alors qu’elle affecte au con¬ traire un pronostic relativement bénin, tout au moins dans nos pays, lors¬ qu’elle est due à Brucella abortus bovis, encore que l’on ait signalé récem¬ ment une certaine augmentation de la virulence de ce germe. Quant à Bru¬ cella abortus suis, son pouvoir pathogène ne s’est encore jamais manifesté chez l’homme sous nos climats. Ainsi donc, dans une région ou sévit la Fièvre ondulante il apparait comme du plus haut intérêt de toujours préciser avec exactitude la variété microbienne localement en cause. Or, d’une manière générale, on peut dire que, randis que l’Aborins est essentiellemtent nordique, le Mélitensis, par contre, est surtout méridional C’est donc à la présence du micrococcus de Bruce que l’on devra s’attendre chaque fois qu’on dépistera un cas de Brucellose dans nos contrées. Cette règle demeure encore vraie, mais elle risque de se voir transgressée dans un avénir plus ou moins proche, l’Abortus gagnant rapidement vers le sud. alors que le Mélitensis de son côté progresse implacablement vers le nord. Ainsi, il est possible de voir un jour les aires géographiques de ces deux germes se superposer, l’Abortus faisant alors son apparition sur la côte muéditerranéenne. Le problème posé par la répartition des Brucella se complique d’ailleurs d’une autre façon. Les Brucella mélitensis, abortus bovis et suis, tout en pré¬ sentant des caractères biologiques nettement distincts et parfaitement stables ne semblent plus comme autrefois strictement spécifiques de l’organisme de caprins ou ovins, des bovidés et des suidés Aujourd’hui, on peut rencontrer en France des vaches intectées de Brucella abortus bovis, mais également de Brucella mélitensis, de même que l’on peut assister chez les chèvres ou les brebis aux phénomènes d’adaptation inverses. Ainsi il se produit un véritable « chassé-croisé » entre les diverses espèces microbiennes et les diverses esnèces animales. « chassé-croisé » auquel l’homme a fini par se trouver étroitement mélé. De nos jours, il peut en effet contracter une Fièvre à Abortus issue de l’organisme d’une chèvre, toul comme une Fièvre a Mélitensis de provenance bovine (Piéri). Or, précise¬ ment, si la première de ces éventualités est demeurée surtout théorique, il n’en est pas de même de la seconde qui, elle, a pu être constatée à plusieurs reprises dans le Bas-Languedoc au cours des années qui viennent de s’écou¬ ler (Dubois et Sollier). L’introduction récente des bovidés dans le cycle de la Mélitococcie médi¬ terranéenne constitue un événement d’une importance épidémiologique consi¬ dérable (1). Le danger qui en résulte est d’autant plus grave que la vache élimine les germes et demeure contagieuse d’une manière prolongée et peut¬ être même permanente, alors que chez la chèvre cette élimination ne dure que quelques mois au plus (Taylor. Vidal et Roman). C’est pourquoi, autour d’une vache infectée, ne tarde-t-on pas à voir apparaitre plusieurs cas humains évoluant simultanément ou au contraire à des intervalles plus 9u moins éloignés (Lisbonne). confins sud-est du Platcau Central jusqu’au Rouergue inclus (mont Aigoual surtout). 23 LA PATLIOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE Il reste un dernier point à éclaircir dont l’intérêt ne saurait être sous¬ estimé. On peut se demander en effet pour quel motif la Mélitococcie se trouve aussi inégalement répartie sur toute l’étendue du Languedoc médi¬ terranéen, certaines zones étant notoirement surinfectées alors que d’autres. au contraire, demeurent absolument indemnes. On sait que pour expliquer ces faits on a invoqué toutes sortes de motifs. On a fait intervenir notamment des facteurs climatologiques et même bio¬ géologiques. C’est ainsi que Hemmi a cru pouvoir établir récemment une sorte de parallèle entre la répartition de la Mélitococcie et la nature du sol, les zones de morbidité paraissant correspondre en France au pleisto¬ cène et au miocène-pliocène. En réalité, de tels arguments ne sauraient entrainer notre conviction tel¬ lement il est plus simple d’incriminer l’ensemble des facteurs liés au déve¬ loppement et aux migrations du cheptel dont dépend si étroitement la pro¬ pagation de la maladie. A ce propos, il est un fait déjà depuis longtemps reconnu, c’est la loca¬ lisation 3 pen près exclusiuemeni rurale de l Fièpre ondulante, due sans doute à cette particularité que le paysan a de multiples moyens de se conta¬ miner, alors que le citadin ne peut pratiquement s’infecter que par l’inges¬ tion de lait, à la condition encore que celui-ci n’ait pas été préalablement bouilli (3 pour 100 à peine des cas de Mélitococcie relèveraient de cette der¬ nière origine). Mais de telles constatations ne peuvent évidemment tout expliquer. Elles sont impuissantes notamment à rendre compte, d’un phénomène aussi curieux que celui que viennent de signaler Blanc et Daudé au cours d’un récent tra¬ vail. Pourquoi, par exemple, dans un département comme l’Aude, c’est-ଠdire en plein fover d’endémie, un arrondissement comme celui de Carcas¬ sonne comptait encore en 1942 six cantons intacts, alors que l’arrondissement. voisin de Narbonne était entièrement contaminé2 C’est ici qu’il faut faire allusion à cette coutume frès ancienne, mais déplorable par ses conséquences, qu’est la transhumance. Assurant entre les troupeaux malades et ceux qui sont demeurés sains des contacts périodiques. elle favorise en effet, non seulement la propagation du mal, mais encore sa persistance et sa pérennité. D’un autre côté, elle jalonne le pays de tout un. réseau de sillons le long desquels éclosent chaque année les cas les plus nom¬ breux de Mélitococie humaine. Or, cette pratique est bien ancrée dans les moeurs de la région lanque¬ docienne, justifiée d’ailleurs pour une part par des contingences d’ordre local. C’esi ainsi que dans ce même département de l’Aude, dont il, vient d’être fait mention, les zones principales de pâturages sont représentées par les fonds des vallées de la Berre (Sigean et Portel), du Torgan et Verdouble (Mouthonmet), de l’Orbieu (Lagrasse et Fabrezan): la voie principale de transhumance par la route du littoral : Bivesaltes. Sigean Narbonne. Cour¬ san; les voies secondaires par les vallées de l’Agly et du Verdouble; tous points hautement infestés. On concoit dès lors combien la connaissance de ces voies ancestrales est utile à l’épidémiologiste et peut lui permettre d’interpréter certains faits autremert inexplicables (1). (1) Il est à noter que ces mouvements périodiques de transhumance, lesquels portent sur plusieurs centaines de milliers d’ovins, s’orientent à partir du Bas-Languedoc non seulement vers les Pyrénées orientalcs et ariégeoises, mais encore en direction des BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 27 En définitive, le Bas-Languedoc est en France une des régions les plus fortement touchées par la Mélitococcie. Il doit cette situation spéciale à plu¬ sieurs raisons. Tout d’abord à la pénétration déjà ancienne des brucelloses sur son territoire. En second lieu, à la nature du germe qu’il héberge, lequel n’est autre que le Micrococcus Mélitensis dont on sait à la fois le dégré de virulence et l’extrême contagiosité. Enfin, aux caractéristiques de son chep¬ tel qui est abondant, varié, et sujet à des migrations périodiques particuliè¬ rement favorables à la diffusion de la maladie. C. — PARTICULARITÉS DORDRE CUINIQUE. L’aspect clinique classique de la Mélitococcie avec la riade symptoma¬ tique bien connue qui lui a fait mériter le nom de « Fièvre ondulante sudo¬ roalgique » ne nous retiendra guère ici. Les manifestations diverses qui en sont l’expression habituelle ne constituent en effet que l’entrée en scène banale de cette affection. Parfois la maladie tourne court et s’éteint sans autres accidents, plus souvent elle continue à évoluer et passe alors à l’état chronique. Mais c’est une chronicité muette que rien ne décèle, et la grande origi¬ nalité de la Fièvre de Malte réside précisément dans cette évolution sourde. quasi torpide, où le germe demeure terré, comme en sommeil, au plus pro¬ fond de l’organisme, soit dans un viscère, soit dans le système vasculo¬ nerveux, soit encore dans le squelette ou à l’intérieur de la moelle osseuse. C’est pourquoi, longtemps après l’éclat des phénomènes du début, sur¬ gissent des localisations inatendues que le clinicien aura souvent bien du mal à rattacher à leur véritable cause. C’est ce qui, pendant longtemps, a fait croire aux complications tardives de la Mélitococcie. En réalité ces foyers ont evisté des le stade initial de l’infection : c’est à leur niveau que le erme s’est caché et qu’il a pu survivre; mais l’évolu¬ tion en est tellement lente qu’il faut atendre parfois plusieurs années pour qu’ils se révèlent au grand jour. C’est pour ce motif que les mélitologues ne parlent plus désormais de complications mais bien plutât de déterminations brucelliennes. Ces déterminations sont aussi nombreuses que variées. Les premiers auteurs ont depuis longtemps signalé la fréquence de l’orchite au cours de la convalescence de la Fièvre de Malte. Ensuite on a décrit des localisations perveuses cependant que l’on s’aper¬ cevait que le foie, les reins, la rate, le cœur, l’appareil pleuropulmonaire. les glandes endocrines et le squelette pouvaient être intéressés par les Brucella. Si bien qu’aujourd’hui se dégage une conception nouvelle reléguant au second plan le bloc symptomatique primitif de Cantaloube pour ne plus le considérer que comme le prologue, la phase prémonitoire d’une localisation Viscérale d’emblée. La senticémie primitive a, des lors, fait place la maladie viscérale ainsi que l’ont fort bien pressenti deux auteurs montpelliérains, Rimbaud et Lisbonne, dès 1925. Eest-ce à dire que le génie de l’affection ait évolué et qu’il y ait davan¬ tage de déterminations organiques aujourd’hui que par le passé2 Il peut être evidemment tentant de penser qu’une connaissance plus approfondie de la maladie se trouve à l’origine de cette évolution apparente. Mais il ne faut pas oyblier par ailleurs que la Fièvre ondulante est une « maladie en marche» et que ses atteintes se font de plus en plus sévères. 28 1A PATHOLOGIE BÉGIONAIE DE LA FRANCE Actuellement, nous pouvons considérer que tous les appareils de l’éco¬ nomie sont susceptibles d’être intéressés avec plus ou moins d’intensité par le processus. Mais il ne saurait être question d’entreprendre jci la description de toutes ces réactions locales, la plupart d’entre elles — sinon toutes — n’of¬ frant aucun caractère spécial du fait de leur évolution sur notre sol régional. Nous nous bornerons simplement à rappeler quelques particularités con¬ cernant certaines de ces déterminations, en invoquant surtout comme raison de ce choix le fait qu’elles ont été l’objet d’études très poussées de la part des Maitres de l’Ecole montpelliéraine, peut-être parce qu’elles se sont signa¬ lées a leux attention avec plus de fréquence que partout ailleurs. 1° Les déterminations ostéo-articulaires. En faisant l’historique de ces déterminations on assiste peu à peu à une transformation des plus remarquable de leur physionomie et de leur comportement. Les tous premiers observateurs : Bruce en 1803. Evre en 1908, puis Canta¬ boule et Roger en 1910 avaient bien signalé déjà l’existence de localisations ostéo-articulaires de la Mélitococcie; mais ces atteintes leur apparaissaient comme rares, fugaces et bénignes, si bien que Laventure dans sa thèse datant de 1923 ne craignait pas d’écrire encore : « l’arthrite mélitococcique subaigue ou chronique est une rareté ». A partir de 1923 le tableau change. C’est qu’à ce moment on constate une augmentation de fréquence en même temps qu’une aggravation notable de ces déterminations, aussi bien en Europe que dans le reste du monde. Desormais, les arthropathies tendent de plus en plus à revétir un aspect subaigu ou chronique. En 1926. H. Roger et Mme Martin isolent la spondy lite mélitococcique, cependant que, trois ans plus tard. Janbon et Duponnois à Montpellier individualisent à leur tour la sacro-corite chronique qnec scia¬ talgies. Toutefois, ces auteurs insistent sur un caractère qui leur semble alors essentiel, à savoir la quasi-intégrité des os et, dans le cas particulier de la spondylite, l’absence d’effacement des disques intervertébraux. Ainsi les lésions leur apparaissent comme exclusivement articulaires et ils en tirent argu¬ ment pour les différencier des tuberculoses osseuses. Or, voici que des faits nouveaux viennent bient̂t opposer à cette con¬ ception un démenti formel en révélant la possibilité de lésions ostéo-arti¬ culaires graves au cours des Brucelloses. Au niveau du rachis, où les alté¬ rations sont toujours les plus marquées, on peut ainsi observer de véritables pincements de l’interligne articulaire, avec même parfois formation d’abcès ossifluents typiques qui en imposent à première vue pour une ostéoarthrite bacillaire. C’est à ce processus très spécjal — d’un iptérêt nosologique cer tain — que L. Rimbaud et Lamarque ont donné en 1933 le nom de « Mal de Pott mélitococcique », expression mille fois critiquée sans doute, mais qui a l’avantage de faire image. Depuis la communication princeps de ces auteurs, les observations n’ont pas cessé d’affluer (Guibal et Mas à Montpellier, Michel-Béchet à Avignon. Puig et Talavrach. Duclos et Estève à Perpignan), confirmant ainsi la fréquence de ces atteintes dans nos contrées méditerranéennes. D’ailleurs, cette fréquence est loin de n’intéresser que la seule forme pseudo-pottique; elle se manifeste également pour la totalité des détermina. tions ostéo-articulaires de la Mélitococcie ainsi qu’il ressort d’un travail très largement documenté publié en 1941 par Mle Bougarel et qui vient en quel¬ que sorte faire le point sur la question. RAS-LANGUEDOC- BQUSSILON 49 Au cours de son exposé M'e Bougarel nous fournit en particulier les sta¬ tistiques suivantes concernant-les trois services de Médecine des Hopitaux de Montpellier habilités à recevoir les Mélitococciques. Bien qu’il s’agise là d’une statistique entreprise en milieu hospitalier et portant en conséquence sur des malades préalablement sélectionnés, la signification de ces chiffres nous apparait comme des plus évidente. 2° Les déterminations pleuro-pulmonaires. De même que les déterminations ostéo-articulaires, elles tirent une grande partie de leur intérêt de ce fait qu’elles arrivent a sipuler de très près la tuberculose, et ceci avec d’autant blus de facilité que les, malades présentent souvent des signes généraux particulièrement alarmants (fièvre, sueurs abon¬ dantes, amaigrissement) (Bens). Elles peuvent revétir des asuects les plus divers, bien décrits par lanbon et Balmés en 1929: bronchites diffuses et tenaces, pneumopathies aigués pou¬ vant aller de la congestion simple à la pneumonie ou à la corticopleurite. manifestations pseudo-granuliques à évolution rapide, etc. Plus près de nous, Puech et Vidal ont ajouté à ce tableau toute la liste dle pleurésies à mélitocoques. En réalité, aucune de ces formes n’est dotée d’une symptomatologie spé¬ ciale. C’est dire que dans nos régions il faudra songer systématiquement aux Brucelloses devant de telles réactions et recourir aux diverses explorations radiologiques, bactériologiques et humorales nécessaires. 3° Les déterminations nerveuses. Les manifestations nerveuses de la Mélitococcie ont été parmi les pre¬ mières décrites, mais leur étude n’a guère été poussée qu’au cours de ces dernières années grâce surtout aux effrts conjugués des Ecoles marseillaise et montpelliéraine. Nerfs, moelle, encéphale et méninges participent tous à ces atteintes, mais suivant des proportions très variées, condilionnant ainsi de nombreuses formes cliniques. Parmi ces dernières nous citerons le syndrome méningo-myelo-radiculhaire de H. Roger dont la paraplégie flasque constitue l’élément principal, et sur tout le syndrome encéphalo-méningé, presenti également par Roger en 1929. mais dont la description définitive n’a été donnée qu’en 1933 par Rimbaud et Janbon. quels l’ont individualisé grâce à une triade symptomatique très peciale formée par des troubles psychiques, une surdité labyrinthique et des accidents paroxytiques par spasmes vasculaires. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 30 Dans l’un comme dans l’autre de ces syndromes on est frappé de l’in¬ tensité de la réaction méningée concomitante, tout au moins dans son expres¬ sion humorale (hyperalbuminose à 3 gr et plus avec forte leucocytose), les signes cliniques qui en résultent demeurant la plupart du temps extrémement discrets. Toutes ces localisations, ordinairement curables d’ailleurs, se produisent toujours très tardivement, bien après la fin de la période de pyrexie et leur véritable origine risque ainsi de demeurer méconnue. 4° Les déterminations hépatiques. A l’instar de ce qui s’est passé dans le domaine nerveux, mais sur une échelle bien moins grande, la pathologie du foie s’est révélée plus étendue qu’on ne le pensait tout d’abord. Autrefois, la participation hépatique parais¬ sait se limiter à quelques observations éparses de gros foies ou d’ictères. Aujourd’hui, elle comporte de véritables syndromes viscéraux (Violle et Pieri). C’est surtout à Rimbaud et Janbon que revient encore le mérite d’avoir mis sur pied ce nouveau chapitre de la pathologie des Brucelloses. Leur nom s’attache surtout à la description du syndrome absolument pathognomonique de « l’hépatomelitococcie », syndrome constitué par deux éléments essentiels : une hépatomegalie molle et douloureuse d’une part et d’autre part l’existence de stigmates, hémogéniques générateurs parfois d’hé¬ morragies dramatiques. Puig est venu par la suite compléter cette étude en montrant la possi¬ bilité d’épanchements ascitiques avec œdêmes surajoutés. Le pronostic dans ces cas sera surtout fonction de l’état antérieur du foie (notion en particulier d’un ethylisme ou d’un paludisme dans les 11 Tels sont les multiples problèmes d’ordres épidémiologique et clinique posés par la Mélitococcie depuis son avènement dans la région lan¬ guedocienne. Ainsi donc, l’extension continuelle de la maladie le danger récenr créé par les Brucelloses bovyines, les variations incessantes des types évolutifs appa raissent comme autant de facteurs qui, même envisagés sous l’angle purement local, sont déjà venus confirmer la prophétie de Ch. Nicolle, aujourd’hui en pleine voie d’accomplissement. BIRLIOCRAPHIE 1A PATIOLOGE ŔGIONALE DE LA PRANCE 32 I1. — LES RICIETTSIOSES ET LES LEISHMANIOSES A — RICHETTSIOSES ET FIEVRES EXANTHÉMATIQUES. « Les maladies infectieuses, a dit Nicolle, se présentent d’ordinaire à nous, non point isolées, mais groupées en familles naturelles. L’une des plus riches et des plus cohérentes est celle des Fièvres exanthématiques. » Ces fièvres revétent en effet un certain nombre de caractères qui leur confèrent une autonomie indiscutable. Tout d’abord elles se manifestent cliniquement par un signe majeur l’exanthême, qui leur a valu leur dénomination et consiste en l’apparition de taches érythémateuses d’aspect lenticulaire. Ensuite, elles sont provoquées par des agents pathogènes appartenant au groupe des Rickettsia. Ceux-ci peuvent être inoculés à l’homme par l’inter¬ médiaire d’hôtes divers, acariens ou insectes piqueurs, dont les une sont cos¬ mopolites, tandis que d’autres demeurent localisés à certaines contrées. Histologiquement, les lésions prédominent au niveau de l’appareil histio¬ cytaire et reticulo-endothélial (Pieri et Mosinger), aboutissant à la constitu¬ tion à l’intérieur des téguments de petits nodules considérés comme spé¬ cifiques, les nodules de Fraenkel. Enfin, le sang des malades présente des propriétés agglutinantes très curieuses et encore inexpliquées à l’égard des bactéries du groupe Proteus (Proteus X 19 et X 2). Ainsi délimitées, les Fièvres exanthématiques constituent une entité noso¬ logique bien définie qui entre dans le cadre plus général des « Richettsioses ». Ces dernières ont fait l’objet de multiples tentatives de classification qui n’of¬ frent d’ailleurs pour nous qu’un intérêt assez relatif, étant donné qu’elles englobent toute une série d’affections qui ne sont jamais rencontrées dans nos régions. Seules, en effet, quelques « Bickettsioses » sont parvenues à s’adapter au climat méditerranéen y déterminant des atteintes, tant̂t mas¬ sives et d’allure épidémique, tantôt sporadiques et en quelque sorte occasion nelles. Il semble qu’à l’heure actuelle on puisse répartir celles-ci en trois groupes de la façon suivante : 1. Les Rickettsioses généralisées avec exanthème ou « Fièvres typho¬ exanthématiques », comprenant : a) des affections mondiales, à savoir le Typhus exanthémarique historique transmis par le pou et le Typhus murin, moins grave et transmis par la puce du rat; b) une affection localisée au littoral méditerranéen et inoculée par des acariens : c’est la Fièvre boutonneuse, encore appelée Fièvre escarro-nodu¬ laire ou Fièvre exanthématique d’été. 2. Les Ricketsioses généralises sans exanthème, parmi lesquelles on classe désormais la Lymphogranulomatose maligne. 3. Les Richetsioses locales où se rangent la Lymphogranulomatose de Nicolas Favre et surtout le Trachome. Le Typhus enonthématique historique, celui-là même qui, au cours des siecles, n’a cessé d’exercer ses ravages à travers les continents, ne s’observe plus guère en France que d’une manière purement, accidentelle, grâce aux barrières protectrices qui ont été opposes à sa ṕnétration. C’est ainsi du ar BAS-LANGUEDOC- ROUSSILION 33 moment de l’épidémie meurtrière qui a sévi en 1942, sur toutes nos posses¬ sions nordafricaines 4, cas seulement de cette maladie ont pu être enregis¬ trés sur les côtes languedociennes (3 dans l’Hérault et 1 dans les Pyrénées¬ Orientales), provenant d’ailleurs directement des foyers d’infection. A la suite des mesures prophylactiques qui ont été immédiatement prises, le processus n’a pu s’étendre et s’est ainsi borné à ces quelques cas d’importation (Docteur Schmuts). Le Typhus murin est également très rare dans les Bas-Languedoc. En procédant à nos recherches bibliographiques, nous n’avons pu relever, en effet, qu’une seule observation locale, publiée en 1937 par lanbon. Harant et leurs collaborateurs. Il s’agissait d’un mineur d’Alès, dont la contamina¬ tion avait dù se produire dans des galeries fortement infestées de rats, et chez qui le sang se révéla pathogène pour le cobave (apparition d’une périor¬ chite caractéristique). Par contre, le Typhus murin n’a rien d’exceptionnel dans le grand port militaire de Toulon, fait qui n’est pas surprenant si l’on se rappelle que cette maladie atteint électivement les navigateurs. LA FTEVRE BOUTONNEUSE DU LITTORAL MÉDITERRANEEN va nous retenir un peu plus longuement étant donné ses incidences beaucoup plus fréquentes sur le Languedoc. C’est une maladie nouvelle, connue en France depuis 30 ans à peine, et dont les traits essentiels ont été fixés successivemenr par Olmer, Piéri. Durand et Conseil. Benhamou, ainsi que quelques autres auteurs. Il s’agit d’une affection endémique, sévissant pendant la saison chaude. particulièrement dans la campagne et la banlieue des villes. Son apparition est liée à la présence dans l’entourage des malades du chien et dé divers autres animaux (1) suscentibles de véhiculer une tique, le Rhipicéphalus san¬ guineus, agent vecteur du virus. Du point de vue clinique la Fièvre boutonpeuse est une affection érup¬ tive, fébrile, d’évolurion cyclique et de pronostic bénin. A la période d’état. elle se traduit par une érupton très sbéciale, constituée par des éléments papuleux, facilement purpuriques, très abondants et couvrant toute la surface du corps, y compris les régions palmo-plantaires et la face. A ce stade, on peut trouver également au niveau des téguments un autre élément non moins caractéristique et d’aspect escharrotique, la « tache noire » de Piéri, corres¬ pondant au point d’inoculation de la Rickettsia causale (R. Conori). Les signes nerveux sont d’ordinaire peu intenses et le retentisement car¬ dio-rénal minime. La reaction de Weil-Félix permet très souvent de confirmer le diagnos¬ tie de groupe, mais elle est tardive et faible avec Protéus X 19, plus forte avec Protéus x 2. L’inoculation au cobave est capable dans certains cas de provoquer une réaction scrotale atténuée. Telles sont les particularités fondamentales de la Maladie de Conor et Bruch. Parmi celles-ci, il en est trois qui présentent une importance séméjo¬ logique considérable, ce sont : la tache noire, le caractère franchement papu¬ leux des éléments éruptifs et en outre, pour Lemaire, une pigmentation cuta¬ née secondaire qui peut persister parfois très longtemps. Joints aux circons. tances étiologiques spéciales et à la rapidité de l’évolution, ces signes doivent permettre de trancher le diagnostic avec toutes les autres variétés de typhus et notamment avec le Typhus murin dont l’aspect clinique est parfois assez proche. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE 34 La Fièvre boutonneuse parait s’être installée en France dans la région marseillaise. C’est à Marseille, en effet, que semblent avoir été observés vers 1922 les premiers cas de cette singulière affection. A moins qu’il ne faille remonter plus haut dans le passé et lui attribuer ces formes atypiques de Fièvres éruptives rencontrées quelques années plus 11 à Aubagne par Martini et Trastour (1910). Au début, les progrès de l’affection furent très lents et se limitèrent à quelques cas très clairsemés. Mais à partir de 1930 on voit les observations se multiplier, à tel point que Piéri évalue à 200 ou 300 le nombre des malades dépistés annuellement entre 1931 et 1938. Fait remarquable, en même temps qu’elle croit en densité, cette endémie s’étend en surface. Bientôt elle englobe toute la banlieue marseillaise, avec comme fovers principaux Saint-Loup et l’Estaque, pour, de la, s’élancer dans toutes les directions à la fois. Vers l’Est, on la voit progresser dans le Var, les Alpes-Maritimes et jusqu’en Corse. Vers le Nord, elle s’insinue dans le couloir du Rhêne ou elle ne tarde pas à contaminer tout le Vaucluse (Avignon, Sorgues, Entraigues. Châteauneuf¬ du-Pape. Carpentras, loncquière. Orange. Pertuis, etc.). Vers l’Ouest enfin elle gagne le Bas-Languedoc où sa présence est signalée en maints endroits. Faisant le bilan de tous les cas jusqu’alors identifiés dans le déportemenr du Card. Codlewski arrive en,-1928 à en totaliser une dizaine concernant les localités de Villeneuve-les-Avignon,. Aigues-Mortès. Bagnols et Lédignan. Au cours de l’année suivante, Aramon est touchée à son tour, cependant que les premières atteintes nimoises font leur apparition (Coste et Sollier). Par la suite, l’affection est notée à Collias. Aimargues, le Grau-du-Roi et Vergèze. Enfin, en 1938, de nouveaux fovers sont dépistés plus au Nord, dans les Basses-Cévennes, intéressant notamiment toute la liste des communes ci-après : Saint-Chaptes. Garrigues, Moussac. Saint-Geniès. Uzès. Alès. Salindrès, la Grand’Combe. Molières et Bariac (J. Vidal). Parallèlement, une extension, semblable de la maladie esr constatée dans le département de l’Hérautt,. En 1925. Picheire identifie un premier cas au Grau d’Agde. Au cours d’une communication faite en 1928 à la Société médi¬ cale de Montpellier. Carrieu et Chaptal font part de leurs soupcons concer¬ nant deux malades récemment examinés par eux, mais les premières obser¬ vations authentiques publiées dans cette ville sont celles de lahbon. Henriet et Ml° Labraque-Bordenave d’une part, Euzière. Viallefont et Bert d’autre part. datant de l’année suivante. Signalons encore les cas de lanbon. Ratié et Bétou lières, puis Chardonneau, Bert et Mle Labraque-Bordenave en 1934, et enfin ceux relatés par M’° Vidal en 1939 dans sa thèse et dont 6 proviennent de la région montpelliéraine. Actuellement l'’affection s’est propagée vers le Sud et a gagné l’Aude et les Pyrénées-Orientales jusqu’à Font-Romeu. On la voit apparaître chaque année à la saison d’activité des tiques (août-septembre), manifestant sa pre dilection pour la banlieue des villes ou abonde son vecteur habituel, le chien (périphérie de Montpellier, Béziers, etc.) Elle survient alors sous forme de petits foyers circonscrits d’ailleurs très rapidement éteints. En même temps qu’elle devient ainsi plus fréquente, la Fièvre exanthé. matique se fait de mieux en mieux connaitre. Le corps médical alerté a appri à la dépister et peut désormais suivre ses progrès. Il est vrai qu’en retour la réputation de bénignité extreme que s’est acquise cette maladie risque d’amener bien vite un relâchement dans la vigilance qui l’entoure et, des roTS, pet pararyser l’appircation directe des mesures de prophylaxie. affection n’a cessé de progresser d’une manière continue. Dans le service d’ophtalmologie des hôpitaux de Montpellier il existe en permanence des sujets atteints de Trachome et les nombreuses observations publiées au cours de ces dernières années par le Professeur Dejean et ses collaborateurs indiquent suffisamment l’intérêt tout spécial qu’on y attache à cette question (1). BAS-LANGUEDOC- BOURILION 35 Nous avons vu au debut de ce chapitre que le groupe des Bicketsiog englobe un certain nombre d’affections locales non exanthématiques parmi lesquelles se place le Trachome (1). On sait que c’est là un processus qui sévit avec une intensité remarquable sur toutes les côtes Sud et Est de la Méditerranée (Afrique du Nord, Egypte, Palestine) ainsi que dans les Ballans (Grèce, Serbie) d’où il parait se lancer à la conquête de l’Europe. Des cas très nombreux ont déjà été signales en Italie et en Espagne. Ainsi enserrées entre les péninsules italique et ibérique avec lesquelles elles ont des contacts incessants, recevant sans cesse par ailleurs des coloniaux ou des indigènes provenant d’Asie Mineure ou d’Afrique, nos provinces méridionales n’ont pas pu échapper à la contamination. Dès 1926. Heckenroth évaluait à 15 pour 100 la proportion des affections oculaires dues à l’Ophtalmie gra¬ nuleuse sur notre littoral, et incriminait à cet égard l’immigration espagnole. portugaise, africaine, svrienne et extrême-orientale (en Tunisie notamment. près de la moitié des Ophtalmies sont trachomateuses). Depuis lors, cette B — LFISHMANIOSES ET LALA-AZAR (2). Affection d’origine exotique, également véhiculée par le chien et sans doute aussi transmise par une tique (à moins que ce ne soit par le phlébotome le Kala-Azar diffère protondément par tous ses autres caractères des Rickett¬ sioses que nous venons d’envisager. Il s’agit en effet d’une affection parasitaire se traduisant cliniquement par une anémie splénique associée à des accidents fébriles et, dans certains cas, à une pigmentation cutanée caractéristique (forme de l’adulte). Elle est provoquée par un flagellé. Leishmania donovani, lequel pré¬ sente une affinité toute particulière pour le système réticulo-endothélial des organes profonds où l’aiguille à ponction pourra venir le surprendre (valeur diagnostique de la ponction splénique). Dépistée depuis plus d’un siecle en Asie et plus snécialement dans l’Inde (K.a. indien de l’adulte), elle a par la suite envahi le littoral méditerranéen. frappant alors de préfér’ence les entants Sa fréquence est bien connue en Tunisie où elle a fait l’objet de très importants travaux de Ch. Nicolle. (1) Nous verrons ultérieurement dans cet ouvrage qu’une nouvelle Rickettsiose a été identifée depuis peu en France, notamment à Strasboturg, à Lyon, à Paris et dans le Massif Central: il s’agit de la Fièvre du Qucensland ou Naladie de Derrick-Burnet. due à Rickettsia Burneti. Cette afrection vient de faire son apparition dans le Bas-Lan¬ guedoe où trois cas ont pu être dépistés en 1953 et 1954 par JAxBOx et ses collabora. teurs. 62) Jusqu’a une date réccnte, seules les « Leishmanioscs viscérales dans le Bas-Languedoc d’ocuper là chronique. Quant aux « Leishmanioses cutanées ». méritaient elles y paraissaient inconnues, tout au moins en tant qu’affections autochtones. Or, er 1951, un premier cas de « Bonton d’Orient3 était jdentifié dans la région par Margarot et ses collaborateurs: il s’agissait, en l’occurrence, d’un malade n’avant jamnais quitte Son village de Sumène sur les confins cévenols. Depuis cette date, deux autres cas viennent d’être dépistés par les mêmes auteurs (1952) concernant, l’un un enfant habi¬ tant M tpellier où il a’ toujours séjourné, l’autre jin vieillard domicilié aux environs de Le avant passé toute son existence sur nos rivages méditerranéens. Il y a là 18,6 u'es fois au réservoir de virus et au mode de intéressant à noter, car il pose des problèmes touchant à l cransmission local de la maladie. LA PATUOLOGE REGIONALE DE LA FRANCE 36 L’apparition de Kala-Azar dans notre pays est cependant un fait relati¬ vement récent. C’est seulement après la guerre de 1914-1918 que les premiers cas français d’origine autochtone ont pu être constatés. D’emblée, et encore aujourd’hui. Marseille et Nice constituent les deux foyers principaux de la côte et les observations rapportées respectivement par le Professeur P. Giraud et par d’Oelsnitz y ont déjà atteint un chiffre édifiant. Notre Languedoc méditerranéen paraissait épargné lorsqu’en 1933 et 1934 le Professeur Leenhardt publia les deux premiers cas survenus dans la région montpelliéraine chez des entants. Dans les années qui suivent. Dufoix à Nimes (1934) et Roudet à Mont. pellier (1938) découvrent à leur tour le Kala-Azar, l’un chez une petite fille de 4 ans et l’autre chez un enfant de 2 ans. Entre temps (1937), les deux premiers cas de l’adulte font à leur tour leur apparition et sont signalés, le premier par Mourrut et Rouvière dans la région bitteroise, le second par le Professeur G. Giraud et ses collaborateurs dans la Lozère cévenole. Soit un totsl de six cas, dont quatre affectant la forme infantile. Fait très intéresant à noter, l’éclosion de la maladie humaine avait été en quelque sorte prévue et annoncée quelques mois à l’avance par le Pro¬ fesseur Harant, lorsque celui-ci parvint à démontrer l’existence d’une Leish¬ maniose canine dans la région (1932). Par la suite, les observations faites par Harant furent complétées par des recherches systématiques entreprises par le Professeur Carrieu et ses collabo¬ rateurs (1935,1937). Procédant à une enquête sur l’état des chiens se trou¬ vant à Montpellier, ces auteurs aboutirent en effet à la constatation suivante : sur 196 examens pratiqués, 32 furent trouvés positifs, soit une proportion de 16,3 pour 100. Dans l’ensemble, ce sont les chiens de chasse et les chiens de luxe qui sont les plus souvent touchés, sans doute parce qu’ils vont se contaminer soit en Camarque, soit sur la Ĉte d’Azur où la maladie canine sévit avec intensite. Que peut-on conclure de tous ces faits2 Pour le moment le Kala Azar ne parait pas avoir acquis dans le Languedoc une grande puissance de déve¬ loppement. Tout se passe comme s’il hésitait encore a franchir cet obstacle nattret que constitue le cours du Rhône. Néanmoins, pour exceptionnels qu’ils soient, les cas de contamination humaine autochtone sont absolument indéniables. D’autre part, il ne faut pas méconnaître le danger crée par l’infestation des chiens, lesquels constituent, comme chacun sait, les réservoirs de virus habituels de la maladie. Cete notion suffit à justifier la mise en œuvre dès maintenant d’un certain nombre de mesures de prophylaxie destinées à empécher l’exten¬ sion locale du processus. BIPLIOCRAPHIE A — RICRETTSTOSES ET FIÈVRES ENANTHÉMATIQUES 1. BENHAMQU. La Fièvre boutonneuse, Enevclopédie Mea. Chir Ire cait 1937 p. 8105. 2. BoINer et PIENI (L.). La Fièvre exanthematique du litoral méditerranéen. Etude dr¬ nique. Journ, méd. franc, 1. 18, n° 1, janvier 1929, p. 15. BAS -LANGUEDOC -ROUSSILLON 37 38 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 111. — LE PALODISME La question du Paludisme a de tout temps préoccupé au plus haut point médecins et hygiénistes aussi bien dans la région du Bas-Languedoc que dans la plaine du Roussillon. C’est qu’ici, en effet, la Malaria a trouvé réunies toutes les conditions favorables à son développement. Tout d’abord, ces con¬ trées sont situées en bordure d’une cête basse, parsemée d’étangs, vers laquelle confluent det torrents le plus souvent à sec, offrant une succession de mares d’eau stagnante. En second lieu, elles hébergent une grande quantité d’in¬ sectes piqueurs et notamment des Anophèles (type A, maculipennis) dont la distribution géographique aux alentours de Montpellier a été bien étudiée par Dubosd et Picard en 1917. Enfin, sur leur territoire vivent de très nombreux malades impaludés de plus ou moins longue date, dont la contamination s’est effectuée tantôt sur place, tantôt dans d’autres pays hautement infestés tels que l’Espagne, la Syrie ou l’Afrique du Nord. Placées de la sorte au confluent de multiples routes terrestres ou maritimes (ports de Sête et de Port-Vendres). elles ont servi mécessairement de lieu de passage à une foule d’émigrants, de coloniaux et de marins, véritables « réservoirs de virus » assurant la péren¬ nité du mal. Ainsi s’expliquent les ravages causés jadis parmi les populations du litto¬ ral languedocien, de même que ces épidémies meurtrières qui se sont succé¬ dé à travers les siècles jusqu’au moment où des mesures énergiques ont pu être édictées pour enraver leur marche extensive. L’histoire du Paludisme dans cette province méditerranéenne est des plus édifiante et ses étapes successives ont été retracées d’une manière particuliè¬ rement saisissante par Atger dans sa thèse soutenue en 1931 à Montpellier. Il semble bien que l’implantation des fièvres intermittentes dans le Ras¬ Languedoc remonte au premier temps du Moyen âge. L’invasion sarrazine. en suivant l’antique prospérité romaine, parait avoir apporté avec elle les germes de mort. En bien des points de la côte, les terres demeurées incultes sont devenues la proie des eaux. C’est toutefois du xure au XvuIe siècle que se sont déroulées les épi¬ démies les plus sévères et les plus nombreuses (on en compte jusqu’à 30 en 400 ans). Quelques exemples sont à cet égard particulièrement expressifs. C’est ainsi qu’Aigues-Mortes, ville florissante de 15 000 âmes au Moyen âge. ne comptart prus eir rrag que 1 900 habitants, le reste avant été décimé par BAS-LANGUEDOC- RQUSSILON 39 la Malaria (Lenthérie). A Frontignan, les fièvres se montraient à tel point dévastatrices qu on fut souvent obligé d’abandonner les cadavres, faute de pouvoir tous les enterrer (Chaptal). A Candillargues, la mortalité devint bien¬ tot telle que la région recut le triste surnom de « pays des veuves ». Par la suite la situation semble s’améliorer quelque peu, mais les cas de contamination demeurent encore très fréquents, notamment dans la région de Montpellier où les hopitaux continuent à recevoir de nombreux malades en provenance de la côte. Parmi ces malades, on remarque une forte pro¬ portion de soldats, le fait provenant sans aucun doute d’un aménagement défectueux des casernes toutes placées à proximité des gites anophéliens. L’année 1881 vit alors s’ouvrir une ère nouvelle dans l’histoire du Palu¬ disme. C’est à cette date, en effet, que Laveran découvrit l’hématozoaire dans le sang, permettant ainsi une identification rigoureuse de la maladie. Bientt de nombreux travaux complétèrent ce premier résultat en démontrant le rôle joué par l’Anophèle dans la transmision du germe et en précisant le mode d’action de la quinine, Immédiatement des mesures prophylactiques efficaces purent être mises en œuvre sur des bases scientifiques certaines. Dès lors, on asista d’année en année à une régression de plus en plus marquée des fièvres dans tout le Languedoc, à telle enseigne que l’endémie pouvait être considérée comme éteinte dès 1914. Malheureusement, au cours de la guerre mondiale, la situation ne tarda pas à se modifier. La campagne de Salonique en particulier ramena en France un contingent important de malades impaludés qui se répartirent dans tout le pays. Devant le danger nouveau ainsi créé, le Service de Santé prit aussi¬ t6t des dispositions énergiques. C’est ainsi qu’il fit rechercher tous les gites d’Anophèles en vue d’en interdire l’accès aux rapatriés suspects. Mais en 1919, la démobilisation générale vint compromettre gravement les résultats obtenus. Les hommes rendus à la vie civile ne voulurent plus se soumettre à aucune discipline ni s’astreindre aux plus élémentaires précautions. Dans ces conditions, les cas de contamination locale firent à nouveau leur apparition dans le Languedoc et dans le Roussillon. A l’heure actuelle, on peut dire que ces régions comportent plusieurs fovers actifs de Paludisme autochtone dont la topographie mérite de retenir un moment notre attention. Deux ouvrages relativement récents mettent d’ailleurs ces faits tout spécialement en lumière, et nous allons essaver d’en résumer très brièvement les conclusions, de manière à situer aussi exactement que possible le problème tel qu’il se pose de nos jours. Le premier de ces ouvrages est un travail du Docteur Miara publiée en 1938. et intitulé : « Le Paludisme dans le Bas-Languedoc ». L’auteur, après s’être livré à une large prospection auprès des médecins de la région montpelliéraine, est arrivé à délimiter plusieurs zones d’endemi¬ cite palustre s’échelonnant le long du littoral méditèrranéen, chacune d’entre elles se trouvant en quelque sorte centrée par un étang, comme on pouvait d’ailleurs s’y attendre. C’est ainsi que l’on peut distinguer les quatre secteurs principaux suivants : 1. Toute la zone contigus à la Camarque, incluse par conséquent dans le département du Gard, et où l’endémie s’étend assez largement autour de l'étang du Grau (Le Grau du Roi, Saint-Gilles, Bellegarde-du-Gard et Vauvert). 2. La zone de l’étang de Mauguio avec, comme fovers esentiels, outre le village de Mauguio lui-même, les localités de Lunel, de Castries et de Lansargues. La langue de terre qui sépare la nappe d’eau stagnante de la mer apparait d’ailleurs, comme tout particulièrement infestée (Rimbaud). 40 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 3 BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON E BAS-LANGUEDOC 32 1A PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 3. La zone des étangs de Vic et de Pérols avec, comme foyers princi¬ paux. Carnon, Pérols, Villeneuve-les-Maguelonne. Lavérune et Saint-Jean-de¬ Védas d’une part. Vic. Mireval et jusqu’à Frontignan d’autre part. L’impor¬ tante agglomération de Montpellier, située immédiatement en retrait, se voit ainsi placée immédiatement en dehors de la circonscription dangereuse; 4. La zone de l’étang de Thau enfin, avec Gigean, Poussan, Montbazin, Sête, puis Mèze. Agde et Vias. Le Docteur Miara ajoute à cette liste une zone accessoire qu’il dénomme « zone littorale sans étangs » avec les villages de Sérignan. Lespignan et Vendres. En réalité, elle comporte des lagunes importantes, telles que le petit étang de Vendres. Au surplus, elle se trouve à proximité du canal du Midi avec ses eaux dormantes. Tous les faits que nous venons d’énoncer sont d’autant plus intéressants à noter qu’ils préséntent un véritable caractère d’actualité. En effet, assez récemment, et en particulier au cours du mois de septembre 1942, nous avons assisté à une poussée de Paludisme d’invasion parmi les leunes des chantiers de la Jeunesse, venant de leurs camps montagnards et passagèrementzemplovés aux travaux des vendanges dans la région comprise entre Lunel et la mer. Entre les 5 et 16 septembre, en effet, 27 de ces jeunes gens ont été éva¬ cués sur notre service de Montpellier pour des accès fébriles. Sur ces 27 cas. 15 furent confirmés hématologiquement, ces matades avant été reconnus por¬ teurs de Plasmodium vivax dans le sang. Si chez les autres les examens de laboratoire demeurèrent négatifs, il est juste toutefois de faire remarquer que la plupart d’entre eux avaient déjà absorbé des doses plus ou moins élevées de quinine. Si cette petite épidémie nous a un peu surpris par son éclosion sou¬ daine, elle est loin cependant d’avoir étonné les vieux médecins de la région côtière, lesquels sont depuis longtemps habitués à traiter « les fièvres » dans leur clientèle, surtout en cette saison de l’année Voici d’ailleurs ce que disait l’un d’eux faisant précisément allusion à ces cas de contamination locale : « Ce sont les étrangers qui pavent le plus lourd tribut Peu de temps après leur arrivée dans le pays, ils tombent malades. Quelques-uns doivent même le quitter pour un témps ou changer de résidence. Quand les monta¬ gnards descendent pour faire les vendanges, il se produit toujours parmi eux un certain nombre de cas. » Il est probable d’ailleurs que les conditions d’hygiène défectueuses favo¬ risent en tout temps l’extension de la Malaria chez ces vendangeurs d’occasion. Le second travail dont nous abordons l’analyse est une intérescante rhèse de notre jeune camarade Lapeyssonnie, parue en 1941, avec pour titre : « Le Paludismé de primo-invasion en Roussillon ». Cette thèse retrace l’histoire d’une épidémie sévère de Paludisme qui a sevi en 1939-1041 dans le département des Pyrénées-Orientales à la suite de l’exode espagnol (1). La plaine du Rousillon avec son sol humide, ses nombreuses lagunes. ses lits de torrents et ses innombrables canaux d’irrigation destinés aux cul tures, constituait à vrai dire une terre d’élection pour le développement des Anophèles. Et, par le fait, ceux-ci n’ont jamais cessé de pulluler dans toute (1) Voir aussi le travail à peu près contemporain de Fabregas-Réal. sevir à l’iptérieur du département des Pyŕnées-Orientales, Il serait toutefois BAS-IANGUEDOC-ROUSSILION 43 cette région. Néanmoins — et c’est là un fait assez curieux — ces insectes ne paraissaient plus contaminés, malgré le passage incessant des rapatriés colo¬ niaux débarquant journellement à Port-Vendres. Brusquement, en 1939, la situation change, et l’on voit le Paludisme s’implanter à nouveau dans ces contrées depuis plusieurs années apparem¬ ment indemnes. C’est qu’entre temps s’était produit un bouleversement social considérable destiné à retentir longtemps sur l’hygiène et l’économie du pays. à savoir l’exode espagnol. Pendant les mois d’hiver on vit alors déferler sur la région le flot inin¬ terrompu des réfugiés (on les évalue à plus de 400 000), se pressant dans la promiscuité la plus désastreuse, au milieu des conditions alimentaires, hygié¬ niques, climatiques les plus défavorables. Or, parmi ces Espagnols, se trou¬ vaient des individus originaires des provinces du Sud où le Paludisme sévit à l’état endémique. Certains d’entre eux étaient porteurs de germes, qui ne tardèrent pas à propager le mal. Telles sont les circonstances qui ont provoqué l’éclosion subite d’une épi¬ démie palustre dans le Roussillon. Quant à l’évolution du processus, elle semble avoir comporté deux épisodes successifs. La première poussée remonte à l’automne 1939 et s’est chifrée par plu¬ sieurs centaines de cas locaux. Ele a pris naissance parmi les réfugiés du camp de Saint-Cyprien. Ces derniers ont très rapidement contaminé leurs gar¬ diens ainsi que les populations civiles assez misérables des alentours. De là la zone d’infestation s’est bientôt étendue à tout le territoire représenté sur le croquis ci-après et limité par les villages de Canet-Sud. Saint-Nazaire. Cabestang, Bages. Elne et Saint-Cyprien-Plage, Puis on assiste à un arrêt brusque de la morbidité des l’appzoche des premiers froids. L’année 1940 qui suivit fut relativement calme. Ainsi donc il y eut au cours de cette première étape, d’une part des cas de Paludisme de rechute importés d’Espagne nar les réfugiés, et d’autre part des cas de contamination autochtone, de Paludisme d’invasion, parmi les habitants du Roussillon (1). A l’issue de la période d’accalmie qui mit fin à la première phase de l'épidémie suivit une seconde pousée qui débuta soudainement en septembre 1941 à Canet-Plage, localité asez fréquentée des touristes. Elle fut caracté. risee par un nombre encore plus important de cas (90 contaminations notam¬ ment au village de Canet-Plage pour ce seul mois de septembre). Par ailleurs. elle s’abatit sur une superficie beaucoup plus vaste, sur tout le Rousillon. dont elle semble même avoir débordé les limites géographiques. Puis tout rentra dans l’ordre à nouveau. Dans tous les cas on observa uniquement des formes bénignes, dues au Phasmotim vivax et tont partieulièrement sensibles à l’action thérapeutique de la quinine. Depuis la fin de cete seconde alerte, l’infestation malarique a cesé de LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 44 imprudent d’en conclure que le mal est définitivement enravé et que tout dan¬ ger se trouve désormais écarté. Si l’on vient à parcourir les annales épidé¬ miologiques du Roussillon, on s’anerçoit en effet que l’Anophèle a déjà eu l’occasion à maintes reprises d’y manifester sa virulence. Sans vouloir remon¬ ter jusqu’aux épidémies qui s’y sont succédé pendant toute la fin du XvIue siècle et qui ont laissé après elles, dans les bas quartiers de Perpignan, une infestation longtemps persistante, il suffit de se reporter aux événements qui se sont déroulés dans la région lors de la Grande Guerre. A cette époque. de nouvelles explosions de Fièvre palustre se sont produites, notamment en 1915 et en 1917, au cours de la saison chaude. Leurs atteintes, qui se sont poursuivies jusqu’en l’année 1922, ont été particulièrement bien étudiées par Pavré du point de vue clinique, ainsi que par luillet et son élève Massot du point de vue biologique. Au point de vue de leur genèse, ces flambées épi¬ démiques entrent dans le cadre des faits que nous avons déjà signalés plus haut lorsque nous avons retracé l’historique de la question, et s’apparentent par bien des points aux incidents de 1939-1941. On retrouve en effet ici les mêmes causes favorisantes : un pays en guerre, qui souffre, un hiver pluvieux avant détrempé le sol, la surpopulation due à l’afflux des réfugiés venant des provinces du Nord de la France, la baisse générale du bien-être, l’in¬ suffisance de l’alimentation, etc. Quant au réservoir de virus, il était cons¬ titué à ce moment par de nombreux détachements de Sénégalais tenant gar¬ nison dans la région. Ainsi donc, comme le fait remarquer Sautet, le Roussillon constitue une zone de transition « où le Paludisme tend normalement à disparaitre, mais non sans quelques retours offensifs brutaux dès qu’un nouvel apport de virus important se produit, comme s’il ne quittait qu’à regret une terre dont il fut le maitre incontesté ». Quelle conclusion d’ensemble peut-on dégager de ce rapide apercu épi¬ démiologiquez Tout d’abord une constatation s’impose aur laquelle nous avons déjà attiré l’attention : c’est que dans le Bas-Languedoc aussi bien que dans le Roussillon les deux conditions essentielles au développement du Paludisme se trouvent réalisées en permanence. D’une part il existe des réservoirs latents de virus constitués par de nombreux malades cliniquement guéris, mais non stérilisés. D’autre part on y rencontre en abondance l’Anophèle dont les nom¬ breuses variétés nocives ont été récemment indiquées par Sautet. Aussi, est-il permis de penser avec Lapeyssonnie que « la population de ces contrées court à tout instant le risque de voir s’ihstaller chez elle une endémie interminable » — sans préjudice des manifestations épidémiques plus graves qui peuvent éclater sous l’influence de causes secondes, climatologiques ou économiques. Les leunes des Chantiers et les habitants de la plaine rousillonnaise viennent d’en faire l’expérience à leurs dépens. Il importe donc, pour tous ceux qui ont pour mission de veiller à la santé des collectivités dans nos régions, de se maintenir constamment en éveil et tout prêt à parer au mal, voire même à le prévenir (1). 453 BAS-LANGUEDOC- ROUSSILION Le Paludisme en Boussillor (daprés Lapeysonnie) 46 LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE LA FIEVRE DES TROIS TOURS DANS LA REGION MON BAS-LANGUEDOC- BOUSSILION TPELLIERAINE DE 1935 A 1941 (D'APRES R. RISE 3 près régulièrement chaque année par l’apparition, dans tout le secteur Nord LA PATHIOLOGIE REGIONALE DE LA IRANCE 48 BIBLIOCRAPHIE IV. — LA FIEVRE DES TROIS LOURS Le problème de la Dengue Maladie infectieuse estivale à virus inconnu, la « Fièvre des trois jours » a été décrite dès le début du XIX° siècle dans toute la partie orientale du bassin méditerranéen. Depuis lors, son champ n’a cessé de s’étendre et on l’a obser¬ vée successivement en Algérie et en Tunisie, sur le pourtour de l’Adriatique. en Calabre, en Sicile et jusqu’en Corse,. Bien plus, on l’a vue sévir au Por tugal sous forme d’une épidémie bien étudiée par Da Lima et Ramalhao. L’affection est inoculée par un petit diptère, le Phlébotomus papatas. chez lequel le virus se transmet héréditairement et se conserve d’une année à l’autré par l’intermédiaire des larves hibernantes infestées. En réalité, l’aire de répartition géographique de la maladie ne se calque pas rivoureusement sur celle du Phlébotome. Elle est sensiblement plus réduite, cet insecte avant ête rencontré dans tout le bassin de la Méditerranée, en Espagne notamment, ou même en France. C’est ainsi que sa présence a été signalée depuis assez longtemps déjà dans l’Hérault et les Alpes-Maritimes par R. Blanchard, en Bourgogne, aux environs de Lyon, de Paris et dans la Somme. lusqu’en 1935, cependant, la « Fièvre des trois jours » était demeuree complêtement ignorée dans toutes ces contrées et en particulier dans le Lan guedoc. Or, depuis cette date, l’attention du Corps médical est atirée à pet BAS-LANGUEDOC- ROUSSILION 409 Est de Montpellier, d’une affection à symptomatologie grippale, assez sin¬ gulière à cette période de l’année. Au cours des mois de juillet et aout 1941 notamment, elle s’est abattue sur une petite collectivité militaire cantonnée à proximité de Maugio, déterminant un assez grand nombre de cas, dont plus d’une vingtaine (25 exactement) ont été dirigés sur les hôpitaux mont¬ pelliérains et répartis entre le Service du Professeur lanbon et le nôtre. L’af¬ fection s’est alors présentée avec les caractères suivants : A chaque fois, le début s’est montré très brutal, survenant en pleine santé apparente. D’ordinaire, l’élévation thermique ne fut enregistrée qu’après quelques heures d’une lassitude extrême, laquelle se retrouve chez tous les sujets. La phase fébrile fut constamment de courte durée Les courbes thermi¬ ques parurent toutes calquées sur le même type : hyperthermie aux environs de 40 le jour de l’entrée (qui semble correspondre dans la règle au deuxième jour de la symptomatologie), puis chute de la température en deux paliers successifs au cours des deux jours suivants. Dans un cas il se produisit une rechute thermique après deux jours d’apv¬ rexie, tandis que dans un autre cas ce fut une double recrudescence fébrile qui précéda la guérison définitive. La céphalée fut constante et constitua le sympt̂me le plus pénible pour les malades. Ce fut une céphalée frontale intense, s’exagérant à la lumière et dans les mouvements de latéralité des veux. Chez trois de nos hospitalises. elle s’accompagna d’une réaction méningée fugace, avec vomissement alimen¬ taire, raideur de la nuque et ébauche de signe de Kernig. Dans un seul cas nous avons pratiqué une ponction lombaire, laquelle a donné issue à un liquide légèrement hypertendu, sans lymphocytose ni hyperalbuminose. Par ailleurs, un peu de courbature généralisée associée à quelques arthralgies se trouvent signalées dans deux observations. Nous serons très brefs en ce qui concerne l’examen somatique des sujets. En effet, si on excepte quelques cas d’albuminurie fugace et, fait plus intéressant, un aspect assez fréqemment iniecté des conjonctives, l’explora¬ tion des divers organes er appareils ne révéla rien de spécial. En particulier nous n’avons noté aucune trace d’éruption. Chez tous les malades la crise thermique a été aussitôt suivie du point de vue fonctionnel d’une disparition totale des douleurs, et d’une reprise de l’appétit. Seule l’asthénie à persisté pendant quelques jours. Obligatoirement la défervescence a été marquée par une légère polvurie. L’examen d’un frottis de sang pratiqué à ce stade à révélé le plus souvent uine mononucléose relative avec éosinophilie transitoire réactionnelle. Au cours de cette évolution, la seule thérapeutique instituée fut l’emploi de sulfamides et l’administration de boissons chaudes diurétiques. En resumé, poussées febriles éphémères avant évolué suivant un cyele moyen le trois jours avec lasitude marquée, inappétence, cephalée intense. voire même meningisme, pasager. Bilan somatique nézatif. Rétrocession rapide et totale. Ce syndrome est apparu ans prodromes chez dles individus en excellente santé, sans passé pathologique et sans antécédents coloniaux. Devant un tel tableau morbide, il nous a été facile d’éliminer certaines eventualités telles qu’une grippe banale, une fièvre éruptive au début, une typhose, une fièvre récurrente, ou encore la spirochetose dont les formes a la fois anictériques et méningées peuvent toutefois mériter la discussion. Pailleurs, divers, examens, de laboratoire pratiqués systématiquement, tant à la Clinique Pasteur que chez nous (frotis de sang, sérodiagnosties, etc.) on mis toutes ces affections hors de cause. 30 1A PATHOIOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE L’hypothèse d’une insolation et surtout d’un coup de chaleur nous retint un peu plus longtemps. Mais, en réalité, on ne retrouvait à l’interrogatoire aucune des conditions habituelles à ces accidents. Un de nos malades incrimina spontanément l’effet des piaires de mous¬ tiques, ces derniers pullulant litéralement autour des marais de Mauguio, A vrai dire, il soupconnait plutôt un Paludisme, que l’allure clinique de l’affec¬ tion ainsi que la négativité des examens hématologiques nous avait déjà permis d’écarter, Toutefois, la piste était bonne et c’est précisément au diagnostic de cette autre affection transmise par les moustiques qu’est la « Fièvre à papatacci » que nous nous sommes finalement arrêtés à l’instar du Profes. seur lanbon. Au reste, les conclusions d’un travail récent du Professeur Harant, insistant sur la fréquence dans la région montpelliéraine de deux variétés de Phlébotomes, le P. perniciosus et le P, papatasi, venaient confir¬ mer pleinement cette première impression basée sur les seules données cliniques. L’aire de distribution de la Fìvre des trois jours dans nos contrées à été bien mise au point ces derniers temps par le Professeur lanbon et son élève Rispe à la suite d’une enquête menée auprès des médecins praticiens. De cette enquête il résulte que la maladie parait actuellement sévir sur toute une zone circonscrite par les communes de Montpellier, Palavas. Saint-Lau¬ rent-d’Aigouze. Aimargues, Boisseron, Saint-Bauzille, Castries et Vendargues. avec comme foyers principaux : Mauguio. Lunel et Saint-Christol. 8i l’on considère maintenant le mode d’extension de cette aire d’endé¬ micité, on apprend que les premiers cas se sont déclarés à Saint-Christol (Hérault) un peu avant :1935, avec peut-être un fover aberrant sur les bords du Rhône à Aramon. De Saint-Christol, l’affection semble avoir gagné Mont¬ pellier et Lunel en 1935, pour frapper au cours des années suivantes — et notamment en 1941 — d’autres localités souvent distantes de plus de 50 Kilo¬ mêtres des centres primitifs. La connaissance de ces faits nous parait présenter du point de vue épi¬ demiologique un certain intérêt. En effet, les épidémies étudiées, pour bénignes qu’elles furent, n’en présentèrent pas moins une très grande diffu¬ sion dans certaines circonstancès, à telle enseigne qu’au cours; de l’été 1936 la moitié de la population chile de Mauguio fu atteinte, simulanément on vit, nous dit Bispe, le tiers des habitants s’aliter terrassés par cete courte maladie. Et le nombre des cas fut d’autant plus élevé que l’on vit partfois un même individu faire successivement jusqu"5 deux rechutes, le virus causal ne paraissant donc conférer aucune immunité durable. Dans ces conditions, il est permis de redouter l’éclosion périodique parmi toutes les collectivités résidant dans ces contrées marécageuses, et notamment dans les détachements de troupes, de nombreux cas de contagion suscep tibles d’entrainer des indisponibilités massives et prolongées, apparemment hors de proportion avec la bénignité du processus. Ainsi semble actuellement éclairée l’origine de certains épisodes febriles qui surviennent vers les mois de juillet et août dans tout le secteur situé au Nord-Est de Montpellier. Toutefois, comme le fait remarquer le Profeseui Janbon, il faut bien se garder de vouloir englober dans ce cadre de la « Fièvre à Phlébotomes » toutes les variétes de « Crippes d’été » que l’on observe dan la région. Celles-ci peuvent en effet relever de causes les plus diverses, parm lesquelles il convient de citer notamment, outre les cas de Paludisme autoch tone auxquels nous avons déjà fiait allusion au cours du paragrephe pr cédent, des cas de spirochetosé et peut-être aussi quelques accès authentique de Dengue. A ce propos se pose un problème épidémiologique très intérè sant dont nous allons dire maintenant quelques mots pour terminer. BIRLIOCRAPHIE BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 51 Dans certaines de ses publications sur la « Fièvre à papatacci » dans le Bas-Languedoc, le Professeur lanbon signale avoir eu, il y a quelque temps. connaissance de six observations à propos desquelles le diagnostic de Dengue avait été posé, deux d’entre elles appartenant au Docteur Védel, de Lunel, et les quatre autres au Docteur Chardonneau, de Montpellier. L’aspect clinique était, en effet, tout à fait en faveur de cette affection puisqu’il s’agissait d’états fébriles de courte durée s’accompagnant à peu près constamment d’un exan¬ thème rubéoliforme et suivis d’une recrudescence fébrile. Le diagnostic envi¬ sagé trouvait d’ailleurs une sorte de confirmation dans certaines données d’ordre épidémiologique, telles que la superposition habituelle des aires de répartition de la Dengue et de la Fièvre des trois jours et d’autre part la présence constatée de quelques espèces de Stegomya dans nos contrées méditerranéennes. Malgré ces arguments, nous ne pensons cependant pas que l’existence d’un fover naissant de Dengue dans le Bas-Languedoc puisse être admise sans réserves. Les épidémiologistes, et notamment le Médecin-Général Normet avec qui nous avons eu l’occasion de discuter de la question, sont en effet tous d’accord pour reconnaitre à cette affection une contagiosité extrême. Dès lors, il apparait comme peu probable que celle-ci ait réussi à s’implanter sur notre sol en limitant ses effets à quelques rares cas sporadiques. Dans un milieu « neuf » comme celui de notre province, au sein d’une population offrant un terrain éminemment réceptif, son apparition n’et pas manqué, à notre avis, de déterminer une morbidité très dense et de déclencher des épidémies très étendues. Tout en reconnaissant que, bien des circonstances favorables au dévelop¬ pement de la Dengue se trouvent réunies dans la région montpelliéraine, nous estimons donc que, jusqu’à preuve du contraire, son apparition dans ce sec¬ teur ne saurait être considérée comme un fait acquis. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 32 V. — LA DYSENTERIE AMIBIENNE ET LES DIVERSES AUTRES PARASITOSES INTESTINALES A. — LA DISENTERIE AMIBIENNE. L’installation de l’amibiase en France est déjà un fait anciennement connu puisque, dès 1905. Dopter signalait que cette affection pouvait être propagée à leur entourage par les colonjaux infestés, de retour dans la métro¬ pole. Jusqu’en 1914, un certain nombre d’observations furent publiées tant à Paris qu’en province (Lyon et Marseille surtout) confirmant la réalité de l’implantation sur notre sol de cette maladie jusqu’alors considérée comme exclusivement exotique. La guerre de 1914-1918, avec les énormes brassagel d’hommes qu’elle provoqua, vint bientôt apporter à la théorie naissante de l’amibiase autochtone des arguments d’une exceptionnelle richesse. Les condi¬ tions défectueuses d’hygiène dans lesquelles nos soldats vivaient sur le front l’insalubrité des tranchées où nos troupes voisinaient avec les contingents indi¬ gènes, permirent une dissémination rapide de l’infection. On vit ainsi se mul tiplier les cas de contagion, non seulement parmi les coloniaux, mais encore entre ceuxci et des sujets n’avant jamais quitté notre pays. Après la guerre les cas d’infestation autochtone, tans être aussi fréquents demeurèrent pom breux. En 1924. Garin et Lépine purent réunir 208 cas d’amibiase dans la seule région lyonnaise. Or, parmi leurs malades, il y en avait 40, soit près d’un cinquième, dont la contamination s’était faite en France. Semblablement Bensaude, Gain et Terrial en 1930 remarquèrent que, sur les 68 cas dépistés par eux, la moitié seulement concernait des individus avant séjourné hor d’Europe. La réalité d’une amibjase née sur notre sol ressortait donc claire¬ ment de ces deux statistiques, ainsi d’ailleurs que de plusieurs autres (Ravault Savignac, etc.). Mais, tandis que dans certains cas la notion d’un contac infectant auprès de coloniaux permettait d’établir facilement l’origine de faits observés, dans d’autres cas, par contre, il était impossible de retrouvel la moindre filiation. On sait que pour expliquer l’apparition de ces acci¬ dents en apparence spontanés lés hygiénistes, et notamiment M. Vincent, ont invoqué la contamination indirecte par des objets souillés, et surtout l’inter vention des porteurs sains de germes, véritables « semeurs de lystes », d’au tant plus dangereux qu’ils demeurent le plus souvent méconnus. Quoi qu’il e soit, les données que nous venons de rapporter sont venues démontrer tré largement que l’amibe dysentérique, agent causal de l’infection, est désormai partenue s’adapter 3 nos climats et a réusi a s’installer défimitigemen sur notre sot. Ce qui contribue beaucoup à compliquer le probleme diagnostique de l’amibiase sporadique, ce n’est pas seulement la difficulté que l’on éprouve parfois à déceler son mode de transmission, mais c’est encore l’atypie fre réquente des aspects sous lesquelles elle peut se présenter. Gondange a par faitement décrit ces aspects anormaux au cours de ea thèse, signalant notam ment une forme diarrhéique pure, une forme avec constipation prédominanle des formes entéro-colique muqueuse et entéro-colique ulcereuse et des forme associées. Nous, sommes bien loin dans ces cas de la forme chassique, à 12 de recto-colite ulcéreuse, engendrant un eyndrome net et précis, le syndron l’ami dysentérique. On concoit dès lors que l’on risque parfois de mécomnaire biase, surtout si aucun antécédent suspect ne vient orienter vers l’Iypothe d’une contamination ancienne. De la la nécesite, au moindre doute, de f mettre en œuvre pour éclairer le diagnostic. Les entérologues moderne recommandent dans ces cas de procéder systématiquement à toute une :e BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 3 d’explorations dont les principales sont les suivantes : tout d’abord, la recherche du parasite, non plus simplement dans la selle elle-même, mais sur des glaires prélevées au niveau de la muqueuse recto-sigmoidienne, au besoin après administration d’un liquide irritant. En second lieu, l’étude eudoscopique des lésions de cette même muqueuse, laquelle peut présenter des ulcérations et des zones d’hyperémie, sinon pathognomoniques, du moins suffisamment caractéristiques. Enfin, il faut ajouter à cela l’épreuve du trai¬ tement antiamibien qui, bien qu’il ne soit pas absolument spécifique, est susceptible lui aussi de fournir des indications précieuses. En définitive, on voit que l’identification d’une amibiase doit reposer avant tout sur un faisceau de documents et non sur un test unique qui a bien des chances de se trouver en défaut. A l’heure actuelle, par suite du nombre élevé des porteurs d’amibes et de Kystes disséminés dans tous les pays, on est en droit de suspecter l’amibiase chronique autochtone chaque fois qu’on se trouve en présence de troubles cotitiques banaux d’apparence, mais rebelles à la thérapeutique usuelle, et ce, mênue chez des individus n’étant jamais sortis de leur pays d’origine (Baumel). A cet égard, l’absence de tout syndrome dysentérique typique initial et la négativité constante des examens de selles ne sauraient constituer des arguments valables contre cette affection et ne doivent en aucun cas retarder la mise en œuvre du traitement d’épreuve, véritable pierre de touche du diagnostic. Si, comme nous l’avons indiqué plus haut, des cas de contamination locale ont pu être nettement authentifiés dans de nombreuses contrées de la France et hotammenr dans les départements de la Seine et du Rhône ainsi que dans le Nord, la région languedocienne n’a pas fait exception à cette règle, Zone de passage, sans cesse traversée par les émigrants, les coloniaux Et les marins elle ’est trouvée de ce fait essentiellement exposée à la contagion, d’autant que son climat chaud semblait se prêter tout spécialement à l’implantation d’un germe jusqu’alors adapté aux pays tropicaux. Dans ces conditions, on ne saurait s’étonner que d’assez nombreux cas d’infestation se soient manifestés au cours de l’année 1939 parmi les populations du Rous. sillon entrées en contact avec les réfugiés espagnols lors du grand exode. En leur temps, ces faits furent à rapprocher, de l’éclosion d’une épidémie de Palndisme d’invasion survenue parallelement et dont nous avons deia décrit les modalités. Bien que l’installation de l’amibiase sur notre zone côtière soit ainsi devenue une notion bien établie, il est extremement curieux de constater com¬ 64 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE déjà soigneusement triés, les renseignements qu’elle nous apporte méritent d’être médités. Ceux-ci nous démontrent en tous cas l’extension prise par l’amibiase dans le bassin languedocien et justifient le maintien d’une observa¬ tion vigilante des mesures prophylactiques édictées. B. — LES PARASITOSES INTESTINALES COMMUNES. Depuis quelques années, l’étude de la faune parasitaire humaine a fait l’objet dans la région de Montpellier d’un certain nombre de recherches d’ordre statistique. Si l’on excepte pour l’instant les résultats publiés par M'le Vernières, lesquels concernent plus spécialement l’enfant, tous ces tra¬ vaux ont eu essentiellement en vue le parasitisme intestinal de l’adulte. Nous allons tout d’abord essaver de préciser l’importance de ce dernier facteur dans la province du Bas-Languedoc, ainsi que la nature des ipfestations qui y sont le plus souvent observées. Ensuite, nous comparerons les chiffres obte¬ nus dans cette région à ceux qui ont été enregistrés dans d’autres contrées de la France. J. — En 192, Juillet. Calavielle et Bousquet ont cherché à déterminer. en s’adressant pour cela à la population flottante des hôpitaux montpellié¬ rains, la proportion des sujets éliminant par les selles des œufs de Cestodes et de Trematodes. Sur 325 examens pratiqués, 187 étaient positifs, soit un taux de 57 pour 100. Poursuivant ses investigations sur un autre lot de 348 malades recrutés dans des conditions analogues. Bousquet, en 1926, identifie cette fois 190 Forteurs de germes, ce qui aboutit au même pourcentage. L’année suivante. Carrieu et Mmes Rambault rapportent dans les « Archives des Maladies de l’Appareil digestif » les résultats de leurs recherches sur les flagellés de l’intestin humain pendant l’année scolaire 1925-1926, mais ils ne découvrent que 17 cas positifs sur 212 sujets examinés, soit à peine 3 pour 100. En 1936,. Harant, Me Vernières et Bunnag, prospectant parmi les malades atteints d’affections diverses hospitalisés dans les services de clinique médicale de la ville, parviennent à un total de 80 sujets parasités sur 200. soit exactement 40 pour 100. Enfin. Bunnag, en 1939, fait état dans sa thèse d’un autre bilan por¬ tant sur 155 individus de même provenance et signale avoir dépisté parmi eux 47 sujets contaminés, c’est-à-dire une proportion de 30,3 pour 100. Tous ces auteurs insistent beaucoup, au cours de leurs publications, sur la fréquence des infestations pluriparasitaires. Celles-ci représentant notam¬ ment près du tiers des cas positifs dans la statistique de Juillet. II. — Voyons maintenant quels sont les parasites qui ont été les plus souvent rencontrés dans les selles au cours de ces diverses enquêtes. Le tableau ci-dessous, emprunté au travail de Bunnag, va nous permêttre à ce propos d’établir clairement une comparaison entre les pourcentages obtenus jusqu’à présent (voir page 46). La lecture de ce tableau appelle quelques commentaires : J. On note tout d’abord un abaisement progressif tres marqué du tauc du parasitisme, à mesure que l’on se rapproche davantage de la période actuelle. Cette diminution est surtout sensible dans la lignée des Métazoaires et intéresse notamment les Trichocéphales, encore que ceux-ci continuent : se maintenir au premier rang. Pour Bunnag, on peut attribuer ces faits à l’amélioration générale survenue dans les conditions d’hygiène, en particulier en ce qui concèrhe LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA ERANCE 36 2. Il existe toutefois une exception à la règle précédente : elle à trait au Ciardia intestinalis dont la dissémination semble au contraire s’être accrue depuis quelques années. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir sur ce point (1). 3. Aucune de ces statistiques ne fait mention de l’Entamœba histolitica. On remarque seulement la présence de quelques Entamœba dispar, ainsi que de quelques autres variétés d’amibes, au démeurant inoffensives, telles que l’Entamœba coli, cette dernière assez fréquente. 4. Les dernières recherches effectuées ne sixnalent aucun cas d’ankylos. tomiase. Cette constatation vient confirmer les résultats d’une enquête menée par le Professeur Harant auprès des médecins résidant dans le bassin minier du Card, ceux-ci étant d’accord pour reconnaitre l’extrême rareté de cette parasitose parmi leur clientèle. 5. On sera peut-être surpris de voir les Tœnias si peu représentés dans le tableau précédent, malgré que ces Cestodes soient répandus dans nos régions. En réalité, le Taenja saginata, le seul couramment observé dans les environs de Montpellier, est d’un diagnostic coprologique difficile, ses œufs se rencontrant rarement dans les selles humaines. Quant au Tenia solijum. on peut le considérer comme exceptionnel, sa proportion demeurant pour Harant constamment inférieure à 1 pour 300, aussi bien chez les enfants que chez les adultes (2). II. — Passons maintenant à l’étude du parasitisme intestinat ches l’enfant dont les caractéristiques locales ont été remarquablement exposées dans la thèse de M°e P. Vernières à laquelle nous empruntons les données numériques ci-après. Enfants examinés : 100. Enfants porteurs de parasites : 50 (dont II pluriparasités). (1) Le nombre des examens de selles pratiques au laboratoire régional du Service de Santé (Méd. Lt-Col. Seilhan) concernant les lualades de notre service à été de 54 pour l’ensemble des trois mnois de juillet, août, septembre 1943. Sur ce total, nous avons obtenu 11 réponses positives, soit une proportion de 20 %. Si l’on excepte un cas ou la pré sence d’E, dysenteriae put être mise en évidence, il s’agissait exclusivement d’infestalior par les giardia intestinalis. On voit que ces résultats viennent confirmer ceux obtenus par les divers auteurs. (2) Nous signalerons, A titre de curiosite, que Harant et Richard ont observce chez deux de leurs malades des troubles gastro-lutestinaux qu’ils ont pu rattache à l’ingestion acidentelle de larves d’Eristales, sorte de mouche très fréquente dan les environs de Montpellier pendant les matinées ensoleillées du printemps et de l’été Par ailleurs, Harant et Morel ont pu réunir en 1941, trois cas de filariose (Dirofilaria). l’un à Montpellier, l’autre à Narbonne et le troisième dans le Vaucluse 38 LA PATHOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE Ce travail vient donc confirmer dans leur ensemble les conclusions aux¬ quelles sont parvenus tous les auteurs précédemment cités. Toutefois, les chif fres fournis par Mle Vernières aménent à formuler les quelques remarques suivantes : 1. Les Giardia intestinalis, déjà fréquents chez l’adulte (6,4 9%), se ren¬ contrent chez l’enfant dans des proportions encore bien plus fortes (19 26). A ce propos, il y a lieu de rappeler ici les discussions qui ont été autrefois soulevées relativement au pouvoir pathogène de ce parasite, auquel nombre de cliniciens et d’expérimentateurs reconnaissent aujourd’hui un rôle effec¬ tif dans la production de certaines diarrhées chroniques, voire même dans quelques réactions vésiculaires (Baumel. Gondard). 2. Les grands Tgenias et les Orvures ne sont, par contre, qu’exception¬ nellement décelés. En réalité, on sait que cette rareté est purement apparente et tient essentiellement à l’infidélité des méthodes de diagnostic basées sur l’examen microscopique des selles. Ces parasites sont en effet infiniment plus fréquents que ne le laisserait supposer la seule recherche de leurs œeufs dans les matières fécales par les procédés classiques (voir ultérieurement la méthode récemment préconisée de la « cellophane adhésive » pour la recherche des oxvures). 3. Plus du cinquième des cas positifs correspond à des entants pluripara¬ sités (prépondérance dans ces associations des Giardia et des Trichocephales). IV. — Il nous reste maintenant à comparer la fréquence relative des principales espèces parasitaires de l’intestin humain dans la région de Mont¬ pellier et dans d’autres régions de la France. A cet effet, nous reproduisons page 48 un autre tableau extrait de la thèse de Bunnag et où figurent côte à côte des statistiques parisiennes, marseillaises, bordelaises et montpel¬ liéraines (pourcentages). Dans l’ensemble, les taux de ces divers parasites sont assez voisins les uns des autres; néanmoins, ou observe quelques différences que Bunnag a bien mises en lumière. 1. Le pourcentage d’Entamœba dysenteriae est mettement plus important dans les régions de Marseille et de Parie que dans celles de Bordeaux et de Montpellier (plus de 3 pour 100 d’écart). 2. La proportion des oxvures est très élevée dans la région marseillaise (11,87 %), alors qu’elle est relativement minime dans nos contrées (1.33 %). Ce fait s’explique d’ailleurs fort bien si l’on considère que les statistiques de Pringault portent à la fois sur des adultes et sur des enfants, ces der niers pavant le tribut de beaucoup le plus lourd à l’oxvurose. 3. Le taux des Trichocéphales et élevé dans les régions de Paris. Bor¬ deaux et Montpellier par rapport à la région marseillaise. 4. Enfin, si l’on envisage ce tableau globalement, ou s’aperçoit que le pourcentage des infestations parasitaires sur le territoire montpelliérain est dans l’ensemble, inférieur à celui des trois autres régions considérées. En définitive, il semble que les faits que nous venons d’exposer pzuvent se résumer dans les trois propositions suivantes : 1° Le parasitisme intestinal à Montpellier et dans ses environs est pe dételoppés; il l’est moins, en tout ceas, que dans d’autres groses agglome rations françaises. 2 Ce sont les Ciardia intestinalis qui, à l’heure actulle, représenten les parasites les plus communs de nos régions. 3° Les Helminthiases sont relativement peu fréquentes et leur nombr parait en décroisance. Parmi elles, la Trichocéphalose conserve tomoun plus grande place. BAS-LANGUEDOC- ROUSSLON 86 Ces constatations, qui demandent d’ailleurs à être reçonsidérées en utilisant les techniques modernes, ne doivent pas faire négliger l’application rigoureuse des mesures de prophylaxie depuis longtemps en vigueur dans notre région et dont l’observation ést sans doute à l’origine de la diminution du nomp des infestations actuellement enregistrées. BIRLIOCRAPuIE 60 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE VI. — LES MALADIES INFECTIEUSES, EPIDEMIQUES ET CONTAGIEUSES COSMOPOLITES LES FIEVRES ÉRUPTIVES Un caractère commun à toutes ces affections est de déterminer pério. diquement à travers l’Europe, et plus particulièrement dans sa partie sep¬ tentrionale (Allemagne du " Nord. " Pays anglo-saxons) des épidémies sou¬ vent massives et meurtrières. Dans ces conditions, il nous a paru intéressant d’examiner quel est le comportement spécial de ces maladies dans une région qui, comme le Languedoc, bénéficie d’un climat très adouci et se trouve lar¬ gement soumise aux influences méditerranéennes. Pour répondre à cette question, nous avons puisé essentiellement notre documentation dans les bilans publiés par l’Institut National d’Hygiène et correspondant aux années 1938-1945 d’une part et aux années 1949-1953 d’autre part. Les renseignements qui nous sont parvenus des Services d’Hygiène com¬ portent le gros avantage de s’appliquer à l’ensemble de la population locale. Au surplus, ils permettent une comparaison fructueuse entre le Bas-Langue¬ doc et les autres provinces françaises, le tableau ci-dessous indiquant notam¬ ment, en regard de l’indice moyen de morbidité calculé pour 100 000 habi¬ tants durant la période en cours, le rang occupé par chacun des départe¬ ments considérés par rapport à la totalité du pays. Malheureusement, ils ne fournissent souvent qu’un reflet asez imparfait de la réalité, les médecins praticiens négligeant encore trop fréquemment de faire aux autorités compétentes la déclaration réglementaire des maladies contagieuses qu’ils traitent dans leur clientèle. Morbidité movenne enregistrée par l’LN H, entre 1938 (ou 1939) et 1945. 61 commentaires : BAS-LANGUEDOC - POLISSILLONI Morbidité moyenne enregistrée par l’L H N, entre 1948 et 1955. Le faits qu’expriment ces deux tableaux appellent maintenant quelques A. — LA SCARLATINE. Il est de notoriété parmi les praticiens evercant dans le Ras-Languedoc et dans le Roussillon que la Scarlatine se caractérise à la fois dans ces régions par sa rareté relative et par la bénignité de son évolution. En ce qui concerne notamment le premier de ces points de vue, toug le monde est d’accord pour admettre que la morbidité est ici plus faible que dans la plupart des autres provinces francaises. Les statistiques ci-dessus se montrent à cet égard assez démonstratives encore qu’elles indiquent des taux plus élevés dans la plaine qu’au niveau des deux môles pyrénéen et avevron¬ nais qui la limitent de part et d’autre. De même, pour la grande majorité des auteurs, la maladie affecterait constamment parmi les populations originaires de cette partie du littoral médi¬ terranéen une symptomatologie des plus frustes et ne donnerait jamais lieu à aucune complication. Dans ces conditions, il est facile de concevoir que l’on ait pu parfois hésiter à prononcer le nom de Scarlatine si redouté dans tous les pays nordiques devant des états morbides aussi atténués dans leurs mani¬ lestations. C’est pourquoi le Professeur lanbon, dans son service des conta¬ gieux de l’Hépital suburbain de Montpellier, préfère s’en tenir dans ces cas à la dénomination plus vague et surtout moins péjorative de « rashu scartati¬ horme », ave apparemment d’autant plus de raison que la réaction d’extinc¬ tion locale de Schultz - Charlton, considérée comme pathognomonique, se montre ordinairement négative. Pour expliquer une telle bénignité de la Scarlatine sous ce climat, deux explications sont possibles, l’une invoquant une atténuation de virulence du Berme causal, l’autre faisant valoir une résistance spéciale du terrain, sans du il soit d’ailleurs posible de prendre définitivement parti entre ces opi¬ hons. Toutefoie, il eet un fait très intéresant à noter, c’est que, dans la pégle, lorsqu'’il arrive à un étranger au pays de contracter une Scarlatine autochtone, celle-ci se rapproche par sa gravité des formes nordiques. Cette eventualite, qui a te souvent observe pendant la période de 1940-1941 chez d cttes, eoble, phaidlar en ycutr, de Fintruoution prdomimonte 4 lacteur racial. LA PATLIOLOGE RÉGIONALE DE LA TRANCE 62 C’est sans doute à cette dernière notion qu’il convient d’attribuer l’ap¬ parent paradoxe qui se dégage parfois à la lecture des tables de mortalité scarlatineuses émanant de l’Armée, celles-ci paraissant indiquer pour la région considérée des chiffres relativement forts par rapport à la morbidité. Cette anomalie semble effectivement imputable à la provenance souvent très diverse des éléments incorporés dans les régiments du Midi, ces derniers comprenant de nombreux montagnards originaires du Massif Central. Au reste, la plupart des Statistiques qui ont été établies par les services civils se trouvent en con¬ tradiction avec les précédentes données et attestent une fois de plus la faible mortalité imputable dans la région à cette Fièvre éruptive. B — LA ROUCEOLE. Extrêmement diffusible, la Bougeole sévit dans le Bas-Languedoc avec une intensité moyenne. Elle y est responsable de quelques épidémies assez importantes, en particulier durant les années 1929, 1931, 1945 (près de 1 500 cas) et 1951 surtout, où elle a engendré au total 1 600 atteintes dont 828 dans le seul département de l’Avevron. Malgré la douceur habituelle de la température ambiante, l’affection est loin, d’ailleurs, de se présenter toujours avec la bénignité à laquelle on pourrait s’attendre à priori, les complications putmonaires qu’elle occasionne n’avant rien d’exceptionnel. C’est là une constatation intéressante qu’il importe de ne pas perdre de vue. C - LA VARIOLE. D’ordinaire, cette redourable maladie ne se manifeste sur le territoire languedocien que sous forme de cas isolés d’importation étrangère. Cepen¬ dant, les années 1924 et 1927 ont été marquées par de petites épidémies locales qui ont compté respectivement 8 et 37 atteintes avec, au total, 16 décés (Car¬ rieu et Pappas, thèse de Carrière). D. — LA SUETTE MILIAIRE. Tout en passant pour une maladie fort rare dans la zone méditerra¬ néenne, la Suette miliaire n’y est pas moins présente. Elle semble avoir été bien connue des anciens auteurs. Il y a quelques années, le Docteur Roullaud de Béziers en a publié une observation caractéristique. E — LA DIPuT́RIE. Rien ici ne singularise à première vue cette maladie, du moins si l’on en juge par les tables de morbidité régionales dont nous venons de repro¬ duire des extraits. Signalons toutefois qu’en 1945 plus de 2 000 cas ont pu être enregistrés dans les cinq départements considérés, dont 629 dans le Card et 386 dans l’Avevron, cette dernière localisation paraissant traduire l’in¬ fluence facheuse exercée par le Massif Central tout proche, siège, comme nous le verrons plus loin, d’une endémie assez marquée. Plus récemment, on retrouve encore une pousée épidemique de quelque violence dans les Pvrénées-Orientales en 1953 où 113 déclarations ont pu être recueillies. Mais ces sursauts se font aujourd’hui de plus en plus rares, la situation ne cessant de s’améliorer d’année en année du fait surtout, de la généralisation des vaccinations. C’est ainsi que l’indice moyen de morbidite qui, dans le Bas-Languedoc-Rousillon, était de 50 durant la période 1939 1945, est tombé pour les années 1949-1953 à 8 pour 100 000 habitants. BAS-LANGUEDOC- ROUISSILION Cette baisse appréciable de la morbidité n’implique pas pour autant que l’affection soit moins dangereuse. A cet égard, pous avons eu nous,mêmes l’occasion d’assister en 1942 et 1943 à l’éclosion de nombreuses formes à évo¬ lution maligne, soit d’emblée, soit secondairement (syndrome de Martan) qui furent d’ailleurs d’autant plus difficiles à traiter que la pénurie de sérum se fit très rapidement sentir. Antérieurement, des faits aussi graves avaient déjà été relevés dans le pays, dont on pourra trouver la relation dans les thèses montpelliéraines de leaniean et Naboudet (la mortalité fut notamment de 13 pour 100 durant l’épidémie de 1929). De semblables ohservations sont encore publiées de nos jours, incitant à la prudence et condamnant un opti¬ misme qui serait prématuré. E. — LA POLIOMYÉLITE ANTÉRIEURE ALCUE Surtout répandue dans nos départements de l’Est, la Poliomvélite n’a donné lieu dans nos régions, jusqu’en l’année 1943, qu’à des manifestations très clairsemées, puisque les documents que nous possédons ne nous ont per¬ mis d’en réunir que 9 cas en 5 ans dans le Gard, 30 cas en 15 ans dans les Pyrénées-Orientales et un peu plus d’une vingtaine en dix ans dans la cir¬ conscription de Montpellier — ceci en milieu civil — et dans l’Armée, 3 cas en 7 ans (1929-1935) sur 102 au total pour toute la France. Par contre. l’été 1943 vit la maladie s’installer sur le Plateau Central et, de là, dégerler en direction des plaines languedociennes. A la fin de la saison, 25 cas avaient été enregistrés dans le service du Professeur Janbon. ceux-ci avant été contractés moins souvent dans le département de l’Hérault lui-même que dans son voisin, le département de l’Avevron, tout particuliè¬ rement touché. Les types cliniques observés furent très polymorphes, avec, tou¬ tefois une prédominance nette des formes algiques et méningées (modi¬ fications fréquentes du liquide cénhalo-rachidien). Il est certain que cette épidémie est la première à avoir causé quelque inquiétude parmi les hahitants de ce littoral. Depuis lors, la Poliomvélite semble avoir affirmé con emprise sur le Bas¬ Languedoc-Roussillon, ainsi que l’ateste le second tableau figurant en têté de ce chapitre. Comparé au fableau précédent, il traduit en effet une aggra¬ vation sensible de la situation au cours de la période récente de 1940-1953. aggravation qui s’est montrée prédominante dans les départements de l’Hé¬ rault et du Gard et, parait surtout liée à la poussée épidémique sévère de intéresant : concentré par la suite un bon tiers des atteintes. La possibilité d’une rela. tion entre l’apparition des cas nimois et des travaux d’installation d’un réseau degout a été envisaǵe, mais une enquête approfondie n’a pas permis de con. firmer cette hypothèse. C. — L’ENCéPHALITE EPIDÉMIQUE. Son incidence demeure très modérée sur le Bas-Languedoc. Les statis¬ tiqnes militaires, en particulier, n’en mentionent que 6 ceas — sur 132 dans toute Armée — dans l’ancienne 16° Région durant la période 1927-1935 pitsos lerpla shles i 20 L. Nar, le de Lon t Couvcenesnont militaire de Paris). LA PALUICLUNIL NEVIVLNNEE DE PS T IACE 64 H. — LA MéNINCITE CéRÉRRO-SPINALE Quelques cas sporadiques de cette affection ont été signalés chaque année au cours de la période de calme 1919-1939 (15 cas en 20 ans à la Clinique Pasteur, 25 en 10 ans dans la ville de Montpellier). Mais, en temps de guerre. les observations ont été beaucoup plus fréquentes, en rapport sans doute avec les mouvements intenses de population. C’est ainsi que pendant la Campagne de 1914-1918 on a pu dénombrer 35 atteintes à Montpellier et 13 à Narbonne. Pendant les deux années 1939,1940, on en a compté de même 39 à Mont pellier et 56 à Nimes (A. Pons). En réalité, ce sont là des constatations d’un ordre très général qui ne sont particulières ni au processus nl à la région. Actuellement, une nouvelle phase de régresion se manifeste avec le retour à l’état de paix, les statistiques de l’Institut National d’Hygiène ne rele¬ vant en effet qu’une centaine de cas environ — 98 exactement — pour tout le territoire envisagé durant la période 1949-1953. Ainsi que l’indique le tableau précédemment publié à ce sujet, le Bas-Languedoc-Roussillon occupe donc de nos jours en France, en ce qui concerne la fréquence de la Méningite-cérébro. spinale, une position un peu inférieure dans l’ensemble à la moyenne franggrsc;. J. — LA CRIPPE. Tout comme la Rougeole, la Crippe affecte occasionnellement dans le Bas-Languedoc une diffusion" et une gravité à prime abord surprenantes si l’on tient compte de la tiédeur habituelle des bivers sur toute l’étendue de la côte méditerranéenne. En effet, cette affection pe manque pas de déterminer, à l’occasion, des épidémies rapidement extensives. Comparée aux autres régions militaires, la 16° Région comptait même parmi celles qui accusaient les morbidités moyennes les plus élevées ainsi que le démontre le dernier tableau. Bien mieux, si l’on confronte les chiffres annuels correspondant à la période 1927. 1935, on s’aperçoit que, dans l’Armée, cette morbidité n'’a cessé de croitre progressivement jusqu’à atteindre des valeurs maxima au cours des quatre dernières années. Dans le milieu civil, il parait en être de même, encore qu’aucune statis¬ tique rigoureuse n’ait pu être établie sur ce point, l’influenza ne figurant pas sur la liste des maladies à déclaration obligatoire et sa bénignité très fré¬ quente lui permettant, dans un grand nombre de cas, d’échapper au contrôle megrcal (1). (1) Un autre facteur vient encore dans certains cas compliquer quelque peu le problème, Très souvent, au début des épidémies, il est difficile de faire le départ exact entre la grippe authentique et le banal catarrhe saisonnier. Ordinairement on s’en tient alors au diagnostic commode de « courbature fébrile ». Une telle prudence est au demeurant, tout à fait excusable, surtout en milieu militaire, où l’avènement de la Grippe oblige à prendre des mesures prophylactiques énergiques susceptibles d’immo¬ biliser momentanément les Troupes et de nuire à l’instructioh des Rectues. Quoi qu’i en soit, toutes ces temporisations ne manquent pas d’avoir parfois des répércussions fâcheuses sur l’établissement des statistiques officielles. Pour notre part, nous crovons que l’étiquette de Grippe peut être posée de manìre formelle en présence d’une éclosion massive et soudaine d’états fébriles s’accompagnant de rachialgies et d’accidents hémor ragiques. Lorsque, dans un régiment, voué depuis quelque temps aux catarrhes rhino trachéo-bronchiques, on voit l’effectif des malades tripler du jour au lendemain, cepen dant qu’apparaissent des épistaxis, on peut dire que le diagnostic d’infuenza ne fait plus pratiquement aucun doute. Eventuellement, la confirination de ce diagnostic pourrs être apportée grâce à certaines techniques récentes de laboratoire permettant la détection BrIllc ceeos BAS LANQUPDOC ROUSSILION 68 Si l’on considère maintenant la question de la mortalité, on arrive à cette autre constatation que, dans le Midi, la Grippe est tout aussi grave qu’ailleurs, sinon plus, tout au moins au cours de certaines ponssées épidémiques (cons¬ tatation, par Chaptal en particulier, de complications hépatiques et neurolo¬ giques très sévères chez l’enfant au cours de l’épidémie de l’hiver 1953 due surtout à la variété A du virus). Pour expliquer de tels faits, pous pensons qu’il « a lieu d’invoquer les variations brusques et incessantes de la température qui surviennent en hiver dans ces contrées où il n’est pas rare de voir des soirées glaciales succéder à des journées ensoleillées. Nous ne reviendrons pas sur l’importance de cette notion en tant que facteur d’appoint dans le développement des maladies infectieuses. C’est sans doute à ces mêmes variations atmosphériques qu’il faut attribuer l’extension parfois prise par les épidémies d’Oreillons, certaines d’entre elles avant un retentissement tout particulier sur le milieu militaire. En définitive, on peut conclure de cet exposé que les maladies infec¬ tieuses communes ne présentent dans leur ensemble aucune physionomie spé¬ ciale du fait qu’elles se développent dans les plaines du Bas-Languedoc et du Roussillon. En particulier, elles ne doivent au climat local, réputé pour sa tiédeur. aucune diminution dans leur pouvoir d’extension, ni aucune atténuation dans la virulence de leurs germes. Bien plus, on les voit souvent évoluer sous forme d’épidémies massives et meurtrières sans doute imputables à l’instabilité de la température ambiante. Une seule affection semble faire exception à cette règle : il s’agit de la Scarlatine qui s’avère à la fois comme plus rare et plus bénigne que partout ailleurs, sauf peut-être en ce qui concerne les individus etrangers au pays. BIBLIOCRAPHIE LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 66 Méninaite cérébro-spinale. BOUCOMONT (J.) et SERRE (H.). Des méningites cérébro-spinales s méningocoques. Eoidé¬ miologie, prophylaxie et traitement. Montpellier Med, n° 1, 1939. PoNS (Andree). La Méningite cérébro-spinale épidemique dans la région de Montpellier de 1914 à 1942. Thèse Montpellier, 1943, n° 113. Grippe. VIL — LES FIEVRES TYPHOIDES Autrefois, les Fièvres typhoides occasionnaient chaque année dans tout le Languedoc méliterranéen de grandes ravages parmi les populations. Cer taines épidémies particulièrement meurtrières sont même demeurées célèbres. Depuis lors, ce fléau a pu être endigué grâce à l’application de mesures pro phylactiques énergiques. Mais il n’en demeure pas moins dans la région un état endémique inquiétant dont nous allons envisager tour à tour le reten¬ tissement et les causes. A. — IMPORTANCE DE CETTE ENDÉMIE LOCALE PAR COMPARAISON AVEC LES AUTRES RÉGIONS. Pour préciser ce premier point, nous avons fait appel surtout aux résul¬ tats d’une étude faite par le Professeur Dubreuil de Bordeaux, d’après les données fournies par lé « Bulletin Général de la Statistique de France ». Cette étude a porté plus spétialement sur toute la période comprise entre 1925 et 1931, soit sur un total de 7 années. Elle a abouti à un classement des différents départements suivant le taux de leur mortalité typhique rap¬ porté à 100 000 habitants. Le caleul pour chacun d’eux de la moyenne des décès survenus pendant ce laps de temps a permis d’apprécier très exactement la valeur habituelle de l’endémie en faisant disparaître les oscillations dues aux petites épidémies annuelles. Voici reproduit un des tableaux publiés au cours de ce travail : Départements ayant un tauz de décès supérieur au taux général en France (4.8) BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 62 Ce tableasu est intéressant à un double point de vue : J. Tout d’abord, il mortre de manìre tres nete que les départements languedociens comptent parmi ceux qui sont les plus entachés de typhoide. L’un d’eux notamment. l’Aude, s’inscrit au 3° rang de la liste générale, suivi d’ailleurs de très près par son voisin, le département de l’Hérault. 2. En second lieu, il met bien en relief cette notion que la mortalité typhique est a prédominance littorale, notion que nous retrouverons dans un instant et dont nous soulignons d’ores et déjà toute l’importance. Tels sont les résultats essentiels de l’enquête menée par le Professeur Dubreuil. D’autres recherches de même ordre ont été entreprises entre temps par différents auteurs, et en particulier par Ichok dont nous avons déjà men¬ tionné les travaux. Ce dernier arrive à des conclusions sensiblement iden tiques aux précédentes puisque dans son classement des départements il donne. pour les années 1925-1928, la 4e place à l’Aude et la 7° à l’Hérault en ce qui concerne la mortalité par dothienenthérie. Signalons encore les bilans officiels publiés par l’Institut National d’Hygiène relatifs, cette fois, à la mtorbidité par typhoide au cours de ces dernières années. Ces bilans correspondent à la période de crise 1939.1945 puis à la période 1949-1953 de stabilisation relative. Ils permettent de diviser actuellement la bande territoriale envisagée en 3 zones distinctes : — une zone très fortement touchée, englobant les Pyrénées-Orientales et l’Héraults. — une zone de morbidité plus faible, encore qu’assez élevée, associant le Gard et l’Aude; — une zone de morbidité plutôt basse, enfin, comprenant le seul dépar¬ tement intérieur de la région : l’Avevron. Voici, à cet égard, les chiffres enregistrés : Indices de morbidité typhique (IMb) pour 100 000 habitants et classement (CI) des départements intéressés au cours des deux périodes quinquennale 1939-1945 et 1949-1953 Nous n’insistons pas davantage sur ces données et nous passons tout de suite à notre dernier document. Celui-ci a trait aux statistiques médicales de l’Armée établies avant guerre par les soins du Service de Santé (années 1929. 1936). A cete époque, le Bas-Languedoc-Rousillon s’identifiait à peu près exactement à la 16° Région militaire. Or, on s’aperçoit que la morbidite tyPhoidique atteignait alors dans cette région le taux faible de 0,16 pour 1 000 hommes d’effectif (0,38 pour l’ensemble de la France), fait en opposition avec une mortalité comparativement très acusée (0.07). LA PATHOLOGIE RÉGIONAIE DE LA FRANCE 68 Ces constatations sont-elles en contradiction avec celles effectuées simul¬ tanément dans les, milieux civils2 Indiquent-elles tout simplement que les typhoses relèvent dans le Midi d’un mode de contagion particulièrement nocif mais vis-à-vis duquel l’Armée possède des moyens de défense efficaces2 C’est ce que nous nous proposons d’examiner dans un prochain paragraphe. B. — VOLUTION PRÉSENTÉE PAR LES INEECTIONS TVPHOIDIQUES AU COURS DE CES RÉCENTES ANNÉES. Avant la guerre de 1914,1918 la dothienenthérie sévissait sur tout le littoral méditerranéen avee une rare violence. Mais la cenéralisation, à partir de 1925, de la pratique des vaccinations, d’abord à l’Armée, ensuite aux populations civiles, est venue barrer la route aux progrès incessants réalisés par la maladie. Depuis une vingtaine d’années on peut dire que la Fièvre typhoide ne se manifeste plus dans nos contrées que sous la forme d’une endémie sourde aux fréquents réveils localisés, lesquels ne se traduisent d’ordinaire sur les courbes de morbidité que par des inflexions de courte durée. Cette régression de l’endémie typhoidique s’extériorise en particulier sur le précédent tableau où l’on voit nettement qu’il n’est pas de département languedocien où l’indice de morbidité n’ait fléchi entre les années 1939,1943 et 1949-1953. Au sein même dé cette seconde période, une distinction est à opérer entre les phrases initiale et terminale, ainsi qu’en témoignent les chif. mres ci-après : Ainsi, tandis que les années 1949-1950 sont encore marquées par des soubresauts épidémiques assez violents (indices à 72.90 dans l’Hérault et à 54,3 dans les Pyrénées-Orientales durant 1949), les trois années suivantes, au contraire, se sont caractérisées par une détente très sensible. Les conditions de vie meilleure et l’introduction dans la thérapeutique des typhoses d’antibio¬ tiques efficaces sont certainement à l’origine de ce phénomène. Il est à souhai¬ ter que cette évolution se poursuive dans l’avenir jusqu’à extinction défini¬ tive et complête des processus éberthiens. C. — MODES DE CONTAMINATION. ladis on admettait que la Fièvre typhoide rirait constammene son ori¬ gine de l’absorption d’aliments souillés tels que l’eau, le lait, les légumes ou les fruits crus. Ces causes ont existé et existent encore de nos jours. Rien ne peut mieux le démontrer que les constatations faites dans la région, au cours de ces dernières années, par le Professeur Carrieu et ses Elèves. Le facteur Iydrique mérite à cet égard une mention toute particulière. BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 69 Sans doute n’assiste-t-on plus aujourd’hui à ces épidémies massives et soudaines qui, autrefois, décimaient les populations des grands centres et pro¬ venaient de la contamination accidentelle des sources ou des canalisations urbaines. De tels faits ont désormais pris fin grâce aux mesures de prophy laxie édictées par les Pouvoirs publics. Mais ce que l’on continue toujours à observer, ce sont de petites épidémies locales, nettement circonscrites à un village ou à la banlieue d’une ville et imputables de toute évidence à la pol¬ lution d’une citerne ou d’un puits insuffisamment protégé. C’est ainsi que s’expliquent ces foyers de contagion multiples, d’ailleurs aussi vite allumés qu’éteints, que l’on a vu éclore par exemple à Bassan, à Roujan, et jusque dans les faubourgs mêmes de Montpellier pendant certains étés (F. Dijol). La contamination à partir du lait est beaucoup plus rare et résulte de l’utilisation de récipients malpropres. Quant aux légumes et aux fruits con¬ sommés crus (salades, fraises, etc.), ils peuvent constituer un réel danger dans certaines régions telles que le Bittérois où l’on emploie volontiers l’engrais humain pour améliorer les cultures. Grâce à des statistiques récentes, il nous est possible d’apprécier assez exactement l’importance, comme causes de contamination, des différents fac¬ teurs que nous venons de citer. D’après une enquête effectuée en 19309 par le Professeur Carrieu et Mle Dijol dans la ville de Montpellier, les eaux impures et les légumes souillés interviendraient dans la morbidité typhique dans des proportions qui seraient respectivement de 23,4 % et de 2,1 26 en moyenne. Si nous ajoutons à cela un taux de 2 2% attribuable à la contamination interhumaine et un taux de 16 % se rapportant à l’ensemble des cas dont l’étiologie n’a pu être clairement élucidée, on arrive ainsi à un total de 43,5 pour 100. Il subsiste donc un reliquat important, évaluable à 56,5 26 c’est-d-dire plus de la moitié des cas. Ce reliquat correspond à un facteur bien connu dans le pays et d’une portée épidémiologique locale considérable : il s’agit de la contamination d’origine coquillière. La transmision possible des affections du groupe typhique par l’inter¬ médiaire des coquillages est une notion depuis assez longtemps admise et qui explique sans doute la prédominance de ces fièvres sur toute l’étendue de notre littoral (Dubreuil). Nous n’entreprendrons pas de rappeler ici les observations classiques qui ont permis d’établir la réalité de ce mode de conta¬ gion et qui ont très souvent la valeur de véritables démonstrations expéri¬ mentales. L’essentiel est de savoir que le fait existe et qu’il constitue encore de nos jours pour les populations du Midi de la France un péril qu’on ne saurait trop dénoncer. La statistique que nous venons de rapporter ci-dessus en fait foi et se trouve en cela en plein accord avec tous les autres résultats publiés jusqu’à présent sur la question (Bertin-Sans et Carrieu, Pappas et Giraud, Janbon) (1). Bien mieux, pour Laliam, les taux oficiellement reconnus comme impu¬ tables à l’ingestion de coquillages erus seraient très certainement au-dessous de la vérité, et ceci pour deux motifs. D’une part, en effet, il apparait que bien des observations considérées comme de cause douteuse relèvent en réalité de cette étiologie, pour peu qu’on se donne la peine de fouiller avec soin dans les anamnestiques. Et d’autre part, il est probable qu’un certain nombre de cas de typhoille avérés ́chappent chaque année à la vigilance du corps médi¬ cal régionat, en particulier lorsqu’il s’agit d’hôtes de passage qui quitent le Pays aussitôt après leur contamination. 70 1A PATHOIOGIE BÉGIONAIE DE LA FRANCE Ainsi se trouve définitivement rétutée l’opinion émise nar M'e Cornstein il y a une cinquantaine d’années, opinion suivant laquelle la Fièvre typhoide d’origine ostréaire serait une éventualité très rare dans le Bas-Languedoc, l’auteur n’avant pu en réunir que 398 cas authentiques antérieurement à l’année 1908. Le mécanisme de pollution des coquillages a fait jusqu’ici l’obiet de nom¬ breuses études. Ce que l’on sait maintenant avec certitudé, c’est que ces mol¬ lusques sont dangereux du fait de la souillure fréquente de l’eau qu’ils empri¬ sonnent entre leurs valves. Or, cette souillure peut se produire soit primitivement dans les parcs, soit secondairement par mise à l’engraissement dans un milieu réputé favorable. en face des bouches d’égout d’un canal par exemple, soit encore chez le détail¬ lant au cours des manipulations successives qui accompagnent ordinairement les opérations d’emballage ou de vente. Ces dernières pratiques dites « d’ar¬ rosage » ou de « retrempage », si couramment de mise dans nos régions et destinées à « ratraichir » le mollusque, sont particulièrement nocives car elles sont trop souvent effectuées avec des eaux fortement contaminées. Nous don¬ nerons de ces faits des exemples particulièrement frappants dans quelques instants. Les huitres ont été regardées pendant longtemps comme constituant les agents principaux de cette contagion. Or, depuis l’application du décret du II juillet 1923 réglementant leur exploitation et leur vente d’une manière très sévère, les cas de Typhoide d’origine ostréaire sont devenus de moins en moins fréquents, cependant qu’augmentaient au contraire de manière progressive les cas résultant de l’ingestion de coquillages non réglementés tels que les clo¬ vises et les moules. Etudiant l’importance du rôle joué par chacune de ces espèces dans la propagation du germe typhique, le Professeur Carrieu, dans un article paru en 1938 dans le:« Languedoc Médical », arrive à cette conclusion que la pro¬ portion des accidents provoqués par cette dernière catégorie est quatre fois plus élevée que celle provenant des huitres. En 1937, le Professeur Janbon note même que « 90 pour 100 des Fièvres typhoides d’origine coquillière obser¬ vées à la Clinique sont dues à des coquillages non réglementés ou insuffisam¬ ment réglementés ». Des faits aussi édifiants s’expliquent aisément si l’on veut bien examiner d’un peu près les conditions particulières dans lesquelles ces mollusques sont livrés à la consommation dans le département de l’Hérault. Les huitres pro¬ viennent régulièrement des établissements ostréicoles nouvellement installés en bordure de l’étang de Thau. Quant aux moules, aux clovisses et aux bijus. s’ils sont parfois élevés dans des parcs salubres, trop souvent on les voit aussi recueillis dans des eaux éminemment polluées, telles que celles du canal de Sête oì viennent se déverser les égouts collecteurs de la ville. Pour avoir une idée exacte du degré de contamination de ces eaux. MM. Carrieu et Laliam ont eu l’idée de procéder à leur analyse bactériologique en prenant pour test la recherche des colibacilles, témoins habituels des souillures fécales. Or, voici les résultats auxquels ces auteurs sont parvenus : Eau de l’étang de Thau : partout moins de 100 colibacilles par litres Eau du canal de Sête : taux variant entre 35 000 et 45 000 colibacilles par litre. Si ces constatations sont très rassurantes relativement à l’étang, on voit qu’elles sont véritablement désastreuses en ce qui concerne le canal Maie il reste un autre point à considérer. Dès 1934, le Professeur Carrieu et M°e Rambault ont étudié bactériologiquement l’eau de quelques lots de coquillages de provenance régionale et achetés sur le marché de Montpellier. BAS LANGUEDOC ROUSSILLON 71 Ils ont trouvé des teneurs de germes variant dans les limites suivantes: Les coqtillages vendus A Montpellier sont donc tons sans erception pro¬ londément souillés. Si un tel état de chose ne peut nous étonner quand il s’agit des clovisses et des moules, il est, par contre, beaucoup plus surpre¬ nant pour les huitres, étant donné la salubrité des parcs où celles-ci sont nor¬ malement cultivées. Pour expliquer cette anomalie, plusieurs interprétations sont possibles, à savoir : le passage en fraude d’huitres proyenant d’endroits non surveillés, le reparcage des mollusques sains qui se souillent ainsi secon¬ dairement, enfin et surtout la pollution survenant au cours des opérations de transport ou de vente (« rafraichissement ») (1). Quoi qu’il en soit, la consommation de coquillages infestés entraine très souvent l’ingestion massive de germes typhiques. De là, du point de vue cli¬ nique, l’extrême gravité des Fièvres typhoides d’origine coquillière et le taux élevé de mortalité que l’on observé alors dans ces cas. C’est ainsi que ce taux a atteint 20 9% (exactement 69 décès sur 349 malades) dans une statistique communiquée par MM. Pappas et Giraud. C’est sans doute le moment de rappeler les singularités qe présente l’en¬ démie typhique parmi les troupes de la 16° Région militaire. Nous avons vu. en effet, que la morbidité y est faible en comparaison de la léthalité qui v est relativement très forte. Or, de tels faits peuvent recevoir désormais une explication satisfaisante. Tandis que le premier facteur est dù certainement à la prophylaxie antityphoidique intensive de rigueur dans l’Armée (surveillance étroite de l’alimentation, vaccination systématique des recrues, etc), le second parait provenir de l’origine coquillière de la plupart des cas rencontrés (con¬ tamination le plus souvent accidentelle au cours d’une permission sur la côte). Signalons pour terminer ce paragranhe qu’il s’agit beaucoup plus sou¬ vent de Typhoides à bacille d’Eberth que de Paratyphoides A ou B. BAS-LANGUEDOC- BOUSSIION Ils ont trouvé des teneurs de germes variant dans les limites suivantes : D. — RÉPARTITION DES FINVRES TYPHOIDES DANS LE DÉPARTEMENT DE L’HéRAULT. Sur ce point la thèse de Mle Dijol (1930) va noue fournir des docu¬ ments extrêmement précieux. D’après cet auteur, il y aurait lieu de diviser le département en trois zones différentes suivant les taux de morbidite typhique : Les causes sont les suivantes par ordre décroissant de fréquence : Dans la région montagneuse : BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 72 Dans la région intermédiaire : Dans la région littorale enfin (Montpellier mis à part) : Ainsi donc les nuances qui opposent ces trois zones sont à la fois d’ordre quantitatif et qualitatif. En effet, plus on s’éloigne de la côte et plus on voit diminuer le nombre des atteintes typhoidiques. D’un autre côté, plus on se rapproche du littoral et plus l’origine coquillière devient fréquente, au détri¬ ment de l’origine hydrique (eau des puits). En conséquence, dans l’interpré¬ tation d’une statistique, on ne saurait trop tenir compte des conditions dans lesquelles elle a été dressée et du recrutement des malades, celui-ci pouvant être strictement local (Bureaux d’hygiène) ou au contraire régional (Service du Professeur Janbon). C’est par ces notions que nous terminerons l’étude des Fièvres typhoides dans le Languedoc, étude qui,, comme nous le voyons, présente un intérêt épidémiologique de premier plan. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE LES FIÈVRES TYPHOIDES 1. BERTIN-SANS (H.) et CARRIEU (M.). Coquillages et Fièvres typhoides. Soc, des Sc. Méd. de Montpellier, séance du 8 noyèmbre 1927. Arch, 1927-1928, p. 33 — La Fièvre typhoide à Montpellier en 1932, ibid., séance du 12 mai 1933. Arch. 1932-1933, p. 367. — La Fièvre Lyphoide à Montpellier en 1934, igid, séance du 3 mai 1935, Areh 1934-1935, p. 317. — La Fièvre typhoide à Montpellier en 1936, ibid., séance du 20 mars 1936, Arch. 1936, p. 207. 2. CARRIEU (M.). La Fièvre typhoide : répartition, prophylaxie, traitement. Languedoc Méd., avril 1937, n° 4, p. 129-139. 3. CARRIEU (M.) et JANBON (MI.). La Fievre Lypnoide daiis T freraurt, IEDaTCEToTE DEG phylaxie et traitement actuel. Languedoc Méd, mai 1937, n° 5, p. 173. 4. CARRLEU (M.) et PAPPAS (M.). Coquillages et Fièvre typhoide. Revue d’hygiène, t. LIV. n° 5, mai 1932. 5. CARRIEU (M.) et Mme RAMBAULT. Etude bactériologique de l’eau des coquillages. Mont¬ pellier Méd., 15 février 1934, p. 77. 6. DITOL (F.). La Fièvre typhoide dans l’Hérault. Etiologie, prophylaxie, Thèse Méd. Montpellier, 1939, n° 55, impr. Marçou et Ghibaudo. BIBLIOCRAPHIE 73 VIII. — DE QUELQUES AUTRES ATFECTIONS OU LOCALISATIONS VISCERALES Nous aurons en vue sous cette rubrique un certain nombre d’affections sans doute disparates mais dont l’intérêt nosologique local ne saurait être contesté. A — AFFECTIONS HéPATIQUES ET SPIROCHÉTOSE LCTERLCENE La Spirochétose ictéro-hémorragique est désormais moins exceptionnelle dans le Bas-Languedoc qu’elle ne l’était autrefois. Alors qu’antérieurement à l’année 1933 on ne trouvait dans la littérature de la région que trois obser vations se rapportant à la maladie (Ducamp en 1922. Mle Sentis en 1924 et Rimbaud en 1933), les cas n’ont cessé depuis lors de se multiplier. Cette augmentation provient d’ailleurs essentiellement de l’apparition dans le bassin minier d’Alès de petites épidémies périodiques qui ont fait l’objet de nom¬ breuses publications et, en particulier, d’une thèse, fort documentée de M. Quet parue en 1937. Cet auteur a pu réunir en effet en moins d’un an (aot 1936: mai 1937. 23 observations de Spirochétose d’origine minière dont 12 furent constatées directement et constituaient l’épidémie apparente, alors que les II autres ne furent décelées que rétrospectivement à l’ocasion d’une enquête systématique. Dans la grande majorité des cas, il s’agissait de mineurs contaminés au puits Fontaine à Rochebelle. En 1938, plusieurs autres cas furent identifiés au même endroit par lanbon et par Giraud. En 1939. Coste leur consacra sa thèse. En dehors de ces épidémies minières les accidents provoqmés par le 8pi. rochête d’Inada et Ido se sont avérés plutôt rares. Relevons cependant : à Montpellier, le cas de Rimbaud en 1933 concernant un ouvrier des égouts et celui de Gordon-Martins en 1938 d’origine également professionnelle — à Perpignan, les 3 cas de Trahtenbroit en 1932, 1933 — à Aniane, la petite épi¬ démie signalée en 1938 par Pappas à la Maison d’Education Surveillée — e enfin à Béziers, la même année, un cas d’origine fluviale rapporté par Marc. Ce qui fait au total une cinquantaine de cas connus au cours de la période d’avant guerre. Depuis lors, on peut dire que les cas se sont avérés de plus en plus fréquents à mesure qu’on les a davantage recherchés. Parallèlement à cette extension de la maladie humaine. Carrieu et ses Collaborateurs ont bien mis en valeur une augmentation significative de « l’indice endémique murin » lequel a passé de 2,20 % en 1923 à 5, 40 %6 en 1937. Du point de vue clinique, il est intéressant de remarquer la fréquence relative des formes atypiques de la Maladie de Weil : forme anictérique, forme à type de méningite lymphocytaire et surtout forme « pseudo-grippale » entrant dans le cadre de ce que nous avons déjà décrit sous le nom de « Crippes d’été » (voir Fièvre des trois jours) et dont la véritable origine peut être soup. connée grâce à certains symptômes spéciaux tels que myalgies, injection con¬ jonctivale et herpès labjal. Si l’étiologie spirochétosique doit ̂tre toujours systematiquement recher¬ chée en présence d’un ictère duelconque, nous venons de voir qu’on ne risque de la rencontrer que dans un nombre très restreint de cas. Il faudra donc envisager toutes les autres causes, sans oublier la Mélitococcie dont l’intérêt pcal est considérable et qui réalise parfois le tableau de l’ictère disocié. tellement le rat. LA PATLOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 24 Quant à l’Hépatite ictérigène cryptogénétique, on la rencontre souvent dans la région sous forme de petites bouffées épidémiques survenant de pré¬ férence en automne. Le Professeur Rimbaud a pu en réunir 41 cas, pour la seule ville de Montpellier, entre le mois de juillet 1940 et le mois de février 1941. De notre côté, il nous a été donné d’en observer 15 cas en 1938. 13 eu 1939 et 12 en 1941, la plupart du temps groupés. Or, chaque fois, toutes les recherches effectuées en vue d’en précisèr le mode de propagation se sont révélees infructueuses B. — AUTRES LEPTOSPIROSES. Depuis quelques années, le cadre des Leptospiroses s’est notablement agrandi. Il y a bien des chances pour qu’il augmente encore dans l’avenir. On sait qu’on fait entrer dans ce groupe des processus qui ont pour points communs d’être dus à des microorganismes spiralés et de provoquer chez les rongeurs des maladies transmissibles accidentellement à l’homme avec comme intermédiaire éventuel le chien et le porc, voire d’autres animaux. En dehors de la Leptospirose ictéro-hemorragique anciennement connue, il convient de citer à cet égard : 1. LA LEPTOSPIROSE CRIPPO-TYPHOSIQUE dont la deserintion sera donnée plus loin en étudiant, la pathologie charentaise. Provoquée pal L. grippo-typhosa, elle déterminé chez l’homme un état infectieux grippal avec exanthême, troubles digestifs et atteinte hépato-rénale discrè̂te. Sohier et ses Collaborateurs en ont rapporté en 1943 un exemple typique survenu II jours après un bain dans un canal voisin de l’étang de Sigean. Le sujet. qui d’ailleurs ne savait guère nager, se trouva un instant immergé dans l’eau boueuse de ce canal. Les auteurs pensent que cette observation jointe à celles précédemment publiées doit permettre de préciser la répartition de cette mala¬ die en France et attirent l’attention sur la complexité du diagnostic immuno¬ logique des Leptospiroses dont il existe de nombreux tynes, distinets du moins du point de vue antigénique. 2. LA LEPTOSPIROSE CANICOLAIRE dont l’agent pathogène est L. canicola et le réservoir de virus habituel le chien. L'’homme infecté pré¬ sente dans la règle un état infectieux anictérique avec signes méningés. Il se contamine surtout au contact du chien, que celui-ci accuse une forme icté¬ rique typique, une forme sans ictère ou même une forme inapparente. A notre connaissance, deux cas publiés l’un comme l’autre par lanbon et ses élèves en 1047 ont pu être dépistés ces derniers temps dans le Bas¬ Languedoc. L’évolution, diphasique, à comporté au premier stade un état méningé fébrile, au second un ictère chez l’un des malades. Chez ce dernier. le sérum prélevé au 20° jour a agglutiné le L. canicola au taux limite de 17100,000, avec phénomène de coacclutination pour L. ictero-hemorragiae au taux de 1/2,000 seulement. Ajoutons à cela un cas encore plus récent de Chaptal (1949) marqué par une hémorragie méningée grave et récidivante et également confirmé par un séro-diagnostic spécifique positif au 17100,000 3. LA LEPTOSPIROSE POMONA apparentée sans doute aux états infec¬ tieux rencontrés chez les laitiers du Queensland et identifiée dans la région franco-suisse et l’Italie du Nord parmi les emplovés des porcheries chez qui elle détermine une méningite aigué fébrile dénommée « maladie des porchers » (voir pathologies alpestre et franc-comtoise). Dans certains cas, au moins, on à pu en l’occurrence apporter la preuve qu’il s’agissait de Leptospiroses spé¬ ciales à L. pomona reconnaissant pour réservoir de virus le porc, acciden¬ cine infantile de Paris et relataient des valeurs très nettement supérieures. BAS-LANGUEDOC- BQUSILON 75 De toute façon, le premier fait languedocien a été reconnu et men¬ tionné par Boulet et Serre en janvier 1949. Le tableau clinique en est clas¬ sique : début brutal, hyperthermie de 8 jours avec rémittence au 4°, cépha¬ léés et mvalgies violentes, conionctivite et hyperémie cutanée, albuminurie. Le malade, âgé de 34 ans, travaillait dans une porcherie depuis un an. Le taux d’agglutination atteignait 1750,000e et la lyse spécifique 1/1.000° pour une souche suisse de Saint-Gall confirmant ainsi pleinement le diagnostic. Tels sont les quelques cas à Leptospires identifiés dans les plaines du Bas-Languedoc au cours de ces dernières années. Si l’on met à part le gite de Spirochétose minière d’Alès, lequel est déjà d’appartenance cévenole, on s’aperçoit que les processus visés, bien qu’avant fourni un échantillonnage à peu près complet, n’en méritent pas moins d’être tenus pour rarès dars régions considérées. C. — AFFECTIONS PULMONAIRES. ET PMEUMOCONIOSES, En dehors des cas de Spirochétose que nous venons de relater — et peut¬ être aussi de quelques exemples récents de « Sodoku » — la pathologie spéciale du bassin du Gard parait encore se signaler par la fréquence des Pneumo¬ conioses, dues à l’inhalation des poussières silico-anthracosiques. Encore qu’il s’agisse là d’une entité banale, commune à tous les centres miniers, nous avons pensé qu’il était utile d’en rappeler l’existence car elle est susceptible d’expliquer bon nombre de Scléroses pulmonaires diffuses et de Bronchites trainantes observées dans le pays. Au reste, c’est là une question sur laquelle nous aurons à revenir en envisageant la pathologie du Plateau Central, nous bornant à ajouter que, plus au Sud, au niveau des mines de fer du Canigou. dans les Pyrénées-Orientales, quelques accidents analogues de « Sidérose » ont pu être decrits. D. — AFEECTIONS DIGESTIVES ET ULCÈRES CASTRO-DHODÉNAUX. Depuis la dernière guerre, tous les praticiens de la région, qu’ils soient médecins, chirurgiens ou radiologistes, sont unanimes à reconnaitre la fré¬ quence beaucoup plus grande des Ulcères gastro-duodénaux dans leur clien¬ tèle. En fait, il ne semble pas qu’il s’agisse là d’un événement d’ordre local. le Bas-Languedoc ne faisant sans doute à cet égard que s’aligner sur toutes les autres provinces françaises lesquelles accusent également une très forte augmentation de leur morbidité due aux ulcérations digestives E. — RHUMAATISMAE AICU FT CARDIOPATHIES. Il est assez couramment admis que la Maladie de Bouillaud s’observe avec peu d’intensité dans tous les départements du Midi, et ceci d’autant que l’on s’éloigne davantage de la zone littorale des étangs. Cette opinion s’est trouvé confirmée en particulier lors d’une étude faite en 1934 par nos prédécesseurs à Montpellier, les Médecins-Commandants Cazalas et larry, lesquels estimaient alors à 2 ou 3 pour 100 seulement la pro¬ portion des malades entrés dans leur service pour rhumatisme. Comme terme de comparaison, ils citaient quelques chiffres émanant d’un service de méde¬ clou de soulier. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 76 En réalité, de tels faits n’entrainent guère notre conviction. Reprenant ultérieurement ces mêmes statistiques, dans le même service, pour les années 1937-1941, nous sommes arrivé à des taux voisins du double (5,8 2), ce qui prouve bien, qu’il, peut, exister des variations, importantes d’une, période à l’autre. Bien plus, si l’on interroge la statistique générale de l’Armée, on s’aper¬ coit que la morbidité pour cause de rhumatisme dans la 16° Région a été de 14,65 pour 1.000 hommes d’effectif dans l’intervalle de 1929 à 1936, alors que pendant ce même laps de temps elle n’était que de 12,48 pour tout l’en¬ semble du territoire métropolitain. Ainsi cette région a-t-elle occupé à l’époque la 7e place parmi nos 20 régions militaires. Des constatations du même ordre ont d’ailleurs été faites à peu près au même moment dans les milieux civils. Dans ces conditions, il est permis de penser que la région languedo¬ cienne ne bénéficie en rien de la situation privilégiée qu’on lui attribue trop facilement et que les ateintes rhumatismales y sont au moins aussi nom¬ breuses qu’ailleurs. En ce qui concerne maintenant la fréquence des complications cardiqques, il nous suftira pour l’apprécier de nous reporter aux mêmes références. Pour Cazalas et Jarry, ces complications s’observent en moyenne dans 5,5 2 des cas de Maladie de Bouillaud, tout au moins dans le milieu mili¬ taire et dans le département de l’Hérault. De notre côté, nous sommes par¬ venu à des résultats analogues (5 %) danf des conditions identiques. Pour l’en¬ semble de l’Armée les proportions trouvées ont été par ailleurs de 5,80 %% (Rieux) et de 5, 88 2 (Statistique générale de 1929-1936). On voit qu’ici encore la région languedocienne ne se signale par aucun caractère particulier et que le Rhumatisme ne se montre chez elle ni plus grave ni plus bénin que dans les autres régions. Ainsi parait se vérifier cette opinion souvent défendue à l’heure actuelle que la Matadie de Bouillaud n’est pas aussi étroirement liée au climat qu’on quait pu le croire et qu’elle procède en tous cas par poussées, survenant sans cauge apparente et avec une intensité très variable d’une année à l’autre. E. — TéTANOS ET CHARRON. Pendant toute la période comprise entre 1919 et 1939 le Tétanos s’est révélé une affection très rare dans tout le Languedoc. A peine quelques cas Y ont été de temps à autre signalés, atteignant une moyenne de trois ou quatre par an. Cette impression d’ensemble s’est trouvé d’ailleurs vérifiée à la suite d’une enquête menée en 1933 par le Professeur Roux auprès des praticiens de la région, enquête qui a démontré en outre l’égale répartition géographique de la maladie et l’absence de zones plus spécialement tétanigènes. Chose curieuge, les centres miniers ont paru indemnes — ou à peu près — le Tétanos Y étant pratiquement inconnu. Après la guerre de 1939-1940, la situation a brusquement changé et tous les auteurs sont d’accord pour accuser une très forte augmentation du nombre des cas observés. Le Profeseur lanbon notamment insiste sur ce fait que durant les deux années 1942 et 1943 il a eu l’occasion d’examiner, tant dans son service hospitalier que dans sa clientèle de ville, plus d’une cen¬ taine de ces malades. Presque toujours d’ailleurs la porte d’entrée du bacille de Nicolaier siégeait au niveau d’une blessure du pied provoquée par un BAS-LANGUEDOC- ROUSSILION 2 C'est aux mêmes conclusions qu’aboutissent les statistiques officielles con¬ temporaines telles, par exemple, que celle que nous reproduisons ci-dessous : Mortalité tétanique dans le Bas-Languedoc-Roussillon d’après les documents de l’Institut National d’Hygiène pour l’année 1943 (1). Comment expliquer maintenant une telle recrudescence soudainez Faut¬ il l’attribuer aux déplacements de troupes2 à une utilisation alors plus fréquente des chevaux, surtout dans les villes, par suite de l’immobilisation des véhicules automobiles2 En réalité, il faut bien le dire, aucune donnée précise ne per¬ met de formuler sur ce sujet une opinion bien nette. De toute façon, le recours à la vaccination par l’anatoxine antitétanique constitue dans la région une mesure plus que jamais à conseiller. Quant au Charbon, il est considéré dans le Languedoe comme non excep. tionnel. En fait, on le voit de temps à autre se manifester dans les envi¬ rons de Millau où on manipule les peaux en vue de la préparation des cuirs. C. — AFFECTIONS URINAIRES. Nous nous bornerons ici à une petite remarque concernant la Bilharziose vésicale. Encore qu’aucun cas authentique de contamination autochtone n’ait encore été relaté, il est intéressant de signaler la présence fort compromet tante de l’ĥte intermédiaire, le Bullinus contortus, dans les cours d’eau des Pyrénées-Orientales (Germain. Dollfus, 1922). H. — AFEECTIONS RHINO-PHARYNCEES Les affections du cavum et les Otites ont été décrites comme particuliè¬ rement fréquentes dans le Midi, cette fréquence étant couramment mise sur le compte de la température ambiante ainsi que de la violence des vents. Le fait serait surtout manifeste en certains points de la Côte et, en particulier; à Sête ou à l’insalubriré du climat il convient d’ajouter l’extrême pollutior des eaux (contaminations survenant au cours des baignades dans le canal). J. — AFEECTIONS CUTANEES. D’une manière générale elles sont considérées comme assez peu répan¬ dues sous les climats méridionaux, peut-être en raison de l’action bienfaisante exercée par les radiations solaires. Depuis 1940 toutefois, il semble que l’on assiste à une augmentation de fréquence mauifeste de toutes les variétés de Pyodermites (furoncles, impé¬ tigos, gales infectées, etc.), le fait paraisant en rapport avec cer¬ tains facteurs consécutifs à l’état de guerre (surpopulation, relichement de l’hygiène, etc.). (1) Pour les statistiques se rapportant à la période 1948-1951, voir Provence. de cas extrémement clairsemés. Son existence dans la région ne pose donc pas de problème, comme par exemple dans la Proyence voisine, sauf peut¬ être dans le domaine de l’hospitalisation. En dehors du Pavillon de Malte de l’Hôpital Saint-Louis à Paris et des divers services de dermatologie où sont incidemment recueillis quelques lépreux, il n’existe en effet en France, pour cette catégorie de malades, qu’un seul établissement, la Léprosorie de Valbonne, laquelle se trouve située dans le Gard, à 10 Em de Pont-Saint¬ Esprit, dans un endroit absolument isolé de toute agglomération. Les locaux occupés sont ceux d’une ancienne Chartreuse fondée en 1203. Depuis sa mise en fonctionnement (1020) jusqu’en 1936, la léproserie avait hébergé 59 malades. A cette dernière date, elle en contenait encore 25. L’été voit habituellement revenir les « anciens » améliorés dont quelques-uns ont pu reprendre une place dans la société. LA PATHOLOGIE B́GIONALE DE LA TRANCE 78 Cette allusion aux maladies cutanées nous amène à aborder la question de la Lèpre. J. — LEPRE. La Lèpre ne se manifeste guère en Bas-Languedoc que sous la forme E. — L’ACRODYNIE INEANTILE Son existence dans le Bas-Languedoc a été surtout révélée par les tra¬ vaux de Lcenhardt et de ses Elèves, lesquels sont parvenus à identifier dans la clinique de médecine infantile de l’Université de Montpellier un ensemble de 48 cas en dix ans (1927-1937). A cette occasion, les auteurs ont particulièrement insisté sur la fréquence des formes atténuées d’un diagnostic souvent difficile (thèse Caveribère 1935). et sur la possibilité d’associations avec l’Encéphalite épidémique et la Polio¬ myélite (voir Généralités sur l’Acrodynie, chapitre consacré au Midi Océanique). Depuis lors, d’autres observations de la maladie ont été publiées dans la région. Signalons à ce propos que parmi les 32 cas rapportés par Barre d’Avignon en 1937, 8 provenaient des confins languedociens, 7 étant origi¬ naires du Gard et l de l’Ardèche. Mais les cas récents les plus nombreux nous ont été communiquée par Chaptal, successeur de Leenhardt dans la chaire montpelliéraine. Après quel¬ ques relations isolées, notamment celles de 1947 mentionnées à la bibliogra¬ phie, l’auteur a rassemblé, dans une même publication de 1952, vingt-deux observations nouvelles dans le but surtout d’établir les différences existant entre les syndromes acrodyniques et l’Acrodynie-maladie, Pour lui, les syn¬ dromes acrodyniques sont toujours secondaires à une affection précise : Vari¬ celle, Primo-infection. Adénoidite; leur symptomatologie est souvent disso¬ ciée et leur évolution rapide; le liquide céphalo-rachidien et l’électro-encépha¬ logramme ne sont pas perturbés. Les Acrodynies-maladie apparaissent, au con¬ traire, comme primitives; leur tableau clinique est complet, s’accompagnant parfois de désordres neuro-végétatifs importants : atélectasie, œdème pulmo¬ naire hémorragique, iléus, diarrhée sanglante, anurie, etc. : le liquide céphalo¬ rachidien est susceptible d’accuser une dissociation albumino-cytologique; des anomalies électro-encéphalographiques peuvent être enfin enregistrées. On devine l’intérêt, non seulement dogmatique, mais encore pratique qui peut s’attacher à une semblable discrimination. BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 79 L. — UN DANCER SOUVENT SICNALÉ : LES SCORPIONS LANCUE¬ DOCIENS Ce danger a été considérablement grossi Nous n’insisterons pas ici sur les accidents ordinairement sans gravité que ces animaux peuvent occasionner par leur blessure le long du littoral méditerranéen, nous proposant de reve¬ nir sur ce sujet à propos de la pathologie proyencale. Nous dirons simplement que dans le Bas-Languedoc et le Roussillon on retrouve sensiblement les mêmes espèces que de l’autre côté du Rhône, à savoir surtout l’Euscorpjus Flavicaudis. familier des maisons humides, et le Buthus Europaeus dont la piqure peut causer une réaction locale intense. Ajoutons le Belisarius Xambeui, lequel mesure dans les 25 mm et se rencontre dans les Pyrénées-Orientales. BIBLIOCRAPHIE SPIROCHETOSE ICTÉRO-HÉNORRAGIOUE LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE N. BAS-LANGUEDOC, BOUSSILION 81 IX. — LES GRANDS FLEAUX (Tuberculose, Syphilis, Cancer, Alcoolisme, etc.) A — LA TUBERCULOSF. Les départements appartenant à la récion du Ras-Lancuedoc-Roussillon occupaient avant 1939 sur la liste des départements français une position plutt rassurante en ce qui concerne les taux de môrbidité par Tuberculose. La mortalité due à cette affection n’y revétait de même qu’une intensité modérée ainsi qu’en témoignent notamment les Statistiques ci-après publiées en 1944 par l’Institut National d’Hygiène : Mortalité tuberculeuse au cours de l’année 1938 Indices calculés pour 100 00Ohabitants Dans le milieu militaire, ce sont des conclusions identiques qui res¬ sortent des hilans effectués vers la même époque — soit entre 1926 et 1936 par Allinat puis Alquier à l’issue des séances de radioscopie systématique pra¬ tiquées chez les jeunes des contingents annuels. Alors que durant cette période la proportion des Tuberculoses pulmonaires ouvertes démasquées par ce moyen s’élevait à l cas sur 297 recrues dans les dénartements hretoni, elle n’attei enait qu’un cas, sur, 838 hommes, le long, du littoral de la Méditerranée (15° et 16° Régions réunies). Nous aurons plus tard l’occasion de revenir sur ces points importants en étudiant les pathologies provencale et bretonne. On sait que depuis la fin de la première guerre mondiale la lutte n’a cessé de s’intensifier partout en France dans le but d’enraver les progrès réalisés par la contagion tuberculeuse. A cet égard, des résultats particulie¬ rement favorables semblent avoir été momentanément obtenus dans les plaines languedociennes ainsi que l’indiquent par exemple les tableaux annuels dressés par les Services d’Hygiène de l’Hérault. Tandis que, d’un côté, le nombre des nouveaux consultants dirigés sur les Disnensaires s’accroissait progressivement pour passer de 2 882 en 1922 à 4850 en 1932, de l’autre, la proportion des Tuberculoses détectées tombait de 843 à 490 à peu près dans le même laps de temps. Concurremment, tous les médecins étaient unanimes à reconnastre que de plus en plus les cas frai chement dépistés correspondaient à des Tuberculoses au début et, par conse. quent, à des lésions facilement curables. Au surplue — et ceci est essentie à noter — le chifre des décès par Tuberculose, de 830 en 1927, descendait graduellement à 474 en 1931. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 82 Les mesures de prophylaxie prise par des Pouvoirs publics sont de toute évidence, pour une large part au moins, à l’origine des améliorations ainsi enregistrées. Parmi ces mesures, il faut citer la création de nouveaux centres de dépistage et de traitement (dispensaires, sanatoriums, préventoriums) ainsi sans doute que le recours de plus en plus fréquent à l’emploi chez l’enfant du vaccin B.C.G. (1 291 vaccinations en 1930 contre 12 en 1925 — voir thèse Gibelin). Cet état de choses tavorable ne detuit malheureusement pas se maintenir au cours des années de crise 1940-1945. A ce moment, en effet, les circonstances nées de la guerre sont venues modifier profondément la situation telle qu’elle s’était alors établie. La sous¬ alimentation collective, la surpopulation des centres urbains, l’arrivée de nom¬ breux prisonniers porteurs de lésions avancées sont autant de facteurs qui ont entrainé une recrudescence marquée de la Tuberculose sous toutes ses formes (1). Dès lors, non seulement la maladie est apparue comme beaucoup plus fréquente que par le passé, mais encore elle s’est présentée sous des aspects infiniment plus sévères II fut courant en particulier d’observer chez l’adulte, et même chez le vieillard, des formes rapidement évolutives telles qu’on n’en rencontrait auparavant que chez les sujets jeunes. Le fait s’est vérifié du reste aussi bien pour les localisations aux séreuses que pour les atteintes des parenchymes. Tandis qu’avant guerre les pleurétiques représen¬ taient environ le centième des malades hospitalisés dans notre Service de méde¬ cine des Cliniques Saint-Eloi (movenne établie sur les années 1937, 1938 et 1939), leur proportion en 1943 atteignait le taux de 3 pour 100 (exactement 24 sur 755 admissions) avec très souvent des épanchements bacillifères. Voici par ailleurs un document de portée plus générale qui, comparé à celui que nous avons déjà reproduit relativement à l’année 1938, permettra de se rendre compte très exactement de la manière dont a pu évoluer le problème au cours des cina grandes années de crise : En réalité, il s’agissait la d’une situation aussi pasagère qne les causes mêmes qui l’avaient engendrée. Effectivement, dès 1946, des symptômes récon¬ (1) Ces notions nous aménent à formuler quclques remarques sur le diagnostie de la Tuberculose tel qu’il se posait parfois après la guerre, dans hos provinces du Mid Méditerranéen. Trop souvent, surtout entre 1941 et 1945, nous avons vu attribuer er cffet aux scules restrictions alimentaires alors particulièrement rigoureuses des amai¬ grissemnents qui, en réalité, relcvaient bel et bien d’une tuberculose pulmonaire en pleine activité. Il est évident qu’en pareil cas des exameus cliniques et radiologiques oppor tunément pratiqués auraient permis d’éviter de semblables confusions, Inversement et notre expéricnce sur ce point est un peu plus ancienne — nous avons rencontre à maintes réprises des malades porteurs d’un ditanostic de tuberculose viscérale (le plu souvent pulmonaire ou ostéo-articutaire) qui n’étaient rien d’autre que des Melifo cocciques méconnus. Nous avons déjà eu l’occasion d’ailleurs, au cours du chapitre con sacré aux Brucelloses, de signaler la possibilité de cette dernière cause d’erreur BAS-LANGUEDOC- ROUSSILLON 83 fortants se font jour, cependant que s’annonce la reprise économique. Peu à peu, les taux de mortalité s’abaissent, atteignant notamment au cours de la période 193-1955 les chiffres suivants : Mortalité tuberculeuse durant la période 1953,-1955 Indices calculés pour 100 000 habitants Indice moyen pour toute la région — 26. Ce tableau montre clairement que la poussée de mortalité tuberculeuse qui a marqué les années de disette 1940-1945 n’a pas eu pour l’avenir les résonances fâcheuses que l’on pouvait redouter. Bien plus, tandis que le retour à la vie normale ramenait rapidement les taux à leur niveau d’avant-guerre et même au-dessous, l’avènement dans le domaine thérapeutique des antibiotiques puis de l’isonjazide (1950) allait bientôt entrainer uné nouvelle vaque de régression encare plus accentuée. Le bilan établi ci-dessus permet à cet égard de constater, non seulement que les cina départements envisagés comptent toujours parmi les moins tuberculisés de notre pays, mais aussi que la chute de la mortalité bacillaire, partout enregistrée d’ailleurs depuis quelques années, Y a déja porté sur plus de la moitié des cas. Ainsi apparait toute l’importance d’un phénomène qui, bien que général et valable pour l’ensemble de la France, semble avoir eu sur notre propince du Bas-Languedoc-Roussillon des répercussions particulières. On a beaucoup discuté sur l’influence exercée par le climat méditerra¬ néer sur l’évolution des lésions bacillaires. On a prétendu notamment que ce climat avait, du fait de son instabilité, une action extrémement défavorable sur l’organisme des tuberculeux. Il y a certainement dans cette opinion une bonne part d’exagération, et les faits que nous avons exposés plus haut, avec chifres à l’appui, ne nous permetent plus d’accepter en bloc une telle affir. mation sans y apporter quelque nuance. Nous avons vu en particulier que la région du Bas-Languedoc-Rousillon ne constituait pas, du point de vue géographique, un ensemble parfaitement homogène. Elle présente un certain nombre de zones bien distinctes avant chacune leur physionomie propre. On concoit que de telles diff́rences ne puissent manquer d’intervenir sur le comportement des malades. C’est ainsi que l'’hintertand pyrénéen avec son climat toni-sédatif, son temps constamment clair et sec, ses vallées abritées, convient principa¬ lement à toutes les formes torpides de Tuberculose (stations d’Amélie-les¬ Bains, Font-Romeu, Oséja et surtout des Escaldes dans un site remarquable ment choisi). LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 84 La zone littorale propremnent dite, gr̂ce à son climat stimulant et à sa grande luminosité, constitue pour les Tuberculoses chirurgicales un séjour très indiqué (présence le long de la côte de nombreux établissements spécialisés tels que ceux du Grau-du-Roi, de Palavas et de Sête). Mais il faut bien prendre la précaution de n’y adresser que des malades rigoureusement intacts du point de vue pulmonaire, sans quoi on risque d’assister au réveil brutal de foyers latents incomplêtement cicatrisés. Ces faits peuvent être attribués à la fois aux perturbations atmosphériques incessantes, à la violence des vents et enfin à une insolation extrême contre laquelle il est très difficile de lutter, étant donné l’absence sur toute la ĉte d’abris naturels et de sites ombragés. Pour notre part, il nous est arrivé à plusieurs reprises d’observer ces accidents cécrits récemment sous le nom de « Tuberculose des plages » chez des jeunes gujets se livrant, dans des buts d’esthétique, à une hétiothérapie excessive. D’un autre ĉté, nous ne pouvons manquer de signaler jci l’iniluence nette¬ ment congestive exercée sur les lésions bacillaires par le fameux « vent marin » dont la réputation est si fâcheuse dans le pays et qui, pour certains auteurs tels que Baillet de Nimes, favoriserait chez de nombreux sujets l’apparition d’hémoptysies. Quant à la sone située aux confins des Corbières, des Montagnes Noires et des Cévennes, elle ne saurait dans l’ensemble être congeillée aux tuber¬ culeux en raison de l’humidité qui y règne en permanence, surtout dans cer¬ taines vallées ençaissées où viennent s’accumuler les brumes. En somme, on peut dire que la situation dans le Bas-Languedoc, un moment compromise au cours des années de guerre, a. depuis lors, évolué à son avantage, avec toutefois des différences sensibles selon les secteurs. conditionnées par les elimats locaux, et opposant, par exemple, l’hinterland pyrénéen demeuré sain aux plaines maritimes et aux collines avoisinantes trop fortement soumises aux variations atmosphériques. B. — LA SYPHLIS ET LES MALADIES VÉNÉRIENNES, Avant les événements de 1939, il était de même couramment admis que la région du Bas-Languedoc-Roussillon bénéficiait du point de vue vénérien d’un régime de faveur. En réalité, contrairement à ce qui se passe pour la Tuberculose, cette opinion consacrait une erreur. Il suffit pour s’en convaincre de consulter les Statistiques médicales publiées à l’époque par l’Armée, celles¬ ci montrant la fréquence des contaminations chez les soldats incorporés dans la 16° Région ainsi d’ailleurs que dans l’ensemble de nos provinces méri¬ dionales (Provence, Haut-Languédoc. Aquitaine) et la plupari de nos grande Centres urhaIns (Lyon, Paris, Nantes, etc.). Depuis lors, la situation s’est encore aggravée du fait de l’état de guerre et par suite surtout de l’arrivée dans le pays de nombreux élémenta étran¬ gers (Espagnots principalement). Voici, du reste, communiqués par le Professeur Margarot, quelques chit¬ BAS-IANGUEDOC- ROUSSILION 85 fres concernant les cas de spécificité récente dépistés au « Dispensaire anti¬ venerien de Montpellier » au cours des années qui ont précédé les hostilités : A partir de 1939, le Dispensaire devient mivue à la fois civil et mili. taire, et la répartition se fait désormais de la façon suivante : Enfin, pour le seul mois de jianvier 194: 13 cas. De la lecture de ce double tableau il ressort que les années les plus for¬ tement hypothéquées ont été celles qui ont comporté les mouvements les plus importants dans la population. A cet égard, les années 1940 et 1943 furent franchement mauvaises, la Syphilis y avant par ailleurs présenté des formes particulièrement graves. Mais nous répéterons ici ce que nous avons déjà dit à l’occasion d’autres chapitres, à gavoir que les variations ainsi enregistrées ne sont que le reflet de circonstances purement fortuites et nullement l’expression de facteurs exclu¬ sivement régionaux. Au reste, la nouvelle tempête de la Libération passée. il semble bien que l’on assiste petit à petit au rétablissement d’un statu quo antérieur, au demeurant assez peu brillant (1). C. — LE CANCER. 1. La région du Bas-Lanquedoc Roussillon ne parait pas se signaler par une morbidité cancéreuse particulièrement élevée. Si l’on en juge par les Statistiques de G. Ichok publiées en 1932, l’importance de la létalité due au cancer au cours des années 1925- 1928 a pu être évaluée comme suit dans les cind départements intéressés : de 230 en 1924 à 399 en 1942. LA PATHOLOGIE RÉGIONAIE DE LA FRANCE 86 qu’on consulte les tables de mortalité établies par l’Institut National d’Hygiène : Indices de mortalité (TM) nour 100 000 habitants calcutés par F’L N.H. durant la double période quinquemate 1927-1931 et 1932-1936. Ainsi le Languedoe méditeranéen se classe parmi les régions françaisos relativement peu touchées par le Cancer, aux côtés de la Provence, de la Corse, du Midi Océanique, du Masif Central et de la péninsule bretonne en opposition par contre avec le Nord-Est, le couloir séquano-rhodanien et tout l’ensemble du bassin parisien. 2. Certaines données plus ou moins récentes semblent indiquer toutefois une tendance nette des Tumeurs malignes à l’augmentation a mesure que l’on se rapproche de la période actuelle. Déjà le précédent tableau accuse un accroissement sensible et constant de la mortalité cancéreuse dans tout le Bas-Languedoc entre les deux périodes 1927-1931 et 1932-1935 successivement envisagées. Mais l’aggravation de la situation apparait surtout à la lecture des derniers documents parus, en particulier ceux émanant encore de l’Institut National d’Hygiène que, pour la facilité des comparaisons, nous allons interroger tout d’abord : Ce bilan, particulièrement explicite, traduit bien le sens de l’évolution actuellement observée. Il se trouve d’ailleurs pleinement confirmé — et depuis plusieurs année déjà — par les statistiques émanant de divers organismes publics et privés intéressés par la lutte contre le fléau. C’est ainsi que le Centre antituberculeux de Montpellier — dont l’activité s’étend sur sept départements — a vu l’effectif de ses malades grossir progressivemient et passer par exemple BAS-LANGUEDOC-ROUSSILLON 82 Bien entendu, il y a lieu de tenir compte dans l’interprétation de ces derniers chiffres de la réputation grandissante qu’a su s’acquérir cet Etablis¬ sement dans le traitement des néoplasies. Néanmoins les faits qu’ils expriment conservent de leur valeur, d’autant plus qu’ils sont en parfait accord avec toutes les autres constatations recueillies, notamment celles provenant du Laboratoires d’Anatomie pathologique de la Faculté vers lequel converge la grande majorité des prélèvements biopsiques. 3. On peut maintenant se poser la question de savoir quelles sont, parmi toutes les localisations du Cancer, celles qui sont le plus fréquemment obser¬ nées dans cette partie du Midi. Les renseignements que nous avons pu recueil¬ lir sur ce point nous sont parvenus de trois sources différentes : a) Une enquête personnelle faite par le Professeur Roux en 1935 au Centre anticancéreux de Montpellier. Pour cet auteur, les néoplasies les plus souvent rencontrées seraient celles de la région bucco-pharyngo-laryngée, de l’utérus et de la peau, la première de ces localisations étant, avec l’abdomen, celle qui, numériquement, mani¬ feste la tendance extensive la plus marquée. b) Une série de proijections sur le cancer utérin effectuée avant-guerre par¬ le Professeur Lapevre et H. Estor dans les grands centres Rospitaliers ains qu’auprès des médecins-praticiens de la région. Ces recherches soulignent, en même temps que la grande fréquence de l’atteinte utérine, la prédominance d’ailleurs bien connue du cancer du col sur le cancer du Corps (862 cas contre 124 au cours d’une étude qui s’est éche¬ lonnée sur une trentaine d’années). On peut sans doute reprocher aux précédents documents, outre leur ancienneté, de ne s’adresser qu’à des catégories de malades limitées, sélection¬ nées surtout en fonction de la snécialisation des prospecteurs. C’est pourquoi nous allons faire état maintenant de statistiques d’une portée plus générale et par ailleurs plus récentes. e) Le bilan des analyses faites en 1943 au Laboratoire d’Anatomie patho¬ logique de la Faculté de Montpellier : Sur les 2 333 examens pratiqués au cours de cette année, 645 concer¬ naient des Cancers. Or, ceux-ci sé sont répartis de la façon suivante : Viennent ensuite les néoplasmes de la vessie, de l’orbite, des poumons. du rein et des sarcomes à raison de quelques unités Enfin le Docteur Guibert, chef du Laboratoire, intègre dans cette meme Statistique : Lynphesarcome er Mludie de Ltolasin 25 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA ERANCE 88 Ce tableau met bien en évidence, lui aussi, la fréquence des localisations utérines, oto-rhino-laryngologiques et buccales, cutanées et digestives, gans oublier, à juste titre, de faire mention des Cancers du Sein (1). d) La statistique de l’Institut Nationat d’Hygiène basée sur l’activité des Centres anticancéreux. C’est ainsi que l’examen de multiples fiches a permis pour le seul Centre de Montpellier d’obtenir en 1943 les chiffres suivants : résultats qui viennent en somme confirmer ceux précédemments énoncés. 4. En ce qui concerne enfin la répartition régionale ou locale du Cancer. sa prédominance éventuelle dans certains secteurs ou dans certaines collec¬ tivités, aucune remarque intéressapte d’ordre général n’a pu être faite au cours des précédentes enquêtes. En particulier, la nature du sol, l’exposition des villages et l’orientation des rues ne paraissent pas jouer de rôle appré¬ ciable dans la répartition de la maladie (Lapevre et Estor). En définirive, il nous parait possible de tirer des quelques documents que nous avons pu ainsi réunir sur la question les conclusions suivantes : l° Du point de vue quantitatif, le Cancer a doublé de fréquence daps le Bas-Languedoc-Roussillon durant ces dernières années. Malgré, ces progrès. notre province méridionale compte toujours parmi celles qui sont les moins touchées par le fléau. 2° Au cours de cete extension, le mal ne parait pas affecter de prédi¬ lection sensibles pour un secteur déterminé ni se montrer influencé par cer¬ taines « causes secondes ». 3° Du point de nte qualitatit, les localisations néoplasiques les plus fré¬ quemment rencontrées sont celles qui intéressent les cavités O.R. L. et buccales. le sein, la peau, l’utérus (avec jci grosse prédilection pour le col) et, tout récemment, le poumon. Mais ce sont là, en réalité (sauf peut-être pour le naso-pharynx), des constatations banales, d’une signification très générale, et qui ne sont pas particulières à nos contrées. A ce propos, deux faits de détail nous paraissent cependanr dignes d’at¬ tention parce qu’ils sont plua franchement spécifiques de notre région médi¬ terranéenne. Ils nous ont été il y a quelques années gignalés par le Docteur (1) Ce document est à rapprocher d’un autre émanant de l’Institut National d’Hy¬ giène et relatif à l’activité des Centres anti-cancéreux en 1943. L’examen de multiplés fches a permis pour le Centre de Montpellier d’obtenir en ce qui concerne cette année les taux suivants : Cavité bucale: 24,76 % des cancers; utérus : 14,76 %; seins : 13,28 %; peau : 13,80 %; mais aussi : appareil respiratoire : 12,85 %: tube digestit et annexes : 857 %. (2) Au cours de l’année 1941, un convoi sanitaire a évacué sur notre seul service cina maladies de Hodgkin, une lymphosarcomatose et une leucémie mycloide. Bien entendu, ces cas n’intéressent que très indirectement la pathologie du Languedoe puisqu’ils ont été contractés en dehors de ses limites. BAS-LANGUEDOC- BOUSSILLON 89 Betoulières électroradiologiste des HeApitaux de Monupellier, et nous termi¬ nerons ce paragraphe en les relatant. Il s’agit : — d’une part de la fréquence relativement grande avec laquelle or observe des néoplasmes de la cavité buccale à forme grave et rapidement métas¬ tatique chez certains Espagnols en résidence dans le Languedoc, ce phénomène pouvant sans doute être rapproché de ce que ces sujets sont en même temps assez souvent entachés de spécificité. — d’autre part de l’aspect tres particulier que revétent parfois les lésions néoplasiques chez les dockers du port de Sête emplovés à manipuler le brai ou à calfater les navires. Ceux-ci font en effet avec prédilection des « cancers du goudron » « localisation serotale. D. — L’ALCOOLISMES Si l’on interroge les habitants du Languedoc sur ta fréquence de l’alcoo¬ lisme dans leur pays, on recueille les avis les plus opposés. Les uns considèrent cette intoxication comme particulièrement répandue dans la plaine et dénoncent la gravité de ses atteintes. Pour eux, l’éthylisme serait souvent observé dans toute la région côtière, aussi bien dans la classe aiséo que dans la classe pauvre, et résulterait soit de l’abus du vin, soit d’un recours excessif aux essences apéritives. Si l’on songe à ce fait que le Languedoc constitue un pays viticole par excellence, vivant presque exclusivement du produit de la vigne, on concoit que cette thèse puisse paraitre à priori très séduisante. En réalité, une telle opinion est loin d’être universellement admise. Cer¬ tains hygiénistes en particulier sont arrivés, après enquête, à cette conclusion que la consommation en alcool par habitant et par jour ne dépassait guère dans la région la moyenne de la consommation française (Professeur Carrieu). Au surplus, s’il arrive parfois à l’ouvrier agricole — le plus souvent mis en. cause — d’absorber des doses insolites de vin à l’occasion des vendanges (2 à 5 litres), il ne faut pas oublier, disent ces mêmes auteurs, que ces abus ne sont que momentanés et se trouvent par ailleurs largement compensés par l’action bienfaisante du travail physique et de la vie au grand air. Que peut-on conclure de ces données contradictoires2 Evidemment rien. ai ce n’est qu’on ne peut espérer résoudre le problème en se basant sur les enquêtes privées, celles-ci aboutissant fatalement à des impressions très variables du fait de l’absence de tout critère. Ici encore, le mieux est de faire appel aux Statistiques oficielles en dépit de leurs imperfections maintes fois soulignéest Mais alors à quels documents s’adresser2 Disons tout de suite qu’on ne saurait faire état des renseignements rela¬ tits à la production d’alcool, des départements comme ceux du Nord, de Bre¬ tagne ou de Normandie consommant beaucoup tout en ne produisant que fort peu. Autrsment utiles sont par contre les références se rapportant à la con¬ sommation elle-même. A cet égard, la Direction des Contributions indirectes publie chaque année les quantités de vin qui, avant été soumises au droit de circulation, sont dans chadue région régulièrement distribuées aux com¬ mercants détaillants. Sur les listes ainei établies il ne sera évidemment pas étonnant de voir des départements comme la Marne, la Haute-Saône, la Côte d’Or et la Gironde figurer aux tout premiers rangs. Au contraire, il sera à première vue asez curieux d’y trouver le Finistère, le Calvados et le Pas¬ de-Calaie relégués aux places les plus extrêmes malgré leur réputation bien nsise de foyers d’étbyhiame. Ceci prouve qu’il y à bien d’autres produits LA PATHQLIOGIE RÉGONALE DE LA PRANCE 90 que le vin susceptibles d’intervenir en l’occurrence, ces produits, bien connus, étant essentiellement : — la bière dans les Flandres et la région de l’Est; — le cidre en Bretagne et en Normandie: — les spiritueux enfin, répandus un peu partout mais spécialement dans certaines contrées que nous préciserons ultérieurement, étant entendu que l’on désigne sous ce vocable toutes les boissons dans la préparation desquelles entre l’alcool obtenu par distillation, autrement dit les eaux-de-vie, les liqueurs, les apéritifs et les vins aromatisés. Cependant, même en tenant compte de tous ces facteurs, la question ne parait pas entièrement résolue, des départements comme ceux des Charentes accusant une situation sanitaire beaucoup plus sérieuse que ne le laissent pré¬ voir les tables de consommation basées sur les documents officiels. Ceci nous conduit à rappeler l’existence, à côté des contingents d’alcool normalement contrôlés par l’Etat, d’autres contingents non moins importants qui, eux échappent totalement à la surveillance de l’Administration et sont la consé¬ quence des privilèges spéciaux de tout temps accordés à la foule des récol¬ tants. On sait en effet qu’aujourd’hui encore la loi autorise les « bouilleurs de cru » à fabriquer en toute franchise pour leur consommation personnelle 10 litres d’alcool pur par an, quantité qu’ils n’hésitent d’ailleurs pas à dépas¬ ser étant assurés par avance de l’impunité la plus absolue. C’est dire qu’à côté de la production réglementéa il faut faire une place à la production libre, énorme dans certaines provinces, et dont les organes officiels eux-mêmes sont souvent impuissants à évaluer l’importance. Enfin, comme dernier élément d’appréciation, il est classique de faire mention du nombre des débits. En réalité, il semble bien que celui-ci soit moins en rapport avec le degré d’imprégnation éthylique d’une population qu’avec son mode de distribution, la dissémination de l’habitat favorisant la multiplication des auberges. Pour en revenir maintenant à la situation propre au Bas-Languedoc¬ Roussillon, vovons ce que nous indiquent pour chacun de ses cina dépare¬ ments constitutifs les documents communiques par l’Institut National d’Hygiène:. 1. —- Consommation en vin d’après le montant des droits de circulation acquittés (Période 1936-1937-1938). BAS-LANGUEDOC- BOUSSILON 3 2. — Consommation en aleol d’après le montant des droits de circulation zcquites (periode 1937-1938). 3. — Répartition des boutilleurs de cru (1936). 4. — Répartition des débits de boisson (1936). contre, relativement rares. 92 LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE Quelles conclusions peut-on tirer de l’ensemble de ces chiffres? Pour s’en tenir aux lignes essentielles et aux seuls faits qui paraissent indiscutables, on peut dire : l° que la consommation en vin dans les régions considérées s’avère par¬ tout supérieure à la moyenne générale française, étant néanmoins plus élèvée dans les départements centraux (Aude et Hérault) que dans ceux de la péri¬ phérie (Pyrénées-Orientales, Gard et Avevron): 2° que la consommation en alcool (production réglementée et production libre), manifestement l’une des plus fortes de France dans les Pyrénées¬ Orientales, va progressivement en diminuant du Sud au Nord, tout en demeu¬ rant intense dans l’Aude, l’Hérault et même le Gard. Signalons en passant que ces deux règles sont restées valables durant la période d’après guerre, en dépit de la baisse sensible survenue dans la con¬ sommation qui a fait passer, par exemple, les quantités de vin soumises au droit de circulation de 2 497 000 hectolitres en 1939 à 1 176 000 hectolitres en 1941 dans le département de l’Hérault. Envisageons maintenant le problème, non plus sous l’angle de la consom¬ mation, mais sous celui de la clinique, en essavant notamment de détermi¬ ner quelle a pu être, parmi les sujets hospitalisés au cours de ces dernières années, la proportion des malades accusaut des stigmates d’éthylisme certains. Un travail très documenté de L. Derobert publie en 1944 nous fournira sur ce point, à la suite de la thèse de Ms Tové-Guelfi (1936), des renseignements des plus précieux. C’est ainsi qu’à Montpellier, dans le service de clinique propédeutique du Professeur Boulet, sur un total de 1774 admissions enregistrées entre le ler janvier 1936 et le l'r juillet 1943 il y a eu un pourcentage global de 6 2 d’alcooliques, l’intoxication par le vin avant été ici beaucoup plus sou¬ vent notée que celle proyenant des apéritifs (75 9% contre 30 9 environ). Parallèlement, le Professeur Rimbaud dans son service de clinique médi¬ cale observait dans les mêmes conditions des pourcentages allant de 6,1 à 8,8 2 suivant les années, avec une fréquence infiniment plus grande chez les hommes que chez les femmes (rapport de 5 à 1) Les chiffres fournis vers la même époque par les Asiles d’Aliénés de l’Hérault sont sensiblement de même ordre buisqu’ils aboutisent aux pour¬ centages respectifs de 17 chez les hommes (Docteur Pagès) et de 3 9 envi¬ ron chez les femmes (Docteur Hugues). De tels résultats doivent évidemment faire l’objet de quelques réserves. Le seuil de l’imprégnation éthylique est notamment très difficile à apprécier et peut parfois donner lieu à des interprétations fort diverses. D’autre part, ces Statistiques se rapportent dans bien des cas à une clientèle d’un recrute¬ ment assez particulier. Il n’en demeure pas moins vrai que les résultats témoignent d’une situation qui mérite pour le moins d’être considérée comme sérieuse tant en ce qui con¬ cerne l’alcoolisme mental que l’alcoolisme viscéral. Si, dans ce double domaine. le Bas-Languedoc-Roussillon doit céder des points à la plupart des provinces du littoral atlantique, il est également prouvé qu’il distance — et souvent largement —- bien dès régions de l’Est ou du Centre. Dans l’ensemble, il s’agit essentiellement dans l’Hérault d’intoviéatione par le vin, et dans les Pyrénées-Orientales, d’intoxications par les essences. ceci pour des raisons qui sont étroitement liées à la production. Les unes comme les autres donpent d’ailleurs très fréquemment naissance à des atteintes torpides et longtemps latentes, les cas d’ivresse proprement dite étant, par BAS-LANGUEDOC. BOUISILION 93 Pour terminet, signalons un fait, sur lequel a beaucoup insisté le Pro¬ fesseur Rimbaud, à savoir l’augmentation manifeste du nombre des cirrhoses au cours de la période qui a immédiatemtent fait suite à la guerre (37 cas en 1940-1941 contre 12 en 1938,-1939). Cette constatation parait devoir s’ex¬ pliquer par les restrictions alimentaires alors subies par la population, ces restrictions avant eu très probablement pour effet de sensibiliser les orga¬ nismes à l’alcool. E. — LES AUTRES FLÉAUX SOCIAUX. LA MORTALITE INFANTILE. Elle est partout faible dans le Bas-Languedoc-Roussillon avec, peut-être. actuellement une incidence un peu plus marquée dans les départements du Gard et de l’Avevron (voir Provence). LES ALIENATIONS MENTALES. Leur fréquence est également très moyenne si l’on met à nart les psy¬ choses toxiques sur lesquelles nous venons d’attirer l’attention. LES MALFORMATIONS CONGENTALES. Le Bas-Languedoc et le Boussillon se classent parmi les régiona de France où les vices de conformation semblent le plus rarement rencontrés. Ils s’op¬ posent en cela à d’autres contrées telles que la Bretagne, les Flandres, la Lorraine, la Savoie et le Sud-Est du Massif Central (Lehok). Néanmoins, il est assez courant d’entendre dénoncer par certains médecins la fréquence toute spéciale dans nos provinces méridionales d’une anomalie particulière. à savoir la luxation congénitale de la Hanche (Dr Madon et Deyy). Mais tout parait indiquer que les cas ainsi observés proviennent pour une bonne part des confins cévenols où cette malformation passe pour assez répandue. LE GOTTRE ENDEMIQUE. Il est très rare dans les plaines Languedociennes, hormis quelques fovers de village signalés dans la basse vallée de l’Orb (Blechmann). LE RACHTTISME. Comme en Provence, et pour les mêmes motifs, le Rachitisme grave semble s’être éteint dane le Bas Languedoc pour ne plus laisser subsister que le Rachitisme larvé se manifestant par des dystrophies attépuées ou des retards du développement. Ainsi, dans le Gard, celon Bouvier, les grosses déformations, qui n’ont du reste jamais été fréquentes dans le pays (à peine 1 à 2 % des enfants des villages), sont decenues de nos jours exceptionnelles et on ne voit plus désormais que des atteintes partielles (crâne natiforme, malformations sier¬ nales, légères déviations des membres inférieurs, etc.) dans la proportion d’une quinzaine de cas pour 400 enfants. Dans les Pyrénées-Orientales, département ensoleillé entre tous, c’est à la même conclusion qu’aboutissent les praticiens, la maladie n’avant guère de chances d’être rencontrée que dans quelques fermes ou métairies isoles où les enfants vivent enfermés pendant que les parents travaillent au dehors. Dans l’Hérault, avec Bouçomont, on retrouve formulées les mêmes opi¬ nions, le Rachitisme, léger de fréquence de plus en plus réduite restant l’apanage des classes pauvres soumises à une mauvaise hygiène alimentaire. La seule note discordante dans ce tableau est fournie par la communi¬ cation de Lauret pour qui l’affection aurait été, il y a quelques années, en accroissement dans la région de Sête. 94 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE BIBLIOGRAPHIE BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 95 X — INELUENCE DES RESTRICTIONS ALIMENTAIRES AU COURS DES ANNEES DE CUERRE SUR L’ETAT SANITAIRE DANS LE BAS- LANCUEDOC La sous-alimentation prolongée qu’a subi de 1941 à 1945 la presque totalité de l’Europe a provoqué l’apparition de toute une pathologie nouvelle aux aspects très divers et dont la véritable nature n’a guère été établie qu’à partir de la fin de l’année 1941. Parmi les syndromes ainsi identifiés, il en est deux dont l’individualité à pu être clairement démontrée : Dans le premier, le tableau clinique se borne à l’association d’une potvurie intense à un amaigrissement prononcé. Les malades éliminent par jour de 3 à 7 litres d’une urine claire, aux reflets parfois légèrement ver¬ dâtres (Giraud). Le second est caractérisé par l’adionction en apparence paradoxale à cette polvurie d’œdêmes blancs, indolents et mous, le plus souvent localisés aux membres inférieurs, mais susceptibles toutefois de prendre l’aspect d’un ana¬ sarque généralisé. Fait essentiel, il n’existe, tout au moins dans les formes pures, aucun signe d’altération rénale ni de défaillance cardiaque. Par contre on observe fréquemment de la diarrhée, de l’hypotension et de l’acrocvanose. des phénomènes polynévritiques ou psychiques (Bert) et des accidents hémor¬ ragiques qui viennent conférer au processus une assez grande richesse séméjo¬ logique, Parmi ces manifestations, il en est une qui présente un intérêt spé¬ cial en raison de sa fréquence : c’est la bradycardie dont on a voulu faire le troisième élément d’une triade symptomatique constituée par ailleurs par la polvurie et les œdèmes. A ce complexe clinique on a cherché parfois à faire correspondre un syndrome biologique représenté surtout par un abaissement du rapport des serines aux globulines dans le plasma. En réalité, la constance de cette varia. tion est loin d’être prouvée. Pour Giraud, il y aurait lieu de considérer comme plus habituelles ceriaines anomalies hématologiques, et en particulier une ané mie isochrome avec érythroblastose médullaire. En dehors des tableaux schématiques qui viennent d’être décrits et qui se sont rencontrés surtout chez l’adulte sain et chez l’adolescent, la sous-ali¬ mentation semble avoir très souvent agi en favorisant l’apparition d’odèmes jusqu’alors demeurés latents chez des sujets porteurs d’affections par elles. mêmes hydropigènes, mais n’avant pas évolué au-delà de leur stade de dbut. Ainsi se sont trouvés réalisés des « œdèmes mixtes » dont la fréquence est apparue comme de plus en plus grande à mesure que toutes ces manifesta¬ tions ont été mieux connues. Le vieillard en, particulier, en raison des tare viscerales multiples qu’il présente d’ordinaire (insufisance hépatique ou rénale, défaillance cardiaqué, etc.), s’est montré extrêmement sensible à l’in¬ Huence des privations et les acidents d’hydropisie ont éclaté chez lui ave une rapidité très accrue. Dans leur détermination il semble d’ailleurs qu’il faille faire une place spéciale à la sclérose artérielle préexistante souvent observée, par l’intermédiaire sans doute des troubles de la perméabilite vas culaire que celle-ci entraine. Nous verrons plus loin l'’importance pratique de toutes ces notions sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 96 Si les restrictions alimentaires se sont fait sentir aur la France entière. elles se sont montrées particulièrement sévères dans certaines régions écono¬ miquement déshéritées. Tandis que dans la plupart des provinces agricole elles n’ont frappé que quelques collectivités spécialement fragilisées ou mal ravitaillées, telles que celles des asiles et des prisons, dans d’autres endroits. au contraire, elles ont atteint l’ensemble de la population, entrainant ainsi un accroissement notable de la morbidité. En ce qui concerne nos contrées. le problème s’est posé avec une acuité très inégale suivant les départements considérés. Alors que dans les Pyrénées-Orientales et aux confins des régions montagneuses d’élevage les habitants ont ordinairement pu trouver sur place les produits nécessaires à leur subsistance, dans le Bas-Languedoc viticole. c est-à-dire dans toute cette zone de monoculture enserrée entre les garrigues incultes et la mer, la situation est devenue rapidement tragique, en dépit des efforts déplovés par les Pouvoirs publics en vue d’enraver la spéculation et d’assurer une équitable répartition des denrées. C’est ainsi que, selon Bosc. un adulte recevait en tout et pour tout comme « tickets » au mois d’octobre 1942 l’équivalent d’une ration alimentaire quotidienne de 1 800 à 1900 calories. La même année. Mme Rambault, au cours d’une statistique portant sur 155 étudiants montpelliérains, observait que la moitié d’entre eux ne disposait que d’une ration inférieure à 2 000 calories, celle-ci n’atteignant même pas 1 500 calories chez 14 d’entre eux. Bien que ces chiffres soient déjà très éloqueats, ils ne correspondent tou¬ tefois pas au moment le plurs critique de cette période de famine. Nous avons nous-mêmes calculé que la valeur énergétique des produits contingentés effec tivement distribués dans les grosses axglomérations urbaines de l’Hérault pen¬ dant certains mois de l’année 1941 était de 1200 calories à peine pour les adultes et les enfants (catégories A et 12), de 1 300 calories pour les ado lescents (catégorie 13) et de 1 300 à 1520 pour les travailleurs de force (catégorie T). Pour bien faire apparaitre l’insuffisance de ces racions il noue euffira de rappeler, à titre d’exemple, qu’avant guerre on estimait respectivement à 2 000 et à 3 000 calories par jour les dépenses énergétiques minima d’un adulte au repos ou se livrant à un travail moyennement fatigant. De même on admettait habituellement qu’un apport alimentaire inférieur à 1 100 calo¬ ries équivalait en quelque sorte à l’inanition. Ce régime alimentaire défectueux que nous avons subi n’était d’ailleurs pas seulement globalement insuffisant : il se montrait par surcroit foncière ment déséquilibré dans ses éléments constitutifs. On sait en effet qu’il doit nécessairement exister entre les divers principes nutritifs des rapports harmo nieux de nature à faciliter leur « interpénétration » réciproque et à leur per¬ mettre de s’appuver ou au contraire de se corriger dans leurs effets. C’est ainsi, notamment, que les graisses doivent intervenir normalement pour un cinquième environ dans l’apport énergétique total et que la proportion des albumines animales aux albumines végétales doit se situer entre un demi et un tiers. Or, la raréfaction élective de certaines denrées, et plus spécialement des « matières grasses » et de la viande de boucherie, est venue rapidement provoquer des perturbations considérables dans les rapports précédents, per¬ turbations essentiellement préjudiciables au bon fonctionnement de l’orga nisme. En septembre 1943 notamment, un individu titulaire d’une carte n’obtenait par jour, à Montpellier, que 33 grammes de protéine (au lieu du minimum de 60 nécessaire), les protéines d’origine animale ne figurant que pour 5 grammes seulement dans cette quantité (rapport 1/6,5 environ) (Nguven). De là un apport calorique nettement amoindri et, d’autre part, un déficit marqué en aminoacides, déficit d’autant plus grâve que beaucoup de ces monopeptides contenus électivement dans les protéines animales sont stric¬ tement indispensables à l’accomplissement des réactions vitales. thérapie, même employée à forte dose et sous la forme polyvalente. BAS-LANGUEDOC- ROUSSILION 97 Enfin, il faut tenir compte, dans l’appréciation de certains faits, des carences vitaminiques proprement dites, lesquelles ont été le plus souvent multiples, résultant de la rareté des aliments frais ainsi que du blutage trop poussé auquel étaient soumises les farines (1). Ainsi donc, la ration alimentaire en ces temps de disette est apparue comme viciée à un triple point de vue. Elle s’est montrée à la fois insuffi¬ sante, carencée et déséquilibrée en ses principes fondamentaux, ce dernier lacteur étant sans aucun doute de beaucoup le plus important a considérer. Pour essaver de parer à tous ces inconvénients, force fut de recourir au supplément fourni par les denrées non contingentées. Malheureusement, on s’est heurté ici à de nouvelles difficultés. En effet, non seulement ces denrées se sont elles-mêmes raréfiées, mais encore, étant essentiellement végétales et alipidiques, leur appoint n’a fait souvent qu’aggraver le déséquilibre de la ration, sans en augmenter beaucoup la valeur nutritive (choux-raves, choux¬ fleurs, épinards, etc.). Par surcroit, pour beaucoup d’entre elles, le prix de revient s’est très vite élevé malgré le régime de taxations mis en vigueur. Dans de telles conditions, les populations pauvres des villes et les gens ne disposant pas de moyens de troc suffisants ont beaucoup souffert de cette disette, et ont pavé un tribut particulièrement lourd aux maladies de dénutrition dont nous venons de brosser rapidement les principaux aspects cliniques. Au cours des années 1941 et 1942 surtout, de nombreux malades sont entrés dans les hopitaux, accusant des accidents de sous-alimentation, et c’est ce qui explique certainement l’importance des travaux qui ont été publiés à l’époque par toute l’école montpelliéraine. A ce propos, voici les résultats des quelques Statistiques qui ont alors été établies dans les différents services hospitaliel de la ville: Clinique médicale du Professenr Rimbaud 34 cas en un an. Clinique médicale du Professeur Ciraud. 30 cas environ en quelques mois. Clinique propédeutique du Professeur Boulet 26 cas en une année (relatés (service des vieillards). dans la thèse de Bosc). En commentant ces faits, les auteurs insistent sur les quelques particu¬ larités suivantes : A. — Inftuences de certains facteurs. 4ge : la plunart du temps les accidents se sont observés après 50 ans (18 fois sur 26 dans la Statistique de Boulet). Sexe : prdilection marquée pour le sexe masculin (46 fois sur 34 chez Rimbaud, 23 fois sur 26 chez Boulet) : Saison : apparition habituelle au printemps ou au début de l'’té (15 cas de Boulet sont survenus en mai, juin ou juillet). (1) Nous avons eu l'ocasion d’observer au mois de décembre 1941, dans un camp de. Tirailleurs Malgaches de la région, de Perpignan, une véritable épidémie d’avita¬ minose B. Sur les 580 hommes d’effectif, 153 furent touchés avec plusieurs cas très graves et même deux déces brusques manifestement imputables à des localisations cardiaques (voir bibliographie). Ce camp, installé, dans, une région particulièrement pauvre et dans l’impossibilité de s’approvisionner sur, place, dut recourir presque exclusivement aux denrees de l’Intendance et particulièrement à un stock de riz poli et vieilli. En l’ocurrence, les conditions économiques du moment furent donc indire¬ tement responsables des accidents survenus chez ces militaires. Mais il convient de remarquer que nous avons eu affaire ici à des manifestations franches de béri-béri, alors que les manifestations de dénutrition couramment rencontrées dans les villes à ce moment ne relevaient guère à proprement parler de la pathogénie des avitaminoses nsi qu’en témoigne notamment l’iheficacité habituelle de la vitamino¬ 1A PATHOLOGIE BÉGIONAIE DE LA FRANCE 68 B. — Manifestations cliniques et humorales. Anasarque : apparemment il fut très fréquent puisqu’on le rencontre 8 fois chez Rimbaud et 1I fois chez Boulet. Mais il faut noter qu’il s’agit là de Statistiques faites en milieu hospitalier et intéressant la plupart du temps des malades déjà très touchés; Acidents polynépritiques avec troubles de la réflectivité aux membres inférieurs : 12 cas sur 26 dans la thèse de Bosc, soit près de la moitié des observations; Anémie : sur 16 examens pratiqués par le précédent auteur, 9 révèlent un taux globulaire inférieur à 4 millions (dont 2 au-desous de 3 millions) et 13 témoignent d’une réaction érvthroblastique dépassant 5 % (et dans 3 cas supérieure à 25 %), la valeur globulaire étant restée constamment voisine de l’unités. Quotient abumineux du sérum : régulièrement on l’a trouvé abaissé au cours de ce même travail et même 2 fois sur 10 on l’a vu s’inverser. Mais ces conclusions sont loin de réunir l’unanimité. C. — Les « (Edêmes mixtes p Tout le monde est absolument d’accord pour admettre leur très grande fréquence et Boulet qui, ne l’oublions pas, dirigeait un service où n’étaient hospitalisés que des vieillards, estime même qu’ils furent de règle. Pour notre part, nous avons du l’occasion des 1941 de signaler leur existence au cours d’une enquête sanitaire effectuée dans les prisons mili taires de la 16° Division. Avant observé parmi les détenus de la Maison d’Arrêt de V... 7 cas d’œdèmes de dénutrition, nous faisions remarquer en effet, dans le texte d’un rapport adressé au Directeur Régional du Service de Santé, l’apparition élective de ceux-ci chez les individus présentant des mio¬ pragies viscérales diverses de nature à retentir par elles-mêmes sur le méta¬ bolisme de l’eau. D. — Le pronostic. Trois éventualités se sont présentées d’ordinaire chez les sujets accusant ces accidents par carence alimentaire. Dans certains cas les œdèmes ont rétrocédé complêtement sous l’influence du traitement (mais la récidive fut alors toujours possible dans les semaines qui suivaient, surtout chez les malades reprenant leur travail). Dans d’autres cas les œdèmes persistèrent indéfini¬ ment et se sont montrés rebelles à la thérapeutique, Parfois, enfin, la mort est survenue (5 décès dans la Statistique de Rimbaud ainsi que dans celle de Bosc), cette évolution fatale avant été favorisée par toutes les tares orga¬ niques concomitantes, en tête desquelles il faut placer sans aucun doute la Sclérose généralisée du système artériel. Tels sont les faits constatés dans la seule acglomération urbaine de Mont¬ pellier, laquelle compte approximativement 100000 habitants. En réalité, la morbidité due aux accidents de dénutrition a largement débordé le cadre de ces Statistiques purement hospitalières. Il faut y ajouter tous les cas traité en ville, ainsi qu’une multitude d’autres manifestations que certains travaux paraissent attribuer également à la sous-alimentation; nous voulons faire allu sion ici notamment à tous ces syndromes décrits sous les noms d’ostéonathie de famine, de notatgie des restrictions, d’aménorrhée de guerre, sans oublier les troubles liés aux viscéroptoses particulièrement fréquentes de nos jours et sur lesquelles nous avons attiré l’attention au cours d’une communication faite à la Société médicale du Languedoc (voir bibliographie). BAS-LANGUEDOC- ROUSSILON 99 fisance et le déséquilibre du régime alimentaire se sont manifestes à la fois Ainsi envisagés, les désordres engendrés dans nos contrées par l’insuf¬ comme très graves et très étendus et ont certainement fait courir aux popu¬ lations de la région viticole un réel danger. Si nous en avons entrepris ici la description, c’est qu’ils illustrent d’un jour particulièrement vif la menace qui pourrait planer a rtouveau, en cas de crise, sur une province vouée en maieure partie aux cuttures spécialisées. RIRLIOCRAPuIE sur la question des principaux travaux montpelliérains BAS-LANGUEDOC- ROUSSILION 101 Quand à la station de Balaruc, elle possède des eaux hyperthermales (489). chlorurées sodiques faibles et cuivreuses. En outre, on y utilise des boues spé¬ ciales préparées avec la vase de l’étang de Thau. Le traitement qu’on y applique est particulièrement indiqué dans les arthropathies chroniques, les bacilloses locales, les affections gynécologiques et parfois les séquelles d’hémiplégie. Accessoirement il convient de signaler les eaux bicarbonatées ferrugineuses de Colombières et de la Vernière (dyspepsies hyposthéniques), les eaux sul¬ fatées magnésiennes de Cruzy (atonies digestives) et enfin les eaux sulfatées calciques faibles de Montpevroux (action diurétique). 4. - Card. Tout le monde connait dans cette dernière région la station de Perrier¬ Vergèze dont les eaux bicarbonatées calciques faibles et hypergazeuses ont une action stimulante sur les fonctions digestives. Enfin, on peut encore signaler ici les eaux sulfurées froides d’Euzet et des Fumades, en usage dans les affec¬ tions des voies respiratoires. CONCLUSIONS Située en bordure de la Méditerranée, la région languedocienne est sou¬ mise à la fois aux influences européennes et africaines. ladis carrefour des invasions, elle constitue, de nos jours encore, une voie d’appel naturelle pour les courants épidémiques. Ces interférences multiples n’ont pas été sans lui conff́rer un visage assez complexe. Du point de vue médical, on peut y voir rassemblées les affec¬ tions les plus diverses, apportées de tous les points de l’horizon. Ainsi, récem¬ ment encore, elle se trouvait menacée par la marche concentrique de la Bru¬ cellose nordique (Abortus) et des Leisbmanioses tropicales. Mais ces conionctions sufisent-elles véritablement à créer une pathologie régionale au sens propre du terme? Celle-ci n’est-elle pas tout simplement la pathologie banale commune à toute la zone tempérée chaude, et se retrou¬ vant avec des caractères analogues dans tous les pays de même latitudez Pour répondre à cete question, le mieux est de jeter un coup d’oeil d’en¬ semble sur l’histoire épidémiologique du Languedoc. Et tout de suite on s’aper¬ coit que les affectione qui y figurent se répartissent en plusieurs groupes sui vant la date de leur implantation. Certaipes, en efet, sont d’origine tres ancienne. C'est ainsi que, depuis les temps les plus reculés, la « T’yphoide » et le « Paludisme » n’ont cesse d’exercer leurs ravages sur cete partie du litoral, favorisés, celui-ci par la preseuce d’une côte maremmatique infestée d’Anophèles, celle-là par la pol mution fréquente des eaux de puits et aussi, il faut bien le dire, par une consommation toujours accrue, surtout dans les agglomérations paramaritimes 192 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE (Perpignan, Béziers. Montpellier. Nimes) de coquillages contaminés. A Mont¬ pellier notamment, on pouvait évaluer en 1939 à plus de la moitié la pro¬ portion des typhoses relevant d’une origine coquillière, les fruits de mer vendus sur les marchés de la ville étant profondément souillés. Depuis lors, une lutte implacable a été menée par l’homme contre ces redoutables enne¬ mis qui, hormis quelques réveils récents dus à des apports extérieurs (comme ce fut le cas pour le Roussillon après l’exode espagnol), tendent de plus en plus à disparaitre de son sol contrairement à ce qui se passe sur bien d’autres points du littoral méditerranéen. Signalons toutefois la persistance de quelques lovers malarigènes tenaces — dont les étangs du Grau, de Mauguio, de Pérols et de Thau — le long du golfe du Lion, constituent le centre. Mais, de nos jours, l’attention se porte plus volontiers sur d’autres variétés d’affections, celles-ci d’importation relativement récente et qui méritent sans doute l’appellation de « maladies d’avenir » que leur a donné Charles Nicolle. Depuis quelques années, en effet, on les voit envahir tout notre Midi, pro¬ cédant en cela par vagues successives. La première de ces vaques remonte au début du siècle. C’est à cette époque que la Mélitococcie est venue s’abattre sur le département du Gard. prenant ainsi contact avec le sol français. Véhiculée par la chèvre et le mouton itinérant des garrigues, puis par les bovins, elle a bientôt gagné tout le Bas¬ Languedoc et plus encore, peut-être, le Roussillon, pour déborder ensuite rapi¬ dement leurs limites géographiques. Devenue depuis lors maladie mondiale. elle conserve encore pour son foyer primitif une prédilection marquée. Les vagues suivantes sont toujours d’actualité C’est ainsi que l’on cons¬ tate une extension de plus en plus importante de la F’ièvre boutonneuse et. probablement, de la « Fièvre des trois jours » que transmettent respectivement les acariens et phlébotomes largement répandus, les uns dans les taillis, les autres dans les herbages des marais (existence d’un petit fover de Fièvre à papatacci dans les banlieues Est de Montpellier). De même on a vu appa¬ raitre un peu plus tard, mais dans les mêmes secteurs, de nombreux cas de Leishmaniose canine, précurseurs habituels du Kala-Azar dont les premières atteintes se sont échelonnées au cours de ces dernières années, importées semble-t-il de Provence. D’autres assauts sont sans doute en puissance. Déja, toute la gamme des Leptospiroses a pu être identifiée à Montpellier, tandis qu’à l’horizon s’an¬ nonce depuis quelque temps la menace de la Tularémie (1). Quant à la Bilharziose, la découverte du « Bullinus » dans les torrents roussillonnais risque tot ou tard de la mettre en cause pour peu que cet hôte intermé¬ diaire se trouve accidentellement infesté par des rapatriés coloniaux. Telles sont les maladies les plus spécitiques du pays. Beaucoun d’entre elles ont encore pour nous un certain cachet d’étrangeté. Mais elles ne doivent pas nous faire oublier pour autant les tieilles pandémies européennes qui continuent à peser assez fortement sur la morbidité de la région. Tantôt atténuées dans leurs effets grâce à l’influence bienfaisante du soleil qui détruit les germes infectieux et fortifie les résistances organiques (Cc’est le cas pour la Fiêvre scarlatine), tantêt, au contraire, exacerbées par les sautes hrusques de température et l’influence déprimante des vents, elles donnent lieu encore trop souvent à de violents sursauts épidémiques que séparent des phases d’accalmie plus ou moins prolongées. BAS-LANGUEDOC- BOUSSILION 103 Vraies pour les épidémies, ces notions le sont également pour la Tubher. culose. Si les Pyrénées-Orientales offrent des possibilités de cure extrêmement appréciées dans les formes pulmonaires de la maladie — comme d’ailleurs certains secteurs cotiers dans les formes osseuses ou ganglionnaires — la plaine. par contre, avec ses larges espaces tour à tour éventés et écrasés de soleil. se montre dans l’ensemble peu favorable aux tuberculeux sans que les indices de mortalité accusent pour cela des taux spécialement alarmants. En définitive, on s’aperçoit que les facteurs qui conditionnent habiquel. lement la pathologie d’une contrée se manifestent ici avec des caractères d’ori¬ ginalité bien tranchés. C’est ainsi que le facteur « climat » se singularise par l’intensité de l’in. solation et la violence des bourrasques, que le facteur « fqune » se distingue par l’abondance et la diversité des espèces animales intervenant, soit comme vecteurs de germes, soit comme réservoirs de virus, que le facteur « humain » enfin s’individualise par une adaptation parfois particulière du terrain organique. Dans ces conditions on concoit qu’ait pu s’édifier une parhologie locale pourvue d’une physionomie propre et dont la personnalité, aujourd’hui encore, ne saurait être contestée. II PROVENCE GÉNÉRALITÉS Pour le vovageur qui, vers l’automne, descend la vallée du Bhêne en direction du littoral, il n’est pas de contraste plus frappant que celui qui l’attend lorsque, franchissant le « robinet de Donzèro » il pénêtre dans les plaines du Comtat. Laissant derrière lui le ciel maussade chargé de nuages lourds, les paysagces humides et tristes où déjà les arbres achèvent de se dépouiller de leurs feuilles, il entre brusquement au pays de la lumière. Sous le ciel d’un bleu éblouissant le mistral fait trembler les fines ramures de l’olivier, cependant que, sur les routes, il soulève de violents tourbillons de poussière qui viennent saupoudrer d’une même teinte blanchâtre les noirs Cyprès, les bouquets d’veuses et les chênes-kermes. Rien de commun entre ces lieux riants et les autres provinces françaises. Comme le dit E. Granger : « C’est la Campanie, la Sicile et l’Attique qu’ils évoquent et les Grecs aven¬ tureux qui, venus de la lointaine Phocée, abordèrent 600) ans avant lésus¬ Christ le fond du golfe de Marseille, y retrouvèrent les paysages familiers de leur patrie, » Or, ce changement étonpant, c’est au climat qu’il faut l’attribuer et. avec lui, à la proximité d’une vaste mer fermée, énorme réservoir de cha¬ leur sans cesse entretenu aux environs de 13° par l’insolation et toujours prêt, le moment venu, à restituer au littoral l’excédent de calories qu’il a pu emmagasiner. Ainsi, grâce à l’action régulatrice de la masse liquide, les hivers sont-ils en permanence courts et tièdes (1 9° à Menton), compensant des êtes malheureusement un peu trop longs et un peu trop chauds ( 24° à Nice). Mais ce voisinage marin ne comporte pas que des avantages. Les eaux tièdes de la Méditerranée ensendrent souvent, en effet, au-dessus des colfes de Gènes et du Lion, la formation de zones de basses pressions qui attirent les vents. Ceux-ci proviennent de l’anticyelone des Acores ou, plus souvent. du Massif Central, Ainsi nait le Mistral, le « maitre vent », brutal, fougueux. glacial, desséchant tout sur son passage et tellement caractéristique de la région qu’aucune description, ne saurait l’omettre. Sévissant à Marseille environ 160 jours par an, il est légitimement redouté dans le pays : c’est lui qui. l’hiver, fait greloter dans la plaine le Méridional de Toulouse comme le Provencal de Toulon; c’est contre lui que le cultivateur dresse partout des haies pour protéger sa maison et ses récoltes. Les pluies, illes des vents, sont, comme eux, irrégulières et passionnées. On a trop tendance à les croire peu abondantes. En réalité, si le climat parait sec, ce n’est point parce que les précipitations font défaut : Marseille est plus arrosée que Paris (636 cm contre 52) et Nice l’est bresque autane 108 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA PRANCE 192 PROVENCE LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 110 que Brest. C’est parce qu’elles sont inégalement réparties dans l’année : elles se concentrent sous forme d’averses torrentielles vers l’automne et le début du printemps (à Marseille, on compte en moyenne 55 jours pluvieux pal an au lieu de 165 à Paris), laissant entre mai et octobre s’écouler d’intermi¬ nables semaines sans la moindre goutte d’eau. Ainsi l’atmosphère conserve perpétuellement sa merveilleuse limpidité. Et si, certains jours, des nuages viennent à s’accumuler à l’horizon, annonciateurs d’une bourrasque prochaine. chacun sai qu’il ne s’agit là que d’une bouderie passagère de la nature et qu’il retrouvera, l’orage passé, un ciel encore plus pur et un soleil plus doré. Avec de tels caprices, on ne saurait s’étonner du récime des petits fleuves côtiers qui dévalent le long des pentes raides des montagnes. Tantôt gonflés d’eaux boueuses et débordantes, tantôt réduits à de minces filets d’eau ser¬ pentant parmi les flaques dans un immense lit de cailloux, ils sont auss impropres à la navigation qu’inutilisables oour l’industrie. La végétation a, nécessairement, dù s’adapter à ce climat. Ici, ce ne sont plus les rigueurs de l’hiver que les plantes doivent redouter mais bien plutôt les longues sécheresses de la belle saison. Aussi, tandis que les espèces à feuilles caduques se raréfient sauf le long des rivières, on voit se multiplier les espèces à feuilles persistantes capables de lutter contre l’évaporation par la longueur de leurs racines, l’étroitesse de leurs feuilles luisantes et dures. la production d’épines, la sécrétion de matières cireuses aux arômes agréables. Partout l’olivier est roi. Mais, sur les sols siliceux, c’est le maquis qui s’ins talle, formé de lauriers-roses, de thym, de lentisques et d’arbousiers, rassem¬ blés en taillis touffus et: paifumés, et dominés par la haute silhouete des chénes-liège, des pins d’Alep et des célèbres pins parasol. Ailleurs, dans les endroits abrités, ce sont les fleurs qui prospèrent, mêlées aux agrumes (oran gers, citronniers). Enfin, la main de l’homme a encore parfait la richesse des sites par l’introduction de nombreuses essences étrangères — plantes grasses des zones tropicales, agaves et cactus du Mexique, palmiers africains surtout — qui, toutes, ont admirablement réussi sur ces terres, conférant au paysage un délicieux cachet d’exotisme. Il est vrai qu’en retour toute cette lumière, toute cette spontanéité, toute cette exubérance de la nature ’ont retenti sur l’habitant dont elles ont, en quelque sorte, faconné le comportement et le caractère. Du point de vue racial. on rencontre chez le méridional, greffé sur un vieux fond Ligure, tout un ensemble complexe d’influences grecques, latines et même arabes, excluant à peu près complêtement les apports celtiques et surtout germains. Aussi¬ morphologiquement, l’homme apparait-il plus petit, plus brun, plus mat de teint que ses compatriotes du Nord ou du Centre. Mais c’est dans le domaine psychique surtout que la marque du terroir se fait profondément sentir. Celle ci a abouti à la formation d’un type social très particulier, pittoresque à coup sur, et que la litf́rature a d’ailleurs largement contribué à nous rendre familier. Parmi toutes les descriptions qui en ont été données, retenons sim¬ plement celle-ci, à la fois courte et expressive : « Vifs, souvent exubérants prompts à l’enthousiasme, abondants parleurs et naturellement éloquents aimant la plaisanterie spirituelle, sociables et gais, ils (les Provencaux) se plaisent aux longs bavardages, aux discussions vibrantes sous le platane du « Cours » ou aux terrasses des cafés, se passionnent pour les menus incidents de la politique locale, multiplient les prétextes de réunions joveuses. Ils sont peu faits pour la solitude et préfèrent la vie urbaine à l’isolement du « mas ».. Les villages mêmes, dont les maisons, coiffées de tuiles creuses s’accolent étroitement les unes aux autres, manifestent l’attraction qu’exerce sur le méridional la vie en commun. » (E. Granger). Ainsi, par son climat, par sa végétation, comme par son type ethnique spécial, notre Midi méditerranéen a reusi à s’assurer le privilège d’une puis¬ 1 PROVENCE sante individualité. Mais cette individualité d’ensemble n'’exclut pas une grande variété dans le détail. De nos jours encore, chaque contrée conserve sa physionomie propre. Ce fait, nous l’avons déjà observé en étudiant le Bas-Languedoc et le Roussillon. Nous le retrouvons maintenant à propos de la Provence dont les aspects changent notablement d’une région à l’autre obligeant à considérer séparément trois zones bien distinctes, à savoir la Plaine, la Côte et la Montagne. A. — LA PLAINE DU RHONE. De forme sensiblement triangulaire, occupant l’emplacement d’un vaste golfe peu à peu comblé par les matériaux arrachés à la montagne par les cours d’eau, la plaine du Rhône s’étend depuis le « robinet de Donzère » jusqu ’au littoral camarguais. Sitot après voir traversé ce fameux défilé par ou le premier contact s’éta¬ blit avec la France méditerranéenne, c’est le Comtat Venaissin qui apparait à la vue Edifié grâce aux apporis combinés de la Durance, de la Sorque et de l’Ouvèze, il doit à la présence d’un limon très fertile sa remarquable fécondité. Spécialisé, outre la vigne, dans la culture des primeurs, le pays a fait la fortune de cités comme Avignon. Cavaillon et Carpentras, autrefois villes mortes et symboles de « provinciale médiocrité », aujourd’hui marchés très actifs en continuel progrès. Ancien delta de la Durance au temps ou celle-ci franchissait les Alpilles. la Crau, située un peu plus au Sud, né serait encore sans l’irrigation qu’un désert de pierres. Depuis le début de ce siècle elle est devenue, dans sa partie Nord tout au moins la continuation des riches jardins du Comtat Chatcau¬ renard est un petit Cavaillon, exportateur de primeurs, de légumes et de fruits, Partout ailleurs, la rerre appartient aux moutons : ce sont eux qui montent l’été vers les Alpes du Sud ou nous les retrouverons ultérieurement. colportant la Mélitococcie d’étapes en étanes jusqu’à la zone des pâturages. Leur nombre, il est vrai, a fortement diminué au cours de ces dernières années comme, du reste sux tout le littoral nassant notamment pour l’en¬ semble du Midi méditerranéen de 2 950 000 têtes en 1892 à 1 600 000 en 1935. Mais ce contingent suffit encore largement à entretenir sur les côtes le redou¬ table ftéau. Au-dela de la Crau s’étend la Camargue, vaste delta de 75 000 hectares enserré entre les deux bras du Rhône. Peu de régions dans notre Midi piquent autant la curiosité des touristes et surtout des étrangers. On se la repbrésente volontiers comme un pays d’eaux dormantes, d’herbes étranges ou errent tau¬ reaux et gitanes. Or, si l’on va d’Arles aux Saintes-Maries, on traverse d’abord une aimable contrée « dont les prairies et les haies feraient songer à la Nor¬ mandie si elles n’alternaient avec les vignes » (et aujourd’hui les rizières). Flus loin, on rencontre de larges espaces incultes, mais ici encore l’inguane fait place bien souvent à d’innombrables rangées de ceps qui évoquent le vignoble biterrois. Ce n’est qu’aux approches de la mer que le paysage retrouve son vrai visage de jadis, cher à Mistral et à Barrès. « La, c’est bien la plaine sauvage, la solitude immense sur une terre qui semble encore confondue avec les eaux du chaos » (Sion). De tous côtés, en effet, on aper¬ coit à perte de vue les étangs et des mârécages séparés les uns des autres par des buttes couvertes de salicornes formant comme la charpente du terrain. Pas un arbre où quêter un peu d’ombre. En somme, l’aspect des chots algériens avec leurs efflorescences de sel brillant sous un ciel de plomb. On concoi du’un tel pays n’ait guère retenu l’habitant, étant par surcroit le siège d’épi¬ demies meurtrières de Paludismne favorises par le développement des eaux stagnantes. Evidemment, depuis quelque temps, d’importants travaux d’asse merveilleuses floraisons. LA PAILICILVIE NLPINTNTNEE PE EC 12 chement ont été entrepris en vue d’assainir le delta. Déjà ils ont permis, non seulement de récupérer comme nous l’avons vu plus de 16 000 hectares pour la culture, mais encore de supprimer de nombreux gites d’Anophèles. Ces résultats sont néanmoins insuffisants puisqu’il subsiste encore autour du Vacarès et surtout dans la « Petite Camargue » située entre l’ancien et le nouveau cours du « Petit Rhône », près des étangs des Fourneaux et de la Grande Gaze, un fover latent d’endémie malarienne, sans cesse entretenu par des apports étrangers — Espagnols principalement — et sujet par intermit¬ tences à de brusques réveils. Certains événements récents, comme ceux de 1943 consécutifs aux déplacements des « Chantiers de leunesse », en témoi¬ gnent avec éloquence : nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir. Bien que toute cette large vallée du Bas-Rhône soit essentiellement carac¬ térisée par ses vastes étendues planes, trop souvent monotones, la montagne ne se trouve pas complètement éliminée du décor. Tandis qu’à l’Ouest se pro¬ file au loin la ligne bleue des Cévennes, à l’Est des collines surgissent toutes proches, dominées par la masse du Ventoux et fermées au Sud par la chaine des Alpilles. Mais toutes ces hauteurs, si elles sont parfois de nature à entra¬ ver les communications, s’avèrent par contre incapables d’arrêter la fureur des vents. Aussi est-ce bien dans cette région que le Mistral se montre le plus violent et le plus impétueux. Si l’homme à encore la ressource d’atf́¬ nuer les effets mêmes du souffle en protégeant sa demeure par des haies de cyprès ou de roseaux (ces fameuses « Cannes de Prouence », cueillies dans tous les lieux humides, dulittoral et qui provoquent chez les ouvriers qui les manipulent de si curieuses dermites), il ne saurait éviter les funestes consé quences que peuvent présenter pour son organisme les brusques variations du baromêtre. C’est dire qu’un semblable climat est désastreux pour les êtres fragites — tuberculeux surtout — et d’une manière générale pour tous les « météorosensibles » qu’importunent les changements, parfois même minimes. survenant dans l’atmosphère. B. — LA COTE D’AZUR. Ainsi donc le vovageur, venu de Paris ou de Lyon et déjà quelque peu familiarisé avec la luminosité du ciel par la traversée du Comtat et de la Crau, atteint le tunnel de la Nerthe à la sortie duquel il a une première vision de la mer. Après avoir franchi l’agglomération marseillaise, sur laquelle nous reviendrons, il s’engage bientôt dans une large et longue dépression bor dée à gauche par des hauteurs calcaires aux aspects calcinés, cependant qu’ droite apparait soudain quelque chose de nouveau, d’un peu étranger au pays : des courbes trapues et arrondies, couvertes d’un manteau de sombres forêts et où plus rien désormais ne décèle la vie, pas même ces villages blanc et comme incrustés dans le roc que, quelques heures auparavant, il distin guait encore aux flancs du Léberon et des Alpilles. Ce sont les Maures. Avec elles, la Côte d’Azur se révèle tout à coup aux regards, mais parce qu’elle à sans doute de plus hostile et de plus fermé. A ce propos, il convient ici d’ouvrir une parenthèse. Qu’est-ce, au juste. que la Côte d’Azur et quelles limites exactes peut-on lui assigner2 Si l’on veut bien remonter aux années qui ont précédé la guerre de 1914-1918 on constate que, dans l’esprit du public tout au moins, la Cête d’Azur c’était Nice, déjà reine incontestée de ce rivage, au-dels jusqu’a la frontière italienne et en decà jusqu’à Cannes. Cependant, dès cette époque. on consentait à faire une exception pour Hyères qui avait su s’attirer une riche clientèle grâce à la réputation de ses palmiers majestueux et de ses tion des courants, a engendré des côtes basses et sablonneuses, souvent bor¬ PROVENCE 113 Par la suite, il a fallu attendre quelques années encore pour que Saint. Raphael, se développant, fut admis à faire partie de la zone privilégiée; puis ce fut le tour des stations des Maures; enfin celui de l’Ouest Varois. Tant et si bien que si l’on voulait fixer le point de départ de la Côte d’Azur, selon l’opinion de la masse, au cours de ces cinquante dernières années, on le situerait successivement à Cannes. Saint-Raphaél. Hyères, Toulon et mainte¬ nant peut-être Marseille. N’existe-t-il pas cependant, en dépit de ces apparentes divergences, de test précis et fidèle qui, mettant d’accord géographes, médecins et syndicats de tourisme, permettrait une fois pour toutes de trancher cet important problème2 D’emblée, il est possible d’éliminer de la discussion certains facteurs tels que la latitude, l’exposition au Sud et la situation en bordure de la mer qui communs à toute la Provence maritime, sont incapables d’expliquer la for¬ tune particulière dont a bénéficié cette portion du litoral. Par contre, il est un autre élément sur lequel on ne saurait tron insis¬ ter : c’est la position toute spéciale de la région à l’égard des vents du Nord. Efficacement protégée par l’écran continu des montagnes riveraines, celle-ci échappe en effet le plus souvent à leurs souffles glacés et il faut le cas tout à fait exceptionnel d’un déplacement des zones de basses pressions du golfe du Lion vers les plaines de Lombardie pour que, changeant brusquement son incidence, le rédoutable mistral vienne s’abattre sur Nice et sur ses environs. Ainsi donc, la Côte d’Azur peut être détinie comne étant la partie de nos côtes méditerranéennes normalement épargnée par le mistral. C’est, en fait, à cette caractéristique climatique à premhière vue banale qu’elle doit l’essentiel d’une originalité qui se manifeste dès l’abord dans l’aspect même de la végé¬ tation. Ici notamment les essences exotiques fragiles comme l’oranger, le citronnier, le laurier-rose peuvent croitre partout en liberté, alors qu’un beu plus loin, et dès Marseille même, elles n’acceptent plus pour se développer que quelques enclos spécialement choisis et soigneusement surveillés. Mais alors oì s’opère exzctement le miracle2 En quel point du littoral s’effectue la transition entre la zone privilégiée et celle qui cese de l’êtrez C’est évidemment dans cette précision que réside toute la difficulté. Avec plusieurs auteurs cependant nous estimons qu’il y a lieu de situer cette « charnière » entre Marseille et Toulon, au niveau par exemple du petit port de Cassis que l’on apercoit blotti autour de sa calanque, au pied d’une impo¬ sante falaise. A notre avis, c’est là que débute, médicalement, la Cote d’Azur. pour ensuite se dérouler d’un seul trait jusqu’à Vintimille, juxtaposant désor¬ mais dans un étroit contact, et 250 Kilomêtres durant, la mer et la montagne. Ceci dit, revenons done au Massif des Maures auquel nous faisions allu¬ sion il y a un instant. Etranger à la Provence par les apparences, ce Massif l’est aussi par son histoire géologique comme par la nature de son sol. Avec le Massif voisin de l’Estérel, il constitue un lambeau d’un vieux continent effondré, la Tyrrhe¬ nide, dont on retrouve d’autres débris sur tout le pourtour de la Médliter¬ ranée occidentale, et particulièrement en Corse. Formé de roches très anciennes — gneiss, micaschistes et granites — il a aujourd’hui l’aspect d’une mase peu élevée et indécise, fortement nivelée par l’érosion. Au Sud, son littoral présente une remarquable alternance de promon¬ toires escarpés et de déchirures aux physionomies variées. Tantôt ce sont des « calanques » aux fonds de sable doré, aux flancs rocheux, ou les forêts descendent en pentes raides jusqu’à la mer. Tantôt, au contraire, ce sont des baies à plus larges ravons ou l’apport des alluvions torrentielles, joint à l’ac LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 14 dées de marécages. Toujours envahies l’été par de nombreuses espèces de mous¬ tiques (anophèles, phlébotomes, etc.), elles présentent encore par intermittences quelques reviviscences palustres et, tout récemment, ont vu en outre éclore. aux abords mêmes de loulon, une petite épidénuie de « Fièvre des trois jours : en tous points analogues à celle que nous avons déjà décrite dans la région de Montpellier. On conçoit que, de tout temps, un tel rivage ait fait obstacle aux commu¬ nications. Aussi celles-ci s’effectuent-elles de préférence le long de la grande dépression permienne déjà signalée, qui, creusée par le Gapeau et l’Argens contourne vers le Nord tout l’ensemble du massif primitif. Pays plantureux unissant la grandeur à la grâce, voie traditionnelle des invasions comme des échanges, ce couloir établit un lien facile entre les petites plaines de Fréjus et de Toulon, permettant même, au-dela, de gagner Marseille et Aix en sui¬ vant les cours respectifs de l’Huveaune et de l’Arc. C’est effectivement au niveau de Fréjus que les Maures cessent brusque¬ ment. A la côte rocheuse succède alors une côte basse et ensablée, vestige d’un ancien golfe comblé par les alluvions apportées par l’Argens ladis cou verte de lagunes, elle continue également à entretenir quelques reliquats de Paludisme, ordinairement ranimés par des apports étrangers. De toute façon, cette interruption du rempart montagneux est de courte durée puisque, presque aussit̂t, les hauteurs reprennent pour donner nais sance, sur les vingt Kilomêtres qui séparent Saint-Raphael du golfe de la Napoule, à un nouveau Massif aussi isolé que les Maures, d’ailleurs de même nature et de même origine, rais totalement différent par la forme et l’aspect : le Massif de l’Estérel, lei les roches granitiques et schisteuses font place à de rouges porphyres qui dressent leurs arêtes vives au-dessus de la verdure des forêts sur le fond bleu du ciel. Le pays tout entier est plus abrupt que les Maures, les crêtes en sont plus aigués et plus tourmentées, les rives plus sauvages, les gorges plus désolées. La Côte surtout est d’une incomparable beauté, la montagne descendant à pic sur la mer profonde, Partout c’est une succession ininterrompue de caps agressifs et de calanques ençaissées aux coloris éblouissants. A défaut de voie de dérivation vers l’intérieur, la route a du, de tout temps, longer ce rivage, taillée le plus souvent en plein roc au-dessus de l’abime, au traver d’une région inhospitalière récemment encore propice au brigandage mais aujourd’hui assainie grâce à l’installation d’une population stable née de l’extension du tourisme. 4 partir de Cannes commence la Biviéra. En même temns l’écran mon¬ tagneux qui borde le littoral cesse d’être formé de massifs compacts et isolés pour s’élever et devenir plus continu. Désormais, en effet, ce sont les Alpes qui interviennent et on retrouve jusqu’au contact de la mer les traits essen¬ tiels de leur structure et de leur morphologie. Le large et profond sillon du Var sépare ces Alpes « Maritimes » en deux parties bien distinctes : les Préalpes de Crasse et les Préalpes de Nice. Ce qui fait l’originalité physique des premières, c’est qu’elles sont plus anciennes que les Alpes elles-mêmes, appartenant au plissement pyrénéen dont elles ont du reste adopté la direction générale Quest-Est, parallèle à la Côte Elles rappellent, en somme, les monts de Provence, avec les mêmes silhouettes hardies des montagnes calçaires et un réseau identique de vallées, formant comme autant d’asiles de verdures peuplés d’une infinité de sources. C’est dans ces bassins verdovants que les villes — Crasse, V’ence, etc. — sont venues se loger, ordinairement sur une hauteur car le pays fut peu sur, mai toujours en retrait, dans l’espace intermédiaire compris entre les hauts pla teaux et la zone vallonnée du rivage. Nous verrons d’ailleurs plus loin l’in térêt climatique de cette position. PROVENCE 116 Le cours inférieur du Var met fin à ces paysages pour donner nais¬ sance à un monde essentiellement différent, en réalité assez étranger, lul aussi, à la Provence. On sait que cette pittoresque vallée s’ouvre au milieu d’une énorme masse de cailloux, autrefois apportée par le fleuve et dont le niveau a été progressivement élevé par de lents mouvements d’exhausse¬ ment du sol. Or, sitot cet obstacle franchi, la montagne se dresse à nouveau impressionnante cette fois, Immédiatement elle se rapproche de la Côte pour jusqu’au-delà de la frontière italienne, venir plonger directement dans la mer Désormais, ce ne sont plus les croupes aux lignes abatardies et usées des massifs anciens ou pyrénéens qui s’offrent aux regards, mais la chaine alpestre dans toute la jeunesse de ses formes et la hardiesse de ses dessins. Coupés vertiçalement par l’effondrement de la Méditerranée, ses derniers plissements dominent Nice et ses environs, élevant au-dessus de la ville les crêtes blanches du Mont Boron, du Mont Agel (1 149 m) et de la Tête de Chien, cependant qu’à quelques dizaines de Kilomêtres en arrière les Crandes Alpes appa¬ raissent déjà, avec leurs cimes de plus de 3 000 mêtres couronnées parfois de petits glaciers. Les vallées — celles du Var et de ses afluents (Estéron, Tinée, Vésubiel s’enfoncent ici en plein massif. Souvent épanouies en fertiles bassins au niveau du cours moyen des rivières, elles ne se raccordent à la zone littorale que par des gorges étroites et profondes, d’un accès extrêmement difficile réduites, en maints endroits à un mince goulet qui ne laisse place qu’au tor¬ rent. Seul, le Paillon fait exception à cette règle, la largeur de son lit et l’écartement de ses rives en avant fait de très bonne heure une excellente voie pour le commerce. Aujourd’hui encore, c’est par son intermédiaire, que s’établissent les relations entre le port de Nice et la plaine lombarde, au tra¬ vers du col de Tende malheureusement peu praticable à certains moments de l’année. Quant à la Côte, son dessin calqué sur le relief est facile à interpréter De même que les Préalpes de Grasse rappellent la Base-Provence, le litora compris entre l’Estérel et le Var est à l’image de celui qui s’étend de Mar seille à Toulon. Même encadrement de roches calcaires; mêmes caps d’une blancheur éblouissante comme le cap d’Antibes; mêmes golfes à larges ravons comme le golfe de la Napoule et le golfe luan; mêmes iles comme les iles de Lérins. Puis, à partir d’Antibes jusqu’aux abords de Nice, la Côte se colmate sous l’apport des alluvions du Var pour constituer un véritable delta. Enfin, entre Nice et la frontière italienne, la chaine alpestre venant sombrer brusquement dans la mer, l’aspect change à nouveau : aux vastes indentations du littoral succedent alors des baies restreintes, comme celle du Vieux Port de Nice, limitées par des promontoires abrupts et trapus. Plus d’iles; plue même d'écueils. Ainsi, mal disposé pour la vie maritime, ce rivage serait encore déserté par l’habitant si ses eaux vives, ses sources, ses merveilleuses Ilo raisons et son climat délicieux, nés de la, protection immédiate de la mon¬ tagne, ne l’avait tout récemment rappelé à la vie en lui offrant des res¬ sources trop longtemps négligées. C’est, en efet, une des caractéristiques essentielles de la Riviera — et d’une manière générale de toute la Côte d’Azur — que ce puisant atrait du’elle exerce sur l’homme depuis un demi-siècle environ. En quelques années les centres de villégiature et de séjour s’y sont à tel point multiplies qu’il realisent aujourd’hui, depuis Bandol jusqu’à Menton, une succesion à peu près ininterrompue de stations, toutes plus belles et plus réputées les une que, les autres. Partout ce ne sont plus que villas et hôtels, somptueux ou modestes, tantôt groupés le long des plages et tantot disperses au flanc des coteaux, au milieu des olivettes, des bois de pins et des jardins en fleurs. Nice qui, en 1860, ne comptait encore que 25 000 âmes en réunit actuellement LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 116 260 00, cependant que, dans le même temps. Cannes pasait de 5 (0 à 60 000 habitants. Mais à quoi donc peut-on attribuer un accroissement aussi massif et aussi soudain de la population côtièrez Ce que l’on peut tout de suite afirmer c’est que le fait n’est, en aucune façon, dù à un excédent des naissances sur les décès, le Midi, pays de vie facile, souffrant, aujourd’hui plus que jamais, d’une natalité très faible et en tous cas inférieure à la moyenne française. De toute évidence, le facteur déterminant réside ici dans les transfu¬ sions continuelles que procure à la région l’arrivée incessante d’éléments étrangers. Parfois ces éléments viennent des régions voisines. Ce sont, entre autres des rentiers ou des retraités désireux d’achever leur vie au soleil, des paysans de la montagne lassés de l’existence pénible à laquelle les condamnent leurs terres incultes. Mais le plus souvent il s’agit d’émigrants et, en particulier, d’Idliens. Ce sont eux, désormais qui constituent, en grande majorité, la masse beso¬ gneuse des villes ou, le jour, ils exercent les durs métiers de manœuvres, de charpentiers ou de maçons pour, le soir venu, regagner les quartiers péri phériques qu’ils ont en quelque sorte colonisés. Facilement assimilables, beau¬ coup d’entre eux finissent par se faire naturaliser. Avant guerre, dans cer¬ tains villages, leurs fils allaient même jusqu’à fournir plus de la moitié du contingent des conscrits. Léur afflux a été tel qu’en 1926, par exemple, on pouvait évaluer leur nombre à 47 000 dans le Var, 104 000 dans les Alpes¬ Maritimes et 110 000 dans les Bouches-du-Rhône, soit, pour ces deux der niers départements, plus du cinquième de la population totale. Comme, depuis lors, ces chiffres semblent s’être encore sensiblement accrus, on devine faci¬ lement les problèmes délicats que cette situation a pu poser à la veille du dernier conflit. A l’ensemble de cette population fixe, il faut par ailleurs ajouter le flot essentiellement mouvant des touristes et des malades venant périodiquement demander au pays un peu de Na douceur et de son sourire. Autrefois, on ne rencontrait guère sur la Côte que des hivernants. Mais une suite d’étés plu¬ vieux dans le reste de la France et l’exemple souvent bien orchestré de vedettes ou d’écrivains connus ont, depuis quelques années, fait refluer sur les plages méditerranéennes une foule de gens dui, naguère, eussent trouvé étrange l’idée de s’y installer à la canicule. De sorte qu’à l’ancienne clientèle d’hiver faite surtout de débilités est venue s’ajouer la chientèle d’été des baigneurs. Pour fixer l’importance de ces mouvements, nous signalerons sim plement que Nice a recu ainsi, en 1932, 180 000 hivernants et 80 000 esti¬ vants, ces bilans correspondant d’ailleurs à une année tout à fait ordinaire. Délicieuse pour tous, salutaire a certains, la Côte ne l’est pourtant pas sans quelques réserves. Ces réserves étant d’ordre essentiellement médical, il nous appartient maintenant de les examiner avec une attention plus par¬ ticulière. Vovons en premier lieu la question primordiale du climat. Nous avons vu que la Cête d’Azur pouvait se définir comme étant la portion du littoral non soumise au mistral et nous n’avons pas manqué, à cette occasion de souligner l’importance du phénomène. En réalité, si la région se trouve remarquablement à l’abri de ce souffle clacé, elle n'’échappe par contre pas à la multitude des vents locaux, nés de l’inégal échaufement de la terre et des mers et dont le morcellement même résulte du cloisonnement de la Côte en une infinité de bassins isolés. Qu’ils viennent ainsi de la Méditerranée comme le « marin » ou, au contraire, du Continent, ce sont eux qui sont responsables mosphère. Or, à ces néligences déjà coupables de l’habitant vient trop sou¬ Laaudlilse par Pitomnet et Cazban (os des 3e, biol, et md de Montpllier, 26 la vier 1951). PROVENCE 117 de ces variations brusques que l’on observe sans cesse dans la température ambiante. C’est par eux, en tout cas, que s’expliquent ces contrastes saisissants que l’on relève d’un moment à l’autre d’une même journée, d’un quartier à l’autre d’une même ville, parfois d’un trottoir à l’autre d’une même rue suivant l’exposition et le degré d’insolation. Trop volontiers séduit par le soleil et les fleurs, surtout à la saison des frimas, l’étranger n’admet souvent qu’avec peine qu’un tel climat impose des précautions, faute desquelles il risque parfois d’être plus dangereux que l’hiver parisien (Sion). Combien de congestions pulmonaires, combien surtout de poussées évolutives de Tubercu¬ lose sont dues, chaque saison, à la méconnaissance de ces faits. Et comme on comprend le sage conseil donné par les médecins à la plupart de leurs malades de fuir les bords immédiats de la mer pour chercher refuge dans l’arrière-pays — à Vence et à Grasse notamment — ou, comme nous l’avons déjà indiqué, l’atmosphère est plus calme, sans perdre pour autant sa tié¬ deur et sa luminosité. L’état actuel de la végétation — et de la faune qui en dépend — vient soulever un autre problème. On sait qu’une campagne de déboisement intem¬ pestive, associée à de déplorables incendies de forêts, a, un peu partout, amené un développement exagéré du maquis et de la broussaille. Entre autres conséuences, cette évolution a eu pour effet de favoriser la multiplication d’un certain nombre d’espèces animales éminemment nocives à l’égard de l’homme. Outre les montons, véhicules fréquenrs du Mélitocoque, il faut citer ici les serpents, les scorpions, et plus encore, tous les insectes et acariens piqueurs, hôtes habituels de la pierraille. A ce propos, il ne faut pas oublier que c’est à une tique, le Rhipicephalus sanguinous, qu’il faut attribuer la transmission d’une maladie de plus en plus répandue dans le pays, la Pièvre boutonneuse, sorte de rickettsiose éruptive de pronostic heureusement bénin¬ Plus grave, par contre, est le Kala-Azar méditerranéen, dont l’agent vecteur demeure sans doute mal défini (Phlébotome ou rhipicéphale2), mais semble comporter dans son cycle le chien qu’héberge à peu près chaque villa de la Côte (1) et qui succomhe bien souvent lui-même à la redoutable parasitoge. Enfin, nous ne saurions passer sous silence la Lèpre. Encore que cette afection ait un mode de transmission mal connu, on admet aujourd’hui qu’elle frappe électivement les steppes caillouteuses du littoral de la Méditerranée et c’est là ce qui explique probablement sa sur¬ vivance autour de Marseille et de Nice sous forme de petits foyers, sans doute peu actifs, mais à coup sur tenaces. Reste à dénoncer, pour terminer, les métuits imputables la mer. Sur ce point, il y aurait beaucoup à dire. Pour le moment, nous nous conten¬ terons d’insister sur la façon ordinairement déplorable dont est concue l’hy¬ giène dans les cités méditerranéennes, Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œeil au hasard sur l’un quelconque de ces quartiers populeux, à la fois pitoresques et sordides, qui subsistent encore de nos jours aux alentours des ports, à Nice et à Toulon notamment. Partout ce ne sont que ruelles etroites et obscures, aux parois lépreuses, encombrées de détritus de toutes sortes qui achèvent lentement de se putréfier sur le sol, empuantisant l’at (1) Iil s’agit d’ailleurs plus souvent de chiens de luxe que de chiens dressés pour la chasse, le gibier s’étant fait tres rare en Provence à la suité des destructions systéma tiques et abusives dont il a été l'’obiet. Aussi est-il, en principe, peu à craindre que l Cularémie, nouvelle venue de la pathologie française, parvienne un jour à se répandre largement sur la région, ses colporteurs habituels — les lièvres — avant été supprimés Il n’empeche que, tout récemment, un cas probable de cette maladie a été signalé dans LA PATLIOLOGE PÉGIONALE DE LA TRANCE 118 vent s’ajouter l’incurie de municipalités imprévovantes Outre que la stérili¬ sation des eaux de boisson n’est pas toujours convenablement assurée, on voit fréquemment de gros égouts collecteurs se déverser directement à la mer sans avoir subi d’épuration préalable. De là une pollution extrême du littoral. encore aggravée par l’absence de marées. Dans ces conditions, comment s’étonner de l’ampleur autrefois prise par les grandes pandémies — Typhus. Choléra. Peste, etc. —, cette dernière d’ailleurs favorisée par la pullulation des rats. Si ceux-ci ont fait depuis lors l’objet de mesures de destructions énergiques, en particulier dans les ports, on observe de temps à autre encore des cas d’infections colportées par des rongeurs : Spirochétoses. Sodokut et TYphus murin, surtout localisées, semble-t-il, autour de Toulon. Par ailleurs. l’eau de mer est également responsable par elle-même d’une quantité d’Otites. de Pyodermites ou de Colibacilloses diverses contractées notamment au cours de baignades. Mais tous ces accidents sont en réalité peu de chose en regard de la Typhoide qui, elle, exerce parmi la population de véritables ravages. Ce ne sont pas tellement les bains en eau polluée qu’il faut alors incriminer mais la souillure des puits et, plus encore, la consommation très abondante de coquillages. Ceux-ci sont très souvent recueillis par des pécheurs improvisés aux entoouchures des égouts transformées en immondes vasières. Par surcroit. ils sont habituellement arrosés avec l’eau infecte des ports avant d’être livrés sur les quais aux acheteurs. On devine aisément les résultats d’aussi funestes pratiques. Aujourd’hui encore — en dépit d’une certaine régression récente — la Fièvre typhoide constitue, dafis bien des villes du midi le fléau le plus répandu, « l’ennenti public n° 1 », occasionnant chaque année parmi les habitants une morbidité, voire même une mortalité considérables. Ainsi, si bien des gens arrivent sur la Côte d’Azur avec l’espoir de guérin d’une maladie ou, au minimum, de réparer leurs forces, il en est malheureuse¬ ment un certain nombre qui paient cher le vovage qu’ils ont entrepris à cette fin. Nous n’en, voulons pour preuve, entre beaucoup d’autres, que ces cas si fréquents de « Tuberculose des plages » liés à une insolation inconsidérée et cette Typhoide dite des « jeuncs mariés » qui frappe les nouveaux venus ignorant tout du danger qui les guette et qui, par ailleurs, sont insuffisamment prémunis contre l’affection. C. — LA MONTACME PROVENCALE. La Provence intérieure, montagneuse et aride, est très différente d’aspect de la zone côtière que nous venons d’étudier. D’ailleurs, comme nous l’avons vu, son accès est difficile ainsi qu’en témoigne notamment la rareté des voies transversales greffées sur l’artère principale allant de Marseille à Nice. Topographiquement, sa structure peut être schématisée comme suit : 4u Centre, un riche bassin (fait unique dans le pays), celui de la Durance moyenne, flanqué de l’énorme amas de cailloutis du plateau de Valensole. édifié grâce aux apports de la Bléone et du Verdon; Tout autour, un vaste cirque de montagnes constitué — d’une part par les hauteurs calcaires de la chaine provencale formée de plissements du typ pyrénéen disposes en échelons (Diois, Baronnies, Ventoux. Léberon, Plans dé Provence, chainons de Basse-Provence). — d’autre part, par les cimes élancées de la chaine préalpine (Alpes de Gapençais et de Haute-Provence Alpes-Maritimes) à direction sensiblement perpendiculaire. Si l’ensemble de ce système parait indépendant de la Côte, il tranche par ailleurs considérablement sur les Alpes de Savoie et du Dauphiné dont la physionomie, nous le verrons, est toute autre. Désormais, en effet, plus de sommets enneigés, plus de gras pece 8eg ra 6 16 PROYENCE majestueuses forêts; dans les vallées, plus d’élégantes rivières constamment alimentées par l’abondance des pluies. Par contre, partout, des montagnes sèches et arides, véritables sierras décharnées par l’ardeur du soleil, la fureur des averses et la démence des torrents. En somme, un paysage presque lunaire qui, certes, à sa beauté, mais malheureusement la « beauté des ruines, sur une terre qui se meurt ». Dans de telles conditions, le pays ne peut guère comporter que de maigres ressources. A peine, de-ci de-là, quelques champs de blé égarés au milieu des espaces incultes envahis par le thym, la lavande et le romarin si chers aux parfumeurs de Grasse et de Marseille. Aussi, par la force même des choses, l’honme a-t-il du se consacrer a l’élevage et tout spécialement a l’élevage du mouton, seul animal capable de s’adapter à ces terres ingrates. En 1936, le département des Hautes-Alpes entretenait ainsi 160 000 ovins tan¬ dis que celui des Basses-Alpes en nourrissait jusqu’à 300 000. Or, à ce cheptel indigène déjà important, il convient d’ajouter le contingent massif des transhumants fuvant chaque été les steppes brûlées de la Camargue et de la Crau pour venir savourer la fraicheur des montagnes. Si beaucoup de ces troupeaux ambulants ne font en réalité que traverser la région avant de gagner les riches paçages du Vercors et du Dévoluy, un certain nombre cependant s’y fixe pour la saison, choisissant de préférence les secteurs les moins déshé¬ rités. Il est vrai que, de nos jours, le mouvement a beaucoup perdu de son ampleur et de son pittoresque. Il se trouve en effet géné par la réduction des « communaux » et de la vaine pâture, le caractère intensif de l’élevage. l’agrandissement du vignoble aux dépens des guérets (Sion). De plus, nombre de propriétaires préféraient, il. y a quelques années, au lent cheminement sur route dans le soleil et la poussière le transport par chemin de fer à la fois plus rapide et plus commode. Faut-il en conclure que la transhumance est prochainement appelée à disparaitre2 En réalité, rien n’est moins prouvé. C’est qu’il faut compter tout d’abord avec les relèvements successifs des tarifs ferroviaires. En outre, les diverses tentatives effectuées en vue de remplacer les lointains alpages par des prairies artificielles aménagées dans la plaine viennent toutes d’aboutir à de couteux échecs. Enfin, le vovage en vagons présente pour le bétail des dangers certains dus, à l’alle, aux changements brusques d’altitude sans transition aucune, au retour, aux chocs violents sur¬ venant lors des arrêts, avec leurs conséquences funestes pour les brebis sur le point de metre bas. Tout porte à croire, dès lors, que l’antique coutume parviendra à se maintenir aussi longtemps que dureront, les causes qui lu ont donné le jour. Malheureusement, à ce maintien, l’hygiéniste n’a rigou¬ reusement rien à gagner. Si, économiquement, la tradition de la transhu¬ mance s’avère encore très défendable, si même, comme le fait observer Sion. elle s’adapte merveilleusement aux besoins de l’élevage méditerranéen, il faut bien reconnaitre, par contre, que du point de vue médical elle est désastreuse. ne serait-ce que par les facilités qu’elle ofre au développement et 3 l’ex fension des fiètres brucelliennes. Pour le moment, nous nous bornerons : rappeler ces faits, nous réservant pour plus tard de leur consacrer un chapitre epécial, en rapport avec l’importance épidémiologique qu’ils présentent. Ces bergers que nous venons d’évoquer escortant leurs troupeaux le long des « drailles » poudreux ne sont videmment pas les seuls elements de pénétra tion humaine de la Côte vers l’intérieur. Il faut aussi tenir compte notam¬ ment des quelques touristes fréquentant les villes d’euu ou les stations de 2ports d’hiter de la région. A vrai dire, leur nombre est restreint, le pays étant loin d’ofrir dans ce double domaine les mêmes possibilités que les A1pes du Nord. Si l’on met, à part Aix-en-Provence dont les eaux bicarbo¬ nâtées chaudes atirent encore une abondante clientèle, mais qui se trouve dejà eitue dans la plaine, on ne rencontre guère dans la montagne que d’in¬ sigmnifiantes sources telles, par exemple, celle de Créoux dans les Bases-Alpes. " LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Quant aux sports d’hiver, s’ils se pratiquent depuis peu dans les vallées de la Vésubie et de la Tinée, ainsi que sur le cours du Var, là encore la concur¬ rence de la Savoie et du Dauphiné se fait cruellement sentir, empéchant des centres comme Auron. Peira-Caua. Beuil. Entraunes, etc, de prendre l’essor que pourrait leur assurer le voisinage de Nice et de Cannes. D’une manière générale, d’ailleurs, il faut bien reconnaitre que les Alpes provencales ne sont ni assez fraiches pour attirer l’estivant, ni assez scabreuses pour tenter l’alpi¬ niste, amateur de dangereuses performances (de là sans doute la rareté relative des accidents de sii). Le vovageur les traverse d’habitude rapidement, pressé qu’il est d’arriver à la Méditerranée ou aux cimes prestigieuses des Grandes¬ Alpes malgré les hauteurs déjà appréciables qu’il cotoie au passage. — A ce propos, il ne faut pas oublier que c’est dans le département des Hautes¬ Alpes que se trouve le village le plus élevé de France. Saint-Véran, audacieu¬ sement perché à l’altitude difficilement supportable de 2 040 mêtres. Néanmoins, pour très limitées qu’elles soient restées, les diverses migra¬ tions auxquelles nous venons de faire allusion ont eu à certains égards de graves conséquences. Elles ont, en particulier, favorisé la propagation vers l’arrière-pays de quelques-uns des germes accumulés sur la Côte. Qutre qu’elles ont convové la Mélitococcie, elles ont permis la pénétration de la Typhoide dans les vallées où les cas sont aujourd’hui fréquents par suite de la souillure des puits. Par contre, la Fièvre boutonneuse, le Kala-Azar, la Lèpre, le Typhus murin, d’adaptation plus strictement méditerranéenne, semblent avoir jusqu’à présent résisté à ces appels, pour demeurer, sauf exception, cantonnés aux. seuls alentours du rivage. Mais ce n’ést pas seulement dans le domaine de la pathologie que ces déplacements se sont avérés néfastes. De toute évidence ils ont peu à peu contribué à répandre dans les campagnes la connaissance et l’attrait de la plaine. Depuis un demi-siècle environ, les montagnards quittent de plus en plus volontiers leurs villages, alléchés par la vie ardente, brillante et facile. de la Côte Ainsi, le département des Hautes-Alpes a perdu le tiers et celui des Basses-Alpes près de la moitié de sa population, cependant que des cités comme Gap. Digne et Draguignan se confinent chaque jour davantage dans l’existence étriquée et anémiante des petites villes administratives. En revanche Menton, Nice. Cannès, Monte-Carlo, etc, se gonflent de tous ces « déserteurs de la terre », et plus qu’elles encore Marseille, dont la physionomie si par¬ ticulière mérite maintenant qu’on s’y arrête. D. — L’ACCLOMÉRATION MARSEILLAISE. Marseille — comme ce qui vient d’être dit le laissait prévoir — ne doit pas sa fortune à l’arrière-pays qui la dessert. Si elle possède dans son voi¬ sinage immédiat quelques bonnes terres comme celles qui tapissent les vallées de l’Huveaune et de l’Arc, celles-ci ne sauraient néanmoins prétendre à assu¬ rer sa subsistance. Encore moins sont-elles capables d’alimenter le trafic d’un grand port. Au reste, les intérêts de la florissante cité se sont vite dissociés de ceux des campagnes environnantes. Marseille est une Cosmopolis méditer¬ ranéenne avant d’être une Capitule provencale. Souvent on attribue la réussite de la ville à la position avantageuse qu’elle occupe au débouché du couloir rhodanien, assez près du fleuve pour pouvoir utiliser son cours, assez loin pour ne pas être menacée par les boues du delta. En réalité cette opinion ne contient qu’une part de vérité Si la vallée du Rhône constitue une excellente voie d’accès vers l’Europe septentrionale. le fleuve par lui-même est trop sujet à variations pour rendre de réels ser¬ vices à la navigation. Aussi est-ce vers la mer et non vers le fleuve que le port d, de tous tfemps, tourné son activité. PROMENCE 12) Pendant des siècles l’étroite calanque du Vieux-Port a largement suffi assurer un trafic maritime à peu près exclusivement orienté vers le Proche-Orient. L’emplacement était d’ailleurs remarquablement choisi, se trouvant à la fois protégé contre le mistral par une ceinture de collines. contre les houles du large par un chapelet de petites iles et contre les flottes des corsaires par le resserrement du goulet. Mais, à partir de 1850, les échanges ne cessant de s’accroître du fait du creusement du Canal de Suez et de la conquête par la France d’un vaste empire colonjal, les anciens quais du Lacydon ont cessé de plus en plus de correspondre aux besoins nolveaux : de là leur prolongement étendu en direction du Nord-Quest et l’aménagement des flancs de la loliette jusqu’aux abords de l’éperon escarpé de l’Estaque. Depuis quelques années, le percement sous ce rocher du tunnel du Rove par¬ couru par un canal a fait de l’étang de Berre une véritable annexe des bas¬ sins récemment construits, annexe couvrant plus de 6 000 hectares et possé¬ dant sur la mer un débouché propre au niveau du chenal de Martigues. A peu près simultanément d’importants travaux ont été entrepris, tendant à compléter la modernisation du port, en facilitant notamment l’accession vers les docks des plus gros transporteurs. Le succès à constamment répondu à tous ces efforts, Tanr et si bien qu’avant guerre le montant, des importations se chiffrait annuellement à près de 7 millions de tonnes consistant essentiellement en matières premières : houille et pétrole, denrées exotiques, graines oléagineuses, textiles, minerais de toutes sortes. Les principaux fournisseurs étaient alors — et sont toujours demeurés — les pays du pourtour méditerranéen, l’Afrique, l’Extrème-Orient et l’Amérique du Sud, qvec toutefois une priorité très marquée pour t’en¬ semble de nos territoires d’Outre-Mer. Parmi les marchandises ainsi imporiées, une partie seule — le tiers envi¬ ron — se trouve directement acheminée sur Paris ou sur l’intérieur, Tout le reste est utilisé sur place. C’est que, port d’entrepot, Marseille s’est vue bien¬ tôt obligée, sous peine d’une asphwxie rapide, de s’adioindre une activité industrielte à l’échelle des progrès modernes. On peut dire qu’ici également la plupart de ses initiatives ont pleinement réussi, Pourtant rien, à priori, ne sem¬ blait la prédisposer à ce rôle nouveau, étant donné notamment l’absence dans ses alentours de bassins miniers importants, comparables par exemple à ceux de la Lorraine ou des Flandres et capables d’alimenter en combustible et en minerai des usines de transformation,. Pour faire face à ces difficultés, la laborieuse Cité a su tout d’abord tirer partie au maximum des quelques res¬ sources que lui offrait cependant le sous-sol provencal, ressources localisées précisément à sa périphérie et parmi lesquelles nous mentionnerons avant tout la lignite du bassin de fuveau près d’Aix (l million de tonnes par an). ta bauxire du hassin de Brignoles dans le Var (500 000 tonnes, soit les quatre cinquièmes de la production française), les argiles réfractaires de Bollène dans le Vaucluse et le cimenr de la rive Nord de l’étang de Berre Quant à l’excédent nécessaire, il lui a été facile de l’obtenir de l’extérieur, soit par voie ferrée, soit par bateau : charhon d’Alès ou charbon anglais, pépites d’Espagne, zinc d’Indochine, etc. Ainsi ont pu prendre naissance dans ses bas-quartiers et surtout dans ses banlieues une multitude d’industries diverses rapidement florissantes — huileries, savonneries, fabriques de produits chi¬ miques, sucreries raffineries de pétrole, briqueteries, etc. — toutes dérivées diréctement des importations et donnant matière à des exportations fort lucra¬ tives sous un volume et un poids relativement réduits (3 millions de tonnes approximativement). Cette prospérité économique a donné à la ville un essor considérable. sensible surtout depuis la fin du siècle dernier. Ainsi, sa population est passée de 300 000 habitants en 1872 à 600 000 en 1921 et à 900 000 en 1936. On sait d’ailleurs à quel point cette population est extraordinairement mêlée, com¬ 1%% LA PATLIOLOGIE RéGIONALE DE LA PRANCE prenant, outre l’autochtone facilement reconnaissable et le « gavrot » descendu de la montagne voisine, un contingent de près de 300 000 étrangers de toutes provenances — Italiens, Espagnols, Arabes. Levantins, etc. — rassemblés sur¬ tout autour du port et dans les agglomérations ouvrières qui se multiplient un peu partout à sa périphérie, au Sud vers Mazargues, à l’Est le long des vallées de l’Huveaune et du larret, au Nord derrière la Joliette (Saint-Charles. la Belle-de-Mai, le Canet, etc.) et jusque sur les bords de l’étang de Berre. En plus de ces résidents en quelque sorte fixes, il faut en outre compter avec la foule des hôtes de passage sans cesse déversés des quatre coins du monde et ensuite repris par le train, le bateau ou l’avion. En 1936 il y aurait eu ainsi 372 00 vovageurs débarqués sur les quais du port contre 313 000 partants En 1932, à l’aérodrome de Marignane, 4 400 apbareils auraient aterri, dépo sant près de 10 000 personnes. De là ces rues toujours grouillantes, pittoresques. enfiévrées, ou, à chaque carrefour, se coudoient les spécimens les plus dis¬ parates de l’humanité. Et de là aussi, cette impression de vie, à la fois vul¬ gaire et puisante, qui se dégage de cette Metropolis populaire, installée dans un des sites les plus attravants de la Méditerranée. Les conséquences médicales d’une telle situation et d’une telle évolution nous seront faciles à dégager. Ville provencale. Marseille l’est de toute évidence par son humeur et par son aspect. Elle l’est également par certains traits de sa pathologie la Fièvre typhoide sévit avec intensité sur son port, la Fièvre boutonneuse et le Kala-Azar ont créé sur son pourtour de dangereux foyers d’endémie. le Paludisme camarguais et la Lèpre flitorale se traitent dans ses hôpitaux. Mais la ville est, internationale bien avant d’être chet-lieu de province. La grande majorité de ses échanges se fait avec Paris et l’étranger. De leur côté, les campagnes voisines, adonnées surtout aux cultures de luxe, se tournent de préférence vers la grande capitale qui recoit ainsi directement, outre les parfums de Grasse, les primeurs et les vins du Vaucluse. Si ce divorce d’une part et la tendance des vallées à l’oligoculture d’autre part n’ont, en période de stabilité, aucun inconvénient essentiel, il est loin d’en être de même au cours des périodes de crise comme celle que nous avons traversée lors de la dernière guerre. La Provence, faute d’une économie prévovante instaurée des le temps de paix, ne peut plus alors subvenir aux besoins de ses dévorantes cités, et c’est la disette qui s’installe comme au cours des années 1941-1946. Ville industrielle par ailleurs, l’agglomération marseillaise devair fatale¬ ment voir éclore, dans tous les centres industriels et miniers établis à sa péri¬ phérie, les affections respiratoires, oculaires et cutanées spéciales aux ouvrier manipulant en permanence des produits toxiques ou irritants. Evidemment ici, nous avons beaucoup plus à faire à des maladies professionnelles qu’à des affections proprement régionales, mais si l’on considére qu’en 1922 i existait déjà dans la banlieue phocéenne près de 40 000 travailleurs utilisés dans les usines chimiques et métallurgiques, on devinera aisément avec quelle fréquence de tels processus ont à tout instant des chances d’être rencontrés par les médecins-praticiens exercant dans la région. Crand port enfin, c’est par là surtout que la ville se singularise, Placée au point d’aboutissement d’un abondant réseau de lignes intercontinentales. elle se trouve de ce fait exposée aux agressions microbiennes les plus diverses. fomentées notamment par les gros foyers endémio-épidémiques de la zone inter¬ tropicale. Voici un tableau qui, mieux que de longs commentaires, permettra d’apprécier la menace qui plane ainsi sur elle, menace d’ailleurs aggravée par le développement récemment pris par les transports aériens rapides, à tout instant susceptibles de véhiculer des sujets en incubation d’affections qui ne lèveront le masque que plus tard, une fois les contacts établis avec la population. PROVENCE 123 LES RELATIONS DE MARSEILLE AVEC LES PRINCTPAUX TOYERS ENDEMO-EPIDEMIQUES MONDIAUX Contre de pareils dangers il existe fort heureusement des moyens de défense. Les uns, naturels et liés au climat, éliminent d’emblée certaines mala¬ dies inadaptables à nos contrées, telles que la Trypanosomiase et la Fièvre jaune. Quant aux autres, œuvre de l’homme, ils résultent de l’action éner¬ gique que mènent concurremment les Pouvoirs publics et les Services sani¬ taires. C’est grâce à cette action conjuguée que l’on n’observe plus guère de nos jours ces effrovables pandémies de Peste, de Choléra, de Variole ou de Typhus qui, autretfis, ravageaient périodiquemnent nos côtes provencales. S’il beut arriver de temps à autre qu une fissure se produise dans le barrage oppose 124 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE à leur pénétration, celle-ci est bien vite colmatée et n’ahoutit qu’à l’appari¬ tion de quelques cas sporadiques aussitôt circonscrits. De toute façon, il n’y a là rien qui soit comparable à ce qui se passe encore dans la plupart des pays orientaux où la seule année 1948 a vu naitre, outre l’épidémie de Variole du Siam et du Liban, une redoutable épidémie de Choléra en Egypte, en Svrie et aux Indes françaises. Ainsi se confirme pleinement l’efficacité des mesures de prophylaxie prises par nos hygiénistes, mesures dont les résultats sont d’avoir réduit un simple échanfillonnage d’affections tropicales ou subtropicales la patho¬ togie d’emprunt du littoral marseillais dont le champ eût pu être si vaste. Or, c’est là une chance énorme, non seulement pour notre port, mais aussi pour le pays tout entier : il ne faut pas oublier, en effet, que la vallée du Rhône est là toute proche, ouverte sur le cœeur même de la France et tou¬ jours prête à assurer une large dissémination aux germes microbiens vent de l’extérieur. Telle est notre Provence, nettement distincte dans sa forte originalité à la fois géographique économique et humaine des provincee limitrophes de la Savoie et du Dauphiné et même de ce Bas-Languedoc pourtant, à bien des égards, si voisin d’elle. Englobant les cina départements du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, du Var, des Basses-Alpes et des Alpes-Maritimes avec, en plus, le Sud de la Drôme et la majeure partie des Hautes-Alpes, elle a réussi jusqu’à ce jour à leur conserver, en dépit de la diversité de leur nature et de leurs aspects, une individualité propre qui se retrouve jusque dans le domaine de la pathologie, directement inspirée du contact méditerranéen C’est à cette pathologie, que nous allons consacrer l’étude qui va suivre, en essavant surtout de dégager les traits essentiels qui contribuent à lui maintenir une autonomie certaine. BIBLIOCRAPHIE ARROS (Ph.). La vie pastorale dans les Alpes françaises. Thèse géographie, 1922. BÉNÉVENT (G.). Le régime des vents en Provence. Rey, géogr, alpine. XI, 1923, p. 241-260. BÉNEVENT (G.). Le Midi méditerranéen, Presses univers, de France, Paris, 1946. BLANCHARD (R.). Les ĉtes de Provence. La Géographie, XXIV, 1911, p. 201-224. DEMANGTOX (A) et FRANCOIS (L.). La région méditerranéenne, Hachette, édit. DENIZET (F.). La Camargue, Imprim, nouvelle. Marseille, 1931. FOXCIN (P.). Les Maures et l’Estérel, A Colin ait t91o GEOHGE (P.). La région du Bas-Rhône, Thèse de géographie, 1935,. Baillière édit. GRANGER (E). La France. Coll. A. Favard (« La géographie pour tous »). Colin édit, 1947. LECARET (G.). La Côte d’Azur. Coll. « Encyelopédie par l’image ». Hachette, 1939. MARTONNE (E. de). Les régions géographiques de la France, Paris, 4° Colin, 1927. BANBERT (A.). Marseille, la formation d’une grande Cité. Thèse géographique, 1934. SION (J.). Le climat de la Côte d’Azur. Montpellier méd. XLIX, 1927, p. 163-174. SION (J.). La France méditerranéenne. Coll. A. Colin, 1941. VIOLLE (H.) et PIERI (J.) Les maladies méditerranéennes. Vigot edit., Paris, 1939 PROVENCE 126 1. — LA FINVRE ONDULANTE En étudiant la pathologie languedocienne, nous avons insisté sur ce fait que la Mélitococcie constitue dans cette région une des affections les plus fréquentes et les plus redoutées. Nous avons en même temps essavé de déterminer les causes de cette pré¬ dominance locale particulière. Nous avons, à ce propos, évoqué en premier lieu la position géogra¬ phique spéciale de cette zone littorale située à proximité de carrefours impor¬ tants et, par suite, singulièrement exposée à toutes les influences méditer¬ ranéennes, bonnes et mauvaises. Et, à cette occasion, nous n’avons pas man¬ qué de rappeler l’origine maltaise de la maladie. Nous avons ensuite fait la part d’un autre facteur essentiel, à savoir l’abondance et la qualité même du cheptet méridional qui, à base d’ovins et de caprins, devait immédiatement offrir au développement du Mélitocoque les hôtes de transmission les plus électifs. Or, il se trouve qu’en Pronence les mêmes conditions naturelles étant réunies, on a pu assister dès le début au déroulement des mêmes effets. De nos jours, c’est par centaines et peut-être par milliers que se chiffrent annuel¬ lement les cas de Mélitococcie dans l’ensemble des six départements qui cons¬ tituent cette province. Dans l’exposé qui va suivre, nous allons avoir surtout en vue les diffé¬ rents aspects régionaux présentés par les Brucelloses, laissant délibérément de côté toutes les questions d’épidémiologie générale que leur étude soulève et qui, d’ailleurs, ont déjà été abordées dans le chapitre consacré au Bas¬ Languedoc. A. — C’EST DES LE DÉRUT DE CE SIECLE QUE LA FINVRE ONDULANTE SEMRLE S’ETRE INSTALLEE EN PROVENCE. Il est classique de faire remonter l’apparition de la Fièvre ondulante en France à l’année 1908, date de la célèbre épidémie de Saint-Martial dans le Gard, laquelle causa plus de 200 atteintes et fut remarquablement identifiée et décrite par Cantaloube, un praticien du pays. En réalité, il semble bien que quelques années auparavant, en 1903, l’af¬ fection nouvelle s’étair déjà manifestée à Cannes, mais sa véritable nature n’avait pu alors être reconnue. De même, on relève dans la thèse de Crimaud les résultats d’une enquête fort intéressante d’un Médecin-Inspecteur d’Hygiène, le Docteur Igonet, d’oì il ressort que la Fièvre de Malte existait dans le Vaucluse dès 1905, cette année avant été marquée par l’éclosion d’un petit foyer dans le canton d’Isle sur-Sorgue. De ces quelques faits on peut conclure que la Mélitococcie s’est très vrai¬ semblablement installée dans notre Midi au cours des toutes premières années du siècle. Son introduction dans le pays parait d’ailleurs consécutive à l’arri¬ vée dans les ports d’animaux contaminés de provenance maltaise. De là le mal à aussitôt fusé vers l’intérieur, gagnant probablement de manière à peu près simultanée le Languedoc et la Provene 123 LA PATLIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE LES VOLES PRINCIPALES DELA 28 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE B. — DEPUIS SON APPARITION EN PROVENCE. LA MALADIE N’A CESSÉ DE SE PROPACER, PROCRESSANT RAPIDEMENT VERS LE NORD. De nombreux temoignages nous apportent la preuve de ceute marche rapidement extensive de la Mélitococcie à partir de son point de départ méditerranéen. En reprenant le travail de Crimaud déjà évoqué, on s’apercoit en effet qu’après avoir complètement envahi les Bouches-du-Rhône et plus spéciale¬ ment sa partie septentrionale accidentée, l’affection a progressé vers le Vau¬ cluse où elle avait déjà jeté au hasard quelques-uns de ses premiers jalons. Après avoir été signalée entre les années 1905 et 1925 en différents points du département, et notamment dans les régions de Saumane. Bédarrides. Cavaillon et Caseneuve, ainsi qu’à Malaucène et Orange, on la trouve en 1930 solidement établie sur les positions suivantes : a) les monts du Lubéron, les monts de Vaucluse et le mont Ventoux. c’est-à-dire les premiers contreforts alpestres de l’Est du dépar¬ tement; L) la illis, u 1) Dagce mmoos ins cue de or aluen le Conlon. avec les localités de Puget. Lauris. Cadenet. Villelaure et Pertuis d’une part, de Caseneuve, Saint-Martin, Villars et Gargas de l’autre. Pendant la même période, dans le Var les Rasses- Alpes et les Alpes¬ Maritimes, la Mélitococcie est observée, d’un côté à l’Ouest de Draguignan. de l’autre dans les arrondissements de Grasse (Saint-Vallier. Saint-Auban. Saint-Cézaire et Créolières), de Puget-Théniers (Daluis), ainsi qu’à Saint-Lau¬ rent-du-Var et à Nice même. Toujours en 1930, elle s’est définitivement ins¬ tallée dans le doulle secteur ci-après : a) sur tout le cours du Var (Ranque et Senez) : b) dans toute la vallée de l’Argens et plus spécialement dans la zone limitée par Aups au Nord. Brignols au Sud, les Arcs à l’Est et Saint¬ Maximin à l’Ouest (Rozies, Pelloux). Mais à partir de 1930 la situation se modifie notablement, et ceci pour deux raisons essentielles : Tout d’abord la, maladie, continuant sa pousée vers le Nord, éloigne de plus en plus son centre de gravité de la côte, cependant qu’elle lance des pointes hardies, non seulement vers les départements voisins (Drôme, Isère. Hautes-Alpes), mais encore à distance et notamment vers la Franche-Comté. Ensuite et surtout elle devient tellement fréquente en Provence que les cas se localisent un peu partout, empéchant désormais de leur assigner une distribution topographique précise. Ainsi, à dater de cette époque, de méditerranéenne la Mélitococcie est devenue continentale, perdant par ailleurs peu à peu sa tendance ancienne à évoluer par foyers circonscrits C. — CAUSES DE CETTE EVOLUTION DANS L’ESPACE: LA TRANS. HUMANCE ET LES MARCHÉS. lusqu’aux abords de 1930, avons-nous dit, la Fièvre ondulante reste rela¬ tivement rare en Proyence et sa distribution se superpose sensiblement aux vallées de la Durance, de l’Argens et du Var ainsi qu’aux hauteurs avoisinantes. Sans doute n’y a-t-il pas lieu d’évoquer lel ues facteurs d Ordres hydrogéolo¬ Dauphiné. PROVENCE 181 gique ou climatique, les causes économiques apparaissant comme autrement importantes. Depuis les temps les plus reculés de l’histoire, les voies natu¬ relles précitées ont été en effet les zones normales de passage reliant la dépres¬ sion du Rhône et le littoral aux pâturages alpestres. Ce furent en particulier les chemins qu’empruntaient les bergers de la plupart des départements du Midi pour mener paitre leurs troupeaux dans les régions moins arides et moins desséchées, de l’intérieur. Ces pistes traditionnelles de la transhumance. ce sont surtout les géographes qui nous en ont donné la description et, à leur suite, on peut schématiquement leur fixer les tracés principaux suivants : DANS LES ALPES-MARTTIMES : Grasse - Vence et Saint-Martin-du-Var. Ensuite, suivant l’alpage choisi, les vallées de la Vésubie, de la Tinée ou du Var. DANS LE VAR a) Pour les troupeauz de la région du golte de Saint-Tropez : Sainte-Maxime: Le Muy: La Motte: Bargemon: Broyss et Logis du Pin à destination des Basses-Alpes. ou : La Motte : Favence - Mons à destination des Alpes-Maritimes. b) Pour les troupequx de la récion d’Hyvères Toulon : Cuers : Lorgues : Draguignan : Bargemon - Brovès : Logis du-Pin à destination des Basses-Alpes. ou : Cuers:. Les Arcs : La Motte : Bargemon : Brovès:. Logis-du¬ Pin, puis comme précédemment, à moins d’une bifurcation par Favence et Mons vers les Alpes-Maritimes. DANS LES BOUCHES-DU-RHONE : a) Pour les troupeaux venant du Sud du département et de la région de Bricuoles : Saint-Zacharie- Tourves: Bariols- Aups ou : Brignoles - Cotignac : Sillans-la-Cascade - Aups et de la : Vérignon et Comps, avec ensuite bifurcation. soit sur Jabron - Pont-de-Soleil et les Basses-Alpes: soit vers Logis-du-Pin vers les Basses-Alpes ou les Alpes-Maritimes. soit vers Saint-Auban - Briançonnet : Puget - Theniers et Cuillaumes. b) Pour les troupeaux venant du Nord du département et du Nord-Quest du Var: (Aix - Vauvenargues) : Rians : La Verdière : Montmevan et le même itinéraire que ci-dessus; Arles- Salon - Lambesc. Pevrolles- Manosque. ou : Tarascon - Saint-Rémy : Orgon - Puget : Cadenet - Pertuis; et ensuite la haute vallée de la Durance par Sisteron et Serres. Si l’on confronte maintenant la carte de ces mouvements périodiques des troupeaux avec celle des premiers cas méridionaux de Mélitococcie, on ne peut qu’être frappé de leur fréquente coincidence, surtout si l’on tient compte de ce fait qu’à côté des voies principales de migrations que nous venons d’énumérer, il existe beaucoup de voies secondaires que nous n’avons pu citer. Ainsi donc, la coutume de la transhumance apparait comme avant dominé pendant longtemps tout le problème de la répartition géographique de Caffection. C’est elle également qui doit être tenue pour responsable des pre¬ Nieres incurions, du mal dans les départenents voisins de la Sevoie et 39 tion en quelque sorte aggravée. 130 LA PATHIOLOGIE BEGIONALE DE LA TRANCE Mais alors, comment s’expliquer les modifications survenues dans la situa¬ tion à partir de 1930 où l’on a vu le processus s’étendre en quelque sorte en nappe en dehors de ses foyers originels et parfois même se concentrer électivement dans des régions auparavant respectées, telles que le Nord du Vaucluse? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord faire intervenir un premier facteur, à savoir une régression momentanée de la transhumance en Proyence déjà sensible dès 1926. Alors que jusqu’à cette date on vovait deux fois l’an d’abondants troupeaux sillonner les valées, progressant par étapes et s’arrétant le soir dans les villages qu’ils contaminaient de leurs germes, on a assisté à partir de ce moment non seulement à la diminution. mais encore à la réglementation de ces mouvements, contrairement à ce qui se passait encore dans d’autres contrées et notamment dans l’Isère. Ainsi, les foyers d’endémuie mélitococcique se sont fatalement raréfiés le long de certaines pistes quelque peu délaissées. La « mise en veilleuse » de cette fâcheuse coutume de la transhumance eut été en soi fort heureuse si l’évolution des relations économiques interré¬ gionales qui la motivait n’avait eu pour effet d’imposer d’autres habitudes pour le moins aussi funestes. Désormais, le transport du hétail vers les her¬ bages s’est effectué couramment soit par camions sur route, soit par poie ferrée. Or, de tels vovages, auxquels certains exploitants demeurent fidèles. durent en moyenne de 3 à 4 jours pendant lesquels les bêtes, dangereuse¬ ment cahotées, mal nourries et mal abreuvées, se trouvent entassées dans des vagons qui ne recoivent ensuite aucune désinfection sérieuse. Il en résulte pour les animaux, uné multiplication des contacts en même temps qu’un accrois¬ sement notable des risques de contagion. Mais il y a plus. Les risques auxquels nous venons de faire allusion se sont trouvés encore accrus du fait de l’extension prise par les marchés locaux. en particulier dans les régions agricoles. On peut dire qu’avant la guerre de 1930 ces marchés contribuaient largement à la dissémination de l’affection. Presque tous les médecins consultés sont d’accord, en effet, pour reconnaitre que les paysans ont pris l’habitude d’acheter sur les champs de foire des brebis prêtés à mettre bas sans vérifier le plus souvent leur origine. Or, ce hétail provient presque'toujours de troupeaux contaminés, victimes de l’avor¬ tement épizootique, ce qui n’entraine nullement l’arrêt des échanges. Dès lors, on comprend aisément les deux grandes caractéristiques actuelles de l’endémie provencale qui sont, d’une part son extrême diffusion, et d’autre part sa tendance continue a se déplacer vers les centres d’élevage du Nord. En fin de compte, on peut dire que le retour récent à l’antique transhu¬ mance s’est effectué dans des conditions nouvelles et au milieu d’une situa¬ D. — LA ERÉQUENCE DE LA MALADIE. EM ACCROISSEMENT CONTINUEL, FALT DU FOYER PROVENCAL L’UN DES PLUS IMPORTANTS DE FRANCE. A propos du Languedoc, nous avons précédemment eu l’occasion de signa¬ ler la fréquence de la Fièvre ondulante dans tout notre Midi où l’affection se présente de nos jours sous l’aspect d’une endémie grave et étendue. Cette notion de fréquence découle d’ailleurs, comme nous l’avons vu. de l’observation courante des faits beaucoup plus que des Statistiques offi¬ cielles, lesquelles n’ont fourni pendant longtemps que des chiffres absolument dérisoires, sans aucun rapport avec la réalité. La cause de cette insuffisance. la courbe atteint 222 cass l’année 1929 marque un maximum avec près de PROVENCE 131 de documentation des Services Publics est, du reste, bien connue : elle est liée à une certaine carence du Corps médical rebuté d’une part par la fas¬ tidieuse formalité administrative de la déclaration des cas, et soucieux d’autre part d’éviter tout préjudice matériel à la clientèle, les bêtes reconnues malades et responsables de la contamination humaine devant être obligatoirement séquestrées ou abattues. Dès lors, il est facile de comprendre les difficultés que l’on peut ren¬ contrer chaque fois que l’on tente de reconstituer les différentes étapes évo¬ lutives d’une maladie telle que la Mélitococcie dans une région déterminée. Néanmoins, grâce à certains recoupements précieux, le problème semble pouvoir être résolu pour la Provence où l’histoire de la marche envahissante de la Brucellose parait avoir passé par les quatre phases successives ci-après : a) la période antérieure 1914. — C'est la phase d’adaptation, ou mieux. d’acclimatement de l’affection. Les cas, sont encore peu nombreux, tantôt spo¬ radiques et isolès, tantôt groupés sous forme de petits foyers épars et sans aucun lien apparent : b) la période correspondant a la première guerre mondiale. — Elle est marquée par une accalmie relative qu’on peut expliquer par l’état de guerre qui réduit les migrations des troupeaux et rend les déclarations médicales encore plus irrégulières. D’ailleurs, les événements de 1930-1940 aboutirent plus tard aux mêmes effets passagers; c) la période comprise entre les deux guerres (1919-1939). — C’est au cours de ces vingt années que la faillite des statistiques officielles se fait le plus nette¬ ment sentir. Alors que la maladie est partout reconnue et partout identifiée. voici à titre d’exemple deux des fiches de renseignements communiquées par les services d’hygiène portant la mention du nombre des déclarations effec¬ tuées pendant l’exercice 1927-1934 : Département des Alpes-Maritimes : 182 cas, soit une moyenne de 22 par an. Département du Vaucluse; 56 cas, soit une moyenne de 7 par an. Heureusement que pour combler ces lacunes il est possible de faire appel aux documents émanant des laboratoires publics et privés où se trouvent consignés les résultats des séro-diagnostics de Wright demandés par les méde¬ cins praticiens. Grâce à ce moyen, on peut arriver à se faire une opinion un peu plus précise sur l’importance de la morbidité brucellienne dans les différents secteurs drainés par ces établissements. C’est ainsi que pour Marseille et ses environs, le Laboratoire Ranque et Sénez a pu enregistrer un total de 2 780 réactions positives en 12 ans (1919-1032), bilan qui fait de la Mélitococcie un fléau presque aussi répandu que la Typhoide elle-même. A Avignon, les Laboratoires Gaussen et Lesbros confirment de leur côte 205 atteintes en 5 ans (de 1030 à 1934 inclusivement), alors que dans le même temps les Statistiques officielles n’en relatent que 44. Et il est hors de doute que ces chiffres demeurent encore bien au-dessous de la vérité. Leur relation présente d’ailleurs un autre intérêt que celui que nous venons de signaler L’analyse de leur détail d’année en année permet en effet de dresser la courbe évolutive de l’affection durant la période en cours. Voici, à ce propos, ce que nous disent Banque et Sénez : « La courbe de morbidité révèle, tout au début, des nombres relativement bas. Dès 1923. 132 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 400 cas, auquel succède un fléchissement net avec 136 cas Au cours de l’an¬ née 1932, nous enregistrons une nouvelle poussée, mais qui restera inférieure à 300 cas, ce qui permet d’espérer que l’infection continuera à marquer un recul ». Quant à Gaussen et à Lesbros (thèse de Crimaud), ils constauent égale. ment une régression du mal à partir du maximum de 1932 ainsi qu’en témoigne le tableau ci-après. Comment interpréter maintenant ce recul de l’endémie au cours des quel¬ ques années qui ont précédé la seconde guerre mondiale2 Il semble ici que deux facteurs principaux soient à évoquer : J, un début d’efficacité des mesures d’hyvgiène préconisées par les Méde. cins et les Vétérinaires portant en particulier sur l’isolement des ani¬ maux malades et la désinfection des bergeries: 2, l’arrêt de l’importation des moutons algériens (hautement contaminés). par suite de la reconstitution du cheptel local en grande partie détruit au cours des événements de 1914-1918; d) la période critique correspondant la deurième guerre mondiale. Cette période qui s’étend de 1940 à 1946 mérite doublement son qualificatif de « critique » à en juger par l’importance partout prise par l’endémie méli¬ tococcique. Les Statistiques officielles se montrent à cet égard singulièrement explicites. Sans revenir sur les réserves que nous avons formulées à leur propos, on peut se rendre compte par le tableau ci-dessous de la gravité que revêt désormais la situation dans chacun de nos six départements du Sud-Es méditerranéen : 4 PROVENCE 133 Il était intéresant, en outre, de comparer cette situation à celle exis¬ tant dans les autres régions. A cet effet, onne peut mieux faire que d’indi¬ quer la place occupée par les départements provencaux dans le classement général des départements français avec, en regard, l’indice de morbidité bru. cellienne correspondant (L.M.), rapporté à 100 000 habitants et à cette même période de 5 ans : Soit un indice moyen global de 22,25 pour tout cet ensemble pendant le laps de temps considéré. Or, ce même indice calculé pour les deux autres régions françaises éga¬ lement réputées comme les plus fortement contaminées a donné les résultats suivants : 1, groupement languedocien Pyrénées-Orientales, Aude, Hérault. Gard. Avevron: 15,20 2, groupement alpestre. Haute-Savoie. Savoie. Isère et Drôme 7,92 Ainsi donc il apparait clairement que la Propence est de toutes les pro¬ vinces de la France continentale celle qui est actuellement la plus sévère¬ ment touchée par l’endémie mélitococcique. Seule dans la Métropole, la Corse parvient la surclasser apec l’indice moyen quinquennal impressionnant de 104,62. Signalons enfin que l’examen du tableau précédent relatant le nombre annuel des contaminations par département indique une progression continue de la morbidité mélitococcique qui n’est pas sans légitimer les plus vives inquiétudes pour l’avenir. Quelle explication peut-on donner de cette recrudescence récente de la maladie qui parait atteindre dès lors des proportions encore inconnues Sans doute plusieurs causes méritent-elles d’être incriminées, toutes d’ail. leurs en relatioh avec les circonstances nées de la guerre. Ainsi certaines d’entre elles viennent tout de suite à l’esprit : énormes brassages de popu¬ lation consécutifs à l’exode, fragilisation des organismes liée à la disette. exaltation momentanée du germe sur laquelle insiste Piéri, relâchement des mesures de prophylavie ete. Leur intervention ne fait aucun doute. Mais il est un aspect particulier de la question, bien mis en valeur par M. Saunier. Vétérinaire départemental du Vaucluse, et qui nous parait revétir une cer¬ taine importance, tout au moins dans la région avignonnaise. Dans une lettre qu’il nous, a fait parvenir en octobre 1945 l’auteur nous expose ainsi les faits qu’il a pu observer : « Les difficultés sans cesse croissantes de l’approvisionnement en lait survenues depuis 1940 ont incité de nombreuses personnes à acheter des chèvres en vue de subvenir à leurs besoins. 1941-1945 à 16,3 en 1940-1953. 134 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Le nombre des femelles de cette espèce qui était de 8 000 environ dans le département en 1930 s’est élevé à 17 000 (chiffre officiel, donc. inférieur à la réalité) en 1943. Ces chèvres ont presque toujours été acquises sans aucune garantie sanitaire; la plupart proyenaient de régions ou de troupeaux hautement infectés de Mélitoçoccie et dont elles étaient elles-mêmes bien souvent atteintes; elles ont disséminé la maladie dans des contrées et parmi des populations humaines et animales encore indemnes. Nous avons nu constater au cours de ces cina dernières années que la Fièvre ondulante a sévi d’une façon particulièrement sévère dans les cantons du département ou des chèvres ont été introduites en masse tan¬ dis qu’au contraire l’état sanitaire humain et animal est demeuré sta¬ tionnaire et généralement satisfaisant dans les cantons où la population caprine était suffisante, et qui n’ont pas fait appel à des animux pro¬ venant de l’extérieur. La répartition des chèvres par petits lots de un ou deux sujets vivant chez le propriétaire et bien souvent dans une intimité inopportune à facilité et multiplié les contacts infectants entre humains indemnes et animaux atteints, et a été une des causes de l’augmentation des cas de Fièvre ondulante. » Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir dans un instant sur cet intéressant facteur épidémiologique. e) la période actuelle. — Elle se poursuit depuis 1946. Son aspect va à nouveau nous être précisé par les Statistiques de M. Chassagne, chef de la section d’épidémiologie à l’Institut National d’Hygiène : L’interprétation de ces Statistiques est facile. Elle peut se résumer comme suit : 1° Persistance d’un gros fover mélitococique dans les denx départements intérieurs des Hautes-Alpes et des Basses-Alpes. Ce fover reste sensiblement de même importance qu’au cours de la deuxième guerre, à de légères nuances près (LM. à 33,5 au lieu de 35,4): 2° Par contre, régression appréciable de la maladie le long de la bande littorale, à l’exclusion du département des Alpes-Maritimes. C’est ainsi que l’indice de morbidité du groupement « Var-Bouches-du-Rhône-Vaucluse » s’est abaissé de 17,9 à 6,9 entre les deux périodes considérées; 3° Ces variations se soldent en définitive, pour toute la Proyence, par une chute du taux global de morbidité brucellienne qui passe de 22,2 en PROVENCE 138 Le résultat de cette évolution, attribuable aux conditions économiques nouvelles, à été de modifier la position occupée par la Provence parmi nos régions de forte endémicité mélitococcique. Seule la Haute-Provence conserve aujourd’hui sa redoutable priorité au sein de la France continentale, la Pro¬ vence litorale venant après le Bas-Languedoc, autrefois moins profondement touché. E. — LA FIRVRE ONDULANTE EN PROVENCE EST DORICINE A PEu PRÈS EXCLUSIVEMENT OVINE ET CAPRINE, ET LE MÉLITOCOQUE DEMEURE LUSOU’A PRÉSENT L’UNIQUE CERME RESPONSARLE. Ce sont là des notions trop connues pour qu’on y insiste. Rappelons simplement ce qui vient d’être dit, à savoir que, tandis qu’en 1940 l’origine ovine était largement prédominante, ce sont ultérieurement les chèvres qui furent le plus souvent incriminées, au moins dans certaines contrées et notam¬ ment dans le Vaucluse (1). Une statistique de Saunier est à cet égard particulièrement démonstrative : Ce tableau fait resortir en outre l’apparition du premier cas apparent de Fièvre ondulante d’origine bovine dans la région vauclusienne. En réalité, dans les Alpes-Maritimes, un fait semblable avait déjà été constaté dès 1933, date de la petite épidémie de Saint-Dalmas-le-Selvage, au cours de laquelle Faure-Brac découvrit un séro-diagnostic nettement positif chez une vache de la localité. D’autres incidents encore plus patents devaient d’ailleurs se produire par la suite, d’abord à Menton puis à Clans. Ainsi le péril bovin doit-il être désormais redouté sur noure cête médi¬ terranéenne, les quelques cas que nous venons de signaler ne représentant très probablement que le début d’une épizootie nouvelle. Quoi qu’il en soit, le Micrococetis Melitensis est jusant"as présenc le seul en cause, quel que soit l’hôte transptetteur, l’Abortus n’ayant guère encore lait son entrée dans le pays, tout au moins à notre connaissance. Nous serons bref en ce qui concerne les modalités de la contamination chez l’homme qui sont sensiblement les mêmes en Provence que partout ailleurs. D’une manière générale on tend à admettre que la contagion indirecte par absorption de lait ou par l’intermédiaire des fumiers est beauçoup moins répandue que la contagion directe par contact immédiat avec l’animal, notam¬ ment au moment de la mise bas ou de l’avortement infectieux. Aussi s’ex¬ plique, du reste, la fréquence des cas d’origine professionnelle (bouchers. tanneurs, vétérinaires, etc.), de même que la prédominance habituelle de l’af¬ fection au printemps qui est la saison de l’agnelage. leur lutte contre la propagation du mal. près tous les chapitres de la pathologie nerveuse. LA PATHOLOGIE ŔGIONALE DE LA FRANCE 136 Toutefois, les circonstances nées de la dernière guerre paraissent avoir modifié quelque peu cet aspect de la question, en particulier dans le Vau¬ cluse ou, pour faire face à la disette menacante, on a eu recours, comme nous venons de le voir, à l’imnortation de forts contingents de caprins, sans avoir procédé au préalable à leur contrôle sanitaire. En conséquence, de nombreuses contaminations par les fromages dé chêvres ont été observées dans cette région depuis 1943, la consommation de cet aliment essentiellement virulent s’étant considérablement accrue. Il en est de même pour les salades des champs souvent récoltées dans des pacages fré¬ quentés par les troupeaux atteints. C’est d’ailleurs à cette infection du sol par les déjections animales riches en germes qu’il faut également attribuer les petites épidémies locales qui se sont produites un peu partout dans les campagnes autour des sources mal protégées. Enfin, toujours dans le Vaucluse il est un autre facteur assez parti¬ culier dont il convient de tenir compte. Dans ce département, où le pent souffle souvent avec une extrême violence, il n’est pas exceptionnel, en effet. de voir les Mélitocoques véhiculés au loin par des particules de fumier pro¬ venant de bergeries contaminées Il y a là un motif supplémentaire de dissé¬ mination des germes dont l’importance a été opportunément soulignée par Saunier. Tous ces faits permettent de comprendre la complexité du problème épidémiologique actuellement créé par les Brucelloses et montrent en même temps les difficultés de toutes sortes qu’ont à surmonter les hygiénistes dans F. — LES ASPECTS CUNIQUES DE LATTECTION. — LES NEURO¬ BRUCELLOSES DE KOCER. Toutes les variétés de Fièvre ondulante s’observent en Provence, depuis la forme sentricémique et sudoroalgique banale jusqu'’aux formee localisées les plus diverses, dont la fréquence s’accroit chaque jour à mesure que s’accen¬ tue le tropisme viscéral des Brucelloses. C’est ainsi que l'on rencontre tous les ans dans les services hopitaliers de la Côte des hépatites, des endocardites, des cortico-pleurites, des arthrites et des orchites que seuls les anamnestiques joints aux examens de laboratoire permettent de rattacher à leur véritable cause. Nous n’entreprendrons pas ici la description de ces localisations que nous avons déjà ébauchée par ailleurs et qui, du reste, sortirait du cadre de cet exposé. Signalons simplement que Pelloux, en 1927, a consacré sa thèse aux complications pleuro-pulmonaires de la maladie et que, d’autre part. Roger a été l’un des premiers à indiquer les erreurs de diagnostic auxquelles peut conduire la méconnaissance des spondylites mélitococciques. Mais le gros mérite de l’Ecole marseillaise dans ce domaine reste encore d’avoir ouvert un chapitre nouveau et plein d’imprévus : celui des Neurobru¬ celloses, en tête duquel on retrouve le nom du Professeur H. Roger, et qui s’est enrichi depuis les travaux initiaux de 1924 d’une très abondante bibliographie. Ce qui fait en effet l’intérêt de ces manifestations, ce n’est pas seulement leur fréduence dans le Midi de la France, mais encore leur polymorphisme symptomatique extrême qui oblige en les étudiant à passer en revue à peu s’infiltrer. PROVENCE 137 Dans l’ensemble, on peut dire que ce neurotropisme des Brucelloses est avant tout un Méningotropisme d’où la prédominance des réactions méningées qui peuvent aller jusqu à la Méningite vraie. Mais secondairement aux altérations de la séreuse, on voit souvent appa¬ raitre des lésions dans les tissus sous-jacents dont l’aspect varie à l’infini suivant le siège du processus. Au niveau de l’encéphale, on assistera ainsi à la constitution de fovers de méningo-encéphalite plus ou moins diffus, entrainant des spasmes vasculaires sylviens générateurs d’hémiparésies ordinairement transitoires, des troubles psychiques du type confusionnel, et enfin des troubles auditifs, la réunion de ces éléments présentant une signification en quelque sorte pathognomonique. Au niveau de la moelle, on pourra également voir apparaitre tantôt des méningo-myélites, tantôt des méningo-radiculo-névrites dont l’expression majeure sera une paraplégie, spasmodique dans le premier cas, et flasque dans le second. On pourra en outre observer des paralysies faciales, des polynévrites. des troubles sympathiques, etc. On concoit combien toutes ces localisations viscérales de la Mélitococcie peuvent prêter à confusion : Neuromélitoccie prise pour une Syphilis ner¬ veuse. Spondylite ou Cortico-Pleurite attribuée à une Tuberculose. Orchite rapportée au Gonocoque, etc. Il n’est pas jusqu’à la forme septicémique qui ne puisse être contondue avec une Typhoide, une Typho-Bacillose, un Paludisme. Pour éviter de telles erreurs, la première règle consiste tout d’abord 3 savoir penser systématiquement dans le Midi à la Mélitococcie devant tout tableau clinique qui se prolonge et qui ne consent pas a faire sa preuve. Ensuite, on n’hésitera pas à faire appel au Laboratoire qui seul, dans nombre de cas, permettra de trancher la difficulté, Inutile de rappeler l’im¬ portance en l’occurrence d’une hémoculture, d’un séro-diagnostic, parfois d’un examen du liquide céphalo-rachidien. Nous savons d’ailleurs à quel point le concours des biologistes a pu être précieux dans la détection de la maladie partout où celle-ci a réussi BIBLIOCRAPHIE 138 LA PATLIOLOGIE BÉGIONALE DE LA TRANCE PROYENCE 139 I1. — LES FIEVRES EXANTHÉMATIQUES On peut voir éclore actuellement en France, le lonz du littoral médi¬ terranéen, trois grandes variétés de Fièvres exanthématiques : J. Le Typhus historique, dont la transmission se fait d’homme à homme par l’intermédiaire du pou. Aussi ancienne que l’histoire, cette maladie s’est retirée peu à peu des pays civilisés où elle demeure toutefois susceptible de présenter quelques retours offensifs sous l’influence de causes favorisantes diverses. C’est surtout à Marseille que l’on peut encore la rencontrer, sous forme de cas isolés d’ailleurs très rapidement circonscrits. 2. Le Typhus murin, qui reste essentiellement une affection des rongeurs et dont l’homme n’est guère qu’une victime occasionnelle. La contamination se fait alors par la puce du rat, Xenopsylla cheopis. Les premiers cas ont été décelés en 1926 à bord des navires de guerre ancrés dans le port de Toulon lequel demeure toujours en France le fover principal d’infection. Ces deux Typhus affectent entre eux une parenté étroite que confirme encore le phénomène de l’immunité croisée. Ils se distinguent par contre nettement de l’affection qui va suivre. 3. La Fièvre boutonneuse appartient en effet à une catégorie à part. reconnaissant les tiques pour agents vecteurs. Elle est communiquée à l’homme par Rhpicephalus sanguineus, parasite fréquent du chien qui constitue le réservoir habituel du virus. Elle semble s’être installée définitivement dans la région marseillaise aux environs de 1922. Depuis lors, ses cas n’ont cessé de se multiplier en même temps que s’accroissait son aire de distribution géo¬ graphique. Malgré cette rapide extension, elle demeure encore de nos jours une entité morbide exclusivement méditerranéenne. Nosologiquement, elle se rapproche à plus d’un titre d’autres fièvres transmises également par des acariens, telles que la Fièvre fluviale du lapon le Typhus de Sao-Paulo et la Fièvre pourprée des Montagnes Rocheuses dont la description sort évidemment du cadre de ce travail et qui résulten très probablement d’une adaptation spéciale du virus boutonneux à diverse faunes exotiques locales. En dehors des particularités qui leur sont propres et que nous rappelle¬ rons ultérieurement, ces trois affections comportent tout un ensemble de carac¬ tères communs dont le plus important sans doute est de relever d’agents pathogènes biologiquement très voisins appartenant tous au groupe des Rickettsias. Ce sont donc des Rickettsioses. Le terme de « Bicketsioses » déborde toutefois le cadre des Fièvres dites exanthématiques. C’est ainsi que l’on a identifié récemment des Rickettsioses sans exanthème (Det surtout des Ricketsioses localisées parmi lesquelles nous citerons le Trachome dont l’étude sera envisagée au cours d’un autre para¬ graphe (voir affections oculaires). Quoiqu’il en soit, les Ricketsies paraissent bien avoir été, à l’origine des parasites des arthropodes qui, grâce à l’hématophagie de certains de leur hôtes primitifs, ont réussi à prendre pied chez les vertébrés, en général de petits mammifères, et à y devenir pathogènes. A partir de ces derniers, le virus a atteint l’homme; chez celui-ci a pu ainsi se différencier finalement une maladie humaine, le Typhus historique, lequel ne comporte pas de réser¬ voir de virus animal. Cependant, actuellement, toutes ces catégories de Rickettsies paraissent définitivement fixées dans leurs caractères, et désor¬ mais, on ne saurait admettre l’existence d’un virus unique dont la plasti¬ cité suffirait à expliquer les variations observées (Lavier). 140 LA PATHOLOGE ǵGIONALIE DE LA FRANCE A. — LE TVPHUS HISTGRIQUE. Compamon tron freomuent de la misre et de la souffrance collectives à travers les siècles, le Typhus sévit en permanence dans certaines contrées sous l’aspect d’endémies tenaces dégénérant facilement en épidémies meur¬ trières à l’occasion des querres ou durant les périodes de disette. C’est ainsi que la Pologne et la Bussie lui ont pavé un lourd tribut pen¬ dant les années qui ont suivi le conflit mondial de 1914-1918. En Russie. c’est par millions que les décès ont été enregisirés entre 1919 et 1922, et c’est par centaines de mille qu’its ont été dénombrés au même moment en Pologhe Par la suite le mal e’est ahattu à nouveau sur ces deux pays lors des événements de 1940-1942. Après avoir ravagé la Bessarabie et le « Gouver¬ nement Général », on l’a vu bientêt gagner la Hongrie puis l’Allemagne de l’Est à la faveur de la relève des troupès, des mouvements de prisonniers et des déportations de travailleurs étrangers, à telle enseigne qu’il y eut 6 cas civils en 1940, 395 en 1941 et jusqu’à 1 780 au cours du premier semestre de 1942. En ce qui concerne nos possessions d’Afrique du Nord, la situation a été également grave, tout d’abord en 1923 (1 500 cas en Algérie), puis en 1937 et 1938 qui furent des années d’abstinence. Mais le danger s’y fif surtout mena¬ cant en 1941 où le chiffre des atteintes dépasse de plus du double les taux les plus élevés constatés depuis près d’un quart de siècle. En réalité, il s’est agi là, moins d’épidémies vraies que de vagues d’hyperendémicité dues à la reviviscence de foyers latents sous l’influence de la misère physiologique, elle¬ même engendrée par le déséquilibre alimentaire. Nous signaletons encore le cas de l’Espagne où le typhus a toujours régné en permanence. Comme rançon de la guerre civile, l’affection a pris un développement tout particulier à partir de 1930, jusqu’à provoquer 3 600 atteintes durant l’hiver 1942, dont 1060 pour la capitale seule. Ajoutons, pour terminer, que la maladie n’a nullement disparu de l’Italie méridionale, ni des Balkans et qu’on la retrouve également en Irlande. Ainsi situé au centre d’un vaste réseau de morbidité typhique, notre pays n’a pas pu échapper complêtement aux assauts renouvelés du fléau. Si l’on consulte les archives médicales de la Provence, on s’apercoit en effet que le siècle dernier a vu se succéder de nombreuses poussées épidémiques, en particulier celles de Toulon, du Frioul et d’Avignon au retour des troupes de Crimée, et celles du bagne de Toulon au cours des années 1821, 1829. 1833, 1855 et 1656. Ces épisodes sont aujourd’hui à peu près tombés dans l’oubli. Il n’en est pas de même, par contre, des événements qui ont marqué la fin des deux grandes guerres de 1914 et de 1939. C’est ainsi qu’une épidémie de 400 cas envirop se développa a Marseille en mars et aurit 1919, frappant électivement les prisons de la ville. C’est encore sur les pénitenciers mar¬ seillais que le Typhus s’est abattu pendant l’hiver 1942, faisant à nouveau près de 200 victimes (193 exactement sur un effectif de 1500 détenus, avec une mortalité de 16 pour 100). Cette localisation élective présentée par la maladie ne doit d’ailleurs pas nous surprendre outre mesure. Largement ouvert à tous les coptacts venus de l’extérieur — et plus sné¬ cialement du bassin méditerranéen, fover important de contagion — le port de Marseille a constitué et constitue encore de nos jours le point vulnérable par excellence par out l’infection cherche à prendre pied sur notre sol. PEOVENCE 141 Avant réussi à y pénétrer, il trouve dans les prisons, ou règne en per¬ manence la pédiculose, un milieu éminemment propice à son extension, que favorisent encore l’encombrement et une hygiène défectueuse. Quant à la question de savoir si l’épidémie, de 1942 est due au virus habituel du Typhus comme le croit Raybaud, ou à une variété de virus dis¬ tincte à certains égards des formes déjà connues, elle ne présente pour nous qu’un intérêt relatif. Ce qu’il faut essentiellement retenir des fairs qui viennent d’être énon¬ cés, c’est que le Typhus historique a fait au cours des siècles des apparitions répétées sur le littoral de la Proyence où il représente encore actuellement une menace permanente pour les populations, surtout celles de notre grand port marseillais. C’est d’ailleurs grâce à la mise en œuvre de mesures pro¬ phylactiques énergiques et immédiates que le mal a pu à chaque fois être circonscrit, et que de véritables catastrophes ont été évitées. Ainsi se trouve indiscutablement démontrée l’efficacité de la barrière sanitaire établie sur nos côtes. BIRLIOCRAPHIE LIEUTIER (J.). La réaction de Weil-Felix au cours de l’épidémie de Typhus de Marseille en mars 1942. Thèse Marseille, 1943. MÉNARD (J.). Etude clinique de l’épidémie de Typhus exanthématique de Marseille (mars¬ avril 1942). Thèse. Marseille, 1943-1944. OLMER (D. et J.). Les Fièvres exanthématiques du littoral méditerranéen. Arch, de méd. génér. et col, 2° an., n° 8, p. 462-470. 1943. RAYRAUD (A.). La défense de l’Europe contre le Typhus. Provence méd., sept, 1943. 107° an, 3° série, t. 127, n° 5 et 6, p. 74, Séance du 2 février 1943. B — LE TVPHUIS MURIN. C’est en 1927 que Plazy. Marçon et Carboni publièrent à l’Académie de Médecine les premiers cas d’un Typhus bénin survenus parmi les équipages de certains gros bâtiments de notre flotte alors en stationnement dons le port de Toulon. Fait important, ces cas se produisirent exclusivement à bord de vieux navires avant séjourné de 1922 à 1924 en Orient, à une époque où sévissait le Typhus épidémique. Par la suite. Marcandier et Rideau établirent que le rat constitue le réservoir normal du virus, son ectoparasite. Kenopsylla cheopis, servant d’agent vecteur dans la transmission humaine. Depuis lors, le Typhus « murin » a fait l’objet d’un grand nombre de travaux de la part notamment d’Olmer, Netter. Boinet et Piéri. Violle, Durand et Conseil, etc, sans oublier les Médecins de la Marine qui lui ont consacré toute une série d’études du plus haut intérêt. Franchement distincte de la Fièvre boutonneuse marseillaisé d’Olmer. l’affection s’apparente au contraire, à la gravité près, au Typhus historique. ainsi que le confirme nettement l’épreuve de l’immunité croisée chez le singe. broposée par Marcandier et ses Collaborateurs. 142 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE A part de très rares exceptions sur lesquelles nous aurons à revenir dans un instant, le Typhus bénin n’a sévi jusqu’à présent en France qu’à bord des navires de guerre, sans doute en raison des conditions exceptionnelles qui y sont réalisées. Les hommes et les rongeurs y vivent en effet dans une promiscuité étroite particulièrement favorable à la contagion. Les bâtiments touchés furent surtout les cuirassés de l’Escadre de la Méditerranée, puisque cinq d’entre eux sur six se trouvèrent successivement contaminés. En 1935 on comptait déjà 47 cas sur le « Paris ». 46 sur la « Proyence », 29 sur le « lean-Bart ». 7 sur la « Bretagne » et 3 sur le « Courbet » (Lancelin), sans qu’il soit possible toutefois de fournir une explication valable à ces différences de chiffres, non plus qu’à l’intégrité permanente du cuirassé « Lorraine ». seul demeuré indemne. Quant à la proportion des atteintes par rapport aux effectifs, elle est passée de 8,72 cas pour 1000 hommes d’équipage en 1935, année la plus mauvaise, au taux de 1.13 pour 1000 en 1937, cette baisse paraissant due à l’adoption de mesures de protection sévères sur lesquelles nous revien¬ drons. Toujours en régression depuis lors, l’affection ne se manifestait plus. il y a quelques années, que sous la forme de cas isolés. Constamment elle a accusé une prédominance marquée pour la période estivo-automnale, frap¬ pant d’ailleurs avec prédilection le personnel utilisé dans les soutes ou au service des vivres. Ainsi le Typhus murin appartient essentiellement à la pathologie natale. Limité aux seuls équipages embarqués, il ne semble guère encore avoir réussi d s’installer sur notre littoral. Le danger reste cependant à redouter. Turriès a publié en effet en 1936 un cas constaté à terre, le premier sans doute. parmi la populatidin phocéenne. La même année. Mercier, Fabre et Soulage relatent un second fait semblable, bientt suivi d’ailleurs de celui décrit par Arlo et Fortin (1937); dans ces cas il s’agissait de militaires emplovés. dans les magasins de-l’Intendance à Marseille Signalons encore l’observation de De Luna (1938) se rapportant à un sujet dont les signes cliniques répon¬ daient assez exactement à ceux de l’affection envisagée. A cet égard, il ne faut pas oublier que celle-ci est déjà parvenue à s’implanter à distance en différents points de la Côte méditerrapéenne, puisqu’elle a été décrite tour à tour à Athènes, au Pirée et à Bevrouth par Lépine, au Maroc par Blanc, et en Tunisie par Nicolle, toutes régions ou elle se manifeste toujours actuel¬ lement avec une certaine fréquence. Un fait a toujours paru assez curieux à tous ceux qui se sont intéressés à la propagation du Typhus murin à bord des vaisseaux : c’est le nombre véritablement infime des cas humains en regard de la proportion considé¬ rable des rats contaminés, celle-ci pouvant osciller entre les taux extrêmes de 24 et de 54 pour 100 en période d’endémo-épidémie active. Pour expliquer cet apparent paradoxe, on a fait intervenir la faible affinité de la puce du rat pour l’homme, celui-ci n’étant que très exceptionnellement piqué. En réalité, le problè̂me apparait de nos jours comme bien plus complexe, depuis que l’on sait notamment que la contamination peut se faire directement par voie digestive. Le Chuiton et ses Elèves ont en effet démontré (1938) que l’ingestion d’aliments souillés par des déjections de rats infectés pouvait suffire à transmettre la maladie, l’intervention d’un insecte piqueur n’étant dès lors plus nécessaire. On conçoit, d’après ces données, l’importance que peut avoir l’applica¬ tion de mesures énergiques de prophylaxie à bord des navires de guerre. Ces mesures consisteront surtout en une destruction eystématique des rata ainsi que des parasites qu’ils héhergent, en la protection des aliments contre toute cause de pollution, enfin en l’isolement absolu, non seulement des malades. mais tencore, de tous les suiets suspcts, declebles, Per la réactior, Veil-Felix. PROVYENCE 143 Déjà, grace à ces moyens, d’excellents résultats ont été obtenus ainsi qu’en témoignent les chiffres rapportés ci-dessus. Mais la lute doit se pour¬ suivre inlassablement, et ceci d’autant plus que le Typhus murin a été soup¬ conné de pouvoir se transformer éventuellement en Typhus historique, à la faveur de la misère et de l’encombrement, par passage sur des individus por¬ teurs de poux (expériences de Kodoma et Kono. Lépine et Bilfinger). Ainsi. bien qu’avant acquis à la longue des propriétés morbides bien particulières. le virus du Typhus murin serait suscebtible de présenter des variations dans des conditions épidémiologiques exceptionnelles. Cette notion n’est pas sans laisser logiquement entrevoir de graves menaces dont il importe de tenir le plus grand compte (1). BIBLIOCRAPHIE (1) La diminitiop d’activité actuelle de notre port de guerre méditerranéen, liée surtout à l’amenuisement de notre flotte militaire, semble devoir désormais tarir le fover toulonnais de Typhus murin. Il serait toutefois imprudent de croire cette Rickett¬ siose eliminée de notie territoire. Nous n’en voulons pour exemple que le cas parisien cent publie par Benoist et ses collaborateurs (1954). LA PATIOLOGIE RÉGIOINALT DE LA TRANCE 144 C. — LA FINVRE BOUTONNEUSE. Décrite pour la première fois en Tunisie en 1910 par Conor et Bruch. observée ensuite en ltalie par Carducci qui lui consacra en 1920 une excellente monographie, la Fièvre exanthématique méditerranéenne a envahi à peu près vers la même époque la région provencale où elle sévit actuellement avec une sertaine intensité. Si l’intérêt nosologique présenté par cette affection fut tout de suite entrevu par le grand savant qu’était Charles Nicolle, c’est à l’Ecole marseil¬ laise que revient surtout le mérite d’en avoir fixé les traits essentiels au cours de toute une série de recherches échelonnées sur une dizaine d’années. C’est en effet le 5 juin 1925 que D. Olmer signale pour la première fois au Comité médical de Marseille l’apparition dans la région d’une Fièvre exanthéma¬ tique de nature encore indéterminée. En octobre de la même année, Piéri découvre la « tache noire » à laquelle ilattribue bientôt la valeur d’une lésion d’inoculation. Puis ce sont en 1927 les publications à l’Académie de Médecine d’Olmer d’une part, de Boinet. Piéri et Dunan d’autre part, précisant les caractères cliniques fondamentaux de la maladie nouvelle. A partir de, 1930. après que Durand et Conseil eurent montré le rôle joué par la tique du chien dans la contamination humaine se succédent les travaux de Raybaud, Piéri et Duna, puis de loveux et Piéri, relatant les moeurs propres au Rhipicéphale et son intervention possible en tant que réservoir de virus. Parallèlement, D. Olmer entreprend avec Legroux et Teissonnière des recherches biologiques et trouve des agglutinations positives au Proteus atteignant parfois le taux de 1 pour 1000. Toujours vers 1931. D. et J. Olmer établissent que les sujets avant eu la Fièvre exanthématique sont réfractaires à une nouvelle inocula¬ tion de sang virulent et que leur sérum protège les individus sains contre l’infection. Enfin, date importante dans l’histoire de la maladie, le mois de septembre 1932 voit se réunir à Marseille le « Premier Congrès International d’Hygiène ». Congrès au cours duquel la question de la Fièvre boutonneuse est précisément mise à l’ordre du jour. Parmi la multitude des rapports qui y sont exposés, il y a lieu de retenir tout particulièrement une étude de Mosinger sur l’anatomie pathologique de la papule boutonneuse, ainsi qu’un travail d’Aubaret sur les conjonctivites tiques, lésions déjà décrites aupa¬ ravant par Audibert et qui semblent correspondre à une voie de pénétration relativement fréquente de la Rickettsia causale. Depuis lors, la physionomie présentée par la Fièvre sous nos climats parait avoir été définitivement établie, et toutes les communications ultérieures ne feront plus désormais que préciser certains points de détail touchant notam¬ ment à la symptomatologie de l’affection ou aux résultats des diverses expé¬ riences entreprises sur l’animal. L’atention du Corps médical avant été alertée par les premières publi¬ cations des auteurs marseillais, de nombreuses observations rétrospectives ne tardèrent pas à affluer de toutes parts. Parmi ces observations, nous citerons surtout celles de Martin et Trastour (Aubagne 1910). Fournier et Andréoli (Cannes 1917). Hawthorn (Marseille 1920), d’Oelsnitz (Nice 1921). Turcan et Million (Fréjus). Plazy, Marçon et Carboni (Creux-Saint-Georges et Hepital Saint-Mandrier à Toulon). Boche (Sorgues), et celles recueillies dans les villes de Cassis. Martigues. Saint-Chamas, etc. Toutes font ressortir l’ancienneté relative de la Fièvre exanthématique bénigne dans le Midi ainsi que sa diffu¬ sion rapide le long des Côtes provencales. A côté des faits rétrospectifs que nous, venons de rapporter, il en est d’autres qui viennent nous donner des indications précieuses quant à la fré¬ qucnce constamment accrue des cas rençontrés. 3 3 PROVENCE 47 Alors qu’au début elle ne se traduisait que par de rares cas, isolès, l’af¬ fection a pris, à partir de 1930 surtout, une extension telle qu’il parait bien difficile à l’heure actuelle d’en évaluer même approximativement l’importance. Bien qu’esentiellement localisée la banlieue marseillaise quec l'’Estaque et Saint-Loup comme fovers principaux, elle est devenue banale autour de tous les grands centres dé la région, qu’il s’agisse de Wice, de Toulon ou d’Avignon. De ces divers points la maladie n’a pas tardé d’ailleurs à se répandre en direction des cmpagnes, intéressant au même titre villages et hameaux. Nous avons déjà vu à cet égard comment elle avait réussi à s’infiltrer le long de la Côte d’Azur pour gagner par la suite tout l’arrière-pays. C’est ainsi que, dns les Bouches-du-Rhône nous pouvons ajouter à la tiste des agglomérations déjà citées les localités de Montredon. Mazargues. Saint-Marcel, les Camoins, Sainte-Marthe et Saint-Antoine à la périphérie même de Marseille, puis celles de Saint-Rémy-en-Provence, la Ciotat et Saint¬ Cyr dans le reste du département. pons le Var, l’affection a été signalée en bordure du litoral à Toulon. au Crau d’Hyères, à Fréjus, dans la vallée de l’Argens à Puget, au Muy. à Roquebruné, et même derrière le massif des Maures à Draguionan. Dans les AIpes-Maritimes, de nombreux cas ont été enregistrés, en dehors de Nice et de Cannes, au Canet, au Colfe-Juan, à Vallauris, à Sainte-Maxime et jusqu’aux Adrets en plein Estérel. Dans te Vauchuse, enfin, la maladie tend à s’étendre à tout le terri¬ toire et plus spécialement à la vallée du Rhône qu’elle remonte peu à peu¬ eaglobant successivement Avignon et Sorgues. Entraigues. Chateauneuf- du¬ Pape, Orange et plus latéralement Pertuis. Carpentras, Beaume-de-Venise. lonquières,. Bollene-Maucuer, etc. Habitués dans ces conditions à la dépister aussi bien dans leur clientèle privée qu’à l’hopital, les praticiens de la région ont bient̂t cessé de tenin le compte exact des cas par eux rencontrés, ce qui rend évidemment assez incertaine toute Statistique d’ensemble. Signalons toutefois, afin de fixer les idées, qu’Augier et Durandy de Nice ont réussi à identifier au cours du seul été 1936 8 cas de Fièvre boutonneuse parmi leurs malades et ont insisté à cette occasion sur le, neurotropisme particulier présenté par le virus. Autre exemple : pendant l’automne 1939. D. Oliner et J. Piéri, en deux mois, ont dépisté semblablement 10 cas de cette affection parmi les hommes mobilisés venus en consultation à Marseille au Centre technique médical de la 15° Région. Quelques mois auparavant, ce dernier auteur avait d’ailleurs estimé à 200 ou 300 environ le nombre des cas de Fièvre escarro-nodulaire constates annuellement dans la région marseillaise. On voit, d’après ces quelques documents, que la Fièvre tiques est devenue une maladie relativement répandue dans toute la Prouence où elle he se présente plus sous les aspects d’une « maladie d’exception ». Mais il y a plus. UIn certain nombre d’observations plus ou moins récentes sont venues établir que la Fièvre boutonneuse ne se cantonnait plus exclusivement dans cette zone d’élection qui fut en France son premier ber¬ ceau. Nous l’avons déjà vue envahir le Languedoc méditerranéen où le pre mier cas signalé remonte à 1925 (Picheire). Depuis lors, elle a été reconnue à Bourges en 1933, à Paris en 1934 et 1935, à Toulouse (thèse de Campan 1938). à Lyon, à Arcachon,, etc. Or, si plusieurs de ces cas peuvent être considérés comme véritablement autochtones, il en est d’autres que l’enquête épidémio¬ logique a révélé avoir été contractés lors d’un récent séjour dans le Midi¬ C’est ainsi que les malades d’Esbach à Bourges, de Boudin et Rambert à Paris se sont contaminés dans le Comtat, tandis que celui de Lièvre et Moury s’est 148 LA PATLIOLOGIE REGIONALE DE LA ERANCE infecté, semble-t-il, sur la Côte d’Azur. On pourrait multiplier les exemples (1) Ceux-ci démontrent tous que le fôyer prouençat ne constitue plus un « champ clos » et qu’il est susceptible au contraire d’essaimer distance, créant autour de lui des fovers secondaires intéressants à connaitre pour l’hygiéniste. Nous n’avons pas l’intention de revenir ici sur la symptomatologie habituelle de la Fièvre boutonneuse dont nous avons déjà esquissé les carac¬ tères essentiels au caurs du chapitre consacré à la pathologie fanguedocienne. Nous nous bornerons simplement à rappeler pour terminer qu’il ne s’agit pas là d’une maladie contagieuse au sens propre du terme puisqu’il ne peut y avoir en aucun cas transmission du virus d’homme à homme. Il faut tou¬ jours l’intervention d’un agent vecteur qui est d’ordinaire la tique du chien. laquelle est hématophage et ne peut effectuer ses mues successives qu’à l’issue d’un plantureux repas. Aussi la voit-on, surtout à la campagne, dans les taillis et dans les landes, constamment à l’affît, prête à s’agripper à un chien de passage qui la transportera ensuite de maison en maison à la faveur de ses pérégrinations. L’homme ne sera en l’occurrence qu’une vicuime occa¬ sionnelle dont la contamination pourra se faire, soit directement au cours d’une promenade champêtre, soit plus souvent à domicile, au contact du chien familier. Ces quelques faits rendent compte de certaines particularités de l’affec¬ tion intéressantes à connaitre, à savoir, tout d’abord, sa fréquence spéciale chez les chasseurs, les bîcherons ou encore chez les propriétaires d’animaux dans les banlieues urbaines (l’exemple de Marseille est, à cet égard, tout à fait démonstratif), en second lieu, le groupement ordinaire des cas sous l’aspect de petits fovers localisés, enfin le danger de plus en plus grand encouru par" les habitants des régions atteintes, par suite de la diffusion extrême de la tique du chien et de la possibilité chez celle-ci d’une trans¬ mission héréditaire. BIRLIOCRAPHIE (1) Nous-mêmes, avons eu l’occasion récemment (octobre 1949) de porter le diagnostie de fièvre boutonneuse à l’hopital militaire de Baden chez un jeunte offcier aviateur de la Base de Baden-Oos, lequel s’était contaminé quelques jours auparavant au cours d’un voyage de 48 heures qui l’avait amené à Cannes. Du point de vue clinique le cas était absolument typique avéc sa température en plateau, son éruption bouton¬ neuse généralisée et, plus encore, sa «tache noire » localisée à la paroi abdominale Il devait se trouver confirmé par la suite grâce au laboratoire (serozdiaanostie positit au 1/160e pour les Proteus 0x19 et 0x2 à dater du 20e jour de la maladie). De toute facon il nous a paru digne d’intérêt à un double titre": en premier lieu parce qu’il nous a permis de tenter l’essai d’un médicament alors nouveau, l’Auréomycine, en second lieu et surtout, parce qu’il démontre clairement l’importance qui s’attache à la connaissance des pathologies locales et en l’occurrence de la pathologie méditer¬ ranéenne, même à distance de leur foyer d’origine. PROVENCE 149 D. — DIACNOSTIC DES FINVRES EXANTHÉMATIQUES DANS LA PRATIQUE MÉDITERRANÉENNE. 8’il est ordinairement facile au Médecin médirerranéea de distinguer de l’ensemble des Typhus certaines pyrexies graves fréquentes sur le littoral (affections typhoides, brucelloses, etc.), il lui sera par contre souvent malaisé de différencier entre elles les trois grandes variétés de Fièvres exanthema¬ tiques rencontrées sous nos climats, le diagnostic devant alors s’appuver sur deu, arounontz empante, à la fis, a l'endemnolois, a la cliotuns, st 26 laboratoire. 1A PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE 19 Du point de vue épidémiologique, il faudra tenir compte essentiellement du lieu d’origine de chaque cas, du moment de son apparition et du mode probable de contamination. A cet égard, nous rappellerons que le Typhus historique est avant tout marseillais, qu’il survient en hiver et se transmet directement par le pou; que le Typhus murin est presque exclusivement tou¬ lonnais, sévit durant l’été et se propage par l’intermédiaire de la puce du rat; que la Fièvre boutonneuse enfin, plus largement répandue, est inoculée par la tique du chien, également pendant la saison chaude. En réalité, ces données, pour très précieuses qu’elles soient, ne sont pas toujours suscep¬ tibles d’apporter à la discussion les arguments décisifs recherchés. En parti¬ culier, il n’est pas rare, en période d’épidémie ou dans certains milieux. d’avoir affaire à des individus pluriparasités, vivant dans des locaux infestés de rats et au contact de chiens, l’identification de l’agent responsable deve¬ nant dès lors des plus complexes. Du point de vue clinique, les divers Typlus se reconnaissent d’ordinaire à certaihs signes communs qui attestent leur étroite parenté nosologique apparition brutale d’une fièvre élevée, faciès vultueux, injection conjoncti¬ vale, signe de la langue, atteinte précoce et profonde de l’état général et du système nerveux, le tout précédant l’éclosion d’une éruption dont les élé¬ ments, d’abord discrets, se préciseront par la suite. Le tableau morbide ainsi réalisé est particulièrement net au cours du Typhus historique. Très voisin de lui dans ses grandes lignes, le Typhus murin s’en distingue toutefois par l’atfénuation de ses symptômes, une dissémination plus grande de l’éruption et surtout une évolution beaucoup moins sévère. Ce dernier caractère se retrouve également dans la Fièvre boutonneuse. On ajoutera, en faveur de cette affection, l’aspect souvent surélevé et induré des éléments éruptifs. lesquels sont « papulo-nodulaires » et se généralisent fréquemment à la face. à la paume des mains et à la plante des pieds, une intensité parfois sur¬ prenante des arthro-mvalgies, enfin l’absence habituelle de tuphos et de symp¬ tômes nerveux. Mais ici encore des difficultés pourront surgir du fait de l’existence pos¬ sible, à côté des formes classiques, de formes anormales tant par leurs symp¬ tômes que par leur évolution. C’est ainsi que l’on peut observer des formes frustes de Typhus uépidémique et au contraire des formes graves — voire même exceptionnellement mortelles — de Fièvre boutonneuse. Aussi, dans le doute, conviendra-t-il d’attacher la plus haute importance à un signe que l’on peut considérer, quand il existe, comme véritablement pathognomonique de la Fièvre méditerranéenpe, il s’agit de la « tache noire » de Piéri sur laquelle nous avons déjà insisté. On sait qu’elle consiste en une petite escarre cutanée brunâtre au point d’inoculation de la tique. Souvent dissimulée au niveau d’un pli cutané ou dans une région pileuse, cette lésion demandera donc à être recherchée avec le plus grand soin Restent, pour terminer, les tests biologiques, lesquels pourront parfois aider puissamment au diagnostic. Avant tout, on aura recours à la réaction de K'eil-Félix. Dans le Typhus historique, l’agglutination du Proteus X 19 est toujours précoce et a un taux élevé oscillant entre 17500 et 1/10 000, voire même davantage. Dans le Typhuus murin, la réaction est plus faible et plus tardive. Dans la Fièvre boutonneuse enfin, l’agglutination est encore plus retar¬ dée puisqu’elle n’est obtenue que vers la fin de la maladie et pendant la convalescence. D’autre part, elle peut être positive avec d’autres races de Proteus que le Ox 19, à savoir le 0x 2 et le OXK, le taux de 1/100 étant généralement considéré comme suffisant. Quant à l’inoculation du sang du malade au cobave, elle est capable en principe d’apporter des renseignements complémentaires précieux. On sait PROVENCE 131 qu’on observe une Fièvre expérimentale caractéristique dans le vrai Typhus et une réaction scrotale très particulière dans le Typhus murin, réponses qui manquent presque toujours dans la Fièvre boutonneuse ou demeurent très atté¬ nuées. Malheureusement, ces recherches expérimentales sont délicates et leurs résultats risquent parfois de se faire trop attendre. En définitive, on peut conclure de tous ces faits que le diagnostic de Typhus se pose au Clinicien de la façon suivante : Le Typhus historique étant avant tout une affection hivernale la cone. tatation d’une fièvre éruptive au cours de la belle saison devra tout de suite faire songer à la possibilité d’un Typhus murin ou bien d’une Fièvre boutonneuse, la distinction entre ces deux affections n’avant, au demeurant. qu’un intérêt relatif, le traitement restant le même dans les deux cas. Cette règle générale pouvant comporter quelques exceptions, il sera bon toutetois de ne jamais s’abandonner à un optimisme excesif. En particulier. il faudra toujours s’efforcer de dépister la « tache noire » de Piéri avec la plus extrême attention. Si cette lésion d’inoculation manque, on fera bien de ne pas trop s’attarder au diagnostic rassurant de « Fièvre boutonneuse sans escarre » malgré sa vraisemblance. D’emblée il faudra procéder à l’iso¬ lement du malade et se comporter exactement comme s’il s’agissait du Typhus vrai, du Typhus à pou. Par La quite, le epreuve dle laboratoire, pratiques en temps voult permettront d'aboutir à une opinion ferme et décisive. BIBLIOCRAPHIE LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 132 1I. — LA LEISHMANIOSE VISCÉRALE Les premiers cas de Kala-Azar furent décrits il y a un siècle envirop aux Indes, au voisinage du Brahmapoutre, dont la vallée demeure encore de nos jours un foyer important de contagion. Depuis lors, l’affection s’est largement répandue sur tout le bassin de la Méditerranée ou elle a été idenfifiée pour la première fois en Tunisie par Cathoire et Laveran en 1904. Actuellement, les régions les plus forte¬ ment touchées paraissent être l’Afrique du Nord, la Grèce, l’Espagne et l’Italie méridionale. Mais on la rencontre aussi, quoique plus rarement, en Asie Mineure, en Egypte, à Malte, en Corse et jusque dans le Midi de la France. Strictement infantile a ses débuts, la Leishmaniose méditerranéenne à été pendant longtemps considérée comme une forme déviée de la maladie hindoue primitive, laquelle frappe à peu près exclusivement les adultes. Tou¬ tefois, l’apparition récente en Provence d’un certain nombre d’atteintes por¬ tant sur des sujets au-dela de la quinzième année a conduit à réviser cette opinion et à admettre l’identité des deux processus, encore que le mode de contamination ne semble pas être absolument le même dans l’un et l’autre cas. Sous nos climats, en effet, une endémie canine se superpose toujours à l’endémie humaine, laissapt à penser que le chien constituie le réservoir nor¬ mal du virus, lequel est ensuite transmis par les ectoparasites habituels de cet animal. Or, aucun fait semblable n’a pu être constaté dans les pays d’Extrême-Orient, ce qui permet de supposer que les hôtes intermédiaires sont ici différents. Il est vrai que, chez nous, le mode de propagation du Kala¬ Azar demeure encore mystérieux à bien des égards, ainsi que nous aurons l’ocasion de le voir ultérieurement. Malgré ces incertitudes d’ordre épidémiologique, le problème du Kala¬ Azar méditerranéen a pu être récemment précisé sur bien des points, notam¬ ment en ce qui concerne la répartition géographique de l’affection, ses aspects cliniques et son traitement. On peut dire qujourd’hui que la maladie sévit avec une certaine inten¬ sité sur toute la bande littorale qui s’étend depuis Marseille jusqu’à la fron¬ tière italienne, n’épargnant pour ainsi dire aucune localité. Dans ce secteur cependant, deux foyers principaux dominent la scène : ce sont les deux grands centres urbains de Nice et de Marseille dont l’envahissement a été spécia¬ lement bien étudié par d’Oelsnitz pour le premier et P. Giraud pour le second, au cours de toute une série de recherches échelonnées sur une vingtaine d’années. C’est dans ces travaux que nous avons surtout puisé la trame de ce chapitre, ainsi que la plupart des documents que nous avons utilisés. Avant d’aborder l’exposé des conditions particulières au développement du Kala-Azar dans le Sud-Est de la France, il nous a paru opportun de rap¬ peler en quelques mots la physionomie clinique habituelle de cette entité mor¬ bide nouvelle, encore peu connue dans notre pays. A cet effet nous commencerons par la Leishmaniose infantile, forme la plus commune, quitte ensuite à indiquer les quelques nuances propres à la forme de l’adulte. PROVENCE 133 1.— La Leishmaniose intantite (d’œIsnitz) : Après une période d’incubation d’une dure de 2 à 3 mois, la maladie débute ordinairement par une lente et insidieuse atteinte de l’état général. L’enfant devient triste, abattu, maussade; il ne joue plus volontiers. Bientot il maigrit et son pṕtit diminue. A cette époque, on, est déjà frappé, par la pâleur des téguments ainsi que par l’augmentation de volume de l’abdo¬ men, due surtout au météorisme. La période d’état met en lumière les signes cardinaux de l’affection. La paleur est intense, le teint est blême, couleur « d’albêtre », les muqueuses sont décolorées. L’amaigrissement s’est notablement accru et l’asthénie est profonde. Des œedèmes fugaces se perçoivent souvent au niveau de la face ou des extrémités. Contrastant avec cet état cachectique, le ventre reste volumineux et sail¬ lant. Au météorisme abdominal, toujours très prononcé, est venu s’ajouter en effet un symptôme majeur : l’hypertrophie splénique. La rate est souvent énorme au point de combler l’hypochondre et le flanc gauches, plongeant même dans le petit bassin. C’est la plus grosse des rates infantiles. Rarement douloureuse au palper, elle est lisse et de consis. tance ferme, parfois dure. En regard de cette splénomégalie, l’hypertrophie du foie parait modeste : elle n’en est pas moins existante. Par contre, il n’y a guère d’ascite. Quelquefois on peut, en outre, observer une micropolva¬ dénie discrète témoignant de l’atteinte diffuse du système réticulo-endothélial Parallèlement à cet ensemble évolue une fièvre irrégulìre et anarchique Tous les types fébriles peuvent se rencontrer et même se succéder. La plu part du temps il s’agit d’accès très courts, s’accompagnant de frissonnements puis de sueurs, et se reproduisant à plusieurs reprises dans la journée à intervalles capricieux, risquant ainsi de passer inapercus si on ne procède pas à des prises répétées de température. Accessoirement on note encore des troubles digestifs dont la diarrhée est l’élément le plus représentatif, des complications pulmonaires et enfin des éruptions cutanées à type surtout de bulles d’aspect pemphigoide. Abandonnée a elle-même, la maladie évolue vers la cachexie progresive et la mort qui survient dans un délai de 6 mois à 2 ans, à moins qu’une complication intercurrente (broncho-pneumonie, hémorragie, etc.) ne vienne encore hâter l’issue fatale. Soumise à un traitement stibié énergique, elle est susceptible au con¬ traire d’améliorations, voire même de guérisons franches. 3. —- La forme de l'’adulte : Très semblable dans ses grandes lignes à la forme de l’enfant, la-Leish¬ maniose de l’adulte s’en distingue cependant par un certain nombré de par¬ ticularités que nous allons rapidement passer en revue. Tout d’abord l’incubation est souvent plus prolongée, pouvant s’étendre sur des mois ou même des années au lieu de quelques semaines. Les prodromes sont également discrets, mais parfois cependant le début peut être brusque, marqué notamment par des accès fébriles soudains. A la période d’état, la fièvre est moins désordonnée Elle tend à se dis¬ cipliner, revétant dans certains cas un type régulièrement oscillant par suite de la succession de paroxysmes vespéraux et de rémissions matinales à horaires relativement fixes. 184 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE La paleur est d’habitude moins frappante que chez l’enfant et il s’ surajoute fréquemment une pigmentation spéciale des téguments prédomi¬ nant aux mains, aux avant-bras, aux régions périgénitales, aux aréoles des seins et à la face, pigmentation qui a valu son nom à la maladie hindoue. Au niveau des plages brunâtres apparaissent parfois des zones dépigmentées : les « taches blanches » du Kala-Azar (d’Oelsnitz). La splénomégalie est constante, mais elle est souvent moins importante que dans le jeune âge. Quant à l’atteinte hépatique, elle se traduit d’ordi¬ naire par une hépatomégalie modérée et surtout par des signes, manifestes d’insuffisance fonctionnelle. Exceptionnellement on peut observer de l’ascite (d’Oelsnitz et Carcopino) et même une véritable cirrhose (Nattan-Larier). Les adénopathies ne sont pas rares et à cet égard d’Oelsnitz accorde à la constatation d’adénites épitrochléennes une valeur séméjologique. En outre, on à pu signaler chez les femmes jeunes des troubtes de ta menstruation (d’Oelsnitz, Vian et Barbe). L’évolution, de son côté, revêt un aspect assez caractéristique. La mala¬ die de l’adulte progresse en effet avec une lenteur relative, souvent entre¬ coupée de phases de rémissions trompeuses au cours desquelles tous les symp¬ tômes s’amendent. Elle aboutit cependant fatalement à la mort au bout de 2 ou 3 ans et quelquefois davantage. Heureusement que la gravité du pronostic peut être corrigée ici encore par l’action, epécifique des sels d’antimoine qui stérilisent dans un délai parfois assez bref l’organisme infecté. On voit d’après ces descriptions à quelles erreurs de diagnostic peut se trouver exposé le Clinicien, surtout s’il ne songe pas d’emblée la possibilite d’une Leishmaniose. Le plus souvent il pense tout d’ahord au Paludisme, et soumet son malade à la thérapeutique quinique. Celle-ci demeurant inopérante, il se trouve alors amené à envisager une quantité d’autres hypothèses, comme celles d’une Brucellose, d’une Typhoide, d’une anémie splénique, d’une hépato¬ splénite syphilitique, d’une péritonite bacillaire ou d’une Maladie de Banti toutes hypothèses qui ne tarderont pas à s’effondrer à leur tour. Au mini¬ mum, c’est du témps perdu pour la mise en œeuvre du traitement spécifique. Dans ces conditions, on concoit toute l’importance qu’il convient d’atta¬ cher aux épreuves biologiques qui, seules, dans les cas certains comme dans les cas douteux, permettront d’aboutir à des conclusions fermes et rapides. Sui¬ vant leur valeur diagnostique, il est possible de classer ces épreuves en trois catégories : 1. Les épreuves « d’orientation » : il s’agit en l’espèce du vulgaire examen hématologique qui montre l’existence d’une anémie hypoplastique avec leucopénie et inversion de la formule leuçocytaire, le tout s’accompa gnant parfois de quelques stigmates dyscrasiques d’un intérêt moins évident (fragilité globulaire notamment): 2. Les épreuves de « présomption » : ce sont les réactions de floculation et d’opacification parmi lesquellés il convient de citer surtout la réaction de Chopra à l’uréastibamine et celle de la « formol-leucogélification », cette der¬ nière d’une technique très simple et d’une assez grande fidélités 3. Les épreuves de « certitude » enfin, qui visent à mettre en évidence la présence à l’intérieur de l’organisme de la « leishmania donavani », res¬ PROYENCE 155 ponsable des accidents. Rappelons à ce propos que la recherche de ce para¬ site dans le sang circulant est des plus décevantes, que la zponction splé¬ nique est à déconseiller et que, par contre, les ponctions ganglionnaire et sternale sont susceptibles de donner les résultats les meilleurs avec un mini¬ mum de risque. Ce préambule étant terminé, nous allons envisager les quelques points d’épidémiologie locale qui font plus particulièrement, l’objet de cette étude. 3. — En France, le Kala-Azar intantile parait avoir tait son apparition aussit̂t après ls Grande Cuerre. La forme de l’adulte n’est survenue que plus tardivement. Les premiers cas infantiles de Leishmaniose viscérale nettement carac¬ térisés ont été observés, semble-t-il, par M. Labbé, Targhetta et Ameuille chez deux enfants serbes résidant depuis dix-huit mois à Nice. En 1922 un autre cas indiscutablement autochtone est signalé par d’Oelsnitz, Balestre et Daumas chez un jeune sujet né à Monaco et n’avant jamais quitté cette ville. A la fin de la même année. J. Renault. Monier-Vinard et Gendron publient l’observation d’un Kala-Azar infantile avant évolué à Paris, mais certainement contracté dans le Midi de la France. En 1923, la maladie fait son apparition à Marseille ou les quatre premiers cas sont rapportés par d’Astros et Giraud. En 1925 enfin, d’Oelsnitz. Daumas. Liotard et Puech attirent l’at tention sur la progression de l’affection dans le département des Alpes-Mari¬ times, leurs conclusions se trouvant plus tard confirmées par Rumpelmaver et Guiberteau. Depuis cette époque, les faits n’ont cessé de se multiplier, tant et si bien qu’à l’heure actuelle la maladie est devenue relativement banale sur tout le littoral de Provence. Durant cette même période, quelques cas de Kala-Azar de l’adulte sont également reçonnus et décrits, mais ce sont alors des cas « importés », d’ori¬ gine macédonienne (Carnot et Libert 1021), marocaine (Klippel et Monier¬ Vinard 1922), ou tunisienne (Lemierre, Burnet 1925). Les manifestations autochtones ne tardent pas cependant à se faire jour, et c’est ainsi qu’un premier cas isolé est relaté en 1923 par Terrien et Bizard, lesquels eurent à soigner à Nantes une jeune femme qui s’était contaminée au cours d’un séjour dans la région nicoise. En réalité, il faut attendre l’année 1931 pour assister à une extension nette de cette forme clinique dont on sait qu’elle se rapproche de très près¬ de la maladie asiatique. A partir de ce moment, on voit an effet se succéder rapidement les observations de Plazy, Marçandier et Germain (juillet 1931) J. Olmer (octobre 1931). Cassoute. Giraud, et Trabuc (juin 1932). Sepet Legrand et Paillas (1933). D. et L. Olmer (mars 1934), d’Oelsnitz et ses Flèves (octobre 1933 janvier 1935, janvier 1937). L. Piéri (octobre 1935). J. Monges (avril 1937), sans oublier toutes celles publiées personnellement par le Professeur Paul Giraud, soit tout un ensemble de documents que l’or trouve réunis dans l’excellente thèse de Romary (1937) et qui témoignent de l’atteinte à peu près simultanée de nos trois grands centrès méditerranéens de Nice, Toulon et Marseille. Depuis 1937, d’autres faits sont encore rapportés (Poinso et de Cougny 1938, d’Oelsnitz et Saurin, 1930. L. Olmer et Montagnon, 1939. Raybaud et Maestraggi, 1941, etc.), mais ils n’ont déjà plus l’attrait de la nouveauté la forme de l’adulte étant devenue elle-même plus fréquente dans ces contrées et par suite plus volontiers dépistée par les Praticiens. 186 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Ainsi on voit que le Kala-Azar a tait son apparition dans le Midi de la France vers 1918 pour la région nicoise et vers 1922 pour la région marseillaise, au moins si l’on en juge d’après les apparences. Il est possible en effet qu’avant les cas publiés d’autres soient gurvenus qui sont demeurés ignorés. En tout cas ces derniers n’ont certainement paa été nombreux, l’atten¬ tion des Médecins méditerranéens avant été mise en éveil dès 1914 par l’éclo¬ sion locale d’une Leishmaniose canine ainsi que par l’existence plus précoce encore d’un état d’endémicité déjà important dans certains pays voisins tels que l’Italie (Franchini et Pianèse 1905). 4. — Depuis son ioplantation sur notre littoral, le Lals-Aar ne parait pas avoir pris une extension très notable. La Leishmaniose viscérale, sans être une rareté dane notre pays, n’est tout de même pas non plus d’une fréquence extrême et les auteurs qui se sont occupés de la question en sont encore à dénombrer les cas qu’ils ont pu rencontrer dans leur clientèle. C’est ainsi que la Statistique de d’Oelsnitz, de Nice, comportait 165 cas en 1939, époque à laquelle celle de Giraud de Marseille arrivait exactement au même chiffre, pour passer ensuite à 204 cas au début de 1943 et 238 en janvier 1947. Il est bien évident que de tels bilans ne sauraient représenter la totalité des faits constatés. En effet, malgré la grande réputation tmu’ils se sont acquis en la matière, les auteurs précitée ne peuvent prétendre avoir drainé à eux seuls tous les cas gurvenus dans leurs secteurs respectifg (1). Par ailleurs, il faut tenir compte de la masse des observations non publiées, lesquelles, selon Giraud, représentent le triple envi¬ ron de celles qui ont été relatées dans les périodiques. Au demeurant, ce qu’il importe surtout de connaitre ce n’est pas tanf le nombre exact des atteintes reconnues que le rythme avec lequel celles-ci se succédent, de manière à pouvoir juger du potentiel d’extension de l’endé¬ mie en courg. C’est sous ce jour qu’il convient donc d’examiner à nouveau les deux Statistiques auxquelles nous venons de faire allugion. En ce qui concerne la première, celle de d’Oelsnitz, elle fournit déjà des renseignements fort ntéressants encore qu’elle soit très approximative. Cet auteur aurait observé en effet : Quant à celle de Giraud, elle a l’avantage d’être beaucoun plua précise et rend compte, avec une netteté saisissante, des variations annuelles présen¬ tées par la maladie durant le même laps de temps. PROMYENCE 157 A quoi il faut ajouter 39 cas nouveaux pour l’ensemble des quatre années 1939-1942. De la lecture du premier tableau se dégage cette notion que la Leishma¬ niose viscérale est en progression constante dans la région nicoise depuis son installation. Par contre, le second tableau donne cette impression, qu’après avoir subi une marche extensive jusqu’en 1932, date de son maximum d’in¬ tensité, l’endémie marseillaise a régressé par la suite pour se maintenir sen¬ siblement en plateau à partir de l’année 1934 (1) (2). Si l’on fait maintenant la moyenne des cas annuels, on s’apercoit qu’elle a été dans l’un et l’autre cas d’une dizaine environ au cours de ces der¬ miers temps. Ainsi se trouve confirmée cette donnée que le Kala-Azar ne réalise qu’une endémie a pouvoir expansit faible, tout au moins pour le moment. 8. — La Leishmaniose viscérale frappe plus souvent l'’entant que l’adulte. Dans t’enfance même, c’est entre les âges de t à 3 ana qu’elle sévig avec le plus de fréquence. Nous avons déjà signalé la possibilité chez l’adulte de cas de Kala-Azar autochtone absolument authentiques. Leur nombre reste toutefois très res¬ treint si l’on prend comme terme de comparaison la forme infantile qui demeure latvéritable forme méditerranéenne. Si l’on admet avec les classiques que l’enfance se termine à 15 ans et l’adolescence à 20 ans, la Statistique obtenue par Giraud en 1939 permet d’établir les catégorisations ci-après : au-dessus de 20 ans IIl cas de 15 à 20 ans 2 cas 152 cas au-dessous de 15 ans rotsl : 165 cas On peut évidemment objecter à cette Statistique qu’elle est basée sur une clientèle de pédiatre. Les conclusions sont cependant les mêmes que celles auxquelles sont parvenus les autres auteurs et en particulier d’Oelsnitz dont les résultats peuvent se répartir de la manière suivante : En 1932, 8 cas adultes dont 3 autochtones pour plus de 50 cas infantiles; En 1936, 12 cas adulues certains pour plus de 100 cas infantiles; En 1939, 15 cas adultes autochtones pour 150 cas infantiles. (1) Il y a eu dans la région marseillaise une diminution notable du nombre des cas de l’eishmaniose durant les trois années 1942-1944. Sans doute faut-il faire intervenir ici des conditions météorologiques particulières, ces années avant été extré mement sèches et défavorables à la pullulation des tiques. Sans doute aussi y a-t-il lieu d’ineriminer les effets de la disette qui, réduisant l’endémie canine par suite de la disparition d’un très grand nombre de chiens, a réduit, par contre-coup, l’endémie humaine. Mais ces facteurs ne sont certainement pas les seuls en cause. Le dernier p’explique pas Notamrpent pour quelle raison l’endémic humaine a pu présenter a houveau unb poussée ascensionnelle dès les années 1945-1946 : Années 1942-1944 incluses : 9 cas, moyenne annuelle : 3 cas; Années 1945-1946 incluses : 29 cas, moyenne annuelle : 14,5 cas. (GIRAUD, Soc, méd. hop, Paris, 31 janvier 1947.). (2) Dans une toute récente publication (1956, voir bibliographie), le Professeur GIRAUp nous indique le résultat de ses dernières prospections. Celles-ci portent à 320 le nombre des cas de Rala-azar diagnostiqués à la clinique médicale infantile de puxille cntre 1925 et ceptepbre, 195 (oit 7 eas pouveaue depuis, le blan picocoot de 1946). 18 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE De ces divers faits découle cette notion que le Kala-Azar de l’adulte est environ dix fois moins fréqnent que celui de l’enfant, qu’il s’agisse du fover marseiltais ou du foyer nicois. Physionomie clinique aux nuances particulières et fréquence moindre, tels sont donc en définitive les traits essentiels par lesquels le Kala-Azar de l’adutte se distingue dans nos régions de la forme infantile normale. Enfin, si pour compléter ces dounées on envisage les tauz de morbidité aux différentes étapes de l’enfance, on s’aperçoit que la Statistique publiée en 1939 par P. Ciraud peut se décomposer comme suit : L’̂ge optimum pour le Kala-Asar parait donc se situer entre l et 3 ans. fait que l’auteur attribue aux conditions spéciales de vie du jeune enfant. lequel se trouve tout particulièrement exposé aux piqures d’insectes et aux contaminations directes par contact (voir plus loin). 63. — Localisé en bordure de la Méditeranée, le Lala-Arar accuse une préditection marquée pour la rone maritime proprement dite et pour les banlieues sèches et rocailleuses des grandes villes. On peut actuellement délimiter la zone d’endémicité du Kala-Azar en Provence à une étroite bande de terrain longeant le littoral depuis Marseille jusqu’à Menton. En profondeur, cette zone s’étend sur plusieurs Kilomêtres pour venir buter contre les premiers contreforts des Alpes, jusqu’à présent demeurés pratiquement indemnes de toute contamination. A l’intérieur du territoire ainsi circonscrit, l’affection est loin de se répar¬ tir d’une façon uniforme, et nous avons déjà vu à ce propos qu’elle se loca¬ lise d’une manière toute élective au niveau des deux grandes agglomérations urbaines de Marseille et de Nice. Mais ici encore une distinction s’impose entre les villes mêmes et leurs alentours immédiats ou éloignés. L’exemple est particulièrement frappant en ce qui concerne la région marseillaise. C’est ainsi que, du point de vue topo¬ graphique, les 165 observations rapportées par P. Giraud en 1939 peuvent se classer comme suit (exception faite de 18 cas de provenance étrangère ou d’origine inconnue) : Centre de la ville: Zone suburbaine: (Corniche, le Canet, Saint-Loup). zone de banlieue : (vallée de l’Huveaune, région de l’Estaque. Saint-Antoine, Saint-Julien, Mazargues, le Redon et Pointe-Rouge).................. 1 Région marseillaise. (Casis. Cavalaire, Toulon, Bandol, la Ciotat. 15 cas Martigues, Gignac, Charleval, Roquevaire).... 17 cas 290 cas 1A PATLIOIOGIE SQS oee oe e" e 190 Un rapide coup d’œil sur ce tableau permet de constater qu’a elles seules la région suburbaine et la banlieue parviennent à réunir plus de 75 % des cas d’origine autochtone reconnue (exactement 115 sur 147). Or, dans le secteur ainsi défini, certains fovers méritent d’attirer plus spécialement l’atten¬ tion en raison de la forte densité des atteintes qui y sont rencontrées. Ce sont : le ptateau d’Endoume, petite portion de la colline marseillaise bordée par la promenade de la Corniche). la banlieue Nord avec les localités de l’Estaqne. Saint-Henri, Saint¬ André et Saint-Antoine : la tallée de l’Huvcoune enfin, depuis Saint-Loup jusqu’a Aubagne. en passant par Saint-Marcel, la Penne et Camp-Major, surtout sur son versant Sud qui vient se rattacher au massif de Carpiagne. Une telle répartition n’est cans doute pas l’effer du hasard Si on eva¬ mine en eftet la physionomie d’ensemble des zones d’élection ainsi décrites. on s’aperçoit qu’elles ont toutes un caractère commun : partout il s’agit de quartiers populeuz au sot sec et rocailleux, ou abondent les pinêdes et les jardinets lamiliaux et où les conditions de vie restent encore des plus rudi¬ mentaires. Nous verrons plus loin comment ces incidences épidémiologiques peuvent servir à l’interprétation des faits. Quoi qu’il en soit, et sur un plan plus général, on peut considérer en définitive le Kala-Azar français comme une affection éminemment provencale. bien spécifique de cette partie du littoral. Pourtant, certains faits récents per¬ mettent déja de redouter un début d’ertension du mal au-dela de ses limites actuelles. C’est ainsi que les 5 observations parisiennes de Lereboullet. Mar¬ quezy, Abrami.. P.-P. Lévy et Nobecourt (1931-1935) correspondent certai¬ nement à des importations méditerranéennes, les malades qui en font l’objet avant tous fait un séjour plus ou moins prolongé sur la Côte d’Azur dans les semaines ou les mois qui ont précédé l’éclosion de leurs accidents. Bien plus, les cas signalés, par Esbach à Bourges (1926). Péhu et Bertove dans les Vosges (1931), Bertove dans l’Ardèche (1935) et Bernheim à Lyon (1939). et réputés d’origine locale, ne semblent être, en dernière analyse, que le résul¬ tat de contaminations accidentelles auprès de chiens de passage en prove¬ nance du Midi. On voit par ces quelques exemples la menace que peut faire peser sur l’ensemble du pays l’existence dans notrerégion du Sud-Est d’un foyer de Leishmanibse encore limité mais actif. 7. — Dans la récion méditerranéenne, la Leishmaniose viscérale du chien coincide toujours avec la Leishmaniose humaine, la précédant même dans son extension. Ainsi a-t-on été amené à incriminer le r̂te du chien dans la propagatiop de la maladie. Nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer les difficultés auxquelles on se heurte lorsqu’il s’agit de déterminer le mode de transmission du Kala-Azar. Du point de vue épidémiologique, un fait cependant reste acquis : c’est l’ab¬ sence de toute contagion interhumaine, l’affection pour se propager exigeant l’intervention d’un réservoir de virus, lequel ne serait autre que le chien. tout au moins sous nos climats. Il a été en effet décrit chez cet animal une Leishmaniose spontanée dont le germe est morphologiquement identique à celui de la maladie humaine. L’affection se traduit tantôt sous une forme aigué, frappant surtout les jeupes, cemcot sous une forme chronique beaucoup brus frequente (troupne entièrement résolu. 3 PROVENCE 161 généraux, amaigrisement, hypertrophies ganglio-spléniques, lésions cutanées du dos et de la face où fourmillent les Leishmanies), tantôt enfin, sous une forme inapparente que seule révèle l’autopsie. Or, il s’est créé sur le littoral méditerranéen une véritable endémie canine dont le début parait être antérieur à celui de la maladie chez l’homme. C’est à Pringault que revient le mérite d’avoir le premier signalé son apparition et d’avoir même pressenti le danger qu’elle pourrait un jour faire courir aux populations. En réalité, à cette époque (1914-1917), les cas étaient encore peu nombreux puisque sur 317 chiens examinés par l’auteur, 8 seulement furent reçonnus porteurs de lésions. Mais par la suite les cas se multiplièrent rapidement. Dès 1931. W. Bernis estimait déjà à 5 pour 100 la proportion des chiens atteints dans tous les pays baignés par la Méditerranée. En 1932. Falchetti et Faure-Brac constataient de leur côté que sur 188 chiens préle¬ vés au hasard à la fourrière de Nice, 30 étaient infectés, et que sur un lot de 19 animaux conduits chez le Vétérinaire pour des raisons diverses le nombre des malades s’élevait à 15. Plus près de nous Cabassu, étudiant le développe¬ ment de la maladie à Marseille, signalait avoir traité de 1932 à 1938 jus¬ qu’à 175 cas dans sa seule clientèle vétérinaire, la courbe de l’endémie pré¬ sentant par ailleurs dans sa Statistique des variations annuelles absolument comparables à celles observées chez l’homme pendant le même laps de temps. L’analogie entre les deux processus se poursuit d’ailleurs dans le domaine de la répartition géographique, l’enzootie affectant également une prédilection marquée pour les régions suburbaines et lés banlieues des villes. C’est ainsi qu’à Marseille on rencontre plus spécialement les animaux malades dans le quartier d’Endoume, sur la rive gauche de la vallée de l’Huveaune, à Saint-lulien. Saint-Antoine et Sainte-Marthe, ainsi qu’à Mazargues, tous points, que nous avons déjà mentionnés comme étant des foyers humains importants (Giraud. Cabassu et Bergier). Tout cet ensemble de faits tend finalement à prouver que la maladie de l’homme et celle du chien présentent entre elles des liens très étroits, notion qui se trouve encore confirmée par la possibilité démontrée par Ch. Nicolle de passages par inoculation de la première à la seconde. L’antériorité et la forte prédominance actuelle de l’endémie canine auto¬ risent d’autre part à supposer que la Leishmaniose viscérale est chez nous une affection normale du chien, se transmettant accidentellement à l’espèce humaine chez qui elle se « fourvoie » en quelque sorte, ne se manifestant que sous forme sporadique et demeurant localisée aux organes profonds. Elle oppose ainsi à la Leishmaniose de l’Extrême-Orient qui, elle, est essen tiellement bumaine, volontiers dermotrope et d’allure souvent épidémique. Reste maintenant à préciser la façon dont s’opère la contamination chez l’homme insi que nous allons le voir, le problème est encore loin d’être 8. — La cransmission de la maladie du chien à l’homme parait se faire par l’intermédiaire d’arthropodes piqueurs : tiques ou phlébotomes. S’il est banal d’enregistrer l'’évolution parallèle des manitestations humaines et canines il esr par contre plus difficile d’établir de façon cer¬ taine la manière dont les Leishmanies peuvent passer de l’organisme du chien à celui de l’homme. Après avoir mis en lumière l’improbabilité d’un contage LA PATHIOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE 162 direct par voie digestive ou cutanée, on a cherché parmi les arthropodes piqueurs ceux qui pouvaient être incriminés comme agents de transmission indirects. Presque tous ont dù être successivement éliminés, et si actuellement la possibilité d’une contamination par le phlébotome ou la tique reste vrai¬ semblable, il faut bien avouer qu’aucun fait indiscutable tant clinique qu’ex¬ périmental n’a encore permis d’asseoir définitivement cette opinion. L’intervention du phléhotome en particulier semble ne pouvoir être qu’assez rarement invoquée. C’est ainsi que le P, perniciosus, de beaucoup le plus fréquent dans nos régions (Raynal et le Gac), se rencontre aussi bien dans le centre des villes qu’à leur périphérie, piquant indistinctement adultes et enfants, et ne manifestant au contraire qu’une faible attirance pour le chien, toutes constatations qui sont nettement en désaccord avec les données essentielles de l’épidémiologie locale. Pour les tiques, il est vrai, le problème se pose un peu différemment. Nous avons déjà vu en effet à propos de la Fièvre houtonneuse, que les Rhipicéphales (R. sanguimeus) pullulaient littéralement dans le Midi de la France où on les voit au printemps courir par milliers sur les terrains dessé¬ chés ainsi que dans les herbages des jardins. Tous les chiens sans exception en sont infestés au point parfois de succomber à l’anémie aigué provoquée par leurs piqures multiples. Ces tiques s’attaquent parfois à l’homme, mais plus volontiers aux enfants, en général moins protégés par leurs vétements et vivant davantage au contact du sol. De pareils faits rendent évidemment très probable la participation des acares à la dissémination de la Leishma¬ niose dont ils seraient même pour Giraud les vecteurs habituels sous nos climats (1). Ainsi s’expliquerait à la fois la prédominance de la maladie canine, l’atteinte élective des sujets jeunes et la topographie particulière pré¬ sentée par l’affection. Malheureusement, cette conception n’a pas encore recu sa confirmation expérimentale malgré tous les travaux effectués dans ce but depuis 1930 par Blanc et Caminopétros (2). En atendant qu’un arzument décisif soit enfin apporté, le doute subsiste donc, rendant nécessaires des recherches nouvelles. Quelles conclusions pratiques peut-on maintenant tirer de cet exposé2 Tout d’abord, on peut en dégager cette notion fondamentale que le Kala¬ Azar est désormais dans notre Midi une maladie avec laquelle il faut compter et dont la méconnaissance risque parfois de conduire à des erreurs grossières. Celles-ci sont d’autant plus regretables que le diagnostic de cete affec¬ tion n’exige aucun effort spécial d’érudition ni aucune subtilité clinique par¬ ticulière, sa symptomatologie étant des plus simples malgré le nom exotique qu’elle porte. L’essentiel est donc de savoir y penser aussi bien devant un état fébrile qui dure que devant une splénomégalie ou une anémie qui ne font pas leur preuve, quitte ensuite à recourir à toute la série des examens de laboratoire qui, seuls, permettront d’aboutir à une certitude complète. (1) Deux cas de Fièvre boutonneuse relevés dans les antécdents d’enfants ulté¬ rieusement atteints de K.-A, vicnnent plaider en faveur de l’intervention d’un vecteur commun (probablement la tique) sans que cependant on puisse encore apporter à cette notion une confirmation exprimentale eertaine. (2) Le pou du chien (linognathus piliferus) serait également susceptible de propager la Leishmaniose humaine (Joveux) mais sa rareté d’une part, sa faible agres¬ sivité pour l’homme d’autre part, font qu’on ne lui attribue d’ordinaire qu’un rôle très secondaire dans la réalisation de l’endémie marseillaise. PROVENCE 163 Il ne s'agit pas là d'ailleurs d'un problème d'intéret purement spécula- tif mais au contraire d'une question vitale à un double titre. Du diagnostic posé découleront en effet des directives d'ordre à la fois thérapeutique et prophylactique. Les premières permettront grâce à un traitement stibié bien réglé d'assurer la guérison de sujets autrement condamnés à une mort cer taine. Quant aux secondes non moins importantes elle autont pour but d'enrayer la marche extensive d'une affection sévère qui a déjà suffisam ment pris pied sur le sol de notre pays. BIBLIOGRAPHIE 164 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE PROVENCE 165 EN LLILLCIE NCPIVINLE PE LY LINSTSE 166 IV. — LE PALUDISME EN CAMARCUE (et sur le littoral avoisinant). Bien que de tout temps rattachée à la Provence, la Camargue se rap¬ proche surtout par son aspect des plaines languedociennes dont elle prolonge vers le Nord les côtes basses marécageuses, perpétuellement battues des vents. Cette étroite parenté d’ordre géographique se retrouve dans le domaine de la pathologie comme le démontre notamment l’histoire du Paludisme que nous limiterons d’ailleurs aux événements de ces dernières années. Parmi les travaux parus sur ce sujet, nous citerons surtout, en dehors des quelques publications de Marchoux, de Pringault et de Sollier, l’ex¬ cellente monographie du Professeur Sautet qui constitue une mise au point précieuse de la question. Au cours de cette étude, l’auteur confirme tout d’abord la réalité de l’en¬ démie palustre dans le delta du Rhône et s’appuie à cet effet sur les quelques documents qu’il a pu réunir, lesquels, malheureusement, ne sont pas tou¬ jours d’une très grande précision. Parmi les renseignements les plus explicites, il faut mentionner la Statis¬ tique de Violle qui évalue à 139 le nombre des paludéens observés à l’Hpital d’Arles pendant la période comprise entre les années 1926 et 1930 incluses. Cette donnée est en accord avec celle fournie par le Directeur même de cet Etablissement, lequel aurait enregistré de 1931 à 1938 une vingtaine d’admis¬ sions annuelles pour Malaria, ce taux avant ensuite quelque peu baissé au cours des années 1939 et 1940 pour remonter vers les chiffres antérieurs en 1941 et 1942. PROVENCE 167 Mais il y a lieu de noter que tous ces cas provenaient en réalité aussi bien de la Crau que de la Camargue proprement dite. En outre, beaucoup de ces malades étaient étrangers au pays (Espagnols, Italiens, Nord-Africains. Indo-Chinois) et par conséquent susceptibles d’avoir amené de l’extérieur leurs germes intectieux. Enfin, dans la majorité des cas, le diagnostic clinique porté n’a pu recevoir sa confirmation hématologique. En sorte qu’il est bien diffi¬ cile dans ces conditions de tabler avec certitude sur ces quelques constatations. Signalons, à part cela, les résultats d’une enquête effectuée en 1936 par le Professeur loveux auprès des enfants des Ecoles des Saintes-Maries et des alentours. Celle-ci aurait permis notamment de déceler aux Saintes-Maries mêmes 12 porteurs de grosses rates parmi les 62 sujets examinés. Quoi qu’il en soit, cet état de chose ne semblait guère, à l’époque, rete. nir spécialement l’attention des habitants depuis longtemps habitués à subir les atteintes périodiques de la maladie. C’est pourquoi l’épidémie de 1943 vint, par sa brusquerie et son importance inaccoutumée, surprendre la popu¬ lation et troubler sa quiétude. En septembre 1943, en effet, est survenue dans le pays une bouffée épi¬ démique qui a permis au Corps médical de dénombrer 177 cas, chiffre mini¬ mum qui, selon Sautet, pourrait être très largement doublé, bien des malades n’étant pas venus consulter et d’autres avant quitté le delta avant de faire leur accès. Un des caractères essentiels de cette épidémie fut d’être localisée à la seule portion Sud-Quest de la Camargue, c’est-à-dire dans le secteur avoisi¬ nant les Saintes Maries avec, comme fover principal le groupement des mas Pin-Fourcat, Badet, de Taxil et Icard (voir la carte ci-contre). Dans tous les cas, il s’est agi d’une Fièvre tierce bénigne à Plasnodium pvipax avant très facilement rétrocédé sous l’influence du traitement. L’agent de transmision parait avoir été Anophêles maculipennis dans ses variètés atroparvus et camhournaci (Treillard) au demeurant encore res¬ ponsables de l’endémie actuelle. Pour expliquer l’apparition de cette épidémie. Sautet a fait intervenir un facteur biologique intéressant, à savoir le surpeuplement momentané des mas de la région par suite de l’arrivée récente, au moment même où l’ano¬ phélisme était à son comble (mois de septembre et octobre), de nombreux sujets étrangers au pays parmi lesquels il faut citer surtout les Jeunes des Chantiers appelés pour effectuer les vendanges. Tous ces individus, non pré¬ munis, comme les autochtones, ont rapidement joué le rôle de réactif dans ce milieu palusire en voie d’extinction spontanée mais cependant encore actif. Dans le circuit ainsi ouvert sont d’ailleurs venus s’insérer quelques autoch¬ tones, sans doute insuffisamment protégés par des atteintes trop anciennes. Ces quelques faits montrent une fois de plus combien it peut être dan¬ gereux de toucher à l’équilibre humain d’une contrée mualarigène tant que le mal n’en a pas été complêtement exclu. Ils confirment d’autre part la nécessité de certaines mesures de prophy¬ laxie desrinées à emnécher le retour de semblables incidents. A cet égard, il convient de procéder tout d’abord à la stérilisation par le traitement de tous les réservoirs de virus identifiés à la suite d’un dépistage sérieux. En second lieu, il faut interdire tout apport de germes de l’extérieur au moyen d’un filtrage rigoureux de tous les éléments étrangers au pays. Etant donné la tendance spontsnée à l’extinction du Paludisme en Camargue, cette double disposition doit normalement suffire. D’ailleurs, la destruction des gites lar¬ vaires, théoriquement désirable serait d’une réalisation particulièrement diffi¬ eile dans cette région à peu près partout envahie par les eaux stagnantes. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 168 LE PALUDLSME EN CAMABGUE PROYENCE 1689 8i l’on met à part le fover camarquais dont nous venons d’indiquer les caractères essentiels, le Paludisme ne se retrouve, guère actuellement sur le reste de la Côte provencale, sauf peut-être dans les environs d’Hyères. Icl encore on assistait depuis de nombreuses années à la disparition de la maladie, lorsqu’une subite flambée épidémique, contemporaine de celle du Languedoc. vint en 1942 et 1943 tout remettre en cause. C’est ainsi qu’au cours de cette période on put observer : 10 cas d’infection à Pl., vivax en bordure des marais de Palyvestre près d’Hyères, 10 autres cas dans la forêt domaniale du Dom, puis 3 dans le Massif de l’Estérel et enfin 26 plus loin, à Muy, dans la vallée basse de l’Argens. Du point de vue épidémiologique on est en droit de se demander si cette poussée, d’ailleurs éphémère et sans lendemain, est bien due à la reviviscence d’un Paludisme local latent encore insuffisamment éteint. Bien des arguments portent à croire au contraire qu’il s’agit, là comme ailleurs, d’un Paludisme d’importation amené de l’extérieur et avant pro¬ voqué secondairement quelques cas de contamination autochtone. A cet égard. l’intervention des contingents coloniaux hébergés sur la Côte et, plus encore. celle des leunes des chantiers introduits dans le pays après un séjour dans le Gard méritent d’être sérieusement incriminées. A Hyères comme sur le reste du littoral du Midi, la Malaria apparait donc en définitive comme une maladie en pleine voie d’épuisement, suscep¬ tible néanmoins de quelques réveits précaires sous l’influence d’apports étrangers. Quant à la situation Marselle même, elle se trouve exposée dans la thèse de L. Cérard (1943), qui fait suite à un an d’intervalle à celle de Vella consacrée au même sujet. Dans ce travail, l’auteur fait état de 148 observations recueillies dans les divers Hôpitaux de la ville, plus spécia¬ lement dans le service de clinique médicale du Professeur Matt́i et dans le service de pathologie coloniale du Médecin-Colonel Blanc Or, sur cet ensemble, 142 cas reconnaissent une origine extérieure, avant été contractés en Afrique (Afrique du Nord surtout) ou en Corse, tandis que 6 seulement accusent une origine locale, survenant chez des gens n’avant jamais quitté la région marseillaise. Dans la première éventualité, le tableau clinique est celui d’un Palu¬ disme de reviviscence schizogonique, alors que dans la seconde il affecte l’as¬ pect d’un Paludisme primaire d’apport anophélien. La nature du parasite en cause permet également de différencier ces deux formes l’une de l’autre. Plasmodium vivax étant habituellement le germe des rechutes, Plasmodium falciparum celui des primo-infections. Dans l’un et l’autre cas, d’autre part, on pourra observer des séquelles viscérales se caractérisant avant tout par une splénomégalie et de l’anémie. Quoi qu’il en soit, ce qu’il y a d’intéressant dans ces constatations, ce n’est pas tant la fréquence, évidente à priori, du Paludisme colonial dans le grand port, que la possibilité d’un PAludisme autochtone, même réduit à quelques exemplaires. Ainsi se trouve confirmée une fois de plus la nécessité d’une surveillance sanitaire étroite de tout le littoral méditerranéen, celui. ci n'’avant que trop facilement tendance du point de vue pathologique à devenir une annexe de l’Afrique et du Proche-Orient. BIBLIOCRAPHIE GÉRARD (1) Contribution à l'étnde des aspects cliniques du paludisme dans les hôpi¬ taux de Marseille. Thèse Marseille, 1943 MARCHOX (E). Le paludisme dans les pombes et en Camargue. Bull. Acad, méd., t, 97 1927, p. 67. PINGAUUT (E). Les culicidés de la rgion marseillaise. Marseille méd. t. 35, 1918, p. 912. 170 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Y — LA EIEVRE DES TROIS IQURS EN PROVENCE L’extension de la « Fièvre à Papatasi » à la Provence a suivi de très près son apparition dans le Bas-Languedoc que nous avons été l’un des pre¬ miers à signaler au cours de l’année 1941. Plusieurs facteurs devaient sans doute favoriser cette incursion : la similitude du climat et de la faune, la proximité d’une zone marécageuse éminemment propice au pullulement des preaoit uhe dop, drcaiece phnsmnet Ponte r Phlstioneot,due les infections. La première relation de « Fièvre des trois jours » faite sur la Côte pro¬ vençale est due à MM. Violle. Recordier et Mathé, lesquels observèrent à Marseille, durant l’été 1944, plusieurs cas d’une affection nouvelle qu’ils ne tardèrent d’ailleurs pas à identifier. Reconnue tout d’abord à l’infirmerie de la Gendarmerie maritime, elle devait ensuite être rencontrée dans de nom¬ breux quartiers de la populeuse cité, centre et banlieues, puis dans diverses localités du département. L’épidémie qui se prolongea jusqu’au début de l’automne eut son acmé en juillet. Le nombre des sujets touchés fut consi¬ dérable. En se limitant aux seuls cas dument diagnostiqués par les quelque quarante Médecins alertés dès cette époque, on arrive déjà à un bilan supé¬ rieur à 1 500. A cela il faut ajouter la multitude des faits avant échappé à la surveillance médicale, la population avant été très vite rassurée par la bénignité du processus au point souvent de ne plus faire appel aux Praticiens. En définitive, il semble permis aux auteurs précites d’evaller a D milliers, voire même à plusieurs dizaines de milliers, le total des cas survenus. au cours de cette première année. L’été 1943 a été marqué nar une reprise de la maladie mais toutefois avec une intensité beaucoup moindre que l’année précédente. A propos de 8 cas qu’il a pu observer à ce moment. Genevray nous a rappelé les traits essentiels de l’affection. Bornons-nous pour l’instant à signaler que ces quel¬ ques cas se sont déclarés dans le camp de rapatriement vougoslave de Mazargues, et qu’à part certains détails symptomatiques ils ont évolué sur le mode habituel. A Marseille même, les atteintes furent assez fréquentes pendant cette saison, et il y en eut notamment parmi les troupes améri¬ caines stationnées dans la ville. PROVENCE 173 La « Fièvre à Pappataci » semble donc avoir pris pied désormais sur le litoral marseillais. A partir de ce foyer originel, elle a toute chance de gagner,, dans un avenir plus ou moins proche, les régions avoisinantes pour peu qu’elle y trouve l’hote intermédiaire nécessaire à sa transmission. Déjà, en 1944, on l’a vue pousser une pointe avancée le long de la Côte jusqu’à Toulon, où André et Bourgain ont pu en observer une vingtaine de cas explicables par la présence dans le pays de plusieurs espèces de Phlébotomes. et en particulier de Phlébotomus Paroti. Au reste, il est très probable que la maladie n’a pas attendu l’année 1944 pour se manifester en Provence. Selon Violle, elle s’y serait déjà montrée au cours des années précédentes, et surtout en 1943, sous forme de quelques foyers isolés et encore très réduits. Sans doute avait-elle été jusqu’alors con¬ fondue avec d’autres pyrexies à prédominance estivale telles que le Paludisme ou la Spirochétose ictérigène. Nous n’insisterons guère sur les aspects du tableau clinique que nous avons déjà esquissés en relatant les premiers cas montpelliérains. Depuis cette publication, il est vrai, diverses précisions ont été apportées, touchant à la séméjologie de la maladie, en vue surtout de dégager, parmi les symp¬ tomes constatés, ceux qui sont les plus caractéristiques et les plus constants. A l’heure actuelle l’affection, dans sa forme commune, semble pouvoir se définir par le schéma suivant : « Etat infectieux aigu, à début brutal, avec fièvre élevée le plus souvent diphasique, réaction méningéc avec hypercytose nette, alhuminorachie normale ou légèrement augmentée, céphalées intenses étroitement parallèles aux modifications de la température, algies diverses. Guérison spontanée en quatre à sent jours;: asthénie résiduelle asséz pro¬ noncée » (Sohier). Ajoutons, pour être complet, une iniection conionctivale fréquente, une bradycardie, relative, et la possibilité d’une hypertrophie hépato-splénique passacère. L’incubation serait de l’ordre de 5 jours à en juger d’après certaines données fournies par l’épidémiologie et par l’expérimentation. Reste maintenant à préciser la nature véritable du processus. D’emblée plusieurs hypothèses ont pu être éliminées comme celle d’une Crippe avec ses phénomènes respiratoires et son extrême diffusibilité, d’une Méningite Iymphocytaire dont, seule, la forme sporadique a été jusqu’à présent décrite. d’une Leptospirose enfin, non exceptionnelle sans doute à Marseille comme à Toulon, mais qui relève d’un mode de contagion tout diff́rent (rôle du rat). Notons en passant que certaines Spirochétoses à forme anictérique et méningée peuvent toutefois prêter à confusion d’autant plus qu’elles s’accom¬ pagnent ordinairement d’injection des conjonctives : dans le doute, la pra¬ tique d’un séro-diagnostic permettrait immédiatement de trancher la difficulté. Ces quelques exclusions faites, force était d’admettre la possibilité d’une entité morbide encore ignorée dans le pays et introduite de fraiche date sur notre littoral. C’est à lanhon que revient le mérite d’avoir le premier songé à la « Fièvre à Pappataci » laquelle, on le sait, est très répandue en d’autres points du Bassin méditerranéen (Asie Mineure. Grèce, Italie, etc.). Il se basait en cela sur la violence du début, l’allure infectieuse et neurotrope, la rapi¬ dité de l’évolution. A ces arguments cliniques venait s’en ajouter un autre, plus décisif encore, à savoir la présence constante du Phlébotome (Phl, papa¬ tasi) (1) partout où l’affection était signalée (Harant 1940). Dès que nous eûmes connaissance de ces curieuses « Grippes d’été », c’est à ce diagnostic que nous nous sommes immédiatement ralliés, Par la suite, comme nous venons de le voir, la même opinion devait être émise par les auteurs marseillais. Actuellement, c’est elle qui s’est accréditée dans tout le Midi de la France. sa propagation. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 172 Ce n’est pas cependant que la maladie s’y présente toujours sous sa forme la plus elassiqhue. Cériaines anomalies méritent même d’être mentionnées telles que la défervescence souvent retardée (7e ou 8° jour) et la modicité de l’hyper¬ albuminorachie. C’est ce qui a permis à Sohier, dans une étude très objec¬ tive récemment parue, de soulever à nouveau le problème de la Dengue. malgré l’absence des manifestations digestives et éruptives habituelles à cette affection. Nous ne reviendrons, pas sur cette discussion que nous avons déjà abordée par ailleurs. De touje facon, la question ne saurait être pour le moment résolue de manière définitive, dans l’ignorance où l’on se trouve de l’identité véritable du virus causal ainsi que des conditions qui président à BIBLIOCRAPHIE L. ANDRÉ et BOLRGAIX. La Fièvre à phlébotomes dans la région toulonnaise. Soc, de Méd. militaire franc., séance du 1I octobre 1945. 2. GESEYRAY (J.). La Fièvre à pappataci en France. Note sur huit cas observés dans la région marseillaise. Presse méd., n° 6, 9 févr, 1946, p. 98. tome l, n° 3, 1942-1943, pp. 216-221. 4. SOHTER (R.) et GAUBERT (Y.). Sur une maladie épidémique fébrile avec réaction méningée spontanémont curable observée récemment en France (Fièvre du « Groupe dengue » ou entité morbide nouvelle 2). Presse méd., n° 30, 29 juin 1946, p. 433. 5. VIOLLE (H.), RECORDIER (A.-M.) et MATHE. La Fièvre à phlébotomes dans la région narseillaise. Correspondance, Presse méd, n° 28, 15 juin 1946, p. 408. VI. — L’AMIRILASE: ET LES PARASITOSES INTESTINALES A. — L’AMIBIASE. L’histoire de l’Amibiase en Provence semble remonter à la fin du siècle dernier. Déjà en 1884 le Professeur Arnaud décrivait au cours de son ensei¬ gnement à l’Ecole de Médecine de Marseille les différents aspects cliniques rencontrés dans l’hépatite. En 1912. Costa publie une observation d’Amibjase efficacement traitée par l’émétine. Mais il faut en réalité les événements de 1914-1918 pour que l’attention se trouve véritablement attirée sur les inci¬ dences locales de cette maladie jusqu’alors considérée comme essentiellement exotique. C’est qu’entre temps, à la faveur des mouvements incessants de troupe qui s’effectuent entre la Macédoine, l’Afrique du Nord et notre pays. l’Amibiase a fini par s’installer définitivement sur nos côtes méditerranéennes où l’on a vu bientôt apparaitre les premiers cas d’infestation autochtone. Depuis lors, après une accalmie momentanée liée au ralentissement du trafic avec l’Orient entre 1940 et 1944, le mal n’a pas tardé à retrouver toute son activité à l’occasion de la reprise des échanges. Il ne faut pas oublier, en effet, que l’Union française comptait alors de nombreux territoires hautement contaminés parmi lesquels la Cochinchine (taux d’infestation: 25,7 9%), le Maroc (T. J. : 21,7 %), le Niger (T. J. : 20 26), le Tonkin (T.I. : 15 %%) et la Nouvelle Calédonie (T.I. : 5,9 2). Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que soient PROVENCE 7P nés sur nos côtes méditerranéennes et plus spécialement dans la banlieue marseillaise dont la population est très mélée, autour des cas importés, de véritables foyers d’endémie qui, aujourd’hui, ne paraissent pas près de s’éteindre. Pourtant, lorsqu’on consulte les Statistiques qui se rapportent à ce sujet. on est immédiatement frappé de la modicité des chiffres qui y figurent. Ne parlons pas, bien entendu, des Statistiques officielles dont ici la carence est totale (23 cas signalés en tout et pour tout par le Bureau d’Hygiène de Marseille durant la période comprise entre 1937 et 19457). Seules les Statis¬ tiques privées se sont révélées susceptibles de nous fournir des renseignements utilisables encore que fort incomplets. C’est ainsi qu’en 14 années de pra¬ tique médicale hospitalière et urbaine (1919-1933) le Professeur Mattéi n’est parvenu à réunir que le total très réduit de 42 observations, soit à peine une moyenne de 4 par an. Il est vrai que dans une lettre qu’il a eu la grande obligeance de nous adresser en noyembre 1946 en réponse à nos questions. il’nous a déclaré recevoir désormais dans son service de l’Hotel-Dieu de Mar¬ séille une vingtaine d’amibiens environ annuellement, chiffre comme on le. voit plus élevé que par le passé, mais qui demeure néanmoins fort modeste. De semblables bilans, en opposition manifeste avec toute observationt quelque peu attentive des faits, ne doivent pas nous étonner outre mesure. Dans un souci d’objectivité certainement des plus louables, la plupart des auteurs ne tiennent compte en effet que des cas qui ont recu confirmation du Laboratoire, à l’exception de tous ceux dont la preuve parasitologique n’a pu être apportée. Or, on sait combien sont fréquentes en matière d’Amibiase les formes atypiques ou frustes, se limitant notamment à des symptômes d’entéro-colite hanale que seuls rendent suspects leur ténacité. Le plus sou¬ vent ces cas demeurent méconnus ou ignorés. Lorsque par hasard ils sont soupconnés, leur identification nécessite ordinairement toute une série d’exa¬ mens coprologiques à effectuer suivant des techniques spéciales. Si de telles recherches sont à la rigueur possibles lorsqu’on a affaire à la population fixe de la Côte, elles deviennent par contre difficiles à réaliser dès que l’on s’adresse à la masse mouvante des vovageurs étrangers et des touristes occa¬ sionnels chez qui se rencontrent cependant la grande majorité des porteurs de germes. Ainsi s’explique le nombre important des malades qui échappent constamment à la vigilance médicale et se trouvent exclus des publications. Ce qu’il faut donc savoir en définitive, c’est que l’Amibiase est répan¬ due dans le Midi de la Frapce beaucoup plus qu’on ne le croit commu¬ nément, le Praticien avant le devoir d’y songer systématiquement en pré¬ ence de toute colite rebelle résistant aux traitements habituels (1). (1) Le problème est en réalité des plus complexes. A cêté des malades présentant des troubles digestifs avérés et chez lesquels la preuve parasitologique de l’amibiase est pourtant difficile à apporter, il en est d’autres, dénommés « porteurs sains », dont les selles contiennent des Kystes du type amibien sans qu’ils en soient le moins du monde incommodés. D’après Joveux et Saitet, le nombre de ces derniers atteindrait approxima¬ tivement les 57100 de 1a population française, Au cours d’une enquête effectuée dans les différents milieux de Toulon. Pirot a décelé de tels kystes chez 43 sur 500 individus examinés, soit la proportion élevée de 8,6 pour 100 des cas. On à beaucoup discuté su le pouvoir pathogene" de cès formes, végéthtives surtout lorsqu’elles ne paraissent pas hématophages, Brumpt en 1935, à la sûte des observations de Shimura, a même crét l’espèce Ebtainocha dispar, identique morphologiquement à Entamoeba dysenteriae. dont elle ne se distinguerait que par son absence de virulence pour le chat. En réalité. il a été démontré debuie que le facteur « virulence » chez les protozoaires était abso¬ lument «contingent »" et qu’il dépendait notamment de la nature de la flore intestinale associée. Comme cele-ci varie sulivant les régions, on s’explique dès lors les variations que l’on observe dans la répartition géographique de la maladie. Quoi qu’il en soit Joveux et Sautet conseillent de considérer tout porteur de hystes à 4 noyaux comme un dysentérique en puissance et de le traiter comme tel, pour peu que la clinique ou les nntécédents laissent planer le moindre doute sur l’intégrité de l’appareil digestif LA PATHOLOGIE géGIOMALE DE LA FRANCE 174 En ce qui concerne maintenant sa répartition topographique, l’affection se localise surtout à la région marseillaise où elle est apparemment endé¬ mique dans les trois quartiers Nord de Saint-Louis. Saint-André et Saint¬ Henri largement habités par les Nord-Africains. Au reste, il est probable qu’il s’agit bien plus souvent ici d’Amibijases « importées » que de cas d’ori¬ gine véritablement « autochtone », c’est-à-dire contractés sur place (Mattéi). C’est sur ce fond permanent que viennent parfois se greffer des poussées épidémiques comme celle que l’on a vu se produire récemment aux environs de Bouc-Bel-Air et en bordure de l’étang de Berre (Mattéi. Olmer), faisant alors songer à des contaminations purement accidentelles consécutives sans doute à la souillure du sol par les troupes exotiques de passage (1). Reste enfin la question des aspects cliniques : forme dysentérique simple ou formes compliquées. Dans sa publication de 1933 portant sur un ensemble de 42 cas, Mattei a essavé de déterminer leur fréquence relative et a communiqué à ce sujet le tableau suivant : 3 hépatites suppurées sur 25 cas chez les amibiens coloniaux; L’auteur signale au surplus un 43° cas d’Amibiase pulmonaire probable. Les différences nettes qui apparaissent à la lecture de ce bilan entre les diverses catégories de malades semblent pouvoir s’expliquer par ce fait que. tandis que les amibiens autochtones tous porteurs de formes larvées n’ont été traités que tardivement par l’émétine, les autres, atteinis de formes intesti¬ nales sévères ont au contraire bénéficié d’un traitement beaucoup plus rapide qui leur a permis d’échapper pour la plupart aux complications suppuratives secondaires. Ainsi se trouve démontrée une fois de plus la nécessité de la cure émé¬ tinienne précoce, à laquelle il sera d’ailleurs indiqué de recourir à titre d’épreuve dans tous les cas qui paraitront douteux. B. — U’ÉCHINOCOCCOSE. L'’évolution du Tania échinoçoque s’acomplit avec une particulière faci¬ lité dans tous les pays d’élevage où chiens et moutons vivent en continuelle promiscuité. C’est dire que la maladie hydatique devait trouver dans le bassin méditerranéen, devenu l’un des foyers d’endémicité les plus importants du globe, les conditions les plus favorables à son développement. Effectivement très répandue en Afrique du Nord, l’affection est également fréquente en Svrie, en Grèce, en Vougo-Slavie, en Dalmatie, en Italie, et surtout en Sicile et en Sardaigne. En France, c’est tout naturellement en Corse, en Provence et dans le Bas-Languedoc qu’il faut avant tout la rechercher. Mais. comme le fait remarquer loveux, alors que dans la première de ces régions (1) Olmner signale en février 1946 quatre cas d’hépatite amibicnne récemment hospitalisés dans son service à Marseille, dont trois au mnoins concernant des malades contaminés au contact de troupes africaines venues des régions où l’amibiase est endé¬ mique. La contagion parait avoir eu pour intermédiaire l’ingestion de crudités souillées par des déjections humaines et peut-être aussi l’utilisation d’eau de puits infectée par des porteurs de germes. Il rapproche ces faits cliniques des constatations récentes de Sautet, Asseo et Came, qui ont relevé à Marseille une augmentation considérable, depuis la guerre, des porteurs de kystes à 4 noyaux, du type dysentérique. Tanon et Brumpt font remarquer, à propos de cette communication, qu’il s’agit, en l’espèce, de cas de contagion ou d’importation, mais non de véritables cas autochtones au sens strict du terme. PROYENCE 175 elle est strictement autochtone et limitée au cheptel local, dans les deux autres par contre, elle reconnait habituellement une origine étrangère, ce qui s’ex¬ plique aisément par les importations incessantes de bétail qui s’effectuent en temps normal d’Algérie à destination de Marseille. C’est d’ailleurs essentielle¬ ment autour de ce grand port que l’affection se trouve concentrée, sa zono de prédilection s’étendant sur les deux départements des Bouches-du-Rhono et du Var. A cet égard, il est asez curieux de noter qu’aucune Statistique précise n’a encore été établie touchant à la fréquence de l’Echinococcose humaine en Provence dont la notion ne repose en conséquence que sur l’observation commune. Les publications médicales se bornent en effet à relater les faita particuliers présentant un certain intérêt clinique. C’est ainsi que tous les ans des communications sont faites dans les Sociétés locales concernant notam¬ ment le Kyste hydatique du poumon dont 12 cas ont été rapportés à la seule séance du 23 avril 1932 de la Société de Médecine de Marseille (voir bibliographie). En ce qui concerne par contre l’importance de l’endémie canine, nous possédons un document un peu plus explicite. A Marseille, sur des chiens de fourrière provenant de la ville et de sa banlieue immédiate, Joveux a trouvé le Taenja adulte dans la proportion de 4 sur 63 soit 6 34 pour 100 des cas. Ce chiffre peut sembler faible à première vue. En réalité, ce pour¬ centage est essentiellement variable suivant les endroits où sont capturés les chiens et serait certainement plus élevé aux abords des abattoirs. Il suffit de toute façon à souligner le danger que fait courir à l’homme la fréquente contamination de l’animal domestique le plus familier. C. — LES PARASITOSES INTESTINALES COMMUNES Si l’on aborde en premier lieu le chapitre des Helminthiases, disons tout de suite qu’il suffit de se rapporter à l’excellente thèse de Vovan Can parue en 1935 pour trouver une mise au point à peu près complête de la question. Voici les constatations essentielles qui ont été faites en Provence par cet auteur. Evaminant les selles de 200 entants des Fcoles, celui-ci est parvenu à déceler un parasitisme intestinal chez 158 d’entre eux, c’est-à-dire dans la proportion élevée de 78 % des cas, la répartition en fonction des différentes parasites se faisant de la façon suivante : Ce tableau appelle les quelques commentaires ci-après : 1. -— Trichocéphales. Si l’on compare les résultats obtenus par Vovan Can à ceux qui ont été publiés par les coprologues dans les autres régions françaises, on s’aper¬ soit que la Provence jouit sur ce point d’un fâcheux privilège qu’elle partage d’ailleurs avec la rédion bordelaise (Pirot, 1924, 69 %% des cas positifs) et l’Alsace (80 % des enfants contaminés à Strasbourg selon Borrel). LA PATHQLIOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 176 Les taux sont par contre moins élevés à Lyon d’après Morénas (21,70 9 en 1928) à Montpellier d’après Calavielle (45, 17 % en 1922) et surtout Harant (2,5 % en 1935), à Paris enfin, selon Poublan (18, % en 1926). Lenoir et Deschiens (25 6% en 1925) et Nobécourt (32,6 9% en 1933). Il est vrai qu’à Marseille même Pringault en 1921 n’avait noté que 8, 16 %% de contaminations, tandis qu’à Toulon Pirot, en 1931, en relevait à peine 13,6 % de son coté. Ce qui prouve bien que les chiffres peuvent varier suivant les lieux, les auteurs et les prélèvements choisis. 32. - Ascaris lumbricoides. Les mêmes réserves sont à faire en ce qui concerne les Ascaris que, par ailleurs. Pringault a rencontré à Marseille dans 8,15%% et Pirot à Toulon dans 2,8 2% des cas. Ces valeurs sont à rapprocher de celles trouvées un peu partout et notam¬ ment à Paris, par Deschiens (1 %) et Nobecourt (8,6 %), à Lyon par Morénas (1,25 %), à Bordeaux par Pirot (13 2), à Montpellier par Harant d’une part (3,8 2) et Galavielle de l’autre (8,92 9% en milieu hospitalier). Elles paraissent inférieures à celles rencontrées dans l’Est de la France où Borrel, à Strasbourg, a relevé 5 2% de contaminations chez les fillettes non goitreuses et jusqu’à 51,7 2% chez les porteuses de goitres, constatations qui l’ont amené tout naturellement à formuler des hypothèses pathogéniques fort intéresantes quant à l'origine de ces lésions. 3 - Oxvuces vermiculaires. Rappelons immédiatement en ce qui concerne ce ver qu’il existe une opposition flagrante entre la Clinique qui le considère comme très rébandu et le Laboratoire qui le donne pour rare. On sait que cette opposition n’est d’ailleurs que purement apparente et tient à ce fait que normalement la femelle ne pond guère ses œufs dans le tube digestif, ce qui rend très incer¬ taine leur découverte dans les selles. Le taux de 4,5 %% relevé par Vovan Can à Marseille est sensiblement comparable à ceux enregistrés à Paris par Deschiens (1 2%) et Nobecourt (4 %). à Bordeaux par Pirot (5 %), à Montpellier par Galavielle (1.53 26) et Harant (0,8 29). Il tient en tous cas le juste milieu entre les chiffres précédemment publies en Provence par Pirot à Toulon (02 26) et par Pringault à Mar¬ En réalité, ces proportions ont été établies à la suite de recherches effec¬ seille même (11,87 22). tuées selon les techniques classiques. Il serait intéressant de reprendre ces investigations en utilisant cette fois la méthode moderne dite de la « cellophane adhésive », laquelle apporte des résultats infiniment plus précis (voir Bassin parisien: région illoise). 4. - Antylostome duodénales Les deux cas signalés par Vovan Can sont intéressants à mentionner. l’ankylostomiase étant généralement considérée comme une affection spéci¬ tique des pays miniers. Si l’un de ces cas semble avoir été contracté en Calabre, l’autre survenu chez un habitant des Basses-Alpes apparait d’ori¬ gine manifestement autochtone. Cette parasitose étant assez fréquente dans la région de Genes et d’ailleurs dans toute l’Italie, rien ne s’oppose dès lors à penser, qu’elle peut être importée chez nous par les nombreux travailleurs 1 agricoles venant de l’autre côté des Alpes. Quoiqu’il en soit, la nature arg leuse du sol et la chaleur du climat constituent certainement des facteurs favorables à son développement dans le Sud-Est français. PROVENCE 177 5. — Hymenolepis nana. D’une extrême rareté dans le Nord de la France, ce ver semble relati¬ vement plus fréquent dans le Midi où aux 5 cas de Vovan Can vient s’ajouter celui signalé par Pirot à Toulon. D’ailleurs, il s’agit là d’un Cestode assez commun dans le Sud de l’Europe, en particulier en Espagne et en Italie. Des recherches ont été faites en vue de déterminer les relations qui peuvent exister entre l’Hymenolepis nana et les Hymenolepis des rats spé¬ cialement nombreux à Marseille. Un lot de 446 rats a été examiné à cet effet par Vovan Can, mais à aucun il n’a été possible d’inoculer le germe humain, même en modifiant le régime alimentaire et en privant ces ani¬ maux de vitamine A. Du point de vue clinique, on sait que toutes ces parasitoses sont suscep¬ tibles de se traduire tantôt par des troubles digestifs (entérocolites), tantot par des troubles cutanés (prurit, urticaire, œdèmes transitoires), tantôt enfin par des acidents nerveux (migraines, convulsions, réactions méningées). Mais plus souvent encore on les voit demeurer muettes pendant toute la durée de leur évolution, leur découverte constituant alors une surprise d’examen. Elles s’observent beaucoup plus souvent chez les enfants que chez les adultes, plus souvent aussi chez les sujets avant séjourné à l’étranger que chez ceux qui n’ont pas quitté le pays (80 %% contre 77 2 dans la Statistique de Vovan Can). A cet égard, Pirot conclu d’une enquête qu’il a effectuée à Toulon sur un contingent de 100 tirailleurs noirs que ceux-ci ont une ten¬ dance spontanée à se débarrasser de leurs Helminthes au cours de leur séjour en France. Du point de vute énidémujologique on ne saurait trop insister sur le rêle nétaste attribuable à l’ingestion des salades crues dans la dissémination des Helminthes en Provence. Le mode défectueux d’arrosage parait surtout res¬ ponsable de la souillure des plants. Sur 100 échantillons de feuilles de laitues vendues sur les différents marchés de Marseille, la présence de divers para¬ sites a été constatée et notamment celle d’Ascaris lumbricoides et de Trichuris trichiura dans une proportion de 4 6% des cas respectivement (Vovan Can). Pour terminer, nous voudrions dire un mot des Protozoaires Parasites. mais ici nous serons plus bref. Si l’on met à part les Amibes déjà envisagées il convient surtout de citer, parmi les Infusoires, le Balantidium coli, et parmi les Flagellés, le Giardia intestinalis. Le Balantidium coli, capable exceptionnellement de déterminer une Dysen¬ terie véritable, n’existe guère chez nous en tant que parasite humain, Par contre, on le rencontre assez souvent chez son hôte normal, le porc, dans les élevages de la région marseillaise. Quant au Ciardia, dont le rêle pachogène esr beaucoup plus certain, il a été décelé par Pringault à Marseille chez 2,00 % des sujets examinés, et par Pirot à Toulon dans 3,8 2% des prélèvements, soit une fréquence sensible¬ ment moindre qu’à Paris (10,64 % des cas pour Bidegaray, et 12 % pour Terrial). En définitige, il ressort de la documentation précédente, relative aux Parasitoses intestinales en Provence les quelques faits suivants : a) L’Amibiase est fréquente dans cette région comme sur tout le littoral méditerranéen, surtout si l’on tient compte des nombreuses formes atypiques ou larvées tron souvent méconhues On la voit sévir tout particulièrement dans la région marseillaise. b) Il en est de même de l’Echinococose dont la zone de prédilection caulenent cohitulse, par le dpurtenent, des Bouches-du Bhoma et du Vars 12 LA PATHIOIOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE 178 c) En ce qui concerne les autres affections parasitaires de l’intestin. elles ne semblent guère, en dernière analyse, plus répandues ici que partout ailleurs en France, sauf peut-être pour la Trichocéphalose. Les examens coprologiques ont permis d’autre part de constater la pré¬ sence d’Hymenotepis nana dans le pays. Dans l’ensemble le degré de contamination de la population à l’égard des Ascaris. Oxvures. Trichocéphales, etc, parait moins élevé à Marseille qu’à Toulon, ce que Pirot tente d’expliquer par des conditions météorologique particulières. BIBLIOCRAPHIE A — AMIBIASE ET PARASITOSES INTESTIVALES DIUERSES. PROVENCE 128 VII. — LES MALADIES INFECTIEUSES, EPIDEMIQUES ET CONTAGIEUSES COSMOPOLITES LES FIEVRES ÉRUPTIVES L’étude que nous avons précédemment consacrée aux maladies conta¬ gieuses dans les départements tout proches du Bas-Languedoc-Roussillon nous dispensera ici de longs commentaires, les conditions épidémiologiques locales étant, dans leurs grandes lignes, semblables le long du littoral de part et d’autre de la vallée inférieure du Bhône. Voici tout d’abord deux tableaux dressés sur les mêmes bases que dans le travail précité.. Morbidité moyenne pour 100 000 habitants enregistrés en Prouence par l’Institut National d’Hygiène durant la periode 1938 (1939): 1945 Morbidité moyenne pour 100 000 habitants enregistrée en Provence par l’L N. H. durant la période 1949-1953 LA PATLIOLOGE RÉGIONAE DE LA FRANCE 180 Quelles conclusions peut-on tirer de ces documents" En ce qmi concerne en premier lieu la Sarlatine, si cette maladie DAE bénéficier en Provence du même caractère de bénignité que dans le Bas¬ Languedoc, elle est loin, par contre, de s’y manifester avec la même rareté. Bien mieux, elle semble aujourd’hui vouloir prendre dans certains départe¬ ments les aspects d’une endémie véritable, sujette parfois à des poussées épi¬ démiques violentes. C’est ainsi qu’en 1949 les services publics ont pu enre¬ gistrer 68 cas de cette fièvre éruptive dans les Hautes-Alpes, 326 dans les Alpes-Maritimes et 182 dans les Bouches-du-Rhône, bientôt suivis respective¬ ment de 53, 257 et 325 cas en 1953. Des remarques analogues peuvent être faites à propos de la Bougeole dont la fréquence en Proyence n’est pas négligeable et donne lieu également à des paroxysmes très accusés. Ceux-ci s’observent surtout dans le départe ment des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches- du-Rhône, lesquels ont tota¬ lisé 1 800 atteintes en 1941, 2 400 en 1945 et à nouveau 1800 en 1952. A cette zone de forte morbidité morbilleuse il convient d’ailleurs d’adioindre le département sublittoral des Basses-Alpes ainsi qu’en témoigne le précédent tableau. Cette affinité spéciale pour les départements côtiers se retrouve intégra¬ lement pour. La Dibhtérie "C’est du rèste pour cette dernière affection une notion d’ordre général sur laquelle nous reviendrons ultérieurement en étu¬ diant la pathologie des rivages atlantiques. Très répandue dans ces secteurs. au point que ceux-ci constituent un des principaux foyers de France, la maladie Y est en outre grave. Tous les documents sont d’accord sur ce point, qu’ils soient civils ou militaires. Cassoute et Poinso avant eu notamment l’occasion de traiter entre 1924 et 1933 dans le service de Clinique infantile de l’Université de Marseille 78 cas de Diphtérie maligne dont 39 — soit. 50 pour 100 comportant des accidents hémorragiques. Il serait toutetois injuste de ne pas reconnaître que depuis quelque temps la situation s’est beaucoup améliorée par suite de la généralisation des vaccinations. La confrontation des deux tableaux ci-dessus en fournit d’ail¬ leurs une preuve certaine ainsi que de multiples publications récentes dont celle de Bestien et de ses collaborateurs. Pour ces auteurs, en effet, l’indice de morbidité diphtérique, à Marseille même, serait passé de 162,08 pour 100 000 habitants en 1940 à 22,88 en 1950, cependant que parallèlement le taux de mortalité s’abaissait de 9,27 à 144, cette évolution favorable étant attribuable aux 106 000 vaccinations effectuées durant ce laps de temps dans les Bureaux d’Hygiène, dans les Ecoles et chez les Médecins traitants. C’est là un fait nouveau dont il est inutile de souligner l’intérêt, mais qui, en réa¬ lité, déborde largement le cadre de notre Midi méditerranéen. A ce titre, i n’appartient pas en propre à la pathologie régionale, celle-ci avant essen¬ tiellement en vue les facteurs locaux susceptibles d’intervenir aussi bien dans la genèse que dans l’épanouissement des processus morbides. Nous n’insisterons guère sur la Méningite cérébro-spinale justiciable, elle aussi, des mêmes observations que les précédentes affections. Ici, on constate également : 1° une localisation élective de la maladie sur les trois départe¬ ments des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes; 2° une régres¬ sion sensible depuis quelques années des taux de morbidité et surtout de la mortalité manifestement imputable, comme chacun sait, à l’emploi désormais systématique des antibjotiques. Nous voudrions seulement mettre l’accent sur l’importance toute particulière que revétaient avant guerre les Méningococcies sur le littoral provençal. L’épidémie marseillaise de 1939 en fait foi, avant été responsable, selon Olmer, de plus de 150 atteintes. Rappelons que cette épidémie a vraisemblablement comporté deux courants absolument distincts quoique simultanés, à savoir, d’un coté le réveil annuel de l’état endémique Bouches-du-Rhône. PROYENCE 181 local et, de l’autre, un apport exogène lié au débarquement récent de contin¬ gents indochinois infectés. Quoiqu’il en soit, les foyers ont pu rapidement se multiplier à la faveur de l’encombrement, des grands froids et d’un « portage de germes » particulièrement intense parmi la population. Exception faite de quelques formes suraigués, le pire a pu toutefois être évité grâce à la mise en œuvre précoce de la médication sulfamidée encore toute à ses débuts, et dont la brillante carrière ne faisait alors que commencer. L’intervention des apports étrangers dans le développement des maladies infectieuses en Provence nous amène à dire un mot de la Variole et de ses agressions répétées sur Marseille. La dernière en date des épidémies que cette affection a occasionnées est celle d’avril 1952, au cours de laquelle 38 cas sont apparus dans le Sud-Est de la France, dont 34 dans les Bouches-du¬ Rhône, 2 dans le Var et 2 dans le Vaucluse. Parmi les 33 cas signalés dans le grand port méditerranéen, 25 sont à rapporter à un foyer hospitalier civil où 4 décès se sont produits. En cette circonstance, 620 000 vaccinations ont été pratiquées (Violle). Malgré certaines obscurités de l’enquête, il semble bien que la contagion ait eu ici pour origine l’arrivée dans la région de militaires tout nouvellement rapatriés d’Extrême-Orient. Quant au Rhumatisme articulaire aigu, on connait ses incidences spé¬ ciales sur les milieux jeunes de l’Armée. A ce sujet, les Statistiques militaires nous enseignent que l’indice de morbidité pour Maladie de Bouillaud qui était en Provence de 11.29 pour 1000 hommes d’effectif durant la période 1927-1936, est tombé à 3,25 au cours des années 1951-1952. Comparés aux indices pour la France entière qui, aux mêmes époques, étaient respective ment de 12,48 et 4,75, ces chiffres indiquent pouir notre province méditers ranéenne des répercussions assez modérées. Ils traduisent au surplus un recul appréciable de la maladie dont il y a lieu d’espérer qu’il sera durable. Reste la Poliomyélite. En raison des problèmes de brilante actualité que son développement soulève, nous allons lui consacrer ci-après un paragrapn spécial. LA POLIOMYÉLITE C’est aujourd’hui un fait bien établi que la Poliomvélite se complait dans les campagnes et plus particulièrement dans les plaines humides, au voisinage des cours d’eau. Dans ces conditions, il était logique de s’attendre à ne la rencontrer que rarement en Proyence, exception faite peut-être pour la vallée du Rhône¬ C’est effectivement ce qui parait résulter de l’excellente étude de P. Lafarge consacrée à l’histoire de la maladie en France depuis ses origines. c est-à-dire depuis la petite épidémie de Sainte-Foy-l’Argentière en 1865. D’après ce travail, la Poliomvélite n’aurait fait son apparition dans la région du Sud-Est que vers la fin de la première guerre mondiale, pour s’y maintenir ensuite sous forme de cas sporadiques échelonnés d’année en année. C’est ainsi que Pavan et Massot ont pu en identifier 110 cas à Marseille entre 1919 et 1926, 39 d’entre eux étant survenus au cours de la seule année 1925. Par la suite, il convient encore d’y signaler les deux « épidémies » de 1934 et 1937 décrites, l’une par Violle et Montus, l’autre par G. Dufour et responsables chacune de 38 atteintes. Plus près de nous enfin, les Statis¬ tiques de l’Institut National d’Hygiène relatives à la période 1938-1945 ne mentionnent que 89 cas de paralysie infantile durant ce laps de temps, chiffre qui n’est guère en faveur d’une progression du mal et ne correspond qu’à l’indice de morbidité modeste de 1 pour 100 000habitants pour les Morbidite polionvétitique en Provence durant la période 1949-1953 (L.N. H.). 1A PATLOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCT 182 D’ailleurs, ce sont des taux sensiblement identiques que l’on relève paral¬ lèlement dans les départements voisins des Alpes-Maritimes (138), du Vau¬ cluse (1.05) et du Var (1.02). Dans les Hautes-Alpes, l’indice est même encore plus bas puisqu’il n’est que de 0.7I, compensé il est vrai par celui des Basses Alpes qui atteint 3,62, probablement en raison du caractère très cairseme de la population qui fait que l’éclosion de quelques cas suffit à provoquer des moyennes anormales. De toute façon, on est loin de retrouver en Provence les indices élevés qu’il est courant d’observer dans d’autres régions et notamment en Aquitaine. dans la Marne, l’Anjou et la Bourgogne. Autrement dit, la Poliomvétite n’apparait guère comme une affection provençale (1). Tout au plus se mani¬ feste-t-elle cà et là par cas espacés, surtout fréquents dans les campagnes. saut toutefois en ce qui concerne Marseille et ses environs qui sont relati¬ vement très touchés. Tandis qu’il est question partout des foyers alsacien, bour¬ guignon et angevin, c’est toujours du « foyer marseillais » que l’on parle. Cette notion n’est pas démentie par les Statistiques récentes. D’après les documents ci-dessous émanant également de l’Institut d’Hygiène, on s’aper¬ coit que c’est encore le département des Bouches-du-Rhône, grâce à l’appoint marseillais, qui (détient la première place en Provence, la situation mani¬ festant toutefois une certaine tendance à l’aggravation dans l’ensemble des departements bas-alpins. Alpes-Maritimes. Hautes-Alpes et Basses-Alpes : Peut-on essaver maintenant de définir avec un peu plus de précision le mode de répartition de la Poliomvélite à l’intérieur et aux abords de notre grand port méditerranéen ? Envisageant plus spécialement les deux « épidémies » de 1934 et de 1937. G. Dufour, dans sa thèse, nous fournit sur ce point les quelques renseigne ments ci-après : En 1934, sur 38 cas identifiés dans les Bouches-du-Rhâne, 20 anparte naient à Marseille même et 4 à Aix, le reste se trouvant partagé entre Port¬ de-Boue, la Ciotat et Cassis. PROVENCE 183 184 LA PATHOLOGIE RÉGIONAE DE LA TRANCE En 1937, sur un même nombre de malades, on en compte semblable¬ ment 30 à Marseille (et banlieue), les 8 autres étant répartis par unités entre Septèmes, Callas, Aix, Velaux, Tarascon, la Ciotat et Aubagne. Ainsi l’agglomération marseillaise semble détenir une sorte de monopole de la Poliomvélite dans les Bouches-du-Rhône, ne laissant que fort peu de cas aux villes et villages d’alentour. Si, dès lors, on pointe sur une carte l’emplacement des cas déclarés, on , lor, opontu do ants l'ontesmnat a da ddla, que le mal affecte avec prédilection les vieuz quartiers populeux du Contre de même que la grande banlieue Quest de la ville (Endoume, l’Estaque. Saint¬ André). Par contre, la banlieue Est et les quartiers riches sont relativement épargnés, ces derniers sans doute parce que les enfants y sont moins nombreux. Du point de vue étiologcique. G. Dufour estime qu’à Marseille la conta¬ mination par voie digestive, si elle est possible, n’est certainement pas la seule en cause, la porte d’entrée rhino-pharyngée étant apparemment ausst fréquente. Comme argument, il invoque à cet égard la rareté des troubles intestinaux lors de la phase initiale de la maladie Etudiant les conditions dans lesquelles senble ordinairement s’effectuer cette contamination hydrique, il se trouve amené à accuser le rôle néfaste des baignades en mer, surtout à la saison chaude où les radiations solaires paraissent avoir pour effet de rendre l’organisme humain encore plus réceptif En fait, il n’est pas douteux que les cas se localisent avant tout en bordure du littorat et beaucoup plus sur celui-ci qu’aux abords des rivières, qu’il s’agisse du Jarret ou de l’Huveaune. Quant aux aspects cliniques, ils n’offrent rien de bien particulier. L’au¬ teur insiste seulement sur la gravité spéciale de l’épidémie de 1937 au cours de laquelle les acfidents paraplégiques se sont avérés aussi fréquents que tenaces, le pourcentage des guérisons totales n’avant même pas atteint la PROVENCE 185 B — POLIOMYELTE VILL. — LES FINVRES TYPHOIDES Région essentiellement littorale et par endroits surpeuplée, la Provence a, de tout temps, offert au développement des typhoses des conditions parti¬ entièrement favorables. Aujourd’hui encore, elle est parmi nos provinces fran¬ caises une de celles où l’on observe les taux d’endémicité typhoidique les plus éleves. Il y à à cet étât de choses des causes qui ont été maintes fois dénoncées mais contre lesquelles la lutte apparait comme singulièrement diffi¬ cile en dépit des efforts déployés par les Pouvoirs publics. Ainsi continue à planer sur ce beau pays une lourde menace qui risque à la longue de porter à sa réputation un préjudice sérieux. L’étude qui va suivre sera faite Ssurtout en fonction des documents nom¬ breux publiés jusqu’en 1948. Depuis lors, toutefois, des faits nouveaux sont intervenus qui risquent de modifier sensiblement les données du problème Mais le recul est encore insuffisant pour permettre de déterminer si l’évolu¬ tion en cours aura des répercussions définitives ou sera simplement passagère. C’est pourquoi nous avons préféré réserver à l’examen de ces ten dances actuelles de l’endémie typhoidique un paragraphe spécial que l’on A. — L’ENDMIE LOCALE. — SON IMPORTANCE (JUSQUEN 1948). Nous ne pouvons mieux faire à ce propos que de reprendre les chiffres que nous avons déjà indiqués précédemment en étudiant la pathologie lan¬ guedocienne. Il ressort de leur examen que la région proyençale paie encore à la Fièvre typhoide un redoutable tribut. C’est ainsi que le département des Bouches-du-Rhône se place en tête de tous les départements francais pour sa mortalité typhique entre les années 1925 et 1931, le taux des décès dus à cette affection y avant été de 16,2 en moyenne pour 100 000 habitants, alors qu’il n’était que de 4,8 pour l’ensemble du pays. Immédiatement après vient s’inscrire le département du Var, puis au 12° rang celui des Alpes-Maritimes avec des taux respectifs de 15 et de 8,2. Ceute Statistique due à Dubreuil est comparable à celle d’Ichok établie à la même époqué (années 1925-1928), mais avec pour base la mortalité géné rale et non plus le chiffre de la population. Les deux premières places revien¬ nent ici encore aux Bouches-du-Rhône et au Var, avec cependant un léger trouvera à la fin de ce chapitre. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 186 avantage — si l’on peut dire — en faveur de ce dernier. Les Alpes-Mari¬ times se classent en l’occurrence au 6e rang, par conséquent parmi les dépar¬ tements les plus touchés. En ce qui concerne maintenant les faits plus récents, nous nous sommes adressés au Ministère de la Santé Publique qui nous a communiqué tout d’abord les indices de morbidité calculés pour 100 000 habitants, pendant le septennaire 1939-1945. On s’aperçoit que pendant ces années de guerre le Var a largement distancé tous lès autres départements avec son taux impres¬ sionnant de 109,3. Le département des Bouches-du-Rhône se classe ensuite 4° serrant de très près son voisin, cependant que les Alpes-Maritimes pour des raisons que nous établirons plus loin, n’occupent plus que la 16° place (34, 1). Ainsi se trouve confirmée, en Proyence comme ailleurs, la loi générale suivant laquelle les affections éberthiennes sévissent quec prédilection sur les départements côtiers. Ce serait toutefois une erreur de croire que cette zone d’hyperendémicité du Sud-Est se limite à la seule bordure littorale. Elle s’étend au contraire assez profondément vers l’intérieur englobant les Basses-Alpes, le Vaucluse et même les Hautes-Alpes, lesquels se classent respectivement, du point de vue de la mortalité typhique, aux 4°, 7e et 10e rangs de nos départements dans le tableau de Dubreuil, aux 3, 13° et 5e rangs dans celui d’Ichok. Cette situation ne peut s’expliquer que par le retentissement distance des facteurs qui entretiennent le foyer d’infection méditorranéen. Cette interpré¬ tation est d’autant plus vraisemblable que l’on voit les indices de morbidite ’abaisser progressivement à mesure que l’on s’éloigne du rivage, et passer successivement pendant cette dernière guerre, de 100,3 dans le Var, à 39,6 dans les Basses-Alpes, puis à 25,2 dans les Hautes-Alpes, pour rejoindre ensuite des valeurs normales dès que l’on échappe définitivement aux influences maritimes (13,3 dans l’Isère). On remarquera à cet égard la position toute particulière occupée par les Basses-Alpes; du fait de son adossement au sec teur côtier le plus atteint, ce département est nettement plus contaminé que le Vaucluse, son voisin de l’arrière-pays (L.M. : 35,4), voire même que les Alpes-Maritimes, placées pourtant au contact direct de la mer. Si la situation créée par les typhoses s’avère grave dans toute la Pro¬ vence, on peut dire qu elte est critique dans les deux grands ports de Mar¬ seille et de Toulon. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil un peu plus loin sur le dernier tableau de Dequidt (années 1931-1933), lequel souligne la haute mortalité typhique qui règne dans ces deux villes et révèle en même temps le sort relativement privilégié dont bénéficie l’agglomération nicoise. D’ailleurs Marseille et Toulon ne se contentent pas de surclaser sous ce rapport les autres villes de France. Le document reproduit ci-dessous, publié par la Société des Nations en 1931, indique la place prépondérante qu’elles oc¬ cupent parmi les grandes cités européennes (mortalité pour 100 000 habitants partageant du reste à cet égard le fâcheux destin des autres pays de la Médi¬ terranée. INYEINE 187 En définitive, la région méditerranéenne apparait comme la plus typhoi¬ gene de France. Sa partie provençale semble encore plus touchée que sa partie languedocienne si l’on en juge par l’intensité de l’endémie qui sévit sur ses départements côtiers et plus particulièrement sur le Var et sur les Bouches-du-Rhône. Au surplus, la zone contaminée déborde franchement sur l’arrière-pays, recouvrant une large bande sublittorale. L’infection atteint son maximum à Marseille et à Toulon qui comptent parmi les foyers les plus importants d’Europe. B. — INCIDENCES SPÉCIALES SUR LES MLIEUX MILITAIRES INCIDENCES SPÉCIALES SUR LES MILIEUX MARITIMES. Les Statistiques médicales de l’Armée correspondant aux années 1927. 1936 assignent à la 15 Région la 5° place parmi les 20 Récions militaires métropolitaines (G M.P. compris), pour la morbidité et la 4° place pour la mortalité typhoidiques avec les taux moyens respectifs de 0,50 et de 0.00 pour 1000 hommes d’effectif. Ces taux nettement supérieurs à la moyenne générale française qui est de 0,38 pour la morbidité et de 0,04 pour la mor¬ talité confirment donc pleinement les notions que nous venons d’exposer rela¬ tivement au milieu civil. Dans la Marine de Cuerre, la situation est encore la même. Lancelin a relevé de 1925 à 1934, pour les effectifs du port de Toulon, 401 cas d’in¬ fections typhoidiques avec 42 décès, soit un chiffre de mortalité considérable puisque, rapporté aux effectifs totaux, il correspond au triple de la moyenne générale de la France. Noublions pas, d’autre part, qu’il s’agit là de milieux régulièrement soumis à la vaccination et à la revaccination annuelles C. — VARLATIONS DE EŔQUENCE DES TVPHOSES DEPUIS LA FIN DU SIECLE JUSQUA CES TOUTES DERNIÈRES ANNEES. Notre siècle a été le témoin d’une vicoureuse offensive des Pouvoirs publics contre les affections éberthiennes dont le développement continuait à donner les plus vives inquiétudes. Cette lutte a été menée dans l’intervalle des deux guerres mondiales et se poursuit de nos jours, q’un cote par l appir Classement des principales villes de France d’après leur taux de mortalité typhique pour 100 000 habitants pendant quatre périodes diff́rentes, d’aprés Dequidt (in Dubreuil LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 188 cation de plus en plus générale des vaccinations, de l’autre par la mise en œuvre de diverses mesures de prophylaxie collective : adduction d’eau potable dans les villes, surveillance des denrées consommables, etc. Les résul¬ tats obtenus ne peuvent être niés et ressortent clairement des Statistiques offi¬ cielles en dépit de leurs imperfections et de leurs lacunes. Les tableaux de Dequidt sont à cet égard particulièrement édifiants et permettent de mesurer tout le chemin parcouru entre les années 1886 et 1933. Ils montrent notam¬ ment que pendant ce laps de temps les taux de mortalité typhique ont baissé de plus des 4/5 tant à Marseille qu’à Toulon. Devant de telles constatations il était possible d’envisager l’extinction progressive de l’état endémique régnant dans le Sud-Est. Malheureusement la guerre de 1939-1945 est venue compromettre le fruit des efforts passés. C’est ainsi que durant ces années de crise des difficultés de toutes sortes n’ont cessé d’entraver l’action salutaire des hygiénistes, Par ailleurs, il y a eu afflux vers le Midi de réfugiés provenant de régions relativement indemnes de Typhoide et par suite non immunisés par leurs contacts antérieurs. Ainsi s explique l’élévation sensible des courbes de morbidité, plus particulièrement au cours des années 1943 et 1944. On en trouvera l’expression notamment sur les tracés ci-après relatifs aux départements des Bouches-du-Rhône et du Var, de même que sur le tracé qui leur est adioint, lequel se rapporte plus spécialement à la ville de Marseille avec, ci-dessous, les indications numériques qui lui correspohdent : Statistique sanitaire concernant la typhoide à Marseille de 1930 a 1946. Il y a lieu d’espérer toutefois que cette situation ne sera que provisoire et que le retour aux conditions plus normales de vie permettra progressi¬ vement d’achever l’œuvre d’assainissement entreprise. D’ailleurs une certaine amélioration commence à se dessiner dès la fin des hostilités ainsi qu’on peut s’en rendre compte à la lecture des précédents chiffres. D. — LES CAUSES DE CONTAMINATION LUSQUA UNE DATE TOUTE RÉCENTE. — ROLE PRÉPONDÉRANT DES COQULLLACES, La plupart du temps les affections typhiques procedent par bonds succes¬ sifs dus à de courtes épidémies d’origine hydrique reliées entre elles par toute la chaine des cas sporadiques. Nous verrons plus loin que de tels épi¬ sodes sont fréquents en Proyence, leur identification étant aisée grâce aux accidents brusques et passagers qu’ils déterminent sur les courbes de morbi¬ dité. Mais ce qu’il y a de très spécial à cette région — comme d’ailleurs à tous les pays méditerranéens — c’est que dans l’intervalle qui sépare ces paroxysmès on ne voit guère les tracés redescendre au-dessous d’un certain PROVENCE 189 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 190 niveau de base qui n’est autre que l’expression d’un état endémuique per¬ manent. Or, il a été bien établi que celui-ci résulte essentiellement des mul¬ tiptes et continuelles contaminations d’origine coquillière qui se produisent sur le littoral, créant, dans les villes surtout, les redoutables foyers d’infection que nous avons déjà signalés. 1. - L’Endémie d’origine coquillière. Aucun document ne saurait mieux traduire l’importance de ce facteur épidémiologique que le Statistique ci-après publiée en 1934 par Teissonnière à la suite d’une enquête menée auprès de 193 Praticiens de la Côte : Proportion des typhoides dues aux coquillages Si l’on admet avec Boinet et Teissonnière qu’il existe chaque année à Marseille 2 000 cas environ de dothiénenterie (1), on s’aperçoit que l’on peut dans ces conditions évaluer approximativement à 1500 le nombre de ceux dui relève de ce mode spécial de contagion La nocivité des coquillaves s’explique d’ailleurs, on le sait. « par les conditions de leur habitat et par les particularités de leurs fonctions diges¬ tives » (Teissonnière). C’est dans la zone des eaux littorales, au voisinage des agglomérations urbaines, que ceux-ci rencontrent le milieu le plus propice à leur croissance et à leur reproduction. Se nourrissant avant tout de déchets organiques, on les voit prospérer de manière exceptionnelle là où viennent se déverser les eaux de ruissellement et bien plus encore les effluents d’égouts. On conçoit que ces endroits aient attiré tout naturellement les mytiliculteurs qui y trouvent, outre l’avantage de faire de magnifiques récoltes, celui de demeurer à proximité des débouchés commerciaux. Ils ne se rendent malheu¬ reusement pas compte, uniquement préoccupés qu’ils sont de leurs bénéfices. des dangers que leur coupable esprit de lucre fait courir aux populations. Or ces dangers se voient encore accrus en Méditerranée où l’absence de marées. supprimant le brassage périodique des flots, permet la sédimentation massive des souillures aux abords immédiats des côtes. Si l’on considère qu’une moule filtre normalement dans les 5 litres d’eau par heure et concentre entre ses valves la maieure partie des substances solides en suspension, on peut ima¬ giner aisément le degré de pollution atteint par le liquide qu’elle emprisonne ainsi que les méfaits résultant de son ingestion directe, les Méridionaux avant la déplorable habitude de consommer crus tous leurs coquillages. (1) Cette estimation, bien que dépassant notablement les données statistiques officiclles, est jugée très insuffisante par certains auteurs, ainsi que nous le verrons ultérieurement. Elle se trouve cependant en accord avec divers renscigneinents provenant d’autres sources. Signalons, par exemple, que le Laboratoire départemental de bactério¬ logie de Marseille a enregistré pour cette ville, du ler décembre 1932 au ler décembre 1933. 2,600 résultats d’hémocultures et de séro-diagnostics positifs aux germes du groupe Eperth, confirmant l'evaluation faite par Feisonpiere pendant le imine laps de tenps (2440 cas). PROVENCE 191 Les conséquences de telles erreurs apparaissent du reste nettement quand on considère des faits comme ceux-ci : 4 Toulon, on a poussé l’aberration jusqu’a installer les pares à moules de Brégaillon, les plus importants de la région, à 450 mêtres de l’embou¬ chure de la Rivière-Neuve qui recoit, à quelques centaines de mêtres en amont, le grand égout collecteur de la ville épuré de manière toute théorique par la station de Tagoubran. Or, des analyses bactériologiques effectuées par Boinet et Teissonnière ont donné en 1928 les résultats effarants suivants : a) Eaux de l’anse de Brégaillon prélevées à 40 metres du debouché de la Rivière-Neuve : 275 000 à 1 000 000 colibacilles par litre; b) Faux puisées dans les parcs mêmes : 15 000 à 150 000 colibacilles par litre. Comment d’ailleurs s’étonner de ces chiffres puisque les eaux qui baignent les pares toulonnais sont constamment épaisses et nauséabondes au point qu’il n’est pas rare de voir flotter à leur surface des matières fécales encore intactes. Dans la rade de Marseille, c’est à des constatations de même ordre que l’on aboutit. Au Saut-du-Marot, où l’on pratique également l’élevage des Germes Colibacilles 5 100 par tire. 1 100 par cent, cube a) Dans les eaux du parc... b) Dans l’eau intervalvaire 14 600 des moules........ e) Dans le corps brove des 80 000 mollusques.............. 9 124000 dont 13 800 liquétian) la gétatine. Mais ce n’est pas tout. D’autres causes de souillure avant pour origine de facheuses coutumes locales viennent encore s’ajouter à celles que nous venons de dénoncer. C’est ainsi que les moules étant consommées même l’été, il devient néces¬ saire de les « rafraichir » de temps à autre à cette saison, surtout quand les éventaires sont installés en plein soleil, comme c’est fréquemment le cas sur les quais de Marseille. Or, les commercants n’ont rien trouvé de mieux que de s’en aller puiser à ces fins l’eau infecte du Vieux-Port qu’ils répandent ensuite abondamment sur leur marchandise. Quant aux mollusques invendus, ils sont remis le soir dans les paniers et plongés dans le bassin tout proche, s’ils ne sont pas tout simplement recouverts d’un linge immonde préalablement trempé dans l’eau du ruisseau. Après ces deux opérations de « rafraichissement » et de « retrempage » on est en droit de penser que la contamination des moules est parvenue à son degré maximum. Aucun organisme, même vacciné, ne peut normalement résister à l’ingestion de doses aussi massives de germes. Et il est infiniment probable que le chiffre de 2 000 atteintes annuelles pour Marseille proposé par Boinet et Teissonnière est bien au-desous de la vérité. Dans un travail 1A PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA TRANCE 192 justement réputé, Belin évaluait en 1934 à 100 000 le nombre des cas de contagion et à 25 000 celui des décès consécutifs à l’absorption de coquillages dans le secteur Marseille-Toulon au cours des quinze précédentes années. Depuis lors, aucun démenti n’a jamais été apporté à cette estimation. Dans de pareilles conditions, des mesures énergiques de prophylaxie s’im¬ posaient. Elles s’imposaient d’ailleurs vis-à-vis de toutes les variétés de « fruits de mer » également susceptibles de s’infecter en milieu pollué. Chose curieuse le contrôle sanitaire des coquillages à la production ne s’est exercé jusqu’à présent de manière systématique qu’à l’égard des huitres exclusivement visées par le décret du 31 juillet 1923. On sait que ce dernier stipule que seules les huitres provenant d’établissements et de gisements naturels considérés comme salubres peuvent être livrées à la consommation. Elles ne peuvent vovager qu’accompagnées d’un certificat d’origine délivré par l’Office des Pêches et attestant leur salubrité. Les huitres ne justifiant pas de cette ori¬ gine ne peuvent être expédiées qu’à des établissements autorisés en vue de leur reparquage en eau saine. En ce qui concerne les moules, la législation est demeurée à l’état d’ébauche et leur contrôle n’est encore régi que par quelques arrêtés locaux prohibant la récolte de ces mollusques au voisinage des ports. C’est ainsi qu’à Toulon, la vente directe des produits émanant des parcs de Brégaillon et de Balaguier a été interdite par décision du maire de la Seyne. Ces produits doivent en principe séjourner obligatoirement pendant un mois dans les eaux pures de concessions individuelles mises à la disposi¬ tion des mytiliculteurs dans la baie du Lazaret avant de pouvoir être écoulés dans le commerce, leur sortie ne pouvant s’effectuer que sur autorisation du Bureau d’Hygiène. A Marseille, des arrêtés préfectoraux imposent de même aux moules de Saut-du-Marot une épuration minima de quinze jours dans les eaux salubres d’une concession collective installée dans une anse de l’ile de Pomègue. Quels sont maintenant les résultats de toutes ces mesures2 Dans l’ensemble on doit reconnaitre que la situation s’est assez sensi¬ blement améliorée, notamment au cours de la période qui a immédiatement précédé la dernière guerre : les courbes de morbidité sont là pour en témoigner. Comme on était en droit de s’y attendre, cette amélioration n’a guère porté toutefois que sur la fréquence des contaminations d’origine ostréaire. Encore faut-il noter qu’elle s’est manifestée de façon très inégale suivant les endroits considérés. C’est à Nice et à Cannes qu’elle a été la plus marquée. Alors qu’autrefois les huitres étaient à peu près seules incriminées, on ne les tenait plus en 1938 pour responsables que de 5 à 6 % des cas de contamination. et ceci malgré un accroissement considérable de leur consommation, Par la suite, et jusqu’en 1939 ce taux devait encore diminuer au point de devenin nul, alors qu’au même moment il représentait encore un bon tiers des atteintes aussi bien à Marseille qu’à Toulon. Voici d’ailleurs le tableau exact des pour¬ centages tel qu’il a été établi en 1928 par Boinet et Teissonnière : PROMENCE 193 Pour comprendre ces différences, il suffit de savoir que, tandis que dans les stations des Alpes-Maritimes un contrôle sévère est constamment exerce sur la vente en vue notamment d’empècher les opérations délictueuses de rafraichissement et de retrempage, rien de semblable n’a encore été institué sur le reste de la Côte provencale où ces pratiques continuent de plus belle. enlevant toute valeur au certificat d’origine officiellement délivré. Et pour les coquillages non réglementés (moules, clovisses, palourdes, ete.) la carence des services publics est encore plus complè̂te puisque, comme nous venons de le voir, les plus graves infractions sont tolérées, non seulement sur les marchés mais encore sur les lieux de production. Il serait pourtant possible d’obtenir, en dépit des allégations de certains groupements de mytiliculteurs, des coquillages salubres dans quelques parcs spécialement aménagés, à l’exemple notamment de ceux qui ont été installés sur les bords de l’étang de Thau. En attendant, on pourrait au moins exiger que les arrétés prescrivant le reparquage des mollusques dans la baie du Lazaret et dans l’ile de Pomègue soient strictement observés. Or, jusqu’ici, les éleveurs ont toujours réussi à s’y soustraire. Etant donné qu’ils invoquent volontiers comme excuse l’incom¬ modité de ces réserves par trop excentriques, la Société Chabal, de Marseille. a fait récemment construire au Pharo un vaste entrepôt constitué par des bassins alimentés par de l’eau de mer épurée par filtration. Cet établissement placé sous le contrôle préfectoral peut recevoir 40 000 Kilos de marchan¬ dises. Mais, à notre connaissance, il n’a été utilisé jusqu’ici que par un petit nombre de commercants, aucun texte ne permettant d’en imposer l’usage. Ainsi la protection de la Sapté publique contre la Typhoide coquillière dans le Midi risque de demeurer longtemps illusoire, ou tout au moins insuf¬ fisante, en dépit des protestations élevées par les groupements médicaux. Ceux¬ ci réclament en effet avec insistance, d’une part une législation uniforme s’appliquant à la fois à toutes les catégories de « fruits de mer », d’autre part des sanctions effectives à l’égard des délinquants. Mais, il faut bien l’avouer, ces justes revendications n’auront guère de chances d’aboutir tant que les services directement intéressés resteront soumis aux pressions des partis politiques, beaucoup plus soucieux en l’occurrence de ménager certains intérêts que de veiller au bien général. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, il faudrait donc, avant de songer à produire des textes, réformer les habitudes et changer les esprits. 2. - Les cas d’origine hydrique. La gravité de l’endémie d’origine coquillière en France ne doit pas faire sous-estimer l’importance du facteur hydrique. Celui-ci intervient dans la mor¬ bidité typhique de la région dans une proportion sans doute inférieure à 25 % dans la plupart des grands centres, mais qui se rapproche rapidement et même dépasse 50 %% dès que l’on aborde la zone rurale des trois dépar¬ tements côtiers. Ainsi cette étiologie prend une valeur grandissante à mesure que l’on progresse vers l’intérieur et que se modifient les conditions de l’alimentation. L’infection d’origine hydrique évolue, ici comme partout, sous l’aspect de poussées épidémiques massives mais localisées, explosant brusquement et s’arrétant de même, laissant ensuite place à des cas « en chapelet » liés à la contaxion interhumaine et qui vont s’égrenant lentement pendant plusieurs semaines. 13 emprunté à G. Dubreuil : 194 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Ces épidémies relèvent toujours de contaminations point de départ fécal, mais le mécanisme de leur production varie suivant les circonstances et les lieux. Dans les villes, il s’agit le plus souvent de la rupture accidentelle d’une canalisation permettant les infiltrations septiques ou d’une panne fortuite de javellisation comme par exemple dans l’épidémie de la Ciotat en 1943 qui fit un millier de victimes et causa près de 200 décès sur une population de 12 000 habitants. Signalons qu’une enquête effectuée à l’époque permit de découvrir que le canal amenant l’eau à la ville était depuis quelque temps pollué aux environs d’Aubagne par les effluents d’une porcherie (Mattéi). Dans les campagnes, la menace est plus permanente et résulte essentiel¬ lement de la souillure du sol par les déjections de convalescents et de sujets sains porteurs les uns et les autres de germes typhiques. Le terrain étant la plupart du temps roçailleux et fissuré, par conséquent très perméable et peu Fittrant, il se produit une absorption rapide des eaux de ruissellement qui. non épurées, viennent ainsi contaminer la nappe phréatique alimentant les sources communales et les nombreux puits particuliers. Le danger se trouve encore accru par la fréquence des grands orages qui déversent sur le pays de véritables trombes d’eau, gonflent subitement les te rrents, précipitent dans le sous-sol toutes les impuretés de la surface et submergent les puits à la faveur des inondations qu’ils déterminent. Sur le littoral enfin, à toutes ces causes de contamination vient s’en ajouter une autre : le voisinage d’une mer souillée dont l’eau ne peut être absorbée sans risques, surtout à proximité des égouts et des rivières. Ainsi explique ce que, l’on peut appeler la Typhoide des baigneurs qui s’observe surtout chez les estivants venus passer leurs vacances dans les banlieues de Marseille et de Toulon. Ces faits étant exposés, on conçoit que de gros efforts aient été faits par les Services d’hygiène en vue d’assurer avant tout aux populations côtières l’eau potable dont elles ont besoin. Dans les campagnes on s’est vivement préoccupé du prohlème capital de l’adduction d’eau. La région du Sud.Est étant tout particulièrement éprou¬ vée, des travaux importants ont été entrepris un peu partout et, à l’heure actuelle, la plupart des communes sont pourvues des canalisations nécessaires, ainsi qu’on peut s’en rendre compte par le tableau comparatif suivant Malheureusement, ici encore, les bientaits résultant des mesures officielles se trouvent en partie détruits par la persistance de regrettables coutumes locales. Dans certains villages on voit encore trop souvent les habitants pré¬ PROVENCE 196 196 A PATHIOLOGIE BéGIONALE DE LA FRANCE térer à l’eau épurée qui leur est distribuée celle de puits mal protégès qu’ila apprécient davantage en raison de leur fraicheur agréable durant la belle saison. Sur la Côte, des améliorations très intéressantes sont également en cours. tendant, d’une part à obtenir une épuration parfaite des eaux de boisson par javellisation ou ozonisation (Nice, Villefranche, Monte-Carlo, Menton), d’autre part à perfectionner les conditions d’évacuation des matières usées qui, désor¬ mais, sont rejetées après désinfection en pleine mer, à distance des rivages habités, par des fonds de 10 mêtres et plus. Mais ce sont surtout les stations dites climatiques ou balnéaires qui ont bénéficié jusqu’à présent de ces progrès, l’Etat exigeant d’elles, du point de vue de l’hygiène, des garanties absolues de sécurité (Violle). Dans beaucoup d’autres localités, par contre, la situation demeure encore assez précaire, et nous n’en voulons pour exemple que ce qui se passe actuel¬ lement à Marseille. L’agglomération, marseillaise, qui ne compte pas loin d’un million d’habitants, est en effet alimentée en eau potable par la Durance qui est dérivée sur 80 Kilomêtres dans un long canal, tantôt en tunnel, tantôt à ciel ouvert. Tandis qu’elle est filtrée et javellisée dans les bassins qui desservent le centre de la ville, seulement javellisée pour la zone périphérique, cette eau n’est ni filtrée ni javellisée pour toute la zone suburbaine qui doit ainsi se contenter d’une eau impure, c’est-à-dire riche en colibacilles. Les foyers de résistance de l’endémie typhoidique dans l’agglomération marseillaise d’après H. Violle et 4. Nabonne (1944). On voit que ces foyers se sont constitués au niveau d’une zone périphérique d’insalubrité réalisant, contrairement au centre de l’agglomération, tout un ensemble de conditions favorables au développement de l’endémie typhoi¬ dique, à savoir : l’absence d’eau potable urbaihe, la présence de points d’eau douteux (puits et sources), enfin l’absence du tout-à-l’égout. PROVENCE 197 En ce qui concerne d’autre part la distribution du réseau d’égouts, on retrouve les mêmes inégalités choquantes entre les trois zones. Bien compris dans le centre, celui-ci se raréfie à la périphérie, pour devenir inexistant dans la banlieue. Violle, qui nous donne ces détails, y ajoute le juste commentaire sui¬ vant : « Supposons, et cela est vérifié journellement par les faits, que cette cité présente des cas de Fièvre typhoide, les deux zones périphériques seront une proie offerte à cette infection. Elles pouraient être la eause d’une épi¬ démie comme elles peuvent en être l’effet. L’épidémie se maintiendrait à l’état endémique dans ces régions. » N’oublions pas d’ailleurs que dans les environs de Marseille les pappes des vallées de l’Arc et de l’Huvequne sont fortement souillées. Seules, dans le département, sont relativement saines celles qui correspondent aux bras souterrains de la Durance, dans la plaine de la Crau, au Nord-Quest d’une ligne reliant Mallemort. Lamanon et Fos-sur-Mer (G. Montus). On voit par ces quelques données toute l’étendue de la tâche d’asai¬ nissement qui reste encore à accomplir. E. — RÉPARTITION D’ENSEMRLE DES CAS DE FINVRE TVPHOIDE EN PROVENCE. La répartition de la Fìvre typhoide en Provence obéit à un certain nombre de règles générales que nous avons déjà énoncées, chemin faisant. au cours de cet exposé et que l’on peut résumer de la facon suivante : 1. La maladie sévit avec beaucoup plus d’intensité sur le littoral que sur l’arrière-pays. Elle atteint son maximum dans les départements des Bouches¬ du-Rhôné et du Var, autour des grands fovers urbains de Marseille et de ont bien voulu nous communiquer : coquillière. 1A PATHOIOGIE gEGIONALE DE LA FRANCE 198 Toulon. Fait intéressant à noter, les Basses-Alpes sont également très tou¬ chées, plus meme que les Alpes-Maritimes, et méritent ainsi d’être considérées comme une véritable dépendance du département du Var hautement contaminé. 2. L’origine coquillière, qui est à la base de l’endémie proyencale, est tout spécialement en cause dans la région côtière. Son influence va en dimi¬ nuant au profit de l’origine hydrique à mesure que l’on progresse vers l’intérieur. 3. Les taux de morbidité et de mortalité typhiques sont, comme de cou¬ tume, plus élevés dans les villes que dans les campagnes. Une exception toutefois en ce qui concerne les Bouches-du-Rĥne où le nombre des atteintes est proportionnellement plus important dans les com¬ munes rurales qu’à Marseille même, ainsi qu’en témoigne le schéma ci-desus de Dubreuil correspondant à la période 1926-1931. Cette notion est d’ailleurs confirmée par les Statistiques récentes de l’Ins¬ pection départementale et du Bureau d’Hygiène de Marseille. Nous indiquons ci-après les indices calculés d’après les indications que ces deux organisme Une telle anomalie, à priori curieuse, s’explique par ce fait que la ville de Marseille est entourée d’une large zone suburbaine populeuse où les condi¬ tions d’hygiène sont déplorables. On y trouve associées à l’endémie d’ori¬ gine coquillière de fréquentes épidémies dues à l’impureté des eaux, tout spé¬ cialement dans les vallées de l’Huveaune et de l’Arc ainsi qu’en bordure du littoral vers Cassis, Saint-André, la Ciotat, etc. E - LES ASPECTS CUINIQUES Si la Fièvre typhoide affecte dans le Midi de la France certains aspects partisulier, elle le d9it en micure, Partie à la, lrequtonce de son orgne PROVENCE 190 A cette origine se rattachent en effet trois caractéristiques essentielle Tout d’abord le caractère massif des contaminations, fait sur lequel nous avons déjà longuement insistés Ensuite une virulence spéciale du germe qui, pour D. Olmer, serait 98 fois sur 100 de l’Eberth et 2 fois seulement un paratyphique; Enfin, l’intervention quasi constante d’une flore associée, à type surtout d’anaérobies, dont le rôle dans le déterminisme de certaines complications à été également bien mis en lumière par D. Olmer. Dès lors, on ne s’étonnera plus de la grauité habituelle des cas. Celle-ci ressort déjà nettement des chiffres que nous venons de rapporter. C’est ainsi que la proportion des décès par rapport aux atteintes est de 28 % dans la Statistique du Bureau d’Hygiène de Marseille (années 1930-1946) et de 29 % dans celle de l’Inspection départementale des Bouches-du-Rhône (années 1941-1946). Les Statistiques hospitalières sont à peu près aussi pessimistes. Mattéi et ses Elèves, se basant sur un lot de 187 cas, ont obervé 20 %% de décès (33 2 dans les formes coquillières contre seulement 15 9% dans les formes ne relevant pas de cette origine). Les conclusions formulées par Olmer et Audier, à la suite d’une enquête portant sur 151 cas, sont de même ordre et. à cette occasion, ces auteurs soulignent le parallélisme étroit qui existe entre la fréquence des formes ostréaires et le degré de mortalité. Dans l’appréciation de ces documents il faut toutefois tenir compte de ce fait que, seuls, les cas mortels sont fidèlement déclarés, les cas bénins échappant par contre le plus souvent au contrôle sanitaire. Les bilans offi¬ ciels s’en trouvent, du même coup, sérieusement assombris. Chacun sait par ailleurs que les Typhoides d’hôpital sont presque toujours graves et ne com¬ prennent guère ces formes légères, dites « diarrhées d’été », que connaissent bien les Médecins-praticiens en clientèle. Les évaluations faites par ceux-ci présentent donc le plus gros intérêt, et le taux de 15 % de décès qu’ils indiquent ordinairement est sans doute celui qui rend le plus exactement compte de la situation. Dans l’ensemble, l’affection est plus fréquente chez la femme que chez l’homme, chez le jeune que chez l’adulte, chez l’hôte de passage que chez l’habi¬ tant du pays. D. Olmer, en 1934, a noté deux fois plus de Typhoides cbez les Mar. seillaises que chez les Marseillais, et en a tiré argument en faveur de l’effi¬ cacité de la vaccination préventive très irrégulièrement appliquée au sexe féminin. Il faut cependant se garder d’attribuer à cette vaccination un rôle de protection absolu vis-à-vis des contaminations, surtout quand elles sont massives comme à la suite de l’ingestion de fruits de mer. Les constatations faites dans les milieux militaires par Lancelin et Montel se montrent à cet égard particulièrement significatives. Du point de vue de l’age. Cassoute insiste sur la banalité de l’affection. non seulement chez les adolescents de Marseille, mais encore chez les jeunes enfants. Pour lui, la maladie se rencontrerait encore plus souvent avant 8 ans qu’après (131 cas contre 108 dans la Statistique de son Elève Appaix) contrai¬ rement à co qui est généralement admis dans les traités classiques. Quant à la réceptivité spéciale que l’on observe chez les étrangers, elle parait résulter en grande partie de l’absence chez eux de-toute prémunition lorsqu’ils arrivent de régions à faible morbidité typhique. réalités. 200 LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE A ce propos, nous ne saurions passer sous silence cette forme très spé¬ ciale qui a été décrite sous le vocable très expresif de « Typhoide des jeunes mariés ». On en connait l’histoire navrante et toujours la même : venu passer quelques jours sur la Côte d’Azur, conformément à une vieille tradition, le jeune couple, grisé de soleil et de lumière, ne peut résister à la tentation de déguster les fruits de mer offerts avec empressement par la foule pittoresque des vendeurs au langage coloré, alignés le long du port. Hélas, bientôt les premiers symptômes infectieux apparaissent et trop souvent la mort vient sanctionner cette imprudence peu de temps après le retour au pays. Dans tous les cas, l’incubation de ces Typhoides ostréaires graves est fréquemment écourtée. L’évolution peut parfois s’effectuer en deux phases. Dans un premier stade apparait, au bout d’un ou deux jours, une gastro¬ entérite aigué fébrile avec diarrhée et vomissements, laquelle rétrocède en 24 ou 48 heures et relève des associations microbiennes déjà signalées. Puis après une accalmie trompeuse d’une dizaine de jours, la température monte à nouveau : c’est l’infection éberthienne qui commence et, dès lors, le tableau clifique ne tardera pas à se compléter. Les phénomènes généraux sévères, le syndrome hémorragique, le météo¬ risme, la diarrhée fétide seraient, pour D. Olmer, très souvent observés. Par contre, pour Longchamp (de Toulon), ce seraient plutôt les complications cardiaques qui tiendraient la première place parmi les complications. Enfin. D. Olmer insiste encore sur la marcte tréquemment accétérée de La maladie, les accidents les plus divers pouvant se succéder à un rythme échevelé jusqu’à la mort. Telle est la physionomie de cette Fièvre typhoide du Midi telle qu’elle se présentait à l’observateur jusqu’à ces toutes dernières années et dont nous de saurions trop souligner à la fois la fréquence, la diffusion et la gravité. Voir note (1) à la fn du chapitre, p. 240. C. — TENDANCES éVOLUTIVES DE LA FINVYRE TYPHOIDE EN PROVENCE DEPUIS 1948. — LA SITHATION ACTUELLE. Nous venons donc de décrire le comportement de la Fièvre typhoide en Provence jusqu’à une date encore récente. A l’heure actuelle, la maladie semble vouloir, sous l’influence de facteurs nouveaux, prendre des aspects un peu différents de ceux qui l’ont caractérisée pendant de nombreuses années. Nous allons essaver d’indiquer très rapidement le sens de ces variations, en répétant toutefois ce que nous avons dit au début, à savoir qu’il ne s’agit là que de tendances dont l’avenir nous dira si elles deviendront de qo L. - Du point de vue de sa fréquence, la fièvre yphoide accuse aujourd’hul des taux de morbidité nettement moins élevés que par le passé, ce fléchissement étant particulièrement sensible depuis 1951. Valable pour toute la France, sauf exceptions (d’ailleurs importantes), cette constatation se vérifie dans l’ensemble des départementa provencaux ainsi qu’en témoignent les Statistiques de l’Institut National d’Hygiène. Le tableau ci-dessous permet à cet égard d’apprécier quelle a été l’évolution des indices moyens au cours de trois périodes successives récentes : PROVENCE 201 Euolution des indices de morbidité typhtoidique de 1939 3 1953 La Provence comporte donc une de ces exceptions précédemment signa¬ les : elle concerne le département des Hautes-Alpes. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir bientôt sur ce cas particulier. Pour le reste, la règle se confirme entièrement. A quoi donc peut-on attribuer cette régression manifeste de la maladie2 Sans aucun doute, elle est due pour une part à l’intensification des mesures générales de prophylaxie. Mais elle semble provenir surtout des thé¬ rapeutiques modernes (chloramphénicol) dont l’efficacité n’est plus actuelle¬ ment à démontrer. A ce propos, une remarque cependant est à faire. S’il est vrai que le trai¬ tement par les antibjotiques a transformé le pronostic des typhoses et consi¬ dérablement abrégé leur évolution, il n’en reste pas moins vrai que l’appli¬ cation de la méthode peut entrainer parfois des mécomptes, si elle ne s’ac¬ compagne pas de contrôles bactériologiques suivis. Trop souvent, en effet, dès la guérison clinique, l’isolement cesse, plus aucune précaution n’est prise et des sujets se trouvent ainsi remis dans l circulation alors qu’ils demeurent encore des porteurs de germes. Il serait donc infiniment souhaitable, comme le préconisent Bernard. Chassagne et Mme Viguié, que la pratique systématique de la coproculture après chaque cas d’infection devienne une habitude, son intérêt étant de per¬ mettre le dépistage de tous les convalescents encore émetteurs de germes. ceux-ci constituant, comme chacun sait, un danger permanent pour leur entourage. 2. - En ce qui concerne maintenant les différents modes de contamination, on note, semble-t-il, des modifications dans leurs incidences respectives. La situation mérite d’être envisagée séparément dans les villes et dans les campagnes. A Marseille même, sur 4 Il4 cas d’atfections typho-paratyphiques décla¬ rés au Bureau d’Hygiène de 1940 à 1950, les enquêtes épidémiologiques effec¬ tuées par Restien ont révélé une origine hydrique dans 49 %% et une origine coquillière dans 26 2 des cas, les 25 % de cas restants se partageant les autres causes réunies : eaux de puits et de sources, baignades, glaces rafraichies, crèmes glacées, légumes souillés, vontaminations interhumaines. De ces enquêtes, on retiendra tout d’abord le, pourcentage relativement faible (en comparaison des chiffres antérieurs) des infections d’origine coquillière, l’au¬ teur précisant cependant que ce sont elles qui demeurent les plus persistantes 32 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE et les plus rebelles au cours de la vague de régression actuellement observée. Mais on notera aussi le taux important attribué aux cas ne relevant pas des deux causes principales, et reconnaissant des origines diverses, Parmi celles¬ ci, la contamination interhumaine a certainement droit aujourd’hui à une place spéciale, en raison de la fréquence particulière des porteurs de germes que nous venons de dénoncer. Ce sont sans doute ces mêmes porteurs de germes qui sont responsables de la situation souvent défavorable constatée dans les campagnes et notam¬ ment de cette violente poussée épidémique qui s’est allumée dana le dépar¬ tement des Hautes-Abpes durant ces derniers temps. C’est ainsi que ce dépar. tement a vu éclore 58 atteintes en 1940 et 67 en 1950 contre 3 ou 4 en périodes ordinaires. De tels faits ne peuvent s’interpréter, à défaut d’apports massifs de germes en provenance de l’extérieur, que par la création autour de chaque malade de véritables fovers de contamination. 3. - Sous l’angte de son importance relative, le fover proyencal parait actueflement perdre la place prégondérante qu’il occupait jusqu’à présent, d’autres zones de haute morbidité typhique étant depuis lors apparues en France, En réalité, ce fait n’est qu’une apparence : si l’on considère le « fon4 d’endémicité », celui-ci demeure toujours oxtrémement accusé. La première constatation ressort nettement du tableau ci-aprèa : Classement des départements progencaux parmi les 90 départements francais du point de vue de la morbidité typhoidique On y remarque, dans 5 des départementa gur 6, une rétrogradation mar¬ quée dans le classement général, rétrogradation moins sensible toutefois pour les trois départements côtiera que pour les deux départements intérieurs, le Var conservant toujours une des places prépondérantes. Quant au sixième département, les Hautes-Alpes, sa position actuelle cause assurément une véritable gurprige. Cette aurnrise, i1 n’est d’ailleurs pas geul à la provoquer, d’autres départements tele que la Vendée ou le Maine-et¬ Loire partageant en ce moment le même redoutable privilège. En fait, il s’agit là gans doute de situations passagères nées de circons¬ tances fortuites, on pourrait même dire « d’accidents », Partout et à tout moment une brusque explosion de Typhoides peut en effet surgir, déclen¬ chée par un apport inopihe ce Boages e peqnonogge gegionqle doit certar PROYENCE 203 nement tenir compte de ces événements, surtout s’ils se répêtent. Mais ce qui importe avant tout pour elle, c’est d’essaver de dégager, à travers les indices d’épidémicité variables révélés par les Statistiques, ce qui revient en propre au facteur endémique, meilleure expression de l’atteinte réelle du pays. Seuls, d’ailleurs, une observation attentive et un long séjour sur place peuvent permettre d’en avoir une exacte connaissance. Or, il n’est pas dou¬ teux que la Provence continue à souffrir d’une endémie typhoidique fortement enracinée, 4 cet égard done, elle mérite encore d’être considérée de nos jours comme la région la plus éprouvée de France. 4. -— En ce qui concerne maintenant la mortalité et la fréquence des formes gtaves, une détente appréciable a été enregistrée au cours de ces dernières années, mais c’est tà un phénomène très génétal qui n’est pas spécial à ta Provence. A la base de cette atténuation reconnue de la maladie, plusieurs causes peuvent être invoquées. Bien entendu, en premier lieu, les résultats remar¬ quables obtenus par les antibiotiques. Mais une part doit être également faite à la proportion apparemment moindre des cas d’origine coquillière, habi¬ tuellement très sévères, et surtout à l’intervention désormais prédominante du bacille paratyphique B, celui-ci se substituant de plus en plus au bacille d’Eberth lui-même dans l’étiologie des typhoses (1). ER définitive, bilan assez mitigé, en dépit d’un certain nombre de cons¬ tatations plutôt rassurantes à première vue. En tout cas, ce que l’on peut affirmer, c’est que les affections typhoidiques ne sont nullement, comme on le dit très couramment, des maladies sur le déclin, en voie même de dispari¬ tion prochaine. Outre qu’elles sont capables de réveils brutaux et massifs. elles demeurent profondément incrustées dans plusieurs de nos régions et, en particulier, le long de nos côtes méditerranéennes. C’est pourquoi elles méritent que tout soit mis en œuvre pour les juguler, en brisant au besoin tous les obstacles, qu’il s’agisse de l’ignorance, de l’indiftérence ou de l’in¬ compréhension. C’est à ce prix seulement que pourra se cômpléter un jour l’évolution favorable actuellement amorcée. BIBLIOCRAPHIE 1. AUDIER (M.). Les coquillages, danger public. Soc, de Méd, de Marseille, séance du 8 avril 1937 (séance entièrement consacrée à la fièvre typhoide). 2. AUDIER (M). La Fièvre typhoide à Marseille. Soc, de Méd. de Marseille, séance du 8 avrit 1937. Ces statistiques indiquent d’ailleurs pour la 9 région militaire de Marseille (qui remplace Panciende Ige région), un taux de morbidité typhoidique de 036 pour 1.000 hommes d’effectif, chiffre qui traduit une situation toujours sérieuse et une régression de la maladie moindre que dans le milieu civil. 204 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE PROVENCE 205 1x — LA LEPRE EN PROVENCE Des la plus haute Antiquité, la Lèpre a sévi avec intensité sur tout le littoral de la Méditerranée, 3ftectant toultefois une prédilection marquée pour les rives du bassin oriental. Son histoire, sur les Côtes provencales, a fait l’obiet d’exposés récents de P. Vigne, de P. Léger et de Bianchi, lesquels nous retracent ainsi les étapes essentielles de son évolution. C’est surtout à l’époque des Croisades que le mal s’est développé dans notre Midi à la TaVeHT HE. L AELTUISSCIDCHE, HLS, TCIatTUnS aVCC, C PcvanE gere fortement contaminé. UIne Léproserie fut alors créée à Marseille, à l’exemple d’Aix. Arles et Salon. Une accalmie s’étant produite par la suite, l’Etablisse¬ ment fut alors rattaché à l’Hôtel-Dieu (1696), puis fermé. Ultérieurement, au moment de l’annexion de la Ligurie, la menace réap¬ parait, les malades de la Léproserie de San Remo s’étant répandus dans les villages des Alpes Maritimes" Ils devaient y donner bientôt naissance à de petits fovers autochtones dont on retrouve encore les traces de nos jours. En 1893, Zambaço Pacha. Boinet et Perrin signalaient 5 cas de Lèpre à Marseille. Ce chiffre: devait, passer à 11 en 1898, puis à une quinzaine en 1914 (Perrin). Pendant la première guerre mondiale, de multiples ateintes furent dépis¬ tées parmi les soldats de couleur et les travailleurs coloniaux admis dans les Hôpitaux marseillais en vue de leur rapatriement. Entre 1916 et 1923. il en fur dénombre jusqu'’à 235 dont 173 du Sénégal, 35 d’Indo-Chine, 19 de Madagascar, 6 du Maroc, I1 de Bretagne et I des Alpes-Maritimes. 206 LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE En 1923, à l’occasion du 3° Congrès International de la Lèpre. P. Vigne estimait à une vingtaine le contingent des lépreux vivant dans notre grand port. Sur ce total, un seul cas semblait d’origine véritablement locale, tous les autres étant d’importation étrangère. De 1923 à 19290, la même progresion continue à se manifester au sein de l’agglomération marseillaise. Chaque année, 7 à 8 nouveaux cas se pré¬ sentent dans les consultations des Hôpitaux. En 1929, il existait à la con¬ naissance de Vigne 26 lépreux dans la Cité, la moitié répartie entre les ger¬ vices hospitaliers, l’autre moitié libre et exercant des métiers divers, Parmi ces malades, il y avait des Français avant ou non séjourné hors de la Métro¬ pole, des indigènes coloniaux provenant notamment de la Martinique, de Madagascar, du Sénégal et de la Réunion, et enfin des étrangers — Levan¬ tins. Espagnols et Américains du Sud pour la plupart. Mentionnons parmi cet ensemble le cas particulièrement lamentable, de deux jeunes Françaises de 20 ans avant contracté la Lèpre à la Colonie où leur père, fonctionnaire, les avait emmenées. Ainsi donc, la maladie existe a Marseille. Elle y est même certainement plus fréquente que les Statistiques reproduites ci-dessus ne le laissent sup¬ poser car il faut tenir compte au surplus, non seulement des cas méconnus parce que non diagnostiqués, mais encore de ceux qui cherchent à se camou¬ fler dans le but d’échapper à toute contrainte légale. Ainsi Vigne a pu éva¬ luer à une quarantaine environ le nombre réel des lépreux présents dans la ville au moment où il a effectué ses recherches. Encore né comprend-il pas dans ce chiffre une dizaine de sujets attendant dans les Hopitaux d’être rénvovés dans leurs pays d’origine. 202 PROVENCE Avant entrepris dans les Apes-Maritimes une enquête analogue à la pré¬ cédente au cours de cette même année 1929, M. Barbary, alors Inspecteur d’Hygiène, parvenait de son cêté à identifier dans ce département un ensemble de 15 cas distribués comme suit : 2 à Eze, I dans chacune des localités de la Trinité, Contes et Peillon, 2 à Saint-Maurice, 4 à Castagniers. et enfin 4 à Nice même (dont 3 hospitalisés). Peu après, deux nouveaux cas venaient s’ajouter à cette liste, portant ainsi à 17 le bilan finat de l’auteur. Partout, sauf à Peillon, la contamination paraissait s’être faite dans la région même. Comparé à tous ceux antérieurement publiés, ce chiffre semble d’ores et déjà indiquer une régression assez sensible de la maladie (40 cas pour Perrin vers 1900, 33 pour Balestre en 1913). Ceci dit, quelle est actuellement la situation en Propencez Pour répondre à cette question, il est nécessaire de considérer séparé¬ ment le port de Marseille et le reste de la Côte. Sur l’ensemble du littoral, l’endémie parait être en uoie d’extinction continue cependant que, de, leur côté, les faits d’importation deviennent de plus en plus exceptionnels. A ce propos, Barbary nous écrivait en janvier 1946 ne plus connaitre un seul cas de Lèpre à Nice et dans ses environs, tous les malades autrefois recensés étant morts ou avant été évacués sur la Léproserie de Valbonne (Gard) sans avoir été remplacés (le cas récent de Migozzi est en réalité un cas importé). 4 Marseille, le problème est un peu plus complexe, étant donné la vul¬ nérabilité très spéciale de cette Metropolis exposée de toutes parts aux contacts les plus funestes. Comme on pouvait facilement s’y attendre, à la suite de l’exemple fourni par la guerre de 1914-1918, les événements de 1939-1940 ont eu immédiatement pour conséquence une augmentation nette du nombre des maladies d’importation dans la ville. Sur 3 370 sujets exa¬ minés en dix mois (septembre 1939 - juillet 1940) au Centre de dermato¬ vénéréologie de la 15° Région, Vigne a pu dépister 22 Lèpres authentiques. total qui n’a d’ailleurs rien d’excessif si l’on tient compte de l’effectif consi¬ dérable des indigènes coloniaux stationnés sur le territoire, ainsi que de la foule des travailleurs nordafricains et annamites (100 000 environ), hébergés dans les camps spéciaux de la grande banlieue marseillaise. Ces malades, pour la plupart originaires de nos possessions d’Afrique Occidentale, se répartis¬ Saient comme suit : Sur ces 22 lépreux, 18 présentaient des formes cutanéo-muqueuses com¬ plêtes. Dans 7 cas le diagnostic put être confirmé par la découverte du bacille de Hansen dana le mucus nasal ou dans le produit de grattage des lépromes. En réalité, cette poussée devait être de courte durée, et par ailleurs sans lendemain. Elle allaif bientêt s’apaiser du fait de l’extrême réduction entre 1940 et 1945 du trafie maritime et des transports de vovageure sans avoir eu fort heureusement le temps de créer sur place de nouveaux fovers de contagion. En 1946, Vigne pouvait ainsi nous écrire n’avoir eu l’ocasion d’observer durant toute cette période qu’un seul cas de Lèpre autochtone; encore s’axissait-il d’uu habitant de Sisteron avant eu des contacts avec des hommes de couleur au cours de la guerre 1914-1918. Après le paroxysme de 1939, il y a donc eu accalmie rapide. Mais rien ne prouve que celle-ci se prolongera indéfiniment. Il est probable, en effet 48 1A PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE que lo retour aux habitudes antérieures entrainera une reprise de l’état endé¬ mique autrefois signalé. Toutefois, on est en bon droit d’espérer que cette reprise ne s’opérera que sur un mode atténué. Pour arriver à ce résultat, des mesures de prophylaxie sont absolument nécessaires. Celles-ci doivent tendre vers un double objectif : 1. Empécher l’entrée sur notre sol de tous les suspects; 2. Assurer le dépistage de tous les cas nouveaux. En ce qui concerne le premier point, on peut dire qu’à l’heure actuelle aucune barrière sanitaire efficace n’a encore été créée. En fait la question de la Lèpre ne relève que des Services Municipaux d’Hygiène. A ce titre, les malades sont signalés au Bureau d’Hygiène mais se glissent néanmoins le plus souvent, les autorités municipales auxquelles il appartiendrait de prendre des décisions de refoulement ne parvenant que très rarement à s’y résoudre. Tout est donc à réorganiser dans ce domaine en dépit de la loi du 21 juillet 1929 rendant la déclaration de la maladie obligatoire. Quant au dépistage des cas nouveaux, il ne saurait être réalisé que grace à une collaboration très étroite entre les Médecins-praticiens et les Pouvoirs publics avertis les uns comme les autres de la présence locale de l’affection et de ses dangers. A ce propos, il nous parait opportum de rappeler que, cliniquement. la Lèpre sé manifeste sous des aspects très divers dont la méconnaisance est facile, surtout à la phase de début. Le plus sotvent tout se borne en effet à ce stade à l’apparition au niveau des téguments d’une ou plusieurs taches érythémateuses sans caractères bien précis. Dans d’autres cas, il est vrai, l’hésitation sera moins permise, en face notamment d’un élément déjà inflitré, d’une aire de dyschromie, ou d’une éruption bulleuse associée à des troubles vaso-moteurs. Parfois, enfin, on aura affaire d’emblée à une névrite avec altérations de la sensibilité objective, à une déformation en griffe des extrémités, voire même à un mal perforant. Eventuellement, on pourra assister à cette période à des phénomènes généraux sous forme de poussées fébriles irrégulières avec céphalées, ver¬ tiges, douleurs rhumatoides, sueurs profuses, asthénie, etc., sources fréquentes d’erreurs d’interprétation. Quant à la rhinite lépreuse, elle accompagne ordinairement les acci¬ dents cutanés, ne les précédant qu’exceptionnellement. De toute façon, passée cette étape initiale, le processus affectera une allure essentiellement variable suivant la manière dont le bacille de Hansen orientera son activité. Tantôt il touchera électivement le revêtement cutanéo-muqueux, réaligant alors la Lèpre systématisée tégumentaire — encore appelée Lèpre nodulaire ou tubéreuse. Lêpre tépromateuse L. (Congrès du Caire 1938) — trop souvent responsable de localisations viscérales graves. Tantot, au contraire, il accusèra un neurotropigme particulier, les atteintes névritiques occupant en l’occurrence le premier plan. C’est la Lèpre gystématisée nerveuse — Lèpre anesthésique ou trophoneurotique. Lèpre du type nerveux N du Congrès du Caire. A vrai dire, cette dernière forme n’existe que très rarement à l’état pur, presque toujours elle se complique de taches érythémateuses : de là les qualifications de forme maculo-nerveuse ou maculo¬ anesthésique qui lui sont couramment données. PROVENCT 209 On conçoit que, dans ces conditions, la constatation chez un sujet d’un érythême superposé à des zones d’anesthésie, à des altérations hypertrophi¬ ques des troncs nerveux superficiels et à de la rhinite chronique amènera à soupconner un diagnostic, dont la confirmation pourra être apportée par le Laboratoire, grâce à la recherche du germe causal dans le mucus nasal (création au besoin d’un coryzs jodique), dans les lésions cutanées (biopsie) ou dans les ganglions (biopsie ganglionnaire). lamais il ne faudra atendre pour poser ce diagnostic l’apparition de lépromes multiples de la face infiltrant les commissures labjales, le nez, les oreilles, les paupières, d’amvotrophies conférant au visage un aspect figé et immobile ou déformant les mains suivant le type Aran-Duchenne, de lésions osseuses génératrices de mutilations, etc. Ce sont là en effet des lésions ter¬ minales que la thérapeutique (huile de Chaulmoogra, sulfones) pourra éviter et qui, désormais, ne doivent plus s’observer, du moins sous nos climats. L’accès de notre territoire, étant interdit aux auspects, et les malades soi¬ gneusement détectés, la prophylaxie n’aura plus, dès lors, pour objectif que de limiter les possibilités de contagion en s’inspirant des modes habituels de propagation du germe. Celui-ci étant avant tout éliminé par les lésions ouvertes de la peau et des muqueuses (nez), par le sperme (role du coit). les urines et les selles, le mieux, sera de soustraire au plus t̂t le lépreux à tous les contacts extérieurs et plus spécialement aux contacts familiaux, en l’isolant dans un Etablissement de cure tel que la Chartreuse-de-Valbonne (1). Au préalable, il sera bon de déterminer son degré de contagiosité au moyen de la réaction dite de Mitsuda à la « leprosine » (2). Pour ce qui est de l’entourage, on ne perdra pas de vue ce fait que l’incubation péut être parfois de très longue durée, se prolongeant pendant dix ans et même davantage. Tels sont les aspects de l’endémie lépreuse en Provence. On voit qu’il ne convient ni de minimiser son intérêt ni d’exagérer son importance. Intégré dans le gros fover méditerranéen, le fover proyencal ne saurait évidemment être comparé à ceux, redoutables, que l’on, rencontre encore de nos jours en Asie, en Afrique, en Amérique ou en Océanie. Il n’en demeure pas moins le plus rebelle de France, surclassant nettement le foyer breton pratique¬ ment éteint et même le fover bordelais où Pitre a néanmoins pu dénom¬ brer une trentaine d’atteintes en 20 ans, vers les débuts de ce siècle De semblables faits, s’ils ne sont point de nature à motiver de graves inquiétudes, sont par contre suffisants à justifier le maintien de mesures énergiques de sécurité dans tous les secteurs exposés de notre littoral. (1) Il y aurait aussi transmission possible de l'affection par l’intermédiaire des objets souillés (linges, aliments). De plus, on a cru pouvoir incriminer l’intervention de vecteurs animaux : insectes (mouches, moustiques, poux, puces) ou acariens (démodex. sarcopte de la gale). Mentionnons à cet égard, qué le rat a été également soupconné, mais injustement sans doute, la lèpre murine due au bacille de Stefansky paraissant être totalement indépendante de la lèpre humaine (Adaptation possible toutefois à deux esp̀ces diff́rentes d’une même souche d’origine). (2) Une intradermoréaction pratiquée avec un brovat bouilli, filtré, formolé de léprome donne effectivement une réponse positive dans la plupart des formes tuber. culoides ou neurales peu ou pas contagieuses, et une réponsé négative dans les formes lépromateuses ou ipfltrotubéreuses qui, elles, sont contagieuses. 6 de revenir sur sa description. 210 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE BIRLIOGRAPHIE 1. BIAXCHI. La Lèpre autochtone en Provence. Thèse Montpellier, 1925. 2. BOINET. La Lêpre dans le Sud-Est de la France. Marseille méd, 1906, p. 86. 3. LÉGER (P.-J.). Etat actuel de la Lêpre en France. Thèse Paris, 1927. 4. MICOZZI, BARETY et DESESTRES (Nice). Lèpre autochtone. Soc, franc, de dermat, et sypl (filiale marseillaise), Nice, 19 juin 1954. 5. PERRIN (L.). La Lèpre à Marseille. Thèse Lyon, 1899. 6. PERRIN (L.). Cas de Lèpre observés à Marseille de 1892 à 1903. Marseille, 1906 p. 86. 7. Rapport sur la prophxlaxie de la Lèpre en France. Bull. Acad, méd., séance du 10 noyembre 1925, t. 94, ne 36. 8. VIGNE (P.). Répartition des fovers de Lèpre dans le Midi de la France. 3 Conf. internat, de la Lèpre. Strasbourg, 1923. 9. VIGNE (P.). Formes cliniques de la Lèpre observées à Marseille, ibid. 12. VIGNE (P.). Correspondance pers, 1946. 13. ZAMBACO PACHA. La Lêpre dans le Midi de la France. Acad, de Méd., 9 mai 1893. X — LES MALADIES TRANSMISES PAR LES RATS SUR LE LITTORAL ET AUX ALENTQURS DES PORTS L’extrême densité de la population, son entassement fréquent dans des habitations insufisantes et malsaines, la malpropreté des ruelles situées aux abords des quais, Fabondance des déjections de toutes sortes, résidus d’une vie intense, l’ardeur d’un soleil implacable qui active les putréfactions orga¬ niques, l’accumulation de stocks variés dans les dépôts du rivage ou dans les cales des navires ancrés dans les bassins, sont autant de facteurs qui ont favorisé et favorisent encore la pullulation des Rats dans nos grands ports de la Côte provençale. Or, on sait depuis longtemps que ces animaux sont les vecteurs d’une quantité de maladies qu’ils peuvent transmettre à l’homme par leurs émonctoires, leur morsure, ou par l’intermédiaire des parasites cuti¬ coles qu’ils hébergent, Parmi ces affections, il convient de citer avant tout le Typhus, la Peste, la Spirochétose ictérigène et une autre plus rare, le Sodoku, pour n’envisager que celles d’entre elles qui ont réussi à s’adapter à nos climats. Dès lors, on ne saurait s’étonner de les rencontrer un peu partout aux abords de nos grandes Cités méditerranéennes où leur fréquence est cependant beaucoup moins importante qu’on ne pourrait l’imaginer priori. A. — LE TYPHUS. Bien entendu, c’est au Typhus murin que nous voulons faire jci allu¬ aion. Il est essentiellement toulonnais. Le paragraphe spécial que nous lui avons précédemment consacré au chapitre des Rickettsioses nous dispens ENSYEINCE 6 — LA PESTE. Ele présente, à vrai dire, un intérêt plus historique qu’actuel. Toute¬ fois, on ne peut pas dire qu’elle ait complêtement disparu de notre sol. Sa zone de prédilection parait avoir été de tout temps le Comtat Venaissin et l’Embrunais. La première épidémie connue semble être celle d’Avignon en 545 qui nous à été contée par. Crégoire de Tours. En réalité, de, nombreux auteurs considerent que la vraie Peste ne pénêtra en France que bien plus tard. en 1270, importée par les Croisés. Quoiqu’il en soit la grande épidémie du XIV° siècle est demeurée célèbre dans les Annales, du fait de l’étendue de ses ravages. Née probablement aux Indes, on la voit bientôt gagner la Médi¬ terranée puis le port de Marseille en 1347. A ce moment, notre pays épuise par la guerre de Trente ans offre au fléau une proie facile. La population entassée dans les villes fortes est rapidement décimée et la ville de Mont¬ pellier notamment se voit entièrement dépeuplée. A Avignon, on estime le nom¬ bre des victimes pendant les trois premiers jours à 1 800. Le Pape Clément VI qui siège alors dans la Cité, fait construire un cimetière spécial pour les pes¬ tiférés, mais bientôt les corps ne peuvent plus y trouver place et doivent être jetés au Bhône. On évalue le total des pertes à Avighon et ses alen¬ tours à 150 000 environ. Dans ces conditions, il est facile de concevoir l’atmos¬ phère d’épouvante qui règne alors dans tout le Midi, engendrant, à côté des actes de dévouement les plus admirables, les superstitions les plus curieuses et les crimes les plus abominables. Du XV° au XVIE siècle, il ne se passe longtemps sans que l’on ne note de-ci de-là des cas isolés ou agglomérés du mal. Mais 1720 marque la date d’une nouvelle épidémie effrovable. Celle-ci est introduite à Marseille par un navire marchand, le « Grand Saint-Antoine », venant de SvTrie, et débute au Château d’I le 10 juillet. Le 13 aout, elle bat son plein dans la ville causant 1000 décès par jour au plus fort de ses méfaits et totalise finalement 40 000 victimes. Rapidement elle envahit tout le reste de la Provence (Arles, Aix, Tarascon. Embrun, Toulon, puis Cap en 1744). entrainant la mort d’un bon tiers de la population. Partie encore d’Orient à la fin du XIX° siècle, la Peste se réinstalle sur le bassin méditerranéen et, par l’Afrique du Nord, s’introduit en Europe. créant encore un fover à Marseille en 1902 sans toutefois devenir très menacante. Depuis lors, le mal n’est plus guère reparu que sous forme de cas spo¬ radiques à peu près exclusivement localisés au grand port phocéen. C’est ainsi qu’on en dénombre une cinquantaine en 1920 (Rochaix), une douzaine en fin d’année 1930 (Comité International d’Hygiène) et 8, dont 3 mortels. au cours du mois d’août 1933 (Ichoke). De son côté. Mattéi nous dit en observer régulièrement une vingtaine par an parmi les hospitalisés de son gervice de clinique médicale (Correspondance 1946). En l’occurrence, il s’agit désormais à peu près exclusivement de Peste bubonique importée soit du Levant (1933), soit de nos territoires d’Afrique du Nord. On sait que cette forme se traduit avant tout par l’apparition ultra-pré¬ coce, en vingt-quatre heures à peine, au milieu d’un état général d’emblée dramatique, d’une intumescence ganglionnaire horriblement douleureuse. localisée ordinairement à l’aine et ne tardant pas, après avoir acquis un vojume partois considerable, à adherer à la peau qui rougit et s’œedématie. part des Pouvoirs publics. 212 LA PATHOLOGIE RÉGLONALE DE LA ERANCE Dans les cas graves, généralement comnliqués de charbon pesteux, le bubon reste dur, douloureux, comprimant les organes voisins. Bient̂t la tem¬ pérature s’élève et le cœur faiblit, la mort survenant dans le coma entre le 3° et le 6° jour. Mais la guérison reste possible : c’est là en effet la moins sévère des formes de la maladie. Le bubon arrive alors à suppuration et s’ouvre à l’ex¬ térieur, tandis que la fièvre tombe et que les signes généraux s’améliorent. Le diagnostic se posera surtout avec les adénites aigués banales et le bubon chancrelleux. Il trouvera grand appui dans le Laboratoire qui révélera la présence du bacille de Versin dans le pus ganglionnaire, à condition que celui-ci soit prélevé avant le stade de fistulisation. De toute façon, on ne manquera pas de rechercher la phlyctène pré¬ coce, lésion d’origine, très spéciale, correspondant au point d’inoculation du germe par la puce du rat. Xenopsyla cheopis, ce rongeur, lui-même victime d’épizooties extrêmement meurtrières, servant de réservoir de virus dans la transmision humaine. Fait caractéristique : il n’existe pas de trainée de lymphangite entre cette lésion initiale et la tumeur ganglionnaire. Le mode de contamination que nous venons d’indiquer conditionne la prophylaxie. Celle-ci consistera en l’isolement des malades, la désinfection du linge et des locaux, la sérothérapie et la vaccination préventives et surtout la lutte contre les rats et leur destruction par tous les moyens appropriés P IRSTTT)83E) BIBLIOCRAPHIE 1. Comité permanent de l’Office internat, d’hyg, publique, sessions annuelles. 2. Encyclopédie médico-chir. Rubrique « Peste ». 3. ICHOK (G.). La Peste de 1931 à 1933. Presse méd, 16 juin 1934, p. 989. 4. SARLAT (P.-L.). Contribution à l'histoire de la thérapeutique de la Peste dans la Haute-Vallée de la Durance. Thèse pharm. Marseille, 1936. 5. SAU qudiustocon shntithainani itot lats 6ars dmula rga 174 C — LES LEPTOSPIROSES Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la Spirochétose ictérigène est peu répandue le long du littoral propencal où elle se localise de préfé̀rence à la région marseillaise et en bordure de l’étang de Bèrre, en direction de la Camargue. En réalité, plusieurs auteurs après Olmer avant insisté sur la fréquence relative dans les secteurs indiqués des formes frustes ou atypiques de la maladie (F, anictérique et méningée. F, pseudo-grip¬ pale, etc.), il n’est pas interdit de penser que celle-ci demeure souvent méconnue, sa recherche systématique étant dès lors susceptible d’amener bien des surprises. Comme toujours, elle frappe effectivement certains groupements professionnels (égoutiers, terrassiers, dockers travaillant sur les quais, etc.) qui devront en conséquence faire l’objet d’une surveillance particulière de la PROVENCE 213 Sous la rubrique des Leptospiroses, il convient de réserver une place spéciale, à côté dé la Spirochétose ictérigène classique, à d’autres variétés morbides aujourd’hui reconnues et notamment à « L. canicola » dont le réser¬ voir de virus habituel n’est plus le rat mais le chien. Un cas vient d’en être tout récemment observé à Nice par P. Audoly (1948). Il en est de même pour la Leptospirose à « L. pomona » (maladie des porchers) responsable à son tour d’une petite épidémie au sein d’un élevage des environs de Marseille situé dans la commune des Pennes-Mirabeau (Matéi, 1950). Quant à la dernìre variété de Leptospirose dite « grippo-typhosique », il n’en a été relaté aucun cas, au moins à notre connaissance, sur le littoral de la Provence. Il est probable toutefois qu’il ne s’agit là que d’un sursis momentané. Signalons, pour terminer, la publication ces derniers temps par Picard d’une centaine de cas de Leptospiroses à « L. ballum » apparus en trois ans dans les secteurs de la Camargue actuellement occupés par des rizières. lusqu’à présent, le germe en cause n'’était pas considéré comme pathogène pour l’homme. BIRLIOCRAPRIE 1. AUDOLY (P.). Forme rénale de la Leptospirose à « L. canicola ». Soc, méd. hp. Paris. 27 février 1948. 2. BRARIC, RECORDIER et VAGUE. A propos des formes anictériques de la Spirochétose ictéro-hémorragique. Gaz. hôp., 9, octobre 1935, p. 1365. 3. COMDES. OLMER (J.) et LATIL. Considérations sur trois cas de Spirochétoses ictérigènes atypiques. Soc, méd. Marseille, 14 janvier 1938. Marseille, 11 décembre 1935. (Discussion de J. OImer.). méd., 15 novembre 1950, p. 1269. 6. MONCES (J.) et OLNER (J.). La Spirochétose ictéro-hémoragique. Marseille méd. 5 janvier 1939, t. 76, n° 1, p. 39-42. Soc, méd. Marseille, séance du 29 novembre 1933. 8. OLMER (J.) et BEALCAIRE (R.)., A propos d’un cas de Spirochétose survenu en Camargue. Comité méd, des Bouches-du-Rhône (1937). 9. PICARD (J.). Les Leptospiroses des rizières de Camargue. Acad, nat, med, 6 avril 1954. D. — LE SODOLU. Dans le Midi et plus spécialement, semble-t-il, dans la région touton¬ maise, la rareté des cas de Sodoku n’est peut-être que toute relative. Encore que nous n’avons pu retrouver dans la littérature médicale locale d’avant la dérnière guerré que sent observations en tout et pour tout, à savoir celles de Boger (1917). Chaix (1932). Girard et Pauliceviteh (1935). Sala¬ vert (1935), Imbert. Martinon et, Fumoux (1937), il ressort de l’enquête que nous avons effectuée sur place que l’affection est certainement plus répandue que ne le laisse supposer ce maigre bilan. Nous allons d’ailleurs profiter de cette occasion pour rappeler les quelques caractéristiques fondamentales de ce processus encore trop fréquemment ignoré. 214 LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Maladie infectieuse due à un microorganisme spiralé, le Sodoku est trans¬ mis à l’homme par le rat, ordinairement par morsure. Très exceptionnel¬ lement on a pu signaler des contaminations par l’intermédiaire du chien ou du chat (cas de Salavert). L’affection débute, après une incubation de deux semaines environ, c’est¬ à-dire alors que la lésion initiale est déjà cicatrisée, par une réaction inflam¬ matoire locale intense, du type pseudo-phlegmoneux, avec lymphangite et adénopathies satellites. Au bout de quelques jours, on voit apparaitre un exanthème morbilliforme ou roséoliforme plus ou moins généralisé. L’évolu¬ tion est fébrile et se fait par ondes successives d’une durée de quelques jours au cours desquelles les signes inflammatoires et éruptifs renaissent ou s’exacerbent. L’ensemble, qui peut s’échelonner sur plusieurs mois, s’accom¬ pagne d’un état général altéré et de symptômes nerveux plus ou moins marqués. La guérison est de règle et les formes prolongées autrefois décrites ne se rencontrent plus de nos jours depuis que la thérapeutique arsenicale est mise en œuvre. On a souvent insisté sur les analogies frappantes qui existent entre ce processus et les autres affections à Spirochêtes : la Spirochétose ictérigène notamment (aspect semblable de la courbe thermique, importance des mval¬ gies) et même la Syphilis (réaction locale initiale, éruption secondaire, ten¬ dance spontanée à la chronicité). Le diagnostic clinique, facile quand les symptômes sont classiques et quand on a la notion récente d’une morsure de rat, peut présenter de sérieuses difticultés dans les nombreuses formes atypiques. L’erreur chirurgicale est de prendre la lésion pour un panaris et d’inciser. Quant à l’erreur médicale. elle consiste à confondre la maladie avec une Rougeole du fait de la conges¬ tion des conjonctives, de la bouffissure du visage et de l’éruption, ou encore — ainsi que le fait remarquer Targhetta qui vient récemment d’en obser¬ ver un cas dans les Hautes-Alpes — avec une primo-infection tuberculeuse, une Fièvre ondulante ou un Kala-Azar, surtout en milieu méditerranéen. Dans le doute, on ne manquera pas de faire appel au Laboratoire : examen direct (1) et inoculation expérimentale des produits virulents (sang. sérosité inflammatoire, suc ganglionnaire), étude des propriétés spirochéticides et spirochétolytiques du sérum de convalescent. BIRLIOGRAPHIE PROVENCE 213 XI. — LES AFFECTIONS EXOTIQUES A MARSEILLE Vaste enclave marine entre l’Eurone, l’Asie et l’Afrique la Méditerra¬ née a, de tout temps, grace au trafic intense qui s’est établi entre ses Côtes. favorisé les échanges entre les trois Continents. C’est ainsi que, de très bonne heure, elle a pu devenir l’un des berceaux les plus-actifs de la Civilisation. Mais, en contrepartie, elle n’a pas tardé à constituer, du fait même de son triple voisinage, un point d’appel électif pour toutes les infections, A l’heure actuelle, sa pathologie demeure l’une des plus riches et des plus variées du Globe. Il suffit à cet égard de jeter un coup d’œil sur les malades des Services hospitaliers de Marseille ou même de Toulon pour se rendre compte de cette multiplicité et de cette diversité des cas rencontrés. Souvent il s’agit de pro¬ cessus importés par les marins ou les colonjaux et qui s’éteignent ensuite rapidement sur place, faute de pouvoir s’acclimater au pays. Mais d’autres fois la maladie fait souche, déterminant secondairement l’apparition de cas autochtones plus ou moins nombreux. De toute façon, dans les grands Centres du littoral, on peut dire qu’épidémiologistes et cliniciens sont en perpétuet état d’aterte, étant à tout instant appelés à observer des entités morbides nouvelles, aux allures parfois d’épidémies graves, dont ils auront à rechercher l’origine parmi les affections propres à chacune des cina parties du Monde. Nous avons déjà eu l’occasion de décrire parmi ces maladies d’essence exotique la Lèpre, la Peste, la Leishmaniose viscérale et les Typhus. Nous allons maintenant complêter rapidement cette liste par les quelques exemples qui vont suivre. A propos de la Fièvre à pappataci, nous avons fait allusion à la Dengue pour dire que les quelques cas de cette affection signalés dans le Midi pro¬ venaient très probablement d’erreurs d’interprétation. Il est cependant une notion qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que le Stegomvia fasciata consi¬ déré comme le vecteur de la maladie a été rencontré à plusieurs reprises en différents points de la Côte provencale. Le Bouton d’Orient, probablement transmis par les Phlébotomes (1), se montre d’une très grande fréquence en Asie Mineure (Bouton d’Alep), en Egypte (Bouton du Nil) et en Algérie (Clou de Biskra). Il existe aussi sous la forme endémique en Grèce, où les Turcs l’importèrent il y a un demi¬ siècle environ. On le signale également dans les provinces méridionales de l’Italie et sur la côte orientale d’Espagne. En France, on fait surtout état à son sujet, de cas d’importation provenant pour la plupart des territoires présentant une fièvre irrégulière, des adénopathies, des phénomènes cutanés 216 LA PATLOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE d’Afriqne du Norl Il can jatscetcaot, ceoendaot de petioager onus titre exceptionnel on a pu enregistrer des contaminations autochtones presque toutes survenues après un séjour prolongé à Marseille, tel, notamment, le cas rapporté par leanselme en 1926, faisant suite à celui de Ravaut en 1920. Si le mal s’est beaucoup raréfié durant ces années de crise au point que Vigne pouvait en 1946 nous écrire ne plus en avoir observé de manifesta¬ tions depuis 1941, il doit maintenant normalement renaitre en même temps que la reprise du trafic maritime. Ainsi la Leishmanjose cutanée mérite-t-elle d’être bien connue, non seulement des dermatologistes exercant en Provence. mais encore de l’omnipraticien. Ceci nous amène à rappeler d’une manière très succincte les aspects cli¬ niques de cette affection. Après une incubation variable de quelques jours à quelques mois, celle-ci se traduit par l’apparition, le plus souvent sur les parties découvertes de la peau, quelquefois au niveau d’une piqure appa¬ rente d’insecte, d’une petite élevure rougeâtre qui, bientôt, prendra une forme conique acuminée et s’indurera à sa base sur un diamêtre de 2 à 3 centimêtres. A ce stade, la confusion est possible avec un furoncle, mais la rougeur est moins diffuse, la douleur nulle et surtout l’évoluion bien plus lente. En effet, au bout de quelques semaines on voir l’éniderme s’exfolier en débutant par le sommet du tubercule pour donner ensuite naissance à des lamelles blancĥtres et sèches de plus en plus étendues. Finalement, une croûte épaisse et dure, en « écaille d’huitre », se forme, plus adhérente que dans l’impétigo, laissant à vif après son élimination une ulcération aux bords irré¬ guliers et taillés à pic, au fond rouge sécrétant une abondante sérosité, mais sans aréole cuivrée comme dans la Syphilis, sans nodules périphériques comme dans le Lupus tuberculeux. Peu à peu l’écoulement devient moins abondant, le cratère bourgeonne et les rebords s’aplatissent jusqu’à ce que la croîte tombée un certain nombre de fois ne se retorme plus. Il ne subsiste plus à la longue qu’une cicatrice livide, maculeuse, indélébile, déprimée par endroits, très souvent entourée d’un halo pigmenté. Le diagnostic, reposera surtout sur la recherche, après coloration au Giemsa, de la Leishmanjose causale (L, tropica), soit dans la sérosité de sca¬ rification des rebords de l’ulcère, soit pluitêt 2̀ l’intérieur des cellules éni¬ théliales détachées par raclage de la plaie, à condition toutefois que celle-ci n’ait pas été soumise à l’action des antiseptiques. La filaire de Bancrott, très comune dans les régions éthjopiennes et orientales n’a pu jusa’à préseni s’adapter à nos climats, faute d’avoir pu trouver sur place le moustique capable d’assurer son évolution. Nous en dirons autant de la Filaire de Médine, également fréquente en Asie Mineure. en Ethiopie et dans l’Inde, et qui n’a pu utiliser pour son cycle les Cyclops de nos contrées. Néanmoins, Vigne a pu observer à Marseille un certain nombre de cas de Dracunculose presque tous originaires du Sénégal, et a réussi à en dénombrer jusqu’à huit entre les mois d’aout 1930 et de juil¬ let 1940 alors qu’il était à la tête du Centre de dermatologie de la 15° Région. En ce qui concerne la Trypanosomiase, on peut faire encore les mêmes remarques : possibilité de cas d’importation avec, par contre, inadaptabilité du germe aux climats tempérés. Citons, à titre d’exemple, le cas d’un sous-officier examiné par Toullec à son retour de la Côte d’Ivoire. A ce propos, l’auteur insiste sur la nécessité de toujours songer à l’éventualité d’une Typanosomiase chez tout sujet rapatrié d’A O.F, et surtout d’A. E.F. E 217 et des symptômes neuro-psychiques du type méningo-encéphalitique. La con¬ firmation du diagnostic sera alors fournie par la découverte du parasite (Trypanosoma Gambiense), soit à l’état frais, soit après coloration, dans le produit de ponction d’un ganglion, ou mieux dans le liquide céphalo¬ rachidien. Enfin, nous dirons un mot pour terminer de la Fièvre iqune. Cette redoutable maladie est transmise à l’homme par un moustique, l’Aedes argenteus, encore désigné sous le nom de Stegomvia calopus. Or, cet insecte existe dans le bassin de la Méditerranée où il est notamment responsable des épidémies survenues au Portugal, en Espagne, aux Baléares et en Italie, à la faveur sans doute de l’introduction par les navires de moustiques infectés par le virus tropical. Toutes ces épidémies se sont d’ailleurs arrétées spon¬ tanément et définitivement dès que la température s’abaissant au-dessous de 23° aux approches de l’hiver est venue mettre fin à l’activité des Stégomvies. En Angleterre et dans nos ports de l’Océan, des cas de Fièvre jaune ont parfois été egalement signalés. Comme le moustique transmetteur n’existe pas dans ces régions, force est d’admettre qu’en l’occurrence les Stégomvies ont été directement débarquées des tropiques et ont pu, dès leur arrivée, a une saison favorable, faire accidentellement un petit nombre de victimes. De tels faits n’ont jusqu’à présent jamais été observés sur nos côtes méditerranéennes. Logiquement cependant rien ne semble s’opposer à leur constatation, sur¬ tout depuis le développement des liaisons aériennes. Quant à la Fièvre bilieuse hémoglobinurique, bhien qu’elle soit babiquel. lement de source coloniale, nous préferons l’envisager dans le cours du prochain paragraphe, d’une part parce qu’elle est avant tout une maladie du rapatrié survenant parfois plusieurs mois après le retour en Métropole, d’autre part parce qu’elle sévit d’une manière autochtone et en dehors de tout apport exté¬ rieur dans un de nos départements, la Corse. BIRLIOCRAPHIE 218 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE X11 — AUTRES AEEECTIONS DIVERSES Nous allons maintenant passer en revue guelques affections assez dis. parates d’ailleurs, mais dont la présence en Proyence complète du point de vue nosologique la physionomie propre à cette province. A. — LE TRACHOME ET LES APFECTIONS OCULAIRES Le Trachome (ou « Opbtalmie craputence ) cemble svoir prie naiceance sur les bords de la Méditerranée d’où il s’est répandu en multiples foyers, tant en Afrique qu’en Asie et jusqu’en Amérique du Sud. Le bassin méditerranéen est contaminé dans son entier mais cenendant à des degrés divers. Tandis qu’en Egypte le mal touche jusqu’à 80 9% des enfants des écoles et qu’en Svrie-Palestine il frappe 75 % de la population. sa fréquence tend à diminuer à mesure que l’on avance vers l’Occident. En Grèce et en Vougo-Slavie il n’atteint plus environ qu’un habitant sur 1000. En Italie, il est encore responsable de la moitié des affections oculaires (55 2% à Palerme). En Espagne enfin, les Pouvoirs publics déclaraient, vers 1037, 40 000 trachomateux, presque tous rassemblés dans les provinces orien¬ tales (Heckenroth et Blanc). Cette situation parait due avant tout aux mauvaises conditions d’hy¬ giène qui règnent dans tous ces pays favorisant au plus haut point la conta¬ gion interhumaine. Ajoutons à cela l’abondance des mouches dont le rôle. en tant que vecteur du virus, est bien connu, et peut-être aussi la nature du sol, le sable propageant facilement l’infection conjonctivale grâce à son action traumatisante. En France, l’affection est moins commune, sans doute en raison de l’atti¬ tude un peu moins négligente qu’adoptent les habitants à l’égard des soins de proprété. Ele n’est toutefois pas une rareté puisqu’à Marseille on peut évaluer à 6 ou 7 pour 100 la pronortion des conjonctivites granuleuses par rapport à l’ensemble des ophtalmies (Heckenroth et Blanc). A titre d’exemple. le Professeur Aubaret signale d’autre part que le nombre des trachomateux inscrits et traités au Dispensaire de la Clinique Ophtalmologique de l’Hôtel¬ Dieu de Marseille du lei janvier 1919 au 31 décembre 1931 a atteint le total de 4 150, soit une moyenne générale de 320 par an. Après une augmentation nette aussitêt après la guerre de 1914-1918, le chiffre de ces malades a été ensuite en diminuant, tout en demeurant cepen¬ dant élevé. C’est pourquoi ce dernier auteur a été amené à les isoler des autres ophtalmies et à les soigner dans des locaux spéciaux, réalisant ainsi un véritable Centre métropolitain de prophylaxie dui Trachome. Actuellement cette Rickettsiose oculaire est bien connue, non seulement des Ophtalmologistes, mais encore de tous les Praticiens de la Câte. On sait que, cliniquement, elle se caractérise essentiellement par une hyperémie de la conjonctive tarsale et du fornix avec émission de sécrétions contagieuses et surtout formation de granulations arrondies, grisâtres et translucides. Rare¬ ment muettes, ces lésions déterminent ordinairement des réactions doulou¬ reuses avec sensation permanente de corps étranger oculaire. Si, dans les cas bénins, une guérison complète neut parfois se produire, il n’en est plus de même dans les formes moyennes ou graves où l’on assiste à la longue à la constitution de rétractions cicatricielles intenses génératrices d’entropions. lesquels sont susceptibles eux-mêmes de se compliquer d’ulcérations de la cornée. sales » (lean-Sedan). 219 PROVENCE La fréquence de l’Ophtalmie granuleuse sur le littoral méditerranéen ne doit pas faire oublier toutes les autres variétés d’Ophtalmies que l’on est en mesure d’y rencontrer. Nous avons déjà signalé celles, très répandues, qui peuvent résulter d’une immersion en eau polluée sur les rivages et surtout aux approches des ports. Il convient d’y adioindre les nombreuses atteintes d’origines professionnelles liées aux activités spéciales propres à la région et que lean-Sedan et ses Elèves, au cours d’une excellente étude publiée en 1943, ont catégorisé de la façon suivante : 1. - Maladies oculaires des marins et des pêcheurs. Parmi elles il faut citer le Ptérygion des marins exposés aux embruns. la Kératite des pêcheurs d’huitres, les hémorragies rétiniennes des scaphan¬ driers et, enfin, les troubles complexes observés chez les ouvriers emplovés dans les caissons, troubles paraissant relever avant tout d’une intoxication par les gaz irritants qui se dégagent des fonds sous-marins. 2. - Maladies oculaices des huiliers et des savonniers. Si l’on met à part les irritations externes banales et sans gravité, il faut signaler surtout ici les complications sévères résultant du sulfocarbonisme, du benzolisme et surtout de l’emploi du trichloréthylène. Elles s’observent sur¬ tout là où se trouvent les industries en cause, c’est-à-dire dans la vallée de la Siagne d’une part, dans la région d’Aix-Salon d’autre part, enfin dans toute la banlieue marseillaise. 3. - Autres affections oculaires particulièces. Contentons-nous d’énumérer sous cette rubrique la blépharo-conioncti¬ vite des cimentiers des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes, l’Ophtalmie carunculo-lacrymale des soufreurs de vigne du Vaucluse, la Blépharite des chiffonniers de Marseille, l’irritation conionctivale chronique des verriers phocéens et des mineurs de Fuveau, enfin cette curieuse conionctivite qui peut résulter de la projection dans l’ail des liquides intérieurs d’une tique de chien écrasée, lésion qui a été considérée comme susceptible d’être la porte d’entrée d’une Fièvre exanthématique du littoral (Olmer). Ce qui fait en partie l’intérêt, de toutes ces manifestations, c’est qu’elles peuvent simuler ou être simulées par le Trachome. Le diagnostic différentiel sera d’autant plus difficile qu’il s’agira le plus souvent d’ouvriers nord-afri¬ cains, corses, italiens ou espagnols, c’est-à-dire de sujets originaires de pays ou l’Ophtalmie granuleuse sévit à l’état endémique. Ajoutons à cela la pos¬ sibilité d’associations morbides extrêmement rebelles, les lésions trachoma¬ teuses se trouvant exaspérées par l’appoint supplémentaire de la maladie profesionnelle et, il faut bien le dire, par le contact incessant des « mains BIBLIOCRAPHIE C1 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE B. — LES SCLÉROSES RRONCHO-PULMONAIRES D’ORIGINE PROEES¬ SIONNELLE ET LES PNEUMOCONIOSES. En plus des affections oculaires auxquelles nous venons de faire allusion des Scléroses broncho-pulmonaires sont très souvent observées au sein de la population ouvrière, dans les mines et dans les usines de Provence. En pre¬ mier lieu, il nous faut mentionner les cas multiples de Pneumoconioses ren¬ contrées chez les cimentiers de l’étang de Berre, chez les verriers de Mar¬ seille et chez les mineurs travaillant daus les gisements de bauxite de Bri¬ gnoles (Var) ainsi que dans les galeries de lignite exploitées à Fuveau (Bouches-du-Rhône), à Manosque et à Forcalquier (Basses-Alpes). Pour le moment, nous n’insisterons bas sur la nature des troubles constatés en pareilles circonstances, ces troubles devant être décrits ultérieurement avec quelque détail au cours des paragraphes consacrés à la pathologie minière dans les bassins de Saint-Etienne, de Lorraine et du Pas-de-Calais. Nous passerons de même sans plus nous atarder sur les réactions broncho¬ pulmonaires et rhino-pharyngées, aiguès ou chroniques, qui sont l’apanage des dizaines de milliers d’ouvriers en permanence exposés aux émanations toxiques et irritantes résultant des industries chimiques qui partout prospèrent dans les banlieues phocéennes (emploi du soufre et de ses dérivés, manipu¬ lation des acides et des alcalis caustiques, utilisation des dérivés du benzol et des hydrocarbures chlorés dans la fabrication des huiles, des savons, des parfums, des engrais artificiels, des colorants, etc.). Bien que relevant avant tout de la médecine professionnelle, de telles manifestations appartienneat également à la pathologie locale du fait, non seulement de leur fréquence. mais encore de leur localisation aux seules régions industrialisées. C. — LES DERMATOSES PROFESSIONNELLES ET LA MALADIE DITE « DES CAMNES DE PROVENCE ». Toutes les activités que nous venons d’énumérer sont suscentibles éga¬ lement d’avoir des effets fâcheux sur le tube digestif, les dents, les reins. le systême nerveux, dle sanx et plus encore peut-être sur les téguments direc tement soumis chez tous les manipulateurs aux influences nocives (brilures et lésions eczématiformes diverses, « gale » des cimentiers, furonculose des mineurs, etc.). A ce propos, il nous parait intéressant de signaler une affection nouvelle et fort curieuse née de la large utilisation depuis la dernière guerre de la cellulose de l’Arundo donax ou « Canne de Provence » à titre de succédané dans la fabrication du papier. Elle se traduit chez les ouvriers qui transportent et débitent ces roseaux par des lésions cutanées visibles surtout au niveau des parties découvertes du cou et du visage avec, la plupart du temps, association d’un chémosis important, de phénomènes généraux fébriles et même de manifestations res¬ piratoires consistant en coryza, dysphonie, toux, expectoration hémoptoique. Le germe en cause parait être un champignon du type Hemintosporium et du genre Sporotrichum. Cultivé et inoculé au cobave, il détermine des lésions de conjionctivite et de l’oedême du scrotum. Chez l’homme, l’inocula¬ tion par scarification de l’avant-bras provoque des acidents cutanés avec retentissement ganglionnaire semblables à ceux que l’on observe dans la mala¬ die spontanée. PROYENCE 221 BIBLIOCRA TTE 1. Encyclopedie médico-chirurgicale, Intoxications et maladies par agents physiques. 2. HARANT (H.), NGUYEN-DUC et HUTTEL. Remarques sur la maladie des Cannes de Provence. Soc, de pathol, exot, 8 déc, 1943. D. — CHARRON ET TÉTANOS. A l’encontre de certaines régions du Bassin parisien (Beauce, Brie. Cham¬ pagne, Bourgogne), de la Lorraine, de l’Auvergne, des Charentes et même du Languedoc, la Provence n’est pas une terre charbonneuse. Quant au Tétanos, l’Institut National d’Hygiène nous fournit à son sujet le document PS9 Mortalité tétanique en Prouence durant l’année 1943 A en juger par ces quelques chiffres, le fait intéresant réside jci dans le contraste qui existe entre l’arrière-pays montagneux où les incidences du Tétanos sont rares, sinon toujours nulles, et la région côtière où elles se montrent plus fréquentes, sans toutefois atteindre des niveaux élevés. Cette impression ne se trouve guère cependant confirmée par le bilan suivant groupant les résultats enregistrés tout le long de notre littoral médi terranéen au cours d’une période plus récente. Mortalité tétanique sur le fitoral méditerranéen durant ta periode 1948,1951 (L.N.H.) 222 1A PATIOIOGIE BEGIONAIE DE LA EPANC On remarquera surtout sur ce tableau la position particulière du dépar¬ tement des Bouches-d-Bhône et la relative graxité de la situation qui » règne E. — L’ACRODYNIE INFANTILE. La plus importante étude suscitée par cette affection dans la région est sans doute celle de Barre, médecin des Hôpitaux d’Avignon, lequel a pu recueillir dans son service au cours des années 1934 et 1935 un total de 32 observations dont, à vrai dire, 24 seulement sont provencales, les 8 autres appartenant aux départements voisins de l’Ardèche (une) et du Gard (sept). Sur ces 24 cas provencaux, 15 sont originaires du Vaucluse et 9 des Bouches¬ du-Rhône. Il ne s’agit en l’espèce que de formes typiques dans leur symp. tomatologie (les formes frustes de diagnostic incertain avant été exclues). moyennes dans leur intensité et leur durée, isolées, sans allure épidémique et sans caractère apparent de contagiosité. Pour la plupart, on les a vues éclore vers la fin de l’hiver et au début du printemps sans marquer aucune prédilection pour un sexe ou pour l’autre. Ces constatations ne doivent pas faire penser que l’Acradynie se loca¬ lise électivement à la région avighonnaise La maladie existe très certaine¬ ment tout le long de la Cête provencale demandant seulement à y être attentivement recherchée. C’est ainsi que, dès 1935, plusieurs cas sporadiques ont déjà été signalés à Marseille par Roger et Fabre. P. Giraud et Rouquet. Poinso et Brunel. Cassoute et Montus. Dans une lettre qu’il nous a fait par¬ venir (fin 1946), le Professeur Giraud, de Marseille, nous signale en obser¬ ver plusieurs cas chaque année dans son service de Clinique infantile de l’Hôtel-Dieu. Nul doute pour que l’affection soit égalemenr présente dans les Alpes-Maritimes et dans le Var, ainsi qu’à l’intérieur BIRLIOCRAPHIE 1. BARRE (L.). L’Acrodynie infantile dans la région avignonnaise, Journ, de méd, de Lyon, n° 141, 20 fév. 1937. 2. CASSOLTE (E.) ct MONTUS (GI ). Deux obscrvations récentes d’Acrodynie intantite. 4. GIRAUD (P.) et ROLQUET. Soc, pédiat, Paris, 16 oct, 1934. 6. ROGER (H.) et FARRE. Marseille méd., 5 oct, 1934. E. — LA FIEVRE BLIEUSE HÉMOCLORINURIQUE. « Il arrive parfois, nous disent Blanc et Nosny dans un arricle publié en 1943 dans Marseille Médical, que chez des rapatriés venant d’A. O. F, ou d’A.E.F., du Tonkin ou de Madagascar, éclate dès l’arrivée dans la Métro¬ pole ou dans les jours qui suivent immédiatement, rarement quelques mois après le retour, une affection aigué, sévère, d’allure impressionnante, avant lés apparences d’un ictère grave et qui est une complication du’ Paludisme tropical. C’est la Fièvre bilieuse hémoglobinurique, » E 223 L’affection débute toujours brusquement, soit au cours d’un accès palustre, soit en période de bonne santé apparente, mais le plus souvent à la suite d’un effort violent ou encore d’une exposition au froid. On voit alors survenir un frisson solennel, bientôt suivi d’une élévation thermique à 412 de vomissements alimentaires, puis bilieux, d’envies fréquentes d’uriner avec émission d’urines couleur « malaga » puis « infusion de marc de caff́ » Aussitôt survient un ictère gagnant les muqueuses et ensuite les téguments, cependant que s’installe une anémie intense descendant parfois au-dessous de 2 millions. Le diagnostic est facile : il suffit d’y penser — et les discussions avec une hémoglobinurie d’origine parasitaire, une Fièvre jaune ou une intoxication par produits chimiques sont purement théoriques. La seule erreur à éviter en pratique consiste à méconnaitre l’hémoglobinurie et à s’orienter vers les hypothèses d’une crise d’urémie ou d’un ictère grave. La Fièvre bilieuse hémoglobinurique est etroitement liee au Paludisme. Elle ne survient que dans les pays où le Paludisme est endémique et chez les paludéens avérés : « S’il existe du Paludisme sans bilieuse, il n’existe pas de bilieuse sans Paludisme. » Le seul parasite à incriminer est Plasmo¬ dium praecox. Si PI. vivax et PI, malariae sont parfois mis en cause. c’est qu’il s’agit en l’occurrence d’associations polyparasitaires. Toujours d’après Blanc et Nosny dont la compétence est grande en la matière, le processus ne se rencontre que chez des sujets présentant un désé¬ quilibre humoral avec tendance spéciale à l’hyperhémolyse du fait de leur infestation malarienne. Advienne alors une cause déclenchante quelconque. telle qu’un refroidissement ou une ingestion de quinine dont les actions érythrolytiques sont depuis longtemps connues et l’accès bilieux apparait. La maladie est relativement fréquente à Marseille ainsi d’ailleurs que dans tous les grands Centres de rapatriement colonial (Paris, Bordeaux, etc.). A l’Hôpital Michel-Lévy ou transitent plus des 273 des militaires et fonc¬ tionnaires avant quitté la colonie pour raison de santé, la Fièvre bilieuse n’est pas exceptionnelle et certaines années les auteurs ont pu en dénombrer jus¬ qu’à plusieurs cas (une quinzaine en 8 ans, disent-ils plus loin). Parmi les rapatriés non tributaires dés Hôpitaux militaires, le processus n’est pas plus rare, et sa fréquence s’accroit depuis que les Médecins sont mieux avertis des incidences spéciales de la pathologie exotique. De là cette conclusion. « Le Médecin d’un port de débarquement ou arrivent les rapatriés coloniaux se doit de connaitre l’existence de cete urgence coloniale. En faire le diagnostic facile, c’est offrir au malade alors correc¬ tement traité toutes les chances de guérison. » BIBLIOCRAPHIE C. — INTOXICATIONS PAR LES VEMINS. — LES SCORPIONS EN PROVENCE. Partout où on le rencontre, le Scorpion est l’objiet d’une répulsion vio¬ lente mêlée de crainte. Si cette réputation facheuse est pleinement justifiée dans nos possessions d’Outre-Mer, et notamment en Afrique du Nord, elle l’est beaucoup moins dans nos provinces du Midi où les accidents dîs aux bidures sont ordinairement bénins. de piqures ou de tout jeunes enfants. urbains. 24 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE On trouve en Provence plusieurs espèces de cet arachnide, Parmi les plus courantes, il convient de citer : Buthus europaeus, animal de grande taille (82 mm) et de coloration fauve; Euscorpius flavicaudis, de dimension plus réduite (42 mm) et de teinte plus claire: Euscorpius carpathicus enfin, le plus petit de tous (27 mm). Le premier, dont l’aire de dispersion se contond sensiblement avec celle de l’olivier, s’observe sur presque tout le pourtour du Bassin méditerranéen : il est en particulier assez fréquent dans les terrains sablonneux et sous les roçailles des environs de Marseille. Le second affectionne spécialement les endroits frais et secs des maisons d’habitation. Essentiellement montagnard, le troisième se voit surtout dans le département du Var avec une prédilection marquée pour le massif de la Sainte-Beaume. Seul le Buthus est à redouter. Sa niaìre s’accompagne hahituellement d’une réaction locale importante avec douleur vive, rougeur et tuméfaction plus ou moins étendue. Il s’y surajoute parfois des phénomènes généraux : frissons, fièvre, tremblements musculaires. On a même décrit chez certains prédisposés des lipothymies, du délire et des vomissements. Quant à Euscorpius, sa piqure n’est pas plus dangereuse que celle d’une abeille. Les accidents mortels si souvent signalés dans d’autres pays ne s’obser¬ vent guère en France. Les formes graves elles-mêmes y sont l’exception et ne concernent que des individus avant subi simultanément un grand nombre RIRLIOCRAPHIE JOYEUX. Les piqures des scorpions en France. Presse méd, 18 janv, 1933, p. 104. XIIL. — LES ACCIDENTS DUS AUX RAINS DE MEE EN MÉDITERRANEE En dehors de ses bons effets, la mer peut avoir sur l’organisme humain des influences néfastes. Comme la montagne, elle est chaque année respon sable d’un certain nombre d’accidents. Ceux-ci affectant parfois sur les bords de la Méditerranée des aspects un peu particuliers, il nous a paru opportun de leur consacrer un paragraphe spécial. Nous passerons très rapidement sur les accidents brutaux par noyade. Ils sont en effet beaucoup moins répandus sur les Ĉtes provencales que sur celles de l’Atlantique, probablement parce que les plages de la Côte d’Azur. riches et très fréquentées, sont continuellement soumises à une surveillance attentive, et ont été depuis longtemps dotées du matériel de secours néces¬ saire. De nos jours, les quelques décès par submersion qui surviennent au cours des étés eont habituellement le fait de touristes imprudents ou inexpérimen¬ tés qui s’aventurent au large, à bord d’embarcations légères incapables de faire front à une tempête soudaine. Par contre, les infections dues l’eau de mer sont plus fréquentes ici qu’ailleurs. Elles ont pour cause la pollution extrême d’un littorat sans mores ou viemnent, e, dverser les, inonbrables cmhuene, ges couts 3 PROVENCE 225 C’est ordinairement à l’occasion de baignades que la contamination se produit : ainsi s’expliquent les Otites que l’on voit survenir lorsque l’im¬ mersion s’est malençontreusement accompagnée d’une pénétration d’eau impure dans les fosses nasales, les Pyodermites rebelles, généralement gref¬ fées sur de petites excoriations cutanées, et surtout la Spirochétose ictérigène dont plusieurs cas ont été récemment dépistés aux environs de Marseille ainsi qu’aux abords de l’étang de Berre. C’est encore aux bains — mais plus souvent, il est vrai, à l’ingestion de coquillages souillés — qu’il faut attribuer deux autres manifestations infec¬ tieuses d’une importance capitale dans la pathologie de la région. Il s’agit d’abord de la fièvre typhoide sur les incidences de laquelle nous nous sommes déjà longuement étendus et, en second lieu, de certains troubles gastro-enté¬ ritiques graves, mais non spécifiques, sur lesquels d’(Elsnitz a, à plusieurs reprises, attiré l’attention. Parfois annonciateurs d’une dothiénenterie qui éclora alors dans les jours suivants, ils semblent dus à l’intervention d’une flore microbienne variée où domine le Colibacille. Un autre danger mérite encore d’être signalé parce qu’il est particu¬ lièrement à -craindre sur les bords de la Méditerranée : c’est celui de l’Insolation. Celle-ci est redoutable, non seulement en elle-même, mais aussi en raison du coup de fouet brutal qu’elle est susceptible de donner à des lésions pulmonaires latentes. La Tuberculose des plages est aujourd’hui trop bien connue pour que nous avons à insister sur ses conditions d’apparition. Qu’il nous suffise de rappeler les conséquences désastreuses que peuvent avoir parfois ces « bains de soleil » inconsidérés, qu’une mode ridicule a mis en honneur depuis quelques années sur les Côtes découvertes et sans ombrages de Proyence. Ceci d’ailleurs ne constitue en rien une critique à l’égard de la thalasso. chérapie qui peut être très efficace lorsqu’elle est judicieusement appliquée. A Giens notamment, elle a donné des résultats remarquables dans le trai¬ tement de certaines formes de Tuberculose chirurgicale telles qu’ostéites, syno¬ vites, arthrites, etc. L’essentiel est de ne l’utiliser qu’à bon escient, en la réservant aux seuls cas où la lésion ostéo-articulaire est pure et nettement localisée, à l’exclusion de tous ceux où il existe une atteinte pleuro-pulmo¬ naire concomitante. Enfin, il nous reste à mentionner les effets hiologiques féchenx que peuvent avoir les bains de mer sur certains organismes débilités ou tarés. Chez l’individu normal, la natation peut être considérée comme un sport idéal parce que complet. Non seulement elle assure à tous les groupements musculaires un développement harmonieux, mais encore elle exerce sur le système nerveux périphérique et sur l’ensemble de la vaso-motricité une influence des plus salutaires due à la fois à l’excitation des terminaisons sen¬ sitives, au massage superficiel réalisé par les mouvements de l’eau, à l’action des sels minéraux en dissolution et aux propriétés toniques de l’air marin chargé de radiations. Malheureusement, toutes ces sollicitations extérieures ne peuvent être dosées : si elles sont sans inconvénients et sont même très favo rables chez les organismes sains, maîtres de leurs réactions, elles riquent par contre d’engendrer dans d’autres cas des perturbations profondes dont il est quelquefois impossible de mesurer les suites. C’est ce qu’a fort bien précisé M. Auchier dans un article dont nous ne saurions trop recomman¬ der la lecture, et qui contient notamment des indications précieuses en ce qui concerne les jeunes enfants (Arch, méd, génér. et col., lême An., n° 6. juin-septembre 1932). A l’heure actuelle, tout le monde veut se baigner sans aucune gène ni contrainte, et on ne compte plus les désordres graves qul résultent de cette attitude née du « snobisme des plages ». Combien de sujets névropathes. hypertendus, néphritiques ou rhumaisants voient chaque année 226 LA PATHOLOGIE BÉGIONALIE DE LA FRANCE leur état s’aggraver après up séjour de quelques semaines à la mer. De là cette recommandation sur laquelle nous terminerons le chapitre : nécessité d’un examen viscéral systématique chez tout sujet avant dépassé un certain âge et désireux de faire une cure hélio-marine active avec pratique des sports. surtout lorsque certains symptômes suspects seront déjà intervenus pour don¬ ner l’alerte. XIV — LES CRANDS FLÉAUX SOCIAUX A. — LA TUBERCULOSE. Comme pour le Bas-Languedoc, nous allons envisager tour à tour la fréquence de la maladie, ses variations dans le temps et sa distribution dans l’espace. Jusqu’en 1939, la Provence a compté parmi les régions francaises com¬ portant une mortalité tuberculeuse supérieure a la moyenne générale sans se classer toutefois dans les premiers rangs. Nous n’en voulons pour preuve que le tableau ci-après émanant de l’Institut National d’Hygiène : Morulite diffreuleuse pour 10000 hoahitan, t coutrs de F’anne 19 Ces chiffres établissent d’ores et déis̀ que si la Provence étair dans son ensemble moins entachée de Tuberculose que par exemple la Bretagne et le littoral de la Manche, elle l’était manifestément plus que le Bassin Aquitain ou encore le Bas-Languedoc que nous venons d’étudier. Ces notions se trouvent d’ailleurs confirmées par les renseignements émanant des milieux militaires. Au cours de leurs tournées de radioscopie systématique chez les jeunes recrues. Sieur et ses Collahorateurs ont cons¬ taté en effet vers la même époque un pourcentage beaucoup plus élevé d’at¬ teintes bacillaires le long de l’Atlantique et de la Manche qu’aux abords de la Méditerranée (voir Languedoc et Bretagne). A toutes ces données il convient toutefois d’apporter un correctif impor¬ tant : il réside dans, ce fait, que la région, provencale, atirant à elle un fort contingent de malades, en raison de son climat réputé et de sa riche dotation, en maisons de cure, se voit alors atribuer un certain nombre de décès dont elle ne saurait être tenue pour responsable. 27 PROVENCE La guerre de 1930 et les événements qui lui ont fait suite ont nette¬ ment aggravé la situation que nous venons de décrire en faisant de la Pro¬ vence l’un des foyers tuberculeux les plus importants de France. Voici, à cet égard, deux documents particulièrement éloquents, également empruntés aux publications de l’Institut National d’Hygiène. Le premier indique les variations de la mortalité tubherculeuse dans trois des départements de la portion littorale entre 1930 et 1943 : il pourra être utilement comparé à un document semblable reproduit plus loin au cha¬ pitre de la Bretagne (la lettre b indique l’indice brut et la lettre r l’indice rectifié en fonction de l’importance des décès de cause inconnue, parmi ces decès figurant fatalement des cas de Tuberculose camouflés ou non diagnostiqués) : Taux de mortolité tuberculeuse en Provence de 1939 ̀ 1945. d́bpartements provencaux durant l’année 1943, et permet ainsi de mesurer non seulement les progrès localement accomplis par la maladie depuis 1938. mais encore les changements survenus dans l’ordre général de classement. Alpes et des Alpes-Maritimes. 28 E°UEIE NNPIINEEE LE L INEVINE De ces tableaux, il ressort : 1° qu’il y a eu après guerre en France un déplacement indéniable des foyers de mortalité tuberculeuse, ceux-ci avant par exemple quelque peu abandonné des régions comme la Bretagne pour en envahir plus complè̂te¬ ment d’autres comme le Bas-Languedoc et surtout la Provence; 2° qu’il y a eu par ailleurs, à l’intérieur de cette même Proyence, un véritable glissement des zones de haute mortalité bacillaire depuis les sec¬ teurs montagneux (Hautes et Basses-Alpes) jusqu’aux plaines littorales (Var. Bouches-du-Rhône et Vaucluse). Ces deux phénomènes trouvent évidemment leur explication dans les graves perturbations économiques survenues dans le pays au cours des années de crise. Tandis que dans les départements producteurs comme la Bretagne on assistait alors, surtout dans les campagnes, à une amélioration sensible dustandingalimentaire, dans lesrégions d’oligoculture ou de monoculture telles que le Midi on observait au contraire, et plus spécialement sur la Côte et dans les grands Centres, une sous-alimentation parfois effrovable des popu¬ lations, éminemment favorable au développement des atteintes tuberculeuses. A partir de 1946 toutefois, le retour vers un équilibre économique plus normal, puis l’utilisation de méthodes thérapeutiques nouvelles (streptomy¬ cine. P. A. S., isoniazide), devaient entrainer rapidement une amétioration appréciable de l’état sanitaire ainsi qu’en fait foi le document ci-après : Mortalité tuberculeuse durant la période 1953-1955. Indices pour 100 000 habitants rapportes a domite du décédé Ce qui a été précédemment dit pour le Bas-Languedoc conserve donc en Provence toute sa valeur. Ici, en effet, comme de l’autre côté du Rhône. et pour des motifs sans doute identiques, les indices de mortalité pour tuber¬ culose accusent depuis la guerre une régression marquée, régression plus sen¬ sible en tout cas que dans diverses autres provinces françaises telles que la Normandie ou la Bretagne. Du point de vue tonographique maintenant, la prédilection de la maladie pour la zone côtière semble de plus en plus se confirmer. C’est ainsi que les départements littoraux du Var et des Bouches-du-Rhône comportent aujour¬ d’hui des taux plus élevés que ceux du Vaucluse et surtout des Basses-Alpes qui appartiennent déjà à l’arrière-pays. Deux exceptions toutefois s’opposent pour le moment à cette règle : elles concernent les départements des Hautes¬ PROVENCE 290 Comment interpréter ces évolutions successives2 Il est probable que dans ce domaine de nombreux facteurs sont intervenus, intriquant leurs effets. Tout d’abord il faut tenir compte des changements survenus dans les méthodes de recensement, basées désormais, non plus sur le lieu du décès, mais sur la résidence habituelle des sujets. Ainsi les départements n’ont plus aujourd’hui à supporter la lourde hypothêque que constituait autrefois pour eux la pré¬ sence de sanatoriums de cure implantés sur leur territoire. Il faut également faire une part à la notion de densité démographique et aux conditions de vie de l’habitant qui offrent à la tuberculose des possibilités de développe¬ ment différentes suivant qu’il s’agit de départements ruraux ou de départe¬ mentsriches en agglomérations urbaines, de villes de plaisance (Nice. Cannes..) ou au contraire de cités laborieuses (Toulon, Marseille.), ces dernières se montrant particulièrement vulnérables et longtemps sensibles aux crises économiques. Néanmoins, il est un facteur permanent sur lequel nous ne saurions trop insister dans cette étude : il a trait au climat. Souvent désastreux aux abords même du rivage trop directement soumis aux caprices des vents locauz (cer¬ tains sites comme celui d’Hvères bénéficient cependant d’un régime privi¬ légié), il s’améliore très rapidement pour peu que l’on s’enfonce de quelques Kilomêtres vers l’intérieur, devenant même recommandable dans les séquelles de pleurésie ainsi que dans les formes fibreuses de tuberculose, surtout lorsque celles-ci s’accompagnent d’hypertension ou de défaillance cardiaque. Nous nous bornerons à citer à ce propos les deux stations de Vence (325 m) et de Grasse (350 m) qui se sont assurées sur ce point une légitime réputation (voir pour le détail le chapitre des « Généralités »). Nous ne pouvons clore ce paragraphe sans faire allusion au « Maitre Vent », au Mistral, qui, déferlant comme nous l’avons vu sur la basse vallée du Rhône, y entraine des variations barométriques intenses, fort préjudi¬ ciables aux bacillaires. Il y a là de toute façon un facteur, à ne pas sures¬ timer sans doute mais aussi à ne pas négliger, susceptible d’expliquer, au moins en partie, l’importance de la mortalité tuberculeuse enregistrée dans tout le secteur constitué par le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, voire même le Var, et par contre son incidence moindre dans les Alpes-Maritimes non exposées à ces influences atmosphériques brutales. B. — LA SYPHILIS ET LES MALADIES VÉNÉRIENNES, Opérons tout de suite un coup de sonde dans ce milieu essentiellement vulnérable qu’est l’Armée. Voici ce que donnent à cet égard les Statistiques du Service de Santé pour la période d’avant-guerre d’abord, puis pour une période plus récente : Morbidité vénérienne observée dans la 15° Région Militaire avant-guerre 230 LA PATLIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Ce bilan est assez impressionnant. Seule la région de Lyon (14°) peut alors se mesurer avec la Provence, la surclassant même pour la Syphilis. mais s’inclinant devant elle pour la Blennorragie et le Chancre mou. Comparons maintenant ces données avec celles correspondant à ces der¬ nières années. Ici, il sera fait allusion à la 9° Région militaire nouvelle, nette¬ ment plus étendue que l’ancienne 15° Région à laquelle elle se substitue, puisqu’elle englobe, en plus de la Proyence et de la Corse une grande partie du Languedoc méditerraneen Morbidité vénérienne observée dans l'actuelle 9e Région Militaire en 1951-1952 Ce tableau indique dans l’ensemble des taux moins élevés que par le passé, fait d’ailleurs général, en rapport avec l’avènement des antibiotiques. Mais il montre surtout la persistance dans tout le Midi méditerranéen d’un foyer d’élection pour les maladies vénériennes, foyer tel qu’on n’en rencontre plus guère aujourd’hui de semblables, sauf dans la région parisienne. Or, on devine aisément que cete situation sérieuse est essentiellement le fait des grosses agglomérations urhaines, toutes fortement contaminées, situées le long de la Ĉte. Les villes de Marseille ét de Toulon méritent à ce point de vue une mention particulière, leur qualité de grands ports ouverts sur l’Afrique du Nord et sur l’Orient avant fait d’elles depuis longtemps des zones d’appel pour les infections" d’une extrême vitalité, parfois même plus importantes que Paris. Cherchons maintenant à déterminer quelles ont pu être, depuis une tren¬ taine d’années, les pariations de la morbidité vénérienne en Provence, en fonction des divers événements qui s’y sont succédés. Si l’on se rapporte tout d’abord à la période qui a immédiatement suivi la première guerré mondiale, on s’aperçoit qu’après la violente poussée qui a marqué ces quatre années de crise, il y a eu une détente progressive due sans doute à la fois à la diminution des apports étrangers et à une surveillance plus étroite des populations. C’est ainsi que le bilan des Syphilis récentes dépistées et traitées au Dispensaire antivénérien de Marseille a passé de 480 en 1925 à 200 en 1939, avec toutefois quelques oscillations comme par exemple en 1932 où une hausse passagère a pu être attribuée à l’extension du chômage. Au cours de la deuxième guerre mondiale il s’est produit, comme il fallait d’ailleurs s’y attendre, une aggravation soudaine de la situation, manifeste surtout en octohre 1939 au moment de la mobilisation, et en janvier 1940 lors de l’arrivée sur notre sol de nombreux travailleurs coloniaux et surtout de Polonais récemment contaminés au cours de leur passage en Roumanie. Puis à partir de 1941, les cas se sont à nouveau raréfiés jusqu’au jour du Débarquement où les troupes américaines ont amené chez nous un lot. important de syphilitiques. taux et les Dispensaires. PROYENCE En 1946, on vovait encore, d’après Vigne, trois fois plus de chancres syphilitiques qu’en 1942-1943 et dix fois plus de chancres mous, ceux-ci,, en raison de l’absence d’apport algérien, étant tombés précédemment à un taux très bas. Depuis lors, à la suite du départ des Américains et de la reouverture des routes menant en Afrique du Nord et en Orient, le problème est en train de reprendre peu à peu les mêmes aspects qu’avant les hostilités, à certaines nuances près cependant que nous avons déjà signalées plus haut (1). Quant à l’abondance et à la variété des formes cliniques observées, on trouvera dans les Annales de la Société de dermatologie du littoral méditer¬ ranéen, à la séance du 3 mars 1929, un compte rendu des plus intéresants mettant bien en lumière l’incidence fréquente de la Syphilis nerteuse dans nos grands ports de la Côte. Ces quelques données, tout en précisant la gravité du danger qui menace aujourd’hui encore les populations méditerranéennes, soulignent la nécessité d’une intensification de la campagne de prophylaxie menée par les Hopi¬ C. — LE CANCER Il convient d’envisager à son propos, d’une part la question de la dis. tribution géographique du mal suivant les régions, d’autre part celle de la répartition des Tumeurs en fonction de leur localisation dans l’organisme. Pour préciser le premier point, nous avons fait appel comme de cou¬ tume aux Statistiques officielles de l’Institut National d’Hygiène dont nous avons pu extraire les deux tableaux ci-après, le premier relatif à la période 1927-1936 et le second à la période 1948, 1955. Mortalité cancereuse durant la période 1927-1936. Indices catcules pour 100,000 habitanis (1) C’est bien ce qu’établissent, en particulier, les statistiques toulonnaises récentes de Girard et Jaubert, par rapport à 1951, en efet, le nombre des cas de Syphilis primaire et secondaire dépistes dans ce port a double dans la population civile en 1952 (32 cas contre 16) et prèsque tripié dahs la marine (59 contre 24). Le bilan est ainsi devenu absolument semblable à celui de 1939, maluré une population et des effectifs diminués En réalité, la plupart de ces cas sont importés et proviennent d’outre-mer ou de l’étranger. L'établissement de barrières sanitaires sévères s’impose donc aujourd’hui plus que jamais, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres. nombre. 296 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE De ce tableau relatif à la période d’avant-guerre ressort, surtout cette notion que, tandis que le Cancer est plutôt rare dans les deux départements montagneux de l’intérieur, il se révèle au contraire comme assez fréquent dans les quatre départements littoraux, sans que ceux-ci comptent toutefois parmi les plus affectés de notre pays. Mortalité cancéreuse durant la période 1948-1955 De la confrontation de ces deux tableaux, l’un ancien et l’autre plus récent, on peut tirer les conclusions suivantes : 1. — Le nombre des atteintes cancéreuses a qugmenté depuis la dernière guerre de plus de 50 % en moyenne dans la région provencale, comme d’ail¬ leurs dans le Bas-Languedoc voisin et d’une manière générale dans toute la France. 2. — Le fléqu, continue manitester pour les départements cêtiers la même prédilection que par le passé. 3. — Le département des Bouches-du-Rhêne apparait actuellement comme le plus touché. Cette constatation est d’autant plus intéressante à souligner que les Statistiques de mortalité se basent depuis quélques années, non plus sur le lieu de traitemhent mais sur le domicile même du décédé, ce qui exclut par avance l’argument faisant valoir l’existence à Marseille d’un Centre anti¬ cancéreux puissamment outillé, drainant à lui la grande majorité des malades de la Côte, facteur qui fausse obligatoirement les bilans lorsque ceux-ci sont exclusivement rapportés au département d’accueil. Toujours à propos de Marseille, notons aussi que la prédilection pour les quarkiers populeur du Vieux Port autrefois imputée au Cancer par L. Imbert ne peut plus aujourd’hui être admise, ces quartiers avant été entiè¬ rement démolis durant l’occupation pour faire place à des immeubles modernes. 4. — Quant au département des AIpes-Maritimes, il se montre également très atteint. A cet égard, une constatation intéressante a été, faite. On a remarqué, en effet, que le climat enchanteur de la Riviera avant de tout temps attiré un contingent important de retraités, il en est résulté pour la région une augmentation sensible de la proportion des gens âgés, lesquels sont précisément ceux qui, normalement, se trouvent les plus exposés aux risques de cancérisation. De là une cause indiscutable d’accroissement local du fléau qui, si elle n’enelobe pas tous les faits, en explique au moins un certain PROYENCE 233 Si l’on considère maintenant la question des localisations néoplasiques. voici un excellent document publié en 1932 par le Professeur Imbert qui va nous indiquer quelles ont été les différentes catégories de malades hospitalisés et traités au Centre anticancéreux de Marseille pendant les années 1929-1931 et le premier semestre 1932 (chiffre global des admissions au cours de cette période: 1 091) : Ce tableau appelle quelques commentaires. Au préalable, signalons qu’il ne concerne que les cas justiciables d’un Centre anticancéreux, c’est-à-dire relevant plus volontiers à l’époque consi¬ dérée de la cure par les agents physiques que de l’intervention, celle-ci se pratiquant alors surtout dans les services hospitaliers de chirurgie. Il y a donc lieu de tenir compte de cette sélection un peu particulière dans l’in¬ terprétation des chiffres publiés. En tête vient de beaucoup le Cancer de l’utérus, ou plutôt du col utérin. puisqu’il comprend à lui seul près du tiers de tous les Cancers recus au Centre. Et si l’on envisage uniquement le groupe des femmes, cette pro¬ portion s’élève au taux considérable de 50 pour 100. L’auteur explique cette énorme prépondérance par les rapports étroits qui existent vraisemblablement dans ce sexe entre la dégénérescence néoplasique et le développement de la vie génitale, le Cancer avant été observé avant tout chez des multipares (4 enfants en moyenne par femme atteinte). Après le Cancer utérin, Imbert place le Cancer du sein. Pour lui, en effet, la proportion de 12 pour 100 relevée dans sa Statistique est certai¬ nement très inférieure à la réalité, l’épithélioma du sein étant le plus sou¬ vent du domaine chirurgical et le radiothérapeute ne vovant dès lors venir à lui que les cas jugés inopérables ou justiciables d’une cure postopératoire de sécurité. Cette néoplasie touche pour ainsi dire exclusivement le sexe fémi¬ nin si l’on met à part l’exceptionnel épithélioma dendritique rencontré chez l’homme. Ainsi, si l’on ne considère que la femme, il faut porter le taux de ce Cancer à 26 9%, ce qui, joint aux 50, 9% du Cancer de l’utérus, repré¬ sente plus des 3%4 de l’ensemble des Tumeurs malignes féminines. L’auteur réunit dans la 3e catégorie les Cancers de la face et des leures et trouve pour eux le pourcentage global de 13 pour 100. Si l’on étudie la répartition de chacune de ces néoplasies suivant le sexe, on s’apercoit que. tandis que la première est un peu plus fréquente chez la femme, la seconde marque au contraire une préférence très marquée pour l’homme (39 cas sur 47). Il faut sans doute voir dans ce dernier fait le résultat des irritations extérieures répétées et notamment celles du tabac, le néoplasme de la lèvre étant comme celui de la langue avant tout un Cancer du fumeur. 234 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE La 4° catégorie groupe les Cancers muqueux de la bouche, de la langue. du pharyna et du larynx, ce qui correspond au total de 16 % des cas. Comre précédemment et pour les mêmes raisons sans doute, ils sont l’apa¬ nage du sexe masculin puisque sur 146 cas de Cancers de la cavité buccale (langue comprise) 140 appartiennent au sexe masculin. Peut-être faut-il faire une part dans leur genèse à un autre facteur favorisant représenté par la Syphilis. Enfin, le reliquat évaluable à 30 % des cas rassemble toutes les autres néoplasies : Cancer de l’estomac, du gros intestin, des voies urinaires, etc. Ordinairement, on ne les observe guère dans les Centres anticancéreux, et leur taux réel est, selon toute vraisemblance, beaucoup plus élevé. A propos du Cancer de l’estomac, dont la fréquence parait s’être accrue depuis quelques années, signalons que les Praticiens du département des Alpes-Maritimes considèrent qu’il se localise électivement à certains villages. en laissant au contraire d’autres apparemment indemnes (Saint-Paul-de-Vence, la Colle, etc.). Le bilan établi par Imbert n’est d’ailleurs pas le seul auquel nous puis¬ sions nous reporter à ce sujet. Plus près de nous, l’Institut National d’Hy¬ giène a publié des notes fort intéressantes concernant l’activité des divers Centres anticancéreux au cours des années 1935-1942. En consultant ce docu¬ ment, on s’aperçoit qu’à Marseille la distribution des Cancers suivant les organes s’est effectuée durant cette période de la façon suivante : Comme on le voit, ces taux sont tout à fait comparables à ceux indiqués dans la précédente publication. Mais le tableau de l’Institut National d’Hygiène présente un autre inté¬ rêt. Il permet de confronter les chiffres gui ont été obtenus dans les diffé¬ rents Centres de notre pays. Il montre notamment que la situation à Mar¬ seille et à Montpellier, est sensiblement identique avec, toutefois, pour cette dernière ville une fréquence moins grande du Cancer du sein (9,5 2%) et surtout du Cancer utérin (16,5 ), et par contre une fréquence un peu plus élevée de néoplasmes cutanés (17,2 9%). Mais il rend avant tout possible, la comparaison des moyennes marseillaises avec les moyennes générales de tous les Centres. Elles sont plus élevées dans le grand port du Midi pour les néo¬ formations de la peau et de la cavité buccale, mais plus faibles pour celles du tube digestif, de l’utérus, des seins et des organes génitaux de l’homme. Hâtons-nous cependant de dire qu’il faut bien se garder de prendre de telles données trop à la lettre et se borner à noter certaines tendances générales, les chiffres fournis dépendant sans doute moins des facteurs noso¬ logiques locaux que du mode de fonctionnement et des conditions de recru¬ tement propres à chaque Centre. D. — L’ALCOOLISME. Pour pouvoir apprécier le retentissement en Provence de cet autre fléau, le mieux est de s’adresser comme de coutume aux Statistiques de Dérobert qui, par l’intermédiaire des quantités de vin et d’alcool soumises dans chaque département aux droits de circulation, fournissent d’année en année des indications précieuses sur les quantités réellement absorbées. 235 BROVENCE 1. — Consommation en vin d’après le montant des droits de circulation acquittés (période 1936-1937-1938). 2. — Consommation en alcool d’après le montant des droits de circulation acquiffe (période 1937, 1938). Aioutons à ces deux tableaux les renseignements suivants concernant le contingent des bouilleurs de cru et le nombre des débits de boisson : Répartition des bouilleurs de cru (1936). LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 36 Répartition des débits de boisson (1936). De l’ensemble de ces documents il ressort surtout : l° que le vin est abondamment consommé dans les Hautes-Alpes et plus encore dans le Var: 2° que les alcools sont, par contre, très en honneur sur toute la Ĉte et plus spécialement dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et les Alpes¬ Maritimes; 3° que les bouilleurs de cru sont nombreux dans la région nicoise. Ceci dit, nous voudrions insister pour terminer sur les aspects un peu particuliers que, cevêt parfois l’alcoolisme dans certains milieux du littoral. Voici comment s’exprime Charles Godlewski (de Sorgues) à ce sujet : « L’alcoolisme de cafe, l'’alcoolisme bruvant est en régresion. On voit moins d’ivrognes, de pochards que jadis. « Les causes de cette régression sont les suivantes : « C’est d’abord l’interdiction de l’absinthe, mesure bienfaisante qui a sauvé une population pour laquelle cette liqueur était devenue « boisson nationale ». « C’est, en second lieu, le prix des liqueurs et des consommations qui oblige le consommateur, sinon à s’abstenir, du moins à se restreindre. « C’est ensuite le développement des sports (la jeunesse passionnée de sports boit moins). « Enfin, le développement des cités ouvrières, avec leurs habitations saines, présentant un certain confort et attachant l’ouvrier chez lui. La T.S.F. contribue aussi à le maintenir dans son home. « Mais, d’autre part, l’alcoolisme à la maison, l’alcoolisme insidieux et inconscient ainsi que l’appelait le Professeur Grasset, celui de la petite dose répétée n’a pas diminué, s’il n’a pas progrese. » Et le même auteur énumère comme suit les liquides fautifs de cette autre forme d’intoxication : D’abord les apéritifs, les anis, les amers, et surtout le fameux « pastis ». gorte d’ersatz d’anis et d’absinthe fabriqué avec des essences mélangées à l’eau-de-vie, et dont certains amateurs absorbent, à Marseille notamment, jusqu’à un demi-litre par jour. 237 PROVENCE Les eaux-de-vie elles-mêmes, le marc les liqueurs dites de ménage et autres (sauge, verveine, coing, arquebuse, etc.). On se rappellera à ce pro¬ pos le nombre impressionnant des bouilleurs de cru tolérés dans les Alpes¬ Maritimes. Ensuite le vin. Certains buveurs consomment dans le Vaucluse jusqu’a 6 et 7 litres par jour d’un vin local assez chargé en alcool (10 degrés au miaimuma). Enfin les cocktails, qu’une, mode désastreuse a introduits dans tous les cercles snobs de la Côte. « Entrée en matière des grands diners, motif de rencontre dans les bars, confident des rendez-vous, démoniaque vainqueur des jeunes vertus » comme le disait P. de Giovanni, le cocktail est en grande partie responsable de ces alcoolismes mondains et féminins qui se sont multipliés depuis la dernière guerre. Dès lors, on ne s’étonnera plus de rencontrer avec une inquiétante fré. quence dans les Hôpitaux et Asiles de Proyence des cas de cirrhose ou d’alié¬ nation mentale relevant de l’éthylisme (à l’Asile de Montdevergue, dans le Vaucluse, 5 à 7 % des internements concerneraient des alcooliques). Mais ce qui est peut-être plus spécial à cette région, c’est la quantité des mani¬ festations mineures (gastrites, tremblements, instabilité psychique..) que l’on a partout l’occasion de côtoyer à la campagne comme à la ville. C’est là un aspect spécial du problème qu’il importe de ne pas méconnaitre. Sans compter d’autre part que la vie facile et désœuvrée que mène la clientèle des casinos et des bars favorise non seulement le développement de l’alcoolisme mais encore celui de toxicomanies de toutes sortes lesquelles ont trop souvent leur dénouement dans un suicide aux barbituriques. E. — LES AUTRES TĹAUX SOCIAUX La mortalié infantile. Comme dans le Bas-Languedoc-Roussillon, la mortalité foto-infantile affecte en Proyence des taux moyens, d’ailleurs en régression dans l’ensemble depuis quelques années. Voici, à cet égard, un document récemment publié par l’Institut National d’Hygiène ou l’on notera simplement la position un peu plus inquiétante occupée par les têtes de liste. Vaucluse d’une part e Gard de l’autre : Mortalité focto-infantile durant la période 1948,1950. et Brun en Avignon). LA PATHOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE 238 Le goitre endémique. Il est peu répandu le long du littoral méditerranéen comme d’ailleurs dans toutes les régions côtières. Cependant, les Praticiens signalent encore l’existence de petits goitres nodulaires un peu partout dans les campagnes du département du Var. D’autre part, dans les Alpes-Maritimes, il subsiste tou¬ jours dans certains villages ou hameaux quelques foyers goitrigènes très limi¬ tés et bien circonscrits, en particulier dans les vallées de la Vésubie et de la Bevera. Ces fovers disparaissent d’ailleurs peu à peu à mesure que se réalise le plan d’adduction d’eau potable. Le rachitisme. Dans l’ensemble, la Proyence compte narmi les régions françaises les moins fortement entachées de rachitisme. On explique ce fait par la vie au grand air des habitants, l’intensité de l’insolation et la teneur suffisante des eaux en substances minérales. En réalité, si le grand rachitisme a à peu près disparu, le petit rachi¬ tisme, par contre, celui que le médecin doit rechercher et peut guérir. demeure assez fréquent dans le pays (1). On l’observe en particulier dans les vallées isolées et ençaissées des Alpes (P. Augier, Lapouge) et, plus encore. a Marseille même, dans les quartiers populeux de la ville. Il est alors le résultat de la misère, du manque d’hygiène alimentaire et, fait paradoxal en apparence, de la carence solaire. Trop souvent, en effet, on voit encore dans lé Midi des parents qui, sous le prétexte de protéger leurs jeunes enfants contre les rigueurs du vent ou les ardeurs du soleil, les condamnent à vivre claustrés toute l’année dans des pièces étroites, obscures et malpropres (Laplane, d’OElsnitz, Bories. Liotard). D’uae manière générale cependant, tous les auteurs sont d’accord pour admettre que la maladie va en décroissant d’année en année dans la région. grâce à l’amélioration du standard de vie et à la disparition progressive des vieux préjugés locaux (Carcopino, Binet, d’(Elsnitz à Nice, Passelègue. Curel BIBLIOCRAPHIE PROVENCE 23 240 IA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE XY. — INTLUENCE DES RESTRICTIONS ALIMENTAIRES DE LA PÉRIODE 1940-4945 SUR LA POPULATION MARSEILLAISE Partout entourée de terres improductives ou vouées aux cultures de luxe éloignée de tout centre agricole à gros rendement, bloquée aussi bien sur sa tacade maritime que sur sa facade continentale du fait de la raréfaction du tsafic et de la pénurie des transports, l’agglomération marseillaise, avec son million d’habitants, était destinée à souffrir tout particulìrement de la disette au cours des années de crise que nous venons de traverser. Cumulant à la fois les désavantages propres aux grandes villes et aux zones d’oligocul ture, elle devait faire bientôt figure d’énorme parasite au flanc d’une pro¬ vince surpeuplée, aux ressources restreintes. La riche plaine du Comtat elle¬ même n’allait pas tarder à se détourner d’elle afin de mieux assurer sa propre subsisance. Malgré cette situation précaire, la grande Cité a réussi à échap¬ per au pire, c’est-à-dire aux horreurs d’une famine complè̂te qui n’aurait pas manqué de rappeler les tragiques épisodes des siècles passés. Mais elle n’a pu pour autant éviter les méfaits d’une sous-alimentation collective qui pour n’avoir été que partielle, a néanmoins retenti encore lourdement sur la santé de sa population. Pour connaitre aussi exactement que possible la composition des rations distribuées durant ces années de restrictions, le mieux est certainement d’in¬ terroger les documents publiés par Kuhlmann dans la Revue de l’Institut National d’Hygiène comme suite à toute une série d’enquêtes effectuées dans les milieux les plus divers de la Capitale méditerranéenne. On apprend ainsi qu’en 1942 on pouvait évaluer entre 1450 et 1650 la teneur en calories de la ration de l’adulte (hommes et femmes réunis), à condition, bien entendu, de tenir compte, en plus des denrées contingentées. des quelques compléments fournis par le marché libre. Simultanément, ce taux pouvait être approximativement estimé à 1 750 calories chez l’adolescent (1 3), 1550 calories à l’âge scolaire (12) e 1350 calories chez le jeune enfant (1 1). Comparés aux rations théoriques normales correspondant à ces diverses étapes de la vie, les chiffres indiqués accusent de toute évidence un déficit énergétique important, de l’ordre notamment de 35 pour 100 chez l’adulte. Il est vrai que l’année 1942 fut une des plus sombres de cette période difficile, la ration moyenne de l’adulte avant dépassé 1 800 calories en 1941 et approché de 1 700 calories en 1943. Contrairement aux apparences, cette dernière valeur ne saurait toutefois être considérée comme l’expression réelle d’un progrès. Elle résulte, en effet. exclusivement de l’attribution en supplément d’hydrates de carbone, sous forme de pâtes alimentaires surtout, et sans aucune contrepartie en lipides et en protides animaux. Bien mieux, alors qu’en 1941 les adultes recevaient en moyenne par jour 36 grammes des premiers et 22 des seconds, en 1943 ils n’en touchaient plus respectivement que 25 et 13 grammes, quantités notoi¬ rement insuffisantes, eu égard à la masse des glucides octrovée. De là un déséquilibre profond entre les éléments de la ration, déséquilibre qui, non seulement allait ainsi en s’accroissant avec le temps, mais encore dépassait largement celui qu’on pouvait observer dans d’autres villes de France et notam¬ ment à Paris, moins favorisées pourtant du point de vue de l’apport calorique. Si l’on ajoute à cela certaines carences vitaminiques, on ne s’étonnera plus dès lors de la rapidité et de la fréquence avec laquelle les accidents patho¬ logiques sont survenus au sein de la population phocéenne. 6 PROYENCE 241 Ces accidents, à vrai dire, r’ont donné lieu à aucune remarque spéciale en ce qui concerne leur symptomatologie qui a été la même ici que dans n’importe quel autre secteur fortement éprouvé. Seul leur grand nombre a mérité d’attirer l’attention. Comme partout, ils ont pu être rangés sous deux rubriques distinctes. A. — Les accidents mineurs. Décelés avant tout en clientèle de ville ou découveris au cours de pros. pections systématiques et compatibles dans une large mesure avec le main¬ tien d’une vie active. Les principaux d’entre eux sont : fatigabilité. irritabilité, amaigrissement souvent important, aménorrhée, polvurie, bra¬ dycardie et anémie hypochrome, sans oublier une éventuelle héméra¬ lopie, indice probable d’une carence en vitamine A, ou une tétanie fruste, sans doute symptomatique d’une insuffisance calcique. Ces manifesta¬ tions ont été à un moment donné tellement répandues que Kuhlmann signa¬ lait en 1943 n’avoir obtenu de bilans somatiques absolument négatifs que chez 34 pour 100 des adultes et 50 pour 100 des enfants. B. — Les troubles majeurs. Commandant le plus souvent l’hospitalisation et l’alitement et consistant en de véritables cachexies, parfois camouflées par de volumineux œedèmes de carence, en des ostéopathies dites de famine ou en des phénomènes de défail¬ lance cardio-vasculaire. Encore que nous n’avons pu nous procurer à ce sujet aucune Statistique précise, il nous est permis d’affirmer que de tels cas ont été très nombreux dans les Hopitaux de Marseille, à partir surtout de 1943. Nous n’insisterons pas davantage sur tous ces faits qui, aujourd’hui, sont bien connus. Notre but en les évoquant a été de montrer 3 quel point est fragile l’équilibre alimentaire d’une metropolis moderne a partir du moment où les campagnes qui l’environnent ne peuvent plus suffire à assurer intégra¬ lement l’essentiel de son ravitaillement. Cette notion, vraie pour Marseille¬ l’est également pour Montpellier, pour Lyon, pour Lille et même pour Paris. pourtant entouré de plantureux greniers, mais qui s’est développé démesu¬ rément au cours de ces derniers lustres. C’est envisagé sous cet angle que le problème des carences alimentaires peut trouver logiquement sa place dans une étude spécialement consacrée à la pathologie des provinces françaises. BIBLIOCRAPHIE Appenoice : NPOSOINP9 TTUETNITE PES La Provence n’est pas favorisée en ce qui concerne le thermalisme, et c’est dommage. On ne rencontre guère sur son territoire que trois stations dignes d’être signalées. Ce sont: LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 242 Aix-en-Proveace Dans les Bouches-du-Rhône, à 28 Km de Marseille. Ses eaux chaudes (34°). oligométalliques, radio-actives, bicarbonatées calciques et magnésiennes com¬ portent comme indications maieures les troubles de la circulation de retour. les rhumatismes, les affections gynécologiques et les cures de diurèse (cures de boisson, traitements externes) : Gréoux-lès-Bains Dans les Basses-Alpes, sur les bords du Verdon, à 340 mêtres d’altitude. Grâce à ses eaux chaudes (36°), sulfureuses, chlorurées, carbogazeuses et radio-actives, ceste station convient aux rhumatisants, aux arthritiques, aux hypertendus ainsi qu’aux sujets atteints de dermatoses ou d’affections rhino¬ pharyngées chroniques (cures internes et externes): Montmicait Dans le Vaucluse, à 180 mêtres d’altitude Sa source suléureuse froide (16°) utilisée en bains, douches, pulvérisations et gargarismes est recomman¬ dable d’une part dans les dermatoses rebelles (eczéma, psoriasis, acné). d'autre part dans les affections chroniques des voies respiratoires supérieures. CONCLUSIONS Toutes les particularités que nous avons rencontrées précédemment dans le Bas-Languedoc vont se retrouver en Provence avec toutefois une richesse et une variété singulièrement accrues. Quverte sur la Méditerranée, véritahle « croisée des chemins » entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, dotée d’un grand port international, Marseille. vers lequel convergent tous les germes de l’Univers, cette région a été de tout temps une zonte d’attraction élective pour tous les apports morbides émanant des différents continents. Des le moyen âge, et durant les temps modernes, elle a vu s’associer à de redoutables paroxysmes de Typhoide et de Malaria autochtone des épidémies extrêmement meurtrières de provenance souvent lointaine (Peste. Typhus, et Choléra surtout), cependant que peu à peu la Lèpre parvenait à prendre pied sur ses rivages. Vers le début du Xxe siècle, elle a été envahie par la Brucellose maltaise, plus près de nous par la Fièvre boutonneuse et le Kala-Azar originaires d’Orient. Tout dernièrement enfin, elle a fait connaissance avec ce que nous pen¬ sons être « la Fièvre de trois jours », identifiée depuis peu sur le litoral varois comme dans l’Hérault, avec la plupart des Leptospiroses et la Tularémie. Que subsiste-t-il aujourd’hui de toutes ces agressions successives2 Sans doute quelques-unes des affections précitées ont-elles totalement disparu de son sol, tel le Choléra. C’est toutefois là une minorité. La majorité d’entre elles, en effet, s’y sont définitivement fixées, grâce notamment à la persis¬ tance locale des agents de transmission nécessaires, arthropodes vecteurs et hôtes intermédiaires. PROVENCE 243 Certaines, restées fidèles à leur berceau d’origine, se sont atténuées. comme ce vieux Paludisme camarguais, sujet pourtant à d’inquiétants réveils (témoin cette bouffée épidémique de plus de 200 cas survenue en 1941 près des Saintes-Maries, dans un Chantier de leunesse), ou encore cette Lèpre nicoise, aussi ancienne peut-être, mais désormais réduite à quelques rares 6a5. P’autres, d’avènement plus récent, se sont organisées dans des secteurs de leur choix, créant ainsi des foyers plus ou moins circonscrits : ce sont. outre le Typhus murin toulonnais, bien distinet du Typhus historique qui sévit par intermittences à Marseille (193 cas en 1942), la Fièvre boutonneuse et la Leishmaniose viscérale, localisées à toute la bande littorale, avec cependant une préférence marquée pour les banlieues résidentielles des grands Centres. Animés d’une puissance extensive plutôt faible (on n’observe guère annuellement à Marseille que 300 cas environ de Fièvres à tiques et une dizaine de cas de Kala-Azar), ces processus tirent avant tout leur intérêt épidémiologique des dangers que pourrait faire courir aux populations une exaltation soudaine de leur virulence. D’autres enfin, pratiquement les plus importantes, ont, pu se dévelopner dans des proportions impressionnantes, au point de devenir en quelque sorte les maladies les plus représentatives de la région, Elles doivent retenir par¬ ticulièrement notre attention. Il s’agit des Typhoses et de la Mélitococcie auxquelles on pouvait ajouter, il y a quelque temps, la Tuberculose que cer¬ tains facteurs locaux semblaient alors favoriser. La Provence est assurément une des régions les plus typhoigènes de France. Répandue dans toute la province, l’endémie typhoidique y revêt un caractère de gravité exceptionnelle dans les départements du Var et des Bou¬ ches-du-Rhône, pour devenir même critique dans les ports de Toulon et de Marseille. A cet état de choses, il faut reconnaitre des causes multiples, parmi lesquelles surtout la consommation sans cesse accrue de coquillages souillés. cueillis aux abords d’une mer sans marées, rendue malsaine par le déverse¬ ment d’innombrables égouts. C’est d’ailleurs sans doute à cette même pollution du lictoral qu’il faut attribuer également la fréquence relative des Otites ou des Pvodermites après immersion, la constatation d’assez nombreuses parasitoses intestinales, l’appa¬ rition enfin, autour de l’étang de Berre notamment, de plusieurs cas de Lep. tospirose ictérigène. Mais un autre fléau frappe le pays depuis quelques années. La Corse mise à part, la Proyence est, en effet, de toutes nos régions françaises, celle qui paie le plus lourd tribut à l’endémie brucellienne (indice de morbidité annuelle globale dépassant 22 pour 100 000 habitants). Dà à peu près exclu¬ sivement au Mélitocoque, le mal se propage surtout par, l’intermédiaire des moutons appelés à parcourir chaque été les voies traditionnelles de la transhumance, en direction des alpages. Quant à la Tuberculose, elle a manifesté de nets progrès après la der. nière guerre, faisant même craindre un véritable glissement des grands pôles d’activité bacillaire depuis les provinces du Nord et de l’Ouest de la France vers les rivages méditerranéens. En réalité, ce phénomène était lié à l’extrême disette qui régnait alors sur cette partie peu productive du Midi et aux flé¬ chissements organiques nombreux qui en résultaient. Depuis, la situation s’est tellement améliorée avec la reprise des rela. tions économiques normales associée à l’emploi des médications nouvelles que les indices de mortalité tuberculeuse en Provence et dans le Bas-Languedoc comptent aujourd’hui parmi les plus faibles de notre pays, rivalisant en cela EA ER6 RPEEEE PIRPEEE IPEIIETS1 portant un intérêt locat : LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE 244 Il est à noter toutefois qu’un facteur particulier intervient dans le Sud¬ Est médliterranen pour accroitre la frequence de la Tuberculose qui, sans lui, serait encore moins élevée. Il s’agit de l’action sur l’organisme humain d’un ensoleillement excessif et d’un climat instable dont les effets se trouvent dangereusement aggravés par les fâcheuses habitudes modernes des estivants. A côté de « l’Alcoolisme mondain » de nos stations balnéaires, la « Tuberculose des plages » a pris en effet de nos jours une extension considérable, l’un et l’autre de ces fléaux étant chaque année responsable d’une multitude de désastres. Et tout n'’a pas encore été dit sur cette « pathologie très spéciale » qu’est la pathologie provençale. Nous avons vu, en effet, que la Provence possédait sur sa côte un port d’une extraordinaire activité, véritable « Porte de l’Orient », largement ouverte sur le monde méditerranéen et sur le monde asiatique. Du fait des brassages humains continuels qui s’effectuent sur ses quais, Marseille se trouve en permanence exposé aux contaminations les plus variées. Ses hôpitaux recoivent des Leishmanioses, des Pestes buboniques, des Typhus, des Trachomes, des Trypanosomiases, des Lèpres, des Varioles (18 cas de janvier à avril 1952) importés de tous les points de l’Univers. Sa nosologie, d’une richesse infinie, apparait comme fortement teintée d’exo¬ tisme. Marseille représente en somme la « zone d’inoculation » sans cesse enelammée, toujours prête à essaimer ses germes de toutes parts, et notam¬ ment le long des lymphatiques puissants qui remontent sur Paris. On com¬ prend dès lors l’importance des barrières sanitaires organisées dans la ville. Mais on comprend également la complexité des problèmes diagnostiques qui peuvent se poser au Médecin phocéen en présence de certains syndromes curieux que rien ne parait rattacher aux causes communes. Ce sont ces Syndromes que, nous allons maintenant passer rapidement en revue en ne retenant d’ailleurs pour chacun d’eux que les quelques discussions com¬ A. — Les syndromes fébriles. Ils peuvent s’observer au cours d’une infinité d’états. Dans certains cas l’aspect même de la fourbe thermique pourra déjà constituer un bon élément d’orientation. Devant un sujet accusant une Fièrre continue en plateau surtout pré¬ cédée d’une phase d’oscillations ascendantes, c’est évidemment aux affections typhoidiques que l’on songera tout d’abord, d’autant que l’infection éber¬ thienne, les paratyphoides et par ailleurs les colibacilloses sont, comme nous l’avons vu, d’une fréquence extrème aux abords de la Méditerranée. Cependant. si le mode de début a été brusque, il faudra savoir faire des réserves en faveur d’une Rickettsiose et, tout en envisageant surtout l’hypothèse d’un Typhus murin ou d’une Fièvre boutonneuse plus volontiers de circonstance, ne pas méconnaitre à l’occasion un Typhus historique, en particulier si la rate est peu hypertrophiée et le tuphos, par contre, très accentué. Enfin, on se rap¬ pellera qu’à sa phase initiale le Paludisme d’invasion peut se présenter sous des aspects assez comparables, ainsi d’ailleurs que certains abcès amibiens dont l’allure toutefois sera ordinairement plus torpide. Une F’ièvre ondulante, encore qu’elle ne soit pas absolument snécifique de cette maladie puisqu’elle peut se rencontrer dans la Tuberculose et la Lymphogranulomatose maligne, fera dans le Midi surtout envisager une Méli¬ tococcie. Le tracé, en l’occurrence, sera constitué par des ondes fébriles suc¬ PEOVENCE 29 cessives dessinant toute une série d’oscillations, Parfois, lors de la première vague qui s’étend sur deux ou trois semaines, on pourra s’aiguiller vers une Typhoide malgré une ascension thermique plus rapide et des variations quo¬ tidiennes plus amples. Par la suite, d’autres ondes surviendront, généralement atténuées, laissant subsister dans leurs intervalles une fébricule vite débilitante. La Fièvre intermittente est, à l’opposé des types précédents, constam¬ ment faite d’élévations et de chutes brusques. Le Paludisme de réviviscence en réalise l’exemple le plus pur, qu’il s’agisse d’un Paludisme autochtone (Camargue) ou, au contraire, importé (Afrique du Nord. Corse, Sénégal. Indo-Chiné, etc.). Mais la Malaria n’est cependant pas la seule affection sus¬ ceptible de provoquer de tels incidents, et il faudra toujours songer au groupe assez disparate des « pseudo-paludismes » (Fièvres bilio-septiques, uro-sep¬ tiques, Méningococcémies, etc.) observables du reste sous tous les climats. La Fièvre récurrente est composée d’accès et de rémissions, de cyeles fébriles et apvrétiques allant en diminuant régulièrement d’intensité et de durée à mesure qu’ils se répêtent. En réalité, on peut se demander s’il s’agit là d’un type spécial. Certains auteurs estiment en effet que l’on doit n’y voir qu’une variante de Fièvre ondulante ou intermittente dont le rythme serait lié au cycle évolutif d’un agent causal particulier appartenant à la classe des Spirochêtes. A cet égard, si la « Fièvre récurrente » proprement dite n’a jamais encore été identifiée dans notre Midi, du moins y a-t-on signalé diverses variétés de Leptospiroses, depuis la Spirochétose ictérigène classique jusqu’au Sodoku des vieux quartiers toulonnais en passant par d’autres processus de connaissance plus récente. En présence maintenant d’une fièvre désordonnée échappant à toute sys¬ tématisation, il faudra soupconner un Kala-Azar, surtout dans sa forme infan¬ tile, Ici la température procède par accès pluri-quotidiens atteignant sou¬ vent 402, retombant ensuite dans les intervalles et risquant parfois de passer inapercue si l’on ne prend pas soin de procéder à des contrôles thermomé¬ triques répétés, toutes les quatre heures par exemple. Mentionnons également. parmi ces fièvres à allure ataxique, celle de la Trypanosomiase africaind parfois rencontrée à Marseille et remarquable dans les cas typiques par ses violents clochers vespéraux. Enfin, le dernier type thermique sera réalisé par certaines poussées fébriles de courte durée (trois jours en moyenne) survenant généralement l’été et susceptibles d’être mises au compte d’une Crippe, pourtant inac¬ coutumée en cette période de l’année. Hormis le cas d’une Leptospirose sans récurrence, il faudra alors songer à une Fièvre dos trois jours, ou « Fièvre à pappataci », affection récemment décrite en plusieurs points de notre litto¬ ral méditerranéen. Telles sont les quelques hypothèses qui pourront parfois être formulées d’emblée sur simple lecture de la courbe de température. Empressons-nous toutefois de dire qu’il ne s’agit là que de schémas d’ensemble valables seu¬ lement pour les cas typiques, les formes anormales éfant en réalité très nom¬ breuses. C’est ainsi que l’on a pu notamment observer des Fièvres typhoides à recrudescences fébriles, des abcès amibiens évoluant sur le mode intermit¬ tent, des Brucelloses donnant des accès pseudo-palustres ou réalisant des tra¬ cés en plateau. Tout ceci amène à conclure que le symptôme « fièvre » devra toujours être envisagé dans le cadre où il évolue, en tenant compte, au fur et à mesure de leur apparition, des autres éléments du tableau clinique splénomégalie, hypertrophies ganglionnaires, éruption cutanée, etc. — ces élé¬ ments étant également par eux-mêmes, ainsi que nous allons le voir, suscep¬ tibles d’éclairer le diagnostic, comme parfois d’ailleurs de le faire errer. LA PATHOLOGIE ŔGIONALE DE LA FRANCE 246 B — Les splénomégalies. Etant donnée la gamme très étendue des maladies infectieuses et parasi¬ taires observées sur les rivages méditerranéens, on concoit que la constatation d’une Splénomégalie y soit un fait à la fois banal et d’une grande valeur seméjologique. Devant une rate énorme, dépasant la ligne médiane, envahissant la fose iliaque gauche, plongeant même dans le bassin, par aileurs résistante sans dureté et entaillée de profondes incisures, c’est surtout au Kala-Azar qu’il faudra songer. Aucune autre Splénomégalie ne peut être comparée à celle que l’on découvre en pareil cas, pas même celle du Paludisme, dure et étalée, au moins au stade chronique, et capable pourtant d’atteindre, elle aussi, un volume considérable. A côté de ces rates parasitaires ordinairement accompagnées, du point de vue hématologique, d’anémie avec leucopénie et mononucléose, et s’intégrant par conséquent dans le chapitre des « anémies spléniques », il convient de signaler les rates intectieuses de volume plus modéré que l’on rencontre cou¬ ramment dans la Fièvre typhoide et la Mélitococcie, voire, à un degré encore moindre, dans la plupart des Rickettsioses et des Leptospiroses. Ajoutons que l’interprétation de ces Splénomégalies se trouvera parfois compliquée du fait de l’existence, non exceptionnelle, d’associations morbides : concomitance par exemple chez un même sujet d’une Typhoide et d’une Bru¬ cellose, d’une Typhoide et d’un Paludisme ou d’un Paludisme et d’un Kala¬ Azar. C. — Les adénopathies. Au moins ausi fréquentes que les Snlénomégalies elles peuvent comme elles soulever des discussions de deux ordres : Dans certains cas on aura affaire à des Adénopathies aigues, volumi¬ neuses, très douloureuses, du type bubonique, généralement localisées à l’aine. Si la lésion siège dans le cadran supéro-interne de la région inguinale, ne provoque pas de fièvre et pas du tout d’altération de l’état général, on ne manquera pas d’évoquer une origine chancrelleuse, surtout à Marseille, quitte à rechercher aussitôt au niveau des organes génitaux l’ulcération initiale et la trainée lymphangitique satellite. Si, par contre, la lésion siège plus bas que précédemment, provoquant en même temps qu’une douleur atroce une température très élevée, si, par ailleurs, elle s’accompagne d’un empâtement périganglionnaire accusé avec placard érythémateux superficiel sans lymphan¬ gite, on sera en droit d’envisager, après avoir éliminé toutes les adénites suppurées consécutives à des plaies infectées, la redoutable éventualité du bubon pesteux. Enfin, dans certaines conditions étiologiques très particulières on pourra être autorisé à évoquer quelques diagnostics spéciaux tels que le Sodoku après morsure de rat (plusieurs observations toulonnaises), la Tula¬ rémie, s’il y a eu manipulation de gibier malade (une observation avignon¬ naise), voire même la « Lymphoréticulose bénigne d’inoculation » consécutive à la griffure du chat dont trois cas viennent d’être publiés à Cannes par Stéhelin et Montoux (Soc. Méd. Hop, Paris, 15 juin 1951). Mais, dans d’autres cas, il s’agira d’Adénopathies chroniques. Celles-c orienteront évidemment, vers une multitude de diagnostics, banaux pour la plupart (Leucémie, Tuberculose, Maladie de Hodgkin, etc.). Deux de ces diagnostics pourtant retiendront notre attention : ce sont le Kala-4zar d’une part, et de l’autre la Trypanosomiase. On sait que la première de ces affec¬ tions peut donner lieu accessoirement à des réactions ganglionnaires formées PE22R PROVENCE 247 Trypanosomiase, des hypertrophies ganglionnaires semblables peuvent se ren¬ contrer, mais on mentionnera surtout les grosses intumescences de consis¬ tance rénitente, « prune mure », indolentes, jamais suppuratives, qui, heau¬ coup plus caractéristiques du processus, acquierront la valeur d’un symptôme capital. De toute facon, on ne méconnaitra pas l’intérêt de telles adénopa thies, cellesci rendant souvent possible par la ponction exploratrice l’iden¬ tification très rapide du germe. D. — Les colites et les syndromes colo-hépatiques. En présence d’une Colite qui dure, une hypothèse devra immédiatement s’imposer à l’esprit : c’est celle d’une Amibjase dont on s’efforcera de faire la preuve même s’il n’existe aucun passé colonial, aucun antécédent dysen¬ térique avéré, et si les troubles invoqués affectent une allure apparemment banale (diarrhée ou constipation tenaces, dyspepsie gastrique simple, etc.). On se rappellera qu’en l’occurrence l’atteinte du foie est la règle, pouvant déterminer, en dehors de l’abcès classique, des hépatites suppuratives latentes. trop souvent méconnues. Le même tropisme double colo-hépatique s’observera également dans la Mélitococcie avec son symptôme habituel, la constipation, et sa complication fréquente, l’hépatite à gros foie mou, d’allure tout à fait particulière. Quant à l’Ictère, s’il permet de discuter comme de coutume l’hépatite infectieuse épidémique à virus ou une étiologie typho-paratyphique, il sera de nature à susciter bien d’autres hypothèses. C’est ainsi qu’au cours du Paludisme le foie réagit constamment, et on peut alors voir apparaitre une jaunise, à fortiori s’il s’agit d’une Bilieuse hémoglobinurique, dont la parenté avec la Malaria reste indiscutable. De même, l’Ictère caractérise les formes typiques de la Spirochétose ictérigène e; du Typhus amaril, cette dernière affection étant toujours à redouter chez les sujets brusquement transplantés d’Afrique Noire et accusant, en même temps qu’un état infectieux grave. une albuminurie très prononcée. E. — Les exanthèmes et autres manifestations cutanées. la consatation d’une emption au cours d'un étar infectieux d’allure typhoide doit faire penser à la possibilité d’une Fièvre exanthématique. Les rares taches rosées de l’infection éberthienne céderont alors la place à des éléments beaucoup plus nombreux, d’aspect ordinairement maculo-papuleux voire même pétéchial (Typhus historique. Typhus murin). Ces éléments revé¬ tiront une physionomie encore plus spéciale dans cette affection que l’on a dénommée, non sans raison. « F’ièure bontonnense », oì les papules nette¬ ment surélevées, de couleur « lie de vin », ne tardent pas à se propager à la paume des mains, à la plante des pieds, voire même à la face (fait unique dans les Typhus), cependant qu’en un point quelconque de la peau une escarre noirâtre, la tache de Piéri, viendra indiquer l’endroit où a eu lieu la piqare infectante et empéchera toute confusion, non seulement avec les autrès Ricketisioses, mais encore avec la vulgaire Bougeole Pour nous en tenir aux exanthèmes assez particuliers au Midi méditer¬ ranéen, citons encore deux éventualités intéressantes : 1° les macules érythémateuses, généralement morhillitormes, de la Lêpre au début Des taches pigmentaires d’un jaune cuivré ou, au contraire, des zones achromiques réssemblant à du vitiligo leur succéderont. Elles pourront d’autre part s’associer à des lépromes dermiques, de coloration rosée et de consistance dure, infiltrant la peau et déformant à la longue le visage électivement atteint (faciès léonin). Fait essentiel, toutes ces manifestations diverses, pourra être fructueusement poursuivie. 248 LA PATLOLOGIE BéGIONALE DE LA FRANCE s’acompagent d’altérations de la sensibilité, parfois disociées à type de svringomvélie, qui constituent encore le meilleur test de leur origine hansénienne; 2° les poussées éruptives, morbilliformes ou roséoliformes, qui couronnent les vagues thermiques successives du Sodoku. L’identification du processus sera alors facilitée par la constatation, au niveau du point de pénétration du spirille causal, transmis par le rat, d’une réaction inflammatoire intense qu’il ne faudra pas confondre, au doigt, avec un simple panaris. Semblablement, un furoncle de la face qui s’invétère, se recouvre d’une cron̂te épaisse et s’ulcère, fera suspecter une Leishmaniose cutanée, surtout si le malade a fait un séjour en Afrique du Nord ou en Orient (bouton d’Alep, clou de Biskra, etc.). Enfin, devant certains eczémas chroniques, il faudra, le cas échéant, savoir reconnaître une origine professionnelle, liée aux activités spéciales du pays (dermatoses des ouvriers de l’industrie chimique marseillaise, maladie « des cannes de Provence », etc.). Mais ici, nous entrons plutot dans le domaine de la dermatologie. F. — Les autres diagnostics spéciaux à la région méditerranéenne En réalité, ils sont légion. Aussi, nous bornerons-nous à n’en signalet que quelques-uns : Voici un sujet au visage pâle et amaigri, aux sueurs profuses, atteint d’une fébricule persistante, et avant même, par surcroit, présenté récem¬ ment un épisode pulmonaire aigu : on pose aussitôt l’étiquette de Tuberculose, encore que tout ne paraisse pas clair dans le tableau clinique. Et voici, d’autre part, un malade chez qui une radiographie du rachis révèle l’effondrement d’un corps vertébral avec même à proximité un abcès ossifluent, le tout impo¬ sant, en somme, le diagnostic de Mal de Pott. Tous deux ont été adressés au Phtisiologue. Et, pourtant, il s’agit en réalité de Mélitococcies avant pris la forme « pseudo-tuberculeuse » dans le premier cas, « pseudo-pottique » dans le second. Nous entrons maintenant dans un service de Neurologie. Fci, c’est une Méningite Iymphocytaire évoquant la Méningite tuberculeuse, ou encore une Méningo-encéphalo-myélite faisant incriminer un quelconque virus neu¬ rotrope : encore et toujours ce peut être une Brucellose (penser aussi par¬ fois aux Leptospiroses « à formes anictériques et méningées »). La, c’est une parglysie radio-cubitale qu’après bien des alternatives on songera enfin à attribuer à une Lêpre. 33 Nous n’insisterons pas davantage : aussi bien retomberions-nous cons¬ tamment dans les mêmes hypothèses, en raison de la grande richesse séméjo¬ logique des affections mises en cause. L’essentiel sera donc d’avoir toujours ces diagnostics bien présents à l’es¬ prit pour, le moment venu, tout mettre en œuvre afin de les confirmer, en faisant notamment largement appel aux ressources du Laboratoire (hémo¬ cultures, séro-diagnostics spécifiques, examens du sang, du liquide céphalo¬ rachidien, d’une sérosité de ponction d’organe, de squames dermiques, etc.). Ce n’est qu’à ce prix que la plupart des mystères cliniques sur lesquels on bute pourront être levés, que les « pièges diagnostiques » en rapport avec le contexte local pourront êtte déjoués, et que l’œuvre de prophylaxie, si essentielle dans nos régions méditerranéennes exposées aux agressions les plus PROYENCE 249 (1) Si les pares de Brégaillon et de Balaguier dans la rade de Toulon ont éte détruits en 1941 à la suite d’une enquête concluant à leur insalubrité manifeste, le parc du Lazaret par contre a été maintenu et aménagé comme zone de reparcage pour les huitres en dépit de l’opposition énergique des hygiénistes et en particulier de M. Bestieu, Directeur départemental de la Santé du Var. Malgré l’installation du grand émissaire commun de La Seyne qui évacue vers le large les nuisances de l’agglo¬ mération toulonpaise, le parc du Lazaret demeure en effet impropre à la mytiliculture et ceci pour plusieurs raisons : d’abord la présence permanente en rade de navires de guerre dont les effectifs évaluables à quelques milliers d’hommes évacuent leurs caux usées dans le bassin ensuite le non raccordement à l’émissaire commun d’importants Etablissements industriels et, en outre, d’une grapde partie de l’Arsenal etun la Prsistanes hns lit lapbtsmnts ds etcialas la rinure du Ls que velle contume, dui comsite à diliser comhne ehohtoms la rivierce oun las qu de jette dans la rade. Dans ces conditions, le déclassement de la baie du Lazaret s’impose donc comme par le passé, aussi bien comme centre d’élevage que comme zone de réparcage, à moins qu’une station moderne d’épuration des coquillages p’y soit édifiée à l’image de ce dui a déjà été réalisé dans certains pays étrangers. Une telle mesure serait susceptible de concilier, ̀ la fois les impratits sanitaires et les interets non moins lgitimes d mytiliculteurs. III CO RS E GéNÉRALITES Située en Méditerranée, à 180 Km au Sud-Est de la Provence et à 80 Em à l’Ouest de la Toscane, la Corse couvre une superficie totale de 8 722 Km qui la classe au sixième rang des départements français. Souvent surnommée « l’Ile de Beauté », elle doit avant tour sa réputa¬ tion à la majesté sauvage de ses côtes, au charme mystérieux de ses vallées profondes, à la blancheur éclatante de ses cimes enneigées, à la luminosité de son ciel, à la douceur de son climat. Malheureusement, ces splendeurs sont à peu près les seules richesses dont la nature l’ait dotée. La stérilité de sa terre, la pauvreté de son sous-sol. l’insalubrité de ses rivages ont en effet, de tout temps, entravé son déve¬ loppement économique, empêché l’essor de son industrie, anémié son com¬ merce et condamné ses habitants à une existence par trop souvent précaire. Par sa structure, l’Ile apparait, au même titre que la Sardaigne sa pro¬ che voisine, comme un fragment de l’ancien continent tyrrhénien effondré. Elle se rattache donc géologiquement, au moins en maieure partie, aux mas¬ sifs primitifs des Maures et de l’Estérel. De constitution essentiellement granitique, elle possède en son centre une vigoureuse ossature montagneuse qui épouse sensiblement la direction de son axe principal. Des ilots particulièrement résistants de granulite et de por¬ phyre y marquent les plus hauts sommets, tels que le Monte d’Oro, le Monte Rotondo et surtout le Monte Cinto (2 710 m), aux altitudes presque pyré¬ néennes. Des granits aux formes plus émoussées se détachent de part et d’autre de la ligne des crêtes en solides contreforts orientés du Sud-Quest au Nord¬ Est, limitant entre eux des gorges escarpées par où s’échappent les torrents. Dans l’ensemble, le pays est rude et grave, découpé en multiples alvéoles demeurés longtemps fermés aux influences du dehors, et conservant encore de noa jours une remarquable individualité en dépit des efforts faits pour en favoriser la pénétration. Beaucoup plus accessible et moins sévère d’aspect, la région du Nord. Est, prolongement probable des chaines piémontaises, offre un relief nette¬ ment adouci avec ses croupes de schistes tendres dont la hauteur ne dépasse guère 1 500 mêtres. Entre ces deux massifs de roches anciennes, une large dépression formée de bassins successifs et tapissée de sédiments tertiaires s’est constituée, met¬ tant en communication la Côte de Aegriates et les berges boueuses qui s’étalent au pied de l’Incudine. 254 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Tout le long du versant oriental, en effet, les alluvions facilement arra¬ chées aux schistes des versants sont venues colmater les éperons montagneux. créant toute une zone de terres basses que l’on voit s’épanouir autour d’Aleria en une véritable plaine mesurant 40 Km de long sur une dizaine de profondeur. On imagine aisément quel peut être dans ces conditions le dessin des Côtes. 4 l’Est, c’est un littoral bas, rectiligne, troué d’étangs, infesté de moustiques, redouté pour ses fièvres : une vraie Côte de Languedoc. Au tra¬ vers des masses sédimentaires accumulées, les fleuves (Golo, Tavignano) ont dù se fraver un passage difficile vers « la Mer italienne », éparpillant leurs eaux entre d’innombrables lagunes. 4 l’Ouest, au contraire, sur toute cette vaste courbe qui s’étend depuis la baie de Saint-Florent jusqu’au détroit de Bonifacio, c’est la Côte proven¬ cale qui renait avec ses dentelures infinies et ses coloris d’une étonnante beauté. Ici, le littoral tranche directement les chaines cristallines, for¬ mant toute une série de promontoires élevés, séparés les uns des autres par de vastes golfes installés sur l’emplacement, des vallées submergées. On peut Y admirer tout à tour le golfe de Porto, le plus grandiose sans doute en raison de la proximité immédiate des reliefs les plus puissants, le golfe de Sagone encore riche de son passé grec, la rade d’Ajaccio, l’une des plus belles du monde, ponctuée par les taches sombres des iles Sanguinaires, le golfe de Valinço enfin, avec ses villages en acropole. A ces diverses échan¬ crures aboutissent les cours d’eau (Liamone. Gravona, Taravo, etc.) descen¬ dus des pentes voisines. Tous ont des airs de torrents impétueux. Mais la dureté des terrains granitiques leur avant interdit d’amples déblaiements, ils n’ont pu donner naissance à leur embouchure qu’à des plaines alluviales de médiocre étendue, fertiles sans doute, mais également maremmatiques, et sans cesse désolées part la Malaria. Cette affection, qui sévit sur la Côte Est sur toute son étendue, se présente donc ici sous l’aspect de fovers espacés dont chacun correspond au débouché d’une vallée. Le climat de la Corse offre toutes les caractéristiques du climat méditer¬ ranéen : il est doux, sec, ensoleillé, mais malheureusement trop soumis aux caprices des vents. Ceux-ci soufflent effectivement de toutes parts, qu’il s’agisse du « levante » de l’Est ou du « grecale » du Sud-Est, du « sirocco » du Sud, ou du « libeccio » du Sud-Quest. Ce dernier mérite de retenir tout spécialement l’attention. Venu d’Espagne, il se dirige vers le golfe de Gênes, abordant au passaga l’Ile avec une rare violence. S’engouffrant dans les vallées, il atteint notamment Bastia où il déclenche de terribles rafales, aux¬ quelles font d’ailleurs fréquemment suite, sans transition aucune, les vents du Nord attirés eux aussi par la baisse du baromêtre. Il en résulte des cou¬ rants contraires et des tourbillons pénibles à supporter pour l’homme. Quant à ces vents nordiques que nous venons de mentionner, lorsqu’ils dévient au Nord-Quest — ce qui est l’exception — ils prennent le nom de « maestrale », mais ils semblent alors n’avoir rien de commun avec le mistral de Proyence puisque, les jours même où celui-ci souffle avec rage sur Marseille, c’est ordinairement un vent d’Ouest ou du Sud-Quest que l’on enregistre dans le Nord de la Corse. De toute façon, ce régime des vents conditionne une multitude de cli¬ mats locaux avec, il est vrai, la participation étroite de deux autres fac¬ teurs également essentiels, à savoir l’exposition et l’altitude. Dotée d’une puissante échine montagneuse arrétant en tous sens les nuées. l’Ile est en effet, dans toute son étendue, très fortement arrosée. C’est ainsi que les 9/710 de sa surface recoivent chaque année plus de 800 mm de pluie. moyenne nettement supérieure à l’ensemble de la France. Mais — et c’est là un phénomène spécifiquement méditerranéen sur lequel nous avons déjà CORSE 255 insisté — ces pluies se concentrant à peu près exclusivement d’octobre à mars sous forme d’averses torrentielles réparties seulement sur quelques jours de l’année (48 en 1930 à Bastia), le sol, de ce fait, apparait presque tou¬ jours desséché sous un ciel limpide et lumineux. Ce sont ces diverses données combinées, avec leurs variations locales particulières, qui ont permis à certains auteurs, et à zucarelli notamment. de définir en Corse trois zones climatiques superposées avant chacune sur l’organisme humain son influence propre. lusqu’à 500 mêtres de hauteur, en bordure du littoral, règne une tempé¬ rature constamment élevée, supérieure même à celle de la Côte d’Azur puis¬ que sa moyenne annuelle dépasse 16°. L’hiver surtout y est agréable, notam¬ ment dans la région d’Ajaccio, véritable « paradis de calme atmosphérique » convenant tout spécialement aux malades et aux convalescents. Ceux-ci évitent par contre les Côtes malsaines, ainsi d’ailleurs que le Cap Corse trop exposé aux tempêtes, et sans cesse balavé par le brutal « libeccio », trop humide aussi, les vents de pluie étant par excellence les vents du Sud-Est bloqués à cet endroit par la chaine littorale. Entre 500 et 1 800 mêtres, l’atmosphère se rafraichit progressivement. l’air devient plus léger et en même temps plus reposant. C’est dans cette zone que viennent se réfugier l’été les hahitants des terres basses chassés par la Malaria. Bientêt rejoints par le flot des touristes, on les voit s’installer dans les vallées bien abritées, faisant ainsi la fortune de petites stations comme Calacuccia, Venaco. Vizzavona, Bocognano et Morosaglia, toutes situées dans de délicieux sites de verdure. Au-delà de 1500 mêtres enfin, la température fléchit très rapidement à mesure que l’on se rapproche des hauts sommets où les neiges persistent pendant la plus grande partie de l’année. Ainsi, comme le fait remarquer le Professeur Mattéi, il existe en Corse ( à coté des climats maritimes pour stations d’hiver esaimées sur le littoral. un climat plus sédatif, plus égal, qui est celui du Centre, propre aux séjours d’été ». A ces influences favorables exercées sur les organismes débilités par la Cête et nar la montagne, il ne faut pas manquer d’ajouter l’action propre de la mer Mautéi nous la décrit en effet comme une précieuse auxiliaire du Médecin lorsqu’elle aide à la guérison des atteintes de Lymphatisme, des Adénopathies, des Ostéopathies simples ou tuberculeuses si souvent rebelles aux cures habituelles. « S’il est, dit-il, un pays où le traitement par la mer. la thalassothérapie, peut être efficient, c’est bien la Corse avec ses rives de mer limpide et de soleil ardent. » Malgré ces biens précieux, la Corse est loin cependant d’être la terre de fécondité à laquelle on pourrait s’attendre. Demeurée longtemps isolée, à l’écart de tout progrès, elle n’a guère su renouveler ses méthodes, accroitre ses ressources, ni même s’adapter aux conditions de la vie moderne. La forêt occupe encore chez elle une place considérable. Elle est d’ail¬ leurs presque partout magnifique : les pins laricios y côtoient les hêtres et les chênes verts, ou voisinent avec les châtaigniers séculaires dans nulle autre contrée aussi imposants que dans le pays qui a recu d’eux le nom de Casta¬ gniccia. Là où les grands bois ont disparu du fait des incendies, du bucheron¬ nage ou des milliers de chèvres brouteuses de pousses, sur d’immenses étendues. se developpent le maquis, la broussaille, les arbustes odoriférants; myrtes. arbousiers, lentisques, bruvères arborescentes. Cette brousse parfumée est la grande caractéristique des collines et des montagnes basses; elle les embellit, les embaume, les empèche de se dégrader; elle y conserve les sources. LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 256 Mais elle restreint d’autant l'’espace disponible pour la culture. Si l’on met à part les vignobles très réputés du Cap et les oliveraies de la Balagne. il n’existe guère dans l’Ile d’agriculture digne de ce nom. Et pourtant, les terres alluvionnaires de la Côte orientale se prêteraient admirablement au développement des céréales et des primeurs si la menace permanente des Fièvres paludéennes n’en avait fait depuis longtemps de vastes déserts. Certes, depuis la loi de 1911, d’importants travaux d’assainissement ont été entre¬ pris vers Biguglia, la Casinça, etc. Malheureusement ces efforts sont cons¬ tamment contrariés par la pénurie de main-d’œuvre qui risque également d’entraver un jour la mise en valeur des terres bonifiées. C’est à la même précarité de la main-d’œuvre, beaucoup plus sans doute qu’à la pauvreté du sous-sol, qu’il faut attribuer l’absence d’industrie dans le pays. On a découvert en effet en plusieurs endroits des gisements de houille et de minerais, mais ceux-ci sont demeurés jusqu’à présent à peu près inex ploités. Il en est de même des nombreuses ressources thermales de l’Ile, les¬ quelles n’ont pas encore acquis la renommée qu’elles méritent. Citons à ce propos les sources sulfurées sodiques chaudes de Pietrapola, Guagno, Baracci. Caldaniccia et Guitera excellentes pour les rhumatisants, les eaux sulfureuses froides de Puzzichello très actives contre les dermatoses et surtout les eaux ferrugineuses d’Orezza particulièrement recommandables aux anémiques et aux convalescents. Assez peu marins (1), à peine cultivateurs, encore moins ouvriers, mais d’autant plus bergers, les Corses demeurés au pays tirent encore l’essentiel de leur subsistance de l’élevage. La prairie étant exceptionnelle dans l’Ile. on n’y rencontre guère de gros bétail (2 500 bovins au maximum), Par contre, les chêvres et les moutons y abondent puisque, un peu avant la der¬ nière guerre, la Direction des Services vétérinaires d’Ajaccio évaluait respec¬ tivement à 180 000) et à 230 000 le nombre des ovins et des caprins existant dans le département. Partageant l’hiver l’humble demeure du paysan¬ gagnant ensuite avec lui les pâturages d’été par les sentiers rocailleux de la transhumance, ces animaux vivent ainsi en contact permanent avec l’homme lui fournissant tout ce dont il a besoin : laine, viande, lait (sans oublier le célèbre fromage local, le broccio), mais lui transmettant aussi à l’occasion les germez morbides qu’ils hébergent. C’est ainsi que la Métitococcie a pu s’im¬ planter dans l’Ile et s’y développer d’une manière singulièrement inquiétante sur le littoral surtout, causant actuellement des ravages pour le moins aussi importants que le Paludisme. D’ailleurs, le cheptel n’est pas seul à incriminer dans cette diffusion des maladies animales. Le chion, compagnon fidèle du berger, a lui aussi sa part de responsabilité. Béservoir fréquent de virus, c’est à lui qu’il faut attribuer l’introduction dans le pays de l’Echinococcose, des Fièvres exan¬ thématiques et, tout récemment, de la Leischmaniose viscérale, voire même de la Rage dont on observe régulièrement quelques cas chaque année. Comme dans presque tous les départements méditerranéens, la densité de la population est en Corse bien inférieure à la moyenne générale fran¬ caise. C’est ainsi qu’au recensement de 1931 elle n’était que de 33,9 contre 75,9 pour l’ensemble de la Métropole. Le fait est dù en grande partie à ce qu’il existe encore dans l’Ile, à côté de quelques « bons pays», beau¬ coup trop de terres déshéritées. L’activité se concentre exclusivement autour de certains points de la Côte et notamment dans les villes : Ajaccio compte 35 000 habitants aggloméres, et Bastia 50 000. Mais en dehors de ces centres. que de marais abandonnés, que de rivages silencieux, que de pierrailles incultes. 257 CORSE 258 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Le mal se trouve d’ailleurs aggravé par l’importance de l’émigration que ne parvient pas à compenser une immigration italienne d’année en année plus réduite (1). Volontiers aventureux, ne trouvant pas chez lui de ressources sufisantes, le Corse ne craint pas de s’expatrier. Manifestant un penchant marqué pour la fonction publique et pour l’état mili¬ taire, on le rencontre un peu partout, tant en Afrique du Nord que sur le « Continent », où on le reconnait aisément grâce à son type physique par¬ ticulier, grâce surtout à ce tempérament à la fois tenace et passionné, ombra¬ geux et fier qui est sa marque habituelle. Il est cependant une autre qualité qu’on ne peut lui dénier : c’est sa fidélité au sol natal. Si la « Grande Patrie » l’attire, jamais elle ne l’absorbe, et tôt ou tard on le voit revenir au pays pour y couler en paix une longue retraite, à moins qu’il ne vienne y finir rapidement ses jours, terrassé par une Tuberculose contractée au-dehors, et qu’il risquera d’autant plus faci¬ lement de répandre que désormais il ne rencontrera plus guère autour de lui que des terrains neufs qu’aucune prémunition antérieure ne protège et qu’aucune hygiène ne défend. Quoi qu’il en soit, ce retour à la terre d’ori¬ gine, joint à un excédent régulier des naissances sur les décès (4 000 contre 3 600 en moyenne par an), explique qu’en dépit des départs le chiffre de la population a toujours réussi à se maintenir à un taux relativement fixe. passant par exemple de 272 000 habitants en 1881 à 297 000 en 1931 avec. par conséquent, une tendance discrête à l’augmentation. Mais sur le sens même de cette variation il ne faut pas se tromper. Si l’on met à part les artisans et les bergers attachés par essence à l’établi ou à la glèbe, on s’aper¬ coit rapidement qu’il ne reste comme élément stable dans le pays qu’une forte majorité de femmes, d’enfants ou de vieillards. Ce sont les hommes jeunes qui s’exilent, ordinairement à partir du service militaire. D’ou cet énorme déséquilibre dans les forces vives de la région, déséquilibre que nous avons déjà signalé et qui est à la base de son retard économique. Il faut qu’on y prenne bien garde, et sans plus attendre, si l’on veut éviter qu’un jour « l’lle de Beauté », demeurée à l’écart d’un monde en pleine évolu¬ tion, ne devienne l’lle de l’Abandon et de la Solitude. BIBLIOGRAPHIE 1. ALBITRECCIA (A.). La situation économique de la Corse. Bull. Ass, de Géogr. frang. avril 1933, pp. 65-73. 2. BLACHE (J.). Les grands traits de la morphologie corse. Rey. Géogr, alpine. XX, 1932. Dp. 627-654. 3. BLANCHARD (R.). Les genres de la vie corse et leur évolution. Rey, tray. Inst, géogr. alpine, II, 1914, pp. 187-238. 4. BLANCHARD (R.). La Corse. Collect. « Les beaux pays », Arthaud édit., Grenoble, 1929. 5. CASTELNAU (P.). Les côtes de Corse. Rey, de 6éogr., IX, 1916-1920. 6. FRANCESCHI (G.-R.). Apercu sur le climat, la pathologie et l’hygiène sociale en Corse. Thèse, Bordeaux, 1936. 7. MArrét (Ch.). La Corse, le de Beauté, doit être lle de Santé. Conff́rence faite le 25 janvier 1939 au Centre universitaire méditerranéen de Nice. 8. PIANI (M.). Quelques considérations sur le climat et la pathologie de la Corse. Thèse, Paris, 1934. 9. SION (J.). La France méditerranéenne, 1 vol, coll. A. Colin, n° 164, 1941. CORSE 250 1. — LE PALUDISME Le Paludisme n’a cessé de sévir en Corse depuis des siècles (1), entre¬ tenant dans l’Ile un redoutable foyer d’endémie, lequel compte toujours parmi les plus importants du Bassin méditerranéen. L’époque n’est pas encore éloignée où le mal répandait partout la désolation et la ruine, transformant notamment la zone littorale de l’Est- en un véritable désert. Les atteintes se multipliaient alors chaque année, non seulement parmi les insulaires, mais aussi chez les estivants et chez les ouvriers étrangers venus pour la plupart d’Italie afin de mettre en valeur le sol aride de la Côte. Sans doute depuis lors la situation s’est-elle quelque peu améliorée, à la suite surtout des grands travaux d’assainissement entrepris sur l’initiative des Pouvoirs publics. Mal¬ heureusement la guerre de 1939 est venue interrompre prématurément l’œuvre si opportunément commencée. Aujourd’hui encore, nombreuses sont les régions qui demeurent infestées, méritant comme par le passé leur triste répu¬ tation d’insalubrité. A cet état de chose il y a lieu de reconnaitre plusieurs causes. Tout d’abord le climat chaud et humide, éminemment favorable au développe¬ ment des hématozoaires (2). En second lieu des eaux stagnantes en abon¬ dance : marais, étangs, creux de rochers, bassins ornementaux divers, dissé¬ minés à peu près sans interruptioa le long des rivages et alimentés pério¬ diquement par les averses du printemps et d’automne. Ce double facteur a permis la pullulation locale de nombreuses variétés de moustiques parmi lesquelles il convient de citer avant tout Anopheles pracnlipennis et Ano¬ pheles biturcatus. C’est au premier, d’une extrème fréquence dans les plaines orientales et occidentales, qu’il faut surtout attribuer la persistance de l’état endémique actuel. Quant au second, signalé pour la première fois par Catanei en 1925, on le trouve principalement dans les régions plus élevées, mais son rôle apparait comme beaucoup plus effacé. Il est difficile de se faire une idée exacte sur le taux annuel de la mor¬ bidité palustre en Corse, la plupart des Statistiques publiées jusqu’à pré¬ sent étant des plus sujettes à caution. Le fait tient en grande partie à ce que l’habitant, depuis longtemps accoutumé aux agressions malariennes, ne songe guère à consulter pour des accès fébriles dont il connait la nature et qu’il sait pouvoir juguler rapidement par quelques doses de quinine. Encore moins songe-t-il à se faire hospitaliser pour des troubles qu’il considère comme aussi éphémères que bénins. Dans ces conditions, il est rare que les manifestations appartenant aux stades primaire et secondaire de la maladie soient constatées médicalement. Ce que le Médecin observe surtout dans sa clientèle, ce sont les lésions qui ont été groupées sous l’étiquette de « Palu¬ disme viscéral » et qu’il lui arrive souvent de découvrir à l’occasion d’une affection intercurrente quelconque. Mais ici un problème de diagnostic assez (1) Au cours de l’Antiquité, il semble bien établi que le fléau n’existait pas encore (ou à peine) sur la côte oriehtale de l’lle, puisqu’Aleria était alors une ville forissante de plus de 100,000 habitants et, sa région, un des principaux greniers de Rome. D’après les chroniqueurs, la pénétration des fièvres dans le pays ne se serait effectuée que plus tard vraisemblablement à l’occasion des grands remous qui ont accompagné les invasions sarrazines. (2) Rappelons que le Paludisme ne peut, en effet, subsister que dans une zone comprisé, au Nord et au Sud, entre les deux isothermes de 16°, au mois le, plus chaud. semaines, chaque année. 260 LA PATHOLOGIE KÉGIONALE DE LA FRANCE complexe vient se poser. On sait que l’on désigne communément sous le nom de « Paludisme tertiaire ou viscéral » l’ensemble des localisations orga¬ niques déterminées à l’origine par l’hématozoaire, mais susceptibles d’évoluer ensuite par leurs propres moyens à partir du moment où elles ont été déclen¬ chées. C’est dire qu’à cette phase toute trace de parasitisme sanguin a tota¬ lement disparu. Or, dans le cadre ainsi défini, on classe avant tout l’anémie splénique et certaines hépatites avec d’autant plus de légitimité d’ailleurs que dès sa période de début, le Paludisme touche électivement la rate et le foie (1). Sur ce point, aucune discussion ne parait guère possible. Malheureuse¬ ment, depuis quelques années, sous l’influence surtout de Benhamou et de l’Ecole algéroise, le domaine de ce Paludisme tardif semble s’être démesu¬ rément élargi. On a voulu en particulier inscrire à son actif, non seulement les névrites et les artérites déjà admises par les classiques, mais encore de aortites et même des pneumopathies aiguès, sans peut-être se dire suffisam ment que toutes ces déterminations pouvaient parfois relever d’une toute autro cause. Ainsi on a été entrainé peu à peu, avec du reste la complicité fréquente du malade lui-même, 3 atfribuer priori au Paludisme tous ce qui survient chez un ancien paludéen, sans trop faire la part de ce qui peut revenir notamment à un éthylisme ou à une spécificité dont des examens plus poussés permettraient éventuellement d’établir la réalité. Certes, il n’est, pas douteux que dans l’lle ces affections demeurent assez peu répandues, mai elles sont loin cependant d’y être exceptionnelles, le Corse, grand voyageur se trouvant exposé à toutes sortes de contacts au cours de ses expatriements répêtés. Bien mieux, ce que l’on appelle le « foie colomial » n’est ordinai¬ rement qu’un hybride dans la constitution duquel le Paludisme n’entre que pour une modeste part. Enfin, bien des Splénomégalies cataloguées palustres se sont par la suite révélées d’origine mélitococcique ou leishmanienne, les deux affections en cause étant de mieux en mieux connues. En présence de toutes ces difficultés, on concoit l’intérêt considérable que peut présenter le Laboratoire, soit pour déceler l’hématozoaire à la phase initiale de la maladie, soit plus tard pour procéder aux diverses recherches commandée par les circonstances (numération globulaire, formule leucocytaire, réactions de Henry, de Bordet-Wassermann ou du formol-leucogel, séro-diagnostic de Wright, etc.). Le malheur est qu’en Corse les. Laboratoires demeurent rares et par trop éloignés les uns des autres, ce qui rend difficile leur utilisation les Praticiens devant dès lors se limiter aux seules ressources offertes par la Clinique. Ainsi donc, « erreurs en plus » liées à des diagnostics de présomption trop hâtifs, « erreurs en moins » dues à l’insuffisance des moyens de dépis tage, tels sont les deux éléments qui interviennent sans cesse pour fausser les Statistiques et pour les rendre suspectes. Il est cependant, à notre avis, un document qui mérite une attention toute particulière, parce qu’il parait échapper aux critiques que nous venons de formuler. Il s’agit d’une enquête effectuée il y a une vingtaine d’années sous les auspices de l’Institut antimalarique de Bastia, en vue de déterminer le pourcentage des cas de Paludismte latent existant à la consultation des Disbensaires et parmi la leunesse des Ecoles. Les résultats obtenus se trouvent consignés dans les excellentes thèses de F. Nebbia et de G.-R. Franceschl soutenues, la première à Marseille en 1935, la seconde à Bordeaux en 1936. Nous y avons puisé les renseignements suivants, lesquels permettent de se pun, (0) b Ilrlattsit, tot fantslsi dlhstclesd qdapntl Paooctetinstitmagits (1) De là l’intérêt tout particulier que revêt, dans la prospection systématique plus spécifque, certes, mais combien plus aléatoire, du fait de sa positivité toute passagère chez chaque individu contaminé CONSE 261 LE PALUDISME EN CORSE (d’après fP Nebbia) LA PATLIOIOGLE B́CIONALE DE LA TRANCE 262 rendre compte du degré de contamination qui régnait alors parmi la popu¬ lation et plus spécialement dans le milieu scolaire : Au cours de l’année 1931, nous disent ces auteurs 11 201 enfanre des Ecoles ont pu être examinés par les Organismes compétents, lesquels ont effectué 3 792 prises de sang au total. A la Suite de ces investigations, 366 por¬ teurs d’hématozoaires ont été traités et 3 108 paludéens chroniques dépistés. En 1932, les dispensaires ont recu de même 7 830 consultants, réalisé 4 414 prises de sang et reconnu 363 porteurs de parasites. Il est à noter que¬ durant cette année, l’affection a sévi essentiellement le long du littoral. En 1933, on relève encore, après 10 310 examens complétés par 3 559. frottis, 188 résultats positifs. Cette fois, le mal semble avoir quelque peu délaissé les plaines pour se concentrer, entre Solenzara et Porto-Vecchio, sur des chantiers de construction où viennent d’être embauchés de nombreux ouvriers étrangers. C’est ainsi que, parmi 141 de ces travailleurs, 60 furent bientôt trouvés porteurs de plasmodes. L’année 1934 a été marquée par une migration de plus en plus accentuée du Paludisme des régions où la lutte antimalarique était déjà bien organisée vers celles où aucune mesure n’avait encore été prise. Ces cas sont apparus notamment dans des localités où l’endémie paraissait depuis quelque temps en sommeil, telles que Suarricchio. Biguglia. Solenzara, Folelli et la basse vallée de la Gravone. En ce qui concerne les taux de morbidité, cette année a été surtout caractérisée par une sorte d’exaspération des influences con¬ traires : printemps très pluvieux, favorable aux moustiques, et forte immigra¬ tion d’élements étrangers d’une part, intensification des mesures de prophy laxie d’autre part. Certes, le tout s’est soldé par une certaine augmentation de la proportion des contaminations, 4 769 étalements de sang avant abouti notamment 342 fois à la découverte du germe. Mais si l’on tient compte du fait que les circonstances auraient pu alors engendrer un redoutable paroxysme épidémique, on est bien obligé de conclure à une amélioration de la situation, encourageante pour les Pouvoirs publics. Enfin, l’année 1935 a encore vu s’accentuer les progrès ainsi réalisés. Malgré un accroissement sensible du nombre des consultations, résultat d’une propagande bien concue, le tosal des cas positifs a nettement diminué. Alors qu’en janvier on en signalait II sur 62, ce rapport en juillet n’atteignait plus que 20 sur 507. En définitive, on ne peut plus guère contester que sit̂t après 1930 le Paludisme soit entré en régression dans toute la Corse. Il est toutefois loin d’avoir disparu du pays ainsi que d’aucuns le prétendent (1). Si le taux plas¬ modique est nettement en baisse, par contre, la répartition géographique reste sensiblement la même qu’avant cette époque, à part la disparition de quel¬ ques fovers locaux sur lesquels nous allons revenir. A. — Répartition topographique actuelle de la matadie. Lorsqu’au chapitre des Généralités sur la Corse nous avons envisagé les principaux facteurs géographiques qui conditionnent la pathologie locale. nous avons insisté tout particulièrement sur l’aspect des régions cotières. Et nous avons opposé à ce propos les plaines uniformément basses et marem¬ matiques de l’Est au rempart rocheux et escarpé de l’Ouest, découpé, il est vrai, par de nombreuses criques, au fond desquelles quelques mares stagnantes marquent seulement durant l’été l’emplacement du lit des torrents. CORSE 26 Cette disposition, comme nous l’avons vu, explique la répartition de la Malaria dans l’Ile. Alors qu’à l’Est la zone malarigène s’étend tout le long de la majeure partie du littoral, à l’Ouest, au contraire, elle procède par fovers discontinus, correspondant chacun au débouché sablonneux d’une vallée. En bordure de la Côte orientale, les points les plus touchés sont ceux de Biguglia. Casinca. Alistro. Chisonnaccia. Solenzara, Porto-Vecchio. Gonca. Trivarello, Sotta et Bonifacio, auxquels on peut à la rigueur rattacher Piano¬ tolli. Plus au Nord. Bastia, très exposée aux tempêtes, semble bénéficier d’ur régime de faveur, peut-être à cause même de la violence des vents qui l’as¬ saillent et de la gène qu’ils apportent au développement des Anophèles. Sur la Côte occidentale, les principaux foyers sont ceux de Propriano. Ajacio (Campagne). Sagone, lle Rousse et Saint-Florent. Il faut citer aussi les régions du Golo, du Bevinco et du Liamone dont les hautes vallées ne sont pas épargnées. Telle est la carte de la maladie en fonction des documents réunis en 1934 (fig.). Depuis lors, elle a présenté des modifications à vrai dire légères. C’est ainsi que Marini nous écrit en 1946 que le Paludisme s’est installé à Callenzana depuis le passage des troupes alors qu’il y était complètement inçonnu avant la guerre de 1939. En revanche, quelques fovers autrefois mentionnés se sont éteints : citons à cet égard le cas typique de Bastelica qui parait aujourd’hui débarrasée de toute attcinte malarienne. B — Répartition des cas suivant l’âge et les saisons. — Rôle des gamêtes. Du point de vue parasitologique, Plasmodium vivax et Plasmodium falciparum sont les germes les plus fréquemment rencontrés en Corse. Plasmodium malariae étant infiniment plus rare. En 1934 notamment, ce dernier n’a rassemblé que 4, 1 %% des cas contre respectivement 59, 5 et 39,4 %% pour chacun des deux autres. Les premières manifestations de Paludisme apparaissent habituellement chaque année vers les mois de mai ou de juin alors que les averses du début du printemps ont alimenté les mares. Eliles relèvent alors de Plasmodium vibax et affectent cliniquement l’aspect de la Fièvre tierce bénigne. Cete explosion initiale atteint ensuite son maximum autour du mois d’août, Pour Missiroli, il ne s’agirait là que de rechutes d’infections contractées au cours de l’année précédente. Mais Sautet estime au contraire que l’on a affaire beaucoup plus souvent à des primo-infections palustres véritables ainsi qu’il à pu s’en assurer lui-même, soit chez des sujets étrangers à l’Ile, soit chez des Corses venus de régions saines et n’avant par conséquent subi aucune contamination antérieure. De toute façon, c’est à cette menace naissante qu’est due, vers l’approche des chaleurs, l’exode massif vers la montagne des pas¬ teurs et de leurs troupeaux. S’intriquant avec la fin de cette première vague épidémique commence la grande poussée de Fièvre tierce maligne à Plasmodium falciparum. On la voie s’amplifier à partir de septembre pour atteindre son point culminant en octobre ou noyembre, voire même parfois en décembre (1). (1) L’existence en Corse d’un paludisme autochtone à Plasmodium pracox explique que des cas de fièvre bilieuse hémoglobinurique aient pu être observés dans cette ile comme d’ailleurs en Sardaigne et en ltalic. Nous renvoyons, pour le détail, à la Pathologie ptovencale. établie au cours d’une année dans les Dispensaires de la Côte. Sautet a relevé les pourcentages suivants de porteurs de germes par rapport à l’en¬ semble des paludéens : 234 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Quant à la Fièvre guarte Plaspiodium malariae, elle survient plus tard dans l’hiver, avec un maximum ordinairement en janvier. Mais bien plus importante encore est l’étude du cycle annuel des gamêtes puisque c’est par ces derniers que les Anophèles s’infectent, assu¬ rant ainsi la pérennité du mal. Pour Sautet, ces formes de résistance sont visibles d’août à janvier dans le sang des paludéens avec un maximum pendant les mois d’octobre ou novembre. Cette période est donc de beaucoup la plus dangereuse de l’année. celle où il faudra redoubler de vigilance en même temps que d’activité thérapeutique. Si l’on envisage maintenant la révartition des gamêtes suivant l’Age des sujets et leur origine, on s’apercoit tout d’abord qu’ils sont bien plus fré¬ quents chez l’enfant que chez l’adulte autochtones. Cette constatation n’est d’ailleurs ni nouvelle ni spéciale à la Corse puisqu’elle avait déjà été faite par Koch dès 1899 et a été depuis renouvelée par de nombreux auteurs. Mais, dans l’Ile, elle revêt une importance particulière. Ainsi, dans une Statistique Cette différence parait tenir à la plus grande résistance de l’adulte ainsi qu’à une meilleure tapplication chez lui du traitement quininique. Elle souligne en tout cas la nécessité qu’il y a à exercer sur les enfants une surveillance toute spéciale, ceux-ci constituant des réservoirs électifs pour le virus. A cet égard, ils peuvent être assimilés à une autre catégorie d’individus. à savoir les travailleurs étrangers au pays et d’importation récente, lesquels se comportent également comme des sujets neufs, en état de « non prému¬ nition ». Ainsi, dans une région ou l’endémie apparait très sévère. Sautet a pu dresser le tableau suivant exprimant la proportion de porteurs de gamêtes chez les paludéens, tableau qui résume en quelque sorte les divers faits que llous venons d’énoncer : Il est évident que ces chiffres expriment clairement la gravité de la situation dans les zones infestées, l’insalubrité d’un pays palustre étant essen¬ tiellement proportionnelle au nombre de ces porteurs de gamêtes. C. — La lutte contre le paludisme en Corse. Comme nous l’avons vu, la luite contre le Paludisme en Corse a entrainé la mise en application de toute une série de mesures de prophylaxie impor¬ tantes, surtout à partir de 1930. Tout d’abord, trois centres antimalariques ont été créés à Bastia. Ajacio et Porto-Vecchio, en même temps qu’une vingtaine au moins de Dispensaires étaient installés sur les points les plus touchés de la Côte, avec pour mis¬ sion de procéder au dépistage systématique des malades et à leur traitement. cogse 28e Par ailleurs, de grands travaux ont été effectués en vue du comblement de nombreux marais, notamment autour d’Ajaccio (marais des Salines et de Saint-loseph) ainsi qu’à Liscia et Bonifazinco. Simultanément des canaux d’assèchement ont été creusés, à l’Ouest dans la plaine du Liamone, à l’Est à Biguglia. Casinça et Aleria, de même que dans la vallée du Strabjaccio. Dans les trois localités précédentes ainsi qu’à Porto-Vecchio, de puissantes stations de pompage furent édifiées. Partout on procéda activement au net¬ tovage des rives des cours d’eau et à la suppression des broussailles encom¬ brant les lits. Toutes ces entreprises ont considérablement nui au développement de larves d’Anophèles. Pour compléter cette action destructrice, des produits lar¬ vicides ont été répandus sur les étangs et l’élevage des gambusias culiciphages a été fortement encouragé. Il est extrémement regrettable que la guerre de 1939 et les événements qui ont suivi soient venus mettre momentanément un terme à une cam¬ pagne si bien amorcée et si proche de porter ses fruits. Il faut espérer que bientôt la lutte pourra reprendre avec une intensité acerue et suivant des plans encore élargis. D’ailleurs, il ne suffira pas de poursuivre la destruction des gites larvaires. Il faudra également envisager le côté social et humain du problème, obliger l’habitant à se protéger contre les piqures d’insectes et ensuite à se traiter correctement, effectuer surtout un contrôle sévère de tous les étrangers importés dans le pays. Ce sera peut-être le plus difficile de la tâche (1). Mais c’est à ce prix seul que l’on pourra escompter un succès complet et durable et obtenir l’exclusion définitive de l’Ile d’un fléau qui n’y à déjà que trop duré. BIBLIOCRAPHIE 1. CASABIANCA (don Pierre). Le Paludisme en Corse. Thèse, Paris, 1914. 2. CATAXEL Anophèles des hautes régions de la Corse, Bull, soc, pathol, exot. XVIL. 1925, p. 655. 3. CAVAILLON ADAM. BEHNAHD. CAMAIN, JAULIOU et TRINQUIER. Deux années de lutte contre le Paludisme en Corse : premiers résultats. Acad, nat, de Méd., 9 mai 1950. 4. COULON (G.) et SAUTET (J.). Diverses formes de Paludisme en Corse. Apparition des Gamêtes. Soc, de pathol, exot, 12 novembre 1931. 5. FHANCESCHT (G.-R.). Apercu sur le climat, la pathologie et l’hygiène sociale en Corse. Thèse. Bordeaux, 1936. 6. GALLARD. Remarques sur une étude épidémiologique du Paludisme effectuée en Corse dans la région de Figari. Soc. de méd. et d’hyg, trop, 26 janvier 1933. 7. NERRIG (F.-P) Etat actuel de la question du Paludisme en Corse, Thése, Marseille, 1935. 8. OnTICONL. Les ravages du Paludisme en Corse. Bull, soc, pathol. exot, XV, 11 oct, 1922. 9. SAUTET (L.). La lutte contre le Paludisme en Corse Thèse, Paris, 1928. (1) Depuis la rédaction, de cet article, nous avons eu connaissance, par une publicatiton de Cavaillon (voir: Bibliographie), des succès énormes remnportés, dans ce domaine de la prophylaxie, par les Services antimalariques de Corse, entièrement réorga¬ nisés depuis la Libération. Grâce à l’emploi de la D. D).T, dans le traitement systématique des habitations et de leurs dépendances, la fréquence du paludisme a ainsi baisé dans une probortion de 20 5̀ L dans l’Est et le sud de l’Ile, entre 1947 et 1950, et ceci sans qu’il ait été nécessaire d’engager de trop lourdes dépenses. Souhaitons que la poursuite de cette œuvre aboutisse enfin aux résultats depuis si longtemps espérés. 286 LA PATHOIOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 11. — LA FIEVRE ONDULANTE Maladie essentiellement méditerranéenne à ses origines, reconnue pour la première fois à Malte vers la fin du siècle dernier, la Fièvre ondulante se devait d’envahir précocement la Corse avant d’entreprendre dans le Monde le redoutable périple qu’elle a depuis lors accompli. 4 l’heure actuelle, elle conserve encore dans l’Ile françuise son cachet origincl. Alors que dans sa course à travers les continents elle n’a cessé d’évoluer, variant ses hôtes intermédiaires, intriquant ses effets avec une autre Brucellose très voisine, la Maladie de Bang, en Corse. elle est parvenue, jusqu’à présent tout au moins, à éviter à la fois ces inter¬ férences et ces passages. Elle est demeurée dans ce pays l’affection sévère et tenace décrite par les auteurs anglais, reconnaissant comme germe unique licrococcus Melitensis, et comme agents de transmuission exclusifs la chêvre et le mouton. D’ailleurs, toute une série de facteurs devaient d’emblée se liguer pour lui permettre une « réussite » rapide, Parmi ces facteurs, il convient de citer avant tout l’abondance du cheptel local, l’absence d’une hygiène rurale con¬ venable, la persistance enfin de certaines coutumes aussi archaiqnes que funestes, dont la plus connue est la transhumance. J. Nous ne reviendrons pas ici sur l’importance primordiale que revêt l’élevage dans l’économie insulaire. Nous rappellerons simplement qu’en regard du nombre considérable des moutons et des chèvres (voir plus loin celui des boyins fait piêtre figure puisqu’on ne l’évaluait vers 1935 qu’à 25 000 environ. Ainsi s’explique que la Brucellose à Abortus bovis n’ait pas encore pu s’implanter dans le pays. Il ne faut pas oublier toutefois que, pour peu nombreux qu’ils soient, les bovidés sont à tout moment susceptibles de s’infecter au contact du petit bétail et d’héberger ainsi à leur tour un Melitensis virulent pour l’homme. Si, en Corse, l’éventualité ne s’est guère encore produite, elle y demeure toujours dans l’ordre des possibilités, ce qui risque de venir compliquer un jour le problème déjà fort inquiétant créé par les Brucelloses (1). CORSE 267 2. Quant aux conditions de l’habitat rural, élles sont restées tout aussi rudimentaires qu’il y a plusieurs siècles. Trop souvent, en effet, on voit encore cohabiter sous le même toit le berger et son troupeau, quand ils ne se trouvent pas rassemblés dans une même pièce, la seule de la maison. Il est inutile de souligner les conséquences fâcheuses de toutes sortes qui peuvent résulter d’une semblable promiscuité. 3. Non moins graves sont les dangers représentés par les déplacements périodiques du cheptel. Tous les ans, au début du mois de mai, celui-ci s’éloigne en effet des terres basses de la Balagne et des Côtes orientales pour gagner les régions montagneuses du Nino, du Renoso et du Coscione où l’herbe est plus fraiche et plus drue. Par contre, vers la fin septembre. on le voit redescendre vers la plaine pour éviter les rigueurs de l’hiver. Au cours de chacun de ces mouvements, il emprunte les mêmes voies tradi¬ tionnelles le long des vallées concentriques de l’Ile et traverse les mêmes loca¬ lités. Lorsque vient le soir, les bergers campent avec leurs bêtes à proximite d’un village ou en plein centre d’une agglomération. Bien entendu, après leur départ, il n’est effectué aucune désinfection des lieux de stationnement qui deviennent ainsi autant de gites permanents pour le Mélitocoque. En outre, lors de ces pérégrinations, il arive souvent qu’un même berger se voit confier la garde d’animaux provenant de plusieurs hameaux. Il suffit dès lors de la présence d’une seule bête contaminée pour que le mal s’étende par la suite à une contrée toute entière. Si l’on ajoute à cela la proximité habituelle des pâturages intercommu¬ naux, la fréquence des échanges de bétail entre les bourgades, l’utilisation d’un même reproducteur pour plusieurs troupeaux, on comprendra en défi¬ nitive la facilité avec laquelle la maladie a pu se répandre et se multiplier dans toute l’étendue de l’lle, sitôt après y avoir pris pied. A ce propos, il semble bien que l’histoire de la Mélitococcie en Corse remonte à l’année 1890, date à laquelle les habitants du Cap introduisirent dans le pays des chèvres maltaises dans le but d’améliorer la race locale. Embarqués à Marseille sur des voiliers, les animaux étaient descendus à Centuri, non loin de Bastia. Ce commerce ne dura que peu de temps, le croisement n’avant pas donné les résultats escomptés. Mais il suffit toutefois à infecter le cheptel indigène, et c’est ainsi qu’en 1892 on vit apparaitre pour la première fois dans l’Ile, à Centuri même et à Pino, plusieurs cas d’une infection fébrile encore inconnue et qui ne fut identifiée que plus tard. Nous devons surtout la relation de ces faits au Docteur Simonpietri qui compta lui-même parmi les victimes de cet épisode initial. Quelques années après, en 1903. Havat rapporte dans sa thèse l’obser¬ vation d’un Médecin autrichien qui, après avoir séjourné quelques mois à Ajaccio, présenta dès son retour à Vienne un état fébrile prolongé d’allure insolite. En 1904, le Professeur Vincent, du Val-de-Grace, signale le cas d’un homme venu se contaminer en Corse au cours d’un séjour de quelques semaines pendant lequel il fit une abondante consommation de lait de chèvre. Au même moment, une petite épidémie familiale est observée au hameau de Poggio dans la commune d’Ersa, à la suite ézalement de l’absorption de lait cru provenant de deux chèvres porteuses de lésions de mammite. En 1900, le même village voit encore éclore six cas nouveaux, cepen¬ dant que quelques mois plus tard une atteinte est enregistrée à Furiani près de Bastia par le Docteur Thiers. Rétrospectivement, il semble bien que l’on ait eu partout afaire ici à la Fièvre de Malte, à en juger par les descriptions cliniques qui nous ont été laissées. Toutefois, l’affection ne se trouve véritablement étiquetée 268 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE qu’en 1910, date à laquelle un Médecin militaire, du Bourguet, dans un article intitulé « la Fièvre ondulante en Corse », relate six observations des plus typiques de la maladie, dont quatre concernent des soldats de la garnison d’Ajaccio, et les deux autres des civils, l’un venant de Piana à 80 Km au Nord d’Ajaccio, et l’autre de Bonifacio. En 1911, quelques cas sont encore signalés à Pino dans le Cap Corse. L’année 1912 fut particulièrement fertile en incidents. Elle fut mar¬ quée surtout par une épidémie véritable dans les cantons de Rogliano. Centuri et Ersa. Une trentaine de personnes furent alors touchées, et plus spécialement des femmes. Une enquête effectuée par Léger et Dominici-Urbani met nettement en cause le troupeau communal d’Ersa ou l’on observe un grand nombre de boiteries et des phénomènes de mammite. Simultanément on relate cina cas de Fièvre ondulante dans une même famille au vieux port de Bastia, et quelques faits isolés, d’ailleurs dûment confirmés par le Laboratoire, sur la Côte orientale, notamment à Casanrozza et à Folelli (Docteur Zuccarelli), à Saint-Pierre-de-Venaço (Docteur Carlotti) et aux environs de Corte (Docteur Battesti). En 1913, des atteintes sont relevées au hameau de Granaggiolo (près d’Ersa), ainsi qu’à Morsiglia. Luri et Pietra-Corbara. C’est la même année que Bartet et Dufresine publient un cas mortel chez un gardien de la prison d’Ajaccio. De 1914 à 1918, la Fièvre ondulante est encore rencontrée à Castifao. Moltifao. Ponte Leccia. Castiglione et Prato par le Docteur Simoni qui signale à ce propos en avoir traité 50 cas environ depuis 1907. Une temme jus¬ qu’alors soignée pour Paratyphoide est reconnue atteinte de Mélitococcie par le Docteur Sisco à la suite d’un séro-diagnostic opportunément demandé par ce médecin. Entre 1918 et 1924, le Docteur Colombani est appelé auprès de plus de 60 malades dans la région haute de la Balagne comprenant les cantons de Muro. Belgodère et Olmi-Capella. Il donne à ce sujet une description très complête de la maladie observée. Pendant l’année 1922, un autre praticien de la Balagne, le Docteur Marini de Calenzana, à l’occasion de suivre : malades dont 6 femmes. En 1926, signalons le cas du Docteur Desanti à Corte, et en 1928 celui du Docteur Leca, grâce auquel cet auteur parvient à reconstituer rétrospecti¬ vement toute une épidémie familiale survenue à Partinello (canton d’Evisa). De 1928 à 1936, les cas vont er se multipliant avec une singulière inten. sité, et à peu près dans toutes les directions. On en relate à Ajaccio (Doc¬ teur Marçou), à Bastia (Thiers), à Vescovato (Giamarchi), à Castifao. San Lorenzo. Lama (Simoni) à Luri (Sisco), à Calenzana (Marini). Plus tard. c’est le fover de Spéloncato découvert par Pitti - Ferrandi (1934), et celui de Cervione observé par Casalta (1935). Des complications apparaissent, telles une congestion pulmonaire suivie de phulébite chez un malade de l’Ĥpital militaire d’Ajaccio, une quadriplégie chez une malade de Marcou, une endo¬ cardite infectieuse mortelle chez un Corse vu à Lyon par Gaté et Ravault. Les séro-diagnostics positifs sont de leur côté de plus en plus fréquents dans les Laboratoires, et notamment dans celui d’Ajaccio (Docteur Coulon). Déià Cordoliani ne craint pas d’évaluer à 600 au iuinimum le nombre dés Mélitococcies survenues dans l’Ile au cours de la seule année 1932. Tels sont, dans leur ordre chronologique, les faits essentiels qui ont mar¬ qué la phase d’implantation de la Fièvre de Malte en Corse. On les trouvera exposés en détail dans l’excellente thèse inaugurale de V. Mariotti à laquelle nous avons fait ici de très larges emprunts. Depuis la parution de ce tra¬ vail (1936), le nombre des contaminations s’est tellement accru dans l’Ile tement contaminés : CORSe 269 qu’il serait désormais tout à fait illusoire de vouloir en tenir la comptabilité exacte. Le mieux, à l’heure actuelle, est de s’adresser aux Statistiques offi¬ cielles qui sont tenues à jour avec beaucoup de soin depuis 1941. Elles per¬ mettent de se rendre compte de l’intensité de l’endémie locale ainsi que de ses variations annuelles. Voici les chiffres tels qu’ils nous ont été communi¬ qués par l’Institut National d’Hygiène. Ils indiquent d’une part le nombre total des cas (N. C.) et d’autre part l’indice de morbidité (L. M.) rapporté à 100 000 habitants au cours de l’exercice 1941-1945 d’abord et de l’exercice 1949-1953 ensuite : Moyenne des 5 années : 250 104,61 36 123,3 Comparons maintenant ces indices moyens de morbidité, calculés sur deux groupements de cinq années, aux mêmes indices relevés simultanément dans les deux départements français du continent considérés comme les plus for¬ Il ressort nettement de ces tableaux que la Corse est de tous les dépar¬ tements français celui on la morbidité par Mélitococcie est la plus élevée. Elle distance à cet écard de urès loin toutes les régions de la Métropole continentale et même la région du Sud-Est pourtant réputée comme très gravement touchée par la maladie. Si maintenant on essaie de détermiper quelles ont été, du point de vue de la fréquence, les variations de l’affection depuis son apparition officielle dans l’Ile en 1800, on arrive aux constatations suivantes : Après une période d’oscillations ascendantes qui s’étend jusqu’aux envi¬ rons de 1920, on arrive à une sorte de palier que termine un premier maximum vers 1931-1932. Après quoi, le nombre des cas parait décroitre sen¬ siblement sans qu’on puisse donner à ce phénomène une explication satis¬ faisante, l’effectif des brebis avorteuses demeurant aussi important que par le passé. Les événements de 1939-1040 surviennent alors, entrainant une recrudescence particulièrement intense de la maladie probablement liée à l’encombrement et à l’augmentation des échanges Puis, c’est à nou¬ veau une régression du mal imputable en partie, semble-t-il, à la raréfaction momentanée du cheptel et à l’abattage de nombreuses bêtes exigé par la réqui¬ sition. Ces facteurs cessant, on assiste à une nouvelle poussée paroxystique vers 1949, suivie fort heureusement de la détente actuelle dont il sera désor¬ mais fort intéressant d’étudier pas à pas l’évolutions LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 24 Après avoir envisagé la fréquence de la Mélitococcie en Corse ainsi que les facteurs locaux de son développement, il nous a paru intéressant d’étu dier la répartition de l’affection dans l’Ile afin de déterminer les zones de plus haute densité morbide. Ici encore, nous avons pu faire appel à la riche documentation qui se trouve incluse dans la thèse de V. Mariotti déjà citée. Deux notions nous semblent d’emblée devoir être dégagées do l’ensemble de cet ouvrage car ce sont elles, à notre avis, qui dominent le problème de la distribution des cas dans le pays. Schématiquement, on peut les énoncer comme suit : 1. La Fièvre ondulante est plus fréquente dans le Nord de l’lle que dans le Sud. Ce fait parait être en relation directe avec l’abondance du cheptel et aussi avec l’importance des agglomérations urbaines, les villes consommant pour un même nombre d’habitants, beaucoup plus de lait que les campagnes. 2. La Fièvre ondulante est plus fréquente dans les plaines périphériques que dans la zone montagneuse du Centre. A cela on peut également fournir une double explication. T’out d’abord il y a lieu de remarquer que dans les hauts pâturages d’été les troupeaux vivent en liberté, et par conséquent beau¬ coup moins au contact de l’homme que dans les terres basses où bêtes, et gens vivent pendant l’hiver entassés dans des demeures insalubres. En second lieu, il faut tenir compte de ce fait que la mise bas commence ordinairement vers l’automne, c’est-à-dire quand les animaux sont déjà redescendus vers le littoral. Or, c’est à ce moment que les ovins et les caprins donnent le plus de lait et éliminent par suite le plus de Mélitocoques. C’est donc, en défini¬ tive, après le retour du bétail dans la plaine que se trouveraient réunies au maximum les conditions favorables à la dissémination de la maladie, l’alti¬ tude n’avant par elle-même aucune influence. Effectivement, c’est dans l’arrondissement de Bastia, et plus particuliè¬ rement au niveau du Cap Corse, que l’on rencontre le plus de cas. Sur un fond permanent d’endémie on y voit sans cesse se détacher de petites bouffées épidémiques atteignant une famille, voire même un hameau entier Les villagés de Murato. Rutali. Borgo. Ortale. Campitello, comptent notam¬ ment parmi les plus souvent touchés. La région de la Balagne vient ensuite au second rang. Elle doit cette place à la richesse de ses pâturages qui fait d’elle un centre très fréquenté par les troupeaux transhumants. Chaque année de nombreux cas y sont signa¬ les, en particulier à Muro. Belgodère, Ville-di-Paraso. Costa. Speloncato. Olmi-Capella. Feliceto-Poggiola. Près de Corte, les communes de Morosarlia. Castifao, Moltifao. San Lorenzo. Lama et Prato sont également infectées périodiquement. Dans l’arrondissement d’Ajaccio la maladie est rencontrée un peu par¬ tout et les localités les plus citées sont celles de Mezana. Soccia. Vico et Piana, sans oublier le chef-lieu lui-même. Par contre, l’arrondissement de Sartene semble très peu contaminé mal¬ gré l’importance du cheptel qui y stationne et les villages de Cognocoli et Petreto-Bichissano sont à peu près les seuls mentionnés Enfin, la région de Bonifacio, la plus méridionale anparait jusqu"a pré¬ sent comme sensiblement indemne. Blanchard attribue ce fait à l’extrême rareté des troupeaux, conséquence de la stérilité complè̂te du sol, ainsi qu’aux habitudes alimentaires des habitants qui consomment les produits de la mer de préférence au lait, lequel est vendu à peu près en totalité aux froma¬ geries de Roquefort. 33 CORSE 271 La question de la Mélitococcie soulève évidemment bien d’autres pro¬ blèmes que ceux que nous venons d’aborder. Comme ils n’entrainent en Corse aucune discussion spéciale, nous nous bornerons donc à les envisager très brièvement. Du point de vue clinique, l’affection se présente dans l’Ile exactement sous les mêmes traits que dans notre région du Sud-Est méditerranéen. Elle affecte les mêmes aspects et donne lieu aux mêmes complications d’ordres hépatique, pulmonaire, ostéo-articulaire ou nerveux. Son diagnostic différentiel doit être posé avec toutes les pyrexies prolongées et notamment avec la Tubercu¬ lose, la Typhoide et le Paludisme. La seule difficulté réside dans l’intrication possible de ces différents processus. C’est ainsi que les régions où sévit le plus intensément la Fièvre de Malte sont en même temps celles qui sont les plus for¬ tement impaludées. D’autre part, on a vu parfois relater simultanément dans un même village une double épidémie de Mélitococcie et de Typhoide comme par exemple à Speloncato en 1934. L’analyse des signes cliniques orientera alors le diagnostic que viendront confirmer les examens de Laboratoire aux¬ quels on devra toujours faire largement appel. Comme partout, la contamination de l’homme se fait de deux facons, soit. par voie digestive, soit par voie cutanéo-muqueuse. La première est la voie accidentelle. Elle intervient à la suite d’inges¬ tion de lait cru ou de fromages frais, de légumes arrosés au moyen de pro¬ duits de déjection, d’eau de puits contaminée. Elle est en cause beau¬ coup plus souvent dans les villes que dans les camnagnes, les bergers ne consommant que très rarement le lait de leurs bêtes pour aussi paradoxal que cela puisse paraitre. A ce propos, on a attribué au broccio, le fromage blanc du pays, un rôle important dans la dissémination de la maladie. Par lui-même, i1 n’est guère dangereux cependant, puisqu’au cours de sa fabrication il est soumi à une température de 60 à 70° pendant 20 minutes au moins, Mais il subit par la suite des manipulations multiples à l’occasion desquelles il est fré¬ quemment souillé. Cest à ce titre qu’il a pu être accusé, par Leger et Domi¬ nici-Urbani notamment, d’être à la source de bien des cas d’infection. Quant à la transmission par voie cutanéo-muqueuse, elle est avant tout d’ordre professionnel. Elle intéresse plus particulièrement les bergers et les vétérinaires qui donnent leurs soins aux animaux au moment de la mise bas les fermières qui procédent à la traite des brebis et des chèvres, les ouvriers agricoles emplovés au nettovage des bergeries, les bouchers occupés au dépe¬ cage des viandes malades. Etant donné le degré d’atteinte du cheptel et l’ipobservation habituelle des règles les plus élémentaires d’hygiène en milieu rural, on concoit que ce mode de contamination reste encore à l’heure actuelle de beaucoup le plus répandu. Peut-on cependant espérer un jour limiter l’extension incessante du mal par un ensemble de mesurés de prophylaxie bien compris? Pour Mariotti, les principaux moyens qu’il convient de mettre en œuvre se résument « dans l’ébullition du lait, dans la fabrication du fromage avec du lait pasteurisé, dans les soins d’hygiène consécutifs aux contacts avec les animaux, dans le refus du droit de circulation pour les troupeaux recon¬ nus malades et surtout dans la vaccination préventive de l’homme vivant en étroite promiscuité avec le bétail, à l’aide du vaccin de Dubois et Sollier ». Mais l’auteur ne se fait guère d’illusione sur le succes immédiat de sem¬ blables dispositions. Ce succès relève en effet d’une refonte totale de la men¬ talité du paysan d’un houleversement complet de ses habitudes et de ses mœeurs. Nous en sommes encore loin" Déjà il est très difficile d’obtenir la déclaration 272 LA PATHOLOGE RéGIONALE DE LA TRANCE correcte des cas de maladie, tant est grande la crainte de l’éleveur de voir abattre ses bêtes malades ou porter l’exclusive sur son troupeau. C’est pour¬ quoi les Statistiques officielles de morbidité donnent toujours des chiffres bien inférieurs à la réalité, comme il ressort nettement de la comparaison des docu¬ ments émanant de l’Institut National d’Hygiène et des évaluations faites dans le pays, notamment en 1932 par Cordoliani. Retenons pour terminer l’idée défendue par Marioti de la création dans l’Ile d’un Centre spéciat de dépistage et de traitement des Brucelloses, ana logue à celui déjà organisé en vue de la lutte contre le Paludisme. Ce Centre permettrait de faire le bilan exact du mal et d’y porter remade dans les plus brefs délais. Mais encore faudrait-il que son principe fut accepté par la population- corse, faute de quoi il ne tarderait pas à devenir un simple organisme administratif sans aucune action véritable. RIRLIOCRAPHIE 2. BRLNTT. Discussion sur la Fièvre de Malte en Corse. Soc, pathol, exot, 14 déc, 1910. 3. CORDQLISI. Quelques considérations sur la Fièvre ondulante en Corse. Th., Paris, 1933. — Apercu sur la F.O). en Corse. Le Mouvement Sanitaire, fév. 1935. — Apereu sur l’état actuel de la F.O. en Corse. NNI° Congr, d’HINg, 22-24 oct, 1934. 4. Cottos. Dix-neuf cas de Fièvre ondulante décelés par le séro-diagnostic au Centre antipaludique d’Ajaccio, en mai-juin 1932. Comm, au l' Congr, intern. d’Hyg médit, sept, 1932. 5. DL BOLRGLET. La Fièvre ondulante en Corse. Soc, pathol, exot, 14 décembre 1910. 6. GarÉ (J.) et RayatIT (S. Mlélitococcie; endocardite infectieuse terminale. So, méd. hop. Lon, 29 jany, 1929. 7. LECA. Considerations sur l'extension de la F.O. en Corse. Thèse, Paris, 1929. 8. LEER et DOuIsIG-CHaNI. Foyer de Melitococie en Corse. Bull, Soc, pathol, exot. 1912. — Extension de la Mélitococcie en Corse. Ibid., 10 déc, 1913. 9. MARISI. Etude étiol, eclinique et thérap, de la Fièvre de Malte en Corse, These. Mont¬ pellier, 1924. 10. MARIOTTI (V.). Estension de la Fièvre ondulante en Corse. These, Paris, 1936. 11. SALTET (J.). Quelques remarques sur la Fièvre ondulante en Corse. Bull. Soc, pathol. exot, 12 oct. 1932, p. 863. 12. SEGLISALD et LEGER. Cina cas de Fièvre de Malte à Bastia. Bull. Soc, méd. milit, franc. 1913. 13. ZLCCARELI. La Fièvre de Malte en Corse. Bull. Acad, de Méd, 1921. II. — LA LEISHMANIOSE VISCÉRALE Véritable annexe géographique de la France méditerranéenne, semblable à elle par le climat comme par les ressources, la Corse se devait également de partager sa pathologie. Aussi n’est-il pas étonnant d’y retrouver le Kala¬ A4zar dont nous avons déjà décrit le développement dans les régions marseil. laise et nicoise depuis la fin de la première guerre mondiale. CORSE 273 Départition fopographique de la leishmaniose en Corse 274 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Le premier cas de Leishmanjose viscérale humaine signalé en Corse semble être celui de Sauvan identifié en 1924 et publié deux ans plus tard par le Professeur P. Giraud dans son article intitulé : « le Kala-Azar infantile en France » (voir bibliographie). Peu de temps auparavant, en 1923, J. Zuccarelli avait déjà annoncé l’existence de la maladie en Sardaigne et fortement sus¬ pecté du même coup sa présence dans « l’Ile sœur ». Depuis la date de cette publication initiale, les observations se sont répé¬ tées. La plupart d’entre elles, au nombre d’une vingtaine, se trouvent réu¬ nies dans la thèse de H. Cordoliani (1940), laquelle constitue par ailleurs une excellente mise au point de la question. Se basant sur les documents qu’il a ainsi recueillis, l’auteur a pu dresser une carte provisoire de la mala¬ die dans l’Ile, carte que nous reproduisons ci-contre et qui donne une idée exacte de la répartition des principaux foyers d’infection. Comme on le voit. ceux-ci se localisent comme suit : le Cap aux abords des « Marines ». — la bordure de la plaine d’Aléria; — les alentours des deux villes principales de Bastia et d’Ajaccio. Ainsi ces fovers se situent essentiellement dans les régions basses de la moitié Nord de l’le, le long du littoral, Par contre, la région monta¬ gneuse centrale et toute la zone Sud paraissent jusqu’à présent indemnes malgré l’existence d’agglomérations assez importantes telles que Corte. Sar¬ tène et Bonifacio. En dehors des cas signalés ci-dessus, on en trouve quelques autres épars dans la littérature médicale, notamment ceux de Benelli. J. Zuccarelli et J. Sautet en 1933, de Piéri et Léna la même année, de Ch. Mattéi, P. Giraud et les Dumon en 1939. Le second concernait un enfant de Calvi et le dernier un adulte originaire de Ghisonaccia. Ces observations ne viennent donc en aucune façon modifier les conclusions d’ordre topographique formulées par Cordoliani dans son travail inaugural. Du point de vue nosographique, l’étude du Kala-Azar en Corse n’apporte à la description de l’affection aucun élément particulier. Mentionnons cepen¬ dant les quelques faits suivants : Tout d’abord, sur les 23 cas insulaires publiés, 15 intéresent des enfants et 8 des adultes, la coexistence des formes infantile et adulte paraissant mili¬ ter en faveur de leur identité étiologique. Ainsi s’effondrerait la barrière que l’on a tenté d’établir entre le Kala-Azar méditerranéen et le Kala-Azar indien. Presque tous les malades proviennent du milieu rural. Ils appartiennent soit à des familles de bergers, soit à des familles de petits propriétaires demeu¬ rant dans les faubourgs des villes. La saison de prédilection parait être le printemps, les manifestations cliniques survenant d’ordinaire entre les mois d’avril et de juillet. Ces manifestations se résument comme toujours en l'’apparition d’une rate énorme avec fièvre irrégulière à grandes oscillations, anémie et amai¬ grissement. Bien entendu, des variations individuelles sont possibles, condi¬ tionnées surtout par la prédominance de tel ou tel symptôme ou par la cons¬ tatation de signes anormaux et de complications (adénopathies, hémorragies. œdèmes, etc.). Le diagnostic doit être fait avant tout entre cette affection, le Paludisme et la Mélitococcie. L’hésitation sera d’autant plus permise que ces deux maladies présentent avec le Kala-Azar de nombreux traits communs et qu’elles sont en outre, comme nous l’avons vu, extrêmement répandues dans l’Ile. A l’heure actuelle, la Fièvre de Malte y sévit partout avec intensité. Quant au Paludisme. son aire de distribution coincide à peu près exactement avec celle de la Leish¬ CORSE 278 maniose. De là des dificultés d’interprétation qui ne seront ordinairement résolues qu’en faisant appel aux ressources du Laboratoire. Celui-ci devra s’efforcer de dépister dans le sang la Leishmania causale, soit au moyen de la ponction splénique, soit plus volontiers à l’aide des ponctions sternale. tibiale et ganglionnaire, dont les techniques ont été fort bien précisées au cours de ces dernières années. A cet égard, il ne nous parait pas inutile de rappeler que la décou¬ verte d’hématozoaires dans le sang du malade, de même que la constatation d’un séro-diagnostic de Wright positif ne doivent pas inciter à arrêter les investigations chaque fois que l’hypothèse d’un Kala-Azar aura pu être légi¬ timement envisagée. Les associations morbides sont en effet particulièrement fréquentes en Corse. C’est, ainsi que dans l’observation de Mattéi et Giraud la Leishmania put être finalement mise en évidence alors que les examens avaient été déjà positifs vis-à-vis de la Malaria et de la Mélitococcie. Trois autres exemples du même ordre se retrouvent également dans la thèse de Cordoliani. La possibilité de telles imbrications d’une part la grande diffusion du Paludisme et de la Fièvre ondulante dans l’Ile d’autre part, qui fait que l’on songe avant tout à ces deux affections, la rareté enfin des examens de Labo¬ ratoire habituellement difficiles à pratiquer au milieu d’une clientèle rurale clairsemée qui, au surplus, s’y prête mal, sont autant de facteurs qui expli¬ quent que la Leishmaniose viscérale demeure encore trop souvent méconnue dans le pays, en dépit de la vigilance des Médecins-praticiens. Il ne faut pas chercher d’autres raisons à la modicité des Statistiques locales actuelles con¬ cernant cette parasitose dont l’extension est certainement loin de se limiter aux quelques cas qui ont été publiès jusqu’ici. Bien qu’elle ne présente encore qu’une faible tendance expansive, l’endémie est probablement appelée à se manifester d’une manière beaucoup plus inquiétante sur tout le pourtour de la Corse. Du point de vue épidémiologique l’étude du développement de cette endémie semble bien confirmer l’opinion suivant laquelle le chien constitue le, recervoir, essentiel du vinus, alors, que 14 tique en est l’agent, vecteur habituel. La découverte dans l’lle de la Leishmaniose canine parait en tout cas postérieure à celle de la Leishmaniose humaine puisqu’on ne la voit guère décrite qu’à partir de 1928. Très rare dars sa forme aigué, l’affection animale évolue surtout sous une forme chronique bien connue des insulaires sous le nom de « Rogna» et caractérisée par des lésions cutanées eczématiformes ou ulcéreuses plus ou moins étendues, avec adénopathies et amaigrissement marqué. Elle peut exister aussi sous une forme latente décelable seulement par l’examen systématique de frottis dermiques (présence de Leishmania) chez tout chien, même apparemment sain. L’extrême fréquence de cette dernière variété explique que la maladie est finalement beaucoup plus répandue qu’on ne l’imagine ordinairement. En ce qui concerne sa répartition topographique, la Leishmanjose canine est sensiblement la même que le Kala-Azar humain avec tou¬ tefois une aire de distribution un peu plus étendue comprenant notam¬ ment la région de Bonifacio. C’est dire qu’on la retrouve essentiellement dans les terres basses et plus spécialement dans la plaine orientale où, pour Maestracci, 90 % des chiens seraient parasités. La transmission du germe à l’homme se fait sans aucun doute par l’in. termédiaire d’un ectoparasite. A cet égard, le rôle du phlébotome ne sau¬ 216 rait être admis sans conteste malgré l’abondance de cet insecte sur le littoral corse (P. perniciosus et argentines); il n’en est pas de même pour la tique, dont les mœurs et l’habitat permettent d’expliquer certaines particularités de l’endémie humaine telles que sa prédominance au printemps et l’atteinte élective des enfants plus exposés aux piqures que les adultes. De toute facon, la prophylaxie devra surtout être dirigée contre le réser¬ voir de virus, la destruction des chiens malades devant avoir secondairement pour effet la diminution du nombre et de la nocivité des tiques. Quant à la lutte contre les phlébotomes, éventuellement à envisager, elle vient s’in¬ tégrer dans le cadre des mesures prises contre le Paludisme. LA PATHOLOGE RÉGIONAIE DE LA FRANCE BIRLIOCRAPHIE IV. — MALADIES INFECTIEUSES ET PARASITAIRES A. — LES MALADIES CONTACIEUSES, Crande ile, au litoral particulièrement étendu, il n’est pas étonnant que la Corse présente une endémicité typhique particulièrement élevée. En fait, elle s’est toujours classée parmi les départements français les plus fortement touchés. Le tableau ci-dessous, outre qu’il permet d’apprécier l’importance de ces attein¬ tes, en indique l’évolution, les typhoses n’avant cessé de se multiplier dans l’le jusqu’en 1949 pour ensuite entrer en régresion, conformément d’ailleurs à une règle générale sur laquelle nous nous sommes déjà expliqués. Du point de vue topographique, les affections éberthiennes se rencontrent beaucoup plus dans les plaines côtières de l’Ile que dans la région monta¬ gneuse du Centre, plus aussi dans les villes que dans les campagnes. Uordinaire, la contamination reconnait une ortgine nyartque matgre tous les efforts déplovès en vue d’améliorer le système d’adduction d’eau potable dans les communes rurales dont les 273 sont actuellement correc¬ tement desservies. A Ajiacio, la verdunisation des eaux donne des résultats satisfaisants, mais, à Bastia, de nombreuses infractions aux règlements du Bureau d’Hygiène sont commises par les riverains du Canal alimentant la Cité, lequel distribue des eaux non épurées, souvent responsables d’accidents. CORT 277 Quant à l’origine ostréaire, son importance ne saurait désormais être sous-estimée, sa fréquence n’avant cessé de croitre au cours de la période d’avant guerre, parallèlement d’ailleurs à l’augmentation de la consomma¬ tion de coquillages. Un certain nombre de cas indiscutables avant été obser¬ vés aussi bien à Bastia qu’à Ajaccio — et plus sans doute dans la première de ces agglomérations que dans la seconde — l’alarme a été donnée aussi¬ 187 par le Corps médical qui réclame depuis lors le contr̂le strict de toutès les importations coquillières en provenance du Continent. En ce qui concerne maintenant les autres maladies infectieuses épidé miques, il n’est pas douteux que la Corse bénéficie d’un régime, privilégié atribuable vraisemblablement à son isolement relatif et à la précarité de ses communications intérieures. C’est ainsi que, de tous les départements. c’est celui où l’on enregistre le moins de cas de Rougeole, de Scarlatine et de Poliomvélite, comme l’attestent les Statistiques récentes de Chassagne qui donnent respectivement pour ces affections des indices de morbidite minimes de 13,4, 2,5 et 0,26 pour 100 000 habitants en 1939-1945 (1). Pour la Diphtérie, il en est sensiblement de même, l’Ile occupant encore un des derniers rangs de la morbidité, soit le 88° sur 90 pour la période 1939-1045 — avec un indice de 29,2 reflétant les deux poussées un peu plus fortes de 1942 et 1955 — et le 84° rang pour la période 1949-1951 — avec un indice de 3,34 seulement, traduisant une extinction progressive du processus. Même remarque également pour la Méningite cérébro-spinale dont les indices de morbidité atteignaient aux deux époques considérées les taux très moyens de 1.43 et 1,0. La Variole, depuis longtemps, n’a plus été observée en Corse, à l’instar du reste du Choléra, celui-ci s’étant déjà contenté, au cours de la grande poussée de 1849 de deux victimes : un brigadier de gendarmerie arrivé à Basria par le courrier de Toulon et son épouse qui, venue de l’intérieur de l’Ile, lui avait donné ses soins dans une maison isolée. Les épidémies de Crippe, par contre, facilement importées par bateau et dont la propagation relève essentiellement d’influences atmosphériques. (1) Durant la période 1949-1953, ces indices sont passés à 3,5 pour la Rougeole 1-8 pour la Searlatine et 1.14 pour la Poliomvélite, indiquant ainsi une régression des deux premiers processus et, au contraire, une progression du troisième. Malgré ces variations, la Corse est demeurée le département le moins touché de France de Proyence et du’Hanguedoc. 33 278 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA PRANCE n’épargnent guère le département insulaire. En janvier et février 1932 notam¬ ment, la maladie s’est abattue avec violence sur beaucoup de ses villages C’est ainsi qu’à Sari d’Orcino il était alors possible de rencontrer au moins deux grippés par famille, aussi sérieusement touchés que sur le Continent. Quant à la Peste, depuis longtemps inconnue dans l’lle, elle y a fait au printemps de 1945 une apparition soudaine, sous la forme d’une petite flambée épidémique localisée à Ajaccio et qui a porté en tout sur 13 cas. Parmi ces cas, 8 ont revêtu l’aspect typique de la Peste bubonique et 5 celui de la Peste septicémique. Dix d’entre eux ont abouti à la mort. La maladie. qui est demeurée concentrée autour de la Citadelle, a du y être apportée par les rats d’un bateau en provenance de Malte ou d’Afrique du Nord, sièges à l’époque d’épidémies très meurtrières. La présence simultanée à Ajaccio de « Rattus rattus », réservoir habituel du virus, et de « Xenopsyla cheopis ». agent vecteur type de l’infection, a fait craindre, d’ailleurs légitimement, l’implantation durable du bacille de Yersin dans l’Ile avec, pour les années à venir, des poussées épidémiques semblables à celle ainsi observée. Ces craintes, fort heureusement, ne se sont pas confirmées grâce à la prise immé¬ diate de mesures de prophylaxie appropriées. Par-ci par-la, on rencontre encore semblablement quelques cas de Lèpre reliquats de l’endémie moyenageuse comme dans les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône. En revanche, ajoutons à cela que la Corse connait depuis peu la F’ièvre boutonneuse et, sans doute, la F’ièvre phlébotomes dont nous avons pré¬ cédemment eu l’occasion de dénoncer les premières incidences sur les Côtes Un mot maintenant de deux affections particulières d’origine animale : la Fièvre aphteuse et le Charbon. D’après le Vétérinaire départemental, la Fièvre aphteuse, qui a sévi avec intensité dans l’Ile durant jes années 1944 et 1945 atteignant la presque totalité du cheptel sensible, ne semble pas, à la connaissance de cet auteur tout au moins, avoir provoqué en l’occurrence des cas de contamination humaine. On sait, d’autre part, que les maladies charbonneuses, très répandues à vrai dire chez les bovidés insulaires, parmi lesquels elles causent chaque année de très importants ravages, ne se propagent pas facilement à l’homme dans les conditions normales. On en à cité néanmoins un cas chez un boucher il y a quelques années, et un autre, plus récent, à forme d’anthrax, chez un sujet qui aurait guéri. Enfin, tout dernièrement, Zuccarelli a pu observel à Bastia, dans un laps de temps très court, deux œedèmes malins de la face et une pustule maligne compliquée de septicémie secondaire avec localisation pulmonaire. Mentionnons à ce propos une rareté identique du Tétanos à en juger par les renseignements que nous avons pu recueillir (indice annuel moyen de mortalité de 0. 35 durant la période 1948.1951, soit un des plus faibles obser¬ vés parmi les départements français). L’avènement, il y a très peu de temps, en Corse d’une maladie toute nouvelle, « la Fièvre du Queenstand », va nous retenir un peu plus longuement. Rappelons que cette affection représente l’une des plus récentes acqui¬ gitions de la pathologie humaine, et que, nosologiquement, elle s’intègre dans le caure ues Ttcretsioses (Ricketisia burneti). CONSE 279 Son aspect clinique est simple. Après un début brutal marqué par de la céphalée et une ascension thermique à 40°, elle donne naissance, avec un minimum de troubles fonctionnels respiratoires, à un foyer localisé du type pneumonique, lequel risquera de passer inapercu sans le secours de la radio¬ logie. La guérison, en tout cas, est de règle au bout d’une dizaine de jours d’évolution. Jamais on n’observe d’éruption. Le diagnostic qui se pose à la phase initiale avec une Crippe, une Lep¬ tospirose ou un Typhus, et à la période d’état avec toutes les Pneumonies atypiques, devra s’appuver autant que possible sur les données du Labora¬ toire : inoculation du sang dans le péritoine du cobave vers le 5e jour agglutination par le sérum-de Ricketsies prélevées dans des rates de souris entre la 2° et la 8° semaine (taux variant entre 17/20° et 1/640). La maladie est transmise par des Lrodinés, soit par piqure, soit par l’in¬ termédiaire des déjections virulentes. En Europe méridionale, ce sont les espèces appartenant aux genres Rhipicephalus et Hyalomma qui seront sur¬ tout à incriminer. Très vraisembalblement ces tiques assurent l’état endé¬ mique, grâce à des animaux « réservoirs de virus », quitte à passer ensuite de ceux-ci à l’homme. Quant à ce dernier, une fois infesté, il parait sus¬ ceptible de provoquer des épidémies interhumaines analogues à celles de la Peste. Le procesus a été pour la première fois identifié (d’où sa dénomination) au Queensland où plus d’une centaine de cas auraient été enregistrés chez l’homme entre 1925 et 1942. Ultéricurement, il a donné lieu aux Etats-Unis à diverses contaminations de Laboratoire. Pendant la seconde guerre mon¬ diale, il est parvenu à s’infiltrer jusqu’en Europe ou sa présence à été notam¬ ment signalée en Grèce, en Italie et jusqu’en Corse au cours des années 1944 et 1945 (400 cas environ). Atribuée avec quelque raison à l’arrivée des contin¬ gents anglo-saxons et plus spécialement australiens, cette infiltration devait. après enquête, se révéler antérieure à cette arrivée, plusieurs cas avant été déjà observés parmi les troupes allemandes occupant ces pays. Quoi qu’il en soit, ces faits établissent indubitablement la date d’apparition de la maladie dans notre lle méditerranéenne d’où elle pouvait facilement gagner le Conti¬ nent. En effet, dès 1948, la littérature médicale annonçait l’éclosion sur notre sol d’un premier fover dans la région du Nord-Est, à Strasbourg. Ainsi la Corse se révèle avoir été le tremplin grâce auquel la « Fièvre du Queensland » a pu envahir notre territoire métropolitain. Enfin, nous ne saurions clore ce paragraphe sans faire allusion à une autre affection, la Bage, laquelle sévit en permanence, sous sa forme spo radique habituelle, dans l’Ile, depuis son introduction qui semble remonter à l’année de guerre 1910. Ce danger a été dénoncé à maintes reprises par les épidémiologistes, et plus spécialement par Mattéi qui rappelle à ce pro¬ pos que la maladie, toujours d’origine canine chez l’homme, peut être trans¬ mise à celui-ci soit directement par la morsure du chien, soit indirectement après contamination par ce dernier des renards ou même des loups errant l’été à proximité des troupeaux vivant hors de l’étable. Les accidents observés en 1945 dans les cantons de Sartène et de Vezzani offrent d’ailleurs de ces notions une intéressante illustration. Quoi qu’il en soit, il n’est que trop vral qu’un certain nombre de sujets sont mordus chaque année en Corse (32 en 1933. 167 en 1944-1945), qui doivent être évacués de toute urgence, ou bien sur, le Centre antirabique annexe d’Ajaccio, ou bien sur les divers Instituts Pasteur de la Métropole. Bien entendu, parmi eux, il en est beaucoup qui se font LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 280 soigner uniquement à titre préventif. Les chiffres que nous venons d’indiquer n’en soulignent pas moins l’importance que revêt ce problème d’épidémio¬ logie locale, de même que l’intérêt qui s’attache au perfectionnement de l’œuvre de prophylaxie déjà en cours de réalisation. B — LES AFFECTIONS PARASITAIRES, L’existence en Corse d’un cheptel ovin abondant, vivant partout au con¬ tact étroit des chiens, explique que la Maladie hydatique a pu s’installer facilement dans l’Ile, tout comme d’ailleurs en Provence et dans le Langue¬ doc. A cet égard, la Corse compte avec les Bouches-du-Rhône et le Var parmi les départements français les plus fortement contaminés. Mais alors que dans ces derniers la dissémination de l’affection résulte pour une bonne part de l’apport d’animaux étrangers, en Corse il s’agit d’une Parasitose pure¬ ment autochtone, le cheptel avant ici un caractère strictement local. Quoique très répandue dans toute l’Ile où elle provoque chaque année de nombreux cas d’infection, l’échinococcose semble surtout fréquente dans la région avant pour centre Bastia, s’étendant depuis la Balagne jusqu’à la plaine d’Aléria. C’est le byste du foie qui domine de beaucoup les autres localisations. Ainsi, sur les 14 cas chirurgicaux observés à Bastia par Ch. Zuccarelli en dix ans de pratique insulaire, 13 concernaient des atteintes hépatiques, et un seul une localisation pulmonaire. Citons à ce propos, à titre de curio¬ sité, le cas de Kyste du cœur publié par Donati et ses Collaborateurs en noyembre 1936. Après avoir présenté une recrudescence inquiétante au cours des années qui ont précédé cette guerre, l’hydatisme parait actuellement en voie de. régression en Corse, comme d’ailleurs dans tout le reste de la France. Nous ne dirons rien de particulier en ce qui concerne les Parasitoses intestinales communes — Ascaridiose. Trichocéphalose. Helminthiases, etc. leur incidence en Corse étant sensiblement la même que sur l’ensemble du littoral méditerranéens Par contre, tous les auteurs sont d’accord pour insister eur l’ertrême rareté de l’Amibiase dans l’Ile. Mattéi notamment est revenu à plusieurs reprises sur ce phénomène curieux qu’il interprête comme le résultat de l’isolement relatif dont bénéficie le pays par suite de sa situation. En réalité, le fait demeure assez paradoxal si l’on songe d’une part à la fréquence de la maladie en Sardaigne et d’autre part à l’atirance qu’ont de tout temps manifestée les Corses pour les Colonies d’où bon nombre d’entre eux fort pro¬ bablement reviennent contaminés. Pour terminer, nous ne pouvons passer sous silence le grave problème de la Bilharziose vésicale, lequel se pose actuellement en Corse à peu près dans les mêmes conditions que dans le département des Pyrénées-Orientales. Si l’affection ne s’est pas encore manifestée dans l’Ile, elle semble à tout moment susceptible d’y faire son apparition, le Bulinus contortus, hôte inter¬ médiaire obligé dans le cycle du Schistosome, se trouvant en abondance dans toutes les mares et les torrents, en particulier dans l’estuaire du Figarella à Calvi, et dans le Fongo à Bastia (Cazot, 1902). On voit tout de suite le danger que comporterait l’introduction dans le pays de sujets infes¬ tés, et plus spécialement de soldats africains originaires de régions où la Bilharziose est endémique. Déjà signalée en 1922 par Dollfus, puis en 1927 par Anderson, la menace s’est à nouveau précisée lors des grands remous qui ont accompagné la dernière guerre. Mais il ne suffit pas que soient réunis les porteurs de germe et le mollusque vecteur pour que le dévelop¬ pement du parasite puisse s’effectuer : il faut encore des conditions clima¬ CORSE 281 tiques favorables permettant l'infection du Bullinus par les Miracidies libres. Or en Corse, ces conditions se trouvent souvent réalisées durant l'été où l'eau des mares atteint par exemple 20 et 30° dans la région de Porto Vecchio qui apparaît ainsi comme l'un des points les plus vulnérables de la Côte. D'ailleurs des tentatoves d'infestation expérimentale du Bullinus local à l'aide d'urines contaminées ontpu être effectuées par Brumpt et Wer blumsky avec le plus grand succès. On conçoit dès lors la nécessité qu'il y a à prendre sans plus tarder des mesures de protection destinées à empê cher l'envahissement de l'Ile par la maladie, mesures qui pourraient fort bien être calquées sur celles déjà en vigueur au Brésil depuis la loi de 1921 BIBLIOGRAPHIE 282 LA PATIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE V — LES CRANDS ELÉAUX SOCIAUX De l’avis de beaucoup d’auteurs, les affections chroniques que nous dési¬ gnons sous le nom de « fléaux sociaux » en raison de leur fréquence, de leur gravité et de leur résistance aux mesures de prophylaxie né semblent guère avoir rencontré en Corse un terrain favorable à leur développement. Une exception toutefois est ordinairement faite pour le Trachome, fléau spécial aux pays méditerranéens, que l’on voit encore se manifester dans l’le avec une singulière intensité (Carlotti). Par contre, l Syphilis s’avère plutêt rare, sauf peut-être il y a une dizaine d’années dans les villes et notamment à Bastia et à Ajaccio où l’on a pu parallèlement observer une multitude de Blennorragies à la fois sous l’influence du relâchement des maurs et de l’accroissement des apports étrangers liés à l’état de guerre (pour les Statistiques, voir la Syphilis en Provence). L’alcoolisme parait également peu répandu. Cependant le pays est bon producteur de vin. Entre 1936 et 1942 le taux moyen de la production vini¬ cole atteignait en effet 170 000 hectolitres par an, chiffre qui est loin d’être négligeable. Mais l’insulaire est en général très sobre, surtout le montagnard. et ceci explique sans doute le petit nombre de cas d’éthylisme avéré ainsi que le caractère véritablement exceptionnel de la cirrhose du foie (Mattéi). Conclusions de même ordre, encore que mitigées, en ce qui concerne les Néoplasies malignes. Les Statistiques de Denoix portant sur la décennie 1927¬ 1936 étaient à l’éroque très explicites; la Corse était avant-guerre de tous les départements français celui où le Cancer était le moins souvent rencontré (taux moyen annuel de mortalité : 37,5 pour 100 000 habitants). Aujourd’hui l’Ile conserve toujours dans ce classement interdépartemental une position favorable (85° rang sur 90); mais malheureusement avec un indice qui s’est considérablement accru au point d’atteindre 127 durant la période 1948-1953 (soit un progrès de 72 %, phénomène qui montre bien que son territoire, malgré ses protections naturelles, n’a pas pu échapper à cette vague de cancé¬ risation qui sévit actuellement sur toute l’Europe. Le Coitre n’est guère considéré comme endémique en Corse denuis la vieille Statistique de Boudin qui, vers le début du siècle, évaluait à 18 pour 100000 habitants la proportion des goitreux dans l’Ile contre 440 par exemple dans les Basses-Alpes et 981 dans les Hautes-Alpes. Néanmoins, Franceschi a fait tout récemment remarquer qu’il n’était pas du tout excep¬ tionnel de croiser dans les villages de la montagne des sujets atteints de tares diverses dont l’existence met en cause l’intervention de facteurs locaux ou héréditaires. Quant à la mortalité intantile, M. Moine a relevé en 1936 à son sujet un coefficient de décès dépassant 70 pour 1000, soit un taux déjà supérieur à la moyenne générale française. Ce taux devait malheureusement s’accroitre par la suite jusqu’à atteindre 89 pour 1 000 (mortalité fœto-infantile) durant la période 1948-1950, placant dès lors la Corse au 4° rang de nos départements. Ce fait est d’autant plus remarquable que partout ailleurs on observe actuel¬ lement une tendance sensible à la régression. Sans doute cette évolution s’ex¬ plique-t-elle par l’encombrement de l’habitat et les habitudes défectueuses d’hygiène qui continuent à sévir dans l’Ile. Reste maintenant le problème de la Tuberculose, celuis-ci avant donne lieu à des discussions plus nombreuses. CORSE 23 Selon Mattéi, l’incidence de la Tuberculose en Corse serait tout aussi faible que celle des autres maladies sociales que nous venons d’énumérer. Cette opinion a du reste trouvé confirmation dans certains chiffres, et notamment dans les tables de mortalité tuberculeuse pour les années 1938 et 1952 publiées par l’Institut National d’Hygiène. Celles-ci accusent respectivement des taux de 70 et 19 déces pour 100000 habitants, rejetant ainsi l’Ile au 84° puis au 89° rang parmi les départemenss français (même indice moyen de mor¬ talité de 19 durant la période 1953,1955, placant cette fois la Corse au 87° rang du classement envisagé). En réalité, un tel avis peut paraitre à priori assez surprenant si l’on songe que ce territoire insulaire présente à bien des égards les mêmes carac¬ téristiques que la Bretagne, province où la Tuberculose sévit avec vigueur favorisée par la surnatalité, l’encombrement et le même défaut d’hygiène que nous venons à l’instant de dénoncer. Effectivement, d’autres observateurs, tels que Piani et Franceschi, se bisant sur les rapports du Comité local de Défense contre la Tuberculose. ont signalé au contraire dans leurs thèses le développement sans cesse accru de la maladie, aussi bien dans les campagnes que dans les villes, dans les milieux aisés que dans les milieux pauvres. Mais il s’agit là de constatations anciennes, remontant à la période 1925-1932. De toute façon, les faits récents sont la, très éloquents, et il nous faut maintenant les interpréter. Ils permettent d’attribuer à l’endémie, actuelle les caractères ci-après : J. Incidence modérée et épolution régressive. — A ce sujet, les données émanant de l’Institut National d’Hygiène n’autorisent aucun doute. Mais elles ne doivent pas cependant faire trop illusion. Pour expliquer la modicité de cer¬ tains chiffres, plusieurs auteurs ne manquent pas d’invoquer les cas nom¬ breux, selon eux qui échanpent encore aux investigations. Très dur au mal l’insulaire en effet ne consent bien souvent à se laiser examiner que lorsqu’il est déjà atteint de lésions très avancées. Au surplus, il faut également tenir compte des erreurs de diagnostic attribuant par exemple au Paludisme des pyrexies d’origine manifestement bacillaire. 2. Gravité fréquente. — Nous venons d’y faire allusion. A cet égard. il importe de faire intervenir une notion de terrain, Introduite sans doute assez récemment dans l’Ile par des sujets venus se contaminer sur le Conti¬ nent, la Tuberculose y a donné lieu d’emblée à des formes extrémement sévères, ainsi qu’il est de règle parmi les populations vierges, indemnes de tout contact antérieur. De là l’intérêt de la recherche systématique des cuti¬ réactions négatives, probablement encore très répandues dans le pays. 3. Prédominance des localisations pulmonaires sur les autres localisations. Elle est également certaine. Mais tandis que la rareté des foimes diges¬ tives est volontiers imputée au régime frugal qu’observent la plupart des insulaires, celle des formes cutanées, ostéo-articulaires et ganglionnaires est plutôt rapportée à l’influence électivement favorable du climat marin. En fait, c’est ce rôle fondamental du climat que nous allons retrouver en étudiant la répartition géographique actuelle de l’affection. Piani a pu, à cet égard, définir trois zones inégalement tuberculisées qu’il nous décrit de la facon suivante : 1° UNE ZONE NORD comprise entre l’extrémité du Can Corse d’une part et d’autre part une ligne allant d’Ouest en Est du Golfe de Galéria au sud de Vescovato : c’est de beaucoup la plus fortement touchée (214 cas sur les 498 que comporte l’enquête de l’auteur). Mais c’est aussi celle qui réunit 284 LA PATLIOLOGIE RÉGIONALE DE LA PBANCE les conditions atmosphériques les plus dangereuses : violence et variabilité des vents, degré hygrométrique souvent élevé. Bastia, particulièrement mal située, se trouve à la fois exposée, sans abri ni protection, aux vents du N.-E. et du S.-E. Il en est de même pour la vallée de la Casnica où s’engouffrent les tempêtes venues de toutes parts et pour la plaine marécageuse et désertique de Biguglia. La, toutes les Tuberculoses subissent un coup de fouet, cependant que les hémoptysies se déclenchent en série quand souffle le siroco ou le mistral. 22 INE ZONE MOYENNE, en grande partie montagneuse, incluse entre la ligne précédente et une autre jobgnant le Cap Muro au Nord de Porto¬ Vecchio : avec ses villages d’altitude, son ciel serein, sa température plus stable, son degré hygrométrique modéré, elle apparait comme nettement plus saine (120 cas seulement dans la Statistique de Piani), convenant même au traitement de certains malades. Corte, avec sa riche ceinture de montagnes formant écran, occupe sans aucun doute le point le plus salubre. C’est près de cette ville d’ailleurs que devait être bâti l’Hopital-Sanatorium depuis longtemps projeté. Citons encore comme favorables : Vizzavona. Bocognano et Toca ainsi que le groupe Vico-Evisa-Piana. Par contre. Aiaccio et certains endroits comme Sari d’Orcino réputés pour la beauté de leur site ne semblent pas convenir à tous les Tuberculeux. 3° UNE ZONE SUD, enfin, englobant tout le reste de l’Ile jusqu’au détroit de Bonifacio : c’est une zone intermédiaire du point de vue de la morbidité tuberculeuse (164 cas), celle-ci étant assez élevée dans des localités comme Sartène, Propriano et Bonifacio. Il est inutile de souligner l’importance de toutes ces données en ce qui concerne l’orientation à donner aux malades et la nécessité d’une appli¬ cation étroite du plan général de prophylaxie par les serviges compétents. BIBLIOCRAPHIE 1. FRANCESOHT, Apertu sur le climat, la pathologie et l’hygiene sociale en Corse. Thèse Bordeaux, 1936. 2. MATTHI (Ch.). La Corse, lle de Beaute, doit être aussi lle de Santé. Conférence faite le 25 janvier 1939 au Centre universitaire méditerranéen de Nice. 3. PIANL. Considérations sur le climat et la pathologie de la Corse, Thèse Paris, 1934. 4. SETA Les ressources thérapeutiques de la Corse. Thèse Paris, 1923. Consulter en outre : 1. DENOIX (M.). Enquête permanente dans les Centres anticancéreux. Recueil des Tray. de l’Inst. d’HyR., L. II, vol. 1, 1945, p. 129-130. l’Alcoolisme, ibid. t. II, vol. 1, p. 264. 3, Statistique des décès par Tuberculose en France, ibid. t. I, vol. 1, 1944, p. 80. CORSE 235 DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE DE LA TUBERCULOSE EN CORSE ET PRINCIPALES STATIONS CLIMATIQUES d’Evian. 286 LA PATLIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Appendice : RESSQURCES THERMALES La Corse est l’un des plus riches départements de France en stations thermales. Pen de nos régions poscédent dans un espace aussi restreint une gamme aussi variée de sources au milieu d’un décor aussi enchanteur. Mal¬ heureusement, seule la station d’Orezza s’est acquise une réputation mon¬ diale. C’est que, durant des siècles, l’Ile a vécu dans un isolement à peu près complet, peu favorable à l’épanouissement de ses ressources naturelles. Dans sa partie méridionale, où prédominent les terrains primitifs non stratifiés, se trouvent réunies un certain nombre de stations sulfureuses — ou mieux, sulfurées calciques — dont nous allons brièvement rappeler les carac¬ téristiques essentielles. Ce sont : Pietrapola située à 115 mêtres d’altitude et à 80 Kilomêtres de Bastia. Réputées dès la plus haute antiquité, ses eaux, dont la température s’élève à 40-60, sont volontiers utilisables dans les états névropathiques, les « manifestations éré¬ thiques de la diathèse serofuleuse » et les affections cutanées; Cuagno à 436 mêtres de hauteur, dans le canton de Socia. Ses sources qui jail. lissent à la température de 50-55° sont recommandées dans les dermatoses ainsi que dans les diverses séquelles de traumatisme; Caldaniccia à 12 kilomêtres d’Ajaccio, qui doit à ses eaux thermales sédatives (352). son succès dans les états prétuberculeux; Cuitera enfin, à 430 mêtres d’altitude et dont les eaux peuvent être employées, soit chaudes (452) contre les états paralytiques avec contractures, soit refroi¬ dies contre les affections cutanées et les maladies chroniques de l’utérus. A côté de ces sources chaudes, il faut encore mentionner la source sul¬ furée froide de : Pauxxichelto. à 85 mêtres d’altitude, dans le canton de Vezani, efficace dans les affections respiratoires de même que dans les dermatoses compliquées d’ul¬ cérations torpides. Nous passerons très rapidement sur les eaux diurétiques peu minéra¬ lisées de : Diaza sur le versant Quest, aux propriétés sensiblement équivalentes à celles CORSE 287 Et nous en arrivons ainsi à la station de : Oretxa la « reine des stations corses ». La localité elle-même se trouve à 600 mêtres au-desus du niveau de la mer, à proximité de la ligne d’Ajaccio à Bastia, dans la partie septentrionale de l’Ile, au milieu de terrains primitifs stratifiés. Ses eaux froides (II°), limpides, sont absolument uniques au monde pour leur teneur élevée en fer. Elles renferment, en effet, jusqu’à 13 centigrammes de carbonate de fer par litre alors que les sources les plus célèbres d’Europe (Spa, Schvalbach, etc.) n’en contiennent que 7 centigrammes tout au plus. Excellentes chez les chlorotiques, les anémiques, les sujets au foie fatigué par de longs séjours coloniaux, les névropathes, les surmenés, les dyspep¬ tiques, elles donneraient des résultats quasi prodigieux chez les paludéens et, d’une manière plus générale, chez tous les habitants des zones d’endémie malarienne parmi lesquels il convient de ranger les Corses eux-mêmes vivant sur le littoral. Il est probable d’ailleurs qu’en l’occurrence à l’action du fer viennent s’ajouter les bienfaits de la cure de montagne. Enfin, si l’on en croit un dicton populaire, ces eaux seraient également actives chez les femmes stériles, alors que tout autre traitement a échoué. Par contre, elles sont formellement contre-indiquées chez les malades porteurs de lésions pul¬ monaires congestives et chez les insuffisants rénaux. Ainsi, remarquablement dotée par la nature, la station d’Orezza pourrait être appelée à l’avenir le plus brillant si son éloignement des grandes voies de communication internationales ne venait malheureusement limiter une clientèle de préférence attirée vers les régions d’accès plus facile. CONCLUSIONS Plusieurs facteurs sont de tout temps intervenus et interviennent encore pour conférer à la pathologie corse cette physionomie particulière que nous lui avons déjà recohnue et dont nous allons maintenant essaver de dégager les quelques traits essentiels. 1. — En premier lieu, il faut tenir compte de la situation de l’Hle, isolée au milieu de la Méditerranée. Considéré sous un certain angle, cet isolement lui a sans doute assuré de précieux avantages : celui surtout d’avoir pu échapper au cours des siècles à la plupart des grandes pandémies qui ont ravagé l’Europe. Aujourd’hui encore, elle est de tous les départements français celui où l’on enregistre le moins de cas de Rougeole, de Scarlatine et de Poliomvélite. La Diphtérie y est de même assez rare. Quant aux fléaux sociaux qui, de nos jours plus que jamais, déciment les populations du Vieux Continent, beaucoup d’entre eux ne manifestent en Corse qu’un pouvoir d’extension également réduit, tels notamment la Syphilis, le Cancer et même l’Alcoolisme dont le développe¬ ment eut cependant pu se trouver favorisé grâce à l’existence sur les coteaux ensoleillés du Cap de vignobles prospères et réputés. Chose curieuse, l’Amibiase, elle aussi, est à peine connue dans le pays et ne parait guère devoir s’y fixer malgré le nombre des anclens Coloniaux 283 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE revenus dans leur famille après un séjour plus ou moins prolongé en région infestée. 2. — Mais à cela semble se borner, du point de vue médical tout au moins, les heureux effets de l’insularité. Le temps n’est plus, en effet, oì le « splendide isolement » dans lequel se complaisait l’Hle, favorisé à l’intérieur par le compartimentage étroit des vallées contraire à l’épanouissement des échanges, permettait aux habitants d’échapper aisément à la contamination extérieure. Désormais, le déploiement en tous sens des moyens de transport, en multipliant largement par des escales choisies les contacts humains, a fini par intégrer en partie le pava dans les grands courants modernes, introduisant du même coup sur son sol cette efflorescence de maux que nous avons étudiés et parmi lesquels une mention spéciale revient à la Tuberculose. A ce propos, nous ne saurions manquer d’insister sur le réseau de complicités que ces affections multiples ont trouvé sur place, du fait sur¬ tout de la misère des campagnes, de la sous-alimentation du paysan, du manque d’hygiène des agglomérations, de l’encombrement des logis et de l’absence de protection des points d’eau. C’est de cette façon que, durant le demi-siècle dernier, l’e aspect nosologique » de la Corse a pu se transformer de très fâcheuse manière, les germes récemment importés s’étant trouvés un peu partout en présence d’organismes neufs qu’aucune prémunition antérieure ne venait protéger. 3. — La Corse est dotée au surplus d’un litorat, d’une excention¬ nelle beauté sans doute, mais aussi d’une très grande étendue, en maints endroits semé, d’étangs, de marais et de creux de rochers. Ainsi a-t-elle été appelée de bonne heure et tout naturellement à constituer une terre d’élection pour le Paludisme, à la faveur du reste d’un anophélisme intense et tout par¬ ticulièrement agressif. Comme toutes les régions câtières, elle est devenue en outre le siège d’une endémie typhoidique non négligeable, moindre peut-être que sur les rivages voisins de la Proyence et du Languedoc, mais qui s’accroit dangereusement chaque année par suite de l’adionction aux cas de contamination d’origine hydrique autrefois seuls en cause d’atteintes d’origine coquillière, lesquelles s’observent plus généfalement dans les ports. 4. — La prédominance de la vie pastorale sur toutes les autres formes d’activité fait intervenir un autre facteur sur lequel il convient d’insister. Le Corse est volontiers berger. Comme tel, il vit en permanence, en compagnie de son chien fidèle, au milieu des troupeaux dont il partage l’existence et bien souvent les maux. C’est au contact du cheptel, chèvres et moutons, qu’il contracte notamment cette redoutable maladie qu’est la Fièvre ondulante, importée de Malte vers la fin du siècle dernier et dont on connait depuis lors les inquiétants progrès. Et le chien, de son côté, lui transmet toute la gamme des affections qu’il colporte et dont il est lui-même habituellement la victime : Kala-4zar. Fièvre boutonneuse. Echinococose. sans oublier la Rage dont il est signalé quelques cas au cours de chaque été. 5. — Insulaire, lifforale et pastorale la Corse est tout autant médifer¬ ranéenne. Ceci veut dire qu’elle porte en elle la marque commune à tous les rivages baignés par la mer intérieure, marque essentiellement conditionnée par la latitude et le climat. Ainsi s’explique la réussite locale de certaines maladies, comme parfois leur extraordinaire fortune, et ainsi se comprend également l’implantation récente de la Leishmaniose viscérale, l’installation du Trachome et surtout l’essor pris par deux affections déjà citées, à savoir le Paludisme et la Mélitococcie dont on peut dire que l’évolution domine actuellement — et de loin — toute la pathologie régionale. CORSE 289 A cet égard, il nous parait opportun de rappeler pour terminer les deux données épidémiologiques suivantes : En ce qui concerne tout d’abort la fréquence des cas, on peut affirmer que c’est par milliers que se chiffrent les paludéens, avérés ou latents, vivant en permanence sur le sol de Corse. Quant à la Mélitococcie, on peut estimer à 250 en moyenne le nombre des contaminations annuelles diment identi¬ fiées et déclarées, ce taux dépassant très largement ce que l’on a coutume d’observer dans les divers départements de la Métropole. Du point de vue topographique, il est incontestable que l’endémie palustre se localise exclusivement à la Côte, à l’Est sous l’aspect d’un feston continu, à l’Quest sous forme de fovers espacés dont chacun correspond au fond alluvionnaire d’une crique. Pour la Mélitococcie — encore que celle-ci soit plus diffuse et désormais étendue à la totalité de l’Ile — c’est la même prédominance littorale que l’on rencontre. Cette remarque vaut également pour la Leishmaniose, le Trachome, la Tuberculose et les affections typhiques. De là découle cette conclusion essentielle qu’en Corse c'est la zone côtière qui est de beaucoup la plus malsaine, envahie qu’elle est par la plu¬ part des affections dites méditerranéennes qui y multiplient et souvent Y intriquent leurs effets. C’est elle surtout qui est dangereuse pour les touristes de passage, pour les militaires des garnisons et, d’une manière générale. pour tous les individus non prémunis qui viennent s’y installer. C’est donc. vers son assainissement que devront tout particulièrement tendre les efforts des hygiénistes et des ingénieurs. Déjà d’importants travaux ont été effectués il y a quelques années aux fins d’assécher les marais et les lits effondrés des torrents. En même temps des mesures ont été édictées en vue d’assurer le contrôle sanitaire des immigrants et la protection du cheptel. Mais l’œuvre entreprise est demeurée incomplète et il s’avère maintenant nécessaire de la reprendre au plus tôt. C’est en tout cas à cette seule condition que « l’Ile de Beauté » pourra retrouver son merveilleux équilibre et entreprendre effi¬ cacement la mise en valeur des dons multiples dont la Nature l’a comblée. 19 Y MIDL OCEANIQUE GÉNÉRALITÉS Le Midi Océanique occune une vaste dépression triangulaire essentielle¬ ment constituée par le Bassin Aquitain flanqué, de part et d’autre, de la chaine des Pyrénées et des premiers contreforts du Massif Central. Qutre l’Aquitaine proprement dite, il englobe un certain nombre d’anciennes pro¬ vinces françaises parmi lesquelles nous citerons surtout le Rouergue, le Quercy et le Périgord d’un cêté — l’Armagnac, le Bigorre et le Pays Basque de l’autre, sans oublier l’Aunis, la Saintonge et l’Angoumois qui les prolongent jusqu’aux abords du Val de Loire en une sorte d’isthme bien dégagé. L’en¬ semble a pour axe la vallée de la Garonne et, couvre l’étendue d’environ quinze de nos départements (1). Ses limites peuvent être fixées comme suit : au Sud, les crêtes pyrénéennes — au Nord, la Sèvre Niortaise, Montmorillon. Saint-Yrieix, Brive et les monts d’Aubrac — à l’Ouest, la facade rectiligne des Landes, largement ouverte sur l’Océan — à l’Est enfin, les sommets du grand amphithéâtre qui domine au loin la côte languedocienne, interrompu seulement par l’étroite brèche que forme le « seuil de Naurouze », encore appelé « Porte du Lauraguais ». Céologiquement, l’histoire du Bassin Aquitain est fort simple. La région fut à l’origine un immense golfe que les mers secondaires vinrent tapisser de leurs sédiments. Aujourd’hui encore, les assises calcaires du lurassique et du Crétacé affleurent le pourtour de la cuvette abandonnée par les eaux. Au Centre, par contre, ces diverses couches furent recouvertes à l’épo¬ que tertiaire par d’abondants dépôts constitués, tantôt par de nouveaux apports calcaires comme dans le Bordelais, tantôt par un mélange de sable, de marne et d’argile dénommé « molasse », à travers lequel les rivières durent se fraver un passage. Plus tard, aux temps quaternaires, ces vallées se sont elles-mêmes en grande partie colmatées grâce aux alluvions amenées par le courant ou étalées par les crues annuelles. Ainsi la configuration d’ensemble rappelle celle du Bassin parisien. Toutefois, contrairement à ce dernier, la structure du terrain devait ici subir, au cours de l’ère moderne, de profonds remaniements du, fait des influences conjuguées de la mer et de la montagne. Des hauteurs pyrénéennes dévalèrent en effet sur les sédiments des vallées des matériaux fluvio-glaciaires dont l’amoncellement allait donner naissance à d’immenses ĉnes de déjection et notamment au plateau de Lannemezan. Parallelement, du côté du Massif Central, un travail semblable se produisit, (1) Ce sont, en totalité, les Basses-Pyrénées, les Hautes-Pyrénées, la Haute Garonne, l’Ariège, les Landes, le Gers, la Gironde, le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne la Dordogne, la Charente et la Charente-Maritime : en majorité, le Lot et le Tarn : en partie, les Deux-Sèvres, la vienne et l’Aveyron 294 LA PATIOLOGIE REGIONALIE DE LA FBANCE beaucoup moins intense il est vrai, puisqne l’on voit encore en maints endroits s’y succéder, en affleurements larges et réguliers, les couches secondaires réduites le long des Pyrénées à un feston étroit et discontinu. Quant à l’Océan. balavé par les vents d’Ouest, il est venu recouvrir de ses sables la maieure partie du littoral, lui conférant cette physionomie si particulière que l’on rençontre dans les Landes. L’aspect général du relief se déduit facilement de ce schéma rapide. Dans toute la partie médiane, qui confine à la Caronne, l’altitude demeure peu élevée, atteignant au maximum 300 mêtres, avec une inclinaison d’en¬ semble d’Est en Quest. Ici les accidents de terrain ne sont représentés que par quelques croupes aux ondulations indécises, qui font place, vers l’Océan. à la ligne ininterrompue des hautes dunes que l’on voit s’étendre d’une seule jetée, avec une monotonie souvent décevante, depuis la pointe de la Grave jusqu’à l’embouchure de l’Adour. La bordure montagneuse offre, par contre, beaucoup plus de diversité Sur le versant méridional se dresse la formidable barrière des Pyrénées qui ’abaisse, progressivemeut vers l’Océan, passant des 3 400 mêtres du pic d’Aneto aux 2 800 mêtres du pic du Midi d’Ossau, puis aux 2 500 mêtres du pic d’Anie et enfin rapidement aux 800 mêtres du Pays Basque. C’est aux pieds de cette sierra aux parois abruptes, percée de rares « ports » d’accès d’ail¬ leurs difficile, que viennent s’étager en gradins sucessifs les coulées allu¬ vionnaires du plateau de Lannemezan et du pays de Chalose, où les eaux sont venues créuser une multitude de vallées divergentes que ne parcourent plus désormais qué de maigres affluents du grand fleuve. Sur le versant septentrional, la plaine tertiaire prend contact avec les schistes arides du Massif Centrat au niveau d’une ligne s’étirant de Castres jusqu’à Mazamet, ligne à partir de laquelle se dressent les plateaux du Ségala. les monts de Lacaune et la Montaghe Noire, Plus au Nord, elle affronte les granits de ce même Massif par l’intermédiaire de la zone calcaire des Causses, énormes plateaux secondaires troués comme des écumoires, pour¬ fendus de canons magnifiques tels que les gorges du. Tarn ou les rivières boivent au passage les eaux filtrées du roc, creusent des cirques, faconnent des éperons, donnant ainsi au pays un aspect des plus pittoresques et parfois des plus émouvants. Plus loin enfin, au-delà des pentes douces de l’Agenais s’étendent les terrasses périgourdines adossées à la pénéplaine archéenne et déjà sévère de la Marche et du Limousin. Resent les plaines secondaires situées entre la Gironde et le cours infé¬ rieur de la Loire, et que nous englobons dans cette étude. Disposées en bissac. elles présentent en leur centre un étranglement, le « Seuil du Poitou », enserré entre les blocs cristallins primitifs du Limousin et de la Gâtine armoricaine. La partie Nord, constituée par le Poitou, regarde franchement vers le bassin parisien. Riche et fertile lorsque le calçaire jurassique se décompose à la sur¬ face en argile pour donner la « terre de groie », le pays devient pauvre en bordure de la Vendée et du Limousin lorsque ce même calcaire se recouvre des dépôts sableux arrachés aux vieux massifs voisins pour former la « terre de brande ». Quant à la partie Sud, elle comprend les plaines de Charente tout aussi remarquables par leur diversité,. Tandis qu’à proximité du Seuil c’est encore l’ambiance poitevine qui se fait sentir dans les terres chaudes de l’Angoumois, plus bas, dans la Champagne charentaise et la Saintonge, c’est déjà le Bordelais qui s’annonce avec son sol sec et craveux issu de placages crétacés, beaucoup mieux fait, comme nous le verrons bientêt, pour la vigne et le mouton que pour le blé et les prairies artificielles. Ainsi que l’a fort bien montré le Profeseur Ciraud, le Bassin Aquitain doit ses caractéristiques climatiques à la triple influence de l’Océan, de la 295 MIDI OCEANIQUE haute montagne toute proche et de la latitude méridionale. Il échappe, par contre, à peu près complêtement à l’influence méditerranéenne. La dominante océanique confère à la région sa pluviosité et la tiédeur de sa température. Les vents d’Ouest (Cers surtout), chargés d’humidité. amènent sur le littoral et sur les premiers contreforts pyrénéens des préci pitations abondantes. Mais, plus en retrait, la majorité de la plaine ne recoit que peu d’eau. Les condensations reprennent vers l’Est, au contact des ver¬ sants occidentaux des montagnes froides qui, à nouveau, se trouvent forte¬ ment arrosées. Dans l’ensemble, les -jours de pluie fine sont très nombreux au cours de l’année, et l’atmosphère, toujours imprégnée de vapeur d’eau¬ n’a plus ici cette belle luminosité qui contribue tant au charme de la Côte d’Azur. Un tel climat risquerait à la longue de devenir monotone si par inter¬ mittences, de brusques paroxysmes ne venaient interrompre le ryihme tron régulier des saisons, la clémence des hivers, la chaleur tempérée des étés la sérénité prolongée des automnes. Du fait de sa latitude méridionale, la région recoit parfois, en effet, de brusques averses comparables par leur violence à celles du Bas-Languedoc tout proche. Et, bien que généralement protégée des grandes tempêtes par le double écran montugneux qui la borde de part et d’autre, il lui arrive aussi de subir les assauts de « l’aspre » nor¬ dique, dangereux pour les plèvres fragiles, et surtout ceux du « vent d’autan ». originaire du Sud-Est, qui, après avoir enjambé les Pyrénées, fonce sur Tou¬ louse et ses environs avec une puissance inouije. On le voit alors balavant de son haleine chaude la plaine, créant un état de malaise chez tous les êtres vivants et de véritables épidémies d’hémoptysies chez les tuberculeux Pays tiède sans doute, agréable à habiter, mais aussi humide et souvent soumis aux caprices des vents, le Bassin Aquitain n’est peut-être pas, en définitive, la terre d’élection que l’on se plait à imaginer pour les débilités et les malades. Il est vrai que le schéma général que nous venons d’indiquer est sujet à de multiples variations locales. Il existe effectivement des vallées abritées des versants bien exposés, tant dans la plaine qu’aux abords de la mon tagne, où les influences fâcheuses évoquées ci-dessus ne se font plus sentir Ici, comme ailleurs, la notion de « microclimat » reprend donc tous ses droits et nous n’en voulons pour exemple que la fameuse région de Pau dont la fortune est due, non seulement à la beauté du site, mais encore au calne reposant de son atmosphère. Et nous touchons maintenant au point essentiel, à savoir : la disposition du réseau hydrographique et son retentissemtent sur la vie du pays. Au Centre du Bassin, une grande rainure longitudinale s’est creusée du Sud-Est au Nord-Quest : c’est la vallée de la Garonne. Elle amène à elle la plus grande partie des eaux qui descendent des Pyrénées et du Massit Central. Seules échappent à son attraction les eaux de l’extrème Sud-Quest qui constituent le petit réseau adiacent de l’Adour. Tout à fait à part l’isthme qui relie lés bassins parisien et aquitain comporte un système un peu plus dispersé, formé de toute une série de fleuves côtiers, dominés cepen dant par l’artère maitresse de la Charente. L’ensemble donne une impression à la fois de concentration et de richesse, entretenant dans le sol une cons tante humidité qui s’allie bien à celle de l’atmosphère. Née des glaciers de la Maladetta (2 800 m) d’o elle tire à l’origine la majeure partie de sa substance, la Caronne traverse le Val d’Aran par up cours souterrain, puis pénêtre en France au Pont-du-Roi à 575 m d’altitude Elle recoit bientôt la Pique et la Neste, contourne le plateau de Lannemezan. coule ainsi quelque temps le long des Pyrénées, se grossit au passage du LE MIDL OCÉA vue d’ enson 2 298 LA PATLHOLOGIE B́GIONALE DE LA FRANCE Salat et de l’Ariège, pour terminer la première partie de son cours à Toulouse. Durant tout ce trajet son régipe est celui d’un flenpe de mon¬ tagne brutal et fougueux : hautes eaux d’avril à juillet, basses eaux en hiver Ici les crues dangereuses ont lieu à la fin mai et en juin quand les vents d’Ouest amènent sur les frontons montagneux des pluies tièdes et précipitent lo déneigement. C’est ainsi que le 23 juin 1875, à la suite de 60 heures de pluies ininterrompues, le flot monta de 9 m 60 dans la ville de Toulouse inondant tous les bas-quartiers de la rive gauche, détruisant plus de 7 000 habi¬ tations et novant 500 personnes. Au-dela de Toulouse, la Caronne s’oriente délibérément vers le Nord-Quest dans l’axe du bassin d’Aquitaine. Sa pente s’est atténuée (45 centimêtres au lieu de 24 mêtres en moyenne par kilomêtre), mais elle demeure néanmoins un fleuve redoutable. Ceci d’autant plus qu’elle s’enrichit à sa droite de puis¬ sants affluents issus du Massif Central : le Tarn (grossi de l’Agout et de l’Avevron) et le Lot (grossi de la Truvère), dont le débit contraste singulière ment avec celui plus modeste des affluents de gauche (Save. Gimone. Gers. Baise) descendus en éventail des pentes du Lannemezan. Dès lors, on concoit que le Plateau Central domine sa vie, comtme précédemment les Pyrénées. C’est en hiver et au début du printemps que se produisent désormais les hautes eaux alimentées surtout par les pluies océaniques, mais aussi, dans les cours supérieurs du Tarn et du Lot, par les averses méditerranéennes déclenchées par les lourdes nuées du Sud-Est et la fonte des neiges accumulées autour du mont Lozère et de l’Aubrac. C’est à la conionction de tous ces facteurs qu’est due notamment la catastrophe de mars 1930 ou toute la vallée fut submergée, les flots baionant les maisons jusqu’au toit détruisant les rem¬ blais de chemin de fer de la ligne Bordeaux-Sête, transformant la campagne autour de Lavour. Montauban. Agen et Marmande, en un immense lac rougeâtre. La Cironde, ou Caronne maritime, est un véritable bras de mer de 72 Filomêtres de long sur 5 à 12 de large. Elle débute au « bec d’Ambez » édifié à la fois par les alluvions du fleuve et celles de son affluent, la Dor¬ dogne, dont les eaux sont renforcées directement ou indirectement par celles de la Cère, de la Vézère et de la Corrèze, de l’Isle, de l’Auvézère et de la Dronne. Plus loin, ces mêmes dépêts forment les hauts fonds et les iles allongées qui séparent l’estuaire en deux chenaux dont la profondeur demeure toutefois suffisante pour permettre l’accès jusqu’à Bordeaux des plus gros navires. A ĉté de la puissante et turbulente Caronne, l’Adour et la Charente apparaissent, malgré leur abondance, comme des fleuves de tempérament rela¬ tivement calme. D’origine également pyrénéenne, desservant un bassin étendu, alimente par des pluies océaniques répétées, l’Adour ressemblerait à sa voisine si son débit ne se trouvait réduit par la diminution des neiges en rapport avec une altitude moindre, et si son courant ne se vovait rapidement assagi par une entrée précoce en plaine. Son affluent de la rive droite, la Midouze est déjà une pure rivière landaise, cependant qu’à sa gauche, au contraire, le faisceau des Gaves (Gave de Pau, grossi du Gave d’Oloron, lui-même formé par les Gaves d’Ossau et d’Aspe) conserve longtemps une allure torrentielle. De toute façon, les crues sont blutôt rares dans ce réseau en dépit des chutes impor¬ tantes de printemps. A l’opposé des cours d’eau précédents qui restent essentiellement de carac¬ tère montagnard, la Charente représente le type des fleuves de ptaine. Après avoir pris sa source dans le Limousin, elle serpente, majestuéuse et nonchalante, sur près de 350 Kilomêtres, au milieu des prairies et des peu¬ pherss pour ce cormner Pe unr Gtuaire fortement envasé. Sujette parfois 200 MIDI OCÉANIQUE à des débordements, elle entretient une humidité permanente dans les région qu’elle arrose grâce à l’abondance de ses affluents parmi lesquels nous cite¬ rons, à droite : la Boutonne, à gauche : la Tardoire et la Touvre (avec le Bandiat), la Né et la Seugne. De part et d’autre de son cours, la Sèvre Niortaise et la Seudre ne constituent que de médiocres satellites, mais jouent toutes choses égales, d’ailleurs, le même rôle dans l’irrigation d’un pays qui ne manquerait ni de grandeur, ni de richesse, n’était la sécheresse excessive de son sol. Audela de son Seuil enfin, le Poitou béneficie d’un réseau hydrogra¬ phique propre, entièrement tributaire de la Loire. Axé par la Viènne, ce réseau forme un triangle limité à l’Ouest par le Clain, à l’Est par la Creuse l’Anglin et la Gartempe. Ces rivières empruntent des vallées assez longues par moment ençaissées; leur cours, assez lent, dessine de fréquentes sinuosité et présente souvent de nombreux bras enserrant des iles plus ou moins maré cageuses. Chaque hiver voit venir une ou plusieurs crues qui inondent lar¬ gement les rives, surchargeant l’atmosphère de brouillards. Toutes ces considérations nous amènent à dire un mot du liutoral. Celui¬ ci est très différent suivant que l’on se trouve au Sud ou au Nord de l’estuaire de la Gironde. 44 Sud de cet estaire, c'est d’abord le ruban des dunes landaises qui ’étire sur plus de 200 Kilomêtres, bloquant tout un chapelet d’étangs dont les plus connus sont ceux de Hourtin, de Lacanau, de Cazau et de Bisca rosse. Peu de côtes s’avèrent aussi inhospitalières. Une seule échancrure notable : elle aboutit au délicieux bassin d’Arcachon où viont se jeter l’unique rivière du pays, la Levre. Comment imaginer qu’à peu de distance de ce désert, au-delà des forêts de pins, s’étendent sur de vastes espaces les plaines chaudes et souriantes de l’Aquitainez Phus au Sud encore, sitôt franchi l’estuaire de l’Adour, l’aspect change il est vrai, du tout au tout. Ici la grande houle du golfe de Cascogne est venue faconner les escarpements rocheux par lesquels les Pyrénées se ter¬ minent dans l’Océan. Une frange d’écume ourle la côte qui mérite bien son nom de « Côte d’Argent ». C’est le début du Pays Basque dont les pay¬ sages, souvent sauvages, augmentent en majesté à mesure qu’on approche de l’Espagne pour atteindre une splendeur inégalée aux environs de Saint-Sébas tien et de Bilbao. Mais au Nord de la Cironde, c’est encore une autre physionomie que l’on rencontre avec la Côte des Charentes. Celle-ci réalise un exemple frap pant de ces côtes de submersion que comble un ensablement continu. Des iles allongées (Ré. Oléron) protègent le rivage contre les courants comme le feraient de puissantes digues. A leur abri, les vases se décantent et s’accu mulent, édifiant des terres nouvelles extrêmement fertiles, véritables polders dont les noms consacrés de « Marais » rappellent qu’elles ont été conquises sur les eaux. Contrairement au « Marais Saintongcais » qui a partiellement conservé son caractère amphibie, le « Marais Poitevin », de beaucoup le plus étendu (9 500 Km2), se trouve aujourd’hui entièrement colmaté. Sa topographie per¬ met encore de reconnaitre, sous l’aspect de pointements rocheux dispersés. l’emplacement d’anciens ilots ratachés à la terre. Parcouru par de nombreux canaux, il accuse une humidité plus grande dans la zone qui borde l’ancien littoral où subsiste une multitude de petits étangs communaux. De toute manière, on conçoit que des travaux de dragage soient cons¬ tamment nécessaires pour maintenir cêtte côte vivante et empêcher, au moins dans les passes et aux abords des ports, qu’elle ne meure du fait de l’envasement. 300 LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE Fortement arrosé, fortement irrigué, le Bassin Aquitain a, bien plus que le Bassin Parisien son voisin, placé en quelque sorte sous le signe de l’eau non seulement son économie, mais encore sa vie sociale et même une bonne part de sa pathologie. Ses ressources naturelles varient quelque peu suivant les régions. Au Nord, en bordure du Massif Central, ce sont, comme nous l’avons vu, les Causses arides, ouverts à tous les vents, trop perméables et trop pauvres en terre végétale pour pouvoir nourrir d’autres animaux que d’innom¬ brables troupeaux de moutons, plus recherchés d’ailleurs pour leur viande que pour leur laine, à l’encontre de leurs congénères méditerranéens. Ce pays desséché, aux herbes rares, serait depuis longtemps voué à l’aban¬ don s’il n’était entaillé de profondes vallées (T’arn. Lot. Dordogne et leurs affluents) qui bénéficient de tout ce qui manque au plateau, à savoir la dou¬ ceur du climat, la terre arable et surtout l’equ qui, après avoir pénêtre dans le sol fissuré des grandes tables calcaires, réapparait ici en sources fraiches et vives après une circulation souterraine plus ou moins prolongée. Ainsi se sont édifiées, au milieu d’un paysage austère, de véritables oasis de verdure propices aux cultures et à l’élevage du gros bétail, oasis dont les lignes vont en s’amollisant et en s’humanisant progressivement d’Est en Quest, du Rouergue au Quercy et de celui-ci au Péricord. Au Sud, c’est un peu au même spectacle que l’on assiste en contre-bas des Pyrénées lorsqu’on parcourt l’immense cône du Lannemezan avec ses roçailles désertiques propres tout au plus à l’entretien des opins. A ce niveau. les cours d’eau sont encore trop près de leur origine pour ranimer la végé¬ tation. Celle-ci ne réapparait que plus loin, sur les collines de l’Armagnad aux flancs tout parés de vignes réservées à la fabrication des eaux-de-vie célèbres, ou dans la plantureuse Chalosse dont les riches pâturages et les champs de mais permettent le développement d’une race bopine particuliè¬ rement appréciée. Mais nuille part sans douue le charme n’est aussi grand que dans la plaine centrale, de part et d’autre du grand fleuve. L’irrigation intensive du sol tapissé par d’abondantes alluvions, la tiédeur permanente de l’atmos¬ phère, la fréquence des pluies, tout destinait le pays à l’agriculture, de même que l’absence de houille et de minerai lui interdisait en princine tout essor industriel. Aussi bien est-ce vers la culture des céréales êt de la vigne que la vallée a orienté sa fortune, et il n’est pas nécessaire d’insister à cet égard sur la réputation que se sont assurés les crus bordelais dont certains, tels ceux du Médoc, des Graves, de Sauternes et de Saint-Emilion, se sont acquis depuis longtemps les plus beaux titres de noblesse. Néanmoins, ici comme ailleurs, les ravages causés par le phyloxera — et aussi la mévente due à une concurrence acharnée — ont obligé bien souvent le paysan à rechercher dans d’autres domaines les débouchés qui risquaient de lui manquer. L’élevage des bêtes a cornes en particulier, autrefois cantonné dans quelques zones res¬ treintes telles que le Bazadais, s’est alors largement étendu, notamment en Lomagne où prospère aujourd’hui la race garonnaise, cependant que des plantations de pins maritimes, judicieusement organisées le long du littoral. venaient apporter à la région des Landes, jadis déshéritée, une aisance que rien ne laissait prévoir. Des Charentes et du Poitou, nous ne dirons que peu de choses, les mêmes facteurs hydro-géologiques étant intervenus dans ces régions pour aboutir sensiblement aux mêmes conséquences. Nous nous bornerons donc à citer les champs de céréales des terres de groies, les cultures maraichères et les vergers des vallées humides, les vignobles des coteaux calcaires qui bordent au Sud la Charente teaux-de-vie de Cognac et de Saintes) et par-dessus tout l’élonage 301 MIDI OCEANIQUE qu’il s’agisse de celui du mouton qui peuple les terres de brandes et les Champagnes, ou de celui du gros bétail, un peu partout répandu dans la région et qui produit un beurre réputé, fabriqué dans les laiteries coopératives. Signalons à ce propos la « race maraichère » améliorée par d’heureux croi sements avec les « durhams » d’Angleterre, la « race parthenaise » très bonne laitière, et aussi ces solides boufs du Limousin vendus à l’âge de deux ans au Poitou, qui, lui-même, les revend aux Marais pour l’engraissement, après les avoir fait travailler au labour pendant deux années. A la différence de toutes les régions du Bassin qui viennent d’être énu¬ mérées et dont l’économie est essentiellement « fermière », la Chaine pyré¬ néenne est à peu près exclusivement pastorale grâce aux immenses pâturages qu’entretiennent, au-delà de 1 800 mêtres d’altitude, les précipitations abon¬ dantes continuellement arrachées aux nuées. En réalité, ces magnifiques « alpages » servent surtout de lieux d’estivage aux animaux de la vallée. C’est ainsi que les bœufs béarnais gagnent les montagnes voisines, cependant que ceux de la race garonnaise et les vaches laitières de Saint-Girons se rendent sur les plans qui entourent les vallées d’Auzat, de Vicdessos et de Siguer. Pour les ovins, ces mouvements périodiques revêtent une amplitude encore plus considérable, qui dépasse même sensiblement celle qu’on observe aux abords du Massif Central, fréquentés jusqu’au Rouergue par les moutons languedociens et, plus à l’Ouest, par ceux du Toulousain et de l’Agenais. On peut schématiser comme suit les grandes voies de transhumance que continuent à emprunter les troupeaux : du Bordelais et des Landes vers les Gaves d’Aspe et d’Ossau; des plaines de Lourdes, de Tarbes er de tout l’Ar¬ magnac vers les sept vallées du Lavedan; du Comminges vers les vallées de la Pique, de la Neste, et le cours supérieur de l’Ariège. Les animaux les par¬ courent par groupes de 100 à 500 et plus suivant les régions, sous la conduite d’un berger, pour se méler finalement aux « ramades » qui débouchent sem¬ blablement du versant espagnol. On concoit dès lors l’animation qui peut régner deux fois l’an le long des pistes pyrénéennes, au début du prin¬ temps pour l’ascension du cheptel, puis vers la fin septembre quand s’effectue la descente vers les quartiers d’hiver. lusqu’ici nous n’avons fait allusion aux ressources du sous-sol que pour souligner leur absence dans toute l’étendue des plaines aquitaines. Plus pri¬ vilégiée, la chaine pyrénéenne possède quelques gisements épars de minerais (fer et bauxite de l’Ariège) d’une exploitation malheureusement assez diffi¬ cile. Du point de vue du rendement, ceux-ci ne sauraient rivaliser avec l’im¬ portant bassin houiller de Carmaux-Decazeville (plus de 2 millions de tonnes par an), centre d’un actif secteur industriel dont la présence étonne au milieu de ces contrées purement agricoles. Il nous reste, pour terminer ce bilan, à mentionner l’appoint que four¬ nissent au pays certaines ressources propres au littoral. Il est avéré que le produit de la peche associé, dans les polders, au revenu des marais salants et au profit des terres cultivables, assurent aux habitants des rivages charen¬ tais des gains appréciables. Mais il est un point spécial sur lequel nous voudrions insister : c’est l’extension qu’a prise depuis quelqués.- lustres l’ostréiculture sur toutes les côtes du Midi Océanique, depuis l’embouchure de la Loire jusqu’aux Landes. Les parcs d’Arcachon, de la Teste, de Gujan. d’Andernos, d’Arès, élèvent 700 millions d’huitres, indigènes ou « portu¬ gaises », qui sont expédiées, une fois arrivées à maturité, sur Bordeaux, Paris. la Méditerranée, ou, avant maturité, sur Marennes pour être verdies et trans¬ formées en huitres de la spécialité du grand parc saintongeais. Ce parc comme du reste ceux de la Tremblade et de l’ile d’Oléron, renferment de leur côté 110 millions de mollusques, dont 1/6 d’huitres vertes obtenues comme il vient d’être dit à partir d’échantinlons de toutes provenances, et 304 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE 576 d’huitres « portugaises » ordinaires. A ces énormes contingents il convient en outre d’ajouter les récoltes abondantes de moules et de coquillage divers, réalisées généralement par des particuliers aux embouchures des fleuves et notamment sur les bords de la Cironde. Tout cela constitue un important commerce, au demeurant très rémunérateur, et qui serait à encourager s’il n’était à la base de contaminations humaines sur lesquelles nous aurons bien¬ tôt à revenir. La population du Sud-Quest atlantique, en dépit d’une certaine unifor¬ mité apparente, est en réalité très diverse quant à ses origines. Situé au confluent des routes du Nord et du Midi, le pays a en effet subi des influences multiples qui expliquent les vicissitudes de son histoire. A l’époque des Romains, lorsque ceux-ci atteignirent la chaine des Pyrénées, ils la trouvèrent fortement occupée par des peuples de pasteurs formant toute une série de petites républiques autonomes. A l’Ouest étaient alors les Ibères purs, les Basques, ou, comme disaient les Romains, les Vascons, dont on fir plus tard le mot « Cascons ». Ils habi¬ taient les vallées pyrénéennes sur les deux versants jusqu’au Somport. Ce sont eux qui, alliés aux Maures d’Espagne, écrasèrent l’armée de Roland à Roncevaux. Depuis, ils sont demeurés presque à l’état pur et ont encore gardé intacts, outre leur langue (l’euskara) et leur costume (avec le fameux béret), leur régime patriarçal et jusqu’à leurs divertissements (jeux et danses). A l’Est, une autre peuplade très ancienne, celle des Catalans, s’étendit également sur les deux versants, depuis la Méditerranée jusqu’à la Cerdagne. Elle aussi a réussit à maintenir un bon nombre de ses anciennes traditions. Mais, d’origine moins homogène sans doute, elle a, plus que les Basques subi l’empreinte des Celtes venus du Nord et installés en Aquitaine, puis celle des Romains longtemps demeurés les maitres incontestés de tout le bassin de la Méditerranée. Toutes ces populations ont depuis lors conservé un esprit particulariste. L’histoire du comté de Toulouse et de l’hérésie albigcoise en ont d’ailleurs fourni durant le Moyen âge de vivants témoignages. Mais, à partir du XVT siècle, l’irrésistible attraction de Paris a fini par avoir raison de ce besoin d’indépendancé. Néanmoins, celui-ci se manifeste encore de nos jours dans le caractère des habitants, et le Gascon se reconnait en tout lieu, non seulement par son aspect physique, avec sa taille moyenne, sa chevelure très brune et sès veux noirs, mais aussi grâce à ses séduisantes qualités intellec¬ tuelles et morales, sa bravoure, son don pour l’éloquence, son amour « pour tout ce qui vibre et qui chante », sa bonne humeur spirituelle, son instinct sociable enfin (1). Quoi qu’il en soit, ici, au moins autant et sans doute plus qu’ailleurs la vie se concentre essentiellement dans les vallées. Le long des cours d’eau c’est en effet partout un égrainement de gros bourgs et de villages. Sur le bords mêmes de la Garonne, les agglomérations se pressent à tel point que tous les 20 Kilomêtres c’est une nouvelle ville qui apparait, vivante et accueillante aux regards. La plupart de ces Cités font figure de petits chefs¬ lieux régionaux. Mais, à l’encontre du Bassin Parisien où toute l’activité a (1) Les ethnologues distinguent à vrai dire très nettement des Gascons les Caussetiers, issus des Cadurques, lesqucls ont conscrvé le type celte avec la tête ronde le torse trapu, la stature courte, et surtout les Basques dont nous venons d’indiquer let caractères spéciaux. Collignon décrit ces derniers comme avant une haute stature, ur torse trapézoidal aux larges épaules, la taille inince, les membres grêles, un crane dolichocéphale, une figure allongée, une démarche extrémement souple. Au moral, ils sont en outre réputés pour leur fidélité farouche aux traditions et, en même temps. pour un esprit aventureux qui a fait d’eux des marins et de hardis navigateurs. MDI OCÉANIQUE 93 pour centre Paris, le Midi Océanique posède, lui, deux capitales : Toulouse et Bordeauxs; la première, terrienne métropole d’un vaste domaine agricole situé à la fois à portée de la Méditerranée et de la Montagne, l’autre maritime, en relation avec un hinterland riche mais limité et, de ce fait orientée surtout vers l’Océan. De là une dualité persistante qui pèse, en la dispersant, sur la vie économique et sociale du pays. Toulouse ocupe géographiquement une position-clé. En ce point-la, la Garonne, qui depuis Saint-Gaudens coule du Sud-Quest au Nord-Est comme si elle voulait franchir le seuil du Lauraguais pour atteindre la Méditerranée tourne brusquement vers le Nord-Quest, ouvrant désormais par sa large vallée la route la plus commode vers l’Atlantique. C’est au niveau de ce coude que se trouve placé, face au passage de Naurouze, le point du fleuve le plus rapproché des pays méditerranéens, et on concoit dès lors que les peuples qui s’y sont successivement installés aient eu constamment comme ambition d’étendre leur domination sur le golfe du Lion comme sur les plaines garonnaises. Aujourd’hui la ville, avec ses 210 00 habitants, reste avant tout un puissant marché au milieu des territoires agricoles qui l’environnent. Au demeurant, beaucoup de ses industries (minoteries, biscuiteries, fabriques da pâtes, etc.) soulignent encore ses attaches profondes à la terre. Mais, au cours de ces dernières années, la houille blanche du Massif Central et dex Pyrénées l’a étonnamment transformée et a fait d’elle une grande Cite industrielle, spécialisée dans les productions qui intéressent à la fois l’Agri¬ culture et la Défense Nationale. C’est ainsi que les Usines de l’Office Natio¬ nal de l’Azote réalisent la synthèse de l’ammoniaque, la fabrication du sul¬ fate d’ammonium, de la cvanamide, de l’acide nitrique, etc. Si la Caronne non navigable à cet endroit, ne permet guère, malgré l’adionction d’un canal, l’écoulement de tous ces produits, la Cité dispose par contre d’un très important réseau de voies ferrées et se trouve au surplus dotée d’un port aérien des plus modernes qui la met en contact étroit avec l’Afrique du Nord Très différente d’aspect. Bordeaux, avec ses 260 000 ames, étend son influence sur toute la zone comprise entre le Pays Basque, le Seuil du Poitou et le Limousin. Son emplacement est également remarquablement choisi, : 100 Kilomêtres de la mer, juste à la croisée des routes maritimes et terrestres. Cinquième port de France, son commerce s’exerce surtout avec les pays de l’Atlantique centrale et australe, c’est-à-dire le Maroc, l’Afrique Ocidentale et Equatoriale, les Antilles, l’Amérique du Sud. Devenue un vaste entrepot non seulement pour les produits d’Aquitaine, mais encore pour les denrées colonjales de toutes provenances, la ville a du nécessairement s’industrialiser Désormais, elle importe le charbon, les minerais, phosphates, soufre, pyrites et arachides que réclament ses usines. Celles-ci — fabriques d’engrais et de produits chimiques, huileries, savonneries, raffineries de sucre et de pétrole. fonderies, aciéries même — installées principalement sur la rive droite. deviennent chaque jour plus prospères. Mais, les alluvions charriées par le fleuve et les sables refoulés par la marée risquant à brève échéance d’obs truer son lit, d’importants travaux de dragage ont dì être récemment entre Pris. Grâce à eux, les cargos calant de 8 à 9 mêtres peuvent continuer à acéder à ses quais, cependant que la majorité des pasagers (5 00 en 1936. préèrent embarquer ou descendre au Verdon, escale des grands « liners » transocéaniques. Ainsi done, envisagé dans son ensemble, le Midi Océanique apparait comme une région d’agriculture riche et en même temps variée. Presque par tout, en effet, la ferme s’entoure d’un domaine où les champs se mélent à des prairies, à des vignes, à un potager, à un verger, le tout assurant au paysan une large aisance. Mais l’industrie, par contre, y est nettement défi¬ 304 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE citgire, ne tenant une place notable qu’a Toulouse. Bordeaux,. Albi et Angoulême. Aussi l’Aquitaine de nos jours se dépeuple. Depuis 1876, elle a perdu 13 % de sa population. Si on excepte la Gironde qui a gagné 21 %% grâce à Bordeaux et au vignoble, et la Haute-Garonne, à peu près stationnaire grâce à Toulouse, le déclin atteint le quart de la population : le Gers a vu sa population décroitre de 31 2%, le Lot de 42 %%. Non seulement l’exode rural, mais aussi la dénatalité, sont responsables de cette situation. Les naissances, inférieures à la moyenne française, sont impuissantes à compenser les décès proportionnellement trop élevés. Dans les familles, avant tout soucieuses de leur bien-être et de leur sécurité, le principe du fils unique a prévalu. Et le mal se propage maintenant aux petites villes et aux villages dont certains ont perdu plus de la moitié de leurs habitants. Comme le disent les sociologues, le Bassin Aquitain semble aujourd’hui atteint d’une véritable « anémie humaine ». Le phénomène est d’autant plus grave que les chifres indiqués ci-desus tiennent compte d’un important mouvement d’immigration. Pour remplacer les indigènes déserteurs des champs, atfirés par les promesses fallacieuses des villes et surtout de Paris, le pays a fait appel à la main-d’œuvre étrangère. Ce sont d’abord les Bretons et les Vendéens qui sont venus, mais ils ont bient̂t suivi l’exemple de leurs prédécesseurs. Ils ont été remplacés par des Espagnols et des Italiens, plus stables, qui ont fini par faire souche dans les vallées où ils sont d’ailleurs devenus populaires. En 1936, leur taux atteignait jusqu’à 12 % de la population, aussi bien dans le Lot-et-Garonne que dans le Gers. Toutefois, bien qu’étant essentiellement avriculteurs, ils ont cédé eux-mêmes à l’attrait des grands centres, et il faut bien avouer qu’on les retrouve actuellement en grand nombre dans toutes les banlieues industrielles. mélangés à des éléments nord-africains, voire même asiatiques. Heureusement du’à cet appoint durable, qui pourtant ne parvient pas à combler les vides, s’associe depuis quelques années le flot mouvant des touristes et des villégiaturants qui, attirés par les ressources naturelles qu’of¬ frent la mer et la montagne, viennent apporter à ces régions quelque peu abandonnées les bienfaits de leurs transfusions périodiques. A la saison froide. ce sont les amateurs de sports d’hiver qui rejoignent les pistes pyrénéennes, celles de Font-Romeu. Superbagnères. Cauterets, Faux-Bonnes, notamment. En. été ce sont, toujours dans les montagnes, les curistes qui se pressent dans les villes d’eaux particulièrement nombreuses telles que Cauterets, Barèges. Bagnères-de-Bigorre. LAchon, Ax-les-Thermes, Aulus, etc. Et, durant la belle saison, le long des côtes cette fois, ce sont les innombrables baigneurs qui fréquentent les plages du Pays Basque (Biarritz. Hendave. Cuétarv), des Landes (Cap-Breton, Hosegor. Mimizan), de la Gironde (Rovan, Saint-Palais. Saint-Georges-de-Didonne), ou encore des Charentes (Chatelaillon et Saint¬ Trojan d’Oléron). Inutile de dire que tous ces afflux apportent aux régions bénéficiaires un facteur d’animation en même temps qu’un surcroit de prospérité. 63 Ce long rappel géographique peut paraitre, par certains détails, assez éloigné du sujet En réabiué, il va permeltre de mieux comprendre les carac¬ téristiques essentielles de la pathologie régionale. Nous avons dit précédemment que le Midi Océanique se trouvait placé « sous le signe de l’eau » et nous avons fourni à cette assertion des preuves d’ordres climatique, hydrographique et économique. II nous reste mainte¬ nant à démontrer la part importante que prennent les affections d’origine hydrique dans la nosologie dés Charentes et de l’Aquitaine. 30 303 MDI OCÉANQUE Tout d’abord, un fait établi est la fréquence des maladies typhoides. lesquelles représentent le type même des affections liées aux facteurs géogra¬ phiques. Ceux-ci interviennent toutefois d’une manière fort différente suivant les secteurs considérés. Parfois la contamination résulte du pouvoir filtrant insufisant du sol. constitué par des ferrains calcaires fissurés. C’est le cas surtout des Causses et de certaines portions du Poitou ou les eaux polluées de surface, aussitêt aspirées par des gouffres ou igues, réapparaissent en sources au, fond des vallées sans avoir déposé leurs germes. Ailleurs, ce sont les puits qui sont responsables des acidents observés. comme, par exemple, dans les vallées alluviales de la Garonne et de 1a Charente, ainsi que dans les cours inférieurs du Tarn et du Lot, Ici le sol est une véritable éponge limoneuse perpétuellement souillée par les déjections d’une abondante poputation. Lorsque la paroi des puits n’est pas étanche ou qu’il se produit une inondution, les infiltrations nocives deviennent alors à peu près fatales. Sur le bord de la mer, enfin, il faut tenir compte de l’intection par les coquilages. Ce n’est pas que les huitres des pares d’Arcachon et de Marennes ne soient pas saines au départ. Mais elles risquent trop souvent d’être souillées sezondairement au cours des manipulations d’arrosage et de retrempage qui se pratiquent couramment sur les lieux de vente. Par ailleurs. les moules ne font l’objet d’aucune surveillance et sont habituellement recueil¬ lies aux embouchures des fleuves, en eau malsaine. En dehors de la Typhoide, il faut encore rattacher à l’oricipe hydrique la Poliomvélite qui sévit avec une certaine intensité dans la vallée garonnaise ainsi que la Spirochétose ictérigène maintes fois signalée autour de Toulouse et de Bordeaux. Et, à propos des Leptospiroses, nous n’aurons garde d’ou¬ blier la Leptospirose grippo-typhosu qui à fait, il y a quelques anuées, sa première apparition dans les Charentes. Si toutes les affections qui viennent d’être évoquées sont certainement transmises par l’eau, il en est d’autres dont l’origine hydrique semble pro¬ bable, encore, qu’elle ne soit pas absolument prouvée, et dont l’incidence dans le Midi Océanique apparait comme particulièrement grande. Ce sont notam¬ ment l’Acrodynie infantile décrite primitivement dans le Bordelais et reconnue depuis autour de Toulouse, de la Bochelle, et dans la vallée de l’Adour, et surtout la Suette miliaire, autrefois très répandue dans le Poitou et les Cha¬ rentes et qui y subsiste encore de nos jours sous l’aspect de fovers plus ou moins latents. Et nous ne saurions terminer ce paragraphe sans faire allusion au Paln¬ disme, cette maladie des eaux stagnantes. Naguère très redouté dans les Marais poitevin et saintongeais, dans les Landes marécageuses, ainsi que dans la Double, cette petite Sologne incluse entre les vallées de l’Isle et de la Dronne, il a aujourd’hui presque disparu de ces régions à la suite des travaux d’assainissement qui y ont été entrepris, ne donnant plus lieu qu’à des cas sporadiques qu’il convient toutefois de ne pas perdre de vue. Pour essentielle qu’elle soit, la pathologie de l’eau ne saurait pourtant résumer à elle seule toute la nosologie de nos provinces du Sud-Quest. A cet égard, il faut tout de suite faire état du retentissement que manifeste. dans le choix et la répartition des maladies, la prédoptinance considérable de l’Agriculture sur l’Industrie. L’Elevage, en particulier, s’y pratique d’une manière extrémement inten¬ sive. Rappelons à ce propos que le département des Deux-Sèvres nourrit 340 000 bovins et qu’en ce qui concerne les moutons, on en dénombre 297 000 dans les Basses-Pyrénées, 249 000 en Dordogne, 170 000 environ dans 309 1A PATLOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE chacun des départements des Hautes-Pyrénées, de l’Ariège, du Lot et du Tarn, et 131 000 dans les Landes, soit un total de 1350 000 uêtes pour l’en¬ semble de ces sept départements. Or, tous ces animaux, loin d’être confinés en champ clos, sont au contraire en déplacements incessants : échanges de bêtes à cornes entre le Limousin, le Poitou et les Charentes — amples mou¬ vements de franshumance amenant périodiquement les bovins et surtout les ovins de la plaine vers les hauts pâturages pyrénéens. On concoit qu’à la suite de tous ces brassages les épizooties soient fréquentes et que les Bru¬ celloses, en particulier, atteignent facilement les populations qui se trouvent en contact avec le bétail malade, qu’il s’agisse de la Brucellose à Abortus ou de la Brucellose à Melitensis dont nous indiquerons ultérieurement les topo¬ graphies parfois distinctes. Par contre, les processus propres aux pays industriels et miniers n’ont ici aucun motif de se développer et on ne peut guère ranger sous cette rubrique que les quelques cas de Pneumoçonioses contractés dans le bassin houiller de Carmaux ou dans les exploitations de l’Ariège, de même que les faits épars d’intoxication observés dans les usines de produits chimiques de Bordeaux et surtout de Toulouse, lesquels relèvent plutôt de la pathologie professionnelle. Nous en arrivons maintenant à un autre phénomène non moins impor¬ tant à signaler, à savoir la densité retativement faible qu’affectent, dans tout le Midi Océanique, les maludies contagieuses cosmopolites d’une part, et de l’autre les fléaux sociaux. Sans doute ce phénomène est-il dù à la prédomi¬ nance rurale de la population, à la dispersion de l’habitat dans les cam¬ pagnes, à la paucinatalité et à l’aisance habituelle des foyers. Quoi qu’il en soit, la Tuberculose est assez peu répandue dans le pays, de même que le Cancor et le Diabête pour des raisons d’ailleurs moins évidentes. Semblablement, les palformations congéhitales sont plutôt rares et le Coitre endémique tend de plus en plus à disparaitre des vallées pyrénéennes où il s’était autrefois ins¬ tallé. L’alcoolisme, lui-même, est moins souvent observé qu’on ne pourrait le craindre à priori dans une région viticole, encore qu’il marque une cer taine prédilection pour les contrées hautement productrices — Bordelais. Armagnac. Charentes — ainsi que pour les grands Centres. Quant aux mala¬ dies vénériennes, si elles accusent une régression manifeste, elles restent encore fréquentes, comme dans tout le Midi, demeurant l’apanage des cités ouvrières où leur présence semble entretenue par les apports continuels venus de l’étranger. Et ceci nous amène, pour terminer, à dire un mot du rêle que jouent dans la pathologie de l’Aquitaine les deux capitales rivales, ce rôle parais¬ sant lié à une destinée très différente conditionnée par la géographie et l’histoire. En effet, tandis que Toulouse, aux portes du Lauraguais, regarde vers les pays méditerranéens. Bordeaux, avec son port très actif, s’oriente tout naturellemtent vers l’Océan. Du flirt séculaire entre le Haut et le Bas-Languedoc, la première de ces Cités a certainement retiré de tout temps de gros avantages économiques. Mai elle est devenue du même coup, vis-à-vis des affections méditerranéennes. comme un poste avancé, une sorte de « tête de pont ». C’est ainsi que, toul récemment encore, la fièvre boutonneuse et même la Leishmaniose viscérale parvenaient jusqu’à elle, fait à peu près unique dans nos provinces atlantiques. Evidemment, il faut beaucoup trop de lumière et de broussailles aux agents de ces maladies pour pouvoir s’étendre et prospérer sous le ciel aquitain. A cet égard, le Seuil de Naurouze constitue un filtre vigilant entre deux mondes opposés. Il n’en demeure pas moins vrai que des incidents analogues sont susceptibles de se renouveler dans d’autres domaines, apportant à Toulouse caractéristiques du pays. MIDI OCÉANQUE 307 comme une « résonance » de la pathologie méditerranéenne, résonance que ne peuvent qu’accroitre les relations aériennes de la ville avec l’Afrique du Nord et même l’Afrique noire. A l’autre bout de la Caronne, Bordeaux, avec ses vastes quais, constitue un point d’appel électif pour les afections d’origine exotique. Au terminus des grandes lignes venant de Casablança. Dakar et Konakry, de Rio-de-Janeiro. Montevideo et Buenos-Avres, elle se trouve dans des conditions exception nelles pour drainer à elle tout ce que peut comporter en variété la pathologid atlantique tropicale et subtropicale. Elle recoit ainsi des amibiens, des palu¬ déens, des lépreux même, susceptibles de ranimer les petits fovers autochtoncs qui, depuis plus ou moins longtemps, végêtent dans sa région. Elle reste également à la merci d’une importation accidentelle de Typhus ou de Peste voire même de cas de Trypanosomiase ou de Fièvre jaune, encore que celles-c n’aient guère de chances d’essaimer sous nos climats. En fin de compte, elle représente pour les contrées qu’elle dessert un « point névralgique » impor¬ tant, et pourrait être, comme Marseille, à l’origine de redoutables inocula¬ tions si les Pouvoirs publics chargés du contrôle de son trafic n’exerçaient sur les arrivants une surveillance de tous les instants. Ces généralités exposées, nous allons procéder dans les chapitres qui vont suivre à l’examen des différents problèmes que posent les affections les plus BIBLIOCRAPHIE J. ALOLI (P.). Gcographic du Midi Adinitain. Call. Ricder, Paris, 1939 2. AROLE (P.). Les Pyrénécs françaises. Presscs t’niversit, de Franc. Paris, 1943. 3. CAVALLES (H.). La transhumancc pyrénéenne et la circulation des troupcaux daus les plaincs de Gascognc. 3. Colin editeur, Paris, 1931. 4. COLLIGXON (R.). La racc basquc. L’antbropologie. V. 1894. 5. DLTIL (L.). La Haute-Garonne et sa région. Privat cditeur. Toulouse, 1929. 6. GRANGEIL (E.). La France. Favard editeur, Paris, 1947. 7. LOIux (H.), Bordcaux. La Gironde. Dunod éditcur, Paris, 1921. 3. MAL ILETTE (F.), l'oute la Franc. Hlachectte cditcur, Paris, 1933 9. MAUTONNE (E. de). Les régions géographiques de la France. A. Colin éditeur Paris, 1927. 10. PASSEILAT (A.). Les plaines du Poitou. Rovue de Gćographie annuelle. t. II. 1910. 11. SORRE (M.). Les Pyrénées. A. Colin editeur, Paris, 1922. 1. — LES AFFECTIONS MEDITERRANEENNES DANS LE BASSIN AQUITAIN Géographiquement, la pénétration des maladies exotiques dans la vallée de la Garonne n’est guère possible que par l’Ouest, le long de la facade mari time du Bassin Aquitain, et par l’Est, au niveau du seuil du Lauraģais. La première de ces voies d’accès a pour débouché principal le grand port de Bordcauz vers lequel converge l’essentiel du trafic provenant de nos colonies africaines de l’Atlantique. Dès lors, il n’y a pas lieu de s’étonner que les Hôpitaux de cette ville aient à héberger chaque année un contingent important d’affections dites des « pays chauds » : Amibiase. Palu¬ disme ou Trachome amenés surtout d’Espagne ou du Maroc. Lèpre médi¬ terranéenne, parfois même Trypanosomiase ou Fièvre jaune fraichement debarques de Dalar ou d’Afrique Equatoriale 368 LA PATHOIOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Mais, en réalité, il s’agit là seulement de cas d’importation qui s’éteignent rapidement sur place avant d’avoir pu influencer la pathologie locale. Excep¬ tionnels sont en effet les accidents de contamination autochtone relevant de la Lèpre (Pitres puis Joulia de Bordeaux. Giacardy de Tarbes, tout récem¬ ment Hufnagel d’Agen), et rares également ceux qui sont dus à l’Amibjase (Damade) ou au Trachome qui ne sont guère rencontrés que dans les quar¬ tiers populeux de Saint-Antoine et de Mériadec fréquentés par des éléments indigènes originaires d’Espagne ou d’Afrique du Nord (Ginestous). Le véritable danger semble venir plutôt du côté opposé, du Lauragais. ou l’on assiste de nos jours à la poussée lente et continue des fièvres médi¬ ferranéennes qui, solidement établies sur la vaste tête de pont que constituent la Provence et la plaine du Bas-Languedoc, cherchent aujourd’hui à s’infil¬ trer plus profondément vers l’intérieur. Il ne faudrait cependant pas s’exagérer la gravité de cette menace. Comme nous l’avons vu, le Bassin Aquitain se trouve eficacement protégé contre les agressions venues de l’Est par tout un système de défenses naturelles. Déjà l’étroit défilé de Naurouze parait intervenir sur les échanges entre versants à la manière d’un filtre sélectif et puiszant. Mais il faut compter surtout avec les facteurs liés au climat. Passé le Lauragais, ce ne sont plus en effet les espaces arides et desséchés du Languedoc maritime qui s’offrent à la vue. mais au contraire des terres grasses, souvent arrosées par les pluies, délibé¬ rémtent tournées vers l’Océan à qui elles doivent leur fécondité. Désormais. c’est une autre végétation, une autre faune, une autre atmosphère qui appa¬ rait, et c’est en même temps un mionde nauveau qui s’ouvre, où les maladies du soleil ardent et de la rocuille ne dojvent plus normalement trouver leur place. Effectivement, jusqu’à ces dernières années, celles-ci s’étaient abstenues de pénêtrer sur le sol aquitain. Or, voici que brusquement nous est par¬ venue la nouvelle que deux d’entre elles, la Fiètre boutonneuse et la Leishmia¬ niose viscérale, pourtant réputées comme typiquement et spécifiquement médi¬ terranéennes, venaient de s’aventurer au-delà des limites habituelles pour tenter des incursions dans les plaines du Sud-Quest. Ces faits sont assez surpre¬ nants pour mériter d’être rapportés. L’histoire de la Léishmaniose est en vérité très courte. On sait qu’ordi¬ nairement, là où cette affection sévit, une endémie canine vient se super¬ poser à l’endémuie humaine. Or, en 1934, le Docteur- Vétérinaire Lestoquard, Chef de Laboratoire à l’Institut Pasteur d’Alger, découvrait inopinément au cours d’un passage à Toulouse le premier cas d’infection autochtone du chien dont il fit l’objet d’une communication à la Société de Pathologie exotique au mois de décembre 1935. Après Lestoquard, le Prcfesseur Martin et son adioint Brizard, de l’Ecole vétérinaire de Toulouse, devaient à leur tour relater plusieurs cas de Leishmaniose chez des chiens conduits à la visite médicale de cet établissement. On peut encore citer dans la même ville l’obser¬ vation du Docteur-Vétérinaire Vidal datant de 1938. Parallèlement à ces constatations, plusieurs cas de contamination étaient également rencontrés chez l’homme. Mais leur nombre est demeuré peu éleve et leur origine reste parfois douteuse. C’est ainsi que le malade de Dalous dépisté en 1938 à Toulouse s’est révélé à l’enquête avoir fait trois ans aupa¬ ravant un séjour à Nice à l’occasion de son service militaire. Néanmoins. les cas d’importation mis à part, il existe quelques sujets chez qui l’infes¬ tation locale ne saurait être mise en doute. La Fièvre boutonneuse a été signalée pour la première fois à Toulouse par Deumié en 1933. En 1938, sept cas en étaient déjà publiés, tous réunis dans la thèse très documentée de Campan. Deux d’entre eux provenaient de la région méditeranéenne, témoignant d’un simple déplacement des malades. égard, particulièrement significatif MIDI OCEANIQUE 309 Par contre, les cind autres s’avéraient indiscutablement autochtones, indiquant ainsi un glissement vers l’Ouest de la maladie qui, désormais, semble avoir pris pied dans la capitale du Haut-Lanquedoc. Ce foyer n’'est d’ailleurs pas le seul mentionné. En 1933, en effet. Lacas¬ sie a relaté trois cas de proyenance locale survenus au cours de, l’été sur les bords du Bassin d’Arcachon. Enfin, en 1946. Campan, toujours attentif au dépistage de l’affection, en découvrait un nouveau cas à Réatmont dans le Tarn, cependant que, de leur côté. Souchard et Duclout en 1947 en dépistaient un autre à Biarritz Ces observations successives ont provoqué dans la région quelques discus¬ sions intéressantes au sujet de la répartition et du mode de transmission du processus. C’est ainsi que Campan, s’appuvant sur les premières observations recueil. lies, avait cru discerner une localisation élective de la maladie le long des cours d’eau, sans d’ailleurs pouvoir fournir une explication satisfaisante à ce phénomène. Mais depuis lors, avant eu l’occasion de revenir sur la question et de l’envisager « non plus sur la carte mais sur le terrain », comme il le dit lui-même, il s’est apèrcu que son hypothèse initiale n’était guère fondée. son dernier malade notamment habitant une ferme isolée, située à distance de tout ruisseau. Du point de vue épidémiologique, ce même auteur s’est rallié à l’opinion commune qui fait d’une tique te Bhipicephalus sanguineus, l’agent vecteur habituel du virus. Son avis a été fortement combattu par Lacassie qui, se basant sur la violence de la douleur au moment de la piqure, et sur l’impossi¬ bilité qu’il y a le plus souvent à découvrir le coupable même en agissant très vite, en est arrivé à incriminer un insecte ailé. Pour répondre à ces objections. Campan admet que le rôle essentiel dans la contamination revient. non pas à la tique adulte telle qu’on peut la voir, gavée et gravide, fixée aux téguments, mais aux formes nymphales et larvaires, très agiles, qui peuvent piquer et s’enfuir en demeurant totalement inapercues, à la manière des moustiques. Quant à l’infervention du chien en tant que réservoir de virus, elle semble très probable, ainsi qu’il ressort en particulier des trois observations de Deumié et de celles de Pujol, sans qu’il soit toutefois posible de trancher encore le problème d’une facon définitive. Telles ont été jusqu’ici les incidences en Aquitaine de la Fièvre exan¬ thématique et du Kala-Azar méditerranéens. Vu la modicité des Statistiques actuelles, il ne saurait être question pour le moment d’évoquer un état endé¬ mique même larvé. Quoi qu’il en soit, la preuve est d’ores et déjà faite des possibilités d’adaptation des virus en cause au pays nouveau qu’ils ont choisi et où ils sont parvenus à s’installer en dépit de toute une série de facteurs physiques et climatiques contraires. Dans ces conditions, il y a tout lieu de craindre pear l’avenir de plus amples développements de la part de ces deux affections essentiellement dynamiques. L’exemple des Brucelloses. autrefois si localisées et aujourd’hui tellement répandues, n’est-il pas. à cet BIRLIOCRAPHIE FIEYRE DOUITONNEUSE 1. BEZY et PLA, Une observation de Fièvre boutonncuse originaire de Font-Romeu in thèse Campan, p. 45. 2. CAITAN (C.). La Fièvfe boutonneuse à Toulousc. Thèse méd, 1935 3. CAMEAS (C.). Un cas de Fièvre boutonneuse dans le Tarn. Soc. de méd, chir, et pharm. de Toulouse, juin 1946. 310 LA PATHOLOGE BREGIONALE DE LA FRANCE T. FER BRMCELLGSES DANS LE SUD-QUFST Les premières identifications de Brucelloses humaines dans le Bassin Aquitain remontent, semble-t-il, à une trentaine d’années environ, à en juger par les résultats d’une enquête rétrospective menée en 1942 par le Docteur Olle. Inspecteur Adioint de la Santé de la Haute-Garonne. En réalité, les quelques cas auxquels fait allusion cet auteur n’offrent pour nous qu’un médiocre inté¬ rêt, avant tous été importés du dehors par des coloniaux fraichement débar¬ qués de Svrie ou du Maroc. Ce n’est en effet que vers 1929 qu’ont pu être observés dans le Sud-Quest les premiers cas véritablement autochtones de la maladie, les seuls dont nous avons à tenir compte. Ils concernent d’une part deux cultivateurs de la Romieu, petit village du Gers placé aux confins du Lot-et-Garonne (Delteil), et d’autre part plusieurs habitants de la région de Muret située un peu au Sud de Toulouse (Baxlac). Sans doute existait-il déjà dès cette époque d’autres fovers d’infection demeurés méconnus. De toute facon, le mal a très rapidement gagné de proche en proche, envahis¬ sant tour à tour — outre la Haute-Garonne et le Gers — le Lot-et-Garonne. les Landes, la Gironde, les Basses-Pyrénées et les Hautes-Pyrénées. A l’heure actuelle, on peut dire qu’il n’est pas de secteur du Bassin Aquitain qui ait pu lui échapper. A. — FREQUENCE DE L’AFFECTION. Si on envisaze la fréquence des atteintes on s’apercoir qrue celle ci a été sans cesse en augmentant à partir de la période du début, hormis un cer¬ tain recul constaté au cours des années de guerre 1939-1940. Durant une première phase, qui s’étend jusqu’en 1936 environ, le nombre des contaminations humaines connues est apparemment demeuré assez faible, MIDI OCEANIQUE 311 n’atteignant guère au total, d’après les recherches de Clus, qu’une centaine de cas environ, lesquels peuvent se répartir de la façon suivante : — Dans la Haute-Garonne, les 26 cas d’Izard. Naudinat et Rouchons — Dans les Hautes-Pyrénées, 15 cas diagnostiqués par les moyens du laboratoire auxquels il faut ajouter une quinzaine d’autres révélés par des enquêtes auprès des médecins du pays; — Dans la Gironde, 16 cas parmi lesquels il faut citer ceux de Mauriac et de Bonnard publiés en 1932; — Dans le Lot et Caronne les 26 cas de Delteil et Gratiolet: — Enfin dans les Landes et le Gers, respectivement 4 et 2 cas. Mais a dater de ce moment, et surtout à partir de 1941, on arrive tout de suite à des chiffres beaucoup plus élevés d’autant plus que les Pouvoirs publics commencent désormais à s’intéresser activement au dépistage de l’affec¬ tion. Signalons par exemple le bilan de 150 cas auquel parvient Bonneval à la suite d’une prospection effectuée dans le Lot-et-Garonne entre 1929 et 1943, et les 140 cas relevés par Olle dans la Haute-Caronne pour les seules années 1941-1942. Voici d’ailleurs quels ont été, d’après les Statistiques officielles, les indices de morbidité mélitococcique obtenus dans les différents départements du Sud¬ Quest au cours des périodes quinquennales 1941-1945 et 1949-1953 : Morbidité par Brucelloses dans le Midi Océanique (Institut National d’Hygiène). 312 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Nous ne reviendrons pas sur la critique de ces chiffres que nous avons déjà faite à maintes reprises. On sait en effet que ceux-ci sont très inférieurs à la réalité pour plusieurs raisons : confusion de la Fièvre ondulante avec d’autres pyrexies (Typhoide, Tuberculose, etc.), fréquence des formes ambu¬ latoires et même inapparentes qui passent ordinairement inapercues du méde¬ cin, défaut de déclaration des cas constatés, etc. C’est sans doute à cette dernière cause, portée à son maximum du fait des circonstances, qu’il faut attribuer la baisse sensible de la morbidité brucellienne enregistrée pendant les années 1939 et 1940. Mais ce qu’il faut s’empresser d’ajouter c’est que si les précédents pro¬ tocoles sont ainsi incapables de nous indiquer en toute exactitude le nombre des cas survenus, du moins peuvent-ils nous apporter — toutes choses restant égales — des renseignements précieux touchant à la densité relative des attein¬ tes suivant les régions. C’est ainsi que, d’ores et déjà, il est possible de formuler les conclusions suivantes : 1° Si la Fièvre ondulante est moins souvent rencontrée dans le Bassin Aquitain que dans le Midi méditerranéen et les Alpes, elle y est par contre plus répandue que dans le Massif Central, la Bretagne, voire même que dans l’ensemble du Bassin Parisien. 2° Sa fréquence est surtout marquée dans les départements pyrénéens (Ariège en tête) ainsi que dans ceux qui longent les cours supérieur et moyen de le Caronne. Elle est plus faible le lon du littoral atlantique, en parti¬ culier dans les départements charentais. 3° Comparés à ceux de 1940-1945, les indices de 1949, 1953 traduisent une tendance manifeste à la confluence des taux, caractérisée avant tout par une aggravation sensible de la situation dans les départements autrefois peu tou¬ chés du Lot, des Charentes, des Deux-Sèvres et surtout des Landes. Essavons maintenant de déterminer avec plus de détail la topographie locale de la maladie. B. — ETIOLOCIE CÉNÉRALE ET DISTRIRUTION DES RRUCELLOSES DANS LE MIDI ATLANTIQUE. On sait que la distribution géographique des Brucelloses est avant tout fonction de leur étiologie, Partout la maladie humaine est précédée par la maladie animale, celle-ci avant pour expression l’avortement épizootique des troupeaux. De l’animal, l’affection est transmise à l’homme, soit par contami¬ nation alimentaire indirecte, soit plus souvent par contact direct au cours des manipulations de la délivrance. Or, il est un fait certain, c’est que le bétait élevé dans le Bassin Aquitain est très abondamment intecté. Voici quelques documents qui nous paraissent particulièrement significatifs à cet égard : Dans la partie montagneuse de la Haute-Garonne. Lzard. Naudinat et Rouchon estiment que l’avortement épizootique frappe en moyenne de 3 à 15 % des bovidés et près de 50 9%, des chèvres et des brebis, cé dernier taux étant même susceptible d’atteindre 80 et 90 % dans certains troupeaux. Ces évaluations se trouvent d’ailleurs confirmées par celles du Professeur Andrieu de Toulouse qui fournit respectivement les chiffres de 5 à 10 2 chez les boyins et de 5 à 50 % chez les ovins. 313 MIDL OCÉANIQUE Dans le Lot-et-Garonne, la situation apparait pour le moins aussi sévère encore qu’elle soit inversée, Bonneval avant constaté l’infection chez 50 %4 des bovidés et, par contre, une proportion nettement moindre chez les brebis (1). Comment est-il possible d’expliquer l’extension ainsi prise par les épi¬ zooties brucelliennes depuis les crêtes pyrénéennes jusqu’aux confins du Pla¬ teau Central2 Il semble bien tout d’abord qute les Brucelloses aient été introduites dans le Bassin Aquitain par des moutons et surtout par des chêvres directement importées des rivages de ta Méditerranée dont le haut degré de contamination est bien établi. Pour Andrieu, il conviendrait d’incriminer tout spécialement les transactions effectuées entre l’Hérault, l’Aude et l’Ariège, ce dernier département paraissant avoir joué un rôle essentiel dans la diffusion de la maladie. Quelques opérations du même ordre, mais de bien moindre enver¬ gure, expliqueraient par ailleurs les quelques fovers aberrants rencontrés vers la même époque en divers autres points de l’Aquitaine et notamment dans le Lot-et-Garonne. Il ne faut pas oublier à ce propos que les deux cas initiaux de Delteil à la Romieu avaient pour origine l’arrivée récente dans un troupeau du pays d’une brebis achetée dans l’Hérault. Quoi qu’il en soit, une tois installe sur ses bases ariégeoises, le fléau s est vite répandu, tout d’abord le long de la chaine pyrénéenne en direction des Basses-Pyrénées, pour se rabattre ensuite massirement a travers la zone des plateaux vers les rires de la Garonne, rejoignant là les quelques fovers épars auxquels nous venons de faire allusion. C’est ici qu’il nous faut évoquer le rôle extrémement néfaste joué par la vieille coutume de la transhumance dont nous avons déjà dénoncé les méfaits en étudiant diverses autres régions de la France. Dépuis longtemps en honneur dans la plus grande partie du Bassin Aqui¬ tain, la transhumance y persiste encore de nos jours, bien que modifiée dans ses aspects, assurant à l’affection sa pérennité par les larges « transfusions » périodiques qu ’elle entraine. Au Nord, on la voit subsister entre les monts d’Aubrac et les berces de la Caronue, voire même les plaines desséchées du Bas-Languedoc. Mais elle est loin d’y revétir la même intensité que sur le rersant Sud du grand fleuve. La, on voit chaque année les troupeaux descendre nombreux en septembre des gras pâturages de la montagne oit ils ont passé l’été vers la vallée ou ils séjourneront durant toute la saison froide à l’abri dans les étables qu’ils ne quitteront que vers la fin du printemps. Tout le bétail ne participe d’ailleurs pas à ces mouvements bisannuels¬ Autrefois, les bovins se rendaient dans la grande Lande. Actuellement la transhumance est limitée aux seuls moutons. Pour ceux-ci les anciens par¬ cours de la grande Lande ont été abandonnés. Désormais, les ovins encore cir¬ culants évitent les sables et les bruvères pour gagner, à travers les coteaux de l’Armagnac, les chaumes non retournés, les vignobles vendansés et les prai¬ (1) D’après cet auteur, le département du Lot-et-Garonne comptait, en 1943. cnviron 115,000 têtes de bovins avec une moyenne de 15.000 avortements par an Simultanément on pouvait dénombrer dans les 30,000 ovins, l’infection se limitant ic à 200 bêtes seulement, réparties entre deux troupcaux. Quant aux caprins, ils ne sont guèrc que 1.500, tous indcunes à l’exception de quelques têtes. Remarquous au passage que le nombre des avortements annucls obscrvés dans un troubeau ne renseigne que très imparfaitement sur l’importance de l’épizootie qui x sévit, le ahimaux pouvant demcurer longtemps infcctés apres leur accidcut 314 LA PATLIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE ries depuis longtemps fauchées qui s’étendent depuis Toulouse jusqu’à l’Entre¬ Deux-Mers (Cavailles). En tout cas, les chemins parcourus restent toujours invariablement les mêmes. Ainsi, le moment venu, on voit troupeaux et bergers se succéder inlassablement sur les pistes choisies pour s’entasser le soir dans les gites d’étapes dans des conditions d’hygiène le plus souvent déplorables. La conta¬ gion, dans de telles conditions, peut s’effectuer des plus facilement, les trou¬ peaux ambulants riquant partout de contaminer bêtes et gens qui entrenet en contaet avec eux. Le danger est d’autant plus grand que nombre de paysans et même de bergers, ignorant encore tout de la maladie, ne se soucient guère de prendre contre elle les mesures de protection même les plus élémentaires. Dès lors, on concoit tout l’intérêt que revêt pour l’épidémiologiste l’étude de la transhumance dont les tracés vont en s’allongeant d’Est en Quest à mesure que la Garonne s’écarte des Pyrénées. Aussi bien allons-nous tenter d’indiquer les plus connus de ces cheminements et les principaux fovers d’infection qui les jalonnent : — La région montagneuse de la Haute-Garonne. Fci la transhumance se caractérise à la fois par son importance et nar la brièveté de ses pistes, la vallée étant à courte distance des pâturages d’été. Les foyers de Brucellose humaine y seront donc à la fois denses et rapprochés. Voici les renseignements très intéressants que nous donne le Docteur Olle concernant les mouvements des troupeaux et la localisation de la maladie dans cette contrée (voir carte ci-après). « Un premier foyer, celui du massif du Cagire, groupe de montagnes de 1600 à 2 000 mêtres situé dans le canton d’Aspet, n’a qu’une extension assez limitée. Les troupeaux redescendent passer l’hiver dans les vallées situées directement au pied de la chaine, et s’ils s’en éloignent, ce n’est que d’une petite distance (Ganties par exemple, 10 Km). Tout le massif est infecté de Brucelloses, certaines épidémies familiales avant frappé la quasi-totalité de la famille. Un autre fover, celui des montagnes de Luchon, est au contraire carac¬ térisé par sa dissémination à plus longue distance. En effet, les hautes valées de ce canton recoivent des troupeaux pendant l’été, et ceux-ci redescendent en hiver dans toute la vallée de Luchon (vallée de la Pique jusqu’à Cierp puis la Caronne jusqu’à Montrejeau) et vont hiverner dans les cantons de Saint-Gaudens et Montrejeau (30 à 50 Km), d’où l’existence, dans cette dernière région, d’un autre foyer directement lié au précédent. Un autre fover encore semble se constituer dans quelques communes du canton de Barbazan, en rapport avec un fover de montagne du canton de Mauléon-Barousse (Hautes-Pyrénées). Là aussi les troupeaux estivant en mon¬ tagne descendent l’hiver dans les communes de la basse vallée. C’est le fait d’habitudes ancestrales, des rapports de famille à famille, de village à village. Telle était la répartition géographique de la Fièvre de Malte vers 1939. Depuis cette époque, les cas se sont multipliés et les divers fovers ci-dessus ont fait tache d’huile. Le centre de l’épidémie est toujours situé aux mêmes endroits, mais il n’y a plus de limite aussi nette entre les différents secteurs. La Brucellose a maintenant été signalée, non seulement dans toutes les hautes vallées de Luchon, mais s’est répandue dans la basse vallée de la Pique, dans la haute vallée de la Garonne (Saint-Béat. Fos), et, plus sporadiquement. progresse dans les communes des cantons de Barbazan et de Montrejeau. Il 313 MIDL OCÉANIQUE 316 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE est à craindre que si des mesures massives de vaccination des troupeaux ne sont pas mises en œuvre, la Brucellose ne gagne toujours du terrain et que datidupar plus ou moins lentement, elle n’arrive à se répandre sur toute la zone Sud du 2. — Le Béarn et la Gascogne. De ce côté, la transhumance s’effectue sur de plus longs parcours. La diffusion de la Brucellose est donc très étendue, la maladie se bcalisant sur¬ tout autour des stations d’été et des gites d’hiver séparés par de grands espaces. La zone d’estivage est essentiellement représentée, d’après Delteil et Gra¬ tiolet, par les vallées béarnaises d’Ossau et d’Aspe, ainsi que par un groupe de communes du Lavedan (vallées de l’Ouzon et de l’Azun). Les foyers d’infection humaine s’échelonnent principalement le long de la ligne Mauléon¬ Oloron-Arudy-Arreau, points de départ des transhumants. A partir de ces bases, la maladie a gagné la plaine en suivant les pistes divergentes du plateau de Lannemezan et plus spécialement la route de la Ténarèze d’une part qui va de Pau au pont de Pascau, et la voie romaine de la Pevrigne d’autre part qui relie Tarbes à Agen par Fleurance et Lec¬ toure. Ainsi s’expliquent les duelques foyers isolés que l’on peut voir éclore chaque année autour des localités de Saint-Sever (1). Roquefort, Plaisance et Mirande dans les départements des Landes et du Gers. Dans la grande vallée centrale, l’affection se rencontre essentiellement dans le Lot-et-Garonne, point de convergence naturel de la plupart des trou¬ peaux. Actuellement, on peut dire qu’elle se concentre surtout en bordure de la Garonne depuis Agen jusqu’à Marmande par Aiguillon, et sur le cours inférieur du Lot de Tonneins à Villeneuve en passant par Castelmoron et Sainte-Livrade. Pour être la plus touchée, cette région n’est pourtant pas la seule à paver aux affections brucelliennes un appréciable tribut. Tantôt colportées directement des Pyrénées le long des voies secondaires de transhumance qul aboutissent à Langon. Castelsarrasin et Toulouse, tantôt véhiculées de proche en proche à partir de l’Agenais par des troupeaux descendant le fleuve en direction du Sauternais ou le remontant vers Montauban, celles-ci ont pu finalement envahir toutes les terres basses de l’Aquitaine depuis le coude tou¬ lousain jusqu’au vignoble du Bordelais. Parmi les zones les plus atteintes. nous citerons aujourd’hui dans la Haute-Garonne inférieure (si l’on peut dire) la vallée de la Save vers l’Isle-en-Dodon et Puymaurin, dans le Tarn-et¬ Garonne les cantons de Montech et de Castelsarrasin, dans la Gironde enfin tout le Médoc, le Libournais, le Réolais, la vallée du Dropt et jusqu’aux confins de la Charente-Maritime aux alentours de Montendre. Ainsi donc, partout dans le Sud-Quest, l’extension des Brucelloses ovine et caprine s’est trouvée étroitement liée au phénomène de transhumance, la maladie sévissant tout particulièrement au nivcau des zones de stabulation. c’est-à-dire dans les Pyrénées l’été et l’hiver sur les bords de la Garonne. pour laisser par contre relativement indemnes les zones intermédiaires d’étapes représentées par les départements du Gers et des Landes. Ce contraste dans la répartition, déjà très, net autrefois, s’est encore accentué de nos jours depuis que de nombreux troupeaux effectuent leurs déplacements par chemin de fer. Ainsi se voient restreintes au maximum 1e MIDI OCÉANIQUE 316 chances de contamination des anciennes régions de passage, comme en témoigne du reste le tableau des indices de morbidité pour 1941-1945 reproduit en tête de ce chapitre. Il nous faut maintenant dire un mot de la Fiètre ondutante d’origine bovine dont nous avons déjà eu l’oécasion de signaler la fréquence dans le Bassin Aquitain en précisant l’importance des épizooties régnantes. A ce sujet, une première question se pose : à quoi donc peut-on attri¬ buer la propagation de l’affection chez les bovidés alors que ceux-ci ne par¬ ticipent plus depuis longtemps aux migrations périodiques du cheptelz A cela on peut répondre que, mis à part les quelques faits consécutifs à l’importation d’animaux étrangers en provenance notamment du Limousin et du Charolais, il semble bien que la plupart des cas de contamination du gros bétail soient dus a des contacts ipprudemment multipliés avec les ovins et les caprins de passage déja infectés. Or, cette transmission de la maladie parait s effectuer surtout durant l’hiver où l’on voit trop souvent encore vaches et brebis voisiner dans l’étroite promiscuité des étables. Et le danger se trouve encore accru par la persistance d’une vieille coutume locale suivant laquelle les bergers transhumants sont admis à payer leur gite du soir au moyen du fumier abandonné par leurs troupeaux. Ainsi la conta¬ gion peut-elle s’opérer facilement dans la plaine, plus sans doute que dans les pâturages d’été où bovins et caprins demeurent habituellement à l’écart les uns des autres. Dès lors, on ne sera pas étonné des résultats statistiques suivants : tandis que dans le département en grande partie montagneux de la Haute-Garonne la proportion des Brucelloses d’origine bovine pouvait être évaluée par Olle en 1941-1942 à 13,5 26 (77 % des cas revenant par ailleurs aux boyins et le reste aux caprins), ce taux atteignait d’après Bonneval près de 80 26 dans le Lot-et-Garonne et le dépassait même très probablement dans les Charentes Péritl nouveau sur lequel l’attention doit être d’autant plus attirée qu’il a bien des chances de s’aggraver encore. NATURE DU GERME EN CAUSE. Elle reste assez difficile à préciser, étant donné le petit nombre des hémocultures qui ont été jusqu’à présent pratiquées. Trop souvent encore. après un séro-diagnostic positif, on déduit volontiers de l’espèce animale recon nue responsable de la contamination la variété de brucella à incriminer. Or cette habitude consacre une erreur. Alors qu’en effet les Brucelloses d’origine ovine ou caprine sont constamment dues à Br. Melitensis, celles qui sont d’ori¬ gine bovine par contre ne relèvent pas obligatoirement de Br. Abortus, les bovidés étant susceptibles d’héberger et même de transmettre le Mélitocoque L’adaptation de ce dernier, germe au gros bétail est d’ailleurs aujourd’hui démontré par de nombreux exemples et notamment par cette observation faite à Casties-Labrande dans la Haute-Garonne où l’on vit apparaitre successivement dans la même ferme, à la suite de l’introduction d’ovins contaminés, un avor¬ tement chez une vache (mars), la maladie chez le fermier puis chez le bou vier (avril et mai), un second avortement (début juin), enfin la mise bas pré maturée d’un veau mort peu après (fin juin), le tout permettant de sup¬ Poser qu’hommes et bêtes avaient été victimes du même contage. Quoi qu’il en soit, avant à définir vers 1939 l’aire de distribution des Brucella dans le Sud-Quest. Lisbonne et Janbon leur reconnaissaient à l’époque des territoires bien distincts. Selon eux, Br. Melitensis serait seule rencontrée dans la Gironde. les Landes, les Hautes et les Basses-Pyrénées, l’Avevron, le Tarn-et-Caronne et la portion montagneuse de la Haute-Garonne, cependant que Br. Abortus LA PATLIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 320 sévirait en exclusivité dans la partie basse de ce département ainsi qu’en Dordogne. Quant au Lot-et-Caronne, au Cers et à l’Ariège, ils auraient le facheux privilège d’héberger à la fois les deux formes microbiennes. Evidemment cette opinion ne saurait être qu’une approximation basée sur un nombre très restreint de contrôles bactériologiques. Même vérifiée. elle n’en conserverait pas moins la valeur d’une donnée purement provIson LES MODALITES DE LA CONTAGION Nous n’apporterons dans ce domaine aucun document épidémiologique original, nous bornant simplement à noter, avec Olle, quelques particularités locales. D’après cet auteur, la grande caractéristique de la Brucellose rurale. aussi bien dans le Midi qu’ailleurs, est d’être due à peu près uniquement à la contagion directe. A cet égard, les enquêtes permettent d’incriminer avec une fréquence toute spéciale les interventions obstétricales, un rôle tout à fait secondaire devant être attribué à la traite ainsi qu’aux manipulations du fumier. Il est vrai qu’en pratique il ne sera pas toujours facile d’opérer une discrimination entre ces différents facteurs. Un avortement avant été observé dans une ferme, comment définir le mode de contamination : l’intervention dans la délivrance ou le transport de la litière. Dès lors, on risque dans l’éta¬ blissement des Statistiques d’inscrire à la rubrique « manœeuvres obstétricales ». outre les cas véritables de contamination par le délivre, ceux où cette conta¬ mination a été seulement possible, d’autres causes étant susceptibles d’être également intervenues. De toute façon, il reste vrai que les Brucelloses conservent dans les cam¬ pagnes l’aspect de maladies essentiellement professionnelles, frappant électi¬ vement les cultivateurs, les bergers et les vétérinaires. De même on les voit survenir plus souvent chez les adultes que chez les enfants, plus souvent aussi chez les hommes que chez les femmes, sans doute parce que les pre¬ miers sont plus fréquemment en contacts répétés avec les animaux. Dans les villes, par contre — ou la Fièvre oudulante est loin d’être aussi rare qu’on le dit parfois — c’est avant tout à la contagion indirecte d’origine ahimentaire qu’il faut songer. A Toulouse, par exemple, lorsqu’un cas vient à être signalé, le premier soin de l’Inspection d’hygiène est de rechercher la crémerie ou le malade avait pour coutume de s’approvision¬ ner en lait et en fromages. Il arrive ainsi que l’on découvre souvent de véri¬ tables petits fovers épidémiques parmi la clientèle du laitier suspecté. Bien mieux, en poussant plus loin les investigations, on parvient parfois à retrou¬ ver le troupeau qui a fourni le lait infecté. Mais alors, pourquoi, dans ces conditions, les paysans ne paient-ils pas eux-mêmes un plus lourd tribut à ces causes de contamination indirecte? A cela on peut répondre que les cul¬ tivateurs ne consomment qu’exceptionnellement le lait de leurs chèvres ou de leurs brebis. Quant aux fromages, ils ne sont fabriqués que dans cer¬ tains endroits bien déterminés. Enfin, et surtout, il faut tenir compte de ce fait que dans les campagnes la contagion indirecte est le plus souvent masquée par la contagion directe. « Un paysan qui boit le lait de ses brebis peut très bien s’infecter, mais il lui est tellement plus facile pour ce faire de manipuler le fumier de ses bêtes que la discrimination des deux étiologies est bien malai¬ sée à établir, et que, compte tenu des autres cas ruraux, l’esprit se satisfait davantage en concluant à la contagion directe ». Ces considérations permettent de comprendre aisément pourquoi dans les grandes agglomérations urbaines le mal frappe absolument au hasard, sans aucune discrimination d’âge, de sexe ou de profession. MIDL OCÉANIQUE 321 C. — LES ASPECTS CUINIQUES Ils sont les mêmes, ici que dans toutes les autres régions; aussi retrouve¬ ra-t-on, à côté des formes classiques habituelles, les localisations vicérales les plus variées témoignant de l’extrême polymorphisme de l’affection. Il y a lieu cependant de mentionner avec Olle la fréquence dans le Sud. Quest des formes atténuées, ambulatoires ou semi-ambulatoires. Tandis que dans les premières le malade amaigri, asthénié, anémique, se traine dans sa ferme ou continue à garder ses troupeaux, on le voit dans les dernières s’aliter périodiquement au cours des poussées fébriles pour vaquer tant bien que mal à ses occupations le reste du temps. Que faire en définitive contre un fléau aussi extensif et aussi menacant2 Il y a peu à espérer semble-t-il de l’éducation du public, los paysans se montrant assez peu enclins à observer les préceptes d’hygiène qu’on s’efforce pourtant de leur inculquer. Peut-être obtiendra-t-on de meilleurs résultats grâce à la vaccination systématique des troupeaux, l’expérience récente parais¬ sant prouver que la maladie régresse partout où la vaccination a été activement appliquée. BIBLIOCRAPHIE 1. ANDRIEU (G.). Corresp, pers., 20 octobre 1947. 2. BONNARD (A.), PIECHAUD (P.) et SERVANTIE (C.). La Fièvre ondulante en Gironde et dans le Sud-Quest. Journ, de méd., de Bordeaux, n° 32, 10 décembre 1932, p. 895. 3. BONNEVAL (G.). Les Brucelloses. Extension au département du Lot-et-Garonne. Thèse Montpellier, 1943. 4. CAVAILLES La Transhumance pyrénéenne et la circulation des troupeaux dans les plaines de Gascogne. Thèse doct, ès lettres, Paris, libr. A. Collin, 1935. 5. CIUS (P.-J.). 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LA PATLOLOGIE RÉGIONALIE DE LA FRANCE 322 LI1. — LA SUETTE MILIAIRE DANS LES CHARENTES Er Le PotToU Dramatique dans ses manifestations, et encore mystérieuse sous bien des aspects, la Suette est une maladie infectieuse aigué caractérisée avant tout par une forte hyperthermie, des sueurs profuses, une éruption miliaire et des paroxysmes, impressionnants à symptomatologie à la fois nerveuse et cardiaque. Autrefois assez répandue en Europe ocidentale oì ses anparitions nério¬ diques engendraient chaque fois la désolation et l’épouvante, elle semble qujourd’hui s’être réfugiée en France à peu près exclusivement dans une zone comprenant le Poutou et la région des Charentes. Elle y sévit en per manence à l’état endémique avec, de temps à autre, des poussées épidé¬ miques dont certaines, relativement récentes, montrent qu’elle n’a pas encore perdu toute sa vitalité. Bien plus que le nombre de ses atteintes, cette etricte localisation a fait d’elle l’affection en quelque sorte la plus spécifique, et sans doute aussi la plus curieuse, de toute cette partie du Sud-Quest. Avant d’entreprendre sa description clinique, il nous faut rappeler tout d’abord son histoire telle qu’elle nous a été admirablement retracée par Le Blave et ses Collaborateurs au cours de publications dont nous ne reprodui¬ Connue vraisemblablement dès la plus haute antiquité, puis tombée dan l’oubli pendant de nombreux siècles, la Suette semble s’être réveillée en 1482 sur le sol anglais où elle va dès lors régner en maitresse jusque vers le milieu du siècle suivant. Après une nouvelle eclipse d’un siècle et demi, on la voit réapparaitre. cette fois sur le Continent, où elle vient faire sa première incursion en 1712 à Montbéliard, A partir de cette date, c’est toujours en France qu’il va falloir la rechercher, si l’on met à part les quelques épidémies — d’ailleurs rapidement éteintes — observées en Italie du Nord, en Carniole, en Alle¬ magne du Sud et en Belgique. D’après L. Colin, le XVIITe siècle aurait vu éclorce 70 énidémies fren¬ caises reconnues, successivement dans l’Est, le Nord (Suette picarde), l’Ile¬ de-France, la Normandie, l’Auvergne et le Languedoc. Mais c’est au cours du XIXe siècle qu’elle exerce ses plus grands ravages sur l’ensemble de notre pays. Non seulement on la voit renaitre dans toutes les régions antérieurement visitées, mais encore on la signale en Dordogne. dans les Charentes et le Poitou. Elle a dès lors trouvé une terre d’élection que désormais elle ne quittera plus qu’exceptionnellement. Durant cette période, deux épidémies ont par leur importance dominé la scène : ce sont celles de 1845 et de 1887. La première débuta dans les quartiers populeux de Poitiers pour ge pro¬ pager ensuite dans les villages environnants sans toutefois dépasser un ravon d’une douzaine de Kilomêtres. Elle procéda par bonds successifs entre les aoie de, juin et de septepbre provoquant, au total 110 dces aur plus de MIDI OCÉANIQUE 333 Quant à celle de 187, elle devait être, sinon la plus meurtrière, du moins la plus étendue de toutes les épidémies poitevines. Partie en mars de la commune de Sillans, elle se développa d’abord vers le Sud, le long de la vallée de la Vienne, gagnant Gouex, Quéaux, Moussac, Persac, Nérignac puis l’Isle-Jourdain, Millac et Aveilles-Limousine en direction de Confolens. Dans les premières de ces localités surtout, la morbidité fut élevée avec, par exemple, 240 atteintes à Sillans (sur 1 069 habitants), 300 à Moussac, 350 à Persac. Se diffusant ensuite en tache d’huile, mais plus spécialement vers l’Est, le mal envahit bientôt les vallées de la Gartempe et de son affluent l’Anglin, touchant notamment les localités de Saulgé, Plaisance, louhet et Pindray d’une part — celles de Trimouille. Liglet. Saint-Hilaire et Mou¬ vières d’autre part, sans oublier la ville de Montmorillon elle-même, qui. finalement, en mai et juin, fut le centre de la zone la plus durement éprouvée. Dès lors. l’épidémie, à bout de course, alla expirer sur les bords de la Creuse à la hauteur du Blanc. En définitive, elle avait inté¬ ressé à peu près entièrement les arrondissements de Montmorillon. Civray, Bellac, le Blanc et Melle. Lorsqu’on établit son bilan final, on s’apercut qu’elle avait frappé 2 268 personnes. Elle ne causa cependant que 203 décès et s’avéra ainsi proportionnellement moins sévère que celle de 1845. Telles furent les deux grandes offensives du siècle. Elles furent loin d’être les seules. Ainsi L. Colin a pu dénombrer en France entre les années 1810 et 1880 une centaine d’épidémies en miniature, Par la suite, celle de 1888 mérite de retenir plus spécialement l’attention : localisée entre Poi¬ tiers et Civray, à la Villedieu et Cencay, elle occasionne 9 décès sur envi¬ ron 80 maladés. Enfin, en 1802, le dernier épisode du siècle, qui comporta 275 cas, eut pour théŝtre un secteur de là Vienne jusqu’alors demeuré indemne, englobant les communes de Vouzailles, Massognes. Verger-sur-Dive et Craon. Le XXe siècle semble vouloir se caractériser par une tendance de la maladie la limitation et à l’apaisement. Néanmoins la première de ses épidémies, celle de 1906, rappelle encore d’assez près celles qui l’ont précédée, surtout par le nombre des cas qui atteignit 6 298 avec toutefois un taux de mortalité très faible de l’ordre de 2 9% (115 décès). En la circonstance, l’affection est demeurée strictement loćlisée aux tros départements des Charente. Charente-Maritime et Deux¬ Sèvres (arrondissements d’Angoulême. Buffec. Cognac. Saint-lean d’Angely et Melle), laissant le Poitou entiérement intact (Haurv). Les vingt années qui suivirent ne furent marquées que par quelques inci¬ dents. En 1900 Murcy relate une petite épidémie de 12 cas dans la garni¬ son de Poitiers. En 1913. Levrault signale 6 cas dans le Montmorillonnais. Plus sérieuse est l’alerte de Saint. Secondin en 1922 : en une semaine 21 cas éclatent brusquement dana ce village situé à 30 Kilomêtres au Sud-Est de Poitiers, entrainant immédiatement 10 décès. L’épidémie de 1926 vint beureusement clore cette liste tragique D’après le récit que nous en a fait Madame Chardac dans sa thèse, elle débuta aux premiers jours d’avril à Nérignac et dura jusqu’en fin juillet. « Elle intérèssa les cantons de Lussae, de l’Isle-Jourdain et légèrement celui de Civray, semblant suivre la vallée de la Vienne et sautant d’une rive à l’autre. Plus de dix communes furent, atteintes et, fait remarquable, les seules épar¬ gnées furent les plus importantes : ainsi, aucun cas ne fut signalé à Mont¬ morillon. Lussac ’et l’Isle-lourdain. Durant ces quatre mois, il y eut envi¬ ron 250 malades et 35 décès, ce qui donne un taux de 14 % de mortalité ». Malgré cet arrêt, on ne peut cependant pas dire que la Suette ait désor¬ mais totalement disparu des Charentes et du Poitou. En effet, si aucun foyer 321 LA PATHIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE MAIDL OCÉANIQUE 325 LA PAIIILCIE NNIVLNTNC PE ELNPE 326 nouveau ne s’est constitué depuis, des cas sporadiques sont encore relatés de temps à autre, le plus souvent dans des villages où la maladie avait déjà passé antérieurement. C’est ainsi que, dressant le bilan de la situation entre 1926 et 1940, Madame Chardac est parvenue à réunir les quelques faits ci-après démontrant la continuité du mal : Entre 1928 et 1934, le Docteur Rousseau observe 3 cas typiques à Quéaux. 2 à Moussac, l à Persac et un autre à Adriers. Dans l’arrondissement de Montmorillon, le Docteur Levrault identifie en 1928 deux cas, l’un à Saulgé, l’autre à Journet, tandis qu’un troisième est encore constaté six ans plus tard dans le même secteur. A Persac, le Docteur Wechler signale à son tour quelques cas le dernier concernant un jeune homme de Gouex vu en aoît 1937. Enfin, l’observation la plus récente nous est fournie par le Docteur Dupont. de Lussac-les-Châteaux, au cours du mois de janvier 1939. Il s’agit d’un jeune homme domicilié au Pont-de-Lussac qui fit une Suette des plus typiques et en mourut en quarante-huit heures. Ainsi il apparait que la maladie demeure, de nos jours encore, cons tamment en éveil, toujours prête à des agressions nouvelles, surtout dans le Montmorillonnais qui e’avère actuellement beaucoup plus exposé à des reprises que la région des Charentes. Un mot d’épidémiologie maintenant. Disons tout de suite que la Suette est une affection de nature inconnue et dont le germe n’a jamais pu être identifié en dépit de bien des recherches, l’hypothèse d’un virus spécial appa¬ raissant néanmoins comme la plus vraisemblable. On concoit dès lors que bien des incertitudes planent encore sur le mode de propagation du mal puisque l’on ignore même si la contagion directe est possible. Si certains faits plaident en sa faveur, notamment les cas de conta¬ mination familiale, il en est d’autres par contre qui amènent à douter forte¬ ment de sa réalité. Quoi qu’il en soit, un certain nombre de constatations ont d’ores et déjà été faites qui permetttont peut-être un jour d’élucider les problèmes en sus pens. Afin de mieux en faire saisir l’intérêt, il nous parait plus expédient de décrire schématiquement l’aspect d’une épidémie type. Ordinairement celle-ci survient à la saison chaude, c’est-à-dire au prin¬ temps ou au début de l’été. Dans la région sévit depuis plusieurs semaines une maladie éruptive banale, Scarlatine ou plus souvent Rougeole, sans qu’on y ait pris spécialement garde. Soudainement, un adulte jeune, jusqu’alors bien portant, présente en pleine nuit une sudation extrêmement intense. mouillant linge et literie, en même temps que sa température s’élève à 40% Dans un pays à Suette, on soupconne tout de suite le mal, au grand effroi de la population. On remarque alors rétrospectivement que depuis quelques jours plusieurs cas de Fièvre éruptive avaient perdu leur physionomie habi¬ tuelle, différant des formes classiques par l’absence des signes pathognomo¬ niques, par les caractères anormaux de leur exanthème, ainsi que par une gravité inaccoutumée. On pense à des formes de transition. De toute façon. au 3° jour du cas princeps, l’éruption suetteuse apparait avec netteté, levant tous les doutes. Mais déjà, entre-temps, d’autres cas authentiques ont com¬ mencé à éclore dans le voisinage. Désormais l’épidémie va s’étendre rapi¬ dement, frappant avec prédilection les sujets jeunes des deux sexes en pleine PJT MIDI OCEANIQUE 327 Le mode de diesémination de la maladie est, de son cte, ascez curieux. Parti d’un premier village, le processus ne tarde pas à gagner les com¬ munes d’alentours, paraissant dans ce cheminement obéir à un certain nombre de règles fixes. C’est ainsi qu’il s’attaquera plus volontiers aux fermes isolées et aux petits hameaux qu’aux localités de quelque importance. Souvent même il contourne les villes, se contentant de toucher au passage quelques maisons situées à la périphérie. Si, par hasard, il s’aventure plus profon¬ dément dans une cité, il respecte à peu près constamment les collectivités telles que les écoles, les prisons et les casernes qui semblent peu favorables à son développement. Ainsi la petite épidémie de la garnison de Poitiers en 1909 mérite-t-elle à cet égard d’être considérée comme une exception. En somme, tout se passe comme si la Suette était une affection essen¬ tiellement rurale, très capricieuse dans sa propagation, progressant par bonds successifs en créant de-ci de-là des foyers très circonscrits, faits qui semblent plaider en faveur de l’intervention d’agents animés dont malheureusement la nature exacte n’a jamais pu être établie. La symptomatologie de la Suette est assez caractéristique pour rendre le diagnoetic de cette afecrion facile pour peu que l’on y songe. Le début est ordinairement très brusques parfois, cependant, on peut observer pendant 24 ou 48 heures des prodromes assez vagues tels que cépha¬ lée, courbatures, crampes musculaires. De toutes façons, en très peu de temps le malade est saisi d’une sensation de froid intense et de faiblese qui l’oblige à s’aliter sans délai, tandis que dès le premier soir se manifeste un signe essentiel : la transpiration. Celle-ci mérite d’être copsidérée comme un maitre symptôme. Rapi¬ dement, en effet, et surtout durant la nuit, le sujet se trouve plongé dans un véritable bain de sueur. Aussi, malgré une température oscillant entre 3895¬ 39°5 et même davantage, conserve-t-il en permanence une peau moite. Simultanément on peut constater de la prostration, une diarrhée pro¬ fuse contrastant avec la rareté des urines, un amaigrissement précoce : le tout pouvant conférer au malade l’aspect d’un cholérique. Mais ce qui est bien particulier à l’affection lors de cette première période est l’apparition d’accidents nerveux d’allure souvent dramatique. Ceux-ci, essentiellement nocturnes comme l’hypersudation, consistent en de soudaines crises d’étouffement avec impression de barre épigastrique ou rétrosternale, palpitations, lipothymies, etc., l’ensemble s’accompagnant d’une angoisse extrême. Ces accès peuvent se renouveler plusieurs fois dans la même nuit, ne laissant au suetteux aucun repos ou le faisant au contraire sombrer dans un délire doux et tranquille parfois entrecoupé de secousses convulsives. C’est dans ces conditions que vers le 3° ou 4° jour anparait l’érupfion annoncée dans bien des cas par une recrudescence des phénomènes nerveux et de la fièvre. Précédée localement par une sensation de prurit, elle est caractérisée par le développement, d’abord à la nuque et au cou, puis sur le tronc enfin aux membres, d’un exanthème tant̂t morbilliforme, tantôt scarlatiniforme, plus rarement purpurique. La « miliaire » ne survient que secondairement greftée sur les éléments précités Elle est formée de « bou¬ tons fins », de teinte rouge et d’aspect perlé, surmontés d’une petite vésicule qui se dessèche avant l’affaissement du « bouton ». Alors que la veille de l’éclosion de ces vésicules on songeait souvent à une Rougeole ou à une Scar¬ latine gravo malgré l’intensité des sueurs et des crises nerveuses pourtant 5 evocatrices, on soulève désormais l’hypothèse d’une Rougeote ou d’une Scar¬ 323 LA PATLOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE latine 8 forme miliaire et ceci d’autant plus volontiers que celles-ci ne sont Pas d’observation exceptionnelle en pays suetteux. Quoi qu’il en soit, à ce moment, les transpirations s’atténuent ordinairement, le cœur se calme, la température s’abaisse et les angoises se dissipent, cependant que de leur côté les paroxysmes inquiétants vont en s’espacant pour bientôt disparaitre. Dans les cae favorables, l’évolution se fait à partir du 5e jour vers la desquamation. Les squames sont fines, minces, du type furfuracé. Dès lors. la guérison est assurée, mais elle se poursuit lentement. La convalescence s’étend sur une période d’au moins 4 ou 6 semaines, l’organisme débilité metant longtemps à recouvrer sa vigueur. Ce n’est que beaucoup plus rarement que la maladie aboutit à la mort. Celle-ci survient surtout à l’occasion d’une syncope dans les formes sévères hyperpyrétiques et délirantes de l’affection. Mais elle peut également s’obser¬ ver de la manière la plus inattendue au cours d’une forme commune, plus spé¬ cialement au moment d’un paroxysme de la période prééruptive et tout au début des épidémies. Elle peut même être subite, sans que rien ne l’ait fait prévoir. Ce qui ajoute encore à l’horreur de ces morts soudaines, ce sont les circonstances particulières dans lesquelles elles peuvent parfois se produire. Au milieu d’une crise de suffocation, le malade peut, dans son agitation. tenter de se suicider avant d’être terrassé par une convulsion. Dans d’autres cas le sujet présente un délire très spécial sans incohérence : il parle alors avec volubilité de sa fin prochaine, dans un état de lucidité calme, presque euphorique, qui ne manque pas d’effraver son entourage. On concoit, devant de tels faits, la terreur qu’a pu inspirer cete affec¬ tion dans les régions où elle s’est installée, et les superstitions diverses qu’elle a pu engendrer dans les campagnes. Fort heureusement, ainsi que nous l’avons vu, sa fréquence va sans cesse en diminuant depuis la fin du siècle dernier. le foyer charentais, ultime bastion de la maladie dans notre pays, étant lui¬ même aujourd’hui sur le point de s’éteindre. BIBLIOCRAPHIE 1. ARDOLIN, Relation d’une épidemie de Suette miliaire dans l’ile d’Oléron, Archives de Médecine navale, 1881. 2. BhOoUARDEL. Rapport sur l’épidémie de Sucte du Poitou. Bulletin Académie de Médecine, 13 septembre 1887. 3. CALANDREAU. La Suette militaire dans les Charentes. Thèse Paris, 1912. 4. CHANTEMESE, MARCHLQUX et HAURY. L’épidémie de Suette miliaire des Charentes. Bulletin Académie de Médecine, 1906, p. 293. 5. CHARDAC (Mme P.). Histoire de la Suette miliaire en Poitou. Thèse Paris, 1941. 6. COLIN (L.). Dictionnaire Encyclopédique des Sciences médicales (Dechambre). Article « Suette miliaire ». 7. DARTICOLLES. Contribution à l’étude de la Suette miliaire. 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VII, p. 172 IV. — L’ACRODYNIE INFANTILE Nouvelle venue de la pathologie infantile, l’acrodynie semble avoir été décrite pour la première fois par un médecin allemand nommé Selter en 1903. Après plus de dix années de silence, elle est de nouveau identifiée, cette fois en Australie par Syift en 1914. Depuis lors, elle a fait l’objet de nom¬ breuses études, d’abord en Amérique, puis en Europe où elle a été signalée tour à tour en Suisse (Feer), en Angleterre, en Hollande, en Pologne et dans divers autres pays. En France, ce sont les publications parisiennes qui, au début, nous l’ont fait connaitre après que Debré et Mle Pétot eurent relaté en 1924 à la Société de Pédiatrie un cas d’acrodynie avec gangrène qui fut alors étiqueté « syn¬ drome de Morvan » et dont la véritable nature ne fut établie que quelques mois plus tard. A partir de 1926, l’affection est rencontrée un peu partout. en Lorraine, en Alsace, à Lyon, à Saint-Etienne, à Bordeaux, à Toulouse. à Montpellier, à Lille et finalement à peu près dans tous les grands centres. Ainsi, elle n’est ni spéciale au Bassin Aquitain, ni encore moins originaire de cette région, les premières relations locales dues à Bocaz datant précisé¬ ment de 1926, année de sa diffusion. Néanmoins, si nous nous sommes réservé de la décrire au cours du présent chapitre, c’est que depuis son accès dans nos provinces du Sud-Quest, elle n’a jamais cessé de s’y manifester avec une fréqtence toute particulière, ainsi qu’en témoignent notamment les importants travaux publiés à son suijet par l’éminent pédiatre bordelais. Cette description, d’ailleurs, ne nous parait nullement superflue. Si l’Acrodynie esr désormais bien connue de tous les spécialistes de médecine infantile, elle est loin de l’être encore de beaucoup de praticiens. Et l’expé¬ rience prouve qu’un foyer nouveau de la maladie ne manque presque jamais d’être découvert chaque fois que dans une contrée des médecins instruits de ses manifestations s’attachent systématiquement à la dépister. L’Acrodynie infantile ou maladie de Selter-Syift-Feer atteint avec une prédilection singulière la petite enfance entre 6 mois et 4 ou 5 ans. Au-delà de cet âge elle est rare et même exceptionnelle. Le début en est extrémement insidieux, Parfois l’interrogatoire révèle dans les antécédents immédiats du petit malade un court épisode fébrile avec rhino-pharyngite ou diarrhée dont on n’a pas manqué de tirer argument en faveur de l’étiologie infectieuse. Ordinairement, cépendant, l’atiention des parents se trouve attirée par des changements inquiétants survenus dans l’hu¬ meur et le caractère de l’enfant. On le voit peu à peu devenir triste, irascible. précieux appoint pour le diagnostic. 330 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE parfois même méchant, délaissant ses jouets et se réfugiant dans une sorte de mutisme hostile. En même temps, il se plaint de fatigue, refuse de mar¬ cher, demande constamment à être porté sur les bras ou poussé dans sa voi¬ ture. Petit à petit la marche elle-même devient impossible et, dans certains cas, la simple station debout. En réalité, tous ces symptômes paraissent liés à la fois à des troubles de la sensibilité subjiective et de la motricité. L’enfant accuse en effet au niveau de ses extrémités des sensations intolérables de fourmillements ou de brûlures, associées parfois à du prurit, qui ne lui laissent plus aucun repos, allant jusqu’à le priver de sommeil. Très rapidement s’ins¬ talle en outre une hypotonie musculaire marquée, souvent accompagnée d’une diminution, voire même d’une abolition, des réflexes. Dans certains cas, des mvoclonies et du tremblement viennent compléter le tableau neurologique. Troubles psychiques, dysesthésies multiples et hypotonie constituent dès lors tout un ensemble qui explique les attitudes étranges dans lesquelles se complaisent généralement ces petits malades que l’on trouve tantôt recroque¬ villés dans leur lit, tantôt blottis sur les genoux de leur mère, avec au visage une expression de détresse profonde. A côté de ces troubles nerveux, il faut faire une large part aux acci¬ dents cutanés également localisés aux extrémités et dont l’importance séméjo¬ logique n’est pas moindre. D’apparition relativement tardive, plus acentués aux mains qu’aux pieds, ils se traduisent avant tout par une coloration anormale des téguments. Ceux-ci prennent soit une teinte rouge vermillon classiquement comparée à une tranche de bœuf cru, soit un aspect violacé, cvanotique, soit enfin une couleur livide évoatiant la syncope locale. Toutes cés altérations sont dues à des perturbations marquées de la vaso-motricité périphérique, ainsi d’ailleurs que l’enflure des doigts qui deviennent gros, boudinés, malhabiles sans qu’il existe cependant d’œdèmes véritables décelables à la pression digitale. Simultanément on observe une hypersécrétion sudorale intense sur tout le corps. Certains malades ruissellent littéralement. Il en résulte, surtout au niveau de la paume des mains et de la plante des pieds, un état de macé¬ ration de l’épiderme tel qu’il peut entrainer une desquamation en lambeau semblable à celle de la Scarlatine. L’évaporation cutanée étant d’autre part accrue, on constate au palper un refroidissement local très net, lequel con¬ traste singulièrement avéc la rougeur de la peau et les sensations de brilure accusées par le malade. Pour terminer ce rappel du « Syndrome acro-pathologique », mention¬ nons la possibilité de troubles trophiques consistant, dans les cas plus légers, en une chute spontanée des ongles et, dans les cas plus sévères, comme celui de Debré signalé ci-desus, en des phénomènes de nécrose et de sphacèle siégeant électivement aux extrémités des phalanges. Ces troubles peuvent du reste se rencontrer ailleurs qu’au niveau des membres, et il n’est pas rare d’observer notamment des lésions de stomatite avec carie des maxillaires et chute spontanée des dents. En dehors de ces symptômes caractérisant la « Trophodermatoneurose » (Selter), on a décrit au cours de la maladie des atteintes viscérales multiples. C’est ainsi que l’on a signalé des troubles digestifs avec diarrhée et vomissements, sensoriels avec photophobie, urinaires avec gêne à la mic¬ tion. Mais de toutes ces manifestations les plus importantes de beaucoup sont celles qui intéressent l’appareil circulatoire. La tachycardie et l’hyper¬ tension artérielle — cette dernière fort curieuse à cet âge — seraient en effet pour Feer d’une constance absolue, leur constatation constituant dès lors un MIDI OCÉANIQUE 331 Douleurs, immobilité, insomnie, anorexie sont habituellement tenues pour responsables de l’amaigrissement qui prend parfois des proportions considé¬ rables et qui, sans rapport avec l’atteinte organique, permet de soupconner de graves perturbations dans les métabolismes généraux. Quant à la température, si l’on met à part le petit épisode fébrle du début, elle demeure normale pendant toute la durée du processus, hormis l’apparition de complications. Les recherches de Laboratoire peuvent parfois apporter des renseigne¬ ments utiles. Du point de vue sanguin, on constate de la polyglobulie due à l’hyperconcentration du milieu engendrée par la sudation excessive, de la polynucléose chaque fois qu’il y a infection secondaire et une hyperglycé¬ mie sur le mécanisme de laquelle on n’est pas encore exactement fixé. Mais c’est l’examen du liquide céphalorachidien qui présente le plus d’intérêt. Presque toujours normal à la période d’état de la maladie, il est par contre susceptible de révéler lors de la phase initiale une légère réaction ménin¬ gée avec lymphocytose et hyperalbuminose, en même temps que des modifi¬ cations du taux de la glycorachie. L’évolution de l’affection est ordinairement très lonque, s’échelonnant sur des semaines ou même des mois, mettant à rude épreuve la patience de l’en¬ tourage. Dans la très grande majorité des cas tous les phénomènes finissent par rêtrocéder spontanément les uns après les autres, entrainant une guéri¬ son complète et sans séquelles. Celle-ci peut-être accélérée sous l’influence de la médication qui consiste en l’emploi de sédatifs nervins, d’antispasmo¬ diques, de vitamines B et PP et surtout en l’application de ravons ultra¬ violets. Dans les cas rares où la maladie se termine par la mort, celle-ci est due soit à l’épuisement de l’organisme, soit plus souvent à une compli¬ cation infectieuse intercurrente : broncho-pneumonie ou septicémie à point de départ cutané. Dans les formes habituelles, neuro-cutanées, le diagnostic ne se heurte pratiquement à aucune difficulté : il suffit de penser a la maladie pour la reconnaitre, aucune confusion n’étant possible. Les hésitations ne sont guère permises que dans les formes frustes ou incomplêtes. Parmi ces dernières, la forme nerveuse pure éveillera l’idée d’une Poliomvélite vite démentie par l’évolution; de même dans les formes cutanées on songera à des engelures en raison de l’érythrœdème, à une Suette devant les sudamina, à une Scar¬ latine à la période de desquamation. Il n’est pas jusqu’à l’association « amai¬ grissement, céphalée, photophobie » qui ne puisse faire envisager l’hypothèse d’une Méningite tuberculeuse. Quant aux formes frustes, assurément fréquentes, leurs frontières restent encore difficiles à préciser dans l’état actuel de nos connaissances. La pathogénie de l’Acrodynie infantile est demeurée pendant longtemps obscure. De nos jours, à la suite notamment des travaux de Roçaz, on admet que la maladie est due à une atteinte profonde du système neuro-végétatif comportant à la fois des signes de vagotonie et de sympathicotonie. A la vagotonie se rattacheraient plus particulièrement l’asthénie, l’hyper¬ sécrétion sudorale et les troubles cireulatoires des extrémités, à la sympathi¬ cotonie se rapporteraient par contre l’irritabilité des malades, l’insomnie. l’hypertension artérielle et la tachycardie. Cette amphotonie relève elle-même, semble-t-il, de lésions siégeant au niveau du diencéphale (novaux gris) et des formations mésencéphaliques voi¬ sines (infundibuluim, région sous-optique, novau rouge). Ainsi s’expliqueraient certaines manifestations cliniques telles que les myoclonies et le tremblement que nous avons précédemment signales. 33 LA PATHIOLOGIE REGIONALE DE LA ERANCE Certaines constatations anatomiques viennent d’ailleurs confirmer cette interprétation. C’est ainsi qu’au cours d’une autopsie. Francioni et Vigi ont pu déceler des altérations histologiques nettes de la région infundibulo-tubé¬ rienne, avec participation des ganglions sympathiques. L’origine infectieuse du processus est tout à fait probable. Elle se signale par le petit épisode fébrile initial souvent observé, ainsi que par la réaction albumino-cytologique passagère du liquide céphalo-rachidien. Quant à la nature exacte du virus neurotrope en cause, il n’est pas inter¬ dit de penser que celui-ci s’apparente à l’agent de l’encéphalite épidémique ainsi qu’en témoignent notamment les variations de la glycorachie. Ce rap¬ prochement est d’ailleurs d’autant plus permis que l’on sait depuis les travaux de Cruchet les répercussions que cette dernière affection a eues dans toute la région du Midi Océanique. Cette rapide esquisse terminée, il convient maintenant d’envisager les caractères particuliers présentés par le syndrome de Selter : Svift - Feer dans la vaitée de la Garonne depuis son apparition dans cette contrée. Nous avons déjà vu que la maladie avait été identifiée pour la pre¬ mière fois dans la région bordelaise par Roçaz en 1926, et peut-être même de« 1925 si l’on tient compte d’un cas dont le diagnostic ne fut posé que rétrospectivement par l’auteur. Celui-ci avant à partir de cette époque cons¬ tamment recherché l’affection en clientèle privée comme en milieu hospita¬ lier était déjà parvenu en fin d’année 1927 à réunir un ensemble de onze cas, dont il fit l’objet en janvier 1928 d’une publication dans le Journal de Médecine de Bordéaux. Depuis ce mémoire, les observations se sont multi¬ pliées dans la partie Quest du Basin Aquitain puisqu’en 1930 le bilan total atteignait 41 cas dont 32 de Rocaz, 2 de Dupérié rapportés à la Société de Médecine de Bordeaux, 7 d’auteurs hordelais divers, et enfin 2 de Pelizza¬ Duboue et Malaplate évoqués à la Société médicale de Pau. Ainsi, dans une monographie éditée par la « Pratique médicale illustrée ». Rocaz pouvait en l’année 1930 dresser une première carte locale de la maladie. carte où il est possible de remarquer le groupement des cas le fong de certains cours d’eau, à savoir : l’Isle, tributaire de la Dordogne d’une part, les affluents de l’Adour d’autre phrt, et au Centre, formant axe, le cours même de la Garonne. Revenant sur la question au cours d’un autre travail présenté à l’Académie de Médecine en avril 1936. Bocaz publie à cette occasion un bilan plus complet portant cette fois sur une dizaine d’années. Alors que, durant ce laps de temps, il lui a été donné de suivre personnelle¬ ment 68 malades, il a pu en retrouver 90 en s’adressant aux médecins-pra¬ ticiens exercant autour de lui, soit un total de 158 cas, chiffre déjà important mais certainement bien au-dessous de la réalité. Du point de vue topographique, l’affection lui parait surtout se con¬ centrer autour des quatre foyers principaux suivants : J. — Les environs de Bordeaux entre la Réole et Marmande; 2. — La limite des départements des Landes et de la Gironde entre Bayonne et Saint-Sever : 3. — Les alentours de Villeneuve-sur-Lot; 4. — Le Sud du département de la Charente. Enfin, du point de vue épidémiologique, l’auteur admet une certaine correspondance entre les foyers d’Acrodynie et les zones particulièrement éprouvées par d’autres affections à virus neurotrope telles que la Poliomyélite et l’Encéphalite (Basses-Pyrénées. Lot-et-Garonne, Gironde). MIDI OCÉANIQUE 333 Se fondant d’autre part sur quelques cas observés en milieu familial, il croit en la possibilité d’une transmission de la maladie de « Feer » soit direc¬ tement, soit par l’intermédiaire de porteurs de germes. Nous avons cherché à savoir quelle avait bien pu être l’évolution de l’Acrodynie infantile dans la région bordelaise depuis l’année 1936, date des dernières Statistiques de Rocaz. A cet effet, nous nous sommes adressés à son sucesseur dans les Hopitaux de Bordeaux, le Docteur Pierre Verger. Chef du Service de Médecine infantile, et voici les renseignements que celui¬ ci a bien voulu nous communiquer : Selon lui, la maladie demeure toujours assez fréquente dans le départe¬ ment de la Gironde, notamment dans le secteur compris entre Langon, la Réole et Bazas. Un village du Bazadais a même été récemment le siège d’une petite épidémie véritable frappant plus de dix enfants et occasionnant un déces. A partir de cette zone, le processus tend actuellement à se propager de plus en plus vers l’Ouest pour gagner successivement les régions de Blave. Jonzac. Saintes et Rovan où des cas ont été signalés. Comme toujours, l’af¬ fection manifeste une prédilection particulière pour les communes rurales. les villes étant relativement épargnées. A Bordeaux même, elle reste exceptionnelle. Quant au tableau clinique, il n’a guère varié dans l’ensemble, Parmi les aspects atypiques observés nous nous hornerons à citer : 2 formes oculo¬ nasales, 2 formes convulsives avec, pour l’une d’elles, constitution d’une hémiplégie définitive, l forme mvoclonique rappelant la chorée fibrillaire de Morvan, enfin une forme curieuse accompagnée d’un état paradiabétique transitoire. Cette extension récente de l’aire d’endémie acrodynique dans le Sud-Quest a eu pour effet de relier le fover bordelais à un autre situé plus au Nord dont la description nous a été donnée par le pédiatre rochelois. Armand Béraud. Centré par le port de la Rochelle, ce fover se développe sur un ravon de 50 Kilomêtres autour de cette ville, englobant au Nord la partie méridionale du marais vendéen, à l’Est les premiers confins des Deux-Sèvres, au Sud. Rochefort et les campagnes humides environnantes. Ainsi se trouvent démontrées une fois de plus les affinités de la maladie pour les plaines basses et marécageuses. Du reste, à l’intérieur même du cercle que nous venons d’indiquer, s’inscrit une enclave demeurée jusqu’à présent indemne : il s’agit de la zone située entre Nuaillé et Ciré d’une part. Saint-Xandre et Bonchet de l’autre, formée précisément de terres surélevées et sèches. Du point de vue Statistique, c’est à 31 exactement que se chiffre le nombre des cas dépistés, tant par A. Béraud lui-même que par ses corres¬ pondants régionaux durant la période comprise entre 1930, époque des pre¬ mières constatations locales, et 1936, date de la communication faite au Con¬ grès de Bordeaux. Depuis lors, il ne se passe guère d’année qui ne soit mar¬ quée par l’apparition dans la Charente-Maritime de deux ou trois atteintes nouvelles. A ce propos, l’auteur insiste à son tour sur certaines notions qui nous sont déjà connues, à savoir : l’allure endémique et sporadique de l’affection, sa bénignité habituelle, enfin sa prédilection pour les régions fréquemment visitées par les virus neurotropes. De tous ces faits, il parait résulter que l’Acrodynie intntile est une maladie essentiellement littorale (ou sublittorale), se cantonnant peu près exclusive¬ ment dans le Bassin Aquitain le long des cours inférieurs de la Charente, de la Garonne et de l’Adour" Pour être vraie dans l’ensemble, cette règle n’a cepen¬ dant rien d’absolu. C’est ainsi que depuis 1925 P. Bézy a signalé a plusieurs 334 LA PATHOLOGE BÉCIOINAIE DE LA TRANSCE reprises l’existence de la « Trophodermatoneurose » dans la région toulousaine ou elle semble vouloir même se développer avec une certaine rapidité. Déjà en 1936 l’auteur avait pu en réunir une cinquantaine d’observations dont 7 com¬ muniquées par le Docteur Petel. Depuis lors, un certain nombre d’autres cas ont été publiés dans le Haut-Languedoc, appartenant presque tous aux trois fovers principaux suivants : le premier situé aux confins de la Haute-Garonne. du Gers et des Hautes-Pyrénées, le second à la rencontre du Tarn, de la Haute¬ Caronne et du Tarn-et-Caronne, le dernier enfin — et non le moindre — dans la ville de Toulouse même, ce qui indique peut-être une certaine tendance actuelle à la multiplication des cas urbains. Mentionnons au surplus quelques faits épars rencontrés dans les environs de Périgueux, d’Auch et d’Agen. Ainsi il s’avère en définitive que la maladie de Selter-Syift-Feer se mani¬ feste avec une fréquence toute particulière dans la région du Sud-Quest où les cas deviendront vraisemblablement de plus en plus nombreux à mesure qu’ils seront plus activement recherchés, non seulement par les pédiatres, mais. encore par tous les médecins-praticiens du pays. BIBLIOCRAPHIE ordinairement dans le coma urémique. MIDI OCÉANIQUE 335 V. — LES LEPTOSPIROSES On désigne sous le nom de « Leptospiroses » toute une série d’affections dues à des Spirochêtes morphologiquement analogues à celui d’Inada et Ido. lusqu’à une date relativement récente une seule variété avait été observée en France. Il s’agissait de la Spirochétose ictérigène actuellement bien connue dans toutes ses formes cliniques, bien caractérisée dans ses aspects biologiques. et responsable chaque année d’un certain nombre d’atteintes dans le bassin de la Garonne aussi bien que partout ailleurs. Or, tout récemment, d’autres variétés nosologiques viennent de faire leur apparition dans notre pays; ce sont tout d’abord la Leptospirose grippo¬ typhosa dont l’individualisation repose aujourd’hui sur des bases solides. ensuite des Leptospiroses à « L., canicola » et à « L. pomona ». A. — LA SPIROCHETOSE ICTERICENE. Le tableau clinique de la Spirochétose ictérigène a été trop souvent retracé dans les manuels didactiques pour que nous avons à nous appesantir longue¬ ment sur sa description. Nous nous bornerons donc à en rappeler ici les quelques traits essentiels. Classiquement, l’évolution de la maladie passe par cina étapes succes¬ sives, ordinairement bien tranchées. Après une periode d’incubation muette de quelques jours, l’affection débute brusquement par un état infectieux fébrile avec céphalées, myalgies diffuses et parfois symptômes méningés. Habituellement on note au surplus une asthénie intense, un aspect vultueux de la face et une injection marquée des conjonctives. Au bout de 4 à 5 jours apparait l’ictère, annonciateur de la période d’état. De teinte jaune orangé, il s’étend rapidement à la totalité des tégu¬ ments et des muqueuses. L’herpès labial est fréquent. Les urines sont rares. foncées, albumineuses, cependant que dans le sang le taux de l’urée s’élève d’une façon parfois considérable mais toujours caractéristique. Quant aux hémorragies, Si elles sont banales dans les pays chauds, elles sont par contre exceptionnelles dans nos contrées, se bornant à des épisfaxis, des pétéchies ou à des hématuries microscopiques. Vers le 7° jour environ survient une défervescence thermique avec débâcle urinaire en même temps que le malade accuse une sensation de bien¬ être soudain. Mais cette phase de rémission est de courte durée : 5 à 6 jours au plus. Bient̂t la température s’élève à nouveau, le pouls s’accélère et les urines se tarissent, tandis que l’ictère, qui avait déjà commencé à décroitre, conti¬ nue à s’effacer peu à peu. C’est la période de rechute très spéciale aux Leptospiroses. La convalescence fait suite à cette recrudescence thermique. Elle est mar¬ quée le plus souvent par un état d’asthénie et de dépression prolongé. L’issue fatale est une éventualité plutôt rare, surtout sous nos climats. Elle résulte moins de l’ateinte hépatique que du blocage rénal et survient 336 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE On sait depuis les travaux d’Inada et Ido que c’est à Spirochoeta ictero¬ hémorragiae clu’il faut autrihuer cette septicémie compliquée d’hépato¬ néphrite. Le parasite, facile à voir à l’ultramicroscope, se présente sous l’as¬ pect d’un filament allongé et sinueux d’une longueur d’une dizaine de microns formé de la sucession d’une vingtaine de spires minces et serrées. Ses extré¬ mités sont effilées et recourbées en un crochet souvent très net. En"se multipliant dans le sang, ce spirochête provoque au bout de quel¬ ques jours l’apparition d’anticorps spécifiques : immunisines et lysines. Quand les auteurs japonais dompèrent à l’ictère infectieux à rechute qu’ils observent dans leur pays le nom de « Spirochétose ictéro-hémorragique ». cette appellation convenait remarquablement au processus qu’ils avaient relevé. Or, il faut bien reconnaitre que les descriptions d’aujourd’hui ne cor¬ respondent plus toujours au, canevas initial. Le cadre nosologique de la mala¬ die japonaise s’est en effet quelque peu élargi en même temps que se multi¬ pliaient les études cliniques. Déi5, en Europe, la rareté des accidents hémorragiques chez l’homme est un fait bien établi, de nature à justifier la dénomination de « Spirochétose ictérigène » actuellement couramment emplovée. Sans hémorragies, la maladie neut également évoluer sans ictère sous le masque d’une Méningite fébrile suivie ou non de rechutes : c’est la Spiro¬ chétose méningée pure de Costa et Troisier à laquelle on devra toujours songer en présence d’un syndrome méningé atténué accompagné d’herpès labjal et d’iniection conionctivale. Tout récemment, plusieurs cas de Spirochétose fébrile pure omt été de même publiés tant, à Paris qu’en province. En l’absence d’ictère, d’hémorra¬ gies, de syndrome méningé clinique ou humoral et de douleurs musculaires. seule une iniection conjonctivale avec photophobie associée à un état infec¬ tieux d’allure hanale permettra de soupconner l’origine spirochétienne que viendront confirmer un séro-diagnostic positif et les inoculations au cobave. Citons encore parmi les Spirochétoses anictériques les formes « nsendo grippales » isolées en 1935 par Kourilsky et Mamou et à qui ne manquent même pas, pour simuler un influenza, la courbature généralisée et le catarrhe rhino-pharyngé. Heureusement que l’éclosion du processus a une saison inha¬ bituelte pour une Crippe, l’intensité anormale des mvalgies et la notion d’un bain récent en rivière amèneront à pratiquer les examens de complément qui conduiront au diagnostic. Toutes ces formes, qu’il s’agisse de la forme classique ou de ses variantes symptomatiques, ont fait depuis quelques années leur apparition dans le Bassin Aquitain y revétant dès lors une fréquence sans cesse accrue. C’est ainsi que P. Bonnel dans sa thèse consacrée aux incidences de la maladie dans la région de Bordeaux a pu en réunir au total une quinzaine de cas, les uns personnels, les autres empruntés à des publications récentes. Si ce chiffre peut paraitre faible, on peut affirmer qu’il est certainement bien au¬ dessous de la vérité, l’enquête poursuivie par cet auteur avant eu beaucoup moins pour but d’établir une Statistique que de définir les aspects séméjo¬ logiques présentés localement par l’affection (voir à la bibliographie les indi¬ cations relatives aux observations de Balard, Bonnin, Brahic. Creyx, Dupérié, de Grailly, Sabrazes, et leurs Collaborateurs). Ajoutons à ce propos que certaines expressions tout à fait originales de la Spirochétose ont été relatées dans le travail de Bonnel, Parmi elles noue mentionnerons surtout la forme paraplégique vue par Creyx et par Fontan, la forme pulmonaire de Guilmain, la forme avec polycholie intestinale de Bonnel et Crevx, enfin une forme avec parotidite décrite par Touzin. Etchegoin à Paris (30 %). MIDI OCEANIQUE 337 En dehors de ces quelques références, nous signalerons que plusieurs autres cas de l’affection ont été observés à peu près vers la même époque tant à Toulouse (Lzard et Tamalet) que dans les Charentes oì la Spiroché. tose ictérigène cotoie désormais un processus assez voisin, la Leptospirose grippo-typhose, auquel nous consacrerons notre prochain paragraphe. Nous avons déjà souligné à plusieurs reprises l’importance que pré¬ sentent les examens de Laboratoire dans l’établissement du diagnostic positif de la Spirochétose ictéro-hémorragique. En réalité, les différents tests pro¬ posés sont loin d’avoir tous la même valeur. Ainsi, la mise en évidence extemporanée du Spirochête dans les urines du malade à partir du 13° jour s’est révélée dans l’ensemble assez aléatoire. Bien préférable parait être déjà l’inoculation au cobaye, soit du sang du sujet à la phase septicémique initiale, soit des urines, plus tardivement, à la phase d’élimination du germe, en vue de déclencher dans l’un et l’autre cas chez l’animal une infection expérimentale. Mais, de tous les procédés, le meilleur semble être la recherche des réactions humorales spécifiques, le Spirochête d’Inada et ldo avant la pro¬ priété de provoquer dans le sang la formation d’anticorps dès le 14° jour de la maladie. Pour être valable, le taux d’agglutination devra atteindre au minimum 1 pour 200, ce taux n’avant jamais été constaté dans les sangs humains normaux agglutinant accidentellement le parasite. De toute façon, ces examene permettront d’éliminer, assez facilement en général, l’ictère infectieux épidémique bénin, les ictères de la Pneumonie, de la Colibacillose et de la Typhoide, enfin la Fièvre jaune, le Paludisme et la Dengue, ces derniers diagnostics étant peut-être moins théoriques qu’on pourrait le penser à priori, le grand port de Bordeaux étant comme on le sait largement soumis à toutes les influences exotiques. En ce qui concerne maintenant l’étiologie de l’infection, nous nous bornerons à rappeler que la maladie est éssentiellement transmise par le rat, soit par contact direct ou morsure, soit beaucoup plus souvent par l’intermédiaire des déjections virulentes de l’animal lorsque celles-ci viennent à souiller les eaux des rivières, des égouts ou des mares. Ainsi s’explique le caractère avant tout professionnel du processus que l’on voit frapper avec prédilection les individus vivant continuellement dans les locaux infestés de rongeurs : égoutiers, dockers, équarriseurs, laveurs de vaisselle, etc. Le travail de Bonnel relatif à la région de Bordeaux appor¬ terait une confirmation supplémentaire à cette notion e’il en était besoin. Il était dès lors tout naturel d’esaver de déterminer l’indice d’endémie murine de l’agglomération bordelaise, conformément aux protocoles habi¬ tuellement utilisés. On sait que l’idée de cette recherche remonte à la première querre mon¬ diale loraque Pettir eut démontré la fréquence du Spirochête chez les rats capturés dans les tranchées. C’est dans ces conditions que Courmont et Durand purent déceler en 1917 un taux d’infestation de 17 % parmi les animaux examinés à Lyon, taux qui devait être sensiblement rétrouvé une quinzaine d’années plus tard par Rochaix, Sedallian et Couture. Des investigations gemblables devaient être poursuivies ultérieurement. avec des résultats d’ailleurs variables, par Carrieu et Sollier à Montpel. lier (5 2%), de Lavergne et Stumpf à Nancy (14 2%). Stephancpoulo puis 3 339 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE 4 Bordeaux, les premières expériences de cet ordre furent entreprises dès 1910-1922 par Ségalas et Pirot qui, examinant 33 rats au Laboratoire de Mandoul, en découvrirent deux susceptibles de transmettre au cobave une Spirochétose typique et mortelle. Mais les travaux de Bonnel ne devaient pas confirmer par la suite les faibles proportions indiquées par ces auteurs. Mettant simultanément en œuvre les moyens les plus complets — examen bactériologique des urines et du sang, culture de fragments d’organes, inoculation au cobave des produits de brovage des viscères, séro-diagnostic — ils allaient aboutir en effet à un taux de 35 % de porteurs de germes parmi les rats sacrifiés dans la ville. Si ce taux n’a rien d’eyceptionnel, s’il est en particulier plus faible que ceux enregistrés à Strashourg et à Bouen, et sensiblement égal par ail¬ leurs à celui de Paris, il s’avère, par contre, nettement supérieur à la moyenne rencontrée, dans les autres grandes agglomérations françaises. Ces constatations, jointes aux données plus immédiates de la Clinique, montrent la menace qui plane aujourd’hui sur la Capitale maritime du Sud¬ Quest, menace d’autant plus grande que c’est par centaines de milliers que l’on pourrait dénombrer les rongeure vivants dans les bas-quartiers de la ville et sur les rives boueuses de la Garonne. D’ailleurs, le danger se trouverait epcore accru du fait de la qualité même des eaux, du fleuve qui, faiblement alcalines, se montrent éminem¬ ment favorables à la conservation et même au développement du Spirochête. Ceci dit, est-il besoin de souligner l’intérêt d’un dépistage soigneux de tous les cas de Spirochétose apparaissant dans la région sous le masque d’ail¬ leurs fréquent d’un ictère infectieux banal2 Ce dépistage devra avoir en tout cas pour corollaire une lutte énergique contre l’extension de la maladie comportant essentiellement la dératisation systématique des égouts et des habitations infestées. B. — LA LEPTOSPIROSE CRIPPO-TYPHOSA. La première relation de cette affection, aujourd’hui d’actualité, parait remonter à 1891, date de la grande épidémie silésienne dont F. Muller nous a laissé une excellente description. Depuis lors, l’Allemagne est demeurée un foyer d’élection pour la maladie qui sévit particulièrement dans les val¬ lées de l’Oder et de l’Elster (épisodes de 1926-1927 avec 5 600 cas, puis de 1939), ainsi que sur les cours supérieurs du Danube et de l’Elbe (1937 et 1939). Entre-temps cependant, le, mal a gagné d’autres pays et notamment la Rusie oi il à provoqué des épidémies massives dans la région de Moscou en 1927-1928 et dans celle d’Odessa en 1932-1935. Enfin, de nouveaux fovers européens ont été mis en évidence durant ces dernières années en Italie du Nord (1939), en Tchéco-Slovaquie (1940) et en Hollande (1941). La France, longtemps épargnée, semble avoir été contaminée aitôt aprèe l’invasion de 1940 par les troupes allemandes d’occupation. Si l’on met à part le cas douteux d’Ostervald observé dans la vallée de la Saône, les premières constatations authentiques paraissent être celles de von Hoesslin et de Jusatz qui, dèg août 1940, décrivirent une petite épidémie parmi les militaires de la Wehrmacht avant pris des bains dans la Charente moyenne. entre. Mansle et Saint-Amand Chez huit d’entre eux le séro-diagnostic pra¬ tiqué par Kathe fut fortement positif, mais aucune souche ne fut isolée. la température qui se maintient en plateau autour de 39 ou 40° pendant MIDI OCEANIQUE 339 A partir de ce moment, d’autres cas semblables ont été signalés par Decourt près de Tours en 1942, puis par Lemierre et ses collaborateurs dans la région parisienne en 1943. Nous aurons l’occasion de revenir ailleurs sur ces quelques faits. Du point de vue étiologique, la Leptospirose grippo-typhosa apparait comme une maladie saisonnière d’origine hydrique. Elle frappe avec prédi¬ lection les sujets jeunes avant pris des bains de rivière ou avant travaillé sur des terrains marécageux. Son éclosion fait suite ordinairement à des inondations d’hiver, lesquelles entrainent une large dissémination du germe pour peu que le sol ait été préalablement souillé. Survienne alors un été chaud transformant en un milieu de culture les eaux boueuses et attiédies des ruisseaux et des marais et aussitôt la contagion peut aisément s’opérer, soit par voie cutanéo¬ muqueuse, soit par voie digestive. De là les appellations de Fièvre de la vase, des marais, des inondations, de la moisson, etc., si souvent données à l’affection, surtout à l’étranger. On a noté cependant, en dehors de ces poussées épidémiques estivales. des cas sporadiques s’échelonnant tout au long de la saison froide. Cette constatation a conduit à envisager l’existence possible d’un réservoir de virus animal et, par analogie avec la Spirochétose ictérigène, c’est aux muridés que l’on a immédiatement songé. Cette opinion a recu sa confirmation à la suite de travaux allemands qui ont révélé la contamination de certaines espèces de campagnols et plus particulièrement du Microtus artatus arvatus (Pallas). C’est sur la foi de ces documents que Mollaret a pu écrire : « quel que soit le bilan ultérieur, l’existence de réservoirs de virus spécialisés peut être considérée comme acquise, et le cycle de la Leptospirose grippo-typhosa est maintenant aussi complet que celui de la Spirochétose ictérigène » (1). Nous avons déjà vu plus haut que c’est la région des Charentes qui¬ en France, est officiellement la première à avoir subi les atteintes de la Leptospirose nouvelle importée d’Allemagne. Or, tout porte à croire que cette atteinte ne restera pas isolée : la souil¬ lure déjà réalisée du sol, la richesse du réseau hydrographique local et sur¬ tout la répétition quasi-annuelle des vastes inondations au cours desquelles les campagnols succombent par milliers sont autant de facteurs qui per¬ mettent de prévoir nour l’avènir de fréquents retours offensifs du processus dans tout ce bas-pays, ainsi d’ailleurs que dans d’autres régions comme cela s’est déjà vérifié (2). C’est à ce double ritre que nous avons jugé légitime de rappeler ici les caractéristiques essentielles de la maladie. Cliniquement, après une période d’incubation qui varie entre 2 jours et 3 semaines l’affection débute très brutalement, terrassant l’agriculteur dans son champ, le maraicher sur ses terres. Cette invasion est marquée par une ascension thermique subite avec sensation de malaise. A la période d’état, le syndrome infectieux reste prédominant : outre (1) Le Microtus arvatus, notre vulgaire campagnol, est un rongeur de petite taille. au corps lourd et trapu, à la queue courte, très vraisemblablement importé d’Allemagne. Essentiellement campaenard, il communique la S.G.T. surtout au paysan sous forme du moins à l’étranger, d’épidémies parfois massives. La S.LH. transmise par les rats d’égouts est au contraire atant tout hne affection des villes, donnant lieu dans certains corps de métiers à des cas souvent groupés, mais toujours très circonscrits. (2) Temoins notamment les cas récents signalés par Andrieu et Parant dans la rivière d’Hers appartenant à p ja banlieue toulousaine (1948). dépassent guère habituellement le centième. 340 LA PATLOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 3 à 5 jours, il se traduit par de l’hypertension artérielle, de l’herpès, et parfois un léger tuphos. Un syndrome méningé l’accompagne dans la règle Mais il est ordi. nairement discret et se horne à une céphalée très vive à laquelle s’adioignent de la photophobie et quelques contractures. Le syndrome digestif est fréqnent, mais demeure habituellement au second plan. Il consiste alors en un état saburral de la bouche avec nau¬ sées et constipation. Mais il peut arriver qu’il domine la scène. Le malade accuse dans ce cas des douleurs abdominales violentes et de la diarrhée qui. au début, sont susceptibles d’égarer le diagnostic. Dans les formes typiques on observe en outre un peu d’albumipurie et de subictère sans qu’on puisse cependant parler d’hépatonéphrite. On attachera une certaine valeur séméjologique à la constatation d’un érythème péricornéen ainsi qu’à l’apparition, vers le troisième jour, d’un exanthême fugace du tronc et des membres revétant un aspect tantôt mor¬ billiforme, tantôt scarlatiniforme. Mais, à vrai dire, il s’agit là de mani¬ festations assez banales au cours de toutes les variétés de Leptospiroses. L’évolution de la maladie est assez particulière. Elle comporte schéma¬ tiquement une défervescence brusque vers le ge jour, suivie, après inter¬ valle de 1 à 4 jours, d’une reprise strictement fébrile et de courte durée. La convalescence commence alors, lente, précaire, laissant après elle une asthénie prolongée. De toute facon, la guérison est de règle et se poursuit. sans aucune séquelle. On a décrit de nombreuses formes cliniques à la maladie en se hasant sur le syndrome le plus marquant. Si l’on met à part la forme avec ictère, exceptionnelle, il faut citer avant tout les formes nerveuses réalisant, soit le tableau d’une méningite vraie avec dissociation albumino-cytologique du liquide céphalo-rachidien, soit celui d’une encéphalite avec délire, myoclonies et paralysies oculaires, soit enfin celui d’une polynévrite avec son syndrome tropho-sensitivo-moteur habituel. Du point de Mue évolutif, il convient d’opposer la rareté des formes mortelles à la grande fréquence des formes frustes malheureusement trop souvent méconnues, ainsi que des formes inapparentes révélées par le Laboratoire. C’est d’ailleurs, le Laboratoire qui aura toujours le dernier mot dans l’établissement du diagnostic. On aura essentiellement recours à l’hémoculture au cours de la phase septicémique initiale, c’est-à-dire, autant que possible avant le 3° jour, puis au séro-diagnostic à partir du 10° jour (1). En pratique, ce dernier pré¬ sente une spécificité suffisante pour permettre l’identification du germe au moyen de l’agglutination qui se fait ordinairement à des taux allant jus¬ qu’au 1/10 000 et même 1750 000, le taux limite de 17100 000 n’axent été qu’exceptionnellement rencontré. Ainsi on pourra éviter toute confusion avec les autres variétés de Leptos¬ piroses surtout et notamment avec les formes atypiques anictériques et méningées de la Spirochétose commune. Il est à noter cependant que cette dernière affection peut entrainer des co-agglutinations, mais celles-ci ne MIDL OCÉANQUE 341 Quant à l’élimination d’une Fièvre éruptive banale, d’une Méningite lymphocytaire ou d’une entéro-colite, elle sera généralement plus facile (1). Tels sont les aspects de la Leptospirose grippo-typhosa, maladie à laquelle il conviendra toujours de penser en présence d’une «Grippe d’été » survenant sans cause évidente dans les plaines souvent inondées des Charentes. Pour notre part, nous sommes persuadés que certains états fébriles « pseudo-grippaux » que nous avons observés dans la région du Centre-Quest au cours de la saison chaude de l’année 1944 ressortissaient à cette nou¬ velle entité morbide. Mais nous n’avons malheureusement pas pu en obte¬ nir à l’époque la confirmation biologique, faute de moyens appropriés. C. — LES LEPTOSPIROSES A « L. CANICOLAY ET A «L. POMONA Y. Encore du domaine des « curiosités nosologiques », ces deux variétés de Leptospiroses viennent de faire leur apparition dans le Sud-Quest de la France (1952). La première de ces affections a été signalée en effet dans la région bordelaise par Saric et ses Collaborateurs qui ont insisté à ce propos sur l’in¬ térêt des formes à symptomatologie digestive. Quant à la seconde, égalemenr dénommée « Fièvre des porchers », elle a été reconnue dans une porcherie de Plaisance-du-Touch, dans le bassin de la Garonne, par Andrieu et ses élèves. Plus extensive que la précédente. elle semble aujourd’hui vouloir envahir la totalité de notre territoire national. En ce qui concerne la description clinique, on est prié de consulter la « Pathologie languedocienne » pour la Leptospirose canicolaire et la « Patho¬ logie alpestre » pour la Fièvre des porchers. (1) Autrefois le diagnostic aurait pu se poser également avec la fièvre récurrente mondiale due à Spirochoeta Obermaveri et inoculée par le pou. Etendue primitivement à toute l’Eurone, ele s’en est aujourd’hui retirée, à la suite surtout des progrès réalisés dans le domaine de l’hygiène. Mais un autre danger menace actuellement la France : il est représenté par une variété voisine, la Fièvre récurrente hispano-africaine provoquée par le Spirochoeta hispanicum et transmise par une tique l’Ornithodorus erraticus. Cêtte affection a été décrite pour la première fois en Espagne par Sadi de Buen en 1926. Depuis, elle a été identiflée au Maroc, en Algérie et en Tunisie entre 1928 et 1933. Sa marche envahis¬ sante a fait redouter un moment qu’elle ne pénêtre dans nos provinecs du Sud-Quest. au moment de l’exode des réfugiés espagpols, un peu avant la guerre. Sans doute l’Ornithodorus erratieus n’existe-t-il pas chez nous, mais E. Sergent a démontré qu’une autre tique, le Rhipicephalus sanguineus, peut servir occasionnellement d’agent vecteur¬ Or ces Rhipicephales sont très fréquents dans la vallée de la Garonne où ils sont déjà responsables, semble-t-il, des quelques cas de flèvre boutonneuse qui y sont observés. Il Y a donc" 15 des faits auxduels i1 convient de prendre garde, la possibilité d’une invasion plus ou moins prochaine de notre versant pyrénéen par cette maladie ne devant pas être méconnue. (Du point de vue bibliographique, se reporter à l’article intitulé: L5 Fièvre recurrente" hispano-africaine Spirochoeta hispanicum, par Ch. Garin. Prese méd, n°s 81, 82, 4 et 8 novembre 1939, p. 1478.). MIDI OCÉANIQUE VI — LA POLIOMYELITE On sait que de minutieuses enquêtes et des recherches expérimentales ont tenté d’élucider un certain nombre de poinus obscurs touchant à l’épi¬ démiologie de la Poliomvélite et plus spécialement au mode de propagation de cette affection, aux conditions qui président à l’ôclosion brusque de ses poussées périodiques, aux facteurs enfin qui engendrent des réactions d’im¬ munité chez une foule d’individus restés apparemment indemnes. Si la théorie de la contagion interhumaine et de la pénétration du virus par voie respiratoire depuis longtemps soutenue par Wichman et par Neter rallie encore la grande majorité des suffrages, il n’en reste pas moins vrai que beaucoup d’auteurs avec Kling admettent aujourd’hui la possibilité d’une contamination d’origine digestive, cependant que d’autres, comme Flexner et Lumsden, invoquent volontiers l’intervention d’un insecte vecteur ou d’un animal réservoir de virus dans la transmission de la maladie. La théorie de la pénétration par voie rhino-pharyngée de l’agent patho¬ gène repose sur tout un ensemble de faits d’ordres à la fois clinique et expé¬ rimental. En sa faveur plaide notamment la quasi constance du coryza ou d’une inflammation pharyngée à la phase initiale de l’affection, la mise en évidence du virus sur les amygdales de sujets examinés en période aigué. enfin la reproduction possible du processus par instillation dans les narines du singe de quelques gouttes de secrétions virulentes. A cet égard, on peut admettre que le virus, dont les affinités neuro¬ tropes sont bien connues, trouve dans le naso-pharynx des conditions émi¬ nemment favorables à son évolution. Le seul point de l’organisme ou les cellules nerveuses sont exposées en surface est en effet la muqueuse olfactive où les fibrilles terminales viennent s’épanouir librement sous une mince couche de mucus. Le germe, apporté de l’extérieur par les gouttelettes de Pflugge ou par les poussières qui résultent de leur dessication, a donc vite fait de franchir le faible obstacle qui s’oppose à sa marche pour gagner les cellules sensitives de l’olfaction et, un peu plus loin, le bulbe olfactif lui¬ même. Si la trace histologique de cette agression n’est qu’assez rarement décelée chez l’homme, elle l’est par contre à peu près constamment chez le singe Rhésus inoculé par voie hasale comme il a été dit précédemment. A partir de ce moment, deux éventualités deviennent possibles : ou bien les lésions en restent à ce stade, le malade faisant dans ce cas une de ces innom¬ brables formes rhino-pharyngées que l’on rencontre en période d’épidémie. ou bien elles se propagent vers la moelle en suivant les trajets nerveux. réalisant alors les formes paralytiques autrefois considérées comme seules existantes. Telles sont, très brièvement exposées, les données généralement admises concernant le peurotropisme fondamental et le mode de pénétration rhino¬ pharyngé habituel du virus poliomvélitique. En réalité, pour classiques qu’elles soient devenues, ces deux notions n’en sont pas moins par trop exclusives ainsi que le démontrent certains travaux publiés au cours de ces dernières années. Il y a lieu de rappeler en particulier que le biologiste T-M. Burnet a pu récemment transmettre expérimentalement la maladie par infection intrader mique au Macacus Rhésus, cependant que le Macacus Cynomolgus s’avérait sensible à l’ingestion de produits virulents. Ainsi se trouvait pour la première fois posé le grand problème d’une éventuelle contamination humaine par la voie digesrive Cete hypotbèse allait bientêt trouver un début de confirma¬ tion dans la découverte du virus dans l’eau de boisson, le lait et le beurre. Plus tard, la détection de ce même germe dans les déjections humaines d’une 3 344 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE part et dans les eaux d’égout d’autre part devait définitivement accréditer l’opinion émise et faire admettre qu’occasionnellement l’infection peut péné¬ trer dans l’organisme à travers la muqueuse intestinale, quitte à s’achemi¬ ner ensuite vers la moelle le long des gaines Iymphatiques des nerfs. Au reste, on a pu observer histologiquement des lésions inflammatoires au niveau des folicules Iymphoides de l’intestin chez certains sujets, lésions moins nom¬ breuses, il est vrai, que sur les amygdales et, de ce fait, peut-être simple¬ ment secondaires à la déglutition des sécrétions pharyngées. Quoi qu’il en soit, et en dépit de quelques faits discordants comme l’ab¬ sence de tout symptôme digestif au débnt de l’affection, l’étiologie hydrique ou alimentaire de la Poliomvélite semble aujourd’hui suffisamment prouvée pour mériter d’être discutée, ou tout au moins envisagée, à l’origine de toute épidémie. Elle explique en tout cas cette constatation devenue banale, et sur laquelle tous les autéurs paraissent d’accord, à savoir la propagation de la maladie le long des voies fluviales et la localisation élective des cas au niveau des plaines humides et dans le fond des vallées. Nous avons déjà vu la Paralysie infantile sévir avec une certaine inten¬ sité en bordure de la mer dans la grande agglomération marseillaise. Nous la retrouverons ultérieurement sur les rives de la Seine et de la Loire, et plus spécialement dans l’Yonne, le Maine, l’Anjou et la Touraine. Vovons maintenant quel a été son comportement dans le vaste bassin d’Aquitaine, tout entier orienté vers l’Océan et partout sillonné de nombreux cours d’eau. A priori, elle, doit y être assez répandue. Pour vérifier cette impression; interrogeons donc les Statistiques locales. L’histoire épidémiologique de la Poliomvélite en France a été magis¬ tralement retracée par P. Lafarge dans sa thèse inaugurale soutenue à Lyon en 1934. Nous puiserons dans cet excellent ouvrage nos renseignements en les complétant bar les quelques données que nous aurons pu recueillir par ailleurs, touchant notamment aux événements de ces dernières années. Les premières relatiops sur la maladie dans la vallée de la Garonne remontent à la fin du siècle dernier. Elles sont dues au Professeur André. de Toulouse, qui signale successivement une petite épidémie à Saint-Gaudens en 1893 et une autre deux ans plus tard dans la même région, marquée. celle-ci, par des formes particulièrement sévères. Des le début de notre siècle, la Cascogne fait à nouveau parler d’elle. Ce sont les épidémies de 1908, 1900 et 1910 décrites toutes trois par P. Bézy et responsables chacune d’une trentaine de cas environ. Pour la première, les atteintes se sont réparties entre quatre fovers prin¬ cinaux : le foyer de Mirepoix (Ariège), le plus important de tous, celui de Castelnau d’Estretefonds dans la Hauté-Garonne, enfin ceux de Cardonne et de Verdun-sur-Garonne. Les deux autres ont intéresé essentiellement Toulouse et ses alentours. débordant par ailleurs sur les départements limitrophes. Pour Netter, cepen¬ dant, la poussée de 1910 aurait eu une extension plus grande. Se chiffrant selon lui à une centaine de cas, elle aurait envahi principalemenc le cec¬ teur compris entre le Cave d’Oloron et le Cave de Pau, avec quelques rami¬ fications dans les Landes, entre l’Adour et cette dernière rivière. énumérés au début de ce chapitre : MDI OCÉANIQUE 345 Vers la même époque, il y a encore lieu de mentionner l’épidémie de Bordeaux de 1913 étudiée par Le Cuziat dans sa thèse et dont le bilan com¬ porte une quarantaine de cas observés pour la plupart dans le Service de Pédiatrie de la ville. Après tous ces épisodes successifs, une période d’accalmie est survenue, qui devait se prolonger pendant une vingtaine d’années. C’est en 1934, en effet, qu’éclata l’épidémie qui devait s’abattre sur toute la région du Sud¬ Quest et plus spécialement sur la Gironde. A cette occasion. L. Brochen a pu dénombrer jusqu’à 90 cas dans ce seul département, dont 54 provenant des Hopitaux bordelais et le reste de villages environnants échelonnés le long de la vallée. Depuis lors, d’autres incidents se sont produits que signalent les Sta¬ tistiques de l’Institut National d’Hygiène. Voici les éléments essentiels que nous avons pu dégager de ces documents, en prenant pour base la période 1938-1945 et en considérant l’ensemble des 17 départements Quest-Sud-Quest Total des cas déclarés au cours de la période de 8 ans 1938,1945 — 759. Départements les plus touchés (avec leurs bilans respectifs) : Avevron (90 cas). Lot-et-Caronne (83). Gironde (74). Dordogne (58). Charente-Maritime (57) et Tarn (53): Répartition des indices de morbidité les plus forts, avec classement pour la France des départements intéressés (moyennes des 8 années) : Au-dessus de 3 pour 100 000 habitants : Avevron (3,83 et 4° rang) : Lot-et-Caronne (3,31 et 8° rang). Au-desus de 2 pour 100 000 habitants : Lot (2,57 et 20° rang); Gers (2, 04 et 38° rang). Entre 1.75 et 2 pour 100 00 habitants : Landes. Vienne Haute. Vienne. Charente-Maritime et Dordogne (entre les 42° et 48° rangs). Total des cas relevés dans la région pendant l’année d’épidémie 1943 : 330. ipartements en l’ocurrence les plus touchés (avec leurs bilans respec¬ tifs) : Avevron (48 cas). Lot-et-Garonne (46), Haute-Garonne (39). Dordo¬ gne (36). Charente-Maritime (27). Gironde (24), Tarn (21). Nous relèverons tout de suite l’incidence sérieuse qu’a eue sur la région du Sud-Quest l’épidémie francaise de 1943. Celle-ci semble s’être concentrée surtout autour de deux fovers hien distincts constitués par le groupement Avevron - Tarn . Lot et-Caronne - Haute-Caronne d’une part, et le groupe¬ ment Dordogne. Cironde . Charente-Maritime d’autre part. De nombreuses publications ont précisé les modalités de cette importante vague de morbidité. parmi lesquelles nous citerons surtout celles de Sorel à Toulouse. Morbidité par Poliomvétite dans le Sud-Quest en 1949-1953 (L.N. H.). 346 LA PATEIOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Quant aux faits récents, ils nous sont également révélés par les Statis¬ tiques de l’Institut d’Hygiène dont voici un extrait pour les années 1949-1953 : Cette documentation, jointe aux précédentes, traduit en définitive, d’une part, une augmentation sensible de la fréquence des atteintes dans le temps et, d’autre part, de grandes variations en ce qui concerne la distribution du processus dans l’espace. Un coup d’œpil d’ensemble jeté sur les donpées numériques enregistrées permet toutefois d’en tirer les deux déductions générales suivantes : Tout d’abord, on peut dire que, localisée à l’origine autour de la. Caronne ainsi que dans la région des Caves, l’affection s’est ensuite large¬ ment diffusée, sans cesser pour autant de conserver une prédilection mar¬ quée pour ses foyers initiaux ainsi qu’en témoigne notamment le tableau ci-dessus. En second lieu, on peut inférer des Statistiques officielles que la région du Sud-Quest se classe pbarmi les provinces françaises comportant une mor¬ bidité poliomvélitique élevée, ceci malgré le nombre relativement restreint des épidémies qui ont jalonné son histoire. On sera peut-être étonné de ces conclusions eu égard à la modicité des chiffres que nous avons recueillis : à peine plus de 2 000 cas en un demi¬ siècle. En réalité, un tel bilan ne doit pas nous surprendre. La Poliomvé¬ lite est en effet, quoiqu’on en puisse dire, une affection relativement rare dont MIDL OCEANIQUE 37 les possibilités de diftusion ne sauraient être comparées à celles d’autres mala. dies épidémiques telles que la Grippe, la Rougeole, la Coqueluche ou la Vari¬ celle. Même dans ses manifestations les plus intenses, elle se borne à fran¬ per quelques individus d’une collectivité, et il est exceptionnel de la voir intéresser simultanément deux membres d’une même famille ou plusieurs habitants du même hameau. Et ceci nous oblige à évoquer l’incertitude qui plane encore sur son mode de transmission et les difficultés que l’on éprouvo le plus souvent à établir une filiation entre les cas suces¬ sivement observes¬ Les autres constatations que nous pouvons faire n’entrainent quère commentaires bien particuliers étant donné qu’elles se rapportent à des faits signalés un peu partout et sans spécificité régionale. lci comme ailleurs, les épidémies surviennent surtout durant l’été ou vers le début de l’automne, ces saisons étant également celles où se manifestent la plupart des cas sporadiques. Il est possible qu’il faille voir là le résul¬ tat d’une certaine « héliophilie » du virus dont la virulence se trouve momentanément accrue à la suite des périodes de forte chaleur. La prédominance de l’affection dans le tout jeune âge reste manifeste dane le Bassin Aquitain comme dans toute autre région (80 %% des cas avant 3 ans), avec cependant une tendance générale à l’élévation de l’âge moyen des atteintes. On sait que ce fait a été expliqué par l’amélioration des conditions de vie des populations et par le développement des mesures de prophylaxie rhino-pharyngées qui, inhibant les formes frustes et inapparentes, retardent l’immunisation spontanée des enfants dont la réceptivité se prolonge ainsi jusqu’à un âge avancé. Du point de vue clinique, nous insisterons, après beaucoup d’autres, sur la fréquence des accidents méningés et des phénomènes douloureux à la phase initiale de la maladie. Et parmi les formes rares, nous citerons les formes encéphalitiques de la Poliomvélite (avec paralysies des nerfs craniens) à opposer aux formes périphériques de l’encéphalite et, susceptibles d’être par¬ fois à la source d’erreurs de diagnostic. Enfin, nous terminerons par une allusion à la thérapeutique que l’on sait être essentiellement à base de sérothérapie et de radiothérapie précoces. (le sérum de convalescent — ou encore le sang maternel — étant ordinai¬ rement préférés au sérum de Pettit). A ce propos, nous rappellerons que des Centres d’immunologie fonctionnent à Toulouse et à Bordeaux qui s’enri¬ chissent chaque jour de nouvelles récoltes de sérum prélevées chez des convalescents ou chez d’anciens malades, et que de gros efforts sont actuelle¬ ment déplovés dans le sens des vaccinations préventives. BIRLIOCRAPHIE 1. Bezx (P.). La Paralysie inf antile et la Meningite cérébro-spinale dans la région toulousaine. Arch, médico-chir, de Toulouse, 1910. 2. BROCuEN (L. -1) Umne épidémie de Poliomvélite dans le Sud-Quest de la France en 1934. Thèse Bordeaux, 1935. 3. Congrès de Méd, de Bordeaux, Gaz, heb, des Sc, méd, de Bordeaux, aout 1895. 4. Chucurr sur la Poliomvélite aptéricure. Soc, de méd, et de chir, de Bordeaux. mars 1927. 5. DUMAS, Contr, à l't, de la Paralysie infantile épidémique. These Toulouse, 1910 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 10. NETTER (A.). La Poliomyélite en France en 1910. Bul. Acad. Md, 23 mai 1911. I1. SAnHAZEA Travaux récents sur la Poliomvélite épidémique. Ga2, hebd. Se, méd, de 12. SOaL. Etude critique de quelques cas de paralysie infantile épidémique. Arch, méd. 13. SOREL (R.). L'pidemie actuelle de Poliomvélite dans la région de Toulouse. Soc, de ooa ae Ftauas nue dthataniastle dtomnse rfonale contre la poloppclnis Journ, méd. de France, ne 4, avril 1935. 348 7. LAFARGE (P.). La Poliomvélite épidémique en France. Thèse Lyon, 1934. 8. LAPORTE. Deux cas de paralysie faciale au ceurs de la maladie de Heine-Médin. Soc, méd. Toulouse, ler juillet 1922. 9. LE CUIT. Une épidemie de Maladie de heine-Médin à Bordeaux. Thèse, Bordeaux. 1913. Bordeaux, octobre 1936. Toulouse, 1910. méd., chir. et pharm. de Toulouse, noy, 1943. 1. 53 Vu. — LES AFTECTIONS TYPHOIDIQUES Les Fièvres typhoides occupent dans la pathologie régionale du Bassin Aquitain une place suffisamment importante pour mériter d’être étudiées avec quelque détail. A — FREQUENCE ET REPARTITION DES FIEVRES TVPHOIDES DANS LE SUDTQUEST. 1. — La sittation avat l’année 1948. Sur la double question évoquée ci-dessus, les deux documents statisti¬ ques auxquels nous faisons habituellement appel vont nous apporter tous les éclaircissements désirables : ils sont contenus, l’un dans le mémoire de Dubreuil rédigé en 1936 d’après les données du Bulletin général de la Sta¬ tistique en France, l’autre dans le travail de Chassagne publié en 1946 dans le Recueil des traxaux de l’Institut National d’Hygiène. Vovons tout d’abord le premier de ces documents où se trouve remar¬ quablement exposée la situation correspondant à la période comprise entre les deux guerres (années 1925-1931) Nous rappelons qu’il a pour base les indices de mortalité typhique (L.Mt.) calculés pour 100 000 habitants, et qu’il a permis d’établir un classement de tous les départements français en fonction des taux relevés. Voici, groupés par catégories, les seixe dépar¬ tements du Sud-Quest, avec le rang (R) que chacun d’eux occupe par rap port à l’ensemble du pays : MIDL OCEANIQUE 349 Avant de tirer des conclusions de ces chiffres, reproduisons donc mme. diatement le bilan dressé entre 1939 et 1945 par l’Institut National d’HIy¬ giène d’après cette fois les indices de morbidité (IMb) établis de la même manière. Afin de rendre la comparaison plus facile entre les deux tableaux nous avons également divisé les départements en quatre catégories selon la proportion des cas déclare Ce qui frappe à première vue lorsqu’on examine ces deux documents. c’est la similitude à peu près complête qui existe entre les renseignements qu’ils fournissent. Ainsi, trois départements paraissent s’y partager les premières places avec des indices dépassant la moyenne générale pour la France qui est de 4,8 pour la mortalité typhoidique et de 21 pour la morbidité : ce sont, d’un cozé la Charente. Maritime et la Gironde sur le littoral, de l’autre la Haute-Garonne à l’intérieur (nous excluons en effet les Hautes-Pyrénées dont la position sur le tableau de Dubreuil est due à des circonstances momentanées sur les¬ quelles nous aurons d’ailleurs à revenir). A l’autre extrémité du classement, avec par conséquent des indices très faibles, ce sont également les mêmes noms qui se retrouvent de part et d’autre, à savoir — au numéro d’ordre près — le Lot, le Gers et la Dors¬ dogne vers l’intérieur, les Landes le long de la Côte. Par contre la systématisation devient un peu plus difficile lorsqu’il s’agit des deux groupements intermédiaires. On remarquera néanmoins que le département des Rasses-Pyrénées figure encore en bonne position, par¬ tageant en cela le sort de la Charente et des Deux-Sèvres dans l’arrière zone côtière, et celui du Tarn situé dans la profondeur des terres. Ainsi se confirme une fois de plus la règle générale définie par Dubreuil suivant laquelle les départements cêtiers sont, de tous, ceux qui payent aux maladies typhoidiques te plus lourd tribut, suivis cet égard d’as¬ sez près par tont l’arrière-pays qu’ils desservent, de même que par certains départements intérieurs à forte densité de population. Cette dernière notion nous amène à gouligner au passage l’importance du tacteur « peuplement » en tant qu’élément favorable à la difusion des cas. C’est lui" sahs doute qui explique, non seulement les taux élevés ren¬ contrés dans la Haute-Caronne et dans le Tarn, mais encore ceux très bas que l’on observe dans les Landes, cependant situées en bordure de la mer. Si l’on envisage maintenant les mêmes nroblèmes, non plus sous l’angle régional, mais sur le plan national, c’est-à-dire par comparaison avec le 330 LA PATHIOLOGIE RŹGIONALE DE LA ERANCE reste du territoire, on arrive à ces deux autres constatations non moins inté¬ ressantes à considérer : 1° Le secteur Cironde-Charente constitme l’un des fovers d’endémo¬ épidémie typhoidique les plus considérables de France. Il s’inscrit avant ceux de Lorraine, de Normandie et de Bretagne, avant même la région pari¬ sienne. Mais, par contre, il vient nettement après tout le Midi méditerra¬ néen, qu’il s’agisse de la Provence ou du Bas-Languedoc, ce qui fait qu’il ne peut guère revendiquer que le troisième rang parmi les zones françaises fortement touchées. 2° Mis à part le secteur précédent, auquel on peut adioindre le grou¬ pement Haute-Garonne - Tarn, les autres départements du Sud-Quest sem¬ blent bénéficier d’une situation relatipement privilégiée en ce qui concerne la fréquence des affections typhoidiques. Constamment placés dans la seconde moitié des listes de classement, ils accusent en effet des taux de morbidité et de mortalité éberthiennes nettement inférieurs aux moyennes générales de la France 2. — La situation depuis l’année 1948. D’après ce qui précède on voit qu’a la fin de 1945 la situation énidé. miologique dans le Midi Océanique pouvait être considérée, en ce qui con¬ cerne les affections typhoides, comme obéissant à des règles simples et pré¬ cises. Ces règles, d'ordre surtout topographique, mettaient en relief l’exis¬ tence de deux foyers infectieux particulièrement actifs : celui de la « Charente¬ Gironde » et celui de la « Haute-Garonne - Tarn ». Nous allons voir, à la lumière de statistiques plus récentes, que cet état de choses s’est depuis lors sensiblement modifié, au moins en apparence. l’évolution actuelle paraissant traduire, outre un abaisement appréciable des indices, un certain déplacement des pôles de haute densité morbide anté¬ rieurement constatés. Indices de morbidité typho-paratyphique pour 100 000 habitants enregistrés dans le Sud-Est durant la période 1949-1953 Comparé au bilan 1939-1945, ce tableau indique en effet, tout d’abord. une régression d’ensemble de la morbidité typhoidique dans le Midi Océanique que l’examen des statistiques annuelles révèle d’ailleurs comme surtout accen¬ tuée à partir de 1951. Cette régression étant générale en France, il n’en résulte pas de variations importantes quant à la position du Sud-Quest par rapport à nos autres régions. MIDL OCÉANIQUE 331 Plus intéresant peut-être, dans le domaine qui nous occupe, est le second phénomène observé, lequel a trait à la répartition géographique désormais différente des atteintes. Tout se passe comme si les typhoses voulaient aujour. d’hui déserter leurs anciens foyers pour se rabattre sur d’autres secteurs antérieurement moins touchés, la vieille loi de Dubreuil relative à la pré¬ dominance littorale du processus paraissant dès lors perdre beaucoup de sa valeur. En réalité, il ne faut pas trop se hâter de conclure en la matière. Si les bouffées épidémiques se déplacent volontiers au gré des circonstances, la trame endémique, elle, demeure beaucoup plus stable. C’est ainsi que des dépar¬ tements comme la Charente-Maritime et les Deux-Sèvres continuent à pâver à la maladie un tribut assez sévère, cependant que d’autres comme l’Ariège. le Cers, le Lot, la Dordogne et les Landes bénéficient toujours d’un régime de faveur. Ceci dit, il faut bien reconnaitre toutefois que quelques change¬ ments se sont produits par ailleurs, la situation s’étant améliorée dans la Gironde et la Haute-Garonne par exemple, pour s’aggraver au contraire dans le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne et surtout la Vienne. Nous savons déjià le rôle qu’il faut faire jouer aux porteurs de germes dans la création de ces nouveaux foyers. Nous n’insisterons pas sur ce fait, avant eu précédemment l’occasion d’envisager un processus semblable à propos du département des Hautes-Alpes. B. — INCIDENCES SPECIALES SUR LE MILIEU MILITAIRE. Pour la période d’avant guerre, nous posédons également à ce sujet, comme nous l’avons vu, une source d’information très précieuse dans les « Statistiques médicales de l’Armée » consultées durant la période comprise entre 1927 et 1936 inclusivement. Il se confirme ainsi, en gros, que pendant les 10 années choisies, les 17° et 18° Bégions militaires dont Toulouse et Bor¬ deaux étaient les centres ont accusé des taux de morbidité typhoidique d’un ordre moyen, s’élevant, respectivement à 0,29 et 0, 11 pour 1000 hommes d’effecif et les classant au 16° et au 17° rang des 20 régions métropolitaines. Gouvernement militaire de Paris compris (Indice moyen pour toute la France continentale : 0,38). De nos jours, la situation est identique, compte tenu des remarques générales formulées dans le précédent paragraphe à propos de la population civile, les 4° (Bordeaux) et 5° (Toulouse) Bégions actuelles accusant des taux de morbidité typho-paratyphoidique de 0. 11 et 0, 16 pour 1000 hommes d’ef¬ fectif qui les élassent dana les tout derniers rangs de nos régions militaires (Statistique de l’Armée, 1951-1952). C. — IMPORTANCE RELATIVE DE L’ENDOMO-ÉPIDÉMIE TYPUOi DIQUE A LA VILLE ET A LA CAMPAGNF. Parmi les règles formulées par Dubreuil, il en est encore une qu’il nous faut maintenant discuter. Elle a trait à la répartition de la mortalité typhoidique suivant le caractère citadin ou rural de la population, les taux des grandes villes dépassant toujours ceux des petites villes et des com¬ munes avoisinantes, exception faite toutefois pour Marseille et les Bouches¬ du-Rhâne (voir pathol, provenc.). Effectivement, quand on, compare les indices de mortalité enregistrés à Bordeaux et dans le reste de la Gironde au cours des années 1925-1931, 382 LA PATHIOLOGE REGIONALE DE LA FRANCE MIDI OCEANIQUE 333 on obtient des chifres qui confirment pleinement l’opinion émise par cet auteur : IM 17,4 Bordeaux . Gironde rurale... 74 9,6 Ensemble du Département... Il en est de même pour Toulouse et la Haute-Garonne dont les indices ont atteint respectivement II. 1 et 7 durant cette même période. D̀s lors, si l’on compare ces résultats avec ceux obtenus dans les quinze autres villes françaises de plus de 100 000 habitants, on s’apercoit que depuis une trentaine d’années Bordeaux et Toulouse se sont constamment mainte¬ nues entre les 2° et 6° rangs du classement, à l’avantage ordinairement du grand port. L’une et l’autre rivalisent surtout avec Nantes et Le Havre, cédant habituellement le pas à Marseille et à Toulon encore plus fortement conta¬ minées. En tous cas, elles laissent loin derrière elles les grandes cités anglaises. allemandes et américaines dont les indices paraissent infimes en regard des leurs (Londres — 0.5: Berlin — 0,6; Hambourg — 1. New-York — 1; Chi¬ cago : 0,4, d’après Déquidt pour 1931-1933). Nous indiquons ci-dessous, à titre documentaire, les taux afférents à chacune de nos principales agglomérations urbaines pendant la période sep¬ tennale 1925-1931, ces taux étant à rapprocher des tableaux que nous avons déja reproduits à propos de la pathologie provencale. Poursuivant plus en détail ses études sur la distribution des affections typho-paratyphoidiques autour de l’estuaire de la Cironde. Dubreuil a fait paraitre comme complément à son travail fondamental de 1936 toute une série de publications précisant notamment l’importance relative de l’endé¬ mo-épidéphie dans les différents quartiers de la capitale girondine ainsi que dans les divers secteurs de la bahlieue. Nous pouvons résumer comme suit les conclusions auxquelles il est parvenu : 1. — A Bordeaux même les déclarations sont surtout nombreuses dans les quartiers du Centre (entre les Cours et la Garonne) et dans les quartiers du Sud apparemment encore plus touchés: 2. — Dans la hanlieue immédiate les localités situées sur la rive gauche du grand fleuve (Bègles, Talence, Pessac. Cauderan. Le Bouscat) semblent paver un plus lourd tribut que celles placées sur la rive droite (Lormont, Cénon. Floirac. Latresne), lesquelles sont cependant loin d’être épargnées; 13 A 384 1A PATHIOIOGIE BEGIONALE DE LA FRANCE 3. — Plus loin, la maladie parait se répandre électivement le long du cours de la Garonne jusqu’à Cadillac, le long également de son affluent, la Dordogne, en direction de Saint-Emillion, enfin, transversalement dans toute la zone comprise entre le bec d’Amhès d’une part et le confluent Isle¬ Dronne d’autre part. En dehors de ces trois secteurs hien définis, le reste du département apparait comme proportionnellement peu atteint, hormis peut-être les alen¬ tours du bassin d’Arcachon ainsi que les abords du Verdon et de Royan de part et d’autre de l’embouchure de la Gironde. Dans l’ensemble, on peut dire que la répartition des cas semble obéir a la loi de la plus forte densité de la population, les autres facteurs ne pré¬ sentant qu’un intérêt assez secondaire. D. — ÉTIOLOCIE DES. AFEECTIONS TYPUO- PARATYPHOIDIQUES DANS LE SUD-QUEST. Parmi les causes d’infection typhoide, la contamination, par les eaux de boisson occupe dans la région du Sud-Quest comme partout ailleurs une place de premier plan. Il n’est pas douteux qu’elle se retrouve à la base de toute une série d’épisodes épidémiques, plus ou moins localisés dans l’espace, mais toujours caractérisés par un début hrusque, une extension rapide et une évo¬ lution de courte durée, le fover s’éteignant généralement dès l’intervention des Services d’Hygiène. Parfois ces « bouffées » soudaines ne retentissent que modérément sur les taux de morbidité et de mortalité annuels des départements intéressés. comme par exemple dans le Tarn-et-Garonne en 1925 (IMt : 6,9) et dans le Lot-et-Garonne en 1928 (IMt : 5,7). D’autres fois, au contraire, elles se montrent beaucoup plus sévères, entrainant notamment en 1931 un indice de mortalité de 21,6 dans les Hautes-Pyrénées à la suite des événements de Bagnères-de-Bigorre. 4 la campagne, ces incidents relèvent habituellement de la souillure des. puits, trop souvent mal protégés contre les infiltrations. C’est à ces faits que Trocmé attribue la plupart des cas de Typhoses observés dans la Cha¬ rente-Maritime, leur multiplication au cours de ces dernières années parais¬ sant avoir été singulièrement favorisée par l’exode, l’occupation et les périodes de forte sécheresse. On retrouve la même opinion exprimée par Decressac à Angoulême, ce praticien accusant également les puits d’être à l’origine des nombreux cas rencontrés dans les Charentes, en particulier dans le sec¬ teur de Ruelle-Villagron où les nouveaux arrivants se révèlent d’ordinaire beau¬ coup plus sensibles à l’agresion que les autochtones déjà prémunis par leurs contacts antérieurs. Dans les Landes, par contre, il faut bien reconnâtre qu’en dépit de l’usage habituel de l’eau des puits, les contaminations demeurent dans l’en¬ semble assez rares, le terrain sablonneux jouant très probablement ici le rôle d’un filtre puissant. Les enquêtes épidémiologiques effectuées dans ce département démontrent d’ailleurs la plupart du temps que la maladie pro¬ vient du dehors, qu’elle ait été contractée auprès de sujets étrangers au pays ou à l’occasion de vovages effectués à l’extérieur, dans les zones ou règne une forte endémicité. Ces remarques nous amènent tout naturellement à envisager l’influence que peut exercer la composition géologique du terrain sur la distribution tocale des affections typhoidiques. A priori, il semble bien que ce rôle soit manifeste puisqu’il est possible d’opposer, ainsi que nous venons de le voir. ae rercce des gcrcIntes se e con sapronmeax des Landes à leur fréquence blement les mêmes dans des régions géologiquement tres differentes comme 35 MIDI OCÉANIQUE relative sur les calcaires fissurés des Charentes et du Perigord. En realité. la question mérite d’être envisagée de plus près et, à ce propos, nous ne saurions trop insister sur l’intérêt d’un travail publié en 1934 par Delteil. alors Inspecteur d’Hygiène du Lot-et-Caronne, sur les incidences spéciales de la Typhoide dans ce département au cours des précédentes années. Ce qui augmente probablement là portée de cette étude, c’est que la portion de territoire considérée par l’auteur constitue une « mosaique » véritable ou se trouvent en quelque sorte représentés les principaux types de terrain figurant sur la carte d’Aquitaine. Voici, très suceinctement rapportées, les constata¬ tions qui ont été faites à la suite de cette intéressante prospection : Géologiquement, le sol agenais se partage en quatre zones tout à fait distinctes : J. — Des pays de terres très calçaires, dits « pays de serres », situés dans l’angle aigu que forme le Lot avec la Garonne. Le terrain y est très souvent fissuré. Les bourgs perchés s’alimentent depuis des siècles à des puits très profonds ou à des fontaines juchées à flanc de coteau. Partout un large périmêtre de protection apparait comme logiquement nécessaire; 2. — Des pays « de terres fortes » plus ou moins pauvres en calcaire, correspondant aux mollasses de l’Agenais, de l’Armagnac et du Quercy. L’ar¬ gile forme ici dans le sous-sol des couches plus ou moins continues mais suffisantes néanmoins pour constituer des nappes souterraines. Les puits ont une profondeur variant entre 6 et 10 mêtres. Les causes d’infection sont favorisées par le défaut fréquent d’étanchéité des forages (barbaçanes instal¬ lées au ras du sol). 3. — Des boulbènes et des limons répandus de part et d’autre du lit de la Caronne et assurant à toute la vallée sa remarquable fertilité. Dans les boulbènes, la « balmo », couche siliceuse, retient l’eau à faible profondeur. Dans les limons, l’eau est presque en surface : il suffit de creuser à peine pour rencontrer la nappe. Dans l’un et l’autre cas, les causes d’infection se trouvent portées à leur maximum : extrême perméabilité du sol transformé en une véritable éponge, absence de filtration naturelle, fréquence des inonda¬ tions, multiplication des souillures telluriques le long du chapelet continu des habitations. 4. — Les sables landais, enfin, occupant un faible secteur en arrière de Castelialoux. Composés d’éléments quartzeux très fins, ils recouvrent une couche imperméable peu profonde dénommée « alios ». Les puits sont fré¬ quents, accessibles aux souillures superficielles, mais plongent au travers de la masse filtrante qui surplombe la nappe. Théoriquement, la fréquence des contaminations hydriques dans le Lot¬ et-Garonne devrait suivre l’ordre décroissant ci-après : zone des limons et des boulbènes, zone de serres et des terres fortes, sables landais. Or, voici quels ont été les taux de morbidité typhoidique enregistrés dans chacun de ses secteurs au cours de la période choisie : On voit donc qu’en dehors de la zone alluviale, les résultats n’ont pas été du tout ceux auxquels on pouvait s’attendre, les taux avant été sensi¬ 357 MDI OCÉANIQUE les terres fortes et les sables landais, et s’étant avérés par contre très variables sur un même terrain, puisqu’ils sont netement plus élevés sur les sables de l’Agenais que sur le socle identique du département des Landes. C’est dire qu’il faut sans doute chercher ailleurs que dans la composition du sol le facteur déterminant qui conditionne la répartition de la Fièvre typtoide dens un pays. Et ceci nous amène tout de suite à ouvrir une parenthèse. Le danger permanent cré́ par l’utilisation des puits a incité les bygié¬ nistes à rechercher ailleurs la solution du problème des eaux d’alimentation dans les campagnes. Depuis quelques années, les adductions d’eau potable dans les communes rurales se sont largement multipliées à partir de captations soi¬ gneusement sélectionnées, effectuées plus ou moins à distance, aux dépens de rivières ou de sources. Malheureusement les installations qu’elles nécessitent entrainent souvent des trais élevés que les municipalités ne sont pas toujours en mesure de supporter. A cet égard, la région du Sud-Quest ne semble pas briller particulièrement par l’importance de son réseau de canalisations. Si l’on en juge par le tableau de Dubreuil dont nous reproduirons ici un extrait, on s’apercoit aisément que les départements qui la composent se situent parmi ceux de France qui sont les moins bien desservis. Pourcentage par département des Communes pourvues d’adduction d’eau potable en mars 1933 Ces quelques données montrent qu’il y a encore beaucoup à faire avant d’avoir pu doter l’Aquitaine du contingent d’eau potable qui lui est indis¬ pensable. Néanmoins, nous ne pensons pas que ce soit sur ce plan qu’il faille uniquement rechercher la solution du problème de la contagion typhi¬ que, l’expérience avant maintes fois prouvé que les départements les mieux desservis n’étaient pas obligatoirement les moins touchés. D’autres facteurs interviennent sans aucun doute pour conditionner la fréquence et la répar¬ tition des cas. Et c’est ici qu’apparait le rôle prépondérant du « facteur humain » que celui-ci agisse par l’intermédiaire des fortes densités de popu¬ lation éminemment favorables à la pollution tellurique (1), ou à la faveur de certaines erreurs dans le domaine alimentaire ce que nous avons déjà eu l’occa¬ sion de dénoncer. Ce sont ces deux ordres de faits que nous allons main¬ tenant passer en revue. De toute évidence, c’est dans les villes, et surtout dans les grandes villes que se manifestent au mieux toutes les influences líes à la densité de L’habitat. Actuellement, on peut dire que la totalité des agglomérations urbaines s’est assurée un système d’adduction d’eau potable susceptible de satisfaire à l’ensemble des besoins de la population. C’est ainsi qu’Angoulème utilise (1) A noter à ce propos que les traitements modernes de la fièvre typhoide par les antibjotiques, sils écourtent la maladie et évitent les complications, se montrent parfois impuissants à supprimer les dangereux portages de gerines qui entraineront Mltérieurement de nouveaux cas de contagion. sement. 33 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE l’eau de la Touvre et Villeneuve celle du Lot, cependant qu’Agen préfère s’adresser à la nappe souterraine des couches profondes au moyen d’un puits artésien creusé au travers des limons, Partout cette eau est épurée avant sa distribution. Dans la capitale girondine la question a été résolue de la façop sui¬ vante, selon l’exposé fait par A. Dubreuil dans son article de juillet 1938 : « Bordeaux reçoit ses eaux par deux aqueducs, l’un de 15 Kilomêtres. l’autre de 40 Kilomêtres environ et une conduite sous pression. Ce mode de transport de l’eau par gravité nécessite une surveillance constante, et l’origine de certaines eaux oblige à une purification préalable. Les eaux des réservoirs sont l’objet de vérifications hebdomadaires, celles des conduites de distribution sont surveillées journellement. La verdunisation et, parfois, la double verdunisation (au captage et à la distribution) assurent à la ville une eau généralement exempte de germes. « La banlieue de Bordeaux est presque entièrement alimentée par la Société Lyonnaise des Faux (Bègles, Villenave-d’Ornon, Talence, Pessac. Mérignac. Cauderan. Le Bouscat. Bruges. Eysines). Prises sous pression, ces eaux verdunisées sont toujours très pures (vérifiées deux à trois fois par semaine). Elles recevront un nouveau contingent d’un forage de 300 mêtres qui donnera une eau naturellement pure. « La même Société assure la distribution d’eaux artésiennes très pures. à Bassens. Carbon-Blanc. La Grave, Ambarès. « Cénon Floirac Bouliac, ont des eaux provenant d’émergences dans les falaises de, la Cironde. Elles sont discutahles à leur origine et générale¬ ment purifiées avant distribution. » Comment s’expliquer dès lors qu’en dépit de toutes les précautions prises la Typhoide fase encore dans les départements girondins d’aussi grands ravages2 Comment s’expliquer en particulier que ce soit précisément dans la zone où les eaux sont les mieux surveillées et bactériologiquement les plus pures (Bordeaux et sa baplieue) que l’on enregistre constamment le plus grand nombre de cas de Dothiénentérie, les taux se révélant beaucoup moins éle¬ vés dans le reste du département pourtant soumis à des règles d’hygiène sensiblement moins sévères2 Bien entendu, on peut invoquer à l’origine de certains incidents des causes bien précises. Tout d’abord il y à lieu d’inerimiper le maintien en usage de zieux puits séculaires aux eaux éminemment suspectes. Cela se voit, non seulement dans les campagnes, mais encore dans certaines villes, plus spécialement dans les quartiers périphériques. On peut de même accuser parfois le mauvais choix d’un captage (la nappe souterraine étant par exemple utilisée après un parcours plus ou moins prolongé sous l’agglomération), la défectuosité des canalisations dont les fis¬ sures accidentelles favorisent souvent les infiltrations malsaines, une javellisa¬ tion insuffisante comme cela s’est vu notamment en 1936 dans une localité assez importante de la région. Tous ces faits peuvent à la rigueur expliquer l’éclosion de temps à autre de petits foyers ordinairement circonscrits, tels que celui de l’Asile de Cha¬ teau-Picon signalé en 1935 par Quéroy. Pauzat et Larue, lequel occasionna au total 72 atteintes en 5 mois parmi les 1 500 pensionnaires de l’Etablis¬ VUNE 390 Mais, par contre, ils ne peuvent suffire à rendre compte de cet état d’endémie permanente qui règne qujourd’hui encore dans la basse vallée de la Caronne ainsi que dans les Charentes, en dépit des efforts déplovés par les hygiénistes. Ainsi, on arrive à cette même conclusion, 3 savoir que c’est en dehors des causes hydriques habituelles qu’il faut rechercher le point de départ du mal persistant observé dans le pays, et plus spécialement dans la zone côtière. Et ceci nous amène une fois de plus à envisager le problème déjà tant débattu des contaminations d’origine coquillière. Il est assez courant dans le Midi atlantique d’entendre vanter la haute salubrité des pares à huitres, d’Arcachon et de Marennes, et de voir nier du même coup toute possibilité d’infection humaine par les coquillages locaux. Ces crovances ne reposent en réalité que sur une méconnaissance com¬ plête des conditions dans lesquelles ces mollusques sont livrés à la consom¬ mation. D’abord entreposés à leur sortie des centres d’élevage dans des eaux parfois plus que douteuses, ces derniers risquent ensuite de subir sur les lieux même de vente les redoutables manipulations du retrempage destinées à leur conserver leur fraicheur primitive. C’est ainsi que sur les quais de Bordeaux on voit encore, bien que plus rarement il est vrai, les commercants arroser avec l’eau du ruisseau leur marchandise après lui avoir fait passer la nuit dans l’eau non moins infecte du port. Et que dire des autres coquillages (moules, palourdes, etc.) qui n’ont même pas l’illusoire avantage de la pureté à l’origine. Cueillis le plus sou¬ vent sur des rochers baignant dans une eau fangeuse, comme ceux de Val¬ lières, ils sont’ensuite expédiés en vrac sur Bordeaux où on les retrouve sur le marché libre exposés aux mêmes causes de souillure que celles que nous venons d’indiquer. Ceci dit, il n’y a plus lieu de s’étonner des résultats obtenus par Dubreuil et Normand à la suite d’analyses bactériologiques effectuées vers 1935 : — Huitres provenant de pares du Bassin d’Arcachon (10 échantillons) : absence de colibacilles. Huitres provenant d’un dépêt considéré comme suspect par les auteurs (2 échantillons) : 200 à 300 colibacilles par litre d’eau intervalvaire. Huitres prises sur les lieux de vente à Bordeaux (26 échantillons): 5 échantillons sans colibacille; 18 chantillons avec 100 à 9 000 colibacilles par litre d’eau — 6 000 à 2 116 000 germes par centimêtre cube. Moules vendues à Bordeaux (13 échantillons) : 12 échantillons avec 6 à 20 colibacilles pour 10 mollusques 11 000 à 1 800 000 germes par centimêtre cube. Ainsi, en ingérant la pluparr des pellucques mie en vente d'apc 1a Gironde on est assuré d’ahsorber des eaux contenant de 100 à 10 000 coli¬ bacilles, c’est-à dire considérées comme mauvaises ou dangereuses suivant la terminologie des hygiénistes. Bien plus. Brisou avant systématiquement recherché les germes du groupe typhique dans ces eaux a pu déceler 1 fois le bacille paratyphique A, 3 fois le bacile paraynhique R et 3 fois également des Salmonella sur une soixan¬ taine de lors d’huitres prélevés à Bordeaux et livrés au commerce avec ou sans étiquette de salubrité. 360 Ajoutons encore à cela que cette situation n’est nullement spéciale au grand port côtier. A Toulouse, les coquillages venant du littoral sont égale¬ ment souillés au point qu’il est parfois impossible d’effectuer pratiquement la numération des germes qu’ils renferment, certains échantillons en conte¬ nant jusqu’à 40 millions et même davantage. Des lors, on se sera pas surpris des conséquences que de tels faits peuvent avoir sur la santé publique. A Bordeaux même, au cours d’une enquête menée durant le premier A PadN, Pan, uL sour don Pt pane, dnt l Pemie de boisson, 19 fois les coquillages, 4 fois les légumes et le lait, 62 cas étant demeurés inexpliqués. Semblablement. Dubreuil a pu atribuer à une origine ostréaire la forte épidémie qui s’est abattue sur la ville et sur quelques localités avoisinantes. occasionnant 110 déclarations officielles en 1944 et permettant d’enregistrer exactement le double d’examens positifs à l’Eberth dans les différents Labo¬ ratoires intéressés. Or, l’enquête permit d’établir que cet épisode devait être insputé à un expéditeur du Bassin d’Arcachon qui, un peu auparavant. avait présenté une sorte de « dérangement intestinal ». A ce propos, nous ne saurions trop dire à quel point il faut se méfier de ces « dérangements d’entrailles » qui, dans le pays, ont recu les appellations euphémiques « d’arcachonnaise » ou de « royannaise ». La conclusion que l’on peut tirer de ces quelques exemples — que l’on pourrait d’ailleurs facilement multiplier — est que seule une politique sani¬ taire énergique, ét éclairée est capable de mettre fin à cette situation qui aggrave singulièrement la morbidité typhique dans le Sud-Quest, condition¬ nant même, selon certains auteurs, une bonne moitié des cas de contami¬ nation observés. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE J. BRISQU (J.-F.). Recherches sur l’état de contamination des hnitres livrées à la consommation bordelaise. Thèse, Bordeaux, 1933 2. DECRESSAC (J.) (Angoulême). Corresp, pers, 31 octobre 1947. 3. SETEIL. La défense de la santé publique en Agenais. Monographie. Impr, moderne. Agen, 1934. 4. DELTEL. Eau potable et constitution géologique du sol. Presse méd., 21 noy. 1934. p. 1881. 5. DLBREUIL (G.). L’Endémie typhique du littoral français. Bull. Acad. Méd, 9 juill, 1935. 6. DURREUIL (G.). Situation de Bordeaux et de la Gironde à l’égard de l’endémie typhique SIBLIOGRAPHIE Or, ceux-ci comportent, outre les Goitres, toutes sortes de dystrophies et de malformations dont les chiffres ci-dessus ne peuvent manquer précisément de nous donner une idée d’ensemble. A première vue, il serait logique de leur imputer une fréquence parti¬ culière dans les pays dont le terrain est pauvre en calcaire. En réalité, le tableau ci-dessus est loin de venir confirmer cette opinion à priori. C’est dire que d’autres facteurs entrent certainement en ligne de compte : carence en d’autres principes fondamentaux conditionnés par le terrain (phosphore. magnésium), ou par l’alimentation (taux de blutage des farines), particula¬ rités locales concernant le mode de vie et l’habitat, etc. Inutile de soulignex combien il serait intéressant de pouvoir approfondir toutes ces notions en procédant à la- vaste enquête que nous avions projetée mais que nous n’avons pas pu mener à bonne fin, n’avant trouvé aucun écho auprès des Pouvoirs publics réputés compétents (1). MIDI OCÉANIQUE 321 VIL. — LE PALUDISME, L’AMIBLASE ET LES AFTECTIONS PARASITAIRES Le Paludisme a aujourd’hui à peu près complêtement disparu de nos départements du Sud-Quest, comme d’ailleurs de la plupart des régions fran¬ caises autrefois soumises à ses atteintes, ladis très répandu autour de Roche¬ fort, Brouage, Marennes et même Bordeaux, dans les vallées marécageuses de la Charente et de la Seudre, ainsi qu’aux approches des étangs de la Double, le mal n’a pu en effet survivre aux vastès travaux d’assainissement entrepris depuis bientot une centaine d’années (1). Parmi les publications locales réservées à la question, l’une des plus importantes est, sans contredit, la thèse de L. François consacrée en 1933 à l’histoire du Paludisme autochtone dans la circonscription de Rochefort¬ sur-Mer. Selon cet auteur, alors que Rochefort n’était encore vers les débuts du XVIle siècle qu’une petite bourgade perdue au milieu des marais à l’extré¬ mité d’un promontoire roçailleux, la Malaria y sévissait déjà, favorisée sans doute dans son développement, d’une part par l’entassement de la popula¬ tion dans des quartiers sordides, d’autre part par le mauvais état des digues transformant constamment les riches marais salants en d’immondes cloaques. générateurs d’une humidité malsaine. Par la suite, la situation ne devait guère s’amender, de nombreuses fautes avant été commises et notamment l’installation en plein cœur de la ville d’un important contingent de Troupes, puis, en 1766, d’un bagne, fatale¬ ment destinés l’un comme l’autre à devenir la proie du fléau. Certains détails révélés par J. François nous renseignent d’ailleurs sur la gravité des noussées épidémiques alors observées. C’est ainsi qu’en 1780 il y eut au bagne une proportion de décès de 628 pour 1000. Et, en 1827. le nombre de %62 malades existanr le 20 juiller à l’Hêpital de la Marine s’accrut jusqu’à 759 en dix jours, pour atteindre 1 487 en fin août et diminua ensuite au cours du mois de septembre (Thévenot). Dans ces conditions, il devenait urgent d’agir si l’on voulait éviter à la population d’être décimée par ces offensives meurtrières. Des mesures furent donc prises en vue d’assécher les marais et d’améliorer l’hygiène de la ville L’application de ce double programme ne devait pas tarder à porter ses fruits En peu de temps on put, en effet, assister dans toutes les Charentes à uhe baisse rapide et profonde de la morbidité malarienne. A l’heure actuelle, il est habituel de considérer l’endémie roche¬ fortaise comme entièrement épuisée. Elle ne l’est peut-être pas tout à fait cependant, si l’on en juge par certains faits récemment sighalés parmi lesquels se placent 7 observations recueillies entre 1932 et 1934 par J. François lui-même, observations relatives à des contaminations autochtones survenues à Rochefort. Brouage. Soubise et Moèze, et comportant toutes la confirmation du Laboratoire (Plasmodium vivax). (1) Les trois départemehts de Charente-Maritime. Gironde et Landes, se classaient autretois parmi les plus riches en marécages de notre teritoire. Montfalcon, en 1826 leur attribuuit respectivement 66700, 37,000 et 18,000 hectares de marais, chiffres qui n’ont évidemment plus aueun rapport avec la situation actuelle. parfois difficile. d’une manière à peu près absolue. 362 LA PATHOLIOGIE REGIONALE DE LA FRANCE En 1952, 34 observations identiques sont rassemhlées par Leproux, con. cernant des manifestations palustres également à Plasmodium vivax avant évolué dans la Charente-Maritime entre les années 1938 et 1952. A ces cas ofrant l’aspect typique de la Fièvre tierce bénigne, il convient certainement d’en ajouter d’autres, fréquents surtout chez l’enfant, concer¬ nant des formes frustes ou des formes à début insidieux d’un diagnostic Bien entendu, toutes ces manifestations sont désormais insignifiantes en comparaison de celles du passé. Elles suffisent néanmoins à justifier la pour suite dans le pays des mesures de prophylaxie précédemment édictées, visant notamment à la destruction systématique des gites d’anophèles. C’est à peu près aux mêmes conclusions que l’on aboutit en ce qui concerne le Paludisme dans la Double bien étudié par Sénevet en 1923. On sait que la Double est une petite région forestière toute parsemée d’étangs située en Dordogne, entre les vallées de l’Isle et de la Dronne. Autretois infestée de Malaria, elle a réussi également à s’en débarrasser MDI OCÉANIQUE 363 Elle y est parvenue grace à l’assèchement des marais commencé vers 1872. à la duininisation intensive de la poplation réalisée en grande partie par les Trappistes du Monastère d’Echournac et, surtout, aux améliorations consi¬ dérables apportées aux conditions de vie de l’habitant, Jadis misérable, celui-ci jouit aujourd’hui d’une belle aisance due essentiellement à la mise en valeur des terres soustraites aux inondations. Beste la région bordelaise, Ici le problème se trouve quelque peu com¬ pliqué du fait de la présence de nombreux réservoirs de virus, malades rapa¬ triés d’Afrique pour la plupart. Au cours des siècles passés, le Paludisme s’est manifesté à maintes reprises dans le pays, sous forme d’épidémies provoquées surtout par des travaux de terrasement et de drainage imprudemment conduits. C’est ainsi qu’en 1805 un curage intempestif de la Peugue effectué en été entraina une poussée très violente qui conta la vie à 3 000 personnes (Coutanceau). En 1854, un nou¬ vel épisode eut pour cause l’obstination des éleveurs de sangsues exercant leur activité dans les marais de Bordeaux et de Bruges. En 1895, enfin, une dernière épidémie éclata à l’occasion des travaux des docks et fut d’ailleurs plus importante par la gravité des cas que par leur nombre. Debuis le début du XX° siècle, d’autres incidents sont survenus, mais leur développement est allé en se limitant de plus en plus grace aux mesures de sécurité prises. Entre 1920 et 1922. Fournials a pu observer 6 cas parmi des enfants n’avant jamais quitté Bordeaux, et 4 cas parmi des militaires n’avant fait aucun séjour hors de France (3 d’entre eux venaient de passer quelques jours au Camp de Souge, à 20 Kilomêtres du grand port). En 1930, nouvelle poussée : 6 cas autochtones sont à nouveau enregis. trés chez des pilitaires revenant du Camp Guvnemer, au voisinage de Bordeaux. En 1932, une petite épidémie éclate au Camp de Souge même. Là se trouve du reste une lagune étendue dénommée l’Ous. Le diagnostic est con¬ firmé par le Lahoratoire qui identifie 3 fois du Pl, vivax et 5 fois du PI. falciparum. L’éclosion de ces trois poussées récentes d’origine autochtone en moins de 15 ans pose évidemment la question des réservoirs de virus. Il existe sans doute un virus local, vraisemblablement « campagnard ». C’est ainsi que pour le Docteur Robert, de Saint-Médard, cité par Despujols. le Paludisme existerait à l’état endémique dans les villages de Saint-lean¬ d’Illac. Bargeton. Santuges. Salaunes (près de Souge), déterminant chaque année des explosions endémiques à la saison chaude. Quoiqu’il en soit, on rencontre des gites d’Anophèles à Bordeaux même ou dans son voisinage immédiat : quai de Baçalan, quai des Chartrons, allée de Boutaut (camp Guynemer), cours Brandebourg, gare du Médoc, rues Fon¬ daudège. Saint-Seurin. Peugue. Devèzes, ligne de Bavonne, rue de Bègles. boulevard Bose es rues Palière, la Bastide, les Gravières, le Souys. Niclot signale en outre d’autres gites dans les Marais situés au nord de Bordeaux. à Blanquefort, et à Bruges. Enfin, il est fait mention par divers auteurs de nids d’Anopbèles à Saint-Médard. Montferrand. Lesparre. Soulac, le Ver¬ don; en direction de Cazaux, d’Arcachon et du Bazadais. Ainsi, tout ce secteur côtier, infesté par la Malaria durant des siècles. constitue encore un terrain favorable à son développement. Pour Despujols, cete attraction est due surtout au débarquement dans le pays d’importants contingents coloniaux et indigènes, débarquements que certaines circonstances peuvent rendre par moments intensifs. « Il faut donc s’attendre à y voir autochtones dans la Charente-Maritime. 364 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE apparaitre encore, par importation de virus, de petites épidémies que, selon toute vraisemblance, il sera facile d’enraver, » On remarquera que nous ne faisons guère allusion ici au Paludisme tandais. Pourtant, jusqu’à une date toute récente, le pays était couvert d’étangs et de marécages, parfois réunis entre eux par des cours d’eau presque immobiles, conditions éminemment propices au développement de la maladie. Celle-ci y a effectivement prospéré jusqu’au jour où la création de forêts de pins et le drainage l’en ont fait disparaitre. Actuellement, il ne subsiste plus. en réalité, que le point névralgique de Cazaux où quelques cas sporadiques apparaissent encore par intermittences, d’ailleurs vite jugulés. En définitive, on peut dire que de nos jours, mis à part les rares caa signalés dans les Charentes et dans le Bordelais, le Paludisme autochtone a été pratiquement éliminé de nos régions littorales du Sud-Quest où il exer¬ cait encore, il y a à peine un siècle, d’importants ravages (1). BIBLIOCRAPHIE Bordeaux, 5 octobre 1933. militaire. t. 104, n° 3, mars 1936. 4. FOURNIALS. Le Paludisme, autochtone à Bordeaux. Thèse, 1922. 5. FRANCOIS (J.). Le Paludisme autochtone à Rochefort-sur-Mer. Thèse, Paris, 1935. 6. GALLAIS (G.). Le Paludisme en France autretois et aujourd’hui, Thèse, Paris, 1925. 7. LARESOLE (F.-A.), Topographie médicale de la Teste-de-Buch. Thèse, 1835. 8. LEPROLX. Le Paludisme autochtone en Charente-Maritime, Thèse. Bordeaux, 1952. 9. NIcLoT. Un chapitre de l’histoire du Paludisme, Bull. Soc, path, exot,. t. II1, 1910, n° 9. 10. PASCAL. Contribution à l’histoire du paludisme à Rochefort Thèse. Bordeaux, 1919. 11. ROCHAIX (A.). La régression et l’extinction spontanée de l’endémie palustre en France. Journ, méd. Lyon, 1935, n. 353. (1) Un excellent article tout récent du professeur Sigalas et de ses collaborateurs apporte un point final à la question du Paludisme dans le Sud-Quest de la France en permettant notamment de fructueuses comparaisons entre le foger landais et le fouer charentais dans leur situation actuelle. Du point de vue topoaraphique, le reliquat landais comporte aujourd’hui cina petits foyers distincts et bien localisés occupant la pointe de Grave, le Bordelais autour des marais de Bruges et Branquefort et le pourtour du Bassin d’Arcachon surtout. accessoirement la région de Capbreton et enfin le secteur Souprosse-Meilhan. Plus concentré, le reliquat charentais s’inscrit entre Charente et Seudre a l’Ouest de la ligne Rochefort-Sauion, avec deux pointes avancées le lona des rives de ces cours d’eau atteignant respetivement Tonnay-Charente et Saujon. L’Ile d’Olerop considérée jusqu’à présent comme indemne doit être en réalité englobée dans la zone infectée (7 cas, dont 2 vérifiés par le laboratoire, identifiés à Saint-Pierre par le Docteur Juin depuis 1947). En ce, oui concerne maintenant la vitalité actuelle de ces foners, c’est certaine¬ ment le second qui l’emporte sur l’autre en dépit de l’accalmie généralisée. En effet pour s’en tenir aux cas indiscutables, hématologiquement confirmés, les auteurs n’ont pu en relever que lI au cours des quarante dernières années dans les Landes de Gas¬ cogne, alors que, depuis 1930 seulément, ils ont réussi à en dépister 58 également MIOL OCÉANIQUE 365 R — L’AMIBLASE ET LES AFTECTIONS PARASITAIRES, Les renseignements que nous possédons dans ce domaine sont surtout le résultat, des investigations effectuées parmi, les populations du voisinage par les Laboratoires de parasitologie des Universités de Bordeaux et de Toulouse. On sait déjà les résultats enregistrés par Robin à Bordeaux, en 1925 (voir pathologie languedocienne). Plus près de nous (avril 1949). Andrieu et ges Elèves, prospectant dans la région toulousaine, ont fait de leur côté les constatations suivantes : Procédant à l’examen des selles de 217 sujets, ils ont trouvé chez 98 d’entre eux des parasites, soit une proportion de 43 %, Par ordre de fréquence, ils ont observé : amibes du colon 53 fois, trichocéphales 48 fois. giardia 15, amibes dysentériques et pscudolimax butschli II, ascaris 6. oxvures 2, entamœba 1. En ce qui concerne plus spécialement l’Amibiase autochtone, signalons encore les, publications de Tapie à Toulouse (1945) et de Henri et Grenier de Cardenal à l’Hapital militaire de Bordeaux (1952). Sur 440 malades suivis par ces derniers de 1946 à 1951, 130 Amibiens (soit 29,6 %) ont pu être dépistés qui n’avaient jamais quitté la Métropole. Ces chiffres indiquent que le Midi Océanique comporte des taux d’infes¬ tation qui ne sont pas négligeables, l’accent paraissant devoir être posé sur l’incidence élevée de l’Ascaris et du Trichocéphale à Bordeaux comme sur celle de Giardia intestinalis dans la capitale du Haut-Languedoc. Ils indiquent en outre que l’Amibiase autochtone mérite de plus en plus, dans les grands centres surtout, de retenir l’attention des hygiénistes. BIBLIOCRAPHIE IX. — LES MALADIES INFECTIEUSES, ÉPIDÉMIQUES ET CONTACIEUSES COSMOPOLITES — LES FLEVRES ERUPTIVES Dressons, tout de suite, en ce qui concerne les populations civiles appar¬ tenant aux 1e Départements du Sud Quest, les habituela tableaux de mor¬ bidité relatifs d’abord à I porode 8200 P29, Paao e de Dez ode 252 296; 5 visées un caractère de bénignité. s’y rapportent. 368 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE On voit par ces chiffres que nos régions du Sud-Quest n’accusent, en matière de maladies contagieuses, qu’une morbidité plutôt moyenne. Celle-ci étant très variable suivant les périodes, et aussi suivant les secteurs considérés. il est très difficile de dégager, à travers les discordances observées, des don¬ nées d’ordre général valables. Il semble bien toutefois que ce soient les grou¬ pements garonnais et charentais qui se montrent de nos jours les plus for¬ tement touchés. Quant au Rhumatisme articulaire aigu, dont le bilan peut être aisé¬ ment établi, sinon dans les populations civiles, du moins dans l’Armée, ses taux en décroissance actuelle se sont toujours situés parmi les plus faibles de France : Fréquence du Rhumatisme articulaire aigut dans l’Armée Notons enfin que l’Encéphalite épidémiqute, autretois très répandue dans le Bordelais, n’y présente plus aujourd’hui que des incidences assez rares. Nous n’avons pu reproduire ici les tables de Mortalité. D’une manière générale, celles-ci témoignent d’une certaine gravité des affections mises en cause, surtout dans les secteurs Quest. A ce propos, nous rappellerons que l’on a souvent observé un aspect miliaire des éruptions dans la région des Charentes, fait qui est immédiate¬ ment à rapprocher de l’endémie suetteuse qui sévit sur ces territoires souvent inondés. Cé facteur n’est assurément pas fait pour conférer aux affections X — AFFECTIONS DIVERSES A —- L’ÉRYSIPELOIDE DE ROSEMRACu L’atention a été atirée au cours de ces demières années sur une curieuse affection baptisée « Erysipéloide » par Rosenbach en 1884, onze ans après la description initiale de Morrant-Baker. Elle n’est autre que la localisa¬ tion aux téguments de l’homme du bacille de Pasteur et Thuillier, agent du « rouget du porc ». Chose très curieuse, cette maladie n’a été pendant longtemps mentionnée dans aucun ouvrage médical didactique, et c’est ce dbi eptitune, one dote, su moipe en partie, le rarcté des publictions qu pu fournir des réponses utilisables. 369 MIDI OCEANIQUE En pathologie vétérinaire, le « Rouget » est une maladie infectieuse spéciale au pore mais susceptible d’atteindre d’autres espèces animales. Son évolution, aigue, est assez rapide : exanthème purpurique sur les téguments. aux oreilles, dans la région ano-vulvaire et au groin; diarrhée; fièvre. La moitié des bêtes touchées succombent en deux ou trois jours. Chez les autres. l’évolution devient chronique avec arthrites tuméfiantes et endocardite, la guérison étant alors habituelle. En définitive, il s’agit donc d’un processus septicémique de pronostic très sévère dont la preuve bactériologique peut être apportée, soit par l’examen direct (bacille gram positif), soit par cul¬ ture anaérobie en gélatine, soit enfin par l’inoculation à un animal de choix. le pigeon en l’espèce, dont la mort survient en 4 ou 5 jours. D’ordinaire, la maladie humaine est imputable à des blessures apparues en manipulant de la viande de porc infecté. Effectivement, les 150 observa¬ tions connues avant 1926 relevaient toutes de ce mécanisme. Depuis cette date, d’autres faits sont intervenus reconnaissant parfois une origine ovine. pisciaire ou même ostréaire. Dans l’ensemble, ces cas sont dus à une inocu¬ lation directe et résultent de la pénétration dans les tissus du bacille du Rouget, autrefois considére comme inoffensif pour l’espèce humaine (1). Cette conception ancienne était en réalité erronée. Chez l’homme, après une brève incubation de 18 à 48 heures, le mal débute par des signes locaux caractéristiques. Au point d’inoculation — doigt le plus souvent — on voit alors se développer un érythème, lequel fait bientôt place à une plaque rouge¬ violacée qui gagne de proche en proche sur la face dorsale de la main mais ne dépasse que très rarement le poignet. Fréquemment cette plaque est infil¬ trée, saillante, limitée par des bords nets. Il peut survenir en outre une fluxion douloureuse des articulations métacarpo-phalagiennes en même temps que du prurit. Dans la règle, la guérison se produit vers le 10° jour sans qu’il y ait eu de phénomènes généraux. Dans certains cas, cependant, on peut voir apparaitre de la Iymphangite, des hypertrophies ganglionnaires. de la céphalée et de l’hyperthermie, sans que le pronostic en soit d’ailleurs modifié. Enfin, on a signalé d’exceptionnelles observations avec lésions der¬ miques généralisées, se présentant sous la forme de plaques congestives avec. à leur niveau, ruptures vasculaires et hématomes. Dans le cas de N. Fies¬ singer et Brouet, ces hématomes se sont localisés aux oreilles, réalisant exac¬ tement la même symptomatologie que chez le pore, mais avec une évolution par contre favorable (2). Le diagnostic, qui se pose avant tout avec l’Ervsipèle streptococcique banal, se fonde sur l’aspect et la topographie de la plaque ainsi que sur les anamnestiques, plutôt que sur le Laboratoire qui est généralement défail¬ lant. Rien n’est à atendre en effet de la recherche du germe par examen direct ou après hémoculture, non plus que des réactions d’agglutination dont les résultats sont par trop décevants. Seule la sous-cuti-réaction pratiquée à partir d’une endoprotéine de Reilly préparée avec le bacille du Rouget a (1) On tend actuellement à admettre que la contamination peut également s’effec¬ tuer chez l’homme par voie digestive, commé c’est de règle chez l’animal. Des faits trè troubtants ont A1z botammept invoqués à l’appui de cette hypothèse par Fiessinger et Brouet (voir bibliographie). (2) Certains auteurs s’élèvent aujourd’hui contre la notion classique « d’érysipé¬ loide, maladie bénigne chez l’homme », faisant valoir à ce sujet la possibilité de compli¬ cations graves et durables; telles que l’endocardite, voire même d’une issue mortelle Le rouget de l’homme nous réserverait-il dene des surprises et mériterait-il, à son tour dêtre qualifé un jour de « maladie d’aveuir » : 2 été plus précoce. 370 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Quant à la thérapeutique, elle met en œeuvre le sérum antirouget de L'Institut Pasteur avec un succès d'autant plus certain que l'intervention aura En France, les observations d’Ervsipéloide sont peu nombreuses, alore qu’en Allemagne, et surtout en Amérique, elles sont au contraire assez fréquentes et même parfois groupées en véritables petites épidémies. Nous nous réservons de faire allusion plus tard aux faits qui ont été signalés dans les vallées de la Sagne et du Rĥne ainsi que dans le Bassin parisien, voire exceptionnellement dans d’autres régions. Pour le moment, nous nous bor¬ nerons à relater ici les quelques cas rencontrés dans la Gironde et dans les régions voisines, soit eh tolut et pour tout une dizaine, répartis surtout le long du litoral. Leur intérêt réside esentiellement dans la multiplicité des modes de contagion dont ils témoignent et dans l’importance des pro¬ duits de la mer comme agents locaux d’inoculation. A Bordeaux même, après la communication de Sabrazes et Muratet (1920). relative à une contamination de laboratoire, il convient de citer les cind cas suivants de Dubreuilh et Joulia publiés en 1922 et qui illustrent parti¬ culièrement bien" les deux notions que nous venons d’exposer : — un cas dì à une égratignure par les dents d’un poissons — un cas consécutif à une pigire par arête de poisson; — un cas dù à une écorchure causée par un coquillage; — un cas consécutif à une piqure par esquille de mouton: — un cas consécutif à une coupure au cours d’un dépecage de viande. Bilan auquel il fAut ajouter un autre cas de Dubreuilh relaté en 1928 et qui concerne un boucher qui s’était blessé en dépouillant un porc malade. En dehors de Bordeaux, nous avons eu par ailleurs connaissance, grâce aux renseignements qu’ont bien voulu nous faire parvenir MM, les Directeurs départementaux des Services vétérinaires, de : — deux cas survenus daps la Vienne, remontant l’un à septembre 1934 (Montmorillon). l’autre à novembre 1935 (Poitiers) et relatifs à des vétéri¬ naires qui s’étaient écorchés en effectuant l’autopsié de porcs malades: — un dernier cas enfin, observé dans les Landes et d’origine également professionnelle (vétérinaire). A son propos, du reste, le Directeur des Ser¬ vices vétérinaires indique, sans plus de précisions, que « la maladie est très fréquente dans le département, des cas d’Erysipéloide étant souvent notés chez des Praticiens procédant à l’immunisation active des porcins ». Il resort donc que tous ces faits doivent être désormais atentivement recherchés, l’Erysipéloide de Rosenbach appartenant de toute évidence au groupe de ces affections encore insuffisamment dépistées, non pas tant parce qu’elles sont peu fréquentes que parce que la symptomatoligie en est peu connue. MIDI OCEANIQUE 371 BIBLIOGRAPHIE B — TULARÉMIE. Jusqu’en juillet 1948, date de la parution de l’article de Cirard dans le « Paris médical », trois cas de Tularémie ont été observés en Gironde dont deux appartenant à une même famille. L’infection semble s’être pro¬ duite en l’occurrence après dépecage et consommation d’un lièvre trouvé mort dans un bois, d’oǹ apparition, chez l’un des malades, d’une forme ulcéro¬ ganglionnaire typique (contamination cutanée), et chez l’autre, d’une forme typhoide (contamination digestive). Le séro-diagnostic a été positif vis-à-vis de Bacterium Tularense au 17100s (30e jour) pour le premier, et au 1/1 0005 (23° jour) pour le second. Depuis 1948, d’autres cas de Tularémie s'étant produits en Gironde et dans les départements voisins, on a pu parler d’un petit fover girondin de la maladie. Les derniers en date de ces cas ont été observés à notre connais. sance en Dordogne au cours du mois de janvier 1953 et dans le Gers, près de Mirande, en 1953 également. Dans la règle, la contamination humaine se fait par l’intermédiaire du lièvre dit d’Europe Centrale. Cependant, en 1951, pour la première fois en France, l’infectioh tularémique s’est manifestée, dans les Charentes notam¬ ment, chez la variété de lièvre dite autochtone, témoignant ainsi d’une exten¬ sion de l’épizootie à cette espèce. RIBLIOCRAPHIE 372 C — SODOLU. A propos de cette maladie rare, parce que peut-être trop souvent mécon¬ nue, signalons la vieille observation toulousaine de Dalous et de Stillmunkes (1920) et celle plus récente de Tapie (1947), dont la grande particularité est de mettre en cause la morsure d’un furet, cet animal n’avant jamais été incriminé jusqu’alors. Il s’agissait en l’espèce d’un homme de 39 ans présentant depuis trois mois une fièvre rémitto-intermittente attribuée à une Brucellose. Deux mois cependant avant l’apparition des premiers accès fébriles il avait été mordu à l’index par un furet qu’il essavait de capturer. La plaie rapidement cicatrisée devint alors le siège, un mois plus tard. d’un œedème douloureux avec lymphangite et adénite axillaire non suppurée. Ces phénomènes disparurent après traitement sulfamidé, mais, à chaque nou¬ vel accès fébrile, la cicatrice redevenait le siège d’un oedème rougeaue même temps qu’apparaissait au bras et à la face un exanthème érythémato¬ papuleux qui mit sur la voie du diagnostic. LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE BIRLIOCRAPHIE D — LA « MALADIE PAR CRIFFURES DU CHAT . La Tularémie et le Sodoku sont des affections adénotropes. Il en est de même de cette dernière née de la nosologie française qu’est la « Lympho¬ réticulose bénigne d’inoculation », encore appelée « Maladie par griffiures du chat ». Nous en dannerons une très rapide description en étudiant plus tard la pathologie parisienne. Qu’il nous suffise de dire pour le moment que son apparition a été signalée dans la région bordelaise par Bonnin. Moretti et Peire au cours de l’année 1951. BIBLIOCRAPHIE E — FIEVRE APUTEUSE. Nous exposerons en étudiant la pathologie du Centre de la France les aspects cliniques de cette affection dont les incidences chez l’homme ont été récemment encore très discutées. Qu’il nous suffise pour le moment de dire que sa présence a été à plusieurs reprises constatée dans les régions du Sud¬ Quest tout spécialement consacrées à l’élevage A cet égard, nous mention¬ nerons l’observation très intéressante de Rinjard et Gratiolet (1939) relative à une cultivatrice du Lot-et-Caronne chez qui les contrôles d’identification purent être pratiqués et permirent d’atribuer au virus 0, alors en pleine activité, les lésions aphteuses qu’elle présentait. Il est au reste curieux que de tels faits ne se soient pas davantage multi¬ pliés à l’époque ainsi que 2 ans plus tard, alors que sévissaient sur notre pays des poussées épizootiques d’une particulière intensité. Voici, à titre d’exemple, le nombre des animaux qui furent touchés à l’occasion de ces deux épisodes dans le département voisin de la Charente-Maritime (Rensei¬ gnements communiqués par le Directeur des Services vétérinaires) : MIDI OCEANIQUE 373 Ainsi se trouve une fois de plus démontrée une notion eur laquelle nous reviendrons plus loin longuement, à savoir la faible affinité du virus aphteux pour l’espèce humaine. BIBLIOCRAPHIE E — TÉTANOS. Traditionnellement, le Midi Océanique apparait dans son ensemble comme assez peu tétanigène. Quelques foyers cependant y sont clasiquement connus, tel celui qui sévit aux alentours de Périgueux et surtout celui qui intéresse en Gironde certaines localités des environs de Bordeaux où semble se mani¬ fester une endémie persistante. C’est ainsi notamment qu’à l’occasion d’une enquête locale effectuée vers 1932, Chavanne avait déjà pu rassembler dans ce dernier département une cinquantaine de cas inédits d’infection tétanique presque tous mortels, la moitié d’entre eux provenant des communes voisines de Saint-Loubès et Saint-Sulpice-et-Camevrac. Depuis, bien d’autres cas y ont été signalés. A l’opposé, il est volontiers admis depuis longtemps que la maladie épargne le département des Landes, fait que l’on attribue, non seulement au chiffre réduit de la population, mais encore et avant tout à la présence d’un sol sablonneux favorable, comme cela s’observe également en Lorraine, à la péné¬ tration et à la fixation en profondeur des germes de surface. En réalité, la situation semble avoir quelque peu évolué au cours de ces dernières années ainsi qu’on peut s’en rendre compte par le document Suivant : Ce tableau révèle de toute évidence une répartition assez confuse de la maladie à travers les vastes espaces considérés. 374 LA PATLIOLOGIE RéGIONALE DE LA FRANCE Tout ce que l’on peut tirer comme conclusion des chiffres qui nous sont soumis c’est que le Tétanos parait être d’une manière générale plus fréquent au Nord de la Garonne qu’au Sud de ce fleuve. Le phénomène est particulièrement net de part et d’autre de la Gironde où subsiste un contraste assez frappant entre le secteur charentais assez touché (Charente. Charente-Maritime. Dordogne. Deux-Sèvres et Vienne) et le secteur landais relativement moins atteint (Landes et également Basses- Pyrénées). BIBLIOCRAPHIE CHAVANNAZ (J.). Les zones tétanigènes en France, Acad, de chirure, 7 jany, 1953. C. — CHARBON. La maladie animale, très rare dans les départements intérieurs (2 à 3 déclarations annuelles sur un effectif de plusieurs milliers d’animaux dans la Haute-Garonne), s’accroit à mesure que l’on se rapproche de l’estuaire de la Gironde. Dans le Lot-et-Caronne, elle sévit surtout dans la plaine. En Dordogne, elle peut être considérée comme relativement fréqvente, réalisant parfois de petites épizooties. Chez l’homme, un cas de pustule maligne a été récemment signalé dans l’Agenais chez un agriculteur qui s’était blessé en dépouillant le cadavre d’une de ses bêtes. Dans la Dordogne, la maladie est plus répandue qu’on ne le pense communément puisqu’en 10 ans cina personnes se sont infectées. l’infection s’étant traduite 4 fois par une pustule, maligne, une autre fois par une angine phlegmoneuse chez un sujet qui avait ingéré de la viande viru¬ lente Aucune mortalité n’a d’ailleurs été observée dans ces diverses circons¬ tances grâce à l’utilisation rapide du sérum anticharbonneux (Rapports de MM, les Vétérinaires départementaux, novembre 1946). Nous en avons terminé avec les maladies propres qux régions de chasse et d’élovage. Pour clore ce chapitre, nous allons dire un mot d’un groupe d’affections spécial aux pays miniers, à savoir les Pneumoconioses. Bien entendu, nous ne nous y attarderons pas longuement. H — LES PNEUMOCONIOSES Dans le Bassin aquitain comme dans la partie attenante de la chaine pyrénéenne, les ressources du sous-sol sont plutôt minimes, étant exclus le gisements houillers de Decazeville et de Carmaux rattachés au Massif Central ainsi que les mines de fer du Canigou appartenant au Boussillon. Dans ces conditions, il est évident que les Pheumoçonioses ne seront que très rare¬ ment rencontrées dans ces régions, n’étant guère susceptibles d’apparaitre que parmi le personnel des petites exploitations de fer, de cuivre, de plomb et de manganèse éparpillées dans l’Ariège ou parmi les emplovés des mines et carrières de talc concentrées autour de Luzenac. Ces dernières, de beau¬ coup les plus importantes de France, méritent de retenir un instant l’Atten¬ tion. Situées également dans le département de l’Ariège, elles produisent. bon an mal an. de 15 à 20 000 tonnes d’un métasilicate de maznésie dont les usages tant industriels que pharmaceutiques sonr devenus de nos jours multiples, lusqu’à ces tout derniers temps, ces produits étaient considérés comme éminemment nocifs pour le poumon humain, y déterminant des 3%6 1A PATHOIOGIE BÉGIONAIE DE LA FRANCE A priori, il ressort de ce tableau : l° — que, pour la période envisagée. le Midi Océanique peut être considéré, dans son ensemble, comme une des régions de France les moins affectées par la Tuberculose; 2° — que cette mala¬ die y sévit toutefois inégalement, étant plus fréquente dans les secteurs côtiers riverains de l’Atlantique que dans les territoires de l’intérieur, le long de la chaine pyrénéenne qu’aux abords du Plateau-Central. Si l’on considère que les régions les plus tuberculisées de France étaient alors la Vendée, la Bretagne et le littoral de la Manche (avec en outre les Alpes. Lyon et l’agglomération parisienne), les moins touchées comprenant par contre le Massif Central et le Bas-Languedoc, on s’aperçoit immédia¬ tement que les portions excentriques du Bassin aquitain ont une tendance manifeste à s’aligner nosologiquement sur les contrées limitrophes, placées dans des conditions, climatiques et démographiques semblables. Signalons, eǹ passant, que les Statistiques d’Ichok, relatives aux années 1925-1928 aboutissent déjà aux mêmes conclusions, comme d’ailleurs celles de l’Armée, basées sur le principe des radioscopies systématiques. C’est ainsi notamment qu’entre 1926 et 1936 Sieur et ses Collaborateurs ont dépisté. parmi les jeunes recrues des contingents incorporés, 1 cas de Tuberculose ouverte sur 854 sujets dans le Sud-Quest contre l sur 207 en Bretagne, et 1 sur 838 dans le Midi Méditerranéen, ces proportions étant nettement en faveur des régions qui nous occupent. Consultons matntenant le hilan obtenu par l’Institut National d’Hygiène au cours de l’année 1943, afin de pouvoir établir une comparaison entre la période de crise alors traversée et la période de calme d’avant-guerre : Moratire Taherculeuse duns le Sud-Quest en 1943 (d’apres l’ILN H.). On constate que, mises à part quelques variantes de détail, la aituation est demeurée pratiquement inchangée, avec, cependant, une légère tendance à l’uniformisation des taux qui semblent s’être abaissés dans les départe¬ ments antérieurement les plus contaminés pour s’élever dans les autres. Restent à interroger, pour terminer, les statistiques de ces dernières années. Etablies désormais en fonction du lieu de résidence habituel des 372 MDI OĆANIQUE tuberculeux et non plus de leur lieu de décès, elles apportent aux conclusions précdemment admises d’importants correctifs : Mortalité Tuberculeuse dans le Sud-Quest durant la période 1953-1955 (NH.) De ce dernier tableau on peut déduire les trois notions suivantes en ce qui concerne la période actuelle : 1. D’une manière générale, le Midi Océanique compte toujours parmi les régions les moins tuberculisées de France. 2. La maladie y a subi depuis la guerre une régression sensible, oscillant entre le tiers et les deux tiers des cas, sauf dans les deux départements de l’Ariège et du Lot. 3. Le processus affecte enfin une prédilection marquée pour le secteur « Dordogne- Cironde » et pour les régions pyrénéennes, épargnant au contraire les Landes en les départements de « l’isthme charentais ». A cet égard on peut remarquer en passant que la situation d’aujourd’hui rappelle nlus, volontiers celle d’avant-guerre que celle de la période de crise qui lui a succédé. Envisageons maintenant quelques faits particuliers intéressant certains départements ou groupements départementaux : 1. Les départements montagnards (Basses-Pyrénées. Hautes-Pyrénées. Haute-Caronne Arièce). — Ils se signalent depuis longtemps par une mortalite tuberculeuse supérieure 3 celle des régions avoisinantes. 378 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE Autretois on tentait d’expliquer le fait, au moins en partie, par l’atrait qu’exerce le pays sur toute une catégorie de malades pour lesquels de nom¬ breux Etablissements de cure ont été créés : tuberculeux éréthiques, nerveux. fébriles, hémoptoiques, à qui conviennent tout particulièrement le calme atmosphérique et la stabilité thermique de stations comme Cambo. Argelès¬ Gazost et surtout Pau. Après avoir parfois, et notamment au cours de cures libres, contaminé leur entourage et créé de petits fovers d’infection secondaire. de tels sujets, en cas de décès, venaient grever indument les taux de mortalité locale, puisqu’aussi bien ils étaient également inscrits dans leur département d’accueil. Aujourd’hui, si l’on peut encore observer des cas de contamination d’origine extérieure, il n’est plus possible par contre d’incriminer des méthodes de recensement dont les principes de bases, nous l’avons vu, ont été fort heureusement modifies. Dès lors, il est nécesaire de rechercher ailleurs la solption du problème. Or il est à cet égard de constatation bapale que, hormis quelques sites bien abrités, la chaine pyrénéenne souffre dans son ensemble d’un climat rigoureux et que, surtout, les conditions de vie y demeurent dures. souvent même précaires, principalement dans le département de l’Ariège. San vouloir exagérer leur influencé, il n’est pas douteux que ces facteurs aner¬ gisants, que ces « causes secondes », interviennent pour, une large part à l’origine d’upe situation que l’on peut, en l'’occurrence, qualifier de sérieuse. mais que nous retrouverons ultérieurement, sous des aspects nettement aggravés. dans d’autres provinces françaises telles que la Bretagne. 2. La Cirondet. — Elle réunit les inconvénients de posséder un climat très humide et: d’autre part, d’avoir pour centre une agglomération urbaine puissante et populeuse : d’ou chez elle la fréquence de la Tuberculose. Une grande station de repos se trouve toutefois sur son territoire : c’est Arcachon où les influences forestières permettent une cure marine largement atténuée. favorable aux tuberculeux fébriles et insomniques ainsi qu’aux prédisposés. 3. Les Landes. — La position privilégiée de ce département vis- àvis de la Tuberculose est ordinairement imputée à l’action bienfaisante des forêts de pins qui saturent l’air en permanence d’essences balsamiques. En fait, les Landes séraient encore bien pblus favorisées si le sous-sol imperméable n’en¬ tretenait en surface une grande humidité, si le sol lui-même ne se trouvait totalement dépourvu de sels calcaires et si les vents prédominants d’Ouest n’avaient pour effet d’amener continuellement des rafales de pluie. 4. Les départements centraux. (Gers. Lot-et-Garonne, Tarn-et-Caronne). Ils comptent sans aucun doute officiellement parmi les moins tuberculisés de France. Il est bien certain que l’on est en droit, pour expliquer ce fait d’invoquer la douceur habituelle du climat agenais ainsi que l’aisance rela¬ tive dans laquelle vit une population essentiellement agricole attachée à une terre qui rahnorte hien. Toutefois ces deux notions méritent, comme nous allons le voir, d’être interprétées et même, dans une certaine mesure. rectifiées. Tout d’abord, qu’on ne se fie pas trop au climat de ces plaines qui. sauf quelques points remarquablement abrités, se montrent dans l’ensemble assez dangereusemtent éventées. Il ne faut pas oublier en effet que de juillet à novembre le vent chaud d’autan venu du Sud-Est est susceptible de souf¬ fler en bourrasques, grillant les récoltes et déclenchant chez les tuberculeux des poussées hémoptoiques interminables (été 1933 par exemple). De son côté. le rude « aspre » descendu d’Auvergne peut occasionner au printemps de gelées tardives et engendrer du même coup de fréquents cas de Pleurésie. En second lieu, si la richesse du sol rend souvent la vie facile aux habitants, ceux-ci n’en quitent pas moins volontiers le pays, attirés par MDL OCEANIQUE 379 l’existence factice des grands centres : cette émigration intéresant surtout les éléments jeunes, les plus sensibles à la Tuberculose, on concoit que les taux de morbidité s’en trouvent modifiés, accusant une modicité en grande partie illusoire, en particulier dans les secteurs essentiellement ruraux. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les départements en cause ne renferment guère d’établissements de cure, évitant ainsi ce recrutement exté¬ rieur si dangereux pour certaines contrées du voisinage. Ceci dit, on a essavé de faire un sort au tacteur géologique pour expli¬ quer la répartition des cas dans les territoires considérés. Voici à ce sujet les renseignements que nous apporte l’enquête effectuée dans le Lot-et¬ Garonne par Delteil un peu avant 1935 (voir la carte figurant au chapitre des « Affections typhoides ») : On voit qu’en moyenne la Tuberculose se montre plus répandue dans les terres à boulbènes et à limons que dans les terres fortes et les Serres. Mais, ici encore, une réserve importante est à faire : les premières de ces régions étant en même temps les moins habitables et les plus peuplées, il devient dès lors logique d’attribuer les différences observées beaucoup plus aux influences démographiques qu’aux particularités mêmes du terrain En définitive, s’il reste admis que les départements centraux du Bassin aquitain jouissent dans l’ensemble d’un certain privilège en matière de Tuber¬ culose, il importe toutefois de ne pas trop s’exagérer la valeur de cette cons¬ tatation. Ici comme partout, la notion de microclimat demeure fondamentale. seules devant être acceptées pour le séjour des tuberculeux les zones bien -protégées contre les vents, telles que les mamelons proches de la forêt lan¬ daise où sont installés notamment les Préventoriums de Cazala et de Cap-de-Bosc. B — LES AFFECTIONS VÉMÉRIENNES, Nos provinces du Sud-Quest font partie du vaste fover d’endémie véné¬ rienne qui couvre tout le Midi de la France. Néanmoins, ce versant atlan¬ tique apparait, d’une manière générale, moins touché que le versant médi¬ terranéen. Les Statistiques de l’Armée en font foi qui déjà, avant guerre. classaient les 17e et 18e Bégions de Toulouse et Bordeaux derrière les 14° et IPIS He DIPI CU PIISCILC2 PIE CHCPE ° RTE SEP 380 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Morbidité due aux maladies vénériennes dans l’Armée : Années 1930-1936. Indices de morbidité (L.M.) pour 1 000 hommes et classement (cl). parmi les 20 régions militaires d’alors Les cas les plus nombreux sont enregistrés en l’occurrence, d’abord dans les grands centres (Toulouse et Bordeaux), en second lieu dans les cités industrielles telles que Tonneins, Fumel et Sainte-Livrade pour le départe¬ ment du Lot-et-Garonne. Bien souvent, il convient d’incriminer à l’origine de ces contaminations urbaines l’intervention d’éléments étrangers, nord-afri¬ cains surtout, débarqués dans nos ports, puis répartis entre les diverses exploi¬ tations comme manœeuvres, dockers, ouvriers d’usines. Dans les campagnes, les faits de contagion demeurent encore assez rares, bien que la Syphilis y soit fréquemment méconnue, en particulier quand elle affecte une forme viscérale. En cours de diminution nendant la période d’avant guerre, en dépit de quelques fluctuations liées aux circonstances économiques, les affections véné¬ riennes ont accusé dans le Bassin aquitain une poussée franche entre 1930 et 1945 du fait de la mobilisation puis de l’occupation, poussée qui est actuel¬ lement en voie de régression très nête. A cet égard, nous ne pouvons trouver de meilleure confirmation que dans les nouvelles Statistiques médicales de l’Armée : celles-ci semblent indi¬ quer notamment que la région de Toulouse est aujourd’hui la plus épargnée de France, celle de Bordeaux — fort pen aquitaine en réalité puisque se développant vers le Nord jusqu’en Touraine — occupant par contre une posi¬ tion moins privilégiée. 11 MIDL OCÉANIQUE 381 On notera par la même occasion la chute brutale survenue en quetgues années dans tous les indices de morbidité vénérienne, phénomène du, comme chacun sait, à l'’emploi de médicaments très efficaces et à une prophy¬ laxie sans cesse acerue. C — LE CANCER Consultons tout d’abord à son sujet notre document de base, à savoir les Statistiques de l’Institut National d’Hygiène qui relatent pour chaque département les taux de mortalité néoplasique et le rang dans le clas¬ sement général interdépartemental. Voici tout d’abord quelques chiffres relevés auant guerre et qui concernent l’ensemble des régions envisagées. Indices de mortalité (L. M.) pour 190 000 habitants caleulés par l’I N.H. durant la double période quinquennale 1927-1931 et 1932-1936. De ce tableau il ressort : 1° Que le Cancer a alors une incidence peu fréquente dans tout le Sud. Quest par rapport à la moyenne générale française, cette notion se trouvant du reste confirmée par tout un faisceau de renseignements concordants; 2° Que les taux de mortalité cancéreuse accusent déia une certaine tendance a la progression d’une période à l’autre, le fait ne paraissant pas dù exclusive ment à une prospection mieux conduites 382 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA PRANCE 3° Que le fléau se localise surtout le long de la Côte Atlantique depuis les Deux-Sèvres et la Charente-Maritime jusqu’aux Basses Pyrénées. Comparons maintenant ce premier bilan à celui dressé après-guerre, au cours des années 1948,1955. Indices de mortalité calculés de même par l’LN.H. durant la période 1948-1955 La confrontation des deux tableaux précédents met immédiatement en évidence un certain nombre d’analogies trappantes, lesquelles, considérées point par point, permettent d’aboutir aux conclusions suivantes : 1° La région du Sud-Quest est restée dans son ensemble depuis la guerre une des régions de France les moins touchées par le Cancer. 2° Le mal y a fait néanmoins, comme partout, des progrès très sensibles. perceptibles surtout dans les secteurs autrefois les plus épargnés. 3° Malgré cette tendance à l’uniformisation des taux, des différences demeurent toujours très appréciables d’un groupe de départements à l’autre. C’est ainsi que l’on retrouve, d’une manière peut-être plus nette encore, cette affinité déid accusée avant-guerre par le Cancer pour tout le territoire situé en bordure de l’Océan depuis les Charentes jusqu’au Golfe de Gascogne. On a essavé, bien entendu, de tirer argument de cette répartition géo¬ graphique en faveur des théories attribuant à la structure géologique de terrain un rôle déterminant de premier plan. MIDI OCÉANIQUE 383 C’est ainsi, notamment, qu’à une de nos Assises Nationales de Médecine générale (1932). Chainier et Aunis de Bordeaux. Duhamel d’Agen. Girard de Confolens et Roy d’Angoulême ont insisté sur la densité particulièrement élevée du Cancer dans les vallées humides des cours d’eau, aux alentours de certains puits, enfin dans tous les bas-fonds où l’eau stagne et ou l’écoulement des matières usées s’effectue dans de mauvaises conditions. Le phénomène s’observait d’ailleurs, selon eux, non seulement dans les cam¬ pagnes, mais encore dans les agglomérations urbaines (partie Eet des 5 7° et 8° arrondissements de Bordeaux). Plus près de nous. Chabé et Mesnard viennent également de mettre l’ac¬ cent sur la localisation élective des zones cancérigènes le long des cours d’eau et relatent à ce propos l’existence d’un véritable foyer d’endémie néo¬ plasique en bordure de la Charente entre Cognac et Saint-lean-d’Angely Pour ce dernier auteur, il importerait à cet égard de tenir compte, non seulement de l’humidité du sol, mais aussi et surtout, de sa constitution : pour lui seraient spécialement dangereuses les terres calcaires, ferrugineuses et riches en potassium, sans doute par suite de l’influence qu’elles exercent sur la composition des eaux de boisson (Société de Médecine et de Chirurgie de Bordeaux, novembre 1949) (1). En réalité, toutes ces théories fondées sur la géologie ont été très vive¬ ment critiquées, aussi bien en ce qui concerne notre région du Sud-Quest que le reste de la France. A la même séance de la Société bordelaise. Destrem de Ruffec, se hasant sur les résultats de dix années d’observations minutieuses dans sa clientèle (1938-1048), en arrive à dénier au facteur géologique toute action sur la répartition topographique du Cancer. Cette opinion avait, du reste déjà été émise quelques années aupara¬ vant par Raymond Mallet dans sa thèse (1937), comme suite à une enquête effectuée dans le département des Deux-Sèvres, enquête qui, à notre avis, mérite de retenir quelques instants l’attention (voir carte ci-contre) Le département des Deux-Sèvres se divise schématiquement en 4 quar¬ tiers très nettement individualisés : Deux de ces quartiers sont formés par des plaines calcaires, prolongements d’une part (N..E.) du Bassin parisien avec Thouars, d’autre part (S.-O.) du Bassin aquitain avec Niort : ce sont dans l’ensemble des terres « chaudes ». au relief monotone, et presque sans arbres par suite de la rareté des points d’eau: Un autre secteur (N.-O.) est constitué par le prolongement poitevin du Massif armoricain archéen (Bocage de Bressuire et Gatine parthenaise) : ici le pays, plus accidenté, repose sur un sol granitique et schisteux; les cours d’eau sont nombreux, les forêts souvent denses, l’habitat dispersés Le dernier secteur enfin (S.-E.) comporte les plateaux silico-calcaires du Seuil du Poitou avec Saint-Maixent et Melle : il rappelle par certains côtés la Gatine; on y retrouve l’aspect bocager et les terres « froides » ainsi qu’une même dispersion des eaux et de l’habitat. Quels sont maintenant les rapports entre ces régions naturelles et les divisions administratives2 (1) Poursuivant ses recherches avec R. de Grailly. Mesnard a constaté tout récem¬ ment dans certaines régions de l’ile d’Oléron, où le cancer est réputé relativement fréquent, une teneur augmentée en calcium, au contraire très faible en magnésium et en m’étaux lourds, daus des échantillons d’eau et de terrains prélevés sur place Renouvelées à Générac, dans la Gironde, ces prospections et analyses ont abouti à des résultats identiques (voir bibliographie). 384 LA PATHOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE le déportement des Deux-sèvres(d’oprès R. Mollet) MIDI OCÉANIQUE 383 Bocage et Gatine réalisent la plus grande partie des arrondissements de Bresuire et de Parthenay, que complête la plaine du Thouarsais. L’arrondissement de Niort englobe toute la plaine du même nom, un peu de la Gatine, un peu du Seuil du Poitous Le reste de ce dernier et une petite partie de la plaine niortaise forment l’arrondissement de Melle. Or, voici quel a été d’après Mallet l’évolution de la mortalité cancéreuse dans ces arrondissements au cours de la période 1930-1935 : On voit que ce tableau accuse un maximum de mortalité dans l’arron¬ dissement de Niort et un minimum dans celui de Melle, cette constatation paraissant à première vue confirmer l’influence favorisante des terres calcaires. En fait, il ne s’agit là très probablement que d’une simple apparence due à ce que Melle ne possédant aucun hôpital doit nécessairement évacuer ses ressortissants sur Niort dont les bilans se trouvent ainsi majorés. Si l’on considère par ailleurs que l’écart entre les deux arrondissements demeure somme toute peu important, on peut en déduire en fin de compte que le facteur géologique n’occupe qu’une place accessoire, n’intervenant que d’une manière tout à fait indirecte. Au reste, une autre constatation s’impose qui vient à l’appui de cette conclusion : alors que le Bassin aquitain n’est grevé que d’une mortalité can¬ céreuse très faible, le Bassin parisien accuse par contre des taux très élevés. en dépit d’une structure géologique absolument comparable. Pour ce qui est du siège des Tumeurs ordinairement rencontrées, nous ferons encore appel aux Statistiques fournies par l’Institut National d’Hygiène, mais en tenant compte cette fois de l’activité des Centres anticancéreux entre 1935 et 1942 : voici ce que nous relevons pour le Centre de Toulouse (pour¬ centages pour 100 cancéreux) : 33 d’Hygiène : 386 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE A priori, ces chiffres paraissent surtout indiquèr, dans le domaine du tractus digestif, une prééminence considérable des Cancers haut situés (bouche et cavum) par rapport aux Cancers bas situés (foie, estomac. intestin). Mais, là encore, il conviendra d’éviter les conclugiong trop hatives, les pourcentages obtenus dépendant beaucoup plus, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le signaler, de l’orientation et de la spécialisation propres à chaque Centre que de facteurs véritablement régionaux. Pour nous résumer, nous dirons donc : le Cancer est dans l’ensemble assez peu répandu dans notre Midi Océanique pour des raisons qu’il est d’ailleurs impossible de préciser. Sa fréquence serait toutefois un peu plus grande en bordure du litoral. De toute tacon, il ne semble manifester pour qucun organe d’électivité offrant un caractère spécifiquement locat. D — L’ALCOOLISME, Pays à la fois de la bonne humeur et du bon vin, le Basin de la Garonne semble à priori se trouver dans des conditions assez favorables au développement de l’éthylisme. Vovons tout d’abord ce que les Statistiques nous apprennent à ce sujet et notamment celles de l’Institut Natone 1. — Consommation en gin d’après le montant des droits de circulation acquilf (période 1936-1938). 368 1A PATHOLOGIE RÉGIONALS DE LA FRANCE 11L Ces tableaux mettent bien en évidence les deux notions ci-après : 1 — Pour le vin, les départements gros consommateurs sont avant tout la Gironde, les Basses et Hautes-Pyrénées, la Charente et la Haute¬ Caronnet 2 — Pour les alcools et les essences, ce sont encore la Gironde et la Haute-Caronne, mais aussi les deux départements charen¬ tais (cognac) et le groupement Hautes-Pyrénées - Gers - Lot-et Garonne (armagnac) (1). 3% D’après cet auteur, l’Alcoolisme serait dans ce département d’origine mixte et serait du, d’une part à la consommation de l’armagnac produit sur place et d’autre part, à une consommation souvent inconsidérée du vin destiné à la distillation, fait que l’on observe surtout chez les ouvriers agricoles qui vont jusqu’à en absorber 4 et 5 litres par jour au moment des grands travaux de la vigne. De là un alcoolisme qui sévit essentiellement dans les campagnes ainsi qu’en témoigne notamment la carte ci-dessus qui montre une prédominance manifeste des internements de cause toxique dans les cantons ruraux dépourvus d’agglomérations supérieures à 2,000 habitants. MIDI OCÉANIQUE 386 Du même coup, ils font apvaraitre divers secteurs de moindre alcooli¬ cation tels que le Tarn, le Tarn-et-Caronne, le Lot et l’Ariège. Cette distinction entre pays 3 vin et pays 4 alcools et essences, alors même que les uns et les autres comportent de nombreuses interpénétrations. représente du point de vue pathologique un fait esentiel. D’une manière générale on peut dire, en effet, que l’alcoolisme est plus fréquent et en même temps plus sévère dans les seconds que dans les pre¬ miers, sous la réserve cependant que les vins envisagés ne soient pas spécia¬ lement riches en aldéhydes (cas du Sauterne), ou ne soient pas absorbés er quantités par trop immodérées. A ce propos, il y a lieu notamment de signa¬ ler que dans certaines campagnes, au moment des vendanges, il arrive sou¬ vent aux ouvriers agricoles d’ingérer des doses vraiment abusives de vin 3 à 4 litres par jour dans le Sauternais, 4 à 5 dans le Médoc, chifres du reste largement dépassés dans les grands chais de Bordeaux ou la consom¬ mation quotidienne peut aller jusqu’à 10 et même 15 litres par employé. On concoit que dans de telles circonstances les accidents soient inévitables. Quoi qu’il en soit, les enquêtes effectuées dans les Hopitaux et dans les Asiles d’Aliénés paraissent bien confirmer dans l’ensemble la valeur de la précédente discrimination. C’est ainsi que des Hôpitauz comme Niort recevaient proportionnelle¬ ment plus d’alcooliques que ceux de Bordeaux, du moins avant guerre (1). Dans les HApitaux psychiatriques, la diff́rence est peut-être encore plus sensible : vers 1930, on dénombrait environ 3 % d’éthyliques à l’Asile de Chateau-Picon près de Bordeaux, alors qu’on en comptait 10 %, et plus à l’Asile d’Agen, le fait paraissant imputable à la fréquence dans le Lot¬ et-Garonne des intoxications conjuguées, à base à la fois de vin et d’Arma¬ gnac, ce dernier, de fabrication locale, atteignant la plupart du temps un degré alcoolique très élevé. Ces constatations prouvent bien, en fin de compte, la nécessité de tou¬ jours rechercher, pour chaque région, les variétés de boisson particulière¬ ment appréciées de l’habitant, cet élément qualitatif étant de la plus haute importance dans l’interprétation des incidences pathologiques observées. E — COITRE, RACHITISME ET DYSTROPHIES DIVERSES. Dans le Sud-Quest, les cas de Coitre endémique ont de tout temps éte surtout localisés aux vallées pyrénéennes où leur nombre parait cependant en continuelle décroissance. Un peu avant la dernière guerre mondiale, ils s’y répartissaient encore, d’après Flurin, en trois fovers principaux : J. — le canton de Luz-Saint-Sauveur et plus spécialement les villages situés à moins de 900 mêtres d’altitude. Les atteintes sont rares, en effet, à Barèges (1 250 m) et à Gavarnie (1 350 m). 2. — la vallée de l’Adour, au sud de Bagnères- de-Bigorre, avec les bourgs de Campon, Baudéan. Asté et, plus encore, le village de Gerde, au point que ses habitants sont appelés « les goitreux »; 3. — la, vallée de la Neste et la vallée de l’Aure, avec, essentiellement, le village de Vignée. (1) Efectivement, les taux ont bien baissé à l’Hopital général de Niort, au cours des années de « prohibition forcée », 1941-1945: tandis que le taux des alcooliques dans le Servicc de Médecine « hommes » du Doct. Joubert, atteignait 14,3 pour 100 en 1936, il n’était déjà plus que de 9,9 pour 100 en 1911, pour tomber à 44 pour 100 en 1942. 390 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE IA FRANCE Le goitre, endémique se rencontrapt dans les Pyrénées aussi bien dans les vallées à terrain calcaire que dans celles comportant des terrains gra nitiques ou schisteux, on voit combien il serait illusoire d’essaver de justi¬ fier la distribution des cas d’après la constitution géologique du sol. De toute évidence d’autres facteurs interviennent; mais leur nature est encore bien difficile à préciser. A part les foyers pyrénéens, quelques centres accessoires ont été en outre mentionnés, notamment dans les vallées de la Vienne, de la Charente moyenne, de la Dordogne, de la Garonne agenaise et du Lot. Ils sont éga¬ lement tous en pleine régression. Cette disparition progressive caractérise de même le Bachitisme. Il ne se rencontre plus guère dans le Midi Océanique que sous des aspects très atténués, les grandes déformations d’antan étant devenues tout à fait excep¬ tionnelles. C’est, du moins, l’avis formulé par Maille, Fargeaud, Duhamel. Boisseau et d’autres auteurs lors de la 18° session de l’Assemblée française de Médecine générale (1935). En ce qui concerne maintenant les Dystrophies considérées dans leur ensemble. Delteil a essavé de déterminer s’il existe entre elles et la compo¬ sition du terrain un rapport de causalité. Dans ce but, il a étudié, canton par canton, le pourcentage des exemptions enregistrées dans les Conseils de Révision du département du Lot-et-Garonne il y a une vingtaine d’an nées. Voici à quels résultats il est parvenu : Pourcentage d’exemptions au Conseit de Révision dans le Lot-et-Caronne (d’après Delteil). Si l’on considère que la moyenne générale est de 16 % dans le dépar. tement, on voit d’après ce bilan que le taux enregistré dépasse cette moyenne dans le Bassin sidérolithique et les pays de serres, lui est sensiblement égal dans les sables landais et les terres fortes, lui est inférieur enfin dans les coulées alluvionnaires des vallées. Ces exemptions sont dans la règle prononcées heaucoun moins souvent pour des affections acquises (Tuberculose, cardiopathies rhumatismales. séquelles de traumatisme, etc.) que pour des processus d’origine congénitale. MIDI OCEANIQUE 391 Or ceux-ci comportent outre les Goitres, toutes sortes de dystrophies et de malformations dont les chiffres ci-dessus ne peuvent masquer précisément de nous donenr une idée d'ensemble. A première vue il serait logique de leur imputer une fréquence parti culière dans les pays dont le terrain est pauvre en calcaire. En réalité le tableau ci-dessus est loin de venir confirmer cette opinion à priori. C'est dire que d'autres facteurs entrent certainement en ligne de compte: carence en dautres principes fondamentaux conditionnés par le terrain (phosphore, magnésiumà ou par l'alimentation (taux de blutage des farines), particu rités locales concernant le mode de vie et l'habitat; etc Inutile de souligner combien il serait intéressant de pouvoir approfondir toutes ces notions en procédant à la vaste enquête que nous avions prohetée mais que nous n'avons pas pu mener à bonne fin n'ayant trouvé aucun écho auprès des Pouvoirs publics réputés compétents (1) F. MORTALITE INFANTILE L'éloquence des statistiques nous dispensera ici de longs développements Et nous nous bornerons à reproduire ci-dessous un document assez récent émanent de l'Institut National d'Hygiène 392 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Une seule exception à cette règle; le département de l'Ariège qui vient toujours en tête des classements avec une régression qui n'a été que de 15% seulement durant le laps de temps envisagé G. - LE DIABETE LA pénurie d'insuline qui s'est manifestée au cours des années 1943 1944 a amené la création en France de Centres régionaux cargés d'assurer la répartition équitable dy produit. Ainsi il a été possible de déterminer dans chaque région le nombre exact des sujets atteints de Diabète consomptif jus ticiables de la médication Malheureusement les bilans obtenus de la sorte n'ont guère été publiés ni même conservés. Là encore nos efforts ont donc été à peu près vains sauf toutefois en ce qui concerne le Bassin parisien et le Bassin aquitain où grâce à l'obligeance de M. Uhry d'une part et à une communication de M Sendrail de l'autre, il nous a été permis de ras sembler quelques documents. Voici les taux des effectifs diabétiques enregis trés dans la circonscription de Toulouse par Sendrail et ses Collaborateurs (1): MIDI OCÉANIQUE 393 Ce tableau met en lumière deux faits essentiels: Comparé à son homologue de la région parisienne, il indique tout d’ahord une morbidité diabétique nettement moindre dans le secteur toulousain (4,6. contre 7,6 de moyenne). Il fait apparaitre en second lieu une distribution inégale de la maladie, sui¬ vant les arrondissements prospectés, les taux extrêmes étant de 2,1 à Mar¬ mande et de 8,1 à Figeac. Or, ces diff́rences font surtout apparaître une fréquence moindre du Diabête en milieu rural. C’est d’ailleurs bien ce qui ressort de ce second tableau, à quelques nuances près cependant : Ainsi, si Toulouse occupe, comme il était prévisible, le premier rang pour la densité diabétique, on voit paradoxalement les villes de 2 000 à te diabère dans le 6 a sin Aqtilain (tapres SERDBAL) 394 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE auteurs atribuent cette anomalie à ce fait que l’exode, à partir des grands centres, s’est surtout effectué vers les petites villes, dans l’ensemble beau¬ coup mieux ravitaillées et moins exposées aux bombardements. Une autre explication aux constatations enregistrées consiste à invoquer l’action favorisante à l’égard du Diabête des terroirs riches où la vie est facile. Ainsi se concevrait la rareté de la maladie dans la plupart des arron¬ dissements montagnards contraints à la sobriété tels que ceux de Foix. Saint¬ Girons. Bagnères-de-Bigorre et Oloron. En réalité, cette interprétation ne semble guère valable puisqu’on trouve précisément en queue de liste pous la morbidité diabétique la riche région de Marmande et, par contre, en tête de liste l’arrondissement de Figeac, pourtant bien déshérité. Peut-être conviendrait-il de faire intervenir en la circonstance le fac¬ teur géologique déjà discuté en d’autres occasions. Sendrail et ses Elèves ne lui réservent aucune mention. Nous verrons ultérieurement ce qu’il y a lieu d’en penser en étudiant la pathologie du Bassin de Paris. L’article analysé envisage, pour terminer, certaines modalités du Diabète aquitain. Les auteurs toulousains insistent en particulier sur la plus grande fréquence de la maladie dans le sexe masculin avant la cinquantaine, dans le sexe féminin après cet âge, de même que sur sa rareté relative dans le milieu rural et sa prédilection au contraire pour la race israélite et les professions libérales. Ils signalent, en outre, n’avoir observé qu’assez peu d’associationg avec la Tuberculose bulmonaire contrairement à l’opinion classique. A vrai dire, il est très probable que ces particularités ne sont en aueupe façon spécitiques du Bassin aquitain. En tout cas, elles ne sauraient être considérées comme telles qu’à l’issue d’une enquête englobant toutes les régions de France. RIRLIOCRAPHIE MIDI OCEANIQUE 395 36 LA PATHIOLOGE RÉGIONALE DE LA FRANCE Appendice : LE THERMALISME RÉCIONAL Le Midi Océanique est, parmi les régions françaises, l’une des plus riche¬ ment dotées en stations hydro-minérales. Celles-ci abondent le long de la chaine pyrénéenne où on les voit s’étager à toutes les altitudes. BASSES-PYRÉMÉES. Ce département possède un certain nombre de Centres de cure très fré¬ quentés, à savoir : — Cambo-les-Bains dont les eaux sulfureuses à 236 sont préconisées dans l’arthritisme, le rhumatisme chronique et les affections respiratoires chro¬ niques (boisson, inhalations, gargarismes, bains, douches) et les eaux ferru¬ gineuses à 15° dans les chloro-anémies (boisson): — Faux Bonnfs (altitude: 750 m), dont les eaux sulfureuses sodiques et calciques à 32 conviennent principalement aux affections torpides et catarrhales du cavum et des bronches (boisson, pulvérisations et hydro¬ thérapie); — Eaux-Chaudes dont les indications générales sont également celles des eaux sulfurées sodiques et calciques avec cependant une spécialisation pour les « affections gynécologiques des arthritiques » (hydrothérapie, irrigations vaginales) : — Saint-Christuu, détentrice de sources ferro-cuivreuses favorables aux dermatoses ainsi qu’aux affections de la muqueuse buccale et des membranes externes de l’œeil (bains, pulvérisations locales) : — Salies-de-Béarn, très recommandable à titre externe pour ses eaux froides chlorurées sodiques extrémement concentrées dans les Tuberculoses externes, les Métrites et les Fibromes. HAUTES-PYRENÉES. Avec ses huit stations énumérées ci-dessous, ce département est de beau¬ coup le mieux partagé de tout notre Sud-Quest : — Argelès Cazost. — Les eaux froides sulfurées sodiques, cblorurées et bromo-jodurées agissent efficacement, en boisson surtout, dans les affections chroniques des voies respiratoires, voire accessoirement dans le Rhumatisme chronique et les dermatoses; — Bagnères-de-Bigorre (altitude : 584 m). — Avec sa gamme de sources sulfatées calciques magnésiennes chaudes, sulfurées sodiques froides et ferro¬ arsenicales froides (usages externe et interne), cette gtation est conseillée dans le rhumatisme, les névropathies et les chloro-anémies; — Barèges (altitude : 1 2850 m). — Ses eaux tièdes ou chaudes (25 à 45°) sulfurées sodiques fortes sont indiquées dans le rhumatisme chronique. le Iymphatisme, les tumeurs blanches, les séquelles de traumatisme et le pso¬ riasis (usages externe et interne); Bains (rhumatisme). MDL OCÉANIQUE 397 — Capvern (altitude : 450 m). — Ici les eaux sont sulfatées calciques mais non sulfureuses. Elles ont une action éliminatrice qui les rendent pré¬ cieuses en boisson, dans les lithiases rénales et vésicales. — Cauterets (altitude : 930 m). — Ses eaux sulfurées sodiques et chaudes (24 à 48) sont utilement prescrites en boisson, inhalations ou bains dans les affections respiratoires torpides, le rhumatisme, les dermatoses (eczémas séborrhéiques) et chez les syphilitiques soumis à un traitement bis¬ muthique ou mercuriel. Citons encore en dehors de ces stations principales : — Saint-Sauveur-les-Bains (altitude : 70 m) qui possède des caux tber¬ males sulfurées sodiques utilisables en injections locales dans les affections utéro-ovariennes; — Cadéac (725 m), aux eaux riches en acide sulfhydrique (diathèse rhu¬ matismale) : — Et enfin Labassère dont les sources ont des propriétés sensiblement analogues à celles de Bagnères-de-Bigorre. HAUTE-CARONNE. C’est sur le territoire de ce département que se trouve la station bien connue de : — Luchon (altitude : 625 m), dont les sources thermales ou hyperther¬ males (22 à 66°) sulfurées sodiques comportent les indications habituelles de toutes les eaux sulfureuses (rhumatisme chronique, laryngites, asthme, bron¬ chites, eczémas, etc.) et, comme contre-indications, les cardiopathies, les affections hépatiques et les néphrites. PahtecsePtncn coe SluceL, . Signalons en outre : dies de l’enfance et dé la femme). ARIECE. Lei encore une station principale : Acles-Thermes (altitude : 720 m). avec plus de 60 sources de sulfuration et de thermalité variées convenant à toutes les catégories de malades déjà énumérées justiciables de la médication sulfureuse sous toutes ses formes. Acessoirement : Aulus, véritable « Contrexéville du Midi » et IIssat les. Bains oi l’on peut adresser, dans un hur sédatif, les basedoviens, les tachy¬ cardiques et d’une manière générale tous les névropathes. LANDES. On retrouve à nouveau dans ce département une station très en vogue et quelques stations accessoires. La première est Daz dont les eanx thermales (47-64°) radioactives (bpour hydrothéranie et en boisson) et les boues végéto-minérales chaudes (pour applications externes) sont susceptibles d’apporter un grand soulagement aux rhumatisants chroniques. Les autres sont Labenne, Eugénie-les-Bains (dyspepsie) et Préchaca-les¬ 398 LA PALTIOLOGIE RÉCIONALE DE LA FRANCE 382 MIDI OCEANIQUE tes stetonsde sports d’Ayer soyt sottonées d’hiver. 405 LA PATHIOLOGIE BÉGIONALE DE LA TRANCE Les autres départements sont beaucoup moins bien pourvus et on ne peut guère faire à leur sujet que les mentions suivantes : Dans le Cers : Barbotan, dont les boues sont utilisées dans les séquelles de phlébites Dans le Lot : Miers, le « Carlsbad français », dont les eaux sulfatées sodiques sont préconisées dans les divers troubles de la nutrition (goutte, obésité, diabête gras), ainsi que dans les entéro-colites et les constipations opiniâtres: Dans le Tarn : Lacaune et surtout Trébas-les Bains, avec ses eaux car¬ bonatées, calciques et cuivreuses favorables aux arthritiques et aux pso¬ riasiques; Dans la Charente-Maritime enfin : Saujon our l’on peut envoyer les psy¬ chasthéniques. Toutes les stations d’altitude ou de semi-altitnde que nous venons de citer ont fortement contribué au renom et à la fortune des vallées pyré¬ néennes. On peut même dire qu’elles ont été en quelque sorte a l’origine de leur pénétration par l’étranger, Par la suite, le touriste est, volontiers revenu dans un pays dont il avait appris à goûter le charme et qui, par surcroit, lui offre depuis quelques années l’agrément de tous les sports CONCLUSIONS Géographiquement orientée vers l’Atlantique, tournant par contre déli¬ bérément le dos au Bas-Languedoc et à la Provence, barrée au Sud par les Pyrénées, au Nord par le Massif Central, la région du Sud-Quest est demeu¬ rée de tout temps fermée aux influences méditerranéennes pour s’ouprir lar¬ gement à celles de l’Ucéan. Cette constatation, vraie dans le domaine éco¬ nomique et social, l’est tout autant dans celui de la pathologie humaine. Qu’est-il parvenu, en effet dans tout le Bassin de la Caronne de cette riche pathologie de la Méditerranée, si florissante à l’autre extrémité du Seuil de Naurouze? Pas grand-chose assurément, si l’on élimine les quelques cas de Fièvre boutonneuse ou de Leishmanjose viscérale venus récemment s’éga¬ rer jusqu’à Toulouse, au débouché du défilé qui unit si précairement les deux Midis, à la fois si proches et si distincts. Evidemment, on pourait objecter à cette constatation l’extension prise depuis quelques années dans le Bassin de l’Aquitaine par la Fièvre de Malte, cette affection dont les attaches méditerranéennes ne sont plus à démontrer. Effectivement, cette maladie, après avoir accédé au Bas Languedoc et à la Provence, a réussi à s’infiltrer peu à peu de l’autre cêté des collines de l’Espinouse et des Corbières pour gagner l’Ariège et les premiers contre¬ forts pyrénéens, transmise par les moutons vovageurs, infectés nar le Méli¬ tocoque. Mais, à vrai dire, cette pénétration a été assez tardive (vers 1928) et n’a pas pris tout le développement auquel on pouvait s’attendre. C’est que la vieille Brucellose maltaise s’est trouvée immédiatement concurrencée sur place par une autre affection très voisine d’elle, la Fièvre Abortus. véhiculée par les bovidés et originaire des Pays Scandinaves. Rapidement parvenue au Centre de la France, elle n’a pas tardé à atteindre les rives de la Garonne, arrétant là l’essor de sa sœur méditerranéenne et imprimant du même coup à la maladie locale une marque essentiellement nordique. MIDI OCÉANIQUE 401 Mais alors, quelle est donc cette véritable patlologie de l’Aquitaine. expurgée de toutes les influences étrangères 2 Dominée par le voisinage de l’Océan, gans cesse arrosée par les pluies, pourvue d’un réseau hydrographique d’une grande richesse, fréquemment immergée dans ses parties basses du fait des inondations, la région du Sud¬ Quest et des Charentes a toujours vécu sous le « signe de l’eau ». Rien d’étonnant à ce que sa pathologie s’en soit trouvée influencée, et qu’elle soit surtout constituée par toute la série des affections généralement qualifiées « d’hydrophiles ». Au premier rang de ces affections se place naturellement la Fièvre typhoide. Maladie des sources, des puits et des cours d’eau pollués, des estuaires insuffisamment drainés, des ports de mer où l’on fait abondante consommation de coquillages, on la rencontre principalement en hordure de l’Océan, dans les départements charentais notamment, ainsi que dans cer¬ taines zones intérieures, alluvionnaires et de fort peuplement, comme le cours moyen de la Garonne. Même constatation d’ordre topographique en ce qui concerne les Lep¬ tospiroses, qu’il a’agisge des la Spirochétose ictérigène classique ou de cette nouvelle venue de la pathologie infectieuse qu’est la Leptospirose grippo¬ typhosa, dont plusieurs cas ont été observés dans les Charentes durant l’occu¬ pation altemande. La Poliomvélite dont les posibilités de transmission par l’eau sont aujourd’hui admises, semble manifester de son côté une singulière prédilec¬ tion pour les rives humides de la Caronne et de l’Adour, à en juger par l’extension qu’y ont prises les épidémies de 1908, 1909, 1934, 1943 et 1953. ces dernières avant compté respectivement 350 et 306 cas dans tout le Bassin. Et, toujours dans le domaine des procesus neurotrones, il nous faut également citer l’Acrodynie infantile dont la fréquence autour de la Rochelle. de Toulouse et de Bordeaux doit être désormais reconnue, le grand port de la Cironde s’étant par ailleurs signalé à un moment donné comme étant un foyer d’Encéphalite épidémique. Enfin, nous mentionnerons la fameuse Suette, cette terible maladie des temps anciens, encore parfois en éveil dans nos départements des Charentes et du Poitou où son existence est à rapprocher de l’aspect souvent miliaire qu’y prennent les éruptions les plus banales. Comme nous venons de le dire, toutes ces affections reconnaissent un lien commun, celui de se développer le long des cours d’eau gans qu’il soit toutefois possible d’indiquer dans chaque cas le motif exact de ce tropisme particulier. De toute façon, qu’il soit expliqué ou non, ce tropisme existe. Et c’est lui qui caractérise avant tout la pathologie des grandes plaines découvertes, ou mieux des bassins fortement irrigués dont nous retrouverons plus loin un autre exemple tout aussi frappant en étudiant le Bassin parisien. Evidemment, le bilan que nous venons d’établir est loin d’être complet. Mais, lorsque nous aurons indiqué en outre que cette région doit à l’équi¬ libre physitmue et moral de sa population une fréquence modérée des grands fléaux sociaux que sont l’Alcoolisme et la Tuberculose, lorsque noug aurons rappelé qu’elle se trouve bordée au Sud par la chaine pyrénéenne affectée d’une pathologie propre, avant tout montagnarde et dominée par les Brucel¬ loges et le Coitre des, nallées, lorsque nous aurons insisté enfin sur l’abon¬ dance des ressources thermo-climatiques dont elle dispose, nous aurons, crovons-nous, défini les tendances morbides essentielles d’une riche contrée. sans doute l’une des plus prospères de France. 26 BRETAGNE CÉNéRALITéS Vaste péninsule appartenant au plissement hercynien de l’époque pri¬ maire, la Bretagne enfonce dans l’Océan, à la manière d’une proue, sa masse puissante et trapue aux contoura finement dentelés. Bordée sur trois faces par la mer, séparée sur la quatrième du reste du Conti¬ nent par des plateaux au sol ingrat, elle a vécu pendant de longs siècles dans l’isolement le plus complet. Ainsi sa population a conservé, outre ses traits raciaux distinctifs, ses coutumes propres et jusqu’à ges dialectes. Ce n’est que tout récemment — et encore avèc beaucoun de prudence — qu’elle a consenti à s’ouvrir aux influences du dehors. Si aujourd’hui le vovageur venu de Paris ne discerne plua guère le moment où il pénêtre en pays breton. c’est que la main de l’homme est intervenue pour effacer les antiques bar¬ rières. Cenendant un œeil averti percoit encore quelquea trainées d’étangs (marais de Dol), quelques lambeaux de forêts (forêts de Fougères, de Rennes. de la Guerche, d’Ancenis), quelques citadelles démantelées (Vitré. Saint¬ Aubin-du-Cormier. Chateaugiron, etc.), derniers vestiges des frontières dispa¬ rues. Il remarque en même temps un certain appauvrissement des cultures, un cloisonnemént extrême de la propriété et surtout un air de mélancolie spécial dans les pavsages qui lui -font bientôt soupconner l’entrée dans un monde nouveau. En fait, c’èst hien d’un monde nouveau qu’il s’agit : jalou¬ sement attachée à ses traditions et rebelle à toute assimilâtion, notre vieille province a su jusqu’à nos jours se réserver une sorte d’indépendance, laquelle se manifeste, uon seulement gur le terrain économique et social, mais égale¬ ment dans le domaine de la pathtologie où se retrouve encore la marque d’un passé tron longtemps fermé. L’aspect du reliet ne nous retiendra que fort peu Au reste, il peut être failement schématisé. Au Nord et au Sud, parallèlement à la direction du rivage, courent deux lignes de plissement qui, très rapprochées à l’Ouest, vont en s’écartant à mesure que l’on s’avance vers l’intérieur. Ces rides de gneiss, de quartzite et de granit représentent les parties les plus résistantes d’anciennes chaines montagneuses qu’une érosion séculaire a presque entiè¬ rement, nivelées. Le long de la côte septentrionale se succèdent ainsi les Montagnes d’Arrée (391 m au Mont-Saint-Michel de Braspartz) et les hau¬ teurs du Menez. Plus au Sud, ce sont les Montagnes Noires (330 m au Menez¬ nes Pandes de Pgr adx ct re Sror oc pretagne prolongés par la (ottne. 406 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE LA BBETAGNI LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE vendéenne (386 m au Mont Mercure). Entre ces deux alignements s’intercale une dépression formée de schistes tendres comportant d’une part le bassin de Chateaulin, et de l’autre celui de Rennes, séparés par le bombement aride du plateau de Rohan. L’ensemble donne l’impression d’une vaste plate¬ forme de médiocre altitude où le relief s’inscrit en creux bien plutôt qu’en saillie, aboutissant à un morcellement extrême du paysage. « Fille de l’Océan » par cet aspect usé et tourmenté de son socle, la Bretagne l’est également, comme nous allons le voir, par son climat, le des¬ gin de ses côtes, son irrigation et ses cultures. Le climat breton est, de tous les climats français, le plus franchement maritime. C’est dire qu’il se manifeste avant tout par la prédominance, très nette des vents atlantiques tout chargés d’humidité et par une égalisation remarquable des saisons, évitant les hivers trop rudes et les étés trop chauds. Tous les vents se disputent cependant le ciel de Bretagne avec parfois des alternances subites, des sautes d’humeur imprévisibles. On peut y obser¬ ver notamment des vents d’Est, tantêt aigres et tantôt chauds suivant les influences continentales. Mais ils sont plutêt rares en comparaison des souf. fles venus du large, qu’il s’agisse du Noroic (origine N.-O.), brutal et impé¬ tueux, ou du Suroit (origine S.-O.), plus doux et encore baigné d’effluves méridionales. Tandis que le premier, justement redouté des navigateurs déclenche des tempêtes violentes et des averses glacées, le second, au con¬ traire, amène des brouillards attiédis qui se résolvent en pluies fines, péné¬ trantes, amollissantes, détrempant le sol, transformant les chemins en bour¬ biers et propageant une humidité malsaine jusque dans l’intérieur des maisons. C’est la fréquence toute particulière de ce « crachin » qui explique que les précipitations n’atteignent guère un niveau élevé malgré le très grand nombre des jours de pluies. A Brest, par exemple, les pluviomêtres n’enre¬ gistrent que 824 mm par an en dépit de 200 jours mouillés. Or, si ces der¬ niers s’observent surtout durant l’hiver et le printemps, ils sont loin d’être exceptionnels au cours de l’été, trop souvent assombri par des brumes maus¬ sades. On conçoit dans ces conditions, que pour les amateurs de soleil et de lumière la saison des bains de mer en Bretagne ait assez médiocre réputa¬ tion. En réalité, elle ne constitue qu’un court entracte au milieu de l’année grise. Dès lors, elle ne peut attirer que ceux que séduisent le pitoresque du pays et cette douceur constante d’une température qui partout se main¬ tient entre les extrêmes de 4 et 16 degrés. Pour ces touristes en vacances, l’atmosphère marine, se révèle ordinai¬ rement stimulante et salutaire. En revanche, elle convient mal aux malades qui redoutent l’humidité, aux rhumatisants particulièrement, ainsi qu’aux tuberculeux, exception faite toutefois de quelques secteurs privilégiés tels que la vallée du Huelgoat dans le Finistère et les bords du golfe du Morbihan où se sont précisément installés les principaux Etablissements de cure. Soumise à la fois à l’action des pluies et aux assauts de l’Océan, la Côte bretonne offre des aspects extrêmement variés parmi lesquels cependant plusieurs formes dominent. On y trouve tout d’abord la côte abrupte aux promontoires hardis, surplombant une mer houleuse toute parsemée d’écueils. Ailleurs, ce sont de larges anses, en eau tranquille, domaine des parcs : huitres et des marais-salants, Plus loin, c’est une côte à marais correspondant à d’anciens golfes comblés ou l’homme a créé des polders, éliminant peu à peu un Paludisme autrefois assez actif. Mais ce qui parait de beaucoup le plus caractéristique et le plus fréquent c’est la côte dite à « rias », ce terme désignant les vallées inférieures de certaines rivières que des affaissements du terrain ont submergées et où viennent régulièrement s’engager les marées. Deux fois par jour, en effet, le flux pénêtre partout à l’intérieur de, ces PINECN 2 brèches ouvertes, éveillant les petits ports établis au fond des estuaires, au point où ceux-ci croisent les grandes routes commerciales qui, à faible dis¬ tance, longent le rivage. Suivant la direction des courants marins et l’orientation des couches de terrain, c’est à l’un ou l’autre de ces types que l’on a surtout affaire. Tandis qu’au Nord, faisant suite au marais de Dol, c’est la cête rias qui se déroule dans toute sa pureté (baies de Saint-Malo, de Saint-Brieuc, de Mor¬ laix, Aber-Vrach, etc.), à l’Ouest c’est une côte a anses que l’on rencontre avec les échancrures profondes de la rade de Brest et de la baie de Douar¬ nenez creusées dans les schistes, dégageant, en caps audacieux, les éperons granitiques de la pointe Saint-Mathieu, de la presqu’ile de Crozon et de la pointe du Raz. Au Sud, enfin, du fait de l’apaisement des courants, on recon¬ nait le dessin d’une côte qui s’ensable, déformant les rias (Odet, Blavet, etc.). donnant déjà au golfe du Morbihan un aspect de lagune, rattachant des iles au continent (presqu’ile de Quiberon), ou colmatant progressivement, de part et d’autre de la Loire, les marécages de la Brière et le marais breton parfois encore hantés par quelques miasmes. Issus des chaines montagneuses qui doublent le littoral, les cours d’eau n’ont que de courts trajets à accomplir avant de gagner les rias qui mar¬ quent leurs embouchures. Beaucoup ne dépassent guère 50 Kilomêtres de long. Ils rendent cependant au pays d’appréciables services grâce à la profondeur et à l’étendue de leurs estuaires que remontent les marées. C’est ainsi que la Rance est accessible sur 30 Filomêtres aux bateaux calant 3 m. 30 et que le Trieux est navigable sur près de 20 Kilomêtres aux navires de moyen tonnage. Pour eux, le fleuve réalise un élément essentiel de prospérité. Malheureusement, il constitue en même temps l’égout naturet vers lequel convergent toutes les impuretés propenant des activités urbaines. Si, théoriquement, il appartient à la marée de déblaver ces déjec¬ tions et de les entrainer vers l’Océan, en pratique on s’apercoit que le résul¬ tat espéré est loin d’être obtenu. Il suffit, en effet, d’observer le calme gonflement de la mer montante puis la sage lenteur du reflux, de respirer les odeurs nauséabondes qui se dégagent du lit envasé, pour se con¬ vaincre de l’inefficacité à peu près complête de ce double mouvement du flot, au moins en ce qui concerne l’hygiène. On ne saurait, en consé¬ quence, s’étonner du rôle important qu’ont de tout temps joué les rivières bretonnes dans la propagation des maladies hydriques et surtout de la typhoide, soit directement, soit par l’intermédiaire des coquillages souillés recueillis aux embouchures et consommés en grand nombre par les habitants. Parmi ces fleuves côtiers assez semblables les uns aux autres, il en est un toutefois qui mérite une mention particulière : c’est la Vilaine qui, longue de 150 Kilomêtres, occupe avec ses affluents le riche bassin rennais. Repro¬ duisant en miniature les bassins tout proches de Paris et d’Aquitaine, le bassin rennais a vu se développer sur son territoire les mêmes variétés d’affec¬ tions d’origine hydrique que ses voisins, à savoir, outre la dothiénenterie, la Poliomyélite et jusqu’à l’acrodynie infantile dont les observations, de nos jours. ne cessent de se multiplier. Quant au cours inférieur de la Loire, il est le siège d’un foyver de mor¬ bidité à peu près identique au précédent avec, au surplus, toute la gamme nouvelle des Leptospiroses. A vrai dire, ce fover ne saurait être considéré comme spécifiquement breton. Né à l’extrémité d’une des principales voies de drainage de notre pays, il apparait comme le fruit d’inoculations mul¬ tiples à distance et perd, de ce fait, beaucoup de son individualité. Il n’em¬ pèche que cette « pathologie d’emprunt » menace sérieusement la Bretagne et lui fait courir des risqrues contre lesquels elle doit songer de plus en plue à se préserver. 410 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Pacons maintepant aux cecources noturelles. A cet écard, on peut dire que pour le visiteur en villégiature sur la Côte, ce qui frappe avant tout c’est l’exploitation intensive de la mer, Toutes les formes de pêche y sont effectivement pratiquées : pêche lointaine de la morue sur les bans de Terre¬ Neuve, pêche plus rapprochée des poissons de passage, sardines et thons. dont quelques ports tets Douarnenez et Concarneau se sont fait une spécia¬ lité, pêche quotidienne du poisson frais dans les eaux littérales. A cela. il faut ajouter la récolte du goémon, source d’importants profits pour les riverains puisqu’elle est à la base de la fabrication d’engrais appréciés et de la préparation de l’iode. Sans doute est-ce d’ailleurs à la haute teneur de l’atmosphère en vapeurs jodées que la Bretagne doit d’ignorer le goitre. absolument exceptionnel sur son territoire. A ĉté de cette exploitation de la mer, celle du sol n’offre pas moins d’intérêt. Là encore, on reconnait l’action prépondérante des influences océaniques. A son climat doux et équilibré la Bretagne doit notamment de voir pros¬ pérer les plantes qui redoutent les hivers rigoureux. Légumes de luxe et pri¬ meurs se développent abondamment en certains points choisis du feston litto¬ ral (Roscoff. Plougastel..) justifiant son renom et son appellation flatteuse de « Ceinture dorée ». Par contre, le ciel brumeux et la rareté des jours de clair soleil con¬ viennent mal à la vigne qui exige une forte insolation. Mais le pays se rattrape sur les arbres fruitiers. Ici, à défaut de vin, c’est le cidre qui est à l’honneur. Les, pommiers poussent un peu partout, fournissant parfois des crus réputés comme ceux de Fouesnant, plus souvent, il est vrai des produits de moindre qualité, inférieurs dans l’ensemble à ceux de Normandie. Il en résulte une exportation assez limitée qui augmente d’autant la consommation sur place. Nous verrons ultérieurement que c’est à cette surproduction de boissons alcoolisées (cidres et marcs divers) non compensée par de larges débouchés extérieurs qu’est due, au moins pour une bonne part, l’extension de l’Alcoolisme dans la péninsule. A part quelques zones de fécondité, le sol breton se montre d’une manière générale aesez avare. Chargé de silice, il est mieux fait pour la forêt et la lande que pour les cultures. Aussi, de très bonne heure, le paysan a été amené à se tourner vers l’élevage susceptible de lui assurer des gains meilleurs. Mais cet élevage, il faut bien l’avouer, a été concu durant des siècles suivant des règles extrémement primitives. Mal nourries, obligées le plus souvent de se contenter de la lande, de la jachère ou de maigres pâtures, les bêtes, ordinairement chétives, ne pouvaient guère se signaler que par leur endurance. Tel était le cas notamment de la vache « pie noire » de Cornouailles, sobre, rustique et pourtant excellente laitière, du petit bidet de Briec, du mouton du Cap, des porcs noirs du plateau de Rohan. Fort heureusement, de nos jours, la situation s’est completement transformée. Atta¬ quéo do toutes parts, la lande a cédé la place, non seulement aux champs de blé, mais encore à des prairies bien drainées; de même l’alimentation du bétail est plus soignée et son habitat plus confortable. Surtout d’habiles croisements ont été réalisés en vue d’améliorer les races anciennes : intro¬ duction dans la péninsule de « durhams » pour les bovidés, de coursiers anglo-saxons agiles, de porcs anglais gras et robustes. Dans ces conditions. le rendement s’est trouvé considérablement accru : aujourd’hui, la Bretagne est grande productrice de viande de boucherie et son beurre salé, s’il n’a pas toujours la finesse du beurre charentais, est néanmoins d’un bon rap¬ port, surtout depuis que sa fabrication s’est modernisée et s’effectue selon. des procédés un peu plus hygiéniques. PNE 411 Pour donner une idée de l’importance du cheptel local actuel, nous pensons ne pouvoir mieux faire que de reproduire les quelques chiffres ci-apres, emipruntes au récent ouvrage d’Ernest Granger : Valeur numérique du cheptel breton en, 1936. De ces tableaux on peut tirer les conclusions suivantes : l° Pour les bovidés, la Vende se classe au second rang des départe¬ ments français. (immédiatement après la Manche), suivie de très près par les cinq départements bretons qui occupent respectivement les 3, 4, 5 6° et 13° rangs; 2° Pour les chevaux, les deux premières places en France reviennent au Finistère et aux Côtes-du-Nord que l’on retrouve encore en très bonne place en ce qui concerne l’élevage des porcins: 3° Les départements péninsulaires réunis entretiennent au total près de 2 millions de bovins, de 400 000 chevaux et de 800 000 porcs; 4° Seuls les ovins se voient assez modestement représentés, hormis tou¬ tefois quelques zones particulières, au demeurant incultes, telles que la pres¬ qu’ile de Crozon, le Cap et le plateau de Rohan. Cette rapide esquisse montre le grand pas réalisé au cours de ces dernières années dans le domaine de l’économie bretonne. Ainsi la pénin¬ sule a le droit désormais d’être considérée comime l’un de nos meilleurs mar¬ chés et surtout comme une de nos principales régions d’élevage. La rareté des affections d’oricine animale sur son territoire n’en est, des lors, que plus surprenante. Tandis que l’Echinococcose et la Trichinose ne e’y observent guère, le charbon humain se limite de son cêté à quelques contaminations accidentelles, en dépit des atteintes assez nombreuses du chep¬ tel, notamment dans le sud du Morbihan. Quant à la Mélitococcie, ailleurs très répandue en France, à peine vient¬ elle de faire tout récemment son apparition dans la contrée sous la forme de cas sporadiques et dispersés. Cette alerte, bien que discrête, suffit néan¬ 412 LA PATHOLOGIE BŔGIONALE DE LA FRANCE moins à motiver une grande vigilance et la surveillance la plus attentive. On conpait, en effet, l’énorme diffusibilité du processus, et la rapidité avec laquelle il peut engendrer parfois des épizooties graves, responsables gecon¬ dairement d’endémies humaines meurtrières. Reste la question du sous-sol. Tout de suite on peut dire que le rève autrefois caressé d’une Bretagne minièré a du être entièrement abandonné. Dans l’ensemble, les gisements sont très pauvres, Par surcroit, le Breton. s’il est né marin ou agriculteur, à la rigueur carrier, n’est pas fait pour la mine. Citons cependant les exploitations de Faolin de Plœmeur et de Riec appelées peut-être un jour à supplanter celles du Limousin, les ardoisières de Chateaulin (15 000 tonnes par an) cependant de plus en plus concur¬ rencées, les petits hassins houillers de Faymoreau en Vendée, et de la Gui¬ bretière dans la Loire-Atlantique, enfin les filons ferrugineux situés en bor. dure de l’Anjou, encore peu fouillés et probablement tenus en réserve pour des temps meilleurs. Toutes ces exploitations ne constituent pas des sources sérieuses de Silicoses. Mais elles sont insuffisantes pour alimenter une région étendue et surtout pour lui permettre un essor industriel de quelque enver¬ gure. C’est ce qui explique la raison pour laquelle les grands ports de Nantes et de Saint-Nazaire, aujourd’hui largement industrialisés, se trouvent cons¬ tamment obligés de faire appel à l’étranger pour obtenir le charbon et le minerai qui leur sont nécessaires. Après avoir évoqué le pays, partons un peu de l’habitant. Classique¬ ment, on admet que le peuple breton appartient à la race celtique, l’une des plus anciennes de notre histoire. Effectivement, dès avant l’ère chré¬ tienne, cette race existait déjà dans la péninsule ainsi qu’en témoignent les chroniqueurs latins. Mais elle était alors réduite à quelques colonies isolées — Venêtes du Morbihan. Bhédons de la Vilaine — dont on sait combien fut héroique la résistance à l’oppression romaine, Par la suite, aux Ve et Vle siècles après L.-C., ce rameau primitif devait se irouver puissamment renforcé du fait de l’émigration massive des Celtes insulaires, expulsés du Pays-de-Galle et de Cornouailles anglaise par les conquérants caxons. Con¬ traints de se réfugier sur le Continent,, ils allaient bientôt pénétrer en Armo¬ rique et s’y fixer définitivement, imposant aux premiers occupants leurs mœurs et leur langage. Aujourd’hui, ce sont eux que les ethnologues consi¬ dèrent comme les véritables ancêtres de nos Bretons actuels. Bien qu’amplement prouvées, ces notions ne peuvent toutefois rendre compte, à notre avis, de toute la complexité du problème. Il est en par¬ ticulier logique de penser que les invasions multiples qui, durant l’Antiquité, n’ont cessé de déferler sur l’Europe, n’ont pu parvenir jusqu’à la Bretagne sans y laisser de traces profondes. Brusquement arrêtés par l’Océan dans leur marche forcenée vers l’Occident, ces émigrants guccessifs ont dua fatale. ment s’intéresser, à ce pays qui, marquant la fin de leur essor, venait leur offrir un asile sur, à l’abri de frontières naturelles faciles à défendre. Vrai¬ semblablement, nombre d’entre eux s’y sont installés. Ainsi, la région s’est transformée en un énorme, « crenset » oì se sont fondua er amalgamés les apports les plus divers, cristallisés sans doute, mais à partir d’une certaine date seulement, autour de ce noyau fondamental constitué par l’élément celte. La période des grandes invasions terminée, un phénomène nouveau est alors intervenu, en sens inverse cette fois. Reléguée désormaie, du fait de sa position excentrique, à l’écart des vastes courants d’achivite lès au dévelop¬ PNE 413 pement du commerce, greff́e en quelque sorte gur le tronc français sans pouvoir participer étroitement à sa vie, la péninsule bretonne s’est bientôt trouvée condamnée à un isolement presque complet. Dès lors, la race forte surgie de son sol, loin de s’abâtardir au hasard de mélanges renouvelés, n'’a pu que renforcer peu à peu ses traits originels, s’individualisant de plus en plus à travers les âges. Mais, ce faisant, elle ne pouvait en même temps échapper aux inconvénients d’une sélection trop poussée. De là certaines aptitudes mordides particulières parmi lesquelles il convient de citer notam¬ ment une propension assez spéciale à la Tuberculose. De là surtout une fréquence inquiétante des tares héréditaires, conséquence inéluctable d’une existence resserrée entre individus de même origine et trop souvent de même sang. Quoi qu’il en soit, cette évolution a abouti à un type ethnique Bien défini généralement facile à reconnaitre. Physiquement, le Breton est petit. brun, trapu, avec un front carré et des pommêttes saillantes. Au moral, il apparait mélancolique, mystique même, sujet à de brusques colères alternant avec de longues rèveries. Timide et fier, d’un entêtement légendaire, quel¬ que peu méfiant, il est par ailleurs indépendant et volontiers frondeur. Ces derniers traits de son caractère associés à l’amour profond qu’il voue à sa petite pâtrie expliquent la persistance en lui d’un certain esprit particulariste que la modernisation récente du pays n’a pas encore réussi à entamer. Tandis que la Bretagne se maintenait ainsi à l’écart du reste de la France, ses différentes régions constitutives vivaient elles-mêmes dans une ignorance à peu près absolue les unes des autres, formant comme autant de mondes séparés. A cet isolement intérieur deux facteurs physiques ont essen¬ tiellement contribué, à savoir : l’imperméabilité du terrain et le relief très accidenté. Pour s’adapter à ces conditions naturelles, l’homme, à son tour. a réagi de deux facons : par la dispersion de l’habitat d’une part, et de l’autre par une division trèe marquée de la propriété. La dispersion de l’habitat dans les campagnes est, en effet, le résultat à la fois de la nature granitique du sol et de l’abondance des pluies qui. en multipliant les sources, ont mis partout l’eau à la dieposition des popu¬ lations. De là un éparpillement des villages et des hameaux limités la plupart du temps à quelques feux blottis au creux d’un vallon, à l’extrémité d’un chemin tortueux et boueux d’accès malaisé. Dans ce pave agricole, buriné par l’érosion, parcouru par d’innombra¬ bles ravines, la ferme représente encore le centre principal de l’activité humaine. Chacun connait la phygionomie classique de ces modestes bâtisses sans étage, aux murs composés de gros moellons irréguliers, aux toitures d’ardoise ou de chaume, au sol carrelé ou de terre battue. Pauvres en ouvertures, elles ne comportent ordinairement qu’une seule pièce où les meu¬ bles — lits jadis clos, tables et banquettes, armoires, vaisseliers — dessinent de multiples cloisonnements auprèg de la haute cheminée enfumée où se prépare une médiocre nourriture. Attenant à cette maison d’habitation, étable et granges se disposent de part et d’autre d’une cour étroite où git, à proximité immédiate du puits, le tas de fumier, couvert de mouches l’été et d’où s’échappent en tous gens des ruiseaux malodorants et fangeux. Au sortir de cette demeure rustique, le paysan n’a en général que quel¬ ques pas à faire pour gagner ses champs, petits ilots de verdure entouré de haies bagses que couronnent des chènes, des hêtres et de la broussaille. On voit combien on est loin ici des grandes plaines découvertes, de ces « champagnes » du Bassin parisien d’où l’œil peut embrasser d’immengeg étendues. C’est au contraire l’aspect typique d’un « bocage » fortement com¬ partimenté, d’une sorte d’échiquier où les prés constituent de minuscules clairières disséminées au milieu des arbres. 414 LA PATHIOLOGIE géGIONALE DE LA TRANCE Tel fut — et tel est encore trop souvent — le cadre dans lequel évolue en permanence l’habitant de la Bretsgne intérieure. Pour lui, il n’est guère d’autre horizon que celui, monotone, où le destin l’a fixé. En dehors de quelques sorties bien réglées, à une foire par exemple, ou bien à la messe paroissiale du dimanche, occasions parfois de libations répétées, c’est toute l’année une vie de travail obscure et déprimante dans la plus austère des solitudes. Point n’est donc besoin d’aller chercher ailleurs les causes de cette psychologie rurale si particulière à laquelle nous venons, il y a un instant, de faire allusion. De même que c’est à l’ingratitude d’une terre pénible¬ ment défrichée que le Breton doit son énergie inépuisable et son opinia¬ treté, de même c’est à l’existence intime et secrè̂te qu’il mène dans un monde resserré où « tout est prévisible » qu’il faut attribuer, outre un goît inné pour la vie simple et familiale et une tendance marquée à la méditation morose, ce manque parfois d’initiative personnelle et cet esprit de rou¬ tine qui ont tant nui au développement du pays. Poussées à l’extrême, ces déviations du nsychisme conjuguées aux mau¬ vaises habitudes qu’elles entrainent peuvent, dans certains cas, conduire à des désordres plus graves, conférant à la psychiatrie locale des tonalités souvent spéciales. Dans les campagnes, si les psychoses syphilitiques sont rares du fait de la chasteté naturelle du paysan, par contre, les démences alcooliques sont très répandues comme aussi les tares mentales diverses qu’engendrent les hérédités chargées. Non moins fréquents sont, d’autre part, certains états dits dépresifs favorisés par le complexe de repliement solitaire. C’est ici qu’il convient de signaler ce syndrome si caractéristique que B. Le Bourdelles vient de décrire sous le nom de « Psychose de dénaysement ». Communément rencontré chez tous les Bretons récemment transplantés, il s’observe surtout parmi les jeunes conscrits incorporés depuis peu dans l’Armée et récemment arrachés à leur ambjance habituelle. Mais les conditions du milieu peuvent avoir bien d’autres répercussions. d’ordre épidémiologique notamment. Nous avons évoqué la demeure fami¬ liale rudimentaire, étriquée, sans air, sans lumière; nous avons souligné son inconfort et son manqué d’hygiène; nous dénoncerons bientêt son surpeuple¬ ment, conséquence d’ie natalité élevée. Tout ceci permet facilement d’ima¬ giner quelle proie offrent les habitants aux infections de toutes sortes. Parmi ées dernières, nous mentionnerons surtout la Tuberculose actuellement en voie de régression, mais qui a exercé d’énormes ravages, et, à côté d’elle. la Typhoide, due ordinairement à une souillure de la nappe phréatique par l’intermédiaire de puits insuffisamment protégés. Ce n’est d’ailleurs pas là le seul danger de l’eau. Circulant en terrain granitique azalçaire, on l’a accusée, à un tout autre point de vue, de pro¬ voquer des troubles de décalcification divers dont il faut bien reconnaitre l’incidence locale excessive. A l’issue de cet exposé, on ne saurait s’étonner du petit nombre et de la médiocrité des villes bâties dans toute cette zone intérieure que les géo¬ graphes dénomment « Archoat » ou pays de la forêt. Les principales agglo¬ mérations qu’on y rencontre — Guingamp, Pontivy. Ploermel et Redon. auxquelles on peut ajouter la Roche-sur-Yon en Vendée — ne sont tout au plus que de grosses bourgades animées seulement les jours de marché. Seule. Rennes, avec ses 100.000 habitants, a conservé quelque prestance. Ancienne capitale de la province, de tout temps centre administratif et universitaire influent, elle s’est annexée depuis peu, à défaut de grande industrie, quel¬ ques manufactures et ateliers qui lui donnent un regain de vie. Il est regret¬ table qu’influencée de plus en plus par le voisinage du Bassin parisien, elle e poge ge omge ooep Pcgegap ae son prctorcsque et de son originalité. BRETAGNE 415 En opposition avec « l’Archoat ». « l’Armor » ou pays de la mer mani¬ feste une activité autrement intense avec ses 177 habitants au Km°. Ici les ports jalonnent partout le littoral, installés tantôt en bordure même de la côte, tantot plus à l’intérieur, dans la profondeur des rias. Parmi eux, nous citerons surtout Saint-Malo, Brest. Douarnenez. Concarneau. Lorient et Van¬ nes d’une part; Saint-Brieuc, Morlaix et Quimper de l’autre. Tous, mis à part les ports de guerre, se sont délibérément orientés vers la pêche et le petit cabotage. Ils ne sauraieat du reste prétendre à mieux. Eloignés de Paris, dépourvus de tout arrière-pays, ils ne peuvent en effet envisager de devenir des ports d’escale, encore moins de servir de terminus à de grandes lignes internationales. A cette règle, il y a pourtant une exception : elle concerne Nantes et ses environs. Nous n’insisterons pas à nouveau sur la situation privilégiée qu’occupe cette vaste cité. Distante de 390 km de Paris par voie ferrée et sise le long du cours inférieur d’un grand fleuve, elle était normalement promise à un bel avenir. En fait, vers le début du XVIIIe siècle, sa flotte se classait pre¬ mière de toute la France grâce à son commerce avec les Antilles. Depuis lors, son trafic a subi un important recul occasionné en grande partie par l’ensablement de l’estuaire. Pour éviter d’être supplantée par Saint¬ Nazaire, construite à l’embouchure même de la Loire il y a un siècle à peine, elle a dù entreprendre d’immenses travaux, en vue de dégager les chenaux obstrués. Aujourd’hui les navires calant 7 mêtres peuvent l’attein¬ dre. Néanmoins, malgré ces efforts, malgré une lutte victorieuse contre Rennes, la rivale terrienne, malgré aussi la création autour d’elle de tout un ensemble industriel (Basse-Indre. Paimhgeuf. Donges. Savenay, etc.) destiné à assurer aux cargos qui l’abordent du fret de retour, on la voit perdre de jour en jour du terrain au profit du Havre et de Bordeaux bien mieux équipés pour les échanges avec les Amériques. Bien entendu. du point de vue de l’hygiène, elle se trouve de ce fait bien moins expo¬ sée que ses concurrentes à l’importation des germes étrangers. Mais ce n’est là de toute évidence pour elle qu’une bien faihle consolation. La population de la Bretagne, longtemps en accroissement, a baissé après l’épuisanté saignée de la guerre 1914-1918. Pourtant l’excédent des naissances sur les décès s’est toujours maintenu. La natalité, très forte au début du XIX° siècle, en diminution progressive depuis, demeure toutefois supérieure à la moyenne française, principalement en Basse-Bretagne, cependant que s’atténue la mortalité, extrêmement élevée au cours du siècle dernier. Pour expliquer cet apparent paradoye, il faut faire intervenir l’émigra¬ tion qui a fini par compeuser et même dépasser l’augmentation signalée plus haut. Très tardivement survenue, elle a fait d’énormes progrès depuis une quarantaine d’années environ, favorisée par la multiplication des contacts avec les autres régions et surtout avec Paris. Le moment est donc venu où la péninsule, entrée dans le grand courant de la civilisation moderne. ne peut plus résister à la lente aspiration à laquelle elle est actuellement sou¬ mise; désormais, le bénéfice de sa fécondité va à la France, autant et plus qu’à elle-même. Dans le réservoir breton, notre pays puise en effet inlassablement, sans presque rien envoyer en contre-partie. Essentiellement terrienne, la Bretagne exporte surtout des travailleurs de la terre qui s’en vont exercer des métiers manuels dans les provinces limitrophes (Maine. Anjou), dans la Capitale et sa banlieue, rarement ailleurs, les ports méridionaux exceptés. Dans l’en¬ semble, il s’agit d’une émigration de pauvres gens et les retours au village natal sont plutôt rares. Nous avons déjà dit que cet exode n’était équilibré par aucune immi¬ gration appréciable. D’ailleurs, les Bretons n’aiment vivre qu’entre eux. A 416 LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA FRANCE L’été, le flot sans cesse grandissant des touristes qui gagnent les plages ne se mélange guère à la population locale. Malgré son ampleur — 350 000 baigneurs par an d’après Choleau — ce courant ne semble donc jamais appelé à retentir sur la santé de l’autochtone et sur la situation épidé¬ miologique du pays. Ainsi se présente la Bretagne, surtout la Bretagne traditionnelle. Sans doute bien des facteurs sont intervenus depuis quelques années pour modi¬ fier ses aspects et pour orienter son activité vers des voies nouvelles. Ils n’ont pas réussi pour autant à altérer profondément les traits de la vieille province. Sa pathologie, en dépit des quelques remaniements en cours, con¬ serve toujours cette marque spéciale que nous allons bientôt reconnaitre dans les prochains chapitres. BIBLIOCRAPHIE 1. BOBIN (R.). La Gatine vendéenne. Niort, 1926. 2. GALLQUEDEC (L.). La Bretagne, Paris, Hachette, 1917. 3. GRANGER (E.). La France, Paris, A. 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Et pour asseoir cette appréciation désobligeante, ce sont toujours aux mêmes arguments que l’on tait appel : fréquence des cas d’ivresse, multiplication des cabarets, etc. Il nous appartient dans ce chapitre de déterminer si ce sont là propos vulgaires, fictions littéraires ou, au contraire, expressions d’une stricte réalité. A vrai dire, l’enquête dans ce domaine se montre malaisée. Sans doute l’opinion publique conserve-t-elle toute sa valeur. Malheureusement, elle ne tient généralement compte que des manifestations purement spectaculaires. Quant à l’opinion médicale, à priori mieux fondée, elle a le défaut de se trouver entravée par des considérations de déontologie ou d’opportunité qui génent singulièrement le Praticien dans l’énoncé de ses diagnostics. Seuls les Médecins exercant dans les collectivités (Hopitaux, Asiles, Armée) peuvent dans une certaine mesure s’affranchir de cette contrainte : leur avis n’en sera que plus précieux. Beste la Statistique. Elle est ordinairement très décriée, surtout en la matière, et pour cause : insuffisance des déclarations, soit par abstention. soit par omission, difficulté qu’il y a à préciser le seuil de l’éthylisme et à définir son rôle exact dans l’étiologie des états morbides observés, abondance BRETAGNE 412 des cas échappant au dépistage, etc. Toutetois, il n’est pas sans intérét de remarquer que cette critique s’efface quelque peu si, au lieu d’essaver de dénombrer les malades eux-mêmes, on oriente les recherches vers l’éva¬ luation des quantités de boissons effectivement absorbées par tête d’habitant. Ainsi, nous n’aurons recours en définitive qu’aux deux sources d’infor¬ mation qui apparaissent comme les moins sujettes à caution, à savoir les documents relatifs à la consommation réelle d’une part, et d’autre part ceux qui ont trait à la fréquence des hospitalisations pour accidents toxiques. En ce qui concerne la première de ces rubriques, le mieux est de s’adres¬ ser aux documents publiés en 1945 par L. Dérobert dans le « Recueil de Travaux de l’Institut National d’Hvgène ». Si l’on examine la question de la consommation en vin dans les dépar¬ tements bretons, voici ce que l’on constate tout d’abord : Consommnation en vin d’après le montant des droits de circuhution acquite (Année 1936-1937-1938). On peut déduire de ce tableau que, sauf la Loire-Atlantique (nous aurons à revenir sur son cas) et, à la rigueur le Finistère, la Bretagne ne se signale pas par une consommation exagérée de vin, trois de ses départements se classant même parmi ceux qui paient pour cette boisson les droits de circu¬ lation les moins élevés. Mais une objection vient tout de suite à l’esprit à la lecture de ces chiffres. Ceux ci ne sauraient en effer donner une idée exacte de la situa¬ tion, étant donné qu’en Armorique le vin a toujours cédé le pas au Cidre considéré par beaucoup comme la véritable boisson nationale. Vovons donc les renseignements que L. Dérobert nous communique à son sujet : Conomimarson en cFe Tanrs J. monant de d’o3t, de cicthatio, contiute (Campagnes 1942-1943). LA PATLIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE nouveau quelques chiffres : 418 Or, un tel bilan dépasse sensiblement, au moins pour les quatre premiers départements énumérés, ce que l’on enregistre partout ailleurs en France. voire même en Normandie (1 647 000 hectolitres au total pour la Région éco¬ nomique de Rennes contre 1 448 000 pour la Région économique de Rouen au cours de la période choisie pour exemple). Ainsi la situation déjà apparait sérieuse. Considérons maintenant ce qui se passe dans le domaine des Alcools. Consommation en alcool d’après le montant des droits de circulation acquités (Années P25r 1250) En conséquence, trois départements bretons s’iascrivent manifestement au-dessus de la moyenne générale française, un autre approchant de cette moyenne. L’allusion faite à la consommation légale en Alcool nous amène logique¬ ment à envisager les influences locales du privilège des bouilleurs de cru : au reste, ce sont là deux aspects, l’un officiel et l’autre officieux, d’un seul et même problème. Pour permettre de faire le point sur ce sujet, voici à Répartition des bouilleurs de cru (1936). lci la note d’ensemble est incontestablement rasurante, du moins à Preisre e, le pombre des bouiller Parsisisant pertont tres Peible, sinon insignifiant. 419 DRETAGNE Enfin, consultons un dernier tableau dont l’intérêt n’est pas à souligner étant donné son importance dans l’interprétation des faits : Répartition des débits de boissons (1936). Il est bien certain que sur ce terrain, à l’encontre du précédent, l’im¬ pression qui se dégage se, montre plutôt défavorable. Avant de discuter les données numériques qui viennent d’être exposées. jetons maintenant un coup d’œil sur les témoignages provenant des mitieux hospitaliers. A cet égard, l’Institut National d’Hygiene nous fournit encore d’excel¬ lentes références, celles-ci se rapportant plus spécialement aux services médi¬ cquz de l’Hôtel-Dieu de Nantes : Années 1938. Hêtet-Dieu de Nantes Dans ces totaux il y a lieu de mentionner la contribution particulière¬ ment forte du sexe féminin : 11,8 pour 100 des admissions dans le service de Sébilleau (contre 23,8 pour les hommes), 10,6 dans le service de Picard (contre 12,8 pour le sexe masculin). Ajoutons à cela une proportion de 20,51 %% d’alcooliques, parmi les entrants du seruice nantais de neurologie d’après les renseignements four¬ nis pour la même année par le Professeur Auvigne. En ce qui concerne les Hôpitaux Psychigtriques, les constatations ne gont guère meilleures. Etudiant les causes d’internements dans les 19 Régions trois départements bretonnants. 420 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE sanitaires françaises au cours de l’année 1943. L. Dérobert aboutit aux résul¬ tats suivants (on trouvera indiquées entre parenthèses les moyennes générales pour la France entière) : Pourcentage des Psychoses toriques Et la réponse est encore plus sévère pour le seul Asile de Lesvellec, dans le Morbihan, où le Call a pu enregistrer d’année en année entre les deux guerres un accroissement extrêmement inquiétant des hospitalisations occa¬ sionnées par les démences alcooliques. De tous ces faits il convient maintenant de tirer des conclusions. Mais auparavant, quelques remarques s’imposent. Tout d’abord la Bretagne est un pays de forte natalité Il n’est pas rare en effet d’y rencontrer des familles de quatre, six et même huit enfants. Comme, à priori, les enfants ne boivent pas d’alcool (nous verrons que mal¬ heureusemeht il n’en est pas toujours ainsi), on concoit que tous les chiffres indiqués ci-dessus, relatifs à la consommation individuelle en boissons alcoo¬ lisées, doivent se trouver largement majorés si, au lieu de les calculer par tête d’habitant, on les rapporte au seul contingent des adultes. Il en est de même pour les débits de boisson. C’est ainsi que, dans le Morbihan. où chacun de ces établissements est censé desservir une population de 70 per¬ sonnes, c’est bien plutôt d’une trentaine d’adultes tout au plus qu’il convien¬ drait de parler : ce qui est véritablement effravant. En second lieu, il faut faire état de la consommation clandestine dont on peut juger de l’importance en comparant par exemple pour le cidre le chiffre de la production à celui de la consommation reconnue dans les Cidre, Années 1942-1943 lique, ces boisons sont en réalité extrémement pernicieuses car, faciles à boire elles favorisent singulièrement les abus. C’est pourquoi nous avons tenu à les mentionner. BRETAGNE 421 Or, le cidre ne s’exporte qu’en très petite quantité, de même que l’alcool qui en provient. Dès lors, la diff́rence ne peut qu’exprimer la part de la production se rapportant à une consommation sur place plus ou moins avouée. A cet égard, il est utile de revenir sur le fâcheux privilège des Bouil. leurs de cru. D’après Le Gall, tous les cultivateurs du Morbihan sont er pratique bouilleurs (exactement 50 178 pour 51 718 fermes). On voit par la combien nous sommes éloignés des données officielles (9 pour le départe¬ ment en 1936). Ceci dit, il nous semble logique de clore ce paragraphe par les deux conclusions fondamentales ci-après : 1° L’Alcoolisme en Bretagne n’est pas un mythe mais, qu contraire, une bien pénible réalité. 2° La Péninsule n'’a toutefois-pas, comme on le croit trop couramment le triste monopole de cette intozication collective. Elle le partage avec bien d’autres provinces françaises, la Normandie et les Flandres notam ment, ainsi que nous le démontrerons ultérieurement. Vovons maintenant un peu plus en détail de quelles variétés de Boissons les Bretons font le plus volontiers usage. D’une manière générale, les apéritifs sont peu appréciés (encore qu’une évolution sensible apparaisse dans ce domaine). Par contre, il est fait lar gement appel, comme nous l’avons déjà indiqué, au vin, au cidre, aux eaux¬ de-vie, ainsi qu’à des succédanés divers. Le vin est surtout en honneur dans la Loire-Atlantique et ceci n’a rien d’étonnant si l’on considère que ce département est à peu près le seul de Bretagne à en produire en abondance (1 232 000 hectolitres en 1938), 4 Nantes, trois litres de vin constituent une dose quotidienne communément admise pour un travailleur manuel, celui-ci n’hésitant d’ailleurs pas à dou¬ bler cette ration sitôt qu’il lui faut exercer un métier pénible (Auvigne). A vrai dire, depuis quelques années on constate une consommation de plus en plus accrue de cette boisson dans les départements bretons du voisinage Le cidre, toutefois, demeure toujours la boisson préférée de la Pénin¬ sule. Une quantité de 5 à 10 litres par jour ne fait pas peur au paysan surtout au moment des travaux des champs où tout devient prétexte à en absorber. Mais c’est sans doute l’eaut-de-vie qui soulève le plus grave problème Un des malades de Le Gall, entré à l’Asile Lesvellec, avouait notamment avoir disposé à lui seul, au cours de la campagne de 1936-1937, de 525 litres d’alcool distillé. Un autre reconnaissait avoir bu, la veille de son admission. un litre d’alcool à 60, sans compter de nombreux litres de cidre. Certes nous voulons bien que ce soit là des cas d’exception : ils ne nous en appor¬ tent pas moins une notion exacté du danger. Ce danger se trouve du reste encore augmenté du fait de l’appoint impor¬ tant fourni par toute la gamme des succédanés qui, désignés sous le nom générique de « piquettes », s’obtiennent en jetant de l’eau sur du marc de raisin ou sur des jus de fruits que l’on laisse ensuite fermenter. Ordinai¬ rement considérées comme inoffensives en raison de leur faible teneur alcoo¬ E NINENE UE L INNINE 42 22 Ceci dit, il convient, pour terminer, d’essaver de définir quels sont les facteurs qui ont amené en Bretagne ce fort degré d’imprégnation éthylique observé encore de nos jours. Or, à notre avis, ces facteurs sont multiples et, surtout, il existe entre eux une série d’enchainements que nous allons nous efforcer d’établir. En premier lieu, il ne faut pas perdre de vue que la Péninsule est un pays de production, et même d’hyperproduction, en ce qui concerne le vin dans la Loire-Atlantique (et peut-être la Vendée), le cidre et les piquettes dans les autres départements. Or, le vin, il faut bien le dire, est dans l’ensemble de modeste qualité. Quant au cidre, sa réputation ne dépasse guère ordinairement la limite des quelques terroirs qui lui donnent naissance. A Paris, il est très rare; dans le Nord, l’Est et le Midi, il est pratiquement inconnu. Ne disposant pas de débouchés extérieurs suffisants, les boissons fabriquées en Bretagne ne peuvent dès lors compter, en vue de leur écoulement, que sur la seule consom¬ mation locale : de là une pléthore qui se manifeste partout, aussi bien dans les caves que sur les marchés. Surabondance d’une part, exportations très réduites de l’autre, telles sont également les origines, non seulement de la fréquence des cabarets, mais encore de la multiplication croissante des bouilleurs de cru. Tout naturelle¬ ment, en effet, chaque cultivateur se trouve incité à « bouillir » le large excé¬ dent de récoltes dont il ne sait que faire, et ceci d’autant plus que des lois imprévovantes lui laissent à cet égard toutes les latitudes. Ainsi la produc¬ tion en alcool de cruzva sans cesse en augmentant d’année en année, pas¬ sant par exemple: de l’aveu même du Conseil général, de 5 002 hectos litres en 1934 à 7792 en 1938 dans le département du Morbihan Dans ces conditions, on ne saurait s’étonner de voir chaque ménage paysan disposer en permanence, et presque sans bourse déliée, de provi¬ sions de cidre et d’eau-de-vie des plus abondantes. A l’abri du fisc, il peut les servir volontiers à sa table et éventuellement les dispenser, à des prix défiant toute concurrence, à tous ceux qui ont affaire à la ferme. Ainsi se crée chez un grand nombre une sorte de soif, factice et bientôt un état constant de besoin malheureusement trop faciles à satisfaire. Mais un autre élément intervient souvent encore pour aggraver le mal. Pays pauvre, au sol ingrat, aux maigres cultures, la Bretagne est demeurée pendant longtemps vouée à la sous-alimentation. Si les circonstances ont aujourd’hui beaucoup changé, le paysan n’en a pas moins conservé l’habi¬ tude de manger peu, ce qui l’entraine 3 demander « l’alcool le supplément de calories qui lui fait défaut. Si, pour ses repas, il se contente encore volon¬ tiers d’une soupe ou d’une tranche de lard, il aime par contre à ce que le cidre et « l’alambic » ne lui soient pas ménagés. Sa préférence, à cet égard. va tout spécialement au « petit verre », associé habituellement au café égale¬ ment très apprécié en raison de son action stimulante et bu en abondance. Bien des sujets dans les campagnes, des vieilles femmes surtout, en arrivent même à absorber pour toute nourriture d’innombrables verres de ce « café consolé » accompagné tout au plus d’un peu de pain. On devine sans peine à quels désordres graves de l’organisme de telles coutumes doivent fata¬ lement aboutir. Ainsi donc, l’Alcoolisme en Bretagne se caractérise par des traits bien spéciaux. C’est avant tout un Atcoolisme familial qui atteint tous les membres de la communauté, c’est-à-dire, non seulement le père, mais encore la mère et même les enfants. Il n’est pas exceptionnel, en effet, de voir dans les repes ge oggres Pargonnrces de 7 ct 9 dIIs DoIIe 4 dISCrctOn du CIdre SOUs BRETAGNE 423 les regards admiratifs de leurs parents. Bien mieux, il est de tradition, dans certains endroits, de méler de l’alcool au lait des biberons pour protégen les nourrissons contre les vers et leur donner des forces. D’aussi sots préjugés n’ont évidemment pu éclore et ne peuvent se main¬ tenir que dans des sociétés étroites, resserrées, demeurées obstinément fer¬ mées aux contacts extérieurs. Il est de fait que le rural ne quitte guère le milieu familial que pour de rares sorties au « bourg » effectuées le dimanche ou à l’occasion des foires locales. Là, il fréquente assidument les cafés pour revenir le soir bien souvent en état d’ivresse. De semblables écarts sont, bien entendu, regrettables. Ils ne sont toutefois que peu de chose en comparaison de cette imprégnation lente domicile que nous venons de dénoncer, de cette imbibition continue a petites doses, réalisée sans ostentation ni éclats peut¬ être, mais aussi sans honte et sans la moindre sensation de culpabilité de la part des intéressés. Car c’est bien là en réalité que se tient le drame. Il prend sa source dans ce consentement inconscient des individus que sollicitent sans cesse des circonstances complices. Dès lors, pour être efficace, la prophylazie devra s’inspirer de ces données. Elle devra s’ataquer aux causes mêmes du mal par toute une série de mesures appropriées, telles que la réduction du nombre des débits, la limitation du privilège des bouilleurs, la déviation de la pro¬ duction vers d’autres débouchés mieux indiqués, l’éducation du public surtout. Il ne faut pas se cacher que l’œuvre séra longue et les déceptions fré¬ quentes. Mais c’est au seul prix de cet effort que l’on pourra espérer juguler un fléau qui, depuis des siècles, engendre dans la région les tares héréditaires les plus diverses et s’avère, par ailleurs, comme le fourrier habituel de la Tuberculose. BIRLIOCRAPHIE 1. AUYIGNE et PERRIX. L’Alcoolisme des buveurs de vin en Loire-Inférieure. Acad, de Méd., 22 octobre 1940. 2. DELUEN. Les trois fléaux en Bretagne du Nord. Rey, méd. franc, 16° an, ne 3, mars 1935, p. 229. 3. DERORERT (L.). Série de publications dans le « Recueil des Travaux de l’Inst. Nat. d’Hyg, 3. Voir t. II, vol. 1, 1945, p. 84 et 264. 4. GODLEYSRI (H.). Synthèse documentaire sur les trois fléaux : alcoolisme, tuberculose. cancer en France. Rey, méd. franc, loc, cit, p. 195. 5. LE BOURDELLES (R.). Essai d’explication d’un confit psychique du soldat breton d’ori¬ gine rurale dans la vie militaire. Thèse Paris 1949. 6. LE GAL (A.). Alcoolisme et aliénation mentale dans le Morbihan. Thèse Paris, 1939. 11. — LA TUBERCULOSE Sœeur de l’Alcoolisme, la Tuberculose a de tout temps exercé sur la Bretagne de très grands ravages, à telle enseigne que les départements bre¬ tons comptent toujours parmi les plus contaminés de France. Point n’est besoin pour s’en convaincre de recourir aux documents offi¬ cils, il suffit de parcourir le pays, d’y interroger les Médecins praticiens, de pénétrer dans les familles, de visiter les Sanatoria : partout on rencontre des phtisiques appartenant à tous les âges, à toutes les professions, à toutes les classes de la société LA PATLIOIOGE SÉGIONALE DE LA FRANCE 424 Pourtant, les Statistiques apportent en la matière des renseignements précieux qu’on ne saurait négliger. Et nous allons voir qu’elles éclairent d’un jour particulièrement sombre la situation à laquelle on assiste encore de nos jours dans la péninsule. A FRQUIEMICE DE LA TUIRERCUILOSE Eu RETACNE Pour préciser cette situation, nous ferons appel à une très intéressante étude publiée en 1945 dans le «’ Recueil des Travaux de l’Institut National d’Hygiène » sous la signature de MM. Boulanger et Moine. Dans le tableau que nous leur empruntons ci-dessous figurent les taux de mortalité par Tuber¬ culose — toutes formes — rapportés à 100 000 habitants et calculés pour chacun des cinq départements bretons. On remarquera qu’en regard de chaque taux brut (b) communiqué par les préfectures se trouve indiqué un taux rectifié (r) établi en tenant compte de ce fait que la rubrique habituelle des « décès de cause inconnue », dé̂me¬ surément grossie dans certains départements tels que le Morbihan, englobe toujours un certain nombre de cas de Tuberculose, restés ignorés ou dissi¬ mulés pour des raisons diverses et qu’il importe de récupérer. Taux de mortualité tuberculeuse en Bretaene de 1930 1945 Ce document témoigne de l’importance de la mortalité tuberculeuge en Bretagne. Mais pour qu’il puisse prendre toute sa valeur, il est nécessaire de confronter les chiffres qu’il fournit à ceux qui ont été enregistrés au même moment dans les autres départements français. Or, cette comparaison permet de constater qu’en 1931 et 1934 par exemple, les départements bretons ont occupé les cina premières places du classement général. En 1938, ils se sont encore classés comme suit : au l'°, 2° et 3° rang respectivement, le Morbihan, les Côtes-du-Nord et le Finistère : au 7° rang. l’Ille-et-Vilaine; plus loin la Loire-Atlantique. En dehors de ces recherches effectuées gur l’ensemble de la population, d’autres enquêtes ont été menées vers la même époque parmi certaines collec¬ tivités au recrutement surtout local, ceci amnr d’apprecer jeur degre de contamination. BRETAGNE 425 C’est ainsi que Richard mentionne dans sa thèse (1938) que les ouvriers travaillant à l’Arsenal de Brest sont touchés dans une proportion netement supérieure à celle des autres Arsenaux de notre marine de guerre. Etendant ges investigations à la marine marchande, il constate de même des taux de mortalité tuberculeuse beaucoup plus élevés dans la région de Saint-Servan qui draine tous les éléments bretons et principalement les Finistériens, que dans les autres régions maritimes, à savoir celles du Havre, de Bordeaux, de Marseille et d’Alger. Toujours dans le même ordre d’idées, Sieur, se basant aur le régultat des « radioscopies systématiques » pratiquées entre 1926 et 1936 dans l’Arnée de terre chez les jeunes gens du contingent annuel, note un cas d’atteinte pul¬ monaire sur 190 recrues en Bretagne contre un cas sur 290 en Seine-et-Oise et sur 419 sur le litoral méditerranéen. Avant complété ses prospections par la recherche du Racille de Koch dans les crâchats des sujets ainsi dépistés, il a pu enregistrer un cas positif sur 227 recrues en Bretagne, sur 854 en Seine-et-Oise et sur 838 en Provence et Languedoc. Qu’est devenue depuis lors la situation Disons tout de suite que les taux de mortalité tuberculeuse ont commencé à fléchir dans la péninsule sitôt après 1940, ainsi qu’en témoignent notamment les derniers chiffres donnés par Boulanger et Moine dans leur précédent tableau. Ce phénomène, apparemment paradoxal puisqu’il s’agissait en l’occurrence d’une période d’Occupation et de disette, peut s’expliquer par la diminution momentanée de l’Alcoolisme, et surtout par les conditions économiques particulières dans lesquelles s’est alors trouvée cette province qui, essentiel. lement productrice, a été amenée à prendre brusquement conscience de ses ressources, et a réussi ainsi, au milieu de la crise générale, non seulement à maintenir, mais encore parfois à améliorer son standing alimentaire, contrai¬ rement à la plupart des autres régions et plus spécialement le Midi médi¬ terranéen. L’évolution ainsi ébauchée devait se poursuivre par la suite. Dans la règle, le paysan a continué à mieux se nourrir (il consomme désormais plus volontiers lés produits de sa ferme): il songe de plus à mieux se loger et à accroitre son confort. Avant adopté une meilleure hygiène de vie, il se montre dès lors plus résistant à une affection que des moyens thérapeutiques perfectionnés permettent aujourd’hui de combattre avec plus d’efficacité. De la, depuis quelques années, une nouvelle régression du mal que mettent en valeur les statistiques suivantes : Mortalité tuberculeuse durant la période 1953-1955 Indices ecleutés pour une poputation de 100 0 haebitanrs (LNH. ENENNIE NEINTIEEE FEENNE 1 De ce tableau on peut tirer une série de conclusions fort intéressantes : 1° Tout d’abord on y trouve confirmée cette notion que la Bretagne parti¬ cipe largement au mouuement cénéral de repli de la T’uberculose en Frances 22 Par contre, en dépit des importants progrès réalisés, elle demeure de toutes les provinces françaises, la plus fortement touchée par la maladie. ses 5 département péninsulaires se situant, avec le Pas-de-Calais, en tête de tous les départements français pour la fréquence des contaminations; 3° Et si l’on veut établir par surcroit une hiérarchie entre ces départements eux-mêmes, on s’aperçoit que ce sont les trois périphériques dits « bretonnants » qui sont les plus atteints, le Morbihan avant constamment le redoutable privi¬ lège d’occuper la première place. Sans doute y a-t-il à cet état de choses des causes profondes : c’est ce que nous nous efforcerons plus loin d’élucider. R — FREQUENCE COMPARÉE DE LA TURERCULOSE DANS LES VILLES ET DANS LES CAMPACNES. Un chapitre de la thèse précitée de Richard traite fort judicieusement de cette question, fournissant même des données très précises relativement au département du Finistère et aux années 1925-1926. L’auteur, dont le bilan repose sur l’observation de 4370 malades, indique quel a été durant ce laps de temps le pourcentage des sujets placés au sanatorium de Plougonven en fonction de leur lieu d’origine. Voici, reproduits sous la forme d’un tableau, les résultats qu’il a obtenus: Il résulte de ce tableau que « plus une agglomération est importante, plus elle envoie de malades au sanatorium ». Toutefois les villes appartenant à la seconde catégorie (10 000 à 20 000 ha¬ bitants) semblent proportionnellement plus touchées que le grand port de Brest. Il découle de ce fait que c’est surtout dans ces villes (Quimper. Lambe¬ zellec. Morlaix. Saint-Pierre-Quilbignon et Douarnenez) qu’il semble dès lors le plus opportun de renforcer l’armement antituberculeux. BRETAGNE 327 Quant à l’époque actuelle, voici cet autre document tout récent emprunté au Bulletin de l’Institut National d’Hygiène (tome 12, n° 3, juillet-sept, 1957. p. 348,551) : La mortalité tuberculeuse en 1956 Compargison entre les taux relevés pour l’ensemble des départements et pour leurs villes principales assez sensible de la maladie en milieu rural, les villes de quelque importance accusant des taux de mortalité constamment inférieurs à ceux des campagnes environnantes. C — ASDECT RÉCIONAL DE L’AFFECTION. On a souvent parlé de la gravité toute particulière que présente la Tuber¬ culose en Bretagne. En réalité, ce n’est là qu’une apparence : courageux. très dur au mal, le Breton ne consent souvent à se faire examiner qu’à un stade déjà avancé de son affection, le Médecin constatant alors d’emblée des lésions très étendues et très évoluées. Par ailleurs, tant dans ses formes anatomo-cliniques que dans son mode de réaction au traitement, la maladie n’offre dans la région aucun carac¬ tère qui lui soit spécial. Deux faits toutefois méritent d’être mentionnés. Ce sont : 1° La prédominance très marquée de la localisation pulmonaire sur tou¬ tes les autres localisations (88,5 9% des cas en 1956 et jusqu’à 91,5 26 en 1943). 2° L’aspect souvent familial des contaminations. Kervran signale à ce propos qu’il n’est pas rare au Sanatorium de Plougonven, dans le Finistère, de voir entrer presque au même moment plusieurs membres d’un même foyer. D — CAUSES DE LA TUBERCULOSE CHEZ LES BRETONS. Le sujet a été maintes fois débattu, plusieurs facteurs avant été invoqnés pour expliquer l’extension prise par la maladie dans la Péninsule. On trouvera d’excellentes analyses des ersoncne dar onc cec dcverop tement voisin du Maine-et-Loire. 423 EEDNE1 pés à cette occagion, d’une part dans la thèse de Richard, et d’autre part dans un article publié en 1942 dans le Presse médicale. De cette argumentation. nous ne retiendrons ici que l’essentiel : 1. L’atcoolisme. On a tout d’abord accusé l’Alcoolisme, également arès rénandu chez les Bretons, d’être à l’origine de la Tuberculose qui les décime. Pourtant, au point de vue doctrinal, les opinions s’affrontent : tandis que certains auteurs, avec Landouzy, voient dans l’Alcoolisme le fourrier obligé de la Phtisie, d’autres, au contraire, dénient à l’alcool toute action particulière, lui attribuant même parfois un certain pouvoir sclérosant émi¬ nemment favorable à la cicatrisation des lésions. En réalité, lorsqu’on considère la fréquence avec laquelle la Tubercu¬ lose évolue chez la femme — exceptionnellement éthylique cependant — et les incidences relativement rares de la maladie sur certains départements pourtant fortement alcoolisés (l’Eure notamment, où la mortalité bacillaire n’est que de 72 pour 100 000 habitants), force est d’admettre qu’il n’existe aucun parallélisme nécessaire entre les deux processus, en dépit de tout ce qui a pu être écrit à ce sujet. Ceci dit, il ne parait guère contestable non plus que l’Alcoolisme, indi¬ rectement et par l’intermédiaire de certaines lésions qu’il entraine (lésions digestives, atteintes anergisantes du foie) puisse faciliter l’éclosion de la Tuber¬ culose et en précipiter ensuite l’évolution. A ce titre, cette intoxication apparait. sinon comme un facteur déterminant, du moins comme un facteur favorisant non négligeable, surtout lorsqu’un appoint héréditaire vient encore s’ajouter aux mauvaises habitudes acquises 2. L’hygìne détectueuse. On a souvent prétendu que l’Alcoolisme est l’habituel compagnon de la misère. N’était-il pas dès lors logique d’invoquer le rôle de cette dernière? On sait en effet dans quelles conditions d’hygiène déplorables a longtemps vécu la population bretonne surtout dans les campagnes. La pauvreté y avait pour conséquence à la fois la sous-alimentation, le surmenage, les logements sans air et sans lumière. Ajoutons à cela les promiscuités étroites et dangereuses qu’engendrent presque obligatoirement, les familles nombreuses : Sur 417 recrues dépistées par Pierri à l’entrée au régiment, 102 appartenaient à des familles de plus de 4 enfants et parmi elles 13 de plus de 10 enfants. Néanmoins la fréquence de la tuberculose chez les Bretons de classe sociale élevée et surtout la persistance d’une situation relativement grave en dépit de l’amélioration sensible des conditions de vie dans beaucoup de foyers prouvent que ce n’est pas là qu’il faut actuellement rechercher la cle problème. 3, La contamination pac te cheotet malade. L’importance de ce facteur a été mise en évidence tout récemment (1952). par Cuvier dans un article intitulé « la Tuberculose humaine d’origine bovine ». D’après l’auteur, il y aurait actuellement en France deux grands fovers de tuberculisation du cheptel bovin : 1° le fover Est englobant les départements de la Loire, de la Haute¬ Loire, de la Saône-et-Loire et de l’Ain; 2° le foyver Quest comprenant, en plus de la péninsule bretonne, le dépar¬ de la thèse de Richard : BRETAGNE 421 Voici, en ce qui concerne ce dernier qui nous intéresse particulièrement ici, les résultats de l’enquête menée en 1950 par Cuvier, Duteil et Brassier : Les dangers de contagion directe de l’homme proviennent surtout du fait que de nombreux ouvriers agricoles n’ont guère pour logement qu’un coin dans les écuries ou les étables, ce qui favorise singulièrement les infections réciproques. Au surplus, le lait est trop souvent consommé cru, ou insuffisam¬ ment bouilli, surtout par les enfants. Mais à ces facteurs directs s’ajoutent les causes indirectes de la contagion. La maladie animale entraine, en effet, une diminution de la production fer¬ mière avec, pour conséquence, une réduction du pouvoir d’achat chez le personnel emplové. Il en résulte, pour celui-ci, pauvreté et sous-alimentation. fourriers habituels de la Tuberculose comme du Rachitisme. Il est à noter que, pour certains auteurs, les contaminations d’origine bovine détermineraient électivement chez l’homme des atteintes ostéo-arti¬ culaires. 4. Les facteurs climatériques. Les Statistiques semblent démontrer que toutes les régions humides et fortement ventilées sont particulièrement exposées à la Tuberculose. Dans les lHles Britanniques notamment, celle-ci sévit avec une fréquence toute, epéciale dans les contrées plus particulièrement pluvieuses, c’est-à-dire en frlande, dans le Pays-de-Galles et dans l’Ecosse septentrionale. Et il en est absolument de même en France ainsi qu’en témoigne le tableau suivant, également extrait A vrai dire, il est plus que probable que l’on a affaire ici à des phé¬ nomènes assez complexes où le facteur « climat » est loin d’intervenir seul. Comment expliquer en effet, si l’on envisage exclusivement les conditions atmosphériques, que les sujets transplantés sur le sol breton n’en pâtissent guère, du moins apparemment, alors qu’inversement les Bretons, depuis long¬ temps soustraits aux influences de leur pays, continuent à présenter la mel 166I 1 IPCLCUIORSCS 430 LA PATLIQIOGE REGIONALE DE LA ERANCE 5. Le facteur « race ». Le dernier argument que nous venons d’évoquer est à retenir : le Bre¬ ton, sorti de sa province natale pour aller chercher fortune ailleurs, soit comme militaire, soit comme fonctionnaire, soit comme ouvrier, demeure tou¬ jours aussi fragile vis-à-vis du bacille de Koch que son compatriote resté sur place. Cet argument s’appuie d’ailleurs sur un certain nombre de faits d’obser¬ vation parmi lesquels nous poterons simplement celui-ci : Le Professeur E. Bernard, à la Salpetrière, a pu établir que dans son service de Tuberculeux il y avait eu, au cours des années 1934 et 1935. 17 pour 100 de malades originaires de Bretagne, alors que dans les services de médecine générale, parallèlement interrogés, la proportion de Bretons n’avait été que 7,7 pour 100. Comme la plupart du temps l’affection avait éclaté chez ces sujets dans des délais tels qu’il est impossible d’incriminer une contamination ancienne. antérieure à la transplantation (35 %% des cas sont survenus entre 5 et 10 ans de résidence, et 25 %% après 10 ans), on se trouve ainsi tout naturellement amené à envisager l’intervention d’une prédisposition raciale particulière, éminemment favorable au développement de la maladie. Mais cette hypothèse séduisante vient immédiatement se heurter à deux objections qui ne sont pas sans valeur : En premier lieu, existe-t-il véritablement des tendances morbides propres à chaque race2. Les Bretons constituent-ils, par ailleurs, un groupement ethnique rigou¬ reusement défini2 La première de ces objections peut être éliminée sans tron de difficulté. Il suffit notamment de rappeler, cômme nous l’avons déjà fait, la fréquence et la gravité de la Pneumonie chez les Noirs et de la Scarlatine chez les Anglo-Saxons. Chacun sait d’autre part que, dans le domaine même de la Tuberculose, on a depuis longtemps établi la sensibilité extrême des Noirs à l’égard du BK et, phr contre, l’étonnante résistance à ce germe des luifs de certains pays. Du reste, même transplantés au loin, ces Noirs et ces Juifs continuent à manifester leurs aptitudes morbides opposées, en dépit d’une réadaptation prolongée à des milieux nouveaux. Une telle constatation semble indiquer chez eux la persistance de constantes spécifiques anciennes considérées par certains comme d’ordre physico-chimique et par d’autres comme liées à des composantes géniques particulières. Le problème de l’individnalité propre de la race bretonne n’est pas aussi facile à résoudre. Schématiquement, on peut dire cependant que cette race constitue un rameau de la race celtique primitive dont le bercéau semble avoir été, durant l’âge de bronze, les régions du Sud-Quest de l’Allemagne, Par la suite, les peuplades qui en faisaient partie émigrèrent vers l’Ouest et vinrent occuper l’Irlande, la presqu’ile galloise et le Nord de l’Ecosse. Au Ve siècle après L.-C., il leur fallut, sous la poussée des Saxons, également originaires de Germanie, refluer vers les zones les moins accessibles du Pays-de-Galle et de l’Ecosse, et, en France, vers l’Armorique. C’est alors que ce dernier pays recut définitivement le nom de Bretagne. Il devait rester autonome jusqu’au XV° siècle, époque à laquelle il fut rattaché à la France, à l’occasion du mariage de la reine Anne avec Charles VII (1491) puis ave Louis XII (1499). BBETAGNE 431 Ainsi donc il est avéré que les Celtes se sont trouvés de honne heure dispersés aux quatre coins de l’Europe occidentale Dès lors, si l’on peut démontrer l’existence chez leurs descendants, aujourd’hui éparpillés, d’affi¬ nités communes vis-à-vis du bacille tuberculeux, on aura du même coup fourni à la « théorie raciale » un argument de très grand poids. Or, précisément, Arnould a pu recueillir à ce sujet des documents extré¬ mement précieux auxquels nous allons emprunter quelques chiffres. Le tableau ci-après indique les taux de mortalité bacillaire pour 10 000 habi¬ tants relevés par l’auteur après la guerre de 1914-1918, d’une part chez nos Bretons, et d’autre part parmi les groupements celtiques des les Britan¬ niques avec, en regard, les mêmes taux pour les populations voisines appar¬ tenant à des origines différentes. Disons tout de suite que ce surcroit de mortalité manifeste observé chez tous les Celtes par rapport à leurs voisins ne saurait s’expliquer par des contingences purement locales, étant donné qu’il se retrouve par exemple aussi bien chez les Irlandais vivant en Angleterre que chez ceux qui se sont depuis longtemps exnatriés au loin, en Amérique du Nord notamment. Ainsi la notion d’une sensibilisation spéciale de la race celtique à l’égard de la Tuber¬ culose parait reposer sur des bases solides. Mais ce qui vient compliquer singulièrement cette question, en appa¬ rence fort simple, c’est que tous les ethnologues sont d’accord actuellement pour considérer le peuple celte — homogène à nos veux — comme avant été primitivement formé d’éléments fort disparates. Dès ses origines, on pouvait en effet distinguer parmi ses tenants un type nordique dolichocé¬ phale, blond et de taille assez élevée et un type alpin, brachycéphale. brun et de plus petite taille. De nos jours, d’ailleurs, le premier se retrouve encore chez les Léonais du nord du Finistère, et le second chez le Cornouaillais dans le sud du département. Et nous ne parlons pas du Bigouden de Pont-Labbé dont les appartenances asiatiques sont plus que pro¬ bables. Dès lors, une fissure sérieuse apparaitrait dans notre raisonnement. si une abondante documentation ne venait démontrer que les différences décrites, loin de s’accentuer avec les âges, s’estompent au contraire petit à petit pour tendre vers la constitution d’un type de plus en plus pur, de plus en plus unifié, qui est celui que nous reconnaissons aujourd’hui en dépit de toutes ses nuances morphologiques locales. Une telle évolution ne peut certainement s’interprêter que comme le résultat d’une longue vie menée en commun sous le même ciel, avec identité de langage, de mœurs et de crovances, loignons à cela le particularisme par¬ fois un peu farouche du Breton qui le tient éloigné des peuples voi¬ cins, et le, pouse à peu près constamment à faire souche dans son, paya patal. LA PATHOLOGIE REGONALE DE LA FRANCE 432 Or, nous toucbons la peut-être au fait essentiel Cette frégnence du mariage entre gens du même lieu et souvent du même sang, cette « endo¬ gamie retative » comme on l’appelle parfois, n’est-elle pas précisément ce facteur crucial qui, à la faveur d’un fléchissement continu du terrain, a per¬ mis le développement de la Tuberculose en Bretagne par renforcement pro¬ gressit des apports héréditaires de sensibilité à la maladie. Sans compter que la situation a encore pu se trouver aggravée du fait de la polynatalité qui, en multipliant les contacts humains, accroit d’autant les chancés de contagion. Kervran toutefois propose une autre explication qui n’est pas saps inté¬ rêt, et qui se base elle aussi sur cet état d’isolement prolongé dans lequel s’est maintenuo la péninsule bretonne au cours des sièctes passés. Demeurée très longtemps à l’écart du reste de la France, elle ne se serait contaminée que très tardivement par rapport à l’ensemble du pays, offrant ainsi un ter¬ rain neuf à l’évolution de la maladie. Il est évidemment impossible de tirer de ces données des conclusions for¬ melles. Selon nous, cependant, il n’est pas illogique de penser que plusieurs éléments se sont associés pour faire de la Bretagne un champ d’élection pour la Tuberculose. En premier lieu, un facteur racial, le plus important peut-être, créateur d’une sorte de terrain d’appel pour la maladie; Ensuite, un facteur social, éminemment complexe, et sous l’étiquette duquel nous rangerons la sous-alimentation collective autrefois très répandue. l’hygiène défectueuse, l’alcoolisme etc. C’est lui qui a permis la diffusion rapide du germe accidentellement importé; Puis, un facteur climatérique coupable entre autre d’avoir assuré la large prédominance des atteintes pulmonaires à la faveur d’une méjopragie locale. Enfin, nous attirons volontiers l’attention sur le quatrième facteur pos¬ sible : le facteur animal. La tuberculisation abondamment prouvée du cheptel bovin est en effet susceptible, dans nombre de cas, d’entrainer des conta¬ minations humaines, à la faveur notamment de cette promiscuité étroite qui — trop souvent encore — subsiste entre le cultivateur et ses troupeaux. BIRLIOCRAPHIE 1. ARNOULD. La Tuberculose chez les populations dites celtiques. Bull, de l’Un, internat. contre la tub., juillet 1936. 2. AUBRUN (M.). La lutte antituberculeuse en France. Un exemple d’organisation : le 4. BOULANGER (P.) et MOINE (M.). Considérations sur la mortalité par Tuberculose en France durant l’année 1943. Recueil des Tray, de l’Inst. Nat. d’Hyg, L. II, vol. 1 P. 132, 170, 1943, Masson édit, et Bull. Inst. Nat. d’HIYK, depuis 1950. 5. Bulletin de l’institut National d’Hygiène : t. 9, n° 3, juil.-sept, 1954, p. 507-5215 t. I1, n° 2, avril-juin 1956, p. 253-2305. t. 12, n° 1, janv-mars 1957, p. 3-30. t. 12, n° 3, juil.-sept, 1957, p. 545-552. BRETAGNE 43 7. JULIEN, SIEUR et DUTREY. Radioscopie systématique des collectivités et tuberculose pulmonaire. Rey. d’Hyg, extrait, oct.-noy, 1937. 8. KERVRAN, Comm., à la Soc. d’Et. Scientif, sur la tuberculose, 1941. 9. MOINE (M.). Etude générale sur l’état sanitaire de notre Marine marchande, Bul. Acad. Méd., séance du 21 juillet 1935. 10. RICHARD (E.). La Tuberculose dans le département du Finistère. Thèse Paris, 1938. 11. X.. A propos de la Tuberculose des Bretons. Presse méd, 6 janvier 1942. LIL. — LES AUTRES FLEAUX SOCIAUX ET LA PATHOLOCIE DES TARES HERÉDITAIRES Avant déjà abordé la question de l’Alcoolisme et celle de la Tuberculose en Bretagne, il ne nous reste plus maintenant à envisager que les problèmes posés par le Cancer, les maladies vénériennes et quelques autres affections rangées sous la rubrique des « grands fléaux sociaux ». A — LE CANCER. En ce qui concerne le Cancer, sa fréquence et son mode de répartition à l’intérieur du pays, la situation mérite d’être considérée successivement avant et après la seconde guerre mondiale à la lumière des documents publiés par l’Institut National d’Hygien 1. La situation avant-guerre. Elle apparait nettement à la lecture du tableau ci-après : Indices de mortalité (L. M.) pour 100 000 habitants calcutés nar TL N H. durant la double période quinquennale 1927-1931 et 1932-1936. Le même organisme fournit d’autre part des renseignements intéressants se rapportant aux localisations anatomiques les plus souvent ohservées : C’est ainsi qu’au Centre anticancéreux de Rennes on aurait noté à l’époque un pourcentage très élevé de neoplasmes digestifs et buccaux (respectivement 24 et 22 pour 100 des cas), en opposition manifeste avec la rareté des autres localisations viscérales. 38 LA PATHIOLOGIE BÉGIONALE DE LA TRANCE 434 Quoi qu’il en soit, on voit qu’il est possible de dégager de ces statistiques deux notions essentielles : l° Le Cancer était à ce moment pet fréquent dans l’ensemble de la pénin¬ 1 sule; 2° Il sévissait avant tout dans les deux départements excentriques de la Loire-Atlantique et de la V’endée, concervant par contre une fréquence modé¬ rée dans le groupe des départements dits « bretonnants »; Rappelons que pour expliquer ces faits on invoquait alors volontiers l’intervehtion de facteurs d’ordre géologique, en admettant notamment la faible affinité des processus néoplasiques pour les terrains archéens et leurs prédi¬ lection au contraire pour les plaines d’alluvions, en l’occurence l’estuaife de la Loire. 2. La situation depuis la guerce. Elle ressort à son tour du tableau suivant : Indices de mortalité caleulés de même par l’I. N.H. pour la période 1948,1955 Ce bilan traduit de toute évidence une évolution profonde, qui va même jusqu’à l’inversion des précédentes formules. Dès lors on peut considérer comme actuellement bien établi : 1° Que le Cancer a fait depuis une vingtaine d’années en Bretagne des progrès considérables, surtout sensibles d’ailleurs dans les secteurs autrefois les moins touchés; 2° Que le mal s’est répandu largement dans les départements « breton¬ nants » où se rencontrent aujourd’hui les taux les plus élevés. Bien entendu, ces constatations tendent à ruiner les ancienpes conceptions attribuant à la nature géologique du terrain un rôle déterminant dans la genèse du Cancer. Si l’intervention du « milieu » mérite encore d’être incriminée, eans doute est-ce vers les variations du « facteur humain » qu’il convient aujourd’hui de s’orienter : accroissement de la densité démographique, multiplication des contacts et des échanges, modifications apportées aux conditions de vie de la population etc. En tout cas on voit par ces quelques faits combien il faut tre prudent dans l’interprétation des documents et combien également une situation est susceptible d’évoluer dans l’intervalle de quelques années. 9.06, 049 et 1.05 en moyenne pour les deux années 1951 et 1952. E 435 B — LES MALADIES VÉNÉRIENNES. Pas plus que le Cancer, lesmaladies vénériennes ne paraisent rencon¬ trer en Bretagne un « climat » favorable à leur développement. Ceci s’explique apparemment par certains traits spéciaux au caractère du Breton, traits que nous avons déjà évoqués et sur lesquels R. Le Bour¬ delles vient encore d’insister dans son excellente thèse. Pour cet auteur, la chasteté traditionnelle du jeune paysan en Armorique serait que non point tant à la rareté des occasions de débauche qu’à des raisons d’ordre purement psychologique et notamment à la persistance mani¬ feste d’une solide empreinte de la morale catholique. Selon lui, « les jeunes ruraux sont essentiellement pudiques, toujours très embarrassés lors des Conseils de révision, très généralement vierges à l’âge du service militaire.. A l’inverse des méridionaux qui abordent les problèmes sexuels publiquement et sans rougir, ils les évitent le plus souvent, se contentant de confidences à leurs amis et de chansons naivement paillardes; ils sont vite scandalisés, vite effarouchés par l’inconduite, même bénigne, des touristes traversant leur pays; une maladie vénérienne est l’occasion d’un mystère et d’une angoisse extrêmes qui les conduisent parfois jusqu’à la dépression et au suicide ». Dès lors, il ne faut pas s’étonner de relever dans les Statistiques offi¬ cielles des chiffres rassurants comme ceux que nous reproduisons ci-dessous : Statistiques de l’Armée Métropolitaine Ce tableau met à évidence un autre fait digne d’être souligné, à savoir une morbidité d’ensemble plue marquée dans la ll' Région que dans la 10. Cette différence ne péut être attribuée qu’à la présence dans la pre¬ mière d’une vaste agglomération urbaine. Nantes, ouverte à toutes les influences nocives provenant aussi bien de l’intérieur que de l’étranger. Il est vrai qu’ici, de même qu’à Bordeaux. Marseille et Toulon, il s’agit beau¬ coup moins en réalité de pathologie régionale proprement dite que de la pathologie spéciale, commune aux villes surpeuplées et aux grands ports internationaux (2). (1) A cette époque la 10e Région militaire était déjà supprimée et ses effectifs répartis entre les régions voisines. (3) Cest encofe assurément à l’infhence des ports du littoral breton qu’il faut surtout attribuer la persistance d’une môrbidité vénérienne relativement assez marquée dans l’actuelle 3e Région militaire, laquelle associe aujourd’hui à la Bretagne, le Maine et toute la Basse-Normandie. Les récentes statistiques médicales de l’Armée assignent en effet à la Rlennoragie à la Chancrelle et à la Syphilis primaire des indices respectifs de R toutes les formes de l’arriération mentale. 436 LA PATTIOLOGIE BÉCIONALE DE LA PBANCE C — RACHITISME - COITRE - MORTALITÉ INTANTILE. Si l’on s’en rapporte à l’opinion courante la Bretagne constitue une terre d’élection pour le Bachitisme comme, d’une manière générale, pour toutes les variétés de malformations. En fait, il n’est pas de village qui ne compte ses boiteux et son bossu, pas de grands « pardons » où l’on ne voie encore s’exhiber, ep vue d’exciter la pitié publique, de longues cohortes d’infirmes de toutes catégories. D’ailleurs, l’avis médical vient con¬ firmer cette impression : les dentistes signalent partout la fréquence des défor¬ mations buccales et des malpositions dentaires; les orthopédistes rencontrent dans leur clientèle de nomhreux pieds bots et, plus encore, des luzations congénirales de la hanche notamment en pays bigonden, c’est-à-dire autour de Pont-Labbé dans le Finistères les accoucheurs insistent sur la forte pro¬ portion des césariennes imposées par des bassins rétrécis. Toutefois, ce Bachitisme majeur, il faut bien l’avouer, tend de plus en plus en plus à disparaitre et à faire place à des formes cliniques plus atténuées. Les véritables « Torquemadas » de jadis se font aujourd’hui plus rares, cédant le pas à la multitude des « retardataires »; enfants de taille insuffisante, au front bombé, porteurs de chapelets chondro-costaux, de déformations arci¬ formes des diaphyses tibiales ou de bourrelets épiphysaires à siège radio¬ cubital ou malléolaire. A l’origine de ces anomalies, on a souvent invoqué un « atavisme » par¬ ticulier. Il ne semble pas cependant que l’Alcoolisme puisse être en l’occur¬ rence tenu pour responsable. Par ailleurs l’hérédo-syphilis est exception¬ nelle dans le pays. La cause fondamentale parait résider, d’une part dans une « anhélie» liée à de fâcheuses coutumes locales, d’autre part dans un allaitement au lait de vache trop exclusif, mal conduit et surtout exagérément prolongé. Des leur naissance, en effet, la plupart des enfants de la campagne se trouvent relégués dans la pièce la plus sombre du logis familial, ordinai¬ rement toute imprégnée de l’odeur aigrelette des fermentations domestiques. La, enfouis sous d’épais rideaux et d’innombrables couvertures, ils ne peuvent recevoir ni air ni lumière. Par surcroit, la tradition leur impose, bien au-delà de la limite normale, un lait trop dilué administré souvent dans des récipients malpropres, surmontés de tétines souillées. Ainsi s’associent au maximum les facteurs favorables au développement du Bachitisme, par l’intermédiaire de la carence solaire, de l’insuffisance phosphocalcique et des infections digestives. Bien entendu, ces troubles régressent fréquemment sitêt que l’enfant, faisant ses premiers pas, cherche lui-même à sortir de ce domaine de l’ombre. Il n’en demeure pas moins qu’ils laissent souvent des séquelles indélébiles, disgracieuses et génantes. D’ailleurs, les erreurs que nous venons de dénoncer ont bien d’autres conséquences. Elles constituent des facteurs importants de mortatité infantlle. Elles expliquent aussi les innombrables caries dentaires enregistrées dès le jeune âge, faisant déjà de nombreux conscrits des édentés complets. Il convient de mentionner en retour que si les eaux sont pauvres en calcium, elles sont, comme l’atmosphère, riches en jode, ce qui explique l’extrême rareté du goitre, principalement le long du littoral. Si le Rachitisme, la mortalité infantile et les édentations restent apparem¬ ment très répandus en Bretagne, il semble en être de même de l’aliénation mentale ainsi qu’en témoigne surtout l’encombrement habituel des Asiles. A première vue, à défaut de Syphilis, l’imprégnation éthylique mérite d’être incriminée, au moins en ce, qui concerne les délires toxiques et BRETAGNE 437 Quant aux états dépressits, également d’observation commune, ils parais¬ sent reconnaitre une source toute différente. Il existe, en effet, chez le Bre¬ ton de la campagne une propension spéciale à la mélancolie qui, loin d’être une simple fiction littéraire, est au contraire une réalité tangible, suscep¬ tible d’engendrer à l’occasion de véritables psychoses Celles-ci peuvent écla¬ ter notamment au moment du service militaire ainsi que R. Le Bourdelles l’a fort bien montré. Timide et solitaire à l’excès, ataché à son sol, esclave de ses traditions, ennemi de tout changement, le jeune conscrit, brusquement arraché au milieu familial qui, jusqu’alors, représentait tout son univers, ne peut supporter les chocs affectifs incessants que déclenche chez lui la vie collective parmi des étrangers. Il en résulte « une détresse émotionnelle con¬ tinue toute entière centrée sur la séparation familiale » qui risque de l’in¬ citer à de menus délits, quand elle n’entraine pas de plus tragiques conséquences. Tels sont les faits de constatation banale sur lesquels se fonde l’opinion publique. Vovons maintenant s’ils se trouvent confirmés par les Statistiques officielles émanant des organismes intéressés. Tout d’abord, voici un document qui vient de nous être communiqué par le ministère de la Défense nationale : il permet d’apprécier, en gros, le pour¬ centage des Recrues éliminées pour débilité physique et vices de conformation par les Conseils de Révision fonctionnant dans nos actuelles régions militaires (1). Proportion des exemptions et aiournements prononcés au cours des opérations de Révision de la Classe 1950 (ler contingent) NN LA PATHOLOGIE BÉGIONAIE DE LA TRANCE Et voici, en second lieu, pour la Mortalité intantile, un extrait des statis¬ tiques publiées par l’Institut National d’Hygiène et se rapportant à une période récente : La mortalité tfœto-infantile en Bretagne durant la période 1948-1950. indices calculés pour 1 000 naissances Ces chiffres pourraient être utilement comparés aux résultats suivants proyenant d’une enquête effectuée par M. Moine en 1936. Départements à très fort indice de portalité (plus de 80 décès pour 1000 naissances vivantes contre 67 pour l’ensemble de la France) : — Pas-de-Calais. Oise. Ardennes. Meuse. Côtes-du-Nord. Ardèche. Can¬ tal et Haute-Savoie. Départements 3 fort indice de mortalité (indice compris entre 70 et 79,9) : — Ile-et-Vilaine et Morbihnn avec, en outre, la Sarthe, la Mavenne, beau¬ coup de départements du Nord-Est, du Nord et de la Normandie. la Seine, les Basses-Alpes, la Corse et tout le Sud du Plateau Central. Départements moins touchés (indice inférieur à 70) : — Parmi eux, le Finistère, la Loire-Inférieure et la Vendée. Enfin, dans le domaine des Psychoses, nous pensons ne pouvoir mieux faire que de reproduire sous la forme d’un tableau des renseignements four¬ nis par l’Institut National d’Hygiène (voir pages 439 et 440). Dès lors, muni de toutes ces données numériques, il va nous être pos¬ sible de vérifier si les préjugés habituels relatifs à la Bretagne reposent sur des bases solides. De la confrontation des éléments ainsi recueillis quelques conclusions semblent immédiatement s’imposer : En ce qui concerne la Débilité physique et les Vices de conformation, on peut dire sans hésiter que ces maux apparaissent comme très répandus sur toute l’étendue de la péninsule, sans cependant que leur fréquence dépasse celle observée dans d’autres régions, telles que les alentours de Lyon ou certains secteurs du Plateau Central. La même remarque s’applique à la Mortalité intantile qui, actuellement. sévit avec une intensité au moins égale en Corse et dans la plupart de nos départements du Nord. Il n’en demeure pas moins vrai que la Brêtagne cons titue de nos jours pour ce flcau un véritable foyer d’élection fover d’autant plus redoutable d’ailleurs que la tendance du processus à la régression un peu partout signalée ne semble pas pour le moment vouloir s’y manifester. BRETAGNE 441 Pour les troubles psychiques, enfin, nous avons trouvé dans les tableaux ci-dessus, en meme temps que la confirmation de la rareté des psychoses syphi¬ litiques, l’attestation de la fréquence des psychoses toxiques, des états délirants. de l’arriération mentale et des psychonéproses, notions qui viennent à l’appui de la thèse soutenue par Le Bourdelles. Toutefois, là encore, il ne s’agit pas d’un phénomène spécial à la Bretagne, cette particularité se trouvant partagée par d’autres contrées, la Franche-Comté notamment. Notons à ce propos que, d’une manière générale, la région rennaise se montre moins touchée que celle de Nantes, le grand port intervenant sans doute assez largement dans la répartition de la morbidité Si, pour clore cet exposé, on jette maintenant un coup d’oil d’en¬ semble sur tous les problèmes relatifs aux fléaux sociaux en Bretagne, la situation peut se résumer ainsi : Alors que les affections vénériennes s’averent peu fréquentes dans la péninsule (la région nantaise mise à part) et le goitre exceptionnel, par contre la mortalité infantile, les infirmités congénitales, les psychonéproses et, depuis quelques années, le Cancer, y exercent d’importants ravages. Pas assez cependant pour qu’on puisse voir là des traits, caractéristiques et quasi exclusifs de la pathologie locale donnant à cette région un caractère particulier. Sur ce terrain donc, la réputation fâcheuse faite par tradition et de tout temps à notre vieille contrée apparait qujourd’hui comme quelque peu eragérée. BIBLIOCRAPHIE Tuberculose : BOULANGER (P.) et MOINE (M.). Cancer : DENOIX (M.). GODLEWSRI (H.). Alcoolisme : DÉROBERT (L.). Rachitisme, goitre, malformations : BLECHMANN (C.). On est invité à consulter par ailleurs : 1. BOURDELLÈS (R. Le). Essai d’explication d’un confit psychique du soldat breton d’origine rurale dans la vie militaire. Thèse Paris 1848. 2. DÉROBERT (L.). Statistiques médicales des hopitaux psychiatriques. Rec, des Tray. de l’Inst. Nat, d’HYg., t. II, vol. 1, 1945, p. 34-112. 3. MOINE (M.). Considérations sur la mortalité en France aux XIxe et xXe siècles. Ibid. T. 1, vol. 2, 1944, pages 406-423. hnnce oensonlen ans amnans le pis, i,0 128 nomèros de jany, mars du Bletin de l’Institut Nationl d’Hoygìne 3a), 102 r pe sbéfialement les tableaux correspondant aux références suivantes Pour le Cancer : L. 8, n° 1, janv-mars 1953, p. 68-69. t. 11, n° 1, janv.-mars 1956, p. 23-245 t. 12, n° 1, janv.-mars 1957, p. 55-56. Pour la Mortalité foeto-infantile : t. 8, n° 1, janv-mars 1953, p. 144-145. 442 LA PATHOLOGIE KEGIONALE DE LA ERANCE IV. — LES FLEVRES TVPHOIDES A — ANCIENNETÉ ET IMPORTANCE DE L’ENDÉMIE RRETONNE Il y a fort longtemps que les affections typhoidiques sévisent sur la pénin¬ sule bretonne où leur existence était autrefois signalée sous la dénomination de Fièvres putride, muqueuse, bilieuse ou pestilentielle que l’on retrouve un peu partout dans les chroniques anciennes. Dans un article publié en 1886 dans les Annales de Bretagne et consa¬ cré aux épidémies survenues au cours du XVIIIe siècle. Dupuy leur réserve une mention toute particulière, faisant plus spécialement allusion aux Côtes¬ du-Nord. Il relate notamment la grande épidémie de 1758 qui, partie de Saint¬ Brieuc, finit par s’étendre à la province toute entière. La diffusion fut telle que dans certains secteurs de la subdélégation de. Lamballe personne ne put échapper aux atteintes du mal. En 1766, c’est sur la région de Dinan que le mal s’abatit cette fois pour se répandre ensuite vers le Sud, en direction de Montfort. En 1774, au cours d’une nouvelle alerte, on vit la population de Plénée-lugon littéralement décimée par la maladie qui occasionna en quel¬ ques jours 210 décès avant de se propager à la subdélégation de Josselin¬ Depuis lors, les offensives n’ont cessé de se succéder jusqu’à notre siècle dont le début fut surtout marqué, toujours dans les Côtes-du-Nord, par l’épisode de 1900, lequel eut encore pour théâtre principal l’arrondissement de Saint-Brieuc D’après Pasco, il y eut en 5 mois (du 15 juin au 5 novem¬ bre) 960 malades et 70 décès. L'’oricine hydrique put être en l’occurrence faci¬ lement établie, et c’est à dater de cêtite époque que la ville a été dotée de la station d’épuration des eaux qui fonctionne encore de nos jours. Bien d’autres agglomérations urbaines ont depuis lors suivi cet exemple, mais il faut bien avouer que tes incidents continuèront à se répéter chaque année dans les localités demeurées insuffisamment protégées, ainsi qu’en témoigne notamment la petite épidémie survenue en 1932 à l’Asile d’Aliénés de Bégard. Ce rapide tableau, tracé pour un seul des départements en cause, pour¬ rait s’appliquer facilement à tous les autres. Actuellement donc, en dépit des progrès réalisés dans le domaine de l’hygiène publique, les Fièvres typhoides persistent dans toute la Bretagne avec, de temps à autre, des poussées épidémiques sévères. Tous les Médecins exercant dans le pays sont d’accord sur ce point et pourraient au besoin apporter des renseignements précieux. Néanmoins, nous ne nous adresserons. comme de coutume, qu’aux seuls documents émanant des Services Officiels en dépit des imperfections et des lacunes qu’ils comportent. Si l’on consulte tout d’abord la Statistique de C. Dubreuit parue en 1936, et relative à la mortalité typhoidique dans les 90 départements fran¬ cais, on s’apercoit que, parmi les 6 départements compris dans la Bretagne et la Vendée, cinq se classent en tête de liste avec des indices nettement supérieurs à la moyenne générale qui est de 4, 8 pour l’ensemble du terri¬ toire. Voici d’ailleurs les chiffres qui nous ont été fournis par cet auteur : BRETAGNE 43 Taux de mortalité typhique annuel (IMt) calculé pour 100 000 habitants Demtmr période 1926-193. Le bilan d’Ichot établi dans les mêmes conditions pour la periode de 1925-1928 aboutit à des résultats sensiblement identiques. Signalons encore, vers la même époque, les chiffres fournis par les Statistiques médicales de l’Armée durant l’intervalle 1927-1936. Ceux-ci appa¬ raissent comme particulièrement édifiants. Au point de vue de la morbidité typho-paratyphoidique, les 10° et II° Régions militaires se classent en effet respectivement au premier et au deuxième rang de nos 20 Régions métro¬ politaines avec les indices considérables de 1,78 et 0,98 pour 1000 hommes d’effectif (moyenne générale: 0,38). Pour la mortalité, il en est à peu prè de même, la Il° Région s’inscrivant cette fois la première (LM.t : 0.15) suivie de très près, il est vrai, par sa voisine (L.M.t : 0,10) qui vient je occuper le troisième rang. Quant aux Statistiques plus récentes communiquées par l’Institut National d’Hygiène, elles amènent aux constatations ci-après, avec pour unique base. cete fois, les taux de morbidite par département : Taux de morbidité typhoidique (J. M. b.) pour 100 00 habitants mentaires laissées à leur portée. » 444 LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE Compte tenu des variations observées, il est d’ores et déjà possible de tirer des documents consultés les conclusions suivantes : La Bretagne est, d’une manière générale très fortement touchée par les affections du groupe typho-paratyphoidique, celles-ci se manifestant avec une toute particulière intensité dans les départements de la Loire-Inférieure, de l’Ille-et-Vilaine et du Finistère. Elle n’échappe donc pas au sort Labiquel des régions cétières, plus dure¬ ment frappées dans leur ensemble que celles de l’intérieur, à l’exception peut-être du Secteur Est comprenant la Meuse, la Meurthe-et-Moselle et la Haute-Marne. Comparée maintenant aux autres régions du littoral, on constate que. si la typhoide y est plus fréquente que dans les plaines situées en bordure de la Manche et de la Mer du Nord, elle l’est par contre beaucoup moins que dans le midi méditerranéen ainsi que dans la Gironde et dans les Charentes. B — CAUSES DE LA PERSISTANCE DE L’ENDÉMIE TYPHOIDIQUE EN BRETACNF. Ces causes sont mpultiples Leur etude a cte entreprise, par P. Renoit dans sa très remarquable thèse inaugurale, soutenue en 1942, à laquelle nous ferons ici de très importants emprunts. Avec cet auteur, il y a lieu d’envisager tour à tour le problème en milieu rural, en milieu urbain et parmi les populations de la Côte. 1. Etiologie des (yphoses dans les campagnes. Le problème semble sur ce point dominé par deux facteurs essentiels, à savoir les conditions défectuenses de l’habitat rural et par ailleurs, l’ab¬ sence de toute hygiène alimentaire due ordinairement à la survivance de cou¬ tumes archaiques déplorables. Pour bien comprendre le rêle de ces deux élé¬ ments, le mieux est de pénétrer, comme l’a fait Benoit, dans l’intimité d’un village breton après avoir suivi l’un de ces chemins creux qui font certainement beaucoup plus l’admiration des peintres et des poètes que celle des hygiénistes : « Les chemins dits d’exploitation rurale qui vont des chemins vicinaux aux fermes ou vont aux champs rappellent encore les infects bourbiers des siècles passés. On s’y embourbe l’hiver dans de profondes ornières où la boue se mélange au" purin qui s’écoule en ruisseaux nauséabonds à assez grande distance des tas de fumier. « Ceux-ci occupent presque toujours la place d’honneur dans la cour de l’exploitation, le plus souvent à la porte d’entrée des étables contigués à la maison d’habitation. La cour elle-même est recouverte d’une couche de « litière », ajoncs et feuilles mortes, qui, imprégnée de purin, fait éponge sous le pied et n’est en fait que le prolongement du tas de fumier. Si l’on franchit sans trop de dommage ce cloaque asséché en été, on est assailli par des essaims de mouches qui proviennent des fumiers et recouvrent d’une couche noire et grouillante la table avec les aliments qui y sont exposés. « Or, il est amplement prouvé, ajoute l’auteur, que les mouches comptent parmi les agents les plus actifs de propagation des maladies infectieuses en transportant les bacilles qui pullulent dans les ordures sur les substances ali¬ BRETAGNE 45 Ce ne sont d’ailleurs pas là les seules conséquences de l’imprudent aban¬ don des déjections à même le sol, à proximité des locaux d’habitation. Pays très pluvieux, formé d’un socle granitique imperméable, la Bretagne est en effet parcourue en tous sens par un réseau d’eaux de ruissellement d’une extrême richesse. Ces eaux effectuent souvent en surface de très longs tra¬ jets avant de pénétrer en profondeur vers la nappe souterraine, entrainant au passage toutes les impuretés qu’elles rencontrent, c’est-à-dire, non seule¬ ment le purin émanant des amas de fumier, mais encore les résidus prove¬ nant de l’épandage encore très en honneur dans la région, et couramment pratiqué par tous les propriétaires possédant des jardins potagers autour de leur maison. Fort heureusement le danger se trouve en partie conjuré du fait de la structure même des couches superficielles du terrain, lesquelles offrent tout naturellement les qualités d’un bon filtre étant formées d’un sable très fin et très serré résultant de la décomposition des granits et des schistes. Aussi les eaux ont-elles habituellement le temps de s’épurer avant d’atteindre la couche imperméable profonde qui les mènera à des sources claires et limpides. Mais il est des cas ou ces conditions favorables ne peuvent plus nor¬ malement jouer, et c’est alors que les accidents risquent d’apparaitre pour peu qu’il y ait dans la contrée des malades en évolution ou des porteurs de germes méconnus. C’est ainsi qu’il existe des endroits où la couche de terrain filtrant est insuffisamment épaisse pour assurer l’arrêt total des matières organiques et des germes en suspension dans les edux. Il en est d’autres, largement fissurés, où les grains de sable superficiels présentent des intervalles trop importants pour faire obstacle aux impuretés venant du sol. Il arrive parfois enfin que le granit se trouve lui-mêmé recouvert d’un dépêt argileux qui colmate les chenaux d’écoulement, entrainant ainsi la forma¬ tion d’étangs, tels que celui de Rosporden aux eaux forcément polluées. Toutes ces causes de souillure ont pour résultat la contamination fréquente des sour¬ ces et des puits qui alimentent la population des villages. Si nous ajoutons que ces puits sont ordinairement mal défendus contre les infiltrations extérieures par une maconnerie insuffisamment étanche, qu’ils sont en outre situés dans un endroit peu indiqué, comme dans la cour même de la ferme au contact du fumier, ou en contrebas du village, en un point où la nappe phréatique est facile à atteindre mais où elle a aussi le plus de chances d’être contaminée, nous comprendrons aisément toutes les difficultés auxquelles les hygiénistes auront sans cesse à faire face pour procurer aux habitants des campagnes bretonnes le contingent d’eau potable qui leur est nécessaire. Mais l’eau n’est pas l’unique agent de transmission alimentaire des typhoses dans le pays : il faut aussi compter avec le lait. Faisant allusion aux conditions absolument invraisemblables dans lesquelles celui-ci est par¬ fois recueilli, P. Benoit s’exprime en ces termes : « Dans les fermes ou les laiteries ou ont éclaté des cas de Typhoide, il arrive souvent que les personnes avant soigné ou approché les malades soient aussi chargées de la traite ou des diverses manipulations du lait. Les soins de propreté qu’elles prennent étant rudimentaires ou nuls, la souillure est pres¬ que inévitable. Combien de fois on a vu au fond des récipients avant contenu le lait, un dépôt verdâtre formé d’une fine pellicule de bouse, provenant. soit des mains de la fermière, soit des mamelles souillées, non lavées avant la traite. » Ce n’est pas tout : « La souillure du lait peut provenir aussi de celle de l’eau dont on fait usage pour laver les récipients et même pour « mouil¬ ler » le lait. D’ailleurs, dans des épidémies où le lait était incriminé, on, à trouvé des bacilles typhiques à l’analyse de l’eau des puits dans la ferme productrice ». LA PATHOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCT 446 Bien entendu, les mêmes remarques s’appliquent également au beurre. qu’il soit fabriqué avec un lait impur ou qu’il soit secondairement infecte au cours de sa préparation par les instruments ou par des mains malpropres. Et ceci nous amène à faire allusion au dévelonpement encore très insuf. fisant de l’hygiène corporelle et manuelle dans les villages où l’eau n’est utilisée qu’avec beaucoup de parcimonie pour les ablutions, étant donné que le plus souvent il faut aller la puiser à distance et la transporter ensuite à bout de bras à travers les sentiers pierreux qui conduisent de la source à la ferme. Signalons pour terminer l’influence favorisante qu’everce sur la persis. tance de l’endémie rurale l’inconfort notoire et l’insalubrité d’un grand nom¬ bre d’exploitations agricoles, encore que les toits de chaume, le sol en terre battue, le classique lit-clos et l’étable attenante au logis aient aujourd’hui à peu près disparu, sauf peut-être dans duelques communes particulièrement déshéritées de l’intérieur. Ce facteur se trouve d’ailleurs aggravé par l’encombrement qui règne dans la plupart des fermes, la Bretagne étant par excellence le pays des familles nombreuses. Quand on a vu à maintes reprises, entassées dans des locaux exigus, obscurs et mal aérés, des familles de dix à douze personnes. sans compter les domestiques, on ne peut plus s’étonner de la fréquence des contaminations interhumaines lorsque la maladie apparait dans un tel milieu. Tout ce qui vient d’être dit propos de la Bretagne s’appliquerait aussi bien A la Vendée. On retrouve en effet ici à chaque instant les mêmes conditions déplorables dans le domaine de l’habitation et le même mépris pour les règles élémentaires de l’hygiène entrainant trop souvent la conta¬ mination des sources et des puits. Ainsi s’explique ce fait que l’annexe ven¬ déenne s’est toujours alignée sur la péninsule en ce qui concerne la fré¬ quence des affections typhoidiques. Elle a même réussi à la dépasser largement au cours de l’année 1949, date à laquelle elle a été le siège d’une épidémie d’une rare violence qui compte parmi les plus sévères enregistrées dans le pays. Effectivement, du le mars au 30 juin 1949, nous dit Crosnier, les Méde¬ cins vendéens ont signalé aux autorités sanitaires un total de 1778 cas, chif¬ fre à coup sur inférieur à la réalité compte tenu des formes frustes ou ambulatoires avant échappé à la déclaration. Provoquée par le bacille paratyphoidique B. l’épidémie a d’abord sévi sur la région de Fontenay-le-Comte pour gagner ensuite la région de Lucon; plus tardivement, la région ouest et côtière du département a été touchée. Des répercussions prolongées ont été observées par la suite puisque le nombre des cas pour toute l’année est monté à plus de 2 000, malgré les vaccinations intensives qui ont porté sur environ 175 000 personnes. L’origine hydrique n’est pas contestable puisque dans la zone épidé¬ mique (1 500 à 1600 Km°) « on a noté un niveau extrémement bas des nappes d’eau souterraines, plus bas même que lors des grandes sécheresses ». Toutefois, on ne peut parler ici de manifestations épidémiques hydriques vraies. en raison même de l’absence du caractère explosif et brutal des atteintes. Cet épisode dramatique montre quel point l’équilibre épidémiologique d’une région, siège d’une endémie tenace, peut se trouver soudainement bou¬ leversé du jour au lendemain du fait de l’intervention d’un facteur nouveou. hydroclimatique en l’occurrence. affluents du Couesnon et par l’intermédiaire de drains profonds aboutissant à 3 BRTAGNE 47 2. Etiologie des (ypboses dans les villes. Il est bien évident que les progrèe de l’hygiène se sont fait gentir au cours de ces dernières années beaucoup plus dans les villes que dans les campagnes. Désormais, il existe dans la plupart des agglomérations urbaines des quartiers neufs aux habitations spacieuses et aérées qui font la joie des urbanistes. Malheureusement, il persiste aussi un peu partout de vieux quar¬ tiers qui n’ont pas encore réussi à se débarrasser de leur gangue de vétusté et de misère. C’est ainsi que, parlant du quartier de « Recouvrance » à Brest, Benoit nous décrit des ruelles étroites et nauséabondes où le service de voierie ne fonctionne que très tard dans l’après-midi, le contenu des poubelles souvent souillé par les déjections des malades étant alors largement répandu sur la chaussée ou dispersé par le vent et transporté au loin sur les légumes et les fruits rangés sur les étalages. Mais le tableau est encore bien plus noir en ce qui concerne Quimper où subsistent toujours des pratiques vraiment moyenageuses : « le système le plus répandu de W.C. consiste en tinettes qui sont de simples baquets décou¬ verts. On a chaque matin l’écœurant spectacle de ces débordants récipients directement vidés dans un infect et primitif tombereau : une caisse sur deux roues qui s’en va cahotant de maison en maison, laissant sur le pavé des trainées aussi offensantes pour la vue et l’odorat que dangereuses comme agent de dissémination des bacilles. Et ce n’est pas tout : nombre d’appar¬ tements n’ont pas ces primitives tinettes. Aussi, chaque soir, nuit tombée. et chaque matin à l’aube, c’est la procession des seaux hygiéniques (si l’on peut dire) vers les charmantes rivières : l’Odet et le Steir, qui traversent la ville. Il est inutile d’insister sur l’odeur infecte qui se répand sur leurs rives. Mais songe-t-on assez aux dangers que présente l’usage d’eaux aussi souillées. C’est ainsi que de nombreux lavoirs se sont installés dans la ville même... » Ces lignes, particulièrement expressives, datent de 1942. Six ans plus tard nous pouvons affirmer que le spectacle était sensiblement le même. aucun effort d’ensemble n’avant été tenté pour remédier à une pareille situa¬ tion. Il est vrai que le cas de Quimper est un peu spécial, la plupart des villes bretonnes étant désormais pourvues de réseaux d’égouts au reste plus ou moins importants et plus ou moins bien concus (1). Et ceci nous amène à envisager le grave problème de la qualité des eaux de boisson dans les villes, problème que l’on sait être étroitement sous la dépendance de la protection du terrain contre les souillures et de l’élimi¬ nation correcte des matières usées. Voici d’après M° Le Baccon et Pasco, et à titre documentaire, le mode d’approvisionnement en eau potable qui a été adopté dans les principaux centres de la région avec, pour certains d’entre eux, les résultats qui ont PECIRS A Rennes, l’eau provient de drainages. Elle est fournie par deur (1) Cest ainsi que Saint-Bricue ne possde qu’un réseau peu développé et Morlais un réseau encore plus rudimentaire, aboutissant l’un comme l’autre aux rivières voi¬ sines sans aucune autre épuration préalable. Brest, par contre, était pourvu avant-guerre d’un réscau assez complet et bien agencé se déversant en plusicurs points de la rade. 448 LA PATHOLOGIE BRÉGIONALE DE LA FRANCE BRETAGNE 46 un aqueduc collecteur. Le nombre des bactéries qu’elle renferme augmente avec les pluies et atteint 1 400 au cmi avec parfois présence de colibacilles (1). Nantes est approvisionné par de l’eau de rivière filtrée sur sable. Celle¬ ci est captée en Loire, un peu en amont de Pont-de-Vendée, à la limite de l’influence des marées, et amenée par gravité dans des puisards d’ou elle est refoulée sur des appareils de filtration continuellement soumis à une surveillance rigoureuse. Tandis qu’à l’état brut elle contient plusieurs milliers de germes au cm° (davantage en cas de crue), elle n’en détient plus qu’une centaine à peine après passage sur les filtres. A Saint-Nazaire, l’eau potable provient des eaux de surface collectées au moyen de barrages-réservoirs, puis traitées par filtration sur sable, et enfin stérilisées au chlore gazeux; leur teneur en germes devient alors inférieure à 50 au cm° sans colibacilles. A Saint-Brieuc, l’eau est fournie en partie par les captages de la région de Plaintel, en partie par un nompage effectué au niveau d’un barrage sur la rivière Le Couet. L’épuration se fait par précipitation au sulfate d’alumine et à la chaux, puis par décantation suivie d’une filtration rapide sur filtres à sable submergé. Pour compléter, on procède à une stérilisation par l’ozone et éventuellement par le chlore. Vannes fait appel à la fois à des eaux de source et de drainage. Le nombre des bacilles révélé par les analyses est variable, et une surveil¬ lance attentive du terrain est nécessaire. Brest reçoit son contingent soit de sources, soit de la rivière l’Elorn après épuration par l’ozone. Quimper est alimenté par une source, celle de Prat-Maria, située sur la rive gauche de l’Odet et, d’autre part, par l’adduction des eaux souter¬ raines des vallées de Coet-Ligavan et de Sainte-Anne. Enfin,. Morlaix est pourvu d’un double systême d’approvisionnement : pour l’eau potable, la ville s’adresse à la source de Trévidy amenée par la galerie souterraine de Ty-Maudet; pour le lavage et l’arrosage, elle utilise tout simplement l’eau du Queffleut puisée un peu en amont de l’agglomération et rassemblée dans le réservoir de Saint-Martin. En dépit de tous ces travaux et de tous les progrès déjà réalisés, on peut dire que de nombreuses améliorations doivent être encore apportées un peu partout au régime des eaux, à en juger par le résultat de cértaines analyses et par la fréquence persistante des épidémies locales (2). S l’on cherche maintenant à déterminer dans les villes les secteurs les plus habituellement touchés par la Fièvre typhoide, un fait très intéres¬ sant mérite tout de suite d’être signalé : c’est l’affinité toute particulière que manifeste la maladie pour certains quartiers bien définis qui sont ceux (1) La grave épidémie de Rennes de 1951 qui a comporté 85 cas, bien qu’avant coincidé avec une recrudescence de l’état endémique dans toute l’Ille-et-Vilaine; ne semble pas pouvoir être rattachée à une origine hydrique. Localisée à deux Etablisse¬ ments hospitaliers et due au paratyphique B, elle parait avoir été liée à l’existence de porteurs de germes au sein du personnel de ces Etablissments et plus spécialement parmi les employés des cuisines. (2) Dans l’ensemble, la Bretagne est une des régions de France les mnoins bien pourvues en eau potable. Si 19 % des communes du Finistère se trouvaient dotées d’un système d’adduction en 1933 (Dubreuil), on n’en comptait guère à cette époque que 8 %% dans la Loire-Inféricure, 7 %% dans les Côtes-du-Nord et l’Ille-et-Vilaine et mêmne 6 % dans le Morbihan. 3 430 LA PATLOLOGIE BRÉGIONALE DE LA ERANCE situés en contre-bas dans la zone la plus déclive de l’agglomération. Quelques exemples vont nous permettre d’illustrer cette notion : C’est ainsi qu’à Quimper, c’est la banliene Quest qui paie en perma¬ nence le plus lourd tribut au typhoses, étant bâtie en aval de la ville sur un ancien marécage séparé seulement de l’Odet par une butte sur laquelle chemine le sentier de halage (voir figure). A chaque marée, les eaux sau¬ mâtres de la rivière parviennent à s’infiltrer sous ce faible obstacle en pro¬ fitant des moindres fissures ou du cours des ruisseaux tributaires entretenant dans le quartier une humidité constante et malsaine. QUINDER (le quarter bpbogèpe du dhemn du mogge A Morlaix, c’est le quartier du Poan-Ben, placé au fond même de la vallée ou s’est édifiée la ville et au confluent des cours d’eau qui forment le Dossen, que l’on observe chaque année le plus de malades. Et il en est de même pour Quimperlé situé à la jonction de l’Isole et de l’Ellé, pour Guingamp. Saint-Brieuc. Dinan et bien d’autres localités. Uine telle distribution des typhoses à l’intérieur des villes eublitorales ne doit du reste pas nous surprendre. De toute évidence, le relief n’a ici aucune action directe étant donné les faibles dénivellations qu’il comporte. Tout au plus intervient-il indirectement par l’humidité qu’il entretient dans les bas-fonds où sont ordinairement construits les vieux quartiers, partout reconnaissables à leurs ruelles étroites et malodorantes, à leurs habitations obscures et entassées, à leur sol boueux propice aux infiltrations les plus nocives. BRETAGNE 451 3. Etiologie des typhoses suc le fittorat. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur une carte nosographique de Bre- tagne pour être aussitôt convaincu de la prédominance manifeste des affec¬ tions typhoidiques en bordure de la mer. La carte du Finistère que nous repro¬ duisons ci-contre est tout à fait explicite à cet égard, et il en serait de même pour les quatre autres départements de la péninsule. C’est ainsi notam¬ ment que dans les Côtes-du-Nord les 375 des contaminations proviennent des cantons côtiers, alors que le département affecte la forme d’un parallélipi¬ pède ne possédant qu’une seule facade maritime. Cette inégale répartition de la maladie tient avant tout au fait que la population bretonne s’est essentiellement concentrée le long du littoral ou elle a d’emblée rencontré les conditions les meilleures pour son développe¬ ment. Ainsi, si l’on considère les trois départements « bretonnants » — Finis¬ tère. Côtes-du-Nord et Morbihan — on s’aperçoit que, hormis quelques centres exclusivement agricoles tels que Ploermel, Pontivy. Loudéac et Carhaix, tou¬ tes les villes se sont disposées en ceinture vers la périphérie, tantôt au fond des multiples échancrures de la Côte, tant̂t à l’extrémité des estuaires au point d’amortissement des marées. Pourtant la proximité de la Mer ne peut pas expliquer à elle seule la densité élevée des cas de Typhoides observés dans les zohes litorale et sub¬ littorale. Chateaulin, par exemple, ville de 4 000 habitants, située sur le cours inférieur de l’Aulne, à peu de distance de la rade de Brest, n’a pas enregistré un seul cas de dothienenterie durant les 4 années 1938-1941, alors que pendant le même laps de temps on pouvait en compter 1 à Concarneau. 18 à Morlaix, 17 à Douarnenez, 1l à Camaret et 10 à Crozon. C’est que dans ces dernières localités a toujours existé l’hygiène la plus déplorable. Actuellement encore on y voit claque matin les habitants tra¬ verser les rues couvertes d’immondices pour aller déverser du haut des quais leurs ordures dans la mer ou dans la rivière la plus proche. Nous avons déjà dénoncé ces faits à propos des villes sublitorales ou ce sont sur tout les bas-quartiers populeux qui paient un lourd tribut à la maladie. Dans les ports maritimes, la situation est absolument la même. A Brest, la Fièvre typhoide sévit régulièrement chaque année sur les rives de la Penfeld, non loin des arsenaux. Et à Concarneau, c’est dans la « ville-basse », au lieu dit « le passage », où la mer découvre après chaque marée une vase nauséabonde que les riverains se chargent continuellement d’enrichir de détritus de toutes sortes et de leurs déjections. Dans des milieux aussi souillés, les fièvres se contractent, non seule¬ ment par l’eau des puits, mais encore par les légumes trop souvent lavés dans l’eau infecte des ports ou bien, ce qui est assez fréquent, à l’occa¬ sion des baignades à l’embouchure des estuaires ou le long du rivage. Néanmoins, malgré l’importance de ces facteurs, la plus grande part de responsabilités semble revenir — et de loin — aux fruits de mer dont il est fait une assez abondante consommation dans toutès les localités de la Côte. Il n’est guère en effet d’agglomération urbaine qui n’ait ses coins attitrés pour la récolte des coquillages : à Brest, ce sont les rochers du Con¬ quet, à Morlaix, les vasières du Dourduf, à Quimper, les petites criques de Bénodet et de Sainte-Marine. Tous ces endroits ont été spécialement choisis parce qu’ils sont d’accès facile pour les familles qui viennent s’y ébattre les jours de repos, et aussi parce que les mollusques y sont particulièrement gras, étant nourris par tous les déchets provenant de la ville voisine. Parmi ces mollusques, les plus nocifs sont certainement les clovisses, les moules, les palourdes et les bigorneaux dont la cueillette n’est soumise à aucune surveilance sanrtgrre" Mais les nuitres elles-mêmes ne sont pas 452 LA PATLIOLOGIE REGIONALE DE LA FRANCE exemptes de danger, surtout après les grandes marées où l’eau de mer s’étant retirée des parcs il ne reste plus dans ceux-ci qu’une eau douce polluée. amenée par la rivière. C’est sans doute ceci qui explique la fréquence accrue de la Typhoide au cours des périodes s’échelonnant de mars à mai et de geptembre à novembre : à Concarneau notamment, on a pu observer en 1941 17 cas de la maladie en avril, et 9 en noyembre contre 2 en janvier, et 1 en aoît (d’après Benoit). D’ailleurs, le bilan ci-après emprunté à Pasco indique bien la fréquence de l’origine ostréaire par rapport aux autres et donne les résultats d’une enquête effectuée au cours de cette même année 1941 dans le département des Côtes-du-Nord. Sur 128 cas de Fièvre typhoide déclarés durant cette année-la, 49 demeu¬ rèrent sans cause connue, les 79 autres se répartissant comme suit : Ainsi l’étiologie coquillière se voit attribuer dans ce tableau près du tiers du total des cas et près de la moitié des contaminations dont la source à pu être identifiée. En présence de tous ces faits : puits insuffissmment protégés, récolte du lait et fabrication du beurre effectuées dans des conditions défectueuses d’hy¬ giène, insalubrité des villes, pollution des rivages et des estuaires, consom¬ mation familiale abondante de coquillages souillés, etc, on concoit que les Pouvoirs publics aient fini par s’émouvoir et qu’aux « Asises Nationales de Médecine Générale » de mars 1937, les Médecins bretons aient unanimement réclamé la mise en vigueur rapide de mesures énergiques de prophylaxie. Malheureusement, ici plus peut-être encore qu’ailleurs, i1 est bien dif¬ ficile d’abolir d’un seul coup toutes les vieilles routines où se sont confinés citadins et villageois. Pour le moment, la meilleure solution parait donc résider dans la géné¬ ralisation de la vaccination à laquelle devraient être surtout astreints tous les nouveaux venus et notamment les fonctionnaires, que leur absence de prémuni¬ tion expose tout particulièrement aux atteintes du mal. BIBLLOCSGRT IRE RRETAGNE 453 V. — LES MALADIES INFECTIEUSES, ÉPIDÉMIQUES ET CONTAGIEUSES COSMOPOLITES — LES FIEVRE ÉRUPTIVES Comme nous l’avons déjà fait au cours de précédents chapitres, exposons donc tout d’abord les documents qui pourront servir de base à la discussion. 1 - Morbidité moyenne pour 100 000 habitants CIEI CRVSEIE IIECURIE E EV1 2 - Morbidité moyenne pour 100 000 habitants enregistrée en Bretagne par l’I. N. H. d'urant la période 1949,1953. Nous laisons à ces chiffres leur éloquence, nous bornant à en dégager les quelques conclusions suivantes : 1. — Les départements bretons comptent, dans l’ensemble, parmi les départements français les moins touchés par les affections contagieuses cos¬ mopolites que nous avons en vue. graphiques méritent d’être retenues. 484 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 2 — La Bougeole, la Scarlatine et la Dinhtérie notamment y sont assez pet fréquentes, surtout dans les trois départements dits « bretonnants » du Finis¬ tère, des Côtes-du-Nord et du Morbihan — voire même de l’Ille-et-Vilaine la Loire-Atlantique pavant par contre un tribut plus élevé à ces maladies. A cet égard, il y a lieu de signaler dans ce dernier département l’existence actuelle d’une endémie diphtérique véritable, sujette parfois à de brusques sursauts comme par exemple au cours de l’année 1953 où 234 atteintes par le bacille de Loeffler ont pu être dénombrées (localisées surtout dans les milieux scolaires des agglomérations de Nantes et de Saint-Nazaire). 3. — La Ménincite cérébro-spinale, de son cêté, ne semble pas vouloir faire de la péninsule une terre d’élection. Elle est cependant susceptible d’y déterminèr à l’occasion des poussées épidémiques assez violentes comme celles par exemple qui se sont échelonnées entre 1949 et 1953 dans le bassin de Rennes ou une centaine de cas de la maladie ont pu être identifiés. 4. — Nous ajouterons à ce bilan une remarque en ce qui concerne le Rhumatisme articulaire aigu, bien que cette affection ne figure pas dans les précédents tableaux, sa déclaration n’avant pas encore été rendue obligatoire dans les populations civiles. Seules, à son sujet, les Statistiques militaires peuvent aujourd’hui nous renseigner. Or, celles-ci nous apprennent qu’avant guerre (période 1927-1936) les taux de morbidité annuels pour 1 000 hommes d’efiectif étaient de 8,01 pour la 1le Bégion de Nantes et de 13,65 pour la 10° Région de Rennes, l’indice moyen pour la France entière étant alors de 12,48. Depuis (période 1951-1952), ces taux se sont abaissés, comme d’ail¬ leurs dans l’ensemble de notre pays, pour atteindre 3,00 dans l’actuelle 3° Région militaire — qui englobe toute la Bretagne — placant celle-ci au cinquième rang de nos 9 Régions métropolitaines. Ainsi, en matière de Rhumatisme articulire aigu, la péninsule se maintient en position intermé¬ diaire, avec toutefois une prédominance nette du processus à l’Est, le long du cours de la Vilaine. 5. — D’une manière générale, on peut donc dire que les départements périphériques apparaissent comme relativement indemnes comparés auz départements confinant au Bassin parisien, Par ceux-ci il faut entendre l’Ille¬ et-Vilaine et surtout la Loire-Atlantique, cette dernière région se trouvant sans doute tout spécialement exposée à la contagion venant de l’intérieur du pays du fait à la fois de la présence de la paste agglomération nantaise et de la grande voie d’eau qui 1 traverse. Ces faits établis, nous allons maintenant étudier la Variole et la Polio. mvélite dont certaines particularités locales tant épidémiologiques que topo¬ A — LA VARIOLE Son nom ne saurait être prononcé à pronos de la Bretagne sane évoquer immédiatement la redoutable épidémie qui y a soudainement surgi durant le premier trimestre de l’année 1955, occasionnant 75 atteintes avec un total de 18 décès parmi lesquels celui d’un Directeur départemental de la Santé. Le mal s’est localisé au Vannetais avec toutefois de petits rameaux aberrants dans le Finistère, à Brest et à Quimper. A l’origine, il semble possible d’in¬ criminer un virus d’importation étrangère, rapporté probablement d’Extrême Orient par un combattant d’Indochine rapatrié. A Vannes même, il s’est agi d’une épidémie strictement intra-hospitalière dont l’extension s’est trouvée favo¬ risée au début par les hésitations du diagnostic et par l’absence de cloisons rigoureusement étanches entre les services. Cliniquement, elle semble tirer sur¬ tout son originalité de l’apparition de formes atypiques anéruptives et de BpTTAGNE 458 la découverte, dans certains cas, d’aspects radiologiques pulmonaires anor¬ maux. Après avoir vivement alarmé les populations, la maladie s’est rani¬ dement éteinte grâce aux mesures énergiques de prophylaxie prises dans toute la France où d'innombrables vaccinations ont été aussitôt pratiquées. B — LA POLIOMYÉLTE L’histoire, de la Poliomvélite en Bretagne s’est trouvée réduite pendant longtemps à fort, peu de chose : à peine quelques cas épars avant guerre et, depuis lors, des incidents un peu plus nombreux sans doute, mais toujours isolés et sans aucune tendance à l’épidémicité (25 cas au total. Vendée comprise, en 1943, année pourtant très éprouvée). Dans ces conditions. on ne saurait s’étonner de voir dans les bilans encore récents la péninsule bretonne apparaitre comme la région francaise la plus épargnée par la mala¬ die. Mais le fait étant admis, quelles explications peut-on lui donner2 D’emblée il est posible d’éliminer les facteurs d’ordre géologique, les événements survenus récemment dans les Vosges et les Ardennes, avant démon¬ tré l’extension facile du processus aux terrains de formation primaire. Il n’est pas davantage question d’invoquer jci un facteur ethnique, la contagion poliomvélitique s’avérant extrêmement variable d’un pays celte à l’autre, des contrées, telles que l’Ecosse et la presqu’ile galloise par exemple. avant accusé entre 1919 et 1931 des taux de morbidité franchement supé¬ rieurs, non seulement à ceux de la Bretagne, mais encore à ceux de la France entière (1.6 pour 100 000 habitants dans ces deux parties des lles Britanniques, contre 0, 75 pour tout l’ensemble de notre territoire national). Ainsi il vient tout naturellement à l’esprit d’incriminer à nouveau le facteur hydrographique, le fléau avant de tout temps manifesté une prédi¬ lection marquée pour les abords immédiats des rivières. Sa rareté en Bre¬ tagne ne serait dès lors que la conséquence de la disposition toute parti¬ culière du réseau local formé à peu près exelusivement de courts segments fluviaux totalement indépendants les uns des autres. Un seul grand fleuve en effet dans toute l’Armorique, la Loire, et encore uniquement par son embouchure. Comme c’est justement en. Loire-Inférieure que l’on a cons¬ tamment enregistré le maximum des atteintes (10 sur les 25 en 1943 et 31 sur les 78 en 1945), il est permis de voir là l’exception qui vient confir¬ mer la règle. Une fois de plus se vérifie de la sorte la relation étroite qui parait exister entre le mode d’irrigation d’un pays et ses répercussions sur l’affec¬ tion. Mais les hésitations renaissent dès qu’il s’agit d’interpréter le phé¬ nomène. Faut-il y voir comme certains la preuve d’une transmission hydrique du virus" Faut-il, au contraire, estimer que les cours d’eau, grandes voies des échanges, n’interviennent en réalité qu’indirectement et dans la mesure seule où ils favorisent les contacts humains" La question ne parait pas encore tranchée. De toute facon, on ne peut s’empêcher de remarquer que les départements les plus touchés de Bretagne sont précisément ceux qui se trouvent placés au « collet » même de la péninsule, en rapport étroit avec la Sarthe et le Maine-et-Loire, sièges comme nous le verrons de fovers endé¬ miques importants. Déià, du reste, en 1910 un groupe de 4 cas avait été observé dans le secteur de Belligné, dans la Loire-Inférieure, tout à 456 LA PATHOLOGIE RÉGLIONALE DE LA FRANCE PROCRESSION DE L’EPIDEMIE DE POLIOMYELITE EN ILLE-ET-VILAINE DURANT L'ETE 1947 L’histoire de la propagation de cette epidémie fournit un exemple frappant des corélations qui peuvent exister entre les cartes épidémiologiques et hydrographique d’une contrée. Parti de la région de Vitré, le fux infectieux est descendu en effet le long du cours supérieur de la Vilaine pour ensuite se partager entre le cours moyen de ce deuve et son affucnt, l’Ille, Pour fnir, il à gagné le basin de la Rance ainsi qu’un pétit deuve côtier du voisinage (Le Frémur). BRETAGNE 457 proximité du foyer angevin alors en pleine activité. Ceci amène tout logi¬ quement à penser que la tranquillité relative dont a longtemps bénéficié la Bretagne n’était imputable au fond qu’à l’isolement dans lequel cette pro¬ vince réussissait à se maintenir, loin des grands circuits humains et à l’abri des remous qui, périodiquement, viennent brasser les peuples. Maintenant que les voies de communication se sont largement multipliées sur son terri¬ toire et que le tourisme a pris sur ses côtes un essor jusqu’alors inconnu. la situation risque de se trouver profondément modifiée. N’assiste-t-on pas. du reste, depuis quelque temps, dans la presqu’ile, à un accroissement sen¬ sible de la morbidité, poliomvélitique, qui est passée de 19 cas en 1938 aux 25 cas signalés plus haut en 1943, et surtout aux 175 cas de 1951 (Vendée exclue) 2 Bien plus, n’est-on pas en train d’observer parallèlement d’importantes modifications dans la distribution même de la maladie, celle¬ ci avant prédominé en 1951 dans le Finistère avec 73 cas presque tous ras¬ semblés dans l’est du département, la côte ouest étant au contraire demeu¬ rée à peu près indemne à l’exception de Brest (10 cas)2 Et, dès lors, ne faut-il pas voir dans tous ces faits récents l’annonce d’offensives futures plus meurtrières encore, qui ne manqueraient pas d’aligner notre vieille province toute entière sur l’ensemble de notre pays; L’épidémie survenue dans le Finistère en 1951 a d’ailleurs un auure intérêt que celui de traduire une diffusion nouvelle et le développement du processus poliomvélitique dans des secteurs jusqu’alors à peu près épargnés. Elle a été marquée en effet par l’apparition soudaine, à côté de cas de Poliomvélite authentique, de manifestations atypiques que l’on a pu iden¬ tifier comme étant liées aux virus de Coxsackie. On sait que ces virus, étudiés pour la première fois dans le petit vil¬ lage de l’Etat de New-Vork qui leur a donné leur nom, sont susceptibles de déterminer chez l’homme des troubles divers à type de Grippes estivales ou de Myalgies épidémiques au cours desquelles le germe causal peut être isolé des déjections ou du sang et inoculé à la jeune souris ou au hamster. A la suité de patientes recherches. Findlay et Hoyard ont réussi à séparer trois variétés de ces virus, et ont pu rapporter à la variété n° 2 la Maladie de Bornholm décrite dès 1930 par Sylvest chez les habitants d’une ile de la mer Baltique. Cette dernière maladie, mvalgique comme les autres, se sin¬ gularise surtout par la localisation diaphragmatique de ses atteintes, par les douleurs thoraco-abdominales intenses qui en résultent, et par l’élévation thermique qui l’accompagne. Bénigne, elle se termine en 4 ou 5 jours, sauf complications (Pleurésie. Otite moyenne, Méningite séreuse). Fait essentiel : il s’agit ici de virus et de syndromes infectieux voisins de ceux de la Polio¬ myélite, mais netement distincts cependant, encore que leur évolution res pective se trouve bien souvent conjuguée. Peut-être d’ailleurs ne sont-ils que des formes atténuées de la poliomvélite. Quoi qu’il en soit, de juillet à noyembre 1981, en pleine épidémie polio¬ myélitique par conséquent, de très nombreux cas de Mvalgies aigués ont été observés dans le Finistère dont 27 ont pu être rapportés à la Maladie de Bornholm grâce au Laboratoire (Desse). C’est donc par la Bretagne que les virus de Coxsackie et la Maladie de Bornholm ont fait leur entrée officielle en France, leur présence y étant jusqu’alors inconnue. Ainsi, non seulement étroitement associée — comme nous le disions tout-à-l’heure — à l’évolution nosologique de notre pays, la péninsule se montre aujourd’hui capable d’en être à l’avant garde et même de servir de tremplin à certaines affections nouvellement importées. 458 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE BIBLIOCRAPHIE VI — AUTRES AEEECTIONS RENCONTRÉES EN RRETACNE Nous les rangerons sous trois rubriques différentes suivant qu’elles auront été récemment importées, qu’elles relèveront d’une origine autoch¬ tone, ou que leur point de départ ne saurait encore être exactement précisé. A — AEFECTIONS D’IMPORTATION RÉCENTE Il y a lieu d’envisager tour à tour dans ce paragraphe les Brucelloses. les Leishmanioses, les Bickettsioses, les Leptospiroses, et enfin la Tularémie. 1. Les Brucelloses. La Bretagne semble avoir constitué en France le dernier bastion de résis¬ tance à l’envahissement par les Brucelloses. Le phénomène s’explique pour certains par ce fait que, partie des con¬ fins lointains de la Méditerranée ou de l’Europe Centrale, la maladie n’a atteint la Bretagne qu’à bout de course, avant eu à remonter la chaine alpestre et à parcourir les vastes étendues des plaines septentrionales. Mais il est du certainement aussi à une autre cause. Longtemps habitués à ne considérer la Mélitococcie que comme une affection purement exotique. spéciale aux pays chauds, les Médecins bretons ne se sont peut-être pas suf¬ fisamment attachés dès l’origine à en reconnaitre les premiers effets, étant trop volontiers enclins à adopter en sa présence les diagnostics commodes de Dothiénenterie ou de Tuberculose atypiques. Pourtant, un indice aurait pu les mettre assez rapidement sur la voie. à savoir la fréquence depuis longtemps signalée dans la péninsule de l’auor¬ toment épizootique des bovidés. A ce propos, de Goascaradec nous a fait savoir qu’à la veille de la dernière querre mondiale on pouvait évaluer à 60 ou 80 2% l’effectif des troupeaux d’Ille-et-Vilaine susceptibles d’être consi¬ dérés comme contaminés. Or, la situation ne devait guère s’améliorer par la suite, le remplacement des animaux étant à peu près exclusivement assuré par des sujets provenant de régions infectées. comme l’un des plus épargnés. RRETAGNE 459 Quoi qu’il en soit, c’est au Professeur Sébilleau, de Nantes, que revient le mérite d’avoir pour la première fois, en 1935, identifié la maladie chez un cultivateur de la Loire-Inférieure avant donné peu de temps auparavant ses soins à une vache à l’occasion d’un avortement. Depuis, les cas se sont renouvelés à plusieurs reprises sous la forme sporadique dans la plupart de départements bretons, à telle enseigne qu’en consultant les différentes Sta¬ tistiques (Institut National d’Hygiène. Monographie de Rossi, Thèse de Coas¬ caradec) il nous a été possible d’en dénombrer déjà une vingtaine entre les années 1938 et 1943, tous d’origine bovine et provoqués par Brucella abor¬ tus bouis. Depuis lors, la situation s’est encore précisée. Voici, à cet égard, les résultats enregistrés par l’Institut National d’Hygiène, à la suite d’enquêtes effectuées récemment : Indices de morbidité brucellienne pour 190 000 habitants en Bretagne de 1949 a 1953. Ceci représente au total, durant les années envisagées. II cas seulement pour la péninsule armoricaine, soit : l dans le Finistère, I dans les Côtes¬ du-Nord et 9 dans la Loire-Atlantique. Bien entendu, ces chiffres sont minimes comparés à ceux obtenus dans les autres provinces françaises. Ils laissent entrevoir néanmoins l’amorce d’un nouveau danger. Quant la Vendée, elle est certainement — et de loin — la région la plus fortement touchée du groupe, ainsi qu’en témoigne le précédent tableau. expression des cas officiellement déclarés (43 pendant les 5 années considérées). En réalité, les atteintes ont été, sans aucun doute, plus nombreuses que ne l’indiquent les Statistiques publiées par les Pouvoirs publics. C’est ainsi que, d’après Priouzeau (cité par Cuvier), il y aurait eu 97 cas humains con¬ firmés par la sérologie entre 1945 et 1953, dont 38 au cours de la seule année 1952. Géographiquement, le fover principal se trouve autour du village de Corpe ou 46 cas ont pu être identifiés depuis 1949, date à laquelle le mal semble avoir été introduit dans le pays par un troupeau de chèvres conta¬ minées qui, secondairement, devait infecter les boyins et les moutons. Depuis lors, d’autres foyers ont pris naissance dans les environs, en sorte que l’on peut craindre maintenant le développement d’une endémie sévère dans ce département qui, jusqu’à une époque encore récente, pouvait être considéré 460 LA PATLIOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 2. Les Leistmanioses. Depuis l’observation bien connue de Terrien et Bizard remontant à 1925. aucun cas de Leishmaniose viscérale n’a plus été constaté en Bretagne. Il s’agissait d’ailleurs en la circonstance d’un fait absolument accidentel concer¬ nant un adulte qui, de toute évidence, avait contracté son affection sur le litoral méditerranéen. 3. Les Rickettsioses. Au cours des siècles passés, la Bretagne avait la réputation de recéler un foyer assez important de Typhus historiqne ainsi qu’en témoigne l’épi¬ démie de 1873-1876 bien étudiée par le Docteur Cesin. Médecin Principal de la Marine, et d’ailleurs la dernière en date daps les Annales du pays. A partir de cette énoque, le fléau semblait avoir complètement disparu de la péuinsule, lorsque deux incidents brestois récents remontant l’un à 1934 (Quérangal des Essarts) et l’autre à 1940 (Breuil. Lafferre et Mollaret) faillirent remettre tout en cause. Dans le premier cas, il s’agissait d’un matelot domn la maladie fue con¬ tractée sur un bateau avant quité Toulon depuis plusieurs mois et dont l’équipage avait présenté plusieurs aures cas La réaction de Weil-Félix s’avéra positive au taux très élevé de l pour 12 400 avec le Protéus souche Metz, et uniquement avec cette souche. L’enquête ne permit de trou¬ ver à bord ni poux ni punaises. Les rats, par contre, étaient très nom¬ breux et parasitét par Xenopsylla Cheopis. Haematonipus et Dermanyssus muris sans qu’on puisse néanmoins déceler chez eux de séro-diagnostic confirmatif. Quant au second cas, il se produisit à terre chez un marin de 20 ans faisant son service au fort du Portzic, près de Brest. L’évolution fut carac¬ térisée par des complications vasculaires phlébitiques, endocarditiques et pul¬ monaires. La réaction de Weil-Félix fut positive à l pour 320, cependant que des passages au cobave reproduisaient exactement la maladie expérimen¬ tale. Il semble bien, en l’occurrence, que l’affectionzait été importée par un contingent de marins arrivés quelque temps auparavant de la région méditerranéenne. Encore que l’interprétation de ces faits puisse prêter à discussion, il reste fort probable que l’on a eu affaire les deux fois au « Typhus murin » ou « Typhus nautique », ou « Typhus des navires de guerre », dont nous avons indiqué la fréquence toute spéciale dans le port de Toulon. Les relations incessantes entre ce port et celui de Brest expliquent qu’il ait pu y avoir apport accidentel du germe dans cette dernière ville (1). De toute façon, ce furent la des événements sans lendemain, n’avant donné lieu en particulier à aucune poussée épidémique locale. 4. Les Leptospiroses. Tandis qu’en Bretagne les Brucelloses semblent avoir pénêtré par le Bassin parisien et les Rickettsioses modernes par le port de Brest, les Lep¬ tospiroses, maladies essentiellement fluviales, paraissent avoir réussi à s’in¬ troduire, en, suivant la grande voie naturelle, que constitue, la vallée de le Loire. BRETAGNE 461 Et ceci est vrai, aussi bien pour la Leptospirose ictérigène classique (Sébilleau, Boquien) (1) que pour la Leptospirose grippotyphosa de des¬ cription plus récente (Boquien). Cette double infection ne s’est d’ailleurs pas cantonnée exclusivement au département de la Loire-Inférieure et au grand port de Nantes, puisque André a pu déceler en 1947 un cas typique de la seconde d’entre elles dans une ville du Finistère. Il s’agissait, à chaque fois, de sujets avant pris des bains en eau polluée. dans la Loire, la Sèvre nantaise ou la rivière de Morlaix. Ce rapide bilan toutefois serait incomplet si nous ne faisions allusion pour terminer à cette nouvelle recrue dans le domaine des Leptospiroses qu’est la Maladie des Porchers (Leptospirose à « L. pomona ») également identi¬ fiée dans la péninsule par Boduien et ses Collaborateurs. En deux ans (1950-1951), ces auteurs ont eu en effet l’occasion de dépister deux foyers distincts de cette affection dans des porcheries de la région nantaise. Les animaux responsables de la contamination humaine n’avant eu aucun contact avec leurs congénères des régions déjà connues comme infestées, ces cas (5 au total) méritent d’être considérés comme autochtones. Il apparait dès lors, à la lueur de ces faits, que la Fièvre des por¬ chers est beaucoup plus répandue qu’on ne le supposé d’ordinaire, surtout si l’on tient compte des nombreuses formes frustes présentées par la maladie. 5. La Tularémie. Cette Pasteurellose transmise à l’homme par le lièvre malade vient de faire son apparition en Bretagne où un cas a pu être dépisté en 1951 dans l’Ille-et-Vilaine. La Tularémie animale avant par ailleurs été constatée chez les léporidés du Morbihan, il est possible que la maladie humaine ne tarde pas à se manifester dans ce département. B — ATTECTIONS RÉPUTÉES AUTOCHTONES. Deux affections ont la réputation bien établie d’être d’origine autochtone en Bretagne : ce sont la Lèpre et le Paludisme. En réalité, la première est, comme nous allons le voir tout à fait exceptionnelle. Quant à la seconde, on peut dire qu’elle est à l’heure actuelle en voie de disparition complête dans le pays. Nous rangerons encore sous cette rubrique le Charbon et le Tétanos. celui-ci méritant quelques remarques particuhères 1. La « Leoce bretonne ». La Lèpre semble avoir sévi sur la péninsule bretonne pendant toute la durée du Moyen âge. Importée par les Phéniciens selon les uns, par les Croisés selon les autres, elle aurait à l’époque nécessité l’installation de plu¬ cieurs léproseries qui, toutes, ont disparu vers la fin du XVe siècle à mesure que se raréfiait le nombre des atteintes. Depuis le XVIE siècle. il n’était même plus question de celles-ci dans les monographies locales lors¬ (1) Des recherches effectuées sur les rats d’égouts ont permis de constater chez eux la présence de parasites à Rennes et à Lorient. Dans cette dernière ville notamment D5, aoinal, ur, 12 a té trouvé, porteur de germes lors d’une enqute mence durant l’année 1917. laquelle Beauvoir est blottie. Lannilis (voir bibliographie). 4162 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE que Zambaco « pacha », de passage dans la région en 1893 avec leanselme et Hallopeau, redécouvrit la maladie, et c’est à partir de ce moment qu’il est devenu habituel de dire que la Bretagne est un « pays à Lèpre » au même titre que les côtes méditerranéennes. Sur quelles bases Zambaco a-t-il donc pu étaver son oninion et créer uue légende qui survit encore de nos jours 2 Refaisons donc avec Marhic le bilan de l’affection depuis la prospection de cet auteur, et vovons si ses allégations sont justifiées. Voici exactement ce que nous constatons : Qutre les 2 cas de Lèpre non autochtones dépistés par Prouff et par Zambaço lui-même, on trouve dans la littérature le lépreux de leanselme et celui de Loussot-Netter, probablement autochtones, les 3 cas également autochtones de Gouin dont 2 comportaient des bacilles et les 2 cas discutables de Lafferre, lèpres vraisemblables, mais sans germes (1). Soit au total 9 cas, dont 5 autochtones, 2 d’origine étrangère et 2 dou¬ teux, cela pour une période d’un demi-siècle et pour l’étendue de deux dépar¬ tements, à savoir les Côtes-du-Nord (commune de Pédernec) et le Finistère (communes de Lampaul-Cuimiliau. Landivisiau et Poullaouen). On avouera que dans ces conditions il est difficile de parler de « Lêpre bretonne ». l’affection ne paraissant guère plus fréquente dans la péninsule que dans n’importe quelle autre de nos provinces françaises. 2. Le Paludisme. Il existe en Bretagne deux régions de réputation malarigène. Celles-ci se trouvent situées de part et d’autre de l’embouchure de la Loire et corres¬ pondent, au Nord à la Grande-Brière, au Sud aux marais de Beauvoir, ces derniers empjétant déjà sur la Vendée. Le développement du Paludisme dans la région de Bequvoir-sur-Mer a fait l’objet d’une excellente étude de P. Maigre parue en 1932. Pour comprendre ce développement, il faut avant tout connaitre la phy¬ sionomie générale du pays. Voici ce que nous en dit l’auteur, en des termes particulièrement expressifs : « Le marais breton est une vaste plaine d’alluvions située au nord-ouest de la Vendée. Il est le résultat d’exhaussements spontanés du sol et d’ap¬ ports pélagiens. Des alluvions marines ont concouru àsa formation. Dans le détroit de Fromentine se brisent en effet deux courants contraires venant l’un du golfe de Gascogne, l’autre de la Manche. En une houle toujours renou¬ velée, les courants déposent sur le littoral le limon mélé de sable que leur déverse la Loire toute proche. Pour le voyageur qui va de Nantes à l’ile de Noirmoutier, l’aspet du pays est triste. A partir de Bourgneuf c’est la plaine monotone ou l’œil ne rencontre guère que mares, champs, prairies, sans autres clôtures que des fossés pleins d’eau stagnante et des étiers aux rives vaseuses. Pendant un par¬ cours de près de 5 lieues, pas un arbre, pas une haie vive ne viendrait reposer le regard fatigué par la vue des piles de sel si l’on n’apercevait dans le lointain les collines boisées de Saint-Gervais et la petite oasis au sein de (1) Dans ce bilan ont été éliminées avec soin toutes les causes d’erreur, à savoir le cancer ulcéré, le lupus tuberculeux, et surtout le panaris analgésique, manifestation tropho-sensitive particulière que l’on peut rençontrer dans diff́rentes maladies et qui 464 LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA ERANCE De distance en distance on voit de petites habitations basses blanchies à la chaux, ce sont les fermes bâties sur un léger exhaussement de terrain. et il est curieux de les voir en hiver formant de petits ilots au milieu des marais complêtement recouverts d’eau. Elles ne constituent jamais de grosses agglomérations, la propriété étant très morcelée. Les deux villages les plus importants sont entre Beauvoir et la mer : le Port situé près de l’embouchure du canal de Dain, er l’Epois, à un Kilo¬ mêtre du premier, de l’autre côté du canal, dans la commune de Bouin. » Cette région est peuplée de pécheurs assez misérables, Plus à l’intérieur toutefois, au sud de Béauvoir notamment, l’apparition de gras pâturages au printemps, sitôt le retrait des eaux, a permis l’élevage des bœufs et des chevaux, améliorant ainsi sensiblement le standard de vie des habitants. » On conçoit facilement que de telles conditions géographiques se soient montrées éminemment favorables à la pullulation des anophèles. Partout de nombreux marais salants non exploités servent de véri¬ tables réservoirs aux moustiques. L’été, ces marais laissent apparaitre une boue infecte souvent recouverte d’une foule de plantes et d’insectes en décom¬ position. « Les pluies estivales augmentent les risques d’infection. D’abord en aug¬ mentant l’étendue des eaux stagnantes déjà existantes, puis en en créant. d’autres qui vont recouvrir un certain temps les marais et ne tendront à dis¬ paraitre que peu à peu. De vastes étendues nouvelles d’eaux dormantes une fois formées, il suffit d’un été chaud pour créer une recrudescence du Paludisme. » Contrairement à ce que certains prétendent, ce dernier serait encore assez fréquent dans le marais vendéen. P. Maigre, dans sa thèse, a pu en réunir 11 observations auxquelles il manque malheureusement parfois la confirma¬ tion hématologique. Les premiers cas éclatent ordinairement en juin, quelques jours après l’éclosion des jeunes moustiques. Les manifestations se multi¬ plient par la suite jusqu’à atteindre un maximum vers juillet, août. Dans la règle, il s’agit dé Fièvre tierce bénigne cédant rapidement à l’action de la quinine. Si le mal se rencontre disséminé dans tout le marais, il est particulie¬ rement fréquent dans la région des polders comprise entre Beauvoir et la mer. Pourtant, le sol y est plus élevé, et les terres parfois cultivées. Mais le bétail y est assez rare, en sorte que les anophèles n’hésitent pas à atta¬ quer l’homme. La situation est à peu près identique de, l’autre côté de la Loire dans ce qu’on appelle la Grrande Brière. On sait qu’il s’agit là d’une vieille dépression marine comblée d’allu¬ vions vaseuses et recouverte d’une tourbe épaisse, où se mélent quelques « mortas », les anciens arbres d’une forêt engloutie. Durant l’hiver et aux grandes marées, le sol est complètement noyé; il s’assèche l’été, et on voit alors hommes, femmes et enfants accourir aux tourbières, coupant le « rocau ». seul combustible du pays. Presque toute l’année, un voile de brume monte de la surface des eaux, alourdissant l’atmosphère et permettant à peine de distinguer le groupe étrange des, iles qui, à l’est, s’échelonnent à l’horizon. Autrefois, la Malaria a sévi avec une certaine intensité dans cette région ainsi qu’aux abords de Saint-Nazaire. Mais tout comme en Vendée, elle a aujourd’hui à peu près entièrement disparu, mis à part quelques cas isolés. Cette régression ne s’explique d’ailleurs ni par l’usage de la quinine pré¬ ment, car on n’en a guère pratiqué. BRETAGNE 465 M Bizard en voit la cause dans l’amélioration des conditions de vie de la population ainsi que dans l’augmentation récente du cheptel local : les bovins, en effet, surtout à l’étable, attirent à eux et fixent les anophèle toujours très nombreux dans ces zones de marécages. 3. Le Tétaaos et le Charbon. En Bretagne, on peut admettre que la fréquence du Tétanos va en dimi¬ nuant progressivement d’Est en Quest, à mesure que l’on s’éloigne des con¬ fins du Bassin parisien pour se rapprocher de l’extrémité de la péninsule. C’est ce qui ressort notamment du document ci-après extrait du Bulletin de l’Institut National d’Hygiène : Mortalité tétanique en Bretagne durant la période 1948-1651 Ainsi on remarque que l’ensemble des départements de la Vendée, de la Loire-Atlantique, de l’Ille-et-Vilaine et des Ĉtes-du-Nord constitue actuelle¬ ment un foyer de haute densité morbide (indice moyen pour toute la France : 1.8), lequel se prolonge d’ailleurs vers la Normandie en englobant les départe¬ ments intermédiaires du Maine-et-Loire, de la Mavenne et de la Sarthe. Si l’on considère que les faux indiqués ci-desus correspondent au total à 323 décès en 4 ans, on voit qu’il s’agit là d’un mal dont les conséquences sont loin d’être négligeables. Mais ces faits ne concernent en réalité que le Tétanos de l’adulte et de l’enfant, à l’exclusion du Tétanos ombilical du nourrisson. Or, celui-ci a été rencontré dans des circonstances particulièrement intéressantes par le Doc¬ teur Tuset, Inspecteur d’Hygiène du Finistère, dans une peite ile de 1 200 habitants située sur la ĉte nord du département. Le processus qui fit en 25 ans une vingtaine de victimes a pu être rattaché après enquête à des fautes grossières d’asepsie commises par une sage-femme éxercant simultané¬ ment la profession de bouchère. Depuis 1929 l’affection, désignée communé¬ ment sous le nom de « F’ièvre des huit jours de l’ile de Batz » en raison de sa durée habituelle et de son appartenance géographique, a à peu près disparu grâce à d’intelligentes mesures prises par les L’ouvoirs publics (1). Il est bien (1) Une publication toute récente (février 1950) de Le Dourneuf de Saint-Brieue relative à sept cas, tous mortels, de tétanos du nouveau-né observés dans une localite des Côtes-du-Nord prouve bien que, si cette forme de maladie est fortement entrée en régression, elle n’a pas totalement et définitivement abandonné le territoire breton Pes sarorrtes samtgies dorvent qonc deincurer sur ce point en ccac d’alerte. 38 à s’accoucher entre elles. 466 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE évident d’ailleurs qu’elle n’est pas spéciale à la Bretagne, et qu’elle peut se ma¬ nifester partout où l’hygiène laisse à désirer (comme tout récemment encore dans une bourgade du Midi). Elle reste désormais l’apanage des contrées peu évoluées d’Afrique ou d’Amérique du Sud où les femmes indigènes continuent Quant au Charbon, sa fréquence en Bretagne ne doit pas non plus être considérée comme négligeable. Sa terre de prédilection semble être le sud du département du Morbihan, siège d’une très vieille endozootie sur laquelle Fortineau a notamment attiré l’attention au cours d’une étude publiée en 1922. Récemment, en 1950, une petite épizootie s’est déclarée sur ce fond d’infection habituel. Il est vraisemblable qu’une sécheresse momen¬ tanée a favorisé son éclosion en mettant à sec des marais ou avaient été ensevelis des animaux victimes de la maladie. Celle-ci a été rapidement enravée grice à la vaccination des troupeaux. Mais douze cas humains ont pu toutefois être observés par Boquien, les premiers bovins touchés avant été par inadvertance livrés à la consommation. Furent atteints des bouchers. des paysans avant aidé à l’équarrissage et des ménagères avant préparé la viande Il n’y eut pas de cas de Charbon interne. UIn seul décès est sur¬ venu, provoqué par une Méningite charbonneuse. Pour cette affection, comme pour le Tétanos, des mesures sévères de prophylaxie doivent donc être envisagées afin d’empêcher à l’avenir de pareils retours offensifs. C — AFEECTIONS D’ORICINTES DITFICILES A PRECISER. Nous considérerons ici l’Acrodynie infantile et les Parasitoses intestinales. Parmi ces dernières, nous rangerons l’Amibiase dont un certain nombre de cas sont indiscutablement autochtones. L. L’Acrodynie infaptile. UIne centaine de cas d’Acrodynie infantile ont été identifiés au cours de ces dernières années dans la région de Rennes et recueillis pour la plu¬ part par J. Dupont et P. Ricaud qui en ont fait l’objet de leurs thèses inau¬ gurales. Leur ensemble constitue un foyer assez étendu ainsi qu’en témoi¬ gne la carte ci-après. Leur dépistage a été entrepris par les Maitres de l’Ecole Rennaise, mais il est infiniment probable que de nombreux cas ignorés pourraient venir s’ajouter à ceux qui ont été jusqu’à présent décrits. Du point de vue topographique, il y a lieu de remarquer que la majo¬ rité des faits observés se sont localisés dans la moitié Est du département d’Ille-et-Vilaine, l’autre moitié s’étant montrée relativement épargnée. Comme partout, de nombreux villages visités par la maladie se trouvent situés à proximité des cours d’eau, le long du Couesnon et de ses affluents ainsi qu’en bordure de la Vilaine. Bient̂t propagé vers le Sud, le processus n'’a pas tardé à gagner la Loire-Atlantique ou Thébaud, en 1935, à pu rassembler un lot d’une tren¬ taine de cas pour la plupart groupés sur la rive droite du grand fleuve, avec parfois des symptomatologies atypiques ou, pour le moins, assez peu répan¬ dues (formes fébriles, parétiques ou mutilantes, formes avec adénopathies, 29 SPTCUS C MCS SCVCIHCCS HICHCEPHGRCCS UIePCC IHIPICC DOLSDCDI cédé à la guerre de 1914-1918. BRETAGNE 467 Poursuivant depuis sa marche envahissante, la maladie de Syif-Feer tend de plus en plus de nos jours à déborder le cadre des régions que nous venons d’indiquer, sa présence avant été signalée d’une part dans les Côtes du-Nord (Saint-Vran, Plouha) et le Morbihan (Lovat, Augan, Allaire), d’au¬ tre part dans le Maine-et-Loire et la Mayenne (La Gravelle, Marceille). Il eut été intéressant dans ces diverses circonstances d’essaver de déter¬ miner si les zones où se sont déclarés les cas étaient également le siège d’affections à virus neurotropes telles que la poliomyélite ou l’Encéphalite Malheureusement, il nous a été impossible de réunir à ce sujet des rensei¬ gnements complets, sauf peut-être pour la première de ces maladies sur laquelle nous possédons tout au moins les documents fournis par les organismes offi¬ ciels (voir le paragraphe consacré aux infections générales). Ceux-ci nou permettent d’établir, en accord d’ailleurs avec les Médecins du pays, que la pathologie nerveuse a fait depuis un demi-siècle environ des progrès impor¬ tants en Bretagne, surtout depuis les grands bouleversements qui ont suc 2. Les Parasitoses intestinales. Nous n’avons pas d’autre élément d’appréciation à ce sujet que le son¬ dage effectué à Brest il y a quelques années par le Médecin Général de la Marine, Quérangal des Essarts. Ftudiant tout d’abord les incidences locales de l'’Amibiase, l'auteur a réussi à la déceler 162 fois sur 1 164 malades systématiquement examinés à l’occasion de syndromes intestinaux divers, chiffres qui correspondent à une proportion de 14 pour 100 pour les années en cours (1929-1932). La contamination était d’origine exotique dans 76,5 2% des cas, d’origine européenne dans 18,5 %, et n’était véritablement autochtone, c’est-à-dire bres¬ toise, que chez les 5 2 restants. Dans la régle, il s’agisait d’amibiens anciens, atteints d’une affection chronique contractée pour moitié avant ou pendant la première guerre mon¬ miale et pour moitié depuis cette époque. Le Médecin Cénéral Quérangal des Essarts signale en outre avoir pu retrou. ver plus de 500 observations d’amibiens dans les archives de l’Hôpital Maritime de Brest entre la fin de cette guerre et 1933. Tous ces sujets n’étaient d’ailleurs pas des dysentériques en pleine évolution; il y avait parmi eux de simples por¬ teurs de ystes, des « débiles intestinaux », voire même des individus ne pré¬ sentant plus aucun trouble apparent. C’est ainsi qu’avant porté plus spécialement ses investigations sur 200 de ces malades revus à plusieurs reprises, il n’a trouvé de signes cliniques et coprologiques objectifs (amibes ou Kystes) que chez 67 76, d’entre eux. S’étant alors ocupé de la question de l’Amibiase autochtone, toujours sur ce même lot de 500 sujets, il a été frappé de ne la rencontrer que 18 fois, c’est-à-dire chez 3,5 2, taux qui se rapproche de celui que nous avons pré¬ cédemment indiqué. Il s’agissait en l’espèce de cas sporadiques, isolés, gitués dans l’entourage immédiat des dysentériques et offrant la même symptoma¬ tologie, la même chronicité et la même ténacité que ceux contractés aux colonies. Considérant enfin la fréquence des autres parasitoses intestinales chez les dysentériques d’une part êt chez les sujets non dysentériques de l’autre l’auteur a cohstaté une prédominance netté des atteintes chez les premiers confirmant ainsi la notion bien connue de polyparasitisme 8 470 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE Interrogeant en particulier un groupe de 200 adultes brestois, d’appa¬ rence saine, n’avant jamais eu d’Amibiase et placés dans des conditions ( hygiene semblaples, voiei ce qui lui a té donné d’obgepver : On remarquera en passant le taux des porteurs sains de Kystes à 4 novaux dans ces milieux où l’hygiène est ordinairement très mal pratiquée, ces Kystes pouvant d’ailleurs appartenir à l’Entamœba dispar aussi bien qu’à l’Entamœeba dysenteriae authentique. Que conclure de cette prospection2 Nous crovons ne pouvoir mieux faire sur ce point que de reproduire l’opinion du Médecin-Général Quérangal des Esarts lui-même. Pour lui, l’Amibjase intestinale, déjà relativement peu fréquente à Brest dans sa forme chronique d’origine exotique, peut être considérée comme rare dans cette ville tout au moins quand on tient compte des conditions locales. Notre grand port de guerre semble en effet réunir toutes les conditions le plus favorables à la propagation de l’affection en raison non sculement d grand nombre des amibiens coloniaux qui y débarquent sans cesse, mais encore du manque absolu d’hygiène de la population, de l’absence de toute prophylaxie, de la promiscuité qui règne dans certains taudis, de l’alimen¬ tation défectueuse, de la pratique encore en vigueur de l’épandage, enfin du climat doux et humide. Sans doute ce sont ces multiples facteurs qui ont permis le développe¬ ment, sinon de l’Amibjase, du moins des autres parasitoses intestinales quix elles, apparaissent comme assez répandues. BIRLIOCRAPHIE BRETAGNE 471 LEPTOSPIROSES. J. ANDR (M.). Un cas de leptospirose grippo-typhosa à forme méningée. Soc. Méd. Hop, Paris. Séance du 9 mai 1947. 472 LA PATHOLOGIE BÉGIONALE DE LA PBANCE CONCLUSIONS Encore qu’elle soir largement rattachée au Continent, la Bretagne a pré. senté pendant longtemps une pathologie en quelque sorte insulaire. Repliée sur elle-même des siècles durant, vivant sur sa propre substance sans aucun apport extérieur, étrangère à toutes les manifestations du pro¬ grès, elle s’est trouvée vite condamnée à une existence médiocre, bien au-des¬ sous de la moyenne française. Dans le domaine économique et social en effet, cet isolément obstiné. associé aux maigres ressources de son sol et de son sous-sol, a entrainé las plus fâcheuses conséquences : il a engendré de bonne heure la misère, la sous¬ alimentation et le manque d’hygiène; il a provoqué aussi l’émigration de beaucoup de ses éléments jeunes vers les grands centres de l’intérieur et en particulier Paris. Du point de vue nosologique, en raison même des conditions ainsi créées. il a rendu possible le développement local des pandémies les plus meur¬ trières, telles que le typhus et la peste; il a permis l’expansion des fléaux sociaux et des tares héréditaires : tuberculose, alcoolisme, malformations diverses. Depuis un demi-siècle pourtanr la simation a pettement changé. La péninsule a enfin consenti à s’intégrer dans le vaste ensemble des provinces françaises : des voies de communication l’ont pénétrée, les touristes l’ont fré¬ quentée, des activités industrielles et commerciales sont nées à côté des acti¬ vités maritimes et agricoles traditionnelles. Dès lors les maux anciens se sont pour la plupart apaisés et les effrovables épidémies d’autrefois ont disparu. Parallèlement le niveau de vie s’est accru et : avec lui le respect de l’hygiène. Sans doute parle-t-on parfois dans les publications de vieux foyers de Paludisme dans la Grande-Brière et les marais de Beauvoir, de Charbon dans le Morbihan, de Lèpre autochtone en certains points du Finistère, mais ce sont là en réalité de faibles reliquats dépourvus de vitalité. Et si, actuellement encore. l’alcoolisme et la fièvre typhoide poursuivent leurs méfaits au point de demeurer les fléaux les plus redoutés. du moins peut-on dire que leur influence décroit dans de fortes proportions à mesure que s’organisent les services de prophylaxie. Pour l’Alcaolisme en particulier, loin assurément de constituer un mythe en Bretagne, il ne repré¬ sente plus certes, comme on le croit trop souvent, une sorte de monopole régional, étant pour le moins aussi répandu dans d’autres provinces francaises, telles que la Normandie et les Flandres. Il n'’est pas jusqu’aux malformations congénitales qui ne soient justi¬ ciables des mêmes remarques, Peut-être rencontre-t-on encore très souvent des gibbosités rachitiques et surtout des luxations de la hanche, notamment en Cornouailles. Mais ces accidents semblent être entrés également en régression sinsi qu en, font 69 certaines statistiques recenles manant des Conseil 4e Révision. BRETAGNE 475 Un point noir toutefois subsiste : la Tuberculose. Si de louables efforts on déjà été accomplis en vue de combattre son extension, il n’est pas douteux qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. C’est ainsi notamment que durant la période 1952-1955 les 5 départements bretons se classaient, avec le Pas-de-Calais, en tête de tous les départements français en ce qui concerne le degré de tuberculisation, avec un taux moyen annuel de décès dépassant 50 pour 100 000 habitants. Il est bien évident que de tels chiffres, qui dépassent de loin ceux que l’on est habitué à observer de nos jours, imposent la plus grande attention et requièrent de très sérieuses réserves. Au surplus, rançon inévitable du progrès, quelques affections nouvelles viennent de faire leur apparition dans le pays à la faveur de la suppression des antiques barrières. Nous n’en voulons pour illustration que le cas des Brucelloses et de la Poliomvélite, récemment encore inconnues et aujourd’hui définitivement installées sur toute l’étendue de la péninsule. Ainsi la pathologie bretonne tend de plus en plus à se soumettre à la loi commune. Ceci ne l’empêche pas de conserver, même dans sa phy¬ sionomie actuelle, une très remarquable individualité. TABLE DES FIGURES Le Bas-Languedoc-Roussillon (vue d’ensemble 14-18 22 Mélitococie (départements atteints en France) Le Paludisme dans le Bas-Languedoc.. 40-41 Le Paludisme en Rousillon. 45 La Fièvre des trois jours dans la région montpelliéraine de 1935 3̀ 46-47 1941 ........................:............. 108-100 La Provence (vue d’ensemble)..... 126-127 Les voies principales de la transhumance en Provence........ La Fièvre boutonneuse en Provence (1939). 145 146 La Fièvre boutonneuse dans la région marseillaise (1938). Marseille et ses environs..... 159 198 Le Paludisme en Camargue: 183 Epidémie de Poliomvélite (1937) - Répartition des cas à Marseille Evolution de la morbidité typhoidique à Marselle de 1930 à 1945 180 (graphique).................... :::::: Evolution de la morbidité typhatdique dans les départements des Bouches-du-Rhêne et du Var entre 1930 et 1945 (graphique)..... 189 La Fièvre tynhoide dans la rérion marseillaise.................... 195 Toulon et sa rade.......... 195 Les foyers dle résistance de l’endemie typhoilique dlans la région marseillaise................ 196 Relation entre les taux de mortalite tvuhotdique dans les grandes villes. dans les zones rurales et dans le département entier correspondant. (1926-1931) (graphique) La Lèpre dans la région nicoise en 1929. 19% 206 1A PATTIOLOGIE BÉGIONALE DE LA PRANCE 476 La Corse (vue d’ensemble). 257 Le Paludisme en Corse... 261 Répartition topographique de la Leishmaniose en Corse: 273. Distribution géographique de la Tuberculose en Corse et principales 285 stations climatiques........... Le Midi Océanique (vue d’ensemble)...... 2906,207 La transhumance pyrénéenne : parcours d’hiver des troupeaux dans les plaines béarnaise et gasconne............................ 315 La transhumance, pyrénéenne : parcours d’été des troupeaux des plaines béarnaise et gasconne vers les Pyrénées.............. 316 La Fièvre ondulante dans la partie montagneuse de la Haute-Garonne. 317 La Suette miliaire dans les Charentes et le Poitou : Localisation des 324 principales épidémies d’après Le Blave et Rousseau......... La Suette dans le Poitou : Localisation élective des cas le long des cours d’eau.......................................... 325 Les affections typho-paratyphoidiques dans la Gironde.. 352 Aspect géologique de l’Agenais........ 356 Le Paludisme dans le Sud-Quest de la France 362 Le Département des Deux-Sèvres: 384 Le Diabete dans le Bassin Aquitain 303 Les Pyrénées : Les stations thermo- climatiques et les stations de 308,390 sports d’hiver.............. La Bretagne (vue d’ensemble). 406-407 Répartition de la Fièvre yphoide dane le Finistère 448 Quimper : quartier typhog̀ne du chemin de halage. 450 Progression de l’épidémie de Poliomvélite en Ille-et-Vilaine durant l’été 1947............................................ 456 La région palustre de Beauvoir-sur-Mer : 463 L’Acrodynie infantile dans les régions rennaise et nantaise et le Palu¬ disme en Brière......... 468-460 TARLE DES MATIÈRES Prface. Introduction 2 L. — BAS-LANCUEDOC: BOLISSILLON Généralités........ 13 J. — Les Brucelloses.. 21 32 II. — Les Rickettsioses et les Leishmanioses III. — Le Paludisme...... 38 48 IV. — La Fièvre des trois jours............... .5 V. — La Dysenterie amibienne et les diverses autres parasitoses 52 intestinales .......................... VI. — Les maladies infectieuses, épidémiques et contagieuses cosmono¬ 60 lites - Les fièvres éruptives...................... VII. — Les Fièvres Typhoides.............. 66 VII — De quelques autres affections ou localisations viscérales...... 73 IX. — Les grands fleaux sociaux : Tuberculose. Syphilis. Cancer. 81 Alcoolisme etc. ...................... :.: . X. — Influence des restrictions alimentaires au cours des années de guerre sur l’état sanitaire dans le Bas-Languedoc........ 95 Appendice : le Thermalisme, régional............................ 199 Conclusion I1. — PROVENCE Généralités 1. — La Fièvre ondulante IH. — Les Fièvres exanuhématiques 197 125 130 310 322 329 335 343 VIJ. — Les Afections Typhoidiques.... 348 478 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA TRANCE II. — La Leishmaniose viscérale... 152 IV. — Le Paludisme en Camargue (et sur le littoral avoisinant)..., 166 V. — La Fièvre des trois jours en Provence....................... 171 VI. — L’Amibiase et les Parasitoses intestinales.................. 172 VII. — Les Maladies infectieuses, épidémiques et contagieuses cosmopo¬ lites - Les fièvres éruptives......................... 17 VI. — Les Fièvres Typhoides................................... 195 I. — La Lêpre en Provence.................................. 203 X. — Les maladies transmises par les rats sur le littoral et aux alen¬ tours des ports........................................ 210 XI. — Les affections exotiques à Marseille......................... 215 XIL. — Autres affections diverses.................................. 218 XI. — Les accidents dus aux bains de mer en Méditerranée........ 224 XIV. — Les, grands fléaux sociaux........................... 226 XV. — Influence des restrictions alimentaires de la période de 1940. 1045 sur la population marseillaise..................... 240 Appendice : Resources thermales.... 241 Conclusions... 242 III. — CORSE Généralités J. — Le Paludisme I. — La Fièvre ondulante IIL. — La Leishmaniose viscérale IV. — Maladies infectieuses et parasitaire V. — Les grands fléaux sociaux. Appendice : Ressources thermales Conclusions........ 253 256 266 272 276 232 286 287 IV. — MIDI OCEANIQUE Cénéralités...... 293 L. — Les affections méditerranéennes dans le Bassin aquitain ...... 307 II. — Les Brucelloses dans le Sud-Quest................ II. — La Suette miliaire dans les Charentes et le Poitou..... IV. — L’Acrodynie infantile..... V. — Les Leptospiroses........... VI. — La Poliomvélite.............. Conclusions...... 473 LA PATHOLOGIE RÉGIONALE DE LA FRANCE 42 VIHI. — Le Paludisme, l’Amibiase et les affections parasitaires....... 361 1X. — Les maladies infectieuses, épidémiques et contagieuses cosmopo¬ lites - Les fièvres éruptives.................. 365 X. — Affections diverses...... 369 XI. — Les grands fléaux sociaux .. 375 Appendice : Le Thermalisme régional: 396 400 V. — BRETAGNE Généralités 405 1 Fon 416 I1 — La Tuberculose...... 423 I. — Les autres fléaux sociaux et la pathologie des tares héréditaires, 433 42 IV. — Les Fièvres Typhoides......... V. — Les maladies infectieuses, épidémiques et contagieuses cosmopo¬ lites : Les fièvres éruptives........................... 453 VI. — Autres affections rencontrées en Bretagne (affections d’impor¬ tation récente, et affections réputes autochtones)........ 458. Conclusions 472 Table des fgures ACHEVE D’IMPRIMER LE 30 JUIN 1958 SUR LES PRESSES DE J. 6 R. SENNAC 24, Fhx Montmartre, 54 PARIS (os N° d’apprimer 8 216. INSTITUT NATIONAL D’HYGIENE 3. BUE LÉON AORNAT 3 A R1 S- X Y1 AUT, 32,84 6