MINIST E RE DE LA SANTE PUBLIQUE MONOGRAPHIE DE L'INSTITUT NATIONAL D'HYGIENE N°7 ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE PA R I S 19 5 3 VIRTVTE DVCE CO MITE FORTITVDINE COLLEGIVM CIVILE AD SANITATEM Travail de la Section de Psychiatrie de l'Institut National d'Hygiène, présenté par H. DUCHENE Chef de la Section avec la collaboration de P CHOMBART DE LAUWE C. MAYER-MASSE A. et H. TORRUBIA C DAUMEZON. Y. CHAMPION et J. CHAMPION-BASSET AD SANITATEM MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE MONOGRAPHIE DE L’INSTITUT NATIONAL D'HYGIENE ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE P A R I S 1 9 5 3 VIRTVTE DVCE CO- MITE FORTITVDINE COLLEGIVM CIVILE Travail de le Section de Psychiatrie de l'Institut National d’Hygiène, présenté par H DUCHENE Chef de la Section avec la collaboration de P. CHOMBART DE LAUME, C. MAVER-MASSE A et H. TORRUBIA G. DAUMEZON, Y. CHAMPION et J. CHAMPION-BASSET MONOGRAPHIES DEJA PARUES Monographie de l’Institut National d’Hygiène, n°1 Documents statistiques sur la morbidité par cancer dans le monde. — Paris 1953 — Prix 1.300 fr. Monographie de l’Institut National d’Hygiène n° 2 L’économie de l’alcoolisme. — Paris 1933 — Prix 1.300 fr. Monographie de l’Institut National d’Hygiène, n° 3 Mortalité urbaine et rurale en France en 1928, 1933 et 1947. — Paris 1953 — Prix 900 fr. Monographie de l’Institut National d’Hygiène n. 4 Contribution à l’étude de l’anophélisme et du paludisme en Corse. — Paris 1934 — Prix 1200 fr. Monographie de l’Institut National d’'Hygiène, ne 5 De la diversité de certains cancers. — Paris 1934 — Prix 2000 tr. Monographie de l’Institut National d’Hygiène, ne % La lutte préventive contre les maladies infectieuses de l’homme et des animaux domestiques au moyen des vaccins. — Paris 1955 Prix 1200 t EN PRÉPARATION Monographie de l’Institut National d’Hygiène, p 8 Rapport sur la fréquence et la sensibilité aux insecticides de Pediculus Mumanus Humanus. K. tinnaeus, 1758 (Apopluro) dans te Sud-Est de la Fronce. — Paris 1985 Vente des publications INSTITUT NATIONAL D’HYGIÈNE 3, rue Léon-Bonnot, Poris (16. — Auteuil 32-84. N° de chèque postal: Institut National d'Hygiène, 9062-32 Paris P. CHOMBART DE LAUWE Maitre de Recherches au CNRS Me C. MAYER-MASSE A. TORRUBIA Docteur ès-lettres de l’Université de Toulouse Directeur de l’Institut médico-pédagogique « ta Nouvele forge ». Senlis. H. TORRUBIA Médecin des Hôpitaux psychiatriques G. DAUMEZON Médecin dès Hopitaux psychiatriques de la Seine. Y. CHAMPON Interne des Hopitaux psychiatriques de la Seine. M° J. CHAMDIONBASSEI Ancienne interne des Hopitaux psychiatriques de la Seine INTRODUCTION Bien que les-variations de fréquence des troubles mentaux en fonc¬ tion du « milieu social » (en donnant à ce terme son sens le plus large, en¬ globant ses aspects culturels, professionnels, économiques, etc., ainsi que les événements historiques qui le bouleversent) aient été connues de¬ puis fort longtemps, l’attention des psychiatres ne s’y est guère attachée avant la première guerre mondiale. On peut même s’étonner de voir combien le nombre de travaux sus¬ cités par des faits aussi graves tant par leur incidence pratique que par les problèmes doctrinaux qu’ils, soulèvent, reste relativement faible. Sans doute, nul ne peut plus ignorer l’accroissement global inces¬ sant du taux des malades mentaux dans là plupart des civilisations con¬ temporaires. Mais si la notion de «psychose réactionnelle n est venue souligner l’importance accordée dans la pathogénie de certaines psycho¬ ses aux facteurs de milieu, la signification de tels faits reste l’objet de dis¬ cussions qui s’en tiennent trop souvent à l’affirmation de thèses contra¬ dictoires et assez superficielles. Les uns limitent au maximum le rôle des événements en se retran¬ chant derrière la « prédisposition » sans que l’on comprenne toujours s’ils conçoivent celle-ci comme la résultante de facteurs héréditaires ou de fragilisations biologiques ou affectives acquises. Cette notion dangereuse par la facilité d’explication purement ver¬ bale qu’elle permet mériterait au moins: d’être appuyée d’arguments fondés sur une analyse statistique approfondie des observations cliniques. Au surplus, on aimerait voir préciser si l’on entend par là que l’évé¬ nement, ou le milieu en apparence responsable du déclenchement des troubles n’ont fait que révéler des psychoses qui se seraient manifestées inéluctablement (ce qui restreint à un râle contingent et presque négli¬ geable la pathogénie « sociale »): — ou si l’on admet que des circons¬ tances plus favorables eussent évité toute manifestation psychopatho¬ logique. Dans cette dernière hypothèse le seuil de résistance aux troubles mentaux est-il seulement de, niveau variable plus bas chez les « prédis¬ poses » mais susceptible d’être atteint aussi chez tout autre individu ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 6 ou bien faut-il considérer que seuls les « prédisposés , seraient, à des degrés différents, vulnérables, par opposition aux individus « normaux » dont aucune perturbation de milieu ne parviendrait à vaincre complète¬ ment l’équilibre mental2 Autant de questions que les tenants de la prédisposition laissent trop souvent sans réponse. A l’opposé, les doctrines psychogénétistes soutiennent le rôle pré¬ pondérant de l’événement ou du milieu dans la pathogénie des « psy¬ choses réactionnelles ». Elles étendent d’ailleurs cette catégorie à de multiples formes nosographiques et se trouvent ainsi fort à l’aise pour expliquer les variations de fréquence des troubles mentaux en fonction des événements et du milieu. Mais, là aussi, les conceptions pathogéniques restent fréquemment trop imprécises et trop mal tavées contre, les objections qui s’imposent à la moindre réflexion. L’accent est mis généralement sur le rôle pathogène des chocs, et des conflits affectifs: mais l’anxiété, le deuil, la peur, la jalousie qui sont parmi les plus couramment incriminés ne sont-ils pas aussi le lot commun de presque toute existence humaine? Et si cette dernière guerre mondiale a multiplié les observations de psychoses de combat, de trou¬ bles mentaux apparemment , réactionnels » à des chocs affectifs de tous ordres, n’a-t-elle pas fourni de plus nombreux exemples encore d’hom¬ mes ou de femmes traversant des épreuves physiques ou morales dépas¬ sant en horeur tout ce que l’on peut imaginer sans sombrer dans la foliez Ces quelques remarques suffisent à montrer quelles difficultés con¬ sidérables vont rencontrer les études qui ambitionnent de poser un tel problème dans toute sa complexité. Si l’on ne veut pas se borner aux affirmations de principe qui se contentent d’illustrer par quelques obser¬ vations de signification contestable une position doctrinale exposée par bien d’autres et souvent beaucoup mieux, il faut joindre à une méthode rigoureuse et difficile dans le recueil des faits, une prudence et une cul¬ ture psychiatrique non moins rigoureuses dans leur interprétation. Il suffit, en effet, de- parcourir la littérature assez abondante main¬ tenant sur le sujet pour voir que l’on s’accorde certes, sur quelques cons¬ tatations solidement démontrées dans tous les pays, par exemple, la plus grande fréquence des troubles mentaux chez les immigrants ou dans les périodes de grèves, tandis que les guerres entrainent même dans les popu¬ lation non belligérantes des pays voisins une diminution des admissions pour psychoses. Mais on verra aussi combien une telle unanimité dans les données est loin d’aboutir aux mêmes conclusions dans l’interprétation de tels phénomènes. INTRODUCTION De plus en plus, l’, écologie des troubles mentaux » se révèle au centre des problèmes doctrinaux fondamentaux de la psychiatrie. Une excellente étude de E H. Hare, parue sous ce titre en 1952, a dégagé une conception déjà indiquée par plusieurs auteurs antérieurs mais très solidement étavée et généralisée par Hare, qui voit dans « l’iso¬ lement », c’est-à-dire l’insuffisance des échanges sociaux entre l’indi¬ vidu et son milieu, le facteur écologique prédominant et commun à tou¬ tes les variations de fréquence des troubles mentaux sous l’influence du milieu Ce facteur s’applique en" effet aussi bien à la plus grande propor¬ tion de psychoses observée chez les « déracinés », dans les populations rurales trop clairsemées ou au contraire les quartiers urbains pauvres et surpeuplés, chez les chômeurs ou grévistes, certains milieux d’étu¬ diants, etc.. Dans tous ces cas il est possible de montrer comment l’indi¬ vidu est «isolé » soit au sens habituel du terme soit par une sorte « d’étouffements dans des conditions de vie dont le caractère difficile et précaire est accru par une compétition inexorable. A l’oppose, le même facteur se trouve inversé dans des situations comme la guerre, où la diminution des troubles mentaux si paradoxale en apparence avait déjà été attribuée par certains auteurs à la plus forte cohésion du milieu social qui «encadre » et soutient plus fermement qu’en temps de paix les individus. Peut-être Hare n’a-t-il pas’ assez souligne, à potre, sens le carac¬ tère essentiellement subjectif de ce facteur «isolement » qui s’oppose¬ rait en somme à l’a intégration sociale satisfaisante ». C’est lorsque l’individu se sent en rupture, en contradiction ou à l’abandop par rapport à son milieu social — ou bien encore lorsqu’il juge que célui-ci ne lui fournit plus des bases assez solides et assez sta¬ bles, en présence, par exemple, d’une autre culture, que «l’isolement » au sens de Hare se développe. Dans cette acception, l’européen perdu dans la brousse africaine ou les banquises arctiques, soutenu non seulement par la mission (scien¬ tifique ou autre) qui lui est assignée, mais par les cadres culturels qui demeurent virtuellement présents et de valeur intacte pour lui, se trou¬ vera moins « isolé » que certains indigènes qu’il rencontrera et dont les groupes sociaux autant que les bases culturelles se désagregent sous l’in fluence de la « civilisation industrielle » (en dehors de tout jugement de valeur sur ces faits bien entendu). Si séduisante que soit la conception de Hare par la cohérence qu’elle apporte dans l’interprétation de toute une série de faits du même ordre dont on vovait mal le lien, une première critique peut lui être adressée cette généralisation même qui risque d’assigner artificiellement un mé¬ canisme univoque à des situations où peuvent jouer de multiples autres facteurs. ETUDES DE SOCO-PSYCHIATRE 8 Mais surtout il faut bien reconpaitre que cette influence de « l’isole¬ ment » est loin de constituer une explication qui résolve le problème que nous nous sommes posé. Il y a là, certes, une hypothèse de travail qui peut orienter de nouvelles recherches mais qui laisse presque intactes toutes les difficultés et toutes les objections que nous avons évoquées. Pourquoi et comment « l’isolement » aurait-il une action patho¬ gène 2 Pourquoi frapperait-il plus spécialement certains individus" Peut¬ on montrer que ceux qui deviennent des malades mentaux ont ressenti « l’isolement » de façon plus intense, ce que permet de supposer le carac¬ tère nécessairement subjectif et individuel que nous avons souligné dans ce facteur" Ou faut-il revenir à une certaine « prédisposition » 2 Autant de questions auxquelles nous sommes actuellement dans l’incapacité de répondre — mais qui appellent des recherches dont nous ne crovons pas avoir besoin de souligner l’intérêt pratique autant que doctripa). Dans nos sociétés européennes et dans celles des autres continents qui peuvent y être assimilées, l’augmentation du nombre des malades mentaux est sans aucun doute le problème médico-social d’ores et déjà prédominant et dont tout permet d’affirmer qu’il ne cessera de croitre en importance quantitative aussi bien que qualitative. Ce n’est pas seulement sur le plan médical que nous avons le devoir de chercher à comprendre les raisons de cette incidence de plus en plus lourde des troubles qui atteignent les individus dans leurs fonctions les plus élevées et les plus indispensables pour en faire ces « aliénés » dont la société a la charge et peut-être la responsabilité. Dans quelle mesure une meilleure compréhension de la pathogénie de ces troubles permettrait-elle non seulement de les guérir mais de pré¬ venir leur apparition 2 Telle est la question qui se pose non seulement au psychiatre mais au sociologue — et, au-delà de ce cercle restreint de spécialistes, à tout homme soucieux de ce que le progrès des sociétés futures ne se construise pas au détriment du bonheur et de lasanté des individus. Il était donc logique que la section de psychiatrie de l’Institut Natio¬ nal d’Hygiène ipscrivit au premier rang des recherches qu’elle suscite un thème d’intérêt aussi vaste. Son ampleur même exigeait la colaboration de sociologues et nous sommes particulièrement heureux d’avoir rencontré dans l’équipe de sociologues dirigée par M. P. Chombart de Lauve au Centre d’Etudes Sociologiques du Centre National de la Recherche Scientifique un accueil aussi chaleureux que compétent. La monographie que nous présentons aujourd’hui s’ouvre par un exposé sur la maladie mentale comme phénomène social qui situe de fa con aussi claire que documentée la perspective du sociologue dans un domaine où le psychiatre ne saurait s’aventurer seul sous peine de s'égarer. INTRODUCTION 9 Nous espérons que cette amorce de travail « en équipe », dont M. P. Chombart de Lauve souligne de son côté je caractère indispensable, ou¬ vrira la voie d’une, série de recherches fécondes et nous sommes heureux de remercier ici le Centre d’Etudes Sociologiques du C.N. R. S. de l’in¬ térêt et du concours que ses membres ont bien voulu apporter à ces études. Le second chapitre est formé par le rapport de Me le Dr G Maver¬ Massé sur une enquête réalisée, grâce au concours du Centre d’Etudes So¬ ciologiques du C. N. R. S. et à une bourse de l’Institut National d’Hygiène. sur la répartition dans le département de las Seine de trois catégories noso¬ graphiques choisies comme assez typiquément représentatives dans le groupe de maladies mentales. On verra comment la répartition des domiciles de malades admis pour délires chroniques, psychoses alcooliques et démences séniles con¬ duit à relever des zones où la fréquence plus grande de telles affections peut être rapprochée de caractéristiques démographiques qui suggèrent d’intéressantes hypothèses de recherches. La troisième étude, due à H. Torrubia, attaché de recherche à l’Ins¬ titut National d’Hygiène, a été réalisée avec la collaboration de A. Tor¬ rubia dans le service et sous la direction du Dr L. Le Guillant. Elle s’intègre dans le cadre d’une série de recherches que cet au¬ teur, dont on connait l’intérêt pour ces questions auxquelles il a déjià fourni une contribution fhéorique importante, a entreprises sur le rôle des facteurs sociaux dans la pathogénie des troubles mentaux. Les documents rassemblés permettent de mettre en évidence la morbidité psychiatrique extrémement élevée de certains groupes « d’im¬ migrants » dans le département de la Seine, qu’il s’agisse de sujets ori¬ ginaires de province, de France d’Outre-Mer ou de pays étrangers. Mais une analyse plus approfondie d’un groupe judicieusement isolé (celui des Bretonnes venues "se placer comme «bopnes à tout faire n dans la capitale) révèle la complexité des facteurs susceptibles d’inter¬ venir dans un tel phénomène. Enfin, le travail realisé par Y. Champion et L. Champion-Basset grâce à une bourse de l’Institut National d’Hygiène dans le service et sous la direction du Dr G. Daumézon à l’Admission de l’Hpital Sainte¬ Anne porte sur les Nord-Atricains internés pour troubles mentaux dans le département de la Seine entre le r° janvier ro4s et le 3r décembre 1954. Cette étude remarquablement conduite du point de vue statistique ne se borne pas à confirmer l’importance dans la population des hopitaux psychiatriques du nombre de ces transplantés. éTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 10 L’analyse des courbes du nombre des admissions par rapport au mouvement migratoire révèle un décalage qui situe dans un délai de 3 et 0 mois (déjà indiqué par d’autres auteurs) le temps de latence entre la transplantation et l’éclosion des troubles mentaux. D’autre part, leur évolution en fonction du marché du travail fait apparaitre un rapport qui lie les augmentations de fréquence des troubles mentaux à la réduction des emplois accessibles. Sans doute, les résultats de ces enquêtes soulèvent chacun une mul¬ titude de questions dont nous avons essavé de montrer, préalablement. la complexité. Ils constituent des faits dont l’interprétation nécesitera encore de longues et patientes recherches; au moins pouvons-nous espérer qu’ils constitueront un jalon dans l’élucidation de cette influence des facteurs sociaux sur le taux des maladies mentales dont ils apportent des exemples tres frappants. H. DUCHENE. LA MALADIE MENTALE COMME PHÉNOMENE SOCLAL par P. CHOMRART DE LAUWE INTRODUCTION. Comme il arrive souvent lorsque s’ouvrent des voies nouvelles de recherche, l’importance prise brusquement par la psychiatrie sociale ces dernières années suscite à la fois des oppositions violentes et des espé¬ rances peut-être encore peu raisonnées. La rençontre des psychiatres et des sociologues sur ce terrain diffi¬ cile et passionnant tient principalement à certaines constatations inquié¬ tantes. Bien que nous disbosions de peu de statistiques anciennes assez sûres (2), presque tous les spécialistes sont d’accord pour affirmer que le taux de maladies mentales croit d’une façon catastrophique dans no¬ tre civilisation. En France, le taux des malades mentaux internés pour 1.000 habitants a décuplé depuis r83s suivant une progression régu¬ lière, sauf pendant les guerres oudil a dimninué (a). Ces chiffres sont vala¬ bles surtout pour les psychoses. Pour lès névroses l’observation est beau¬ coup plus difficile car les internements sont moins fréquents, mais la pro¬ gression serait sans doute encore plus marquée. D’une manière géné¬ rale, tandis que les maladies physiques tendent à décroitre, les maladies mentales semblent augmenter en proportion inverse (a). Cette remarque est d’autant plus frappante qu’avec la médecine psychosomatique on attribue de plus en plus à des causes psychologiques des lésions organi¬ ques. En dehors d’une perspective purement humanitaire, les dommages matériels causés à la société par cette évolution, la liaison entre les varia¬ tions du nombre des cas psychopathiques et celle de la criminalité, les problèmes de plus en plus ardus du reclhassement des sujets récupérables. dépassent évidemment la question de la pratique médicale. Beaucoup 12) D’autre part le nombre des cas détectes diminue au fur et à mesure du déve¬ lopement des organlisations médicales, ce qul fausse encore létude de la progxression (a) Voir aussi G. Bergmann (b): le chiffre de 85000) cas aux Etats-Unis cité par cet auteur porte à 5 % de la population totale le nombre de cas. ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 12 de médecins vont jusqu’à dire que l’efort doit porter plus encore sur la prophylaxie que sur la recherche des traitements. Or la prévention ne peut se concevoir sans la recherche des facteurs du milieu sur lesquels une action est possible. Mais les origines mêmes de la psychiatrie sociale rendent le travail des sociologues et des médecins particulièrement difficile. Trop de théo¬ ries opposées, trop d’hypothèses philosophiques sous-jacentes encom¬ brent les discussions. Un double effort doit être fait pour éviter les malen¬ tendus en rendant ces hypothèses claires et pour trouver un terrain de recherche où un travail d’équipe objectif puisse être mené rapidement. Les dimensions réduites de cet article nous obligeront à donner seule¬ ment un apercu rapide du premier problème et à souligner, pour le second, quelques thèmes essentiels à développer par la suite. 1 — LES ORICINES ET LES PRINCIPALES TENDANCES DE LA PSYCHIATRIE SOCIALE Comme dans la plupart des recherches fructueuses à l’heure actuelle dans les sciences humaines, les limites de la psychiatrie sociale se situent complètement en dehors de celles des disciplines anciennes. Il faut d’ail¬ leurs en rechercher les origines à la fois dans la psychiatrie elle-même. dans la psychologie, la psychophysiologie, la géographie humaine, la sociologie, l’ethnologie. Les rapprochements les plus surprenants, les moins orthodoxes peu¬ vent alors être faits. D’un côté, par exemple, la psychanalyse, avec Freud lui-même et surtout lung ou d’autres autéurs, accorde au milieu fami¬ lial et aux facteurs culturels une importance considérable, car les événe¬ ments de la première enfance sont liés directement aux tensions du groupe familial dans une société (T). D’un autre côté l’école paylovienne, en particulier dans l’Etude du 2° système de signalisation, nous invite à por¬ ter notre attention sur le déclenchement des réflexes conditionnés dans un milieu social donné. La géographie humaine (c) s’attache à montrer les variations de l’influence du climat, des agents physiques de toutes sortes tèls que l’électricité atmosphérique... (d). La sociologie s’est appli¬ quée très tôt à l’étude de certains cas intéressants pour la psychiatrie sociale, par exemple dans les recherches sur le suicide (e-f). Plus récem¬ ment les études écologiques sur le développement des maladies mentales en milieu urbain a donné lieu à des travaux devenus classiques (g). Enfin l’ethnologie sociale et l’anthropologie culturelle ont apporté depuis long temps une contribution essentielle aux psychiatres par l’étude sur la per¬ sonnalité de base (h), sur les problèmes de conflits culturels, etc. Dans l’ensemble des recherches entreprises, une place particulière doit être réservée aux travaux de psychiatrie infantile êt à l’étude de la formation de la personnalité chez l’enfant. C’est naturellement l’enfant. plus sensible aux influences du milieu, qui est la principale victime des perturbations de son entourage, et à travers lui l’adulte qu’il va devenir. P. CHOMRART DE LAUWE 13 En France, les travaux du Dr Heuver et de son service (i) ont largement contribué à accorder une importance de plus en plus grande aux facteurs du- milieu dans ce domaine (T). Ils rejoignent sur le plan de la psychiatrie les études des psychologues sur la socialisation de l’enfant entreprises de façon assez différente dans divers pays, en particulier en France par Wallon, et son école, en Suisse avec Fiaget, en Amérique avec Gesell. Carmichael ou d’autres auteurs. Dans toutes ces, recherches sur les adultes ou les enfants dans le milieu social, entreprises aux frontières de disciplines aussi variées, cer¬ taines tendances fondamentales peuvent-elles être mises en évidence2 A. — Une première question se poce; faut-il revenir sur les discus¬ sions classiques au sujet des facteurs héréditaires et des facteurs du mi¬ lieu 2 N’est-il pas plus sage de dire que le milieu n’agit jamais seul même pour les névroses, et l’hérédité non plus, même pour les psychoses les mieux caractérisées. La part réservée à l’un peut être infime par rapport à l’autre, mais n’existe-t-elle pas toujours2 Entre les deux extrêmes il Y à toutes les variétés possibles de dosage. Comme le dit très justement un auteur à propos des psychoses: a Toutes les évaluations des parts res¬ pectives des facteurs prédisposition et du facteur milieu peuvent être envisagées, dès l’instant qu’on ne reconnait pas la possibilité d’éliminer l’un des deux » (a. p. 382). D’une manière générale le milieu favorise ou freine des tendances héréditaires. Certaines conditions de milieu amène¬ ront les sujets réputés les plus « sains » au bord de la névrose, tandis qu’elles laisseront apparemment intacts certains autres dont l’équilibre parait plus précaire. Il ne s’agit pas d’une querelle hérédité-milieu mais d’une étude sur les rapports entre certains éléments du milieu et certains comportements en liaison avec les facteurs héréditaires. B. — Une partie des études entreprises par les psychologues et les ethnologues porte sur les rapports personnalité-milieu. Deux faits prin¬ cipaux sont alors mis en valeur; d’une part, la formation de la personna¬ lité presque uniquement dans le premier âge et l’importance primordiale des facteurs qui ont agi à ce moment (g), d’autre part, le rôle de la person¬ nalité de base dont le changement de milieu culturel entraine la désinté¬ gration (h. i. K) et la rupture des contacts indispensables avec le milieu social. Sur le premier point les hypothèses psychanalytiques poussées à l’extrême ont amené certaines réserves de ceux mêmes qui reconnais¬ saient l’importance des faits observés. Bowlby étudie le cercle vicieux décrit par M. Mead « des parents anxieux créant des enfants anxieux qui grandissent pour produire une société anxieuse, qui à son tour crée des parents de plus en plus anxieux x. Il remarque alors que les interçon¬ nexions qué souligne M. Mead « peuvent conduire à des cercles ver¬ (1) Pour être complet, Il faudrait citer trop de noms et de services de psychlatrie d’aduites ou infantilez huli s’intèressent à ces études. Nous avons été en rabport ave plusieurs d’entre eulx et nous nous excusons de ne pouvoir les nommer tous. Celut du Dr Sivedon à Ville-Evrard celul qu Dr Apeiy et plus récemment celui du Dr Daumézon aux entrées de sainte-Anne, celui qu pr Lé Gullant à villejuif, l’Institut de Biologie 4 ÉTUDES, DE SOCIO-PSYCHIATRIE tueux aussi bien que vicieux » (1). Les relations sociales dans le milieu de travail agissent elles aussi sur les parents. Suivant que les travailleurs se sentent heureux dans leur entreprise ou qu’ils se sentent exploités. leur attitude envers leurs enfants séra plus anxieuse ou plus détendue « Une attitude dictatoriale et coercitive de la direction accroit l’attitude dictatoriale et punitive du travailleur à l’égard de ses enfants. De la même façon, un comportement démocratique et une participation de la part de la direction encouragera des attitudès parentales semblables chez les em¬ ploÝs » (1). De nombreuses observations faites dans nos propres enquêtes nous portent également à croire que le cercle décrit par M. Mead est beau¬ coup trop simple. Ou bien la personnalité continue à se former et à se transformer bien plus tard que ne le pensent certains psychanalystes, ou bien la notion même de la personnalité demande à être révisée. Sur le deuxième point, c’est-à-dire sur le rôle de la personnalité de base, il est plus difficle epcore en quelques phrases d’amorcer une dis¬ cussion complexe. La personnalité de base, décrite principalement, pai Kardiner (m) et Linton (n) est, on le sait, un ensemble de traits psychôlo¬ giques communs aux individus partageant une même culture qui se dif¬ férencient entre eux par d’autrès traits qui leur sont propres. Le sujet qui, dans un groupe bien défini, possède tous les traits de cette person¬ nalité de base, se trouve en harmonie avec son milieu social et ne sera pas considéré comme un anormal. Mais d’une culture à l’autre les traits peu¬ vent changer; ce qui est « normal » ici ne l’est plus ailleurs. Les sujets qui changent de milieu culturel ne sont pas adaptés à la nouvelle société dans laquelle ils cherchent à prendre, place. Aussi ne faut-il pas s’éton¬ ner de trouver parmi eux une grande proportion de « malades mentaux ». Mais qu’est-ce alors que la « maladie mentale »" Un auteur répond que « maladies mentales ne sont pas des affections bien définies mais des déviations des normes locales de la santé mentale » — Hare (o). Les mala¬ dies mentales, fait-il remarquer avec d’autres auteurs, sont rares dans les sociétés primitives. Elles existent seulement au contact de notre cul¬ ture, ou si, à l’intérieur même d’une société, nous trouvons des sources de conflits mentaux analogues gux nôtres. Dans ces conditions la notion de persohnalité de base est utilisable surtout pour l’étude des sociétés primitives mais elle devient un instru¬ ment singulièrement difficile à manier dans les sociétés industrialisées. De toutes façons de nombreux auteurs cont d’accord pour constater l’augmentation des cas psychopathiques dans les civilisatons en évolu¬ tion. Le fait frappant dans notre propre civilisation est que nous nous reconnaissions névrosés. Le titre même d’un ouvrage, connu: « La per¬ sonnalité névrotique de notre temps », en est un exemple (p). Nous som¬ mes pris de vertige devant l’impossibilité de contrôles de nos actes sui¬ vant des normes précises Mais Il s’agit moins alors d’un vroblème psy¬ chologique que d’un problème sociologique. La névrose est un reflet du déséquilibre de notre société. Comme nous le verrons plus loin c’est ce déséquilibre qu’il s’agit d’étudier. C. — D’une façon complémentaire les acquisitions de la peycbophy¬ siologie et de la psychosociologie montrent que dans les rapports entre un homme et son milieu il ne s’agit pas d’étudier les simples réactions P CHOMBART DE LAUWE 15 d’un organisme à un stimulus extérieur. Déjà le rapport stimulus n’existe seul et à l’état pur que chez des animaux très inférieurs. Il est remplacé par le rapport situation-comportement d’une façon évidente chez les mammifères. Mais surtout chez l’homme l’apparition du langage donne une place à part et incontestée aux processus symboliques (qui semblent commencer à se manifester chez les anthropoides). L’influence du mi¬ lieu social prend alors un tout autre sens. C’est en psychophysiologiste que Payloy, dans la description du deuxième système de signalisation. montrait l’aspect nouveau introduit par le langage dans les relations en¬ tre un sujet humain et son entourage (a). De même un psychologue comme Wallon souligne le double caractère des émotions chez l’enfant. D’un côté elles sont en relation avec le développement moteur et les sen¬ sations; de l’autre, elles sont dès le icune âge liées aux relations sociales (r). De plus, l’ensemble des comportements humains est lié à la percep¬ tion, et c’est à ce niveau surtout qu’il faut étudier les rapports entre un malade mental et le milieu social. L’éude des conditionnements psycho¬ sociologiques liés au développement industriel (s) peut nous aider à mieux comprendre ce problème pour notre propre civilisation. Mais cette étude même doit être prolongée par celle de la connaissance perceptive et de l’image du monde constituée par elle (1). L’image du monde d’un sujet dépend d’une série d’influences des milieux sociaux où il a vécu, et ce sont les ruptures entre cete image et celles qui s’imposent au sujet dans les nouveaux milieux auxquels il n’est pas encore adapté, qu’il s’agit de mettre en relief. Des recherches sur les autres aspects de la connaissance (connaissance d’autrui, connaissance, technique..) donneront des résul¬ tats non moins importants. D. — Certains auteurs pensent que les troubles psychopathiques liés au milieu, se ramènent à une rupture des contacts sociaux to). Ainsi les migrations, les changements de milieux culturels provoquent un iso¬ lement de l’individu séparé de son milieu d’origine. Il en est de même dans les cas de faible densité de population dans certaines régions rurales ou dans les cas d’anonymat dans les villes surpeuplées soumises à une intense compétition. Les vieillards hospitalisés et séparés de leur milieu familial seraient eux aussi victimes de l’isolement qui expliquerait cer¬ taines formes de détérioration mentale. Les étudiants des universités seraient également victimes d’un isolement social résultant de l’atmo¬ sphère compétitive et d’une tendance à maintenir une fausse opinion d’eux-mêmes. L’isolement social serait, selon Hare (0), une source capitale de ma¬ jadie mentale, celle à laquelle pratiquement se ramèneraient toutes les autres. Il n’y a dans cette constatation rien d’extraordinaire pour le so¬ ciologue, surtout lorsqu’on remarque avec Faris, à propos des migra¬ tions, que ce n’est pas seulement la séparation matérielle d’une commu¬ nauté qui provoque l’isolement, mais la perte du sens sacré de ses cou¬ tumes tu et o). Nous rejoignons ici les remarquables analyses faites par Leenhardt (V) de la psychologie du néo-calédonien détribalisé qui, avant perdu toutes les attaches religieuses avec son groupe, n’a pas accès aux symboles de la pensée occidentale et se trouve dans un vide intérieur 16 éTUDES DE SOCIO-PSVCHIATRIE qu’il ne peut supporter. C’est aussi la crainte de la perte du contact avec les hommes dans un monde trop envahi par les robots que G. Friedmann fait apparaitre dans les villes industrielles (W). Nous pourrions dire d’une autre façon que le manque de communion entre les hommes est un des facteurs jondamentaux de déséquilibre psychique dans notre civilisation. Ces remarques, sur lesquelles nous reviendrons plus loin, n’apportent pas, pour l’instant au moins, de solution. Elles nous aident cependant à nous placer sur un terrain de travail fructueux. C’est dans les structures sociales, dans les systèmes de relations, et en même temps dans certains symboles et certaines valeurs qui permetent aux hommes de commupier entre eux, que nous trouverons les facteurs susceptibles d’éviter l’isole¬ ment moral dont les effets ont été signalés. Nous revenons alors aux oppo¬ sitions devenues classiques depuis Durkheim (e et x), et reprises depuis par certains auteurs américains (y) entre intégration sociale et anomie. Depuis bien longtemps on a copstaté que la désintégrafion des struc¬ tures sociales se répercute sur la vie intime de chaque membre de la société. Mais il importe pour nous de savoir pourquoi et comment s’opère cette désintégration des structures et comment elle agit sur tels, ou tels sujets dans un milieu social. 1 — L’ÉTUDE DU MILIEU SOCIAL, DES STRUCTURES ET DES RELATIONS SOCIALES Pour avancer dans cette recherche le ptemier travail doit copsister à notre avis dans une analyse du « milieu social ». Lorsqu’on parle de l’influence du milieu sur la personnalité, on met en rapport deux termes qui recouvrent des ensembles tellement complexes, qu’on risque de ne plus pouvoir rien comprendre. Essavons au moins, du point de vue socio¬ logique, de préciser quelques lignes de recherche pour définir le pre¬ mier terme. A. — Comme nous l’avons signalé dans, d’autres études (z et ab) le milieu est d’abord pour nous un exsemble de facteurs qui se regroupent par échelons de plus en plus larges. En faisant appel aux diverses disci¬ plines dont nous parlions plus haut, il est possible de mettre en relief suc¬ cessivement les aspects écologiques, économiques, les aspects se rappor¬ tant à la culture intellectuelle, etc.. A l’intérieur de l’une de ces grandes catégories, celles des facteurs économiques par exemple, il est possible d’isoler parmi les autres, un groupe de facteurs plus restreints que nous appellerons budget familial et, à l’intérieur de celui-ci, le facteur revenu mensuel, le facteur dépenses, etc.. Dans le groupe général culture intellec¬ tuelle, nous distinguerons un groupe plus restreint des modèles culturels. et dans ce groupe des modèles familiaux, des modèles d’éducation. comprenant eux-mêmes des subdivisions, etc.. Cette typologie par échelon et ces regroupements des facteurs ne doivent pas être utilisés d’une manière trop rigoureuse. r° Il s’agit en premier lieu de distinguer des facteurs simples tels qu’une surface de logement ou un chiffré de salaire de facteurs com¬ plexes, tels qu’un « manque de confort dans le logement » qui peut vou¬ P. CHOMBAST DE LAUWYE 17 loir dire un peu tout ce qu’on veut et qui est impossible à chiffrer Lors¬ qu’on parle du passage d’un modèle familial « patriarçal » à un modèle de famille « associée », source de conflits possibles, on emploie en géné¬ ral des mots inadéquats qui recouvrent une situation qu’on a mal étudiée. Le type de l’expression qui prête à confusion est le « taudis », sous la¬ quelle on découvre non un fait précis et mesurable, mais toute une série de faits matériels liés à des pratiques et des attitudes sur lesquels on porte en général des jugements moraux. 2° Il s’agit ensuite d’établir un choix parmi les facteurs en se gui¬ dant non seulement sur des impressions personnelles (qui peuvent ce¬ pendant être très utiles dans les études de cas), mais sur un regroupement méthodique. Il est important de ne pas oublier alors, qu’on est préoccupé par des facteurs culturels très apparents, qu’il existe des facteurs phy¬ siques qui ont pu jouer un rôle important auquel on ne pensait pas. B. — Le milieu social correspond aussi à un ensemble de structures liées à des stratifications sociales (niveaux de revenus), à des entrecroi¬ sements de groupes sociaux de tous ordres et à des systèmes de relations sociales. Les sujets ont dans ce milieu des positions et des rôles qui com¬ mandent leurs comportements. L’anarchie des relations et la désintégra¬ tion des groupes entrainent des ruptures qui peuvent se paver en né¬ vroses, ou en dispositions névrotiques, et même en psychoses pour les sujets prédisposés. Dans ce milieu social, il y a des points de résistance et des zones par¬ ticulièrement fragiles. Le manque d’organisation et de cohésion sociales. « l’anomie», vient, disait Durkheim, de ce que sur certains points de la société, il y a manque de forces collectives, c’est-à-dire de groupes constitués pour réglementer la vie sociale. Elle résulte donc en partie de ce même état de désintégration d’où provient aussi le courant égoistc » (d, p. 430). Ces zones défavorisées sont déjà visibles dans l’étude de M° G. Masse présentée dans ce volume, Mais elles existent aussi indépen¬ damment de l’espace géographique, dans la stratification sociale et dans l’enchevétrement des groupes sociaux. Certaines populations, certains groupes défavorisés offrent moins de résistance que d’autres. C’est parmi eux que nous risquons de trouver le plus de malades mentaux, victimes du courant de compétition et d’égoisme dont il a été question. Les études sur les Nord-Africains et sur les bonnes bretonnes en donnent des exemples. C’est pour détecter ces zones et ces groupes que les analyses un peu artificielles des facteurs du milieu social présentées par nous plus baut sont utiles. Est-ce en fonction des groupes de facteurs professionnels, de groupes de facteurs liés à l’habitat qu’il faut orienter nos prospections: Pour le dire, le tableau général que nous sommes en train d’établir est nécessaire. C. — Mais si le milieu social ne peut pas être exprimé dans ce ta¬ bleau très sec des groupes de facteurs, s’il faut tenir compte des struc¬ tures complexes et des relations pous vovons immédiatement qu’il faut l’étudier dans le temnps, dans son déroulement continu. Il ne s’agit pas seulement d’observer le milieu social à un moment (, dans lequel se si¬ 18 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE tue tel sujet ou tel groupe étudié, mais, d’une part, les aspects successifs du milieu social avant même que le sujet ou le groupe ne s’y soit trouvé. et, d’autre part, les divers milieux sociaux dans lesquels le sujet a passé au cours de son existence et dont il a recu des marques. D). — Ce passage dans des milieux sociaux diférents nous montre que nous ne pouvons pas parler seulement d’un milieu social, mais que nous devons envisager une multitude de milieux sociaux, dans lesquels les sujets peuvent être impliqués. Chaque individu n’est pas seulement attaché à plusieurs groupes à la fois, il évolue dans plusieurs milieux. A ce sujet la distinction la plus intéressante pour tous se fait entre les milieux restreints et les milieux larges, ce que nous avons appelé micro-milieux et macro-milieux (T). Un malade doit être replacé dans son petit milieu familial ou son quartier, mais également dans son mi¬ lieu social urbain ou rural, dans son milieu national (même si ce milieu ne constitue pas pour lui un groupe auquel il se sent attaché), etc.., dans le cadre d'une civilisation. 111 — QUELQUES PERSPECTIVES DE RECHERCHES En fonction de ces diverses remarques le choix des sujets de travail peut être facilité. Il importe d’étudier les troubles mentaux d’une caté¬ gorie clinique bien définie, chez des sujets vivant dans des conditions de milieu connues ou chez dest populations dont les caractéristiques sont nettement précisées. Il faut distinguer en psychiatrie sociale; les études psycho-sociologiques de cas individuels, les études de groupes sociaux ou de catégories d’individus plus ou moins nombreux, et, à l’aide de ces deux premiers types de recherches, les problèmes particuliers analysés à partir d’hypothèses de travail bien exprimées. A. — Les études de populations (les plus apparentes dans ce volume) peuvent être envisagées dé diverses manières; soit une population de malades présentant tous les mêmes troubles mentaux (autant qu’il est. possible de le dire) dans un milieu donné, par exemple, les délires chro¬ niques à Paris dans une certaine période de temps; soit une population de malades de même origine, de même profession, etc... (les bonnes bre¬ tonnes) quels que soient les troubles observés chez eux: soit une popula¬ tion prise dans la vie sociale courante (les ouvriers manuels, les femmes mariées entre tel et tel age, les enfants d’âge scolaire..) dans laquelle on étudie les proportions de malades de tel type, par rapport à la population totale, etc.. Toutes ces recherches qu’elles soient entreprises à up mo ment donné ou qu’elles étudient une évolution, doivent être étavées sur des bases statistiques solides, qui seules leur donneront les garanties nécessaires. Elles permettent de dire que certaines variables trelatives par exemple, à la profession, à l’âge, au logement, à l’origine ethnique au revenu, à certains événements, tels que les guerres, etc..) paraissent avoir une importance plus grande que d’autres, ce qui est déjà un résul¬ tat appréciable. Qaer: Bu ont été repris dens les conclusions du 2° cours mnternational de Grimg gie », où l’observation porte beaucoup plus sur les formes de sociabilité. P. CHOMBART DE LAUWE 19 B. — D’un côté, les études sociologiques de cas individuels de¬ vraient permettre, pour un malade déterminé, de mesurer l’importance relative de telle ou telle variable par rapport aux autres. A première vue. il serait séduisant, après avoir passé en fevue tous les éléments du milieu qui sont susceptibles d’avoir joué un rôle dans l’histoire d’un cas, de dé¬ finir avec précision quels sont ceux qui ont été réellement déterminants. La comparaison d’un certain nombre d’études de cas de ce genre, pour¬ rait permettre d’établir une typologie sérieuse. Mais il ne faut pas ici en¬ core nous faire trop d’illusions. D’une part, le tableau des facteurs mi¬ lieux regroupés par catégories, dont nous avons parlé plus haut, est en¬ core loin d’être au point et d’être utilisable facilement. D’autre part. même bien mis au point, (autant que cela est possible), il ne sera jamais qu’un aide-mémoire et ne remplacera nullement le socio-diagnostic du médecin et du sociologue travaillant en équipe, dans lequel les échanges personnels avec le malade joueront toujours un rôle capital. L’art et la science ne sont dans ce cas nullement dissociés. La sociologie peut alors rendre un nouveau service important. Les rapports entre le sujet et le psychiatre, qui risquent trop facilement de donner lieu, dans une perspective psychanalytique, à des phénomènes de transfert, peuvent être replacés sur un terrain différent en se référant beaucoup plus aux détails de la vie quotidienne des malades. La con¬ naissance approfondie, non seulement des conditions de vie, mais des types de relation sociale, des modèles culturels auxquels sont attachés les sujets, de leurs besoins journaliers, de leurs difficultés pratiques et de leurs aspirations sociales, peuvent rendre l’expression de tel ou tel événement de la vie intime, non seulement moins difficile, mais moins dangereuse. Dans les milieux ouvriers en particulier, il y a une réaction violente et peut-être très saine, à séparer les préoccupations les plus in¬ times des détails de la vie courante. Dans un milieu où tout est mis en commun entre parents, entre camarades, entre voisins, l’examen pure¬ ment individuel risque de créer une situation fausse dont les conséquences sont difficiles à apprécier. C. — Entre les études de populations et les études de cas individuels. il faut parler des études de gtoupes, des relations individuelles dans ces groupes, et des relations intergroupes. Si le malade mental a pu être dé¬ fini comme un être séparé, si l’isolement social est réellement caractéris tique de son état, il est évident que l’étude des systèmes de relations so ciales dans lesquels il se trouve impliqué est essentielle. Comme l’a dit récemment un auteur: « Upe (hérapeufique par le milieu et une psycho (hérapie consciente d’elle-même doit aider le malade à la recréation du Tu, du Nous, et du groupe dans lequel le Moi puisse de nouveau se dé¬ Bager » (ac). Cette préoccupation est valable aussi pour le diagnostic. A plus forte raison l’est-elle pour l’étude sociologique des maladies mentales. Dans cete perspective la sociométrie, mettant en relief les figures des relations dans les groupes restreints (équipe de travail, classe d’en¬ fants.) apporte une aide certaine (ad). Mais elle demande à être com¬ plétée par d’autres types de recherches, en particulier en « microsociolo¬ 2 ÉTUDES DE SOCO-PSYCHIATRIE sur la qualité des relations et sur les manifestations de la conscience dans le milieu social (1). Nous ne pouvons pas discuter ici l’ensemble des théories qui sont à la base de ces méthodes. Nous ne pouvons pas présenter toutes les nuances et les développements complexes. Mais un fait reste essentiel c’est qu’un cas de malade mental ne peut pas être étudié sans essaver de reconstituer dans la mesure du possible les conditions du milieu social dans lesquelles ont eu tendance à se manifester son Moi, ses échanges avec Autrui et les Nous dans lesquels il a été impliqué. Dans ce sens l’his¬ toire des difficultés d’insertion d’un sujet dans des groupes divers au cours de son existence (groupe familial, bandes d’enfants, classes, ban¬ des d’adolescents, etc..) est particulièrement instructive. D. — L’étude des comportements considérés comme des ensembles de pratiques et d’attitudes (ab) en relation avec le milieu social et les images auxquels se réfèrent les sujets, doit également apporter des lu¬ mières indispensables. L’étude des formes de comportement particulier à un groupe, peut permettre de mettre en relief pour ce groupe, des dé¬ viations systématiques qui seront favorables à l’éclosion de certaines maladies mentales (ab). D’autre part, les comparaisons entre certains comportements d’up malade, et céux du même (ype qui sont habituels dans les groupes auxquels il appartient, peuvent permettre d’évaluer d’une manière précise sur des points déterminés l’écart qui sépare le su¬ jet de son milieu social. Mais plus encore que les comportements eux-mêmes, ce sont les images qui leur servent de guides qui sont instructives à étudier. L’évo¬ lution dé ces images dans la vie ociale peuvent faire perdre à certains sujets, des points de références sans lesquels ils ne peuvent plus s’adapter à leurs groupes. L’évolution des formes de la famille est dans ce sens l’une des plus intéressantes à connaitre (af). E. — Nous pourrions nous étendre plus longuement sur cette énu¬ mération des thèmes de recherche. Nous nous arréterons pour l’instant à un dernier point essentiel. L’étude des relations, des rôles sociaux, des comportements, des images-guides en liaison avec les divers éléments du milieu social, nous montre pour une large part le malade mental comme un produit de la civilisation dans laquelle il vit au même titre que l’homme de génie. Sur un terrain héréditaire prédisposé, c’est la société qui à marqué son empreinte. Pour comprendre la maladie mentale telle qu’elle se présente chez tel malade ou chez tel groupe de malades, il faut donc étudier les maladies de la société dont il nous apporte le reflet. Ce sopt donc, comme nous le disions au début de cette étude, les structures sociales et leur désintégration qu’il s’agit de mettre en relief. 1) G. Gurvitch (ae 44) à critiqué la conception meme de l’atome social que Morenc défnit comme « un individu et toutes les personnes (proches ou éloignées) avec lesquelles à un moment donné, il est émotionuellement lié ». I fait appel à la botiou de « vecibrocite de perspective » entre les Moi, les Autrui et les Nous, qu’il est impossible de séparer dans la vie sociale sans « dissoudre ou détruire la couscience même qui consiste précisément dans la tension entre ces trois tetmes et dans leurs différentes combimaisous » tac 41) Mais il ne nous donne aucun moven pratique d’étudier cette teusion d’ume malière pré Fise. Ces remarques ne nous avaicent donc pas pour notre recherche P. CHOMBART DE LAUME 21 Les maladies mentales apparaissent dans la population et dans la société aux points de moindre résistance. Dans la population il apparait au cours des générations certains organismes prédisposés. Mais, dans ces cas déjà, le fils d’un alcoolique est victime dans une certaine mesure des conditions dans lesquelles ses parents ou ses grands-parents sont devenus alcooliques. Le milieu social et les structures ont joué à un stade antérieur. D’autre part, dans la société elle-même, les sujets apparte¬ nant à certains groupes et vivant dans certains milieux sociaux sont par¬ ticulièrement réceptifs aux influences perturbatrices. Nous avons, après bien d’autres, essavé de le montrer pour les structures urbaines. Nous savons aussi que certaines tranches de niveau de vie (pas nécessairement les plus basses), que certaines catégories socio-professionnelles, que cer tains groupes ethno-culturels sont plus facilement touchés. Mais nous man¬ quons encore beaucoup de statistiques suffisantes dans ce domaine. De plus, il existe des groupes entiers dont tous les membres semblent être plus ou moins des malades mentaux. Il faudrait reposer ici, du poipt de vue sociologique, le problème des psychoses collectives depuis les « psychoses à deux » et les psychoses de paliers » jusqu’aux troubles psychiques manifestés chez les représentants de divers groupes ésoté¬ riques. Mais de nouveau, il faudrait savoir pourquoi et comment ces groupes pathologiques apparaissent, à certains moments, dans des lieux géographiques privilégiés, dans des couches de population (1) Dans notre préoccupation de rechercher les facteurs d’anomie les plus importants à l’intérieur de notre propre civilisation, il nous faudrait revenir aux problèmes de transformations des structures liées à l’évolu¬ tion technique et au passage de la civilisation rurale à une civilisation industrielles. Les étudès sur les déséquilibres psychologiques et sur l’iso¬ lement social provoqués, non seulemnent par les changements brusques de milieu culturel dans les migrations de pays à pays, mais par les échanges entre villes et campagnes (s), devraient nous permettre d’éviter des rup¬ tures dont certains malades sont les victimes (2). En France, le problème le plus important, à la fois du point de vue des changements culturels et des changements de milieu matériel, est celul des travailleurs nord-africains dans la métropole. L’étude du Docteur (1) Nous nous retrouvons devant le problème très général des rapports entre les structures sociales et les attitudes des membres de la société. Peut-êtré est-ce dans la dynamique sociale au sens où l’entend un ethnologue comme Lévi-Strauss et dans 1a structure de subordination (ah) qu’il faudrait, rechercher certaines solutions. Nous reve¬ nons alors, avec l’appui des thébries les plus récentes des communications, aux bases fondamentales de la sociologie Durtheimienne auxquelles nous avons fait allusion Dérivant également de Durkheim, mais dans un sens diff́rent, l’étude des déviants chez Merton () nous apporterait peut-être d’autres éléments d’information. Mais la discussion de ces théories qui se trouveraient sur certains points en désaccord avec d'autres conceptions énoncées plus haut, nous entraînerait trop loin de notre sujet immédiat. (2) Les travaux de G. Friedmann sur les conditionuements psychosoctologiques auxquels nous avons fait alusion plus haut précisent dans ce sens certaines voies de recherche (s). De même, ses études sur le travail (a7) et sur le mlleu technique (u). et celles de nombreux chercheurs travailant sur les mêmes problêmes peuvent, nous permettre de revenir avéc des données nouvelles sur la question, soulevée plus haut des répercussions des conditions de travail et des reletions sociales dans l’entreprise ton iqulenont aur, le compontenent des ouvriors, ou des cuares, mals aur, toute leur ve familiale 22 ÉTUDES DE SOCIO-DSYCHIAIRIE Daumézon et de Mme et M. Champion en donne une idée, mais il ne pourra être résolu qu’en y consacrant des moyens correspondant à son ampleur. D’une manière générale, les recherches comparatives dans des mi¬ lieux urbains et ruraux très différents d’un mêmé pave et dans des mi¬ lieux de même type dans des pays différents, sont nécessaires. Mais les études de psychiatrie sociale effectuées de cette façon, doivent être pour¬ suivies en liaison avec d’autres études plus générales sur l’ensemble du milieu social dans les mêmes régions. Pour les milieux urbains français. les recherches d’ethnologie sociale que nous poursuivons dans ce sens depuis plusieurs années dans diverses agglomérations, pourraient peut¬ être favoriser les études spécialisées qul sont à entreprendre avec les SI VICC9 IIICHICGUN S'il nous est impossible en quelques pages de définir avec plus de précision des lignes de recherche, du moins, voudrions-nous revenir au problème général posé dans la première partie de notre: exposé. La maladie mentale nous est apparue du point de vue sociologique. comme un fait significatif de la désintégration sociale. Elle peut dans ce sens nous indiquer certains dangers réels courus par notre civilisation et par l’humanité tout entière, et nous aider à les prévenir. Mais si nous nous arrétions à cet aspect du problème, les pensionnaires des hôpitaux psychiatriques et la société elle-même, seraient simplement des objets d’étude et de traitement que nous pourrions considérer avec un tôtal désintéressement. Or, cette objectivité sereine est-elle possiblez Nous avons vu due même pour les maladies avant une base orgapi¬ que bien caractérisée (épilepsie, delirium tremens), l’influence du milieu social sur les générations antérieures et dans une certaine mesure sur les sujets eux-mêmes, était importante. Lorsqu’il s’agit de cas extrêmes, la place de ces êtres défavorisés et irresponsables dans notre société pose des problèmes qui font naitre en nous un profond malaise, parce que nous nous sentons impliqués dans la même communauté. Devant ces cas tra¬ giques, nous réagissons un peu comme devant les infirmes physiques. Dans, ce sens, il faut sans dute rappeler avec le Dr Ey (ak), que le ma¬ lade mental ne peut pas être considéré seulement comme un homme dé formé par les conditions du milieu social. Il subit une «désorganisation de tout son être » et c’est cet homme «aliéné », au sens le plus plein du mot, que nous avons devant nous comme une image de la propre misère de toute notre humanité. Mais dans divers cas de mythomanes, de schizophrènes de névrosés légers, pour lesquels les décisions d’internement méritent discussion. nous constatons avec inquiétude, que ces sujets ne sont pas seulement vic¬ times des conditions sociales dans lesquelles ils se sont trouvés. Il existe entre la société et eux-mêmes, un véritable conflit comme il en existe dans les cas de délinquance. Le malade mental dans la société est à la fois, une victime pitoyable et un danger dont il faut se défendre. Il n’y a pas de limites entré la criminalité ef la démence Du point de vue sociologique. ce sont deux faits de même nature, et la remardue faite par un auteur (ai) de l’accroissement de l’une lorsque l’autre diminue, peut nous faire croire 23 P. CHOMBART DE LAUWE même qu’il s’agit de deux aspects complémentaires d’un même phéno¬ mène, qu’il faut analyser à un niveau plus profond. Le malade mental est bien un isolé, un séparé parfois passif, parfois combatif. Il peut consciemment ou non se retourner contre des individus qui représentent la société dont il subit le poids. Il refuse la société et la société le refuse. Cette opposition peut commencer chez des adultes. Mais dire que ce refus, ce divorce vient de la désintégration sociale, ou dire qu’il vient de l’isolement, ne suffit pas. Des études de morphologie sociale et des études sociométriques peuvent mettre en relief ces deux ordres de faits. Mais elles ne rendent pas compte du manque fondamental ressenti par le malade mental au cours de son enfance ou de son existence. Il ne s’agit pas seulement d’un rejet hors d’un réseau de relations ou d’une dé¬ ficience des structures dans lesquelles le sujet ne peut plus trouver sa place. ni même, de l’impossibilité de se rattacher à de nouveaux symboles ou d’adhérer à de nouveaux mythes. Tous ces obstacles sont surmontables lorsqu’il existe, de personne à personne, dans une société quelle qu’elle soit, des rapports d’un autre ordre. Peut-être « l’histoire exemplaire1 que raçonte un psychiatre, le Dr Daumézon, nous en donne-t-elle une idée Une ouvrière veuve, qui a cherché refuge dans un délire, n’a pu sortir de l’hôpital que prise en charge par ses camarades d’atelier, qui ont accepté ses fantaisies et la responsabilité de sa surveillance. Ce qui avait manqué à cette femme, comme à tant d’autres malades, ce du’elle à trouvé, trop tard pour éviter l’asile, mais qui lui a permis d’en sortir, c’est aussi ce qui manque à l’ensemble des hommes qui vivent dans une société où la compétition les prend tout entiers: un simple geste d’amour. Si notre société nous, parait elle-même malade, est-ce seulement la précision de techniques de plus en plus perfectionnées, qui nous fera trouver une thérapie appropriée » La progréssion des cas psychopathiques suivant la progression même de la science peut-elle nous apporter quel¬ que espoir 2 L’espoir de la science est de nous donner des moyens d’action toujours accrus, mais nous savons qu’ils peuvent être emplovés pour le meilleur ou pour le pire. Peut-être les gestes d’une modeste ouvrière dans son atelier, celui d’une mère plus atentive, d’un chef plus humain, n ont. ils pas moins d’importance pour remonter le courant dans lequel nous pa¬ raissons entrainés, que les travaux des psychiatres et des sociologues. QUVRACES SE RÉTÉRANT AUX LETTRES DU TEXTE () () DUCHÈNE (H.). « Aspect démograplique . Misère de la Nsychiatrie. Esbrit. décembre 195%, pp. 377,388. (b) G. BERMANN Le prohlème de la gragression des troubles mentaux dans les ociétes miodernes. -Congrès International’de Psychiatrie, Paris, 1950, P. 1. (e) SORRE (M.). Les fondements de la geograbhie humaine. - J. Les fondements biologiques, Paris, A. Colin, 1943. 24 ETUDES DE SOCIO-PSYCHIAIRE (d) SIVADON. Céograbhie lumaine et bsychiatrie. Congrès des Médecins alie nistes. Marseille, septembre 1948. Cahiers imprimerie Coueslant, 47 D. DP 23-24. DURRHEIM (E.). Le suicide, Paris, Alcan. (e) (9) HALBWACHS (M.). Les causes du suicide, Paris, Alcan, 1930. (g) FARIS et DUNHAM. 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MAYER-MASSE Travail de l'Institut National d'Hygiène et du Centre d'Etudes Sociologiques du Centre National de la Recherche Scientifique L’étude qui va suivre porte sur trois groupes de maladies mentales délires chroniques, psychoses alcooliques et démences séniles ou plutôt sur leur répartition dans certains quartiers de Paris et certaines localités de la Seine. Elle a été menée dans le cadre du groupe d’ethnologie sociale que dirige P. H. Chombart de Lauve. Ce groupe étudie l’espace social dans l’agglomération parisienne. L’espace social a été défini, on le sait (T) comme l’ensemble de toute une série d’autres espaces : espaces topogra¬ phiques, biologique, anthropologique, économique, démographique, cul¬ turel, espace temps, etc.. La connaissance de l’espace social, intéresse au plus haut point le médecin, car elle permet de situer les individus dans leur contexte so¬ cial et d’apprécier leur adaptation ou non-adaptation aux conditions de vie. Or, comme l’écrit le professeur loannon; « au sens le plus large qui sot, l’adaptation au milieu, précise-t-il, doit être à la fois physique, psy¬ chique, économique ». C’est le point de vue psychologique, qui a été plus spécialement re¬ tenu dans cette étude nous nous sommes efforcés d’étudier des cas mani¬ festes de non-adaptation sociale; les malades mentaux. Nous pouvons nous demander s’il y a’un plus grand nombre de ces inadaptés dans certains quartiers, certains ilots de Paris, et pourquoi¬ Il est bien évident cependant, qu’il n’est pas dans notre intention de ramener à des causes purement sociales l’étiologie des troubles men¬ taux, mais seulement d’essaver de percevoir, dans la mesure du Dossi¬ ble, la part qui revient au milieu social dans cette étiologie. Nous rejoignons ici le Docteur Sivadon. « Il n’est pas suffisant d’étu¬ dier l’homme psychopathe en fonction de son hérédité, de sa typologie. de ses troubles organiques, du développement de sa personnalite, etc.. 28 ÉTUDLS DE SOCIO-PSYCHIATRIE Il faut encore l’envisager en tant qu’individu réagissant à tel ou tel typc de milieu social. ». Dans le présent travail nous esavons. r° De déceler les secteurs d’oi proviennent le plus souvent les ma¬ lades mentaux, au moyen de statistiques et de cartes de taux de morbi¬ dité: 2° De rechercher d’upe facon précise à l’intérieur de ces secteurs. les lieux de domicile des malades. Ce travail est un travail de mise au point, qui devra être suivi, dans un second temps, de recherches sur le terrain. Ces recherches permettront de préciser les caractéristiques sociologiques des ilots morbides ains trouvés. CHAPITRE PREMIER MÉTHODE DE TRAVAIL 1° — LES SOURCES STATISTIQUES Le docteur Abély, chef du service d’admission du Centre psychia¬ trique Sainte-Arne, a bien voulu mettre à notre disposition les registres de ce service. En collaboration avec MM. Leroy et Torrubia, internes des Hépitaux Psychiatriques de la Seine, nous y avons relevé les données qui nous étaient nécessaires. Elles concernent les malades internés à Sainte-Anne pendant les années 1948 et 1050. L’année 1948 a été choisie, parce qu’elle a été jugée un peu arbitrai¬ rement il est vrai, assez éloignée de la guerre, pour ne pas être influencée par celle-ci; l’année r950, parce qu’elle était la plus proche de nous (ce travail a été commencé en 1o5r). L’intervalle entre les deux années permet une comparaison plus fructueuse. Nous avops recueilli les données suivantes: 4) le lieu de domicile de chaque malade. b) le diagnostic. C) la profession. d) l’âge et le sexe. e) l’origine géographique. Nous n’avons utilisé ici, que les renseignements sur les domiciles et les diagnostics. Les malades ont été groupes selon le cadre nosographique suivant: 30 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHLATRIE Ces chiffres représentent les entrées de malades agés de plus de quinze ans, habitant Paris et la banlieue proche (Seine et Seine-et-Oise). Les malades habitant en dehors de cette région les enfants de moins de quinze ans, ont été éliminés. Plusieurs entrées peuvent correspondre à un même malade, en cas de rechutes au cours de ces deux années: il en est tenu compte ultérieu¬ rement dans le calcul des taux de morbidité, et le pointage des lieux de domicile. Dans les études basées sur ces chiffres, il ne faut pas exploiter ce qui se rapporte; T° Aux affections qui ne comptent pas assez de cas en deux ans pour être étudiées d’une manière statistique, (mais il serait bon dans un travail ultérieur, de les étudier en les répartissant sur un plus grand nombre d’années: en particulier les états d’excitation et de dépression où les facteurs sociaux pourraient peut-être plus particulièrement inter¬ venir): 2° Aux affections qui se rencontrent autant dans les services de Méde¬ cine générale que dans les hôpitaux psychiatriques (confusion mentale...) Pour l’instant, nous nous sommes limités à l’étude des trois catégo¬ ries suivantes: — délires chroniques. — psychoses alcooliques. — démences séniles (1). 2° — L’EXPRESSION CARTOCRAPHLQUE Deux catégories de cartes ont été dressées pour ces trois maladies: T° des cartes de taux de morbidité, pour la Seine; 2° des cartes de lieux de domiciles des malades. (Ceci n’avant été fait que pour Paris et non pour la Seine entière. contrairement aux cartes de taux de morbidité.). Comme nous nous trouvons en présence de malades internés exclu¬ sivement à Sainte-Anne, il a paru prudent d’éliminer de ces cartes les quartiers et communes où le revenu moyen, par contribuable, est égal ou supérieur à 500.000 francs par an. Ce sont. — les quartier des 7, 8, 16 arrondissements; G. MAVERMASSE 3 — les quartiers Odéon et Notre-Dame-des-Champs du 6° arrondis sement; — les localités de Neuilly-sur-Seine, Sceaux et Saint-Mandé. Le fond de carte utilisé, est celui, qui a été mis au point et employé par l’équipe Chombart de Lauve (). L’échelle choisie est au 1/50 000. Deux types de représentation ont été emplovés: T. La teinte, pour les cartes de taux;. Une échelle de valeurs progressives de teintes correspond à une chelle de valeurs progressives d’un phénomène. Ce phénomène est ramené à dix mille habitants, et l’unité est ici le quartier administratif ou la com¬ mune. 2. Les points, pour les cartes de domicile. Tous les points sont égaux, et chaque point représente le lieu de domi¬ cile exact d’un malade. Pour les cartes de travail, les repères indiqués sont les limites des arrondissements, les limites de quartiers, le parcours de la Seine, les voies ferrées, les principales artères, et enfin, les espaces inha¬ bités. Ces repères permettent de pointer les lieux de domicile avec une grande précision. Pour plus de clarté, seules les limites des arrondissements, et en gris les espaces inhabités ont été conservés lors de la reproduction des cartes (1) Cf. Jacques Bertin in : Paris et raogtomération paristienne — Tome II. chap. 3. CHAPITRE u LES DONNEES STATISTIQUES Voici le détail des entrées en 1948 et ros0 (ils concernent, rappe¬ lons-le, les malades de la Région parisienne de plus de rs ans). T° Tableau concernant les hommes: ETUDES DE SOCIOPSYCHIAIRE 31 5 Total: A partir des tablcaux précédents quclques observations doivent être faites sur les chiffres qui conccrocnt les pychoses alcooliorcs les délircs chroniqucs systématisés et les démcnccs sénilcs: 1 Importance de ces trois attcctions par rabbort au nombre tota d’admissions¬ — les démences séniles occubcnt le T rang, 18,8 7o des admissions — les psycboxes alcooliques ocupcnt le 2 rang: 12,5% des admi sione: — les délires chroniques, le 3 rant, 12, 1 7, des adiuissiops. 32 2° Importance de ces trois affections, par rapport au nombrc total d’admisions dans chaque sexe: A) Pour les hommes: — les psychoses alcooliques forment 23,0% du total, occupant de loin la première place: — lee démences sépiles, 11,7 2% (2° rang): — les délires chroniques, 7,1 2% (9 rang). B) Pour les femmes. — les démences séniles occupent le r rang (23, 2 %6): — les délires chroniques, le 2° rang (15,9%): — les psychoses alcooliques, le 0 rang (4,8 2%). 3 Augmentation de ces trois affections de 1948 ro5o. — Les psychoses alcooliques ont augmenté : — de 190,1 9% au total. — de 198,09% pour les hommes : — de 117 9% pour les femmes. — Les délires chroniques systématisés ont augmenté : — de 52,7 2% au total;. de 30,4 %% pour les hommes;: de 57,09% pour les femmes. — Les démences séniles ont augmenté : — de rA4,r 9% au total: — elles ont diminué de 6,8 0%, pour les hommes : — elles ont augmenté de 123,62% pour les femmncs. quce Or, pour l’ensemble des admissions, on observe unc augmen¬ de 22,7 9% au total: de 23,s 9% pour les hommes. de 22, 1 2% pour les femmes (1). 4° Combaraison d’ux sexe l’autre. Psychoses alcooliques: 262 hommes bour 187 femmes, soit 4,6 fois plus d’hommes que de femmes. Délires chroniques systématisés: 225 hommes pour 62,1 femimncs. soit 2,8 fois plus de femmes que d’honuines Démences séniles; oi8 femmes pour 373 hommes, soit 2,5 tois Dlus de femme que d’hommes. C MAYCR MASSE ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHLATRIE 36 — Or, sur le total des admissions on observe. 3221 hommes pour 3,8r1 femmes, soit 1.2 fois plus de femmes que d’hommes. — (la diffrence est très petite.). Nous vovons que l’alcoolisme est responsable de près d’un quart des internements masculins. Soulignons qu’il s’agit de troubles uniquement dus à l’alcoolisme, et non de troubles «avec appoint alcoolique », ce qui donnerait un nombre beaucoup plus considérable. Parmi les femmes, le taux d’alcoolismne est encore faible, mais il a plus que doublé de 1048 à 1950. Les délires chrontques systématises, par contre, occupent une place importante (près de 1/6). Et encore plus, les démences séniles (près de 17/4). CHAPITRE I LA REPARTITION SPATIALE Nous en arrivons à la partie principale de ce travail; elle porte sur l’étude spatiale des cas que nous venons d’envisager: étude spatiale li¬ mitée, rappelons-le, aux quartiers et communes où le revenu moyen, par contribuable est inférieur à 500,000 francs par an. Deux sortes de cartes ont été dressées: r° Des cartes de taux de morbidité où l’unité est le quartier adminis¬ tratif ou la commune. Pour chaque unité le nombre des malades a été rapporté à ro 000 habitants. 2° Des cartes où les domiciles des malades sont pointés exactement. (Ceci n’a été fait que pour Paris.). Elles permettent de rechercher, dans les quartiers à taux élevés, les emplacements précis d’où proviennent les malades. 1— CARTE DE TAUX DE MORRIpITE A Délires chroniques. Nous avons cherché ce que les localités appartenant aux classes dont les, taux sont supérieurs à la moyenne peuvent avoir de caractéris tique. La moyenne étant de L40, il s’agit des deux dernières classes. (Taux supérieurs à 2,00 pour 19,000 habitants.). Ces localités peuvent être classées en quatre catégories: T° quartiers du centre de Paris. 2° duartiers de la «zone de brassage » 3 première zone périphérique. 4° deuxième zone périphérique. r° Quartiers du centre. Ce sont. Dans le 2° arrondissement, les quartiers Caillon et Bonne-Nouvelle. Dans le x. Enfants-Rouges: Dans le 4°. Saint-Gervais: Dans le o. Saint-Georges:. Dans le 1o. Saint-Vincent-de-Paul. Ces quartiers sont isolés au milieu d’autres où les taux sont très fai¬ bles. Nous verons, en effet, sur la carte des lieux de domicile, que dans ces quartiers du centre les malades sont souvent groupés. (Le taux élevé du quartier Caillon est peu significatif, ce quartier n’avant que 4,000 habitants; les deux cas qui s’y trouvent, donnent Par conséquent un taux de s pour 19,000). 38 ETUDES DE SOCIO-PSYCHIAIRE Les quartiers Saint-Vincent-de-Paul et Saint-Georges, appartiennent à la fois au « Centre » des affaires, et à la zone suivante que nous allons étudier maintenant. 2 Quartiers de l « sone de brassage). Cete zone retrouvée par les sociologues dans les grandes cités des divers pays, a été définie ainsi, provisoirement, pour Paris Elle comprendrait les cinquième, sixième et septième arrondisse¬ ments, une partie des huitième, neuvième et dixième, et la partie inté¬ rieure des arrondissements périphériques. «La marge frontière entre cette zone et la suivante se situerait, la plupart du temps, au milieu de ces arrondissements du pourtour; dans certains endroits, elle épouserait l’enceinte dite « des Fermiers Géné¬ raux ». Nous nous trouvons ici en présence de la zone, que Burgess au¬ rait appelée zone de transition: et Queen et Thomas, zone de détériora¬ tion. Burgesse notait pour Chicago, qu’il existait, autour du noyau central. une zone particuherement défavorisée du point de vue matériel et moral. 39 G MAYER-MASSE DÉLIRES CHRONIQUES 1948 et 1950 Hommes et femmes le « Slum » où l’on constate, entre autres faits, unc forte criminalité Pour, nous, il s’agit en plus, d’une zone d’adaptation culturelle. Il existe en effet, un lien entre la détoriation sociale et le brassagc des populations au milieu duquel se font les rapprochements et les échanges culturels Mais il n'’est pas toujours possible de détcrminer qucl est le fait premier. Parmi les causes de l’existencc de cette zone, particulièrement favorable à l’acculturation, nous constatons, à côté de la proximité du quartier de affaires, le fait que les grandes gares, qui s’y trouvent situées, sont des centres particulièrement favorables aux brassages. C’est là, que nous rencontrons les quartiers chinois et nord-africains de la gare de Lyon certains quartiers de Montparnasse, etc.. (1). (1) P. H. Chombart de Lauwe, op, cit, tome I. chap. I. 40 ÉTUDES DE SOCUTPSYCHATME Cette zone se retrouve ici très nettement dans sa partie la plus orien¬ tale, les quartiers à taux élevés, forment un arc de cèrcle continu du 16 au 13" arrondissements inclus, passant par le 2°, le 20 et le 12°; les quar¬ tiers a centraux » de cette zone: Saint-Germain-des-Prés et le «Quartier Latin , se retrouvent également: de même le quartier Necker, dans la moitié est du Is°. Cette zone est interrompue, dans le 14°, par le quartier Montparnasse, mais ceci est sans doute artificiel, la moitié nord de ce quartier n’étant que le prolongement du quartier Notre-Dame-des-Champs (boulevard Raspail, avenue de l’Observatoire..) que nous avons éliminé à cause de son «standing » trop élevé. 3° Zones Péribhérioues. a) r° sone béribhénique. Elle groupe : Le quartier Pont de Flandres dans le ro’ arrondissement; Les quartiers Parc Montsouris et Plaisance, dans le 14°; Et les communes de Malakoff. Montrouge. Gentlly, qui forment un ensemble avec ces deux quartiers du 14. Cette zone est la limite des » et 4° zones décrites par Chombart de Lauwe (r):, elle est une zone de transition, entre la ville et la banlieue proche, à population mi-résidentielle, mi-active. b) 2° sone Béribhérique Elle se situe au niveau de la ligne du Kilomêtre 1o. Nanterre, Ville¬ neuve-la-Garenne. lle Saint-Denis. Le Bourget. Nogent-sur-Marne, loin¬ ville. Vitry, Bourg-la-Reine, Fontenay-aux-Roses. Cette zone est également une zone de transition: elle est à la limite des 3e et se zones décrites par Chombart de Lauve (2), qui sont l’une. celle des grandes et très grandes entreprises à population active très im¬ portante (Panhard. Citroen), et l’autre, celle de la banlieue moyenne à population active faible et population résidentielle forte. 4° En dehors de ces zones, Bonneuil se trouve isolé au milieu de loca¬ lités à taux faibles ou nuls. On peut se demander s’il existe un rapport entre ces taux élevés et de mauvaises conditions de vie, j’entends des conditions matérielles mau¬ vaises. Ainsi, parmi les quartiers du centre, dans les quartiers Bonne¬ Nouvelle. Enfants-Rouges et Saint-Gervais, les conditions matérielles sont très mauvaises, mais elles le sont aussi pour les quartiers voisins, à taux faibles ou nuls (3). Nous avons pris comme critères des conditions de vie — le revenu moyen par contribuable. — le nombre d’habitants par pièce. — et, le cas échéant, les quartiers où moins de 360% des logements on le gaz, l’eau, l’électricité et les W.C. () OD, cit, tome L. Chap. H. (2) Ibid. (6), Reppelons que les locolités à revenus moyens suptrieurs 900 franes par à sont exlues. G. MAYERMASSÉ 41 TABLEAU DES CRITÈRES Quartiers du centre De ces critères, nous avons extrait les revenus moyens par contri¬ buable; ils permettent un classement des localités, que l’on peut comparer au classement suivant lès taux de morbidité. Le coefficient de corrélation entre ces deux classements, calcule d’après la méthode de Spearman, est de 0,02 pour les 63 quartiers de Paris considérés (T), et de 9 23 pour les 77 autres localités de la Seine (1). Pratiquement nul, par conséquent, pour Paris, ce coefficient est cependant significatif au seuil de P. — 05 pour la banlieue de la Seine où les localités plus aisées semblent donc y avoir plus de malades atteints de délires chroniques, que pour les localités plus pauvres. B. Psychoses alcooliques. Considérant ici les localités appartenant aux deux classes dont les taux sont supérieurs à la moyenne (L70), nous ne retrouvons pas de zones concentriques, mais des groupes ou encore des localités isolées. Le calcul du coefficient de corrélation, entre le revenu moyen par contribuables et le taux d’alcoolisme, donne ici : — 9,62 pour Paris. — 9,r5 pour la banlieue de la Seine. Pour Paris, ce coefficient est tres significatif et traduit d’une façon certaine, une corrélation entre les deux phénomènes En effet, les quartiers des deux premières classes, se répartisent 6 ainsi: Mue Ppelons que les jocaltés à rovenus moyens superieurs à 5000 franes par a sont ETUDES DE SOCIO-PSYCHIAITRIE 42 r° Ceatre. Une forte densité se retrouve dans le centre; dans les quartiers Saint¬ Germain-l’Auxerrois, les Halles. Bonne-Nouvelle. Arts-et-Métiers, Sainte¬ Avove. Saint-Merri. Saint-Gervais. Ces quartiers sont attenants et forment un novau central. Ce sont des quartiers déshérités; moins de 36 9% des logements y ont eau, gaz, électricité. W.-C.: (le quartier Saint-Germain-l’Auxerrois se trouve rattaché à ce novau d’une façon artificielle, car il ne compte que 1.000 habitants et le séul cas qui s’y trouve, donne un taux de 2,50 pour r.000 habitants). 2° Est Ce sont: Combat, Belleville, Père-Lachaise, Saint-Ambroise, Sainte¬ Marguerite, dans les 19, 20, 2° arrondissements. (Notons, que dans ces trois arrondissements, les décès par tuberculose sont très élevés — 66 au plus par 10,000 habitants en ro48). PSYCHOSES ALCOOLIQUES 1048 et r950 Hommes et femmes Denis. Picrcfitt. Villencuve-la-Carenne. Gennevilliers, où les revenus G. MAYER-MASSE 43 DSYCHOSES ALCOOLIQUES r948 ct ro50 Hlommes et femmes 3° Sud-Est. Les taux y sont très, élevés (2,33 - 2,86 - 3,24 - 4,00): ce sont les quartiers Bercy. Quinze-Vingt. Salpétriere, la Gare dans les 12 et 13 arrondisscments, et plus au nord, le quartier Saint-Victor, dans le 5 arrondissement. Dans cette région se trouvent donc Bercy et la Halle aux Vins. (Dans le 1x aussi la mortalité par tuberculose est très élevée — (6 dé¬ ces ou plus par to oo0 habitants en 1948). 4° Nord. Ce sont dans le I8, les quartiers Goutte d’Or et La Chaplle. Ces quartiers sc rattachent à tout un groupe, qui comprend aussi: Saint¬ 44 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRE moyens sont aussi très bas. Les quartiers. Goutte d’Or et La Chapelle. sont justement les plus défavorisés par rapport à leurs voisins du ro et du 18° (cf, tableau). TABLEAU DES CRITÈRES Quartiers: Plaisance,. Goutte d’Or La Chapelle et leurs voisins 5° Sud. Un seul quartier: Plaisance; il est aussi le plus défavorisé par rap¬ port à ses voisins des 14’ et 15 arrondissements. Tout ceci confirme qu’il doit exister un rapport entre de mauvaises conditions de vie et la fréquence des psychoses alcooliques. Cependant, ce facteur n’est peut-être pas déterminant, puisque certains quartiers où les conditions sont mauvaises, présentent des taux très faibles (par exemple, dans le centre. Vivienne. Enfants-Rouges. Arsenal. Notre¬ Dame). Pour la banlieue, le coefficient de corrélation (-9.I5), n’est pas significatif. Examinant alors de plus près la répartition des localités à forte mor¬ bidité dans la Seine, en déhors de Paris, nous vovons que toutes, sauf upe. ont cependant un revenu moyen inférieur ou égal à la moyenne. Mais ici. de nombreuses autres localités à revenu très bas, ont des taux de morbi¬ dité très faibles. D’autres facteurs interviennent donc, et de mauvaises conditions matérielles ne sont pas suffisantes pour déterminer une forte morbidité; ainsi, il est à noter, que dans les localités à forte morbidité. la population active est très peu dense (1). (Une seule exception: Saint-Denis Cette commune à revenu moyen très bas, fait corps avec les deux quartiers, Goute d’Or et La Chapelle. G MAYER-MASSE 45 où nous trouvons des conditions analogues). Il y aurait peut-être là un fait à rapprocher de celui qu’ont découvert les Docteurs Dublineau et Angelergue (1), à savoir que les alcooliques sont généralement des soli¬ taires, qui ne participent pas à des activités en commun, ceci aussi serait à vérifier d’une façon concrè̂te. C. Démences séniles. Nous retrouvons ici des coefficients de corrélation, entre taux de morbidité et revenus moyens, exactement comparables à ceux des dé¬ lires chroniques: — 9,02 pour Paris. — 9,21 pour la banlieue de la Seine. Les remarques à faire à ce probos sont donc les mêmes, et nous n’y reviendrons pas. DÉMENCES SÉNILES 1948 et roso Hommes et femmes 46 ETUIDES DE SOCIO ESYCLILATRIE DÉMENCES SENILES 1948 et 1950 Hommes et femmes En ce qui concerne la répartition géographique des localitée à forte morbidité, ob ne retrouve pas la répartitiop en zones concentriques de la carte des délires chroniques. Ces localités sont disséminées sans ordre apparent, à noter cependant trois groupes importapts 2) Centre: Quartiers Palais-Royal. Caillon, Mail,. Bonne-Nouvelle, Arts-ct¬ Métiers. Saint-Avoye, Saint-Merri, Saint-Gervais. 6) Groupe du nord. Quartiers Saint-Vincept-de-Paul Coutte d’Or, commupes de Saipt Denis La Courneuve Stins. Le quarier dlu Eaubours Montmartre relant C° SH SPPS: 1048 et 1950 6 MAYEE MASSE 32 c) Groupe du nord-ouest:. — Levallois. Clichy. Asnièrs. Genncvilliers. L — LE DOMICILE DES MALADES DANS PARIS A) Délires chroniques. B) Psychoses alcooliques. C) Démencs séniles. Il scrait fastidieux d’énumérer ici tous les ilots où se trouvent de fortes concentrations de malades. Ceci n’a d’intérêt que pour les chercheurs. qui iront sur le terrain examiner avec précision ces ilots. Citons sculement quelques exemples choisis parmi les délires chro¬ niques et les démences alcooliques, et nous montrerons ce que l’on peut en tirer à la lumière des études sociologiques déjà faites. A Détires chroniques. Les malades sont nombreux dans les quartiers des gares, en parti¬ culier de l’Est et du Nord. Ceci est en rapbort avec ce que nous signa¬ lions de la fréquence des délires dans les zoncs où sc fait le brassage de populations. DÉLIRES CHRONIQUES Lieux de domiciles - Hommes et Femmes Bellan et Saint-Sauveur: ETUDES DE SOCIOPSYCHAIRE 48 En outre, comme nous le disions, ils sont souvent groupés en ilots: c’est particulièrement net: — Dans le 3° arrondissement, où, sauf un cas, tous les autres (six cas) se trouvent près de la place de la République, entre la rue Turbigo et la rue de Turenne. — Dans le 4, rue Saint-Paul, à l’extrémité de la rue de Rivoli et à l’ouest de la rue de Turenne. — etc... B. Psychoses alcooliques. On ne trouve pas ici de concentration particulìre aux alentours des gares, si ce n’est la gare de Lyon; or, il faut tenir compte de l’influence de Bercy dans cette région. Mais, comme pour les délires chroniques, nous retrouvons certains ilots à forte morbidité, se détachant très nettement au milieu de zones à morbidité faible ou nulle; — Dans le 2° arrondissement, un ilot dans le quadrilatère, formé par la rue Saint-Denis, les rues Etienne-Marcel, Montmartre. Léopold¬ PSYCHOSES ALCOOLIQUES 1048 et rO50 Hommes et femmes G. MAYER-MASE (1) L. Cowyreur in Paris et l’atolomération parisienne, op, cit, tome L. chap. VHI. 49 — Dans le 4° arrondissement, entre le boulevard de Sébastopol et la rue Saint-Martin incluse, et aussi, entre la rue du Temple et la rue de Turenne, rue de Rivoli et au Nord de celle-ci: — Dans le s° arrondissement, derrière la Halle aux vins: — Dans le Ir° arrondissement, il n’y a pas un seul cas dans le quar¬ tier de la Folie Méricourt, excepté à la limite qui le sépare du ro arron¬ dissement (rue du Faubourg du Temple), par contre, on rencontre un ilot dans le quartier suivant: Saint-Ambroise, au nord de la place Vol¬ taire: — Dans le 12° arrondissement, un ilot aux alentours du carrefour de Rambouillet: — etC... Quelle est la signification de ces ilots2 Avant tout, il faut s’assurer qu’un grand nombre de cas en un point ne correspond pas, tout simplement, à une forte concentration d’habitants en ce point. Cette précaution prise, on peut rechercher, dans les études monogra¬ phiques (encore peu nombreuses) faites par les sociologues, quelques données apportant des éclaircissements sur ces répartitions inégales. C’est le cas, par exemple, pour deux régions du 12° arrondissement: T° Les alentours de la rue de Reuilly et du carrefour de Rambouillet (lieu de rençontre des rues de Charenton, de Rambouillet. Chaligny et Crozatier), où se trouvent environ 25,000 habitants. 2° Le secteur limité par les boulevards de Beuilly l’avenue Dau¬ mesnil, l’avenue Michél-Bizot, la rue de Charenton, qui groupe environ 50,000 habitants. La concentration humaine est plus forte dans la première région. l’habitat y est., « plut̂t vétuste, souvent groupé en de nombreuses e profondes courées: (1), tandis que dans le 2, l’habitat y est, meilleur les logements moins entassés. Le nombre de psychoses alcooliques rapporté à 19,000 habitants. est à peu près 4 fois et demie plus grand dans la première que dans la se¬ conde (4,4 contre r.o pour 19,000 habitants). Pour les délires chroniques la différence eviste mais à un moindre degré: 2 cas pour ro oo0 dans le rr secteur, 1,4 dans le 2. Dans ces secteurs, les affections que nous étudions, sont donc plus fréquentes quand la population est, plus dense. Ceci est très net pour les psychoses alcooliques, beaucoup moins pour les délires chroniques. Les cas de délires chroniques, sont encore relativement nombreux dans le deuxième secteur; étudions donc leur répartition dans cette zone. qui a été étudiée en détail et divisée en « unités résidentielles » avant chacune leur vie propre: Un cas se trouve en bordure, avenue Daumesnil, qui est une large artère; ÉTUDES DE SOCIOESYCHIATRIE 50 — Deux cas, rue Taine; — Deux cas, dans l’unité dite;, « carefour des Fonds-Verts). Or. «un habitat neuf s’allonge en bordure des 24 M. de la rue Taine, sur une pente plantée d’arbres. Tout un quartier résidentiel, qu’ornent des fa¬ cades bien conservées, respire le calme d’une population aisée qui tient « à son intérieur ». Groupé vers le bas de la rue, le commerce de l’ali¬ mentation tient une place bien moins importante que d’autres, comme celui de l’habillement ». Pour le carrefour des Fonds-Verts. « La rue de Charenton, les En¬ trepôts de Bercy, la gare Nicolai avec la ligne d’autobus 6%, les dépôts commerciaux du r3°. Gare, l’axe Daumesnil-Alésia-Auteuil amènent une circulation roatière assez importante.. Rendue difficile par la survivance d’un petit ilot très vieux, cette circulation ne permet pas à une vie de petit quartier de s’épanouir » (1). Un facteur de plus semble jouer ici, pour les malades atteints de délire chronique; l'’absence de « vie de petit quartier ». DÉMENCEe SÉNILES 1048 et 1050. Hommes et femmes (1) L. Couvreur in Paris et taootomnération prisienne, 9p, cit, tome L, chap. VII. G. MAVERMASSE 31 Mais, il ne faudrait pas s’emparer trop vite d’une telle conclusion¬ les cas sont trop nombreux. Nous avons seulement voulu suggérer le tra¬ vail d’analyse, qui sera possible quand se multiplieront les études détail¬ lées de Paris. . si notre champ de prospection statistique peut être élargi. CONCLUSION ET CRITIQUE Ce travail cherche à définir une méthode pour l’étude sociale des maladies mentales — méthode qui s’inspire de travaux américains (1,2,3), mais qui en diffère en ce qu’elle s’intègre dans une étude socio¬ logique d’équipe. Il s’agit de confronter les données de la sociologie et de l’hygiène avec la répartition spatiale des malades. Cette répartition spatiale est ici figurée, non seulement par les classiques cartes de taux de morbidité par secteur administratif, mais aussi, par des pointages exacts de domiciles. Ceci permet une analyse beaucoup plus détaillée des phénomènes étudiés. puisqu’un même secteur administratif comprend des zones, qui peuvent être très différentes les unes des autres du point de vue de leur vie sociale. Nous avons commencé à appliquer cette méthode pour la Seine. voici nos conclusions: T° Les résultats les plus significatifs que l’on peut tirer du calcul des taux de morbidité sont les suivants: A) Les localités à taux élevés de délire chronique, se distribuent en zones concentriques, qui sont des zones de transition entre des habi¬ tats différents ou entre des cultures différentes. B) Il existe pour Paris un coefficient de corrélation très significatif. négatif, entre les taux de psychoses alcooliques et les revenus moyens des contribuables. 2° La méthode par pointage des lieux de domicile, nécessite pour être valable, un très grand nombre de cas. C’est dire qu’elle doit mettre en œeuvre des moyens plus vastes que les nôtres. Il faudrait répartir les re¬ cherches sur un plus grand nombre d’années, afin de disposer d’un plus grand nombre de cas. Ceci aurait un autre avantage; celui de pouvoir classer les troubles mentaux en catégories moins générales. 3° Nous n’avons étudié ici que le « Paris prolétarien »: une étude complête exigerait le dépouillement de données fournies par les clini¬ ques privées. De plus, on ne peut séparer l’étude sociologique de la Seine. de celle du reste de la banlieue, et il faudrait avoir recours aux établisse¬ ments des autres départements qui la composent. ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 52 TABLEAU DES TAUX DE MORBIDTTÉ PAR QUARTIER Rapportés à 19,000 habitants G MAVER-MASE 53 32 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE TABLEAU DES TAUX DE MORBIDITÉ PAR LOCALTTE DE LA SEINE (Rapportés à 19 000 habitants) G. MAYER-MASSÉ 62 ETUDES DE SOCIO-ESYCHIATR 56 BIBLIOCRAPHIE Pr. JOANNON. — Orthosomie. Le Concours Médical, 20 mars, 6 avril, 13 avril 1952. P. 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TORRUBLA Tout exposé sur le milieu en pathologie mentale, enferme en lui¬ même la vieille querelle étiologique, sur le rôle respectif des conditions «sociales », « héréditaires » ou «constitutionnelles » des maladies men¬ tales. Nous ne pouvons raisonnablement pas, dans un bref exposé, intro¬ duire un tel débat (2). Qu’il nous sufise de dire cependant que le rêle du milieu est impli¬ citement ou explicitement adiis dans toute conception psychopatholo¬ gique. La discussion porte essentiellement sur les mécanismes d’action et sur l’importance étiologique des «conditions sociales ». Les concep tions les plus « constitutionnalistes » sont bien obligées d’introduire la notion de causes dites « déclenchantes ». Il n’est guère possible en effet. d’aborder le malade mental sans tenir compte à la fois de son individua¬ lité et de son entourage, et ceci non seulement au moment présent, mais encore dans l’histoire autant biologique que sociale qui le précède. La formation d’une personnalité est une résultante historique qui¬ seule, peut nous permettre de comprendre son comportement actuel dans une situation dohnée. Néanmoins le terme « histoire », si souvent em¬ ployé, implique une telle complexité d’éléments, que son étude analyti¬ que et synthétique pose de difficiles problèmes de méthodologie. D’après quel critère faut-il décider quels sont les faits, qui doivent retenir notre atfention par leur importance historique2 On concoit facilement, que dans cette appréciation, les conceptions psychopathologiques de celui dui aborde ces problèmes, peuvent jouer un rôle déterminant. Mais aussi, devant toute histoire individuelle, on se trouve en face de deux séries de faits, les faits tels qu’ils sont racontés par le malade 60 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHATRE d’après sa propre vision des choses, et les faits tels qu’ils se présentent à nous, en dehors du caractère « subjectif » qui leur est imprimé par le malade lui-même. Cette dualité a pesé lourdement sur le concept même du milieu, et tantôt, c’est l’aspect subjectif qui a prévalu, tantôt, ce sont les facteurs « extérieurs », les « circonstances sociales » qui ont été privilégiés. Les différentes techniques de recherche semblent se ressentir d’ail¬ leurs de cette dualité. La cinique en effet, par sa méthode même, fait apparaitre plus facilement l’importance de cet aspect subiectif » du milieu, l’importance relative de certaines situations par rapport à chaque individualité. Les méthodes statistiques par contre, metent en évidence l’importance pathogène de certaines conditions sociales. Cette double constatation, ne peut manquer d’avoir une grande signification. Comme le souligne Le Guillant, il n’est pas facile en effet de séparer dans une influence de milieu, « ce qui parait particulier à l’individu, et ce qui tient au groupe auquel il appartient » (). Les travaux sur l’incidence pathogène de l’immigration (et de la transplantation en général), sont fort anciens. Déjà, en 1880. Spitzka (2) sur 2,207 malades trouve une forte proportion d’immigrés. Même constatation de Briggs (3), dans des statistiques qui vont de 1850 à TOTO (Massachusets). White, (4), signale le rôle pathogène de la concen¬ tration dans les villes amérioainés (1903), se peuplant rapidement de sujets d’origine rurale. Pollock et Nolan (5), à partir de statistiques faites sur la démence précoce entre 1912 et IOr8, dans les hopitaux de New-York. trouvent 75,2 malades pour 190,000 habitants originaires du pays. contre 161,4 nés à l’étranger. L’interprétation qu’on en donne semble graviter autour de l’isole¬ ment, des phénomènes de dépaysement, de « nostalgie », d’inadaptation urbaine (6), de l’écart important entre la culture d’origine et les insti¬ tutions nouvelles (7). L’incidence pathogène de l’immigration nous a paru une bonne base de travail. Il nous semblait, en-effet, qu’un des aspects essentiels du pro¬ blème posé par l’action du milieu était le décalage qui s’établissait entre (1) EVOI psYchlatr, ne 1, 1954, p. 6. (2) Journ, O4. Nerv, and Mental dis, 1880. (3) Am. J. of Psychiatry, 1928. (4) The Geographical distrtbution ot insanity. Nat Geogr. Mag, 1903. (5) The State Hospital Guaterly, 1919. (6) Citons, à titre documentaire, que d’après Félix et Boyyers, les indivdus appar¬ tenant à des minorités raciales et ethniques, dans une zone donnée, présentent un taux de morbidité peaucoup plus élevé que célui du groupe dominant. (Mentat Hugtene and socioenvironmentat factors. The Milbank Memorial Fund Quarterly, apri 1948). A ET H TORRU8A 61 les exigences d’une situation donnée et les possibilites que possède un individu déterminé pour y répondre. Cela nous a amené à rechercher dans quelle mesure l’influence pa¬ thogène de l’immigration était statistiquement décelable. Notre statistique a été réalisée sur rI. I7s malades avant passé par le service de l’Admission du Centre Psychiatrique Sainte-Anne. Nous remercions ici vivement le docteur X. Abély de nous avoir autorisés à utiliser ses archives. TABLEAU 1 Femmes Pour satisfaire aux conditions de la statistique de référence (1). nous n’avons recensé que les malades résidant dans le département de la Seine (2). Ceci nous permet de grouper les malades suivant leur ori¬ (1) Recensement de 1946 des résidents du département de la Setne (LNSEE.). (2) Pour éviter, dans la mesure du possible, les erreurs dues à l’incidence de l’Âge nous n’avons tenu compte, dans nos statistiques, que des malades agés de plus de 14 ens Blen entendu, nous avons effectué une opérâtion semblable en ce qui concerne le recen¬ sement de 1946 de la populetion de le Seine. ETUDES DE SOCIOPSYCHIATRE 62 TABLEAU II Hommes gine et de préciser l’importance statistique de chaque groupement. Il nous a paru intéresant de séparer les hommes des femmes. En ce qui concerne les femmes nous en avons recensé6, 127. Pour éviter les erreurs dues à de petits nombres, et pour mieux faire apparaitre la signification générale de nos chiffres, nous avons groupé certains départements d’origine en régions (1), qui nous ont paru pré¬ senter des caractéristiques économico-sociales, dans une certaine mesure comparables (2). En ce qui concerne les hommes, nous avons recensé s.948 malades. On s’apercoit que le taux de morbidité s’acroit considérablement de la Seine à la, province, puis à l’étranger et enfin à la France d’Outre¬ d) on trouvera le détail de ces groupements en annexe. (27 Daprès IINED A.ET H. TORUBIA 63 Mer (r). Ilsemble donc bien y avoir un rapport entre le taux de morbidité et l’écart entre le milieu d’origine et le nouveau milieu de résidence. Il est à remarquer d’ailleurs, qu’il n’y a pas une corrélation identi¬ que, entre la catégorie femmes et la catégorie hommes. Pour cette der¬ nière, les différences sont moins marquées, sauf en ce qui concerne les malades originaires d’Outre-Mer (2). Ce fait pous parait intelligible, si on se représente combien d’une, manière générale l’apport éducatif tra¬ ditionnel est plus important chez les femmes. Nous devons, par contre, écarter rapidement un certain noinbre d’objections. La première concerne la capacité intellectuelle, le « niveau mental » des sujets originaires du département de la Seine et de la pro¬ vince, comparé à ceux des immigrés, que beaucoup tiennent tout natu¬ rellement pour inférieur. On peut soutenir, (et nous pensons pouvoir l’af¬ firmer, à partir d’observations individuelles), que c’est le contraire qui correspond à la réalité. Les sujets moins doués, demeurent au pays comme il est naturel (3). Nous avons souvent été frappés des qualités intellec¬ tuelles dont témoignaient, malgré leur faible niveau d’instruction habi¬ tuelle, certaines de nos malades provinciales, et de la lucidité avec la¬ quelle elles vivaient les problèmes -posés par leur existence parisienne. D’ailleurs, la raison de leur émigration est le plus souvent d’ordre écono¬ mique: familles nombreuses, bas niveau de vie, etc. Une deuxième objection consiste à prétendre que le trouble psycho¬ pathique suit immédiatement l’émigration, qu’il est lié à des dificultes d’adaptation dues à un bas niveau intellectuel. Elle ne nous parait pas valable. Nous sommes d’accord avec Sivadon, pour qui le conflit patho¬ gène n’apparait que d’une manière relativement tardive, au cours du processus d’assimilation (4). En règle générale, c’est plusieurs années après l’arrivée à Paris, que le trouble mental apparait. Une autre objection, enfin, concerne le rêle de l’alcoolisme Pour les hommes,: son influence est considérable. L’alcoolisme des malades originaires de la province, est nettement supérieur à celui des malades originaires de la Seine (34 2% contre 23 9%, d’après nos calculs). Il est cu¬ rieux de constater que si on retranche les alcooliques hommes des statisti¬ ques, les taux d’internement pour la province et la Seine, s’égalisent sen¬ siblement, Par contre, en ce qui concerne les femmes, le rôle de l’alcoo¬ lisme apparait réduit, et en, tout cas, il ne modifie pas sensiblement le taux de morbidité par rapport au lieu d’origine, Par ailleurs, nous avons vu, que c’est précisément chez les femmes, que l’influence morbide de (1) Pour nous conformer eux conditions du recensement de 1946, nous avons dû Inclure dans le territoire de la France d'outre-mer, les départements d'Algérie. (2) Ce taux considérablement plus élevé de sulets (hommes), originaires de la France d’outre-mer, élgériens en malorite, nous parait explicable par une émigration nombreuse après les reensements de 1946, et par les condittons de Me parttculièrement pénibles de cette population. (3) Nous avons voulu préctser cet aspect du probleme et nous avons trouvé dan nos statstiques un teux de débilité mentale chez les femmes de 37 p. 1.00 malade priginaires de le proyince, contre 64 p. 1.000 de la Seine, 28 p. 1.000 de la France d’outre mer et 20 p. 1.00 pour les ́tiancers. Et, pour les honmnes, de 53 p. 170 origtnaires de a province, contre 133 p. 100 de le Seine, 37 p. 1.00 de la France d’outre-mer et 21 P. 1000 pour les étrangers (4) Article cité. 84 éTUDES DE SOCIOPSYCHLATRIE de l’immigration apparait le plus nettement. Il semble, que chez les hommes, le malaise lié aux contradictions et aux conflits secondaires à la transplantation, s’exprime davantage — et peut-être dans une cer¬ taine mesure se résout — dans l’alcoolisme. Nous ne sommes pas en mesure d’interpréter les diffrences dans les taux de morbidité en fonction des différences, d’origine. Pour mieux les faire ressortir, nous avons établi des cartes dans lesquelles s’expriment graphiquement les taux proportionnels de morbidité chez les immigrants selon leur lieu d’origine. Nous avons groupé les hommes et les femmes dans une même carte (Fig.1), pous avons également établ une carte (Fig,2) par départements. EIGURE T Taux de morbidité pour les malades résidant dans la Seine en fonction de la région d’origine (rapportés à 190,000 résidents du groupe considéré) A. et H. TORRUBIA 65 FIGURE 2 des psychopathes internés dans la Seine. Nous recherchions dans quelle mesure on pouvait comparer cette carte avec d'autres cartes, exprimant la plupart des aspects socio-économiques du pays: indice du niveau de vie taux d'illétrés, etc...(I) Dans la mesure où ces données sont significatives d'un certain mode de vie nous pensions qu'elles pourraient nous fournir d'intéressantes corrélations. Ces comparaisons ont, en réalité été assez décevantes. A (I) Cf. Etudes et Conjonctures, 1952 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRE 66 côté de certaines corrélations, on note aussi un grand nombre de discor¬ dances. Si le rôle pathogène de l’immigration parait statistiquement se ma¬ nifester, ses données sont cependant assez grossières et difficilement ana¬ lysables. Surtout lorsque nous nous trouvons devant des chiffres globaux concernant des régions entières peu homogènes, ou d’une masse de pays diff́rents englobés sous la rubfique « étrangers » ou « France d’Outre¬ Mer ». Chercher à étudier le phenomene migratoire à l’échelon départe¬ FIGURE 3 Taux de morbidité pour les malades résidant dans la Seine en fonction de la région d’origine (rapportés à 190,000 résidents du groupe considéré) A. ET H. TORRUBIA 67 mental est aussi artificiel, car celui-ci n’est en fait qu’une unité adminis¬ trative. entre les hommes et les femmes. Elle s’exprime, non seulement dans le Il y a cependant lieu de souligner, la différence que l’on observe taux de morbidité, mais encore dans le rapport avec le lieu d’origine, et même dans des grands ensembles régionaux (Fig., 2 et 3). Voulant cependant serrer statistiquement le problème de plus près. nous avons choisi la Bretagne pour étudier le phénomène migratoire à un échelon plus réduit. Il nous a paru, en effet, que la Bretagne avait des caractéristiques régionales plus nettes que le reste de la province française, et était plus fermée aux influences extérieures. Nous avons établi une carte par canton des taux de psychopathes bar rabbort à la bobulation émigrée résidant dans la Seine. Nous voulions comparer ces cartes avec celles établies par M. Y. Poupinot (1), (que (1) stetistique de 849 maledes. M. Y. Poupinot nous a fourni les nombres - établis d’après les listes electorles de Bretons émigrès classés selon l’origine cantonale, ce qui nous a permis d’établr une corrélaton avec pos données statistiques. Il est certein cependant, que les corrélations établies avec les chiffres des électeurs exigent une inter¬ prétation prudente. Malheureusement l'INSEE n'a pas établi des statistiques sur 'ortgine cantonale éTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 68 nous remercions ici vivement, de bien avoir voulu les mettre à notre dis¬ position). Ces cartes portent sur des nombreux aspects significatifs du mode de vie et de l’idéologie dominante, dans des zones relativement limitées et supposées homogènes: usage de la langue bretonne, port du costume, fréquentation de l’école laique, vote aux élections législatives. etc. Si nous comparons nos cartes (Fig, 4), avec celles de M. V. Poupinot concernant l’usage courant du costume breton et de la langue bretonne (Fig. 5), une coincidence générale apparait bien qui tend à appuver l’hypofhèse de travail: plus les façons de faire et de benser du passé sont conservées, plus la transplantation risque d’être pathogène. Cette coin¬ cidence générale est plus sensible dans la rébartition bar arrondissements. Convergence d’ailleurs, qui parait plus nette encore chez les femmes (Fig. 6 et 7). Nous devons cependant à la vérité de dire que là s’arrétent les confirmations valables obtenues par ce travail. D’études faites sur place. ressort d’ailleurs l’extrême hétérogénéité des populations, même considérées à l’échelle du canton. C’est ainsi que, dans une petite commune, Ploban¬ FIGURE 5 Usage courant du costume national A ET H. TORRUBIA P palec (Fipistère), il existe une diff́rence radicale entre les habitants du bourg (Ploubannalec), situé à quelque 2 Km de la mer, et ceux d’un port de pêche (Lesconil), situé sur la commune. Il n’est presque pas d’as¬ pects de leur mentalité (façon d’être, rapports humains, opinions), qui ne s’opposent. Comment introduire valablement dans une statistique les données provenant de Plobannalec, entité administrative au niveau de la¬ quelle, seulement, peuvent cependant être recueillis les, renseignements fondamentaux. Il est souvent impossible de séparer dans une localité du littoral la population de type paysan, de celle des marins-pécheurs. Or celle-ci, est à tous égards, différente du fait du mode de vie particulier de chacun de ces deux groupes sociaux. De même, certaines contradictions grossières s’expliquent tres bien par des situations locales: grandes villes, industries ou arsenaux, centres touristiques, etc, qui inversent littéralement le problème. Mais surtout, il est souvent bien difficile — et même impossible de donner une signification précise à certaines données statistiques, Par egemible, la frédluentation d’une école confessionnelle, contribue à coup FIGURE e FEMMES Répartition par arrondissements des émigrés bretons malades résidant dans la Seine résidant dans la Seine ÉTUDES DE SOCIORSYCHIATRE 20 sur, à former une certaine «structure mentale » chez l’enfant. Mais cela est souvent lié aussi à une certaine aisance, qui met à l’abri de l’émi¬ gration. Nous ne ferons guère état, dans l’exposé qui va suivre, des «fac¬ teurs de milieu » généralement invoqués dans certains travaux d’inspi¬ rations sociologiques: c’est-à-dire, de certaines conditions matérielles. comme niveau de vie, alimentation, habitat, bilan d’effort (travail. transport, activité domestique), etc. Il va sans dire que nous ne méconnaissons en rien le rôle de ces diffé¬ rents facteurs. Il est évident que l’ensemble des conditions de vie d’un individu intervient, et de bien des façons, dans la détermination de sa santé au sens le plus général du terme. L’activité nerveuse supérieure. peut être affaiblie par le surmenage, l’insuffisance du repos, par l’inquié¬ tude, par une affection organique quelconque, etc.. Telle « situation » peut être tolérée jusqu’au moment où une pertubation physique ou mo¬ rale vient rompre un équilibre jusqu’alors assez bien assuré. FIGURE 7 HOMMES Répartition par arrondissements des émigrés bretons malades A. ET H. TORRUBIA 21 D’ailleurs, ces conditions économiques, par exemple, ne sont jamais exclusivement matérielles. La plus simple comporte un contenu psycho¬ logique, au reste très variable, d’une complexité et d’une importance considérable. Il suffit, par exemple, de se représenter la situation réelle d’une famille nombreuse vivant, non pas même dans un taudis, mais dans les conditions locatives imposées à la plupart d’entre elles. Toutefois, il nous semble, avec bien d’autres, que l’étude de ces éléments constitutifs du milieu, ne nous permet pas de pénétrer vraiment les problèmes posés par la pathogénie des troubles psychopathiques, et ce n’est pas sur cet aspect des choses que nous faisons porter notre eftort d’élucidation. Nous soulignerons seulement ici, que le mode d’action de ces fac¬ teurs est généralement représenté sous une forme unilatérale, assez mé¬ canique. Une condition donpée, zun facteur », agirait sur un individu concu plus ou moins comme un objet recevant passivement cette action et celle-ci le transformerait dans un sens déterminé. La profondeur de cette transformation, ne serait fonction que de l’intensité ou de la durée du facteur, et de la résistance (biologique habituellement) de l’individu. Sans nier le pouvoir d’action, en quelque sorte directe, de certaines conditions, surtout lorsqu’elles sont très puissantes et prolongées, l’essen¬ tiel d’une influence du milieu, tient surtout à la façon dont elle est recue. à la réaction qu’elle suscite en retour, aux actions qu’elle provoque et qui sont susceptibles de transformer le sens de leur portée. Comme le soulignait Le Guillant (1) : C’est donc en fonction de l’individu qui y est soumis, que l’action du milieu doit être comprise Mais l’individu n’est lui-même qu’une résultante historique. A tout moment, les « circonstances », les « événe¬ ments », le milieu, modifient l’individu et sont modifiés par lui. Il peut les subir, s’y soustraire, les surmonter et construire sa personnalité à travers ces interactions permanentes. La connaissance de cette histoire. seule nous permet de comprendre et de prévoir le comportement, actuel. sa réaction à une condition donnée. » Un aspect essentiel de ce développement historique des rapports individu-milieu — nous l’avons déjà dit — est le décalage qui s’établit entre les exigences d’une situation donnée et l’aptitude à y répondre que possède l’homme qui y est confronté. Comme l’écrivait notre ami Ange¬ lergues (2).. « L’organisation nerveuse, qui doit répondre à un moment donné à une situation donnée, est celle qui s’est formée dans les conditions anté¬ rieures et assurait, à ce moment-là, l’équilibre entre l’individu et son milieu. Pour assurer dans des conditions nouvelles un nouvel équilibre. elle doit se modifier. Cette modification est faite par les nouvelles inter¬ actions, entre l’individu et son milieu, lesquelles sont définies, d’une part. par la nature des nouvelles conditions de vie, et d’autre part, par les ca¬ ractères de l’organisation nerveuse fonctionnelle antérieurement acquise 72 éTUDES DE SOCIO-PAYCBIATRIE par l’individu. Ainsi correspond dans le temos à une situation historique donnée, une structure nerveuse fonctionnelle correspondant biologiaze¬ ment à une situation antérieure. Nous avons la, la réalité hxsiologique et osychologiaze du conflit. Il n’oppose pas un individu qui n’est dyna¬ misé que par une énergie vitale mythique à un milieu plus ou moins inerte qui s’opposerait aux manifestations de cette énergie, ou encore, au sein même de l’individu, des forces profondes inexplicables à une organisa¬ tion psychologique acquise par l’existence sociale; le conflit est entre une structure dynamique qui est le produit d’unités successives, dialecti¬ quement déterminées, entre l’individu et ses conditions de vie, et des conditions de vie nouvelles. Le conflit se situe entre les stades successifs de l’évolution historique et, il est à la mesure de la grandeur du décalage entre l’évolution de l’histoire et l’évolution de la connaissance.., » En ce sens le conflit se situe, entre une conscience actuelle du monde et les conduites qu’elle lui dicte, d’une part, et la façon de penser et d’agir resultant de l’expérience passée, d’autre part. Il semble ressortir de tous ces faits, (immigration, changement brus¬ que de résidence, situation minoritaire d’un groupe avec des caractéris¬ tiques idéologiques, ethpiques et culturelles propres au sein d’une collec¬ tivité..) l’existence d’un problème qui gravite autour des rapports so¬ ciaux entre les individus, Partant de cette hypothèse, nous avons tenté de mettre statistiquement en évidence ce, fait à partir d’autres donnees que celle de l’immigration. En effet, il nous est apparu qu’un grand nombre de malades du « Centre de Traitement et de Rééducation Sociale de Villejuif » où nous avons travaillé, étaient non seulement des immi¬ grées, mais des domestiques. Cette catégorie professionnelle, par son type d’activité, ses rapports spécifiques avec l’entourage et, dans la majorité des cas, de fréquents changements de résidence, nous semblait en effet rassembler un ensem¬ ble de caractéristiques d’un grand intérêt. L’un de nous, avec Camar, a recensé 456% malades femmes (1). Au point de vue de leur activité professionnelle, ces 4.56%2 malades se répar¬ tissent ainsi: Population active; 1.450 malades — Retraitées: rAs malades Sans profession : 2,210 malades — Sans renseignements: 748 malades Sur les 145s0 malades de la population active, nous avons relevé 182 bonnes. (1) Ce recensement a été effectué aussi dans le service d’admissionl du Centre psychiatrique Sainte-Anne. Nous n’avons pas tenu compte que des malades domiciliées dans le département de la Seine, ceci pour nous permettre d’établir des corrélations entre nos malades et les statistiques profesionnelles effectuées per l’LN.SEE. 73 A. ET H. TOSUBLA Nous avons été frappes de constater (T), que même dans les condi¬ tions les plus défavorables. (c’est-à-dire en supposant qu’il n’y ait au¬ cune « bonne à tout faire » dans les 748 malades dont nous avons pu obte¬ nir des renseignements quant à leur activité professionnelle) le chifre des malades internées de la catégorie a bonnes » est de 8,6 0%, tandis que dans la population du département de la Seine, il n’est que de 4,2 %%. c’est-à-dire dans un rapport du simple au double. Dans les conditions les plus favorables (c’est-à-dire, en supposant que les 748 malades appar¬ tiennent toutes à la catégorie « bonnes »), le chiffre serait de 13 2%, c’est à-dire, trois fois plus élevé que dans la population normale. (1) volct la méthode que nous avons suivie : Dans les statistiques établies par l’LN.SEE, sur le recensement de 1948, 6 engiobé dans la même rubrique les « bonnes, concierges et autres travailleurs sans quali¬ fication de service » (n° 8603 et 86,12 de la nomenclature analytique des métlers et activités professionnelles). Le détail de ces diverses activités professionnelles se trouve dons la publication de l’IN.SEE, 1947). Pour parvenir à des corrélations statistiques, nous avons donc du faire les mêmes groupements professionnels que l’ILN.S EE. Mais, d’eutre part, nous avons pu, en prol cédant par étapes, isoler pratiquement les bonnes des autres activités groupées par l’LNSEE. Dans une première étape, nous avons recherché dans la population active du autres travailleurs sans qualfication de services ». Elle est de 117016 femmes, soit 11 % de la population active. femmes malades), le nombre de « bonnes, concierges, etc. » est de 300, cest-à-dire 20 %. La diff́rence avec la populetion du département de la Seine (11 %) est donc Dahs une deuxième étepe, nous avons tenu compte du fait que, dans le recensement de 1936 on avait isolé le nombre des concierges du département de la Seine (54,180). Or, d’après l’URSAF, ce chiffre n’a pas varlé et on peut affirmer, sans craindre une erreur de nature à fausser sérieusement les statistiques, qu’il y à actuellement environ 5000 concierges dans le département de la Seine. Nous avons donc ainsi, dans la population active de la Seine: « bonnes et autres travailleurs, etc., sans les concierges : 62,016 », c’est-à-dire 5,8 % de la population active. En retranchant de même, dans notre propre statistique, les concierges (104) du La différence devent donc encore beaucoup plus significative. Dans une troisième étape, nous avons pu obtenir, de l’LNS E K, le chiffre de la rubrique no 86,03, comportant les seules « bonnes et concierges », à l’exclusion de la rubrique n° 86,12 (femmes de chambre, filles de dortoirs, bonnes d’enfants, etc.). Nous avons pu ainsi mieux isoler les bonnes des autres activités professionnelles, étant donne toutefois que les concierges sont encore incluses dans ce chiffre de 99,990 femmes. Mais comme nous connaissons, d’autre part, le nombre de concierges, nous pouvons prati¬ quement isoler les bonnes. Nous avons ainsi. rubrique n°86.03 (99990 femmes) moins les concierges = à 44.990 femmes, c'est à dire 42 % de la population active. la même opération, pratiquée à nouveau dans nos statistiques, nous donne le chiffre de 13 % (nous n’avons trouvé que six malades correspondant à la rubrique n° 8612) c’est-à-dire que, dans la population malade, nous trouvons un taux proportionnel trois fois plus élevé que dans la population normale. Cependant, une correction statistique reste à faire. Nous avons, en effet, dans nos statistiques, 748 malades (sur 4,562) à propos desquels nous n’avons aucun renseignement quant à leur activité professionnelle. Or, même en supposant que toutes ces malades travaillent et qu’aucune ne soit bonne, le chifre que nous obtenons est de 86 %. 2 ETUDES DE SOCOPSYCHIATRE Quel que soit le chiffre réel, il se situe entre les deux extrêmes et reste très significatif, même en tenant compte des erreurs qui peuvent s’introduire dans des calculs de cet ordre (1). Il est certain que les conflits et les situations pathogènes chez les do¬ mestiques, peuvent s’expliquer par la fréquente transplantation, les modifications brusques de milieu et en somme par des raisons semblables à celle de l’immigration. Cependant, dans le cas des bonnes, un fait doit — nous semble-t-il — retenir particulièrement l’attention. Il nous a semblé, en effet, au cours des examens individuels, que les conflits chez les bonnes, n’étaient pas la conséquence directe de ce qu’on appelle la « personnalité de base » ou la «culture d’origine. mais surtout des conflits gravitant autour du tybe de rabborts auec l’en¬ tourage qui est, dans ce cas, très particulier (intensité spécifique à la pro¬ fession, des rapports avec les patrons, lieu de travail et de domicile iden¬ tiques, etc). Nous nous sommes demandé, par la suite, si le problème ainsi pose devait se limiter à la catégorie socio-professionnelle des bonnes. En efet. d’une manière générale, le conflit nous parait être directement lié aux rapports sociaux de chaque individu, rapports qui sont à leur tour déter¬ minés, autant par les conditions matérielles d’existence que par la for¬ mation idéologique et culturelle de l’individu. Il nous a semblé ici nécessaire de présenter le schéma de deux obser¬ vations, pour essaver de mieux situer notre hypothèse de travail. Une remarque préalable s’impose cependant. Nous avons choisi à dessein. une malade dont l’internement est secondaire à une intoxication alcooli¬ que. Ceci ne veut pas dire pour nous, que les raisons qui conduisent à l’éthylisme et celles que conduisent à d’autres psychoses, puissent s’iden tifier. Cette question est loin d’être élucidée. Notre but est uniquement. en nious situant en dehors de tout problème nosographique, de tenter un essai d’éclaircissement de la notion de conflit, telle que nous l’entendons. Observstion n° 1. Madame R., née à Parce (Bretagne), en 1918. Au moment de sa naissance, son père est au front. Au retour de celui-ci (roro), départ de la famille pour Rennes, où le père a trouvé du travail. A l’âge de cind ans, décès de la mère, problablement atteinte de tuberculose pulmonaire. (1) Rappelons, à titre documentaire, que Clarck Robert, entre autres, a mis er évidence un rapport inverse entre troubles mentaux et le revenu et le « prestige professionnel. (Psychoses income and occupational prestige. Am. J. Soc, mars 1849. Dans un travail sur la schizophrénie, il a mis en évidence que les taux des états schizo phréniques est plus pas que la moyenne chez les gros propriétaires, commercants, prêtres ingénieurs, etc, tandis que ce taux est plus haut que la moyenne chez les ouvrier doinestiques, petits employes, garçons de course, etc En dehors de tout cadre nosographique, cet auteur donne, selon le taux croissanl des psychoses la classification socio-professionnelle suivante (étude faite sur 12168 ca d’hommes admis dans les hopitaux et cliniques psychiatriques de Chicago : 1° Gros pro priétaires, industriels, professions libérales: 2 Gros commercants: 3° Petits commer cants : 4° Employés : 5° Police, pompiers : 6° Prêtres, instituteurs, professeurs : 7° Ingé nieurs : 8° Maitrise et petits industriels : 9° Semi-professionnels (agents techniques 100 Vendeurs : 11° Coiffeurs: 12° Ouvriers qualifiés: 13° Petits pensionnaires : 14° Domes¬ tiques: 15° Ouvriers sṕcialisés, manœuvres : 16° Colporteurs : 17° Serveurs A. ET H. TONUBLA 75 La malade est placée sous la protection de l’œuvre Grancher, et mise en nourrice jusqu’à l’âge de treize ans dans un bourg paysan. A treize ans, elle est pensionnaire dans un couvent Vie extrême¬ ment sévère et rigide, absence d’affection familiale, humiliations fré¬ quentes (on lui laisse entendre qu’elle est élevée par charité). Très prati¬ quante, mais elle ne sait plus si c’est par conviction ou par obligation. Elle voit très rarement son père qui, à cette époque, était dans un hospice de vieillards. Son père meurt alors qu’elle a quinze ans. Elle en est frappée; elle a le sentiment d’avoir perdu «l’unique appui » qu’elle avait à l’exté¬ rieur, appui plus affectif que matériel, car elle est sous la tutelle des sœurs jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Placée comme « bonne à tout faire» dans une boulangerie, son travail y est dur, sans aucune liberté, ses rapports avec ses patrons sont mauvais. Elle quitte cette place au bout de trois mois et se fait reprimander par les sœurs. Placée de nouveau dans une ferme, elle y est très bien, mais doit rentrer dans une clinique du fait de troubles circulatoires des membres inférieurs. Elle revient au couvent, et on la place comme bonne supplémentaire pour la saison d’été en Normandie. A son retour, elle devient « bonne à tout faire » chez le directeur d’un journal régional elle y reste un an et demi. Elle est licen¬ ciée, son patron avant des difficultés économiques. Une nouvelle période commence. Elle a dix-neuf ans et n'’est plus sous la tutelle des sœeurs. Elle est « libre ». Toujours bonne à tout faire. elle est placée dans différentes maisons. Quelques aventures amoureuses. espoir de mariage décu. En r940, sous l'’occupation allemande, elle est placée comme cuisinière ches les Allemands, mais sans que cela ait pour elle un caractère politique quelconque. Elle reste avec eux jusqu’à la Libération. Sa dernière activité pendant cette période, consiste en tra¬ vaux de couture exécutés pour les Allemands dans l’Organisation Todd. Les Allemands partis, elle part pour Paris. Femme de ménage d’abord. elle est très isolée, ne connait personne. Grosses difficultés économiques. mal logée dans une chambre garnie. Puis, rentre comme ouvrière dans une usine. Elle vit alors un nouveau type de rapports humains avec ses camarades de travail, mais est lasse de vivre seule ou chez les autres. Peu de temps après, elle connait à l’usine son mari actuel, beauçoup plus agé qu’elle (65 ans), et qui vit seul aussi. Il lui fait une offre de mariage Elle le « prend au mot » et accepte tout de suite. Elle a surtout envie « d’avoir une maison à elle, d’être considérée, mariée ». Ils vivent en¬ semble pendant trois mois. Son futur mari se révèle d’un caractère dés¬ agréable, parle peu, ne sort pas. L’entente, d’emblée, s’avère difficile Mais, poussée avant tout par le désir d’avoir une « situation sociale », elle tient quand même à ce mariage. Peu de temps après, elle trouve son «vrai amour » : un ouvrier ra¬ moneur du même âge qu’elle. L’entente est excellente et autant physique qu’affective. Lui aussi est marié, mais séparé de sa femme, habite une chambre d’hôtel et c’est là qu’ils se retrouvent. Ici se situe une période conflictuelle extrêmement intense Elle vou¬ drait vivre tout à fait avec son ami, mais cela signifie la fin de sa « situa¬ 76 ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATBIE tion stable », l’abandon de « sa » maison, de sa situation sociale de femme mariée, de nouveau la vie dans une chambre d’hôtel, les difficultés ma¬ térielles de tout ordre et, surtout, la perte de la considération » sociale « Bien sr elle l’aime», mais elle va essaver de l’oublier, elle se sent incapable d’abandonner sa « situation » actuelle. C’est pendant cette période qu’elle se met à boire pour « oublier » son ami. Elle doit être internée à Sainte-Anne après l’apparition d’un syndrome hallucinatoire. Nous avons vu le mari d’aspect sénile et sale, il confirme qu’elle l’a en effet « pris au mot » quand il lui a proposé de se marier avec elle: Toutefois, elle est « gentille avec lui, éconôme, bonne femme d’inté¬ rieur ». C’est seulement l’histoire de la malade qui donne sa signification particulière à la situation dans laquelle elle s’est trouvée pendant la pé¬ riode qui a précédé son internement. La plus grande partie de sa vie s’est déroulée dans un sentiment d’isolement constant, sentiment qui pa¬ rait lié aux circonstances mêmes de sa vie. Son émigration à Paris, les rapports nouveaux qu’elle établit avec ses camarades d’usine, son ma¬ riage et la « considération » sociale, tout ceci prend pour elle une signifi¬ cation (une « valeur ») directement liée à son passé. Elle se sent « exis¬ ter » comme elle dit elle-même, voulant dire par là, qu’on ne la consi¬ dère plus comme un simple objet de travail, c’est-à-dire, comme quel¬ qu’un à qui on s’adresse et avec qui on n’a des rapports qu’en fonction de son métier. Gon mariage. «sa » maison, la considération » des autres vien¬ dront renforcer la valeur de cette « existence » sociale, qui du fait de son passé, prendra chez elle une signification spécifique. Sans doute, à côté des conditions matérielles, l’éducation qu’elle a recue, sa. « culture » d’origine, ont joué un rôle dans son isolement, mais ce qui caractérise son conflit actuel, ce n’est pas un écart entre ce qu’on appelle « une personnalité de base » et son nouveau milieu. Pour la première fois, dans sa vie, elle établit des rapports avec son entourage qui donnent à sa vie une nouvelle signification et c’est précisément, l’im¬ posibilité d’y renoncer dans laquelle elle se trouve, qui la place devant un choix impossible. Mais l’isolement affectif propre à son passé, fait comprendre aussi la signification, la valeur que prend pour elle une vie commune avec son amant. Le copflit se situe donc entre ces deux pôles avec impossibilité de choix, car dans un cas comme dans l’autre, c’est toute sa personna¬ lité qui est en jeu. Le conflit est donc ici une « rencontre, individu-milieu D’une part. c’est l’histoire de la malade, sa personnalité actuelle, qui donnent une signification particulière à l’événement devant lequel elle se trouve,. Mais d’autre part, pour que le conflit existe, il faut aussi que l’événement se présente de telle façon, qu’il exige d’une façon impérative un choix entre. deux situations irréductibles entre elles. 77 A. ET H. TORRURIA Observation n° 2. Madame B., 28 ans sans protesion ne dans la Lorce-Intrieure père gendarme, homme très honnête et très bien « considéré » par tout le monde. Très rigide en ce qui concerne la morale traditionnelle. Catho¬ lique très pratiquant. Toujours juste et bon. Mère très catholique et pra¬ tiquante aussi, en accord avec le père en ce qui concerne l’éducation, sé vère mais douce à la fois avec ses enfants. Famille en parfaite entente Vie très « intime ». Peu de distractions, surtout « parce que on se sent bien à l’intérieur de la famille ». Le père prend la retraite alors que la malade est encore assez jeune, mais il cherche un emploi comme embal¬ leur, ce dont il est très fier, « car les hommes ne doivent pas rester sans rien faire ». Relative aisance économique obtenue par uné vie ordonnée et très économe. En somme, comme le dit la malade elle-même, leur vie « était sans histoire ». Le père avait consacré toute sa vie au service de l’Etat ce dont il était aussi très fier. Ce «service » avait constitué pour lui une véritable norme de conduite, il n’admettait aucune discussion poli¬ tique;, avant tout, il fallait rester « fidèle au Gouvernement qui repré¬ sentait la France ». Déces du père, quand la malade a 20 ans. Profonde douleur fami¬ liale, sans répercussion économique importante. Quelques mois après. elle connait un sous-officier qui deviendra son mari. Fiançailles rapides mais très sérieuses. Avant le mariage, le fiancé démobilisé, devient gen¬ darme sur les conseils de la famille de la malade. Le mariage apporte à celle-ci une vie heureuse. « il est très casanier » et, à «quelque chose près », a le même caractère et les mêmes principes que son père. Vie retirée et sans histoire. Elle ne travaille pas « parce que la femme d’un gendarme ne doit pas travailler ». La mère viendra vivre avec eux et l’entente sera rarfaite, le mari avant un peu rempli le vide laissé par le père. Naissance de trois enfants. Alors que la malade a 3% ans décès de la mère (embolie), mais la vie continue calme et sans incidents jusqu’à s4 ans; décès du mari après une crise cardiaque. La malade ira vivre avec sa fille, mariée avec un Inspecteur de police. L’entente entre elle et le ménage est parfaite, Sa nouvelle vie reprend son ancien rythme; même morale, mêmes « prin¬ cipes » qu’auparavant. En 1930, premier grand bouleversement de sà vie à l’occasion de la guerre, Par mesure de sureté, la malade va dans le sud avec deux petits-fils. Le gendre part au front « faire son devoir ». Elle restera dans le sud, assez isolée et sans beaucoup de nouvelles jusqu’à la Libération. A ce moment tous peuvent à nouveau se réunir à Paris. Icl une période difficile va commencer. Le beau-fils, inspecteur de police pendant l’occupation, a été jugé, condamné et mis à la retraite pour ses activités pendant l’occupation. Par la suite, il travaillera dans la police privée. Cependant, le beau-fils refuse ce jugement et fait appel. Cette « injustice » vis-à-vis de son beau-fils a été le centre dee préoc¬ cupations de la famille. Contradiction entre le sens du « Devoir », de «l’Honneur », de la « considération », de la « fidélité à la France », et ce jugement contre le beau-fils, ce blâme officiel de l’Etat à une conduite qu’elle considère comme irréprochable., «il a toujours fait son devoir ». La malade ne comprend pas, car « l’Etat, le Gouvernement » a été tou¬ 78 éTUDES DE SOCO-PSYCHIATRE jours pour elle une entité sans caractère politique particulier, source de justice et de bienfaits; « toute ma famille a toujours été fidèle à la France ». C’est pendant cette période, qu’elle présente un accès mélancolique et doit être internée. Le fait particulier de cette observation est que les termes du conflit sont ici moins clairs, moins conscients pour la malade. Pour celle-ci, l’. Etat » représente beaucoup plus une entité en quelque sorte abstraite. qu’une structure sociale à signification politique déterminée. Il y a im¬ possibilité pour elle de faire discrimination entre ce que représente servir l’Etat avant la guerre et pendant l’occupation allemande. Les termes du conflit sont pour cette malade si obscurs, qu’elle ne combrend vraiment pas la situation dans laquelle elle se trouve. Elle M’A blus la bossibilité d’établir des rabborts qvec son entourage social: Aux «reproches », aux « insinuations p, au manque de « considération ». au « blâme social et officiel », comme elle le dit, la malade est incapable de répondre, par une attitude définie. Etre résistant ou collaborateur, implidue un choix des rapports définis avec l’entourage, de se poser selon les circonstances, commé adversaire ou partisan. Dans tous les cas, la conduite sera dictée par une hiérarchie de valeurs. Chez cette malade rien de tel. Avec son entourage elle ne peut définir une attitude, défen¬ dre une position personnelle (ou la critiquer). L’Etat continua à avoir toujours la même signification en dehors de toute contingence politique. et sa « famille est restée toujours fidèle à la France ». Il faut se rappeler l’histoire de cette malade, de l’ambjance dans la¬ quelle elle a toujours vécu, pour comprendre la signification de sa situa¬ tion actuelle. Le fait concref quotidien qui pose à cette malade un pro¬ blème constant et insoluble (à son niveau) est de trouver dans cette si¬ tuation les éléments lui permettant d’avoir une conduite adaptée Nous voulons particulièrement insister ici sur un fait, il est évident que toute situation conflictuelle entraine une certaine modification des rap¬ ports avec le milieu. Il peut même arriver qu’il y ait rupture totale des rapports avec une ou plusieurs personnes. Mais, à notre sens, les conflits ne sont pathogènes que lorsque la situation est telle, que les rapports avec tout l’entourage tendent à devenir impossibles. Dans ce sens, l’isolement est déjà l’expression d’un conflit existant, plutôt que la cause même. Nous venons de parler du rôle du conflit, dans le cadre d’une étude dont l’objectif était une recherche du rôle pathogène de la transplanta¬ tion. Notre statistique est partie de l’hypothèse de l’existence d’un con¬ flit dont les termes, séparés comme les pointes d’un compas (milieu d’origine — milieu d’adoption), se rejoindraient au sommet de la per¬ sonnalité de l’individu, c’est-à-dire, au niveau de son idéologie. Arrivés à ce stade, il nous faut justifier les raisons qui ont dicté le choix de nos deux observations. Car en fait chez nos malades, la trans¬ plantation n’apparait pas comme la cause pathogène fondamentale. Il est certain que, dans toute observation il y a une valorisation, un choix des éléments rassemblés, choix qui est toujours fonction d’une hypothèse qu’on tend à confirmer ou à infirmer. Nous n’avons pas la prétention d’apporter des conclusions définitives, ni d’élaborer une con¬ ception générale du rôle pathogène de la transplantation. Nous voulons A. ET H. TORRUBIA 29 seulement mettre en relief quelques faits dont la nature et la signification doivent nous permettre d’apporter une contribution à l’étude de la genèse du conflit. C’est dans cette perspective que se placent nos deux obser¬ vations. Dans les deux cas nous sommes en présence de malades dont la vie peut se diviser en deux périodes entre lesquelles se situe le conflit. C'est¬ à-dire, qu’à ce môment donné de leur bistoire, il s’est produit un tel chan¬ gement des rapports avec l’entourage, que l’existence même de ces rap¬ ports à été mise en jeu. On pourrait même dire qu’un « nouveau » milieu auquel elles sont incapables de s’adapter s’est substitué à l’a ancien ». Ainsi pour Mme B., sop milieu « antérieur, eet constitué par la sé¬ rie d’événements qu’elle a vécus avant son mariage; et sa forme de pen¬ sée, son idéologie, la valeur qu’elle donne aux choses, sont à l’échelle de son histoire. Précisément au moment où le conflit éclate, c’est un « nou¬ veau » milieu qui apparait. Les idées et les concepts selon lesquels aupa¬ ravant elle jugeait et décidait de sa conduite, surmontait les conflits, ne lui permetent plus de s’adapter à sa situation nouvelle et de dépasser le conflit actuel. Cette malade a déjà eu d’autres rapports amoureux, elle a accepté ou même décidé la séparation. Mais son amant actuel, repré¬ sente, une réalité qualitativement nouvelle, car il est rattaché à tout un autre système de valeurs. Ce n’est pas uniquement un rapport affectif ou un intérêt matériel qui est en jeu, mais une nouvelle manière d’être. un nouveau type de rapports avec l’homme qu’elle aime, une nouvelle manière d’exister avec lui et avec la société. Mais la situation est telle. que son amant est en même temps un être indispensable et contraire à sa personnalité. Une situation, contradictoire semblable se présente à elle dans ses rapports avec son mari. Nous pourrions conclure de notre deuxième observation, que là aussi — et directemtent lié à l’histoire de la malade — il y a un milieu « nouveau » qui s’est substitué à l’« ancien », constitué par la série d’évé¬ nements qu’elle a vécu jusqu'’à la Libération. La manière dont elle a participé à ces événements et les limites mêmes de cette participation expliquent aussi les rapports entre une personnalité et une situation qui provoque la désadaptation. Le milieu est tellement « nouveau » après la Libération, la signification des événements est à tel point « nouvelle » que notre malade ne peut même pas saisir avec clarté les termes du con¬ flit. Ses idées, ses concepts, sa personnalité ancienne ne lui permettent plus de s’adapter à sa situation nouvelle, de décider d’une conduite à l’égard de son entourage" Tout son système idéologique de référence dont elle tirait sa norme de conduite, contient, en effet, des termes con¬ tradictoires et irréductibles étant donné sa personnalité. Tout ce qui l’en¬ toure a pris upe valeur différente; mais elle est incapable de s’adapter. de trouver une norme dans ses rapports inter-individuels, dans la mesure où ces rapports contiennent des éléments antagonistes. Il y a un fait important sur lequel nous voubons insister à l’occasion de ces deux observations: sans doute, chez nos malades leur personnalité a été déterminée par les idées et les conceptions de leur entourage social. mais uniquement dans la mesure où celles-ci ont été intégrées à une expé¬ rience personnelle, et dans un rapport social déterminé. ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 80 Avec toutes les réserves qui s’imposent, c’est une afirmation banale de dire qu’il y a une vision des choses « paysanne n, de « petit fonction¬ naire », abourgeoise », etc... Cela montre bien l’existence de certaines caractéristiques semblables, directement liées à des activités, à des pro¬ blèmes, à des rapports sociaux communs, Et il nous est apparu que c’était en fonction de cêtte participation sociale qu’il était possible de mieux saisir l’inter-relation entre les problèmes idéologiques êt matériels et par la, la genèse d’un conflit. En fait, il nous semble — et c’est le sens de ces observations d’essaver de le montrer — que le phénomène pathologique de la transplantion, ne peut pas être réduit à un simple changement de milieu culturel ou idéo¬ logique. Le conflit trouve sa source autant dans la « circonstance sociale ». que dans la manière dont l’individu s’intègre à celle-ci et la saisit. La signification que chaque individu donne aux événements et aux actes que ceux-ci lui imposent, est donc un sujet d’analyse fort complexe. « Nos actes — dit I. Meverson — répondent à des préférences, à des souhaits, à des règles plus ou moins pré-établies et contraignantes. Ils sont effectués en vue de fins, ils ont une valeur. Ce caractère se mar¬ que plus ou moins selon leur catégorie. Dans les grandes systématisa¬ tions morale, juridique, religieuse, esthétique, logique, ils tendent à se présenter sous un aspect polarisé, comme une opposition du positif et du négatif. Les divers systèmes de valeurs ne sont pas nécessairement unifiés ni ajustés. Et les fins personnelles dans lesquelles nous intégrons ces va leurs, sont quelquefois discordantes aussi, d’où la possibilité de conflits. l’obligation du choix » (1). Certaines idéologies sont fortement structurées, et les comportements qu’elles suscitent sont, en quelque sorte, délimités par, une certaine rigi¬ dité des pratiques, rites et actes qu’elles imposent. Ainsi, par exemple l’appartenance à une religion, implique une série de conduites communes socialement définies, organisées dans une série d’actes avant tous une signification sociale. Dans ce sèns, les actes des individus peuvent prêter à des ressemblances, mais cela ne veut pas dire identité de signification, ou même correspondance dans la motivation. Il y a chez tous les indi¬ vidus, participation à des systèmes idéologiques, à des coutumes, des traditions, mais l’adhésion qu’on y accorde, ne peut se mesurer unique¬ ment à partir de la manifestation sociale par laquelle on l’exprime Appartenir à un ensemble idéologique, c’est se définir socialement: mais ceci ne veut pas dire qu’il y ait intégration totale de la personnalité à ce système de valeurs. Car celui-ci n’est intégré qu’en fonction de l’expé¬ rience individuelle, du rapport des individus entre eux, qui apporte en définitive, un système personnel de références intimement liées à sa vie matérielle autant qu’idéologique. En revenant au problème de l’immigration, et pour conclure, nous dirons à nouveau, que dans le changement de milieu, l’apparition d’un système déterminé de valeurs nouvelles, tient à la fois à la structure so¬ ciale et à l’action que l’individu y exerce. Les possibilités de conflit, et le type même de ceux-ci, sont donc multiples. Mais le conflit n’est patho¬ (1) Les fonctions pscholooiques et les otures, Vrtn, Parls, 1848, p. 21. A. ET H. LORRUBIA 81 gène à notre avis, que quand il y a antagonisme irréductible entre les systèmes de valeurs, c’est-à-dire, quand il y a impossibilité de choix d’une conduite sociale. Le conflit n’est pas le résultat d’une inadaptation primaire, mais bien l’expresion d’une rupture des rapports existants et nécessaires. Le rôle du milieu dans la pathologie mentale de l’immigré, ne nous semble donc pas avoir de caractères qualitativement différents de celui de la population d’origine résidentielle. Nous y vovons seulement une accumulation de situations complexes, matérielles et idéologiques, dans lesquelles le conflit à plus de chance d’apparaitre. Et nous osons ajouter. que l’aliénation mentale peut être autant la cause que la conséquence d’une impossibilité d’avoir des rapports avec l’entourage. A NNE XE D E T A L L. DES DÉ PA R T E M E NT S CORRESPONDANT A CHAQUE CRQUPE RÉCIONAL GROUPE L: Vendée. Deux-Sêvres. Vienne 11 : Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire. Loir-et-Cher. III : Finistère. Côtes-du-Nord. Morbihan. Ille-et-Vilaine. IV : Manche. Calvados, Omne. Mavemne, Sarthe. Y: Seine-Inférieure. Eure. V1: Seine. Seine-et-Oise. Seine-et-Marne. Eureet-Loir. Loiret. VII: Marne, Aube. Yonne. VIII : Somme. Aisne. Oise. Ix: Pas-de-Calais. Nord. X: Ardennes. Meuse. Meurthe-et-Moselle. Vosges. Haute-Marne. » X1: Haut-Rhin, Bas-Rhin, Moslle. » XII : Haute-Saône,. Belfort. Doubs, Jura. Ain. 5 XI : Côte-d’Or. Saône-et-Loire. 3 XIV: Haute-Savoie. Savoie, Ière Drone. Basses-Alpes. Hautes-Alpes XV: Vaucluse. Bouches-du-Rhône. Var. Alpes-Maritimes. Corse. p XVI : Pyrénées-Orientales. Aude. Hérault. Gard. » XVII: Tam, Avevron. Loz̀re. Ardèche. » XVIII : Puy-de-Dôme. Cantal. Haute-Loire. p XIX : Loire. Rhône. 5 XX: Indre. Cher. Nièvre. Allier. » XXI: Creuse. Haute-Vienne. Corrèze. » XXII : Dordogne. Lot. Lot-et-Garonne. Tarn-et-Garonne. Gers. Haute¬ Garonne. Hautes-Pyrénées. Ariège. » XXIIL: Charente. Charente-Maritime. Gironde. Landes. Basses-Pyrénées. L’INCIDENCE PSYCHOPATHOLOGIQUE SUR UINE POPULATION TRANSL ANTÉE D’ORIGINE NORD-AERICAINE ÉTUDE DE DÉMOGRAPHIE HOSPITALIÈRE ET D’ÉCOLOGIE PSYCHIATRIQUE Dor G. DAUMEZON, Y. CHAMPION et Mme J. CHAMPION-BASSEI Le présent travail vise à résumer les principales données fournies par l’étude de 727 dossiers, représentant la totalité des entrées de sujets nord-africains masculins d’origine musulmane, au service des admis¬ sions de l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne, du r° janvier 1945 au 31 décembre 1953 (13, 14). Deux ordres de considérations ont constamment dominé cette étude; D’une part, l’importance sociale d’un problème qui, dans ses plus urgents aspècts, n’a pas manqué depuis quelques années d’éveiller l’in¬ térêt des pouvoirs publics. Estimée au lendemain des hostilités à 20,000 individus environ, la population nord-africaine de la métropole, atteint en 1953, suivant les estimations les plus modérées (25), un effectif global de l’ordre de 250,000 personnes, soit un chiffre plus que décuplé en huit ans. Encore ceci ne rend-il pas compte de l’intense brassage de popu¬ lation caractéristique de ces quelques années: ainsi, pour 1952, 148,50r entrées et 134,083 sorties ont-elles été enregistrées pour la seule main¬ d’œuvre d’origine algérienne. Un tel mouvement de population ne pou¬ vait manquer d’affecter profondément la démographie asilaire des ré¬ gions d’immigration dominante, et de fait, au cours de ces dernières années, on a vu se préciser un problème asilaire nord-africain jamais auparavant ressenti avec autant d’acuité dans la métropole, et qui ré¬ clame des solutions urgentes. D’autre part, la nature même de l’immigration nord-africaine dans la métropole, permettait d’étudier sur le vif quelques problèmes doctri¬ naux et d’en définir dans le cas particulier, l’expression et les limites Caractérisée par la transplantation massive et brutale d’un groupe ethni¬ que et culturel hautement différencié, mais économiquement faible, au sein d’un autre groupe ethnique et culturel bautement différencié, mais celui-ci économiquement fort et foncièrement différent du premier, cette émigration constitue un phénomène original, d’un schématisme quasi expérimental, dont l’homogénéité fait un matériel d’une rare valeur théo¬ rique (Hare 17). ÉTUDES DE SOCIOPSVCHIATRIE 84 De fait, le problème général de l’écologie des maladies mentales a constamment dominé cette étude. Or comme le faisait naguère remar¬ quer L. Le Guillant (10), nombre de concepts idéologiques et de prati¬ que ont abouti depuis trois quarts de siècle, à éliminer de la médecine mentale les facteurs de milieu qui avaient à sa naissance été largement pris en considération au point d’̂tre tenus pour l’élément étiologique essentiel. On comprendra que nous nous sovions attachés à éliminer de cette étude les contingences nosographiques et les références diagnosti¬ ques (). A l’opposé, nous avons tendu à nous appuver autant que possi¬ ble sur une série d’études d’inspiration démographique et statistique, vi¬ sant à dégager les co-variations de facteurs identiques aux nôtres, bien qu’appréhendés dans des situations souvent très différentes. Dans le cadre des rapports de la morbidité mentale et de la trans¬ plantation, le schématisme de l’expérience, nord-africaine, peut être riche d’enseignements.. A une époque où les collectivités mondiales re¬ cherchent la solution à des problèmes économiques, sociaux ou politiques dans les transplantations massives de populations, le problème posé aux responsables de l’Hygiène Mentale est quotidien. Ces faits nous ont déterminé à travailler autant que possible dans la perspective déga¬ gée aux récentes réunions annuelles de r950, ro5r et 1952 de la Fédéra¬ tion Mondiale pour la Santé Mentale (9, 0 bis, 30, 31). Ils nous ont auto¬ risé à appuver la critique de certains de nos résultats sur des travaux pa¬ rallèles, portant sur des populations transplantées de types différents. Par rapport aux problèmes posés par l’adaptation à de nouveaux milieux, les conditions propres à, l’émigration nord-africaine, évoquent ces «situations de changements brusques » définies par Mira (24) et X. Abely (2, 3) dans leur rôle pathogène, les modifications du contexte social entre le milieu d’origine et le milieu récepteur, étant par ailleurs susceptibles de jouer sur « l’écart personnalité de base-type de culture » tel que l’envisage Sivadon (27), dans le cadre des processus de « détri¬ balisation » de Carothers (8). L’importance de la population soumise à ces situations de brusque transition nous a incité à approfondir les relations chronologiques et quantitatives existant entre les diverses cou¬ ches de la population transplantée, et la population pathologique. La aussi, il semble qu’on se trouve devant un type de réaction assez général dont nous avons tenté de définir quelques caractéristiques. Ce bref apercu, suggère déjà assez la multiplicité des facteurs en jeu. Or il est certain, que le développement même des conditions de l’émigration nord-africaine, transforme sans cesse l’équilibre relatif de ces divers facteurs. Nombre de caractéristiques évoluent rapidement (insertion dans le marché du travail, accession aux mesures de protec¬ tion sociale, structure des cellules sociales, conditions générales de vie etc...). La présente étude n’a donc que la valeur d’un instantané pris à l’ocasion d’un mouvement de poussée démographique, et tire surtout sa valeur du schématisme actuel de cette situation. .) Il faut néanmoins remarquer sur ce point que la structure même de la popu lation de base exclut pratiquement de potre échentilionnage les facteurs « arrièrations et démences », les moins sensibles aux influences écologiques, au profit des « psychose 231 (Saint-Alban),. Ueberschlag (Lannemezan). G. DAUMEZON. Y. CHAMPION ET J. CHIAMPION-BASSE 85 De fait, le probleme nord-africain n'’a cessé de croitre en impor tance et en urgence depuis ces dernières années, tandis que les organismes d’assistance psychiatrique restaient très désarmés en face d’une popula¬ tion de malades particulièrement originale et mal définie. En dehors du travail ci-dessous cité (4) de Alliez et Decombes, et de certaines réfé¬ rences monographiques de Boittelle et Boittelle-Lentulo (6, 7) et de Mar¬ cel Colin (19, 11), la situation asilaire du Nord-Africain immigré n’a à notre connaissance, pratiquement pas suscité d’étude jusqu’à ce jour. Il faut en chercher les raisons dans la difficulté d’opérer un échantillon¬ nage consistant et suffisamment uniforme d’une population qu’aucun organisme actuellement existant, n’a pour objet de suivre de ce point de vue particulier. A ce titre, nous avons pu bénéficier de la situation privi¬ légiée, que nous assurait l’établissement de notre échantillonnage sur une aire de prospection, dont les effectifs d’immigration nord-africaine vien¬ nent de loin au premier plan pour le territoire métropolitain (). Nous avons de plus cherché à appuver nos propres résultats par le collationne¬ ment des données statistiques, obligeamment communiquées pour leurs propres services par plusieurs chefs de service des Hopitaux Psychia¬ triques de province. Enfin, nous avons toujours cherché à éclairer nos propres résultats par ceux d’autres auteurs, avant exploré des domaines différents de la pathologie du Nord-Africain émigré ( (2) Le département de la Seine est, de tous les départements francais, celui qul compte actuellement la plus forte population nord-africaine recensée. Les statistique publiées par la Direction de la maip-d’œuvre du Ministère du Travail, pour le quatrième trimestre de 1952, accusent une population de travailleurs nord-africains recensés de 39943, chiffre largement supérieur à ceux de tous les autres départements mêtropolitains dont les plus élevés sont le Nord avec 16 739 recensés, la Moselle avec 13,433, la Loire avec 7087. Pour un chiffre total de 138887 travailleurs nord-africains recensès, le dépar tement de la Seine possède donc ainsi, à lui seul, 30,5 % de l’effectif pational. Nous discu terons plus loin les extrapolations possibles de la population recensée à la populatior totale, mais ce chiffre permet d’emblée de se faire une idée de l’importance de notre échantillonnage. Cette population est aussi une des plus variées au point de vue sociel. Sur le plan des activltés professionnelles, en ne considérant que les activités recensées, la presque totalité, des branches d’activités est représentée, à l’exception du groupe 1I-1 (mines) 33 à 34 (chantiers d’aménagement hydroélectriques) et 0i à 05 (agriculture). Une très nette prépondérance existe pour les groupes 19 à 29 (industries mécaniques et électriques). 33 et 34 A (bAtiments et travaux publics, entreprises, établissements ou chantiers divers) et 35 à 38 (industrie chimique). e premier bureau de la Direction de la 2) Nous remercions (tout spécielement : IE main-d’œsuvre du Mipistère du Travail: la Sous-Direction des établissements hospitalier et chartables, et le Service de la tutelle de la Préfecture de la Seine: Mme Cambon, de l’LNETO P. : M. le docteur M. Colin, de Lyon : M. Derrida, de l’Ofice administrati du Gouvernement Général, de l’Agérie : M. le docteur Duchène, médecin chef du Service de prophylaxie mentale de l’O P.HS, de la Préfecture de la Seine: Mlle Mamelet administrateur civil au Ministère de la Santé publique: Mme Martin, de l’L.NE TO.E M. le docteur J. Solanes, médecin des hopitaux psychiatriques (EE. UU, du vénézuela et les médecins du cadre des H.P. qui ont bien voulu nous fournir les éléments nécessaires à ce travail, tout spécialement MM. les docteurs. Achaintre (Naugest-Limoges). Ayme (Clermont-d’Oise). Beley (Montperrin-Aix), Belfils (Saint-Lizièr). Burguet (Leyme). Cor navin (Lommelet), Damey (Privas), Fanon (Saint-Alban), Perrot (Cadillac), Tosquelles 86 ÉTUDES DE SOCIO PSYCHIATPIE 1 — SITUATION DÉMOCRAPHQUE DE LA POPULATION NORD-AFRICAINE TRANSPLANTEE DANS LES HOPITAUX PSYCHIATRIQUES DE LA SEINE 1) Evolution des eftectifs. a) Situation — Le présent travail porte sur 727 dossiers, représen¬ tapt la totalité des entrées de sujets masculins nord-africains, enregistrées au service des admissions de l’Hôpital Psychiatrique Sainte-Anne, du T° janvier 1945 au 3r décembre 1953 (2). Ces entrées se répartis¬ sent de la façon suivante (tableau 1): 643 premiers internements (au service de l’admission): 78 seconds internements, dont ro dans l’année du premier placement, et so à une date ultérieure : cina troisièmes pla¬ cements, tous effectués daps une année différente de celle du premier placement, et un quatrième placement. Aucun des sujets étudiés n’est passé plus de quatre fois à l’admission entre ces deux dates. Au total. nous obtenons un chiffre de 84 réinternements pour 727 entrées, soit 11 2%. Sauf mention contraire, nous définissons notre population comme équi¬ valente ̀ l’effectif total des entrées, chiffre brut ( TABLEAU 1 Répartition annuelle des entrées et proportions de réinternements pour les malades Nord-Africains Hommes entrés au service des Admissions de l’Hopital Psychiatrique Sainte-Anne de 1945 à 1053 b) Euolutiox — L’étude de l’accroissement de cette population au cours de la période étudiée (tableau II) fait clairement ressortir l’am¬ pleur du problème de la morbidité nord-africaine dans la métropole. 3 G. DAUMEZON, Y. CHAMIPIOTN E GTDDTIONBRSET 87 C’est ainsi, que le chiffre des entrées à l’admission, de 2% en ro4s, aug¬ mente de plus du double de ro4s à TO40, soit en 4 ans, puis double à nou¬ veau de 1040 à 105r. Si nous nous reportons à l’année 1937, que nous avons choisie comme caractéristique des années avant de peu précédé la guerre, et déjà fort chargée du point de vue du chiffre d’entrées de Nord-Africains, puisque située en plein mouvement d’immigration (solde migratoire de l’ordre de 21,000), nous vovons que le chiffre obtenu pour cette année, soit 35 entrées, se trouve atteint, puis dépassé dès 1948, trois ans après la fin des hostilités, presque doublé en rO40, triplé en ros0, qua¬ druplé en TOsr. L’examen de la courbe ci-dessus (graphique 1), ne laisse pas de prêter à réflexion: Le calcul du chiffre théorique des moyennes mensuelles d’entrées pour la Seine (tableau 1I), nous fait passer de 2 en 1045 à 13 en 1951, chiffre qui aurait suffi à lui seul, à assurer le mouve¬ ment dans un service de moyenne importance des Hopitaux Psychiatriques de la Seine, celui-ci n’eut-il recu que les seuls Nord-Africains passés par l’Admission, à l’exclusion de tout autre malade. Le seul flchissement observé dans cette croissance régulière est celui de l’année 1952 pour la Seine, dont nous critiquerons plus loin, la valeur et la signification. TABLEAU IL Progression annuelle des entrées de Nord-Africains Hommes au service des Admissions de l’Hôpital Psychiatrique Sainte-Anne en valeur absolue et en moyenne mensuelle de 1945 à 1954 Il ne s’agit pas là, d’ailleurs d’un phénomène particulier au seul département de la Seine. Les sondages que nous avons été à même d’effec¬ tuer dans divers Hôpitaux Psychiatriques de province, viennent en confirmation de ces chiffres. Compte tenu du fait qu’une très notable fraction de la population asilaire nord-africaine masculine est constituée dans de nombreux établissements par des malades transférés, soit des Hopitaux Psychiatriques de la Seiné (et dans ce cas identifiables à notre échantillon, puisque prélevés sur lui), soit beaucoup plus fréquemment des établissements d’Afrique du Nord, on assiste là aussi à une croissance régulière de la population pathologique transplantée. La conjugaisop de ces deux mouvements aboutit, dans certains établissements, à une situa¬ tion remarquable. C’est ainsi qu’à l’Hôpital Psychiatrique de Leyme. 17,14 26 des effectifs de l’établissement sont représentés par des malades nord-africains, d’ailleurs presque tous transférés, soit des Hôpitaux Psy¬ chiatriques de la Seine, soit des-Etablissements d’Afrique du Nord. Dans six hôpitaux psychiatriques, nous avons pu relever à la fin de 1952, deux cents malades nord-africains (Lannemezan: 65. Montperrin, 19. Saint Alban (décembre 195r): 32, Naugeat: 6. Leyme: 60, Saint Lizier : 18). Si nous limitons notre étude à la population transplantée avant le placement en établisement psychiatrique, qui fait l’objet de ce travail. « Hommes » qui s’établissait en 1945 à 1238, soit sensiblement la moitié 88 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHLATRIE nous observons, compte tenu des apports massifs que constituent les transferts à l’intérieur du territoire métropolitain, une progression sen¬ siblement parallèle à celle que nous avons décrite pour l’Admission de Sainte-Anne. L’une des plus caractéristiques à cet égard est l’évolution de la courbe des entrées pour l’Hôpital Psychiatrique de Lommelet. Celle-ci a l’intérêt de représenter un échantillonnage pur de tout trans¬ fert, prélevé sur une population importante, celle du Pas-de-Calais (neu¬ vième rang pour la main d’œuvre recensée), plongée dans un milieu très technicisé (grosse prépondérance de la catégorie rr-1 : mines de houille et de lignite), sujette à d’importantes inter-pénétrations avec la popula¬ tion assez identique du département du Nord, voisin, qui vient au deu¬ xième rang pour la main d’œuvre nord-africaine recensée. Eu égard à la moindre importance de l’échantillon considéré, la croissance, pour être plus irrégulière qu’à Sainte-Anne, n’en est pas moins rigoureuse¬ ment parallèle à celle-ci. Le collationnement des entrées de population nord-africaine trans¬ plantée pour neuf établissements qui fait l’objet, du tableau II, affecte la même progresion. Si nous excéptons les chiffres de 1947 et de 1948 très affectés, respectivement par un transfert de militaires à Montperrin¬ Aix, et un très important transfert de la Seine à Leyme, nous observons. que le chiffre global d’entrées qui se maintient de 1946 à ro40, double en 1950, triple en ro5r. C’est là aussi sensiblement, l’évolution décrite dans le département de la Seine (graphique 1). TARLEAL III Répartition des entrées de Nord-Africains traneplantés pour neuf hopitaux psychiatriques de 1046 à 1952 Par rapport à la population globale de l’Admission, qui reflête très fidèlement l’évolution des effectifs asilaires pour le département de la Seine, l’originalité de la population pathologique nord-africaine appa¬ rait très manifeste. L’évolution croissante des effectifs, bien que là aussi très continue, s’est opérée de façon différente. La population d’entrées G. DAUMEZON. Y. CHAMPION ET J. CHAMPION-BASSET 89 GRAPHIQUE 1 Evolution des entrées de malades Nord-Africains Hommes — : à l’Hôpital Psychiatrique Sainte-Anne — : dans neuf hôpitaux psychiatriques de province. du chiffre relevé pour l’année ro»7, s’est accrue sensiblement de 19%% chaque année, cette croissance régulière s’accélérant légèrement à partir de 1947. Au total, le chiffre de départ se trouvait presque doublé en 1951. et pour l’année ros2, l’effectif d’entrées de 1937 se trouvait dépassé (ta¬ bleau IV). Cette croissance, pour inquiétante et même catastrophique qu’elle se soit révélée de par ses effets sur les organismes d’assistance. peu à peu débordés, n’est donc en rien comparable à la brusque inflation de, l'etctif asilaire nord atrcain dans le amnees 6 apres Buenre (6re phique 2). 90 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHLATRE TARLEAL IV Entrées de malades hommes à l’admission de l’Hêpital Psychiatrique Sainte-Anne. Les entrées d’étrangers n’ont été collationnées que pour les années communiquées. GRAPHIQUE 2 Entrées de malades hommes à l’Admision de l’Hépital Psychiatrique Sainte-Anne. lation transplantée nord-africaine. G. DAUMEZON. Y. CHAMPION ET L CHAMPION-BASSET 91 La fraction transplantée () de la population globale a vu son effectif suivre sensiblement les variations ascendantes, qui ont affecté depuis la fin de la guerre, les diverses fractions de la population asilaire en France (tableau IV graphique 2). Quoiqu’il en soit, cette croissance a été, sur¬ tout entre 1945 et 1940, beaucoup plus discrè̂te que celle de la popula¬ tion globale, et malgré une augmentation de pente de la courbe d’effec¬ tifs entre 1040 et rOsI, on peut considérer que cette pente, ramenée aux huit années considérées, est sensiblement du même ordre que celle de la courbe de la population globale. Les variations sont du même type, l’effec¬ tif de 1945 doublant sensiblement en ro52. On peut donc considérer que les variations d’effectifs de cette population la rapprochent beaucoup plus des caractères de la population asilaire totale que de ceux de la popu¬ TABLEAU Y Répartition mensuelle des entrées de malades Nord-Africains Hommes au service des admissions de l’Hlôpital Psychiatrique Sainte-Anne de 1945 à 1053 c) Rébartition saisomnière — La répartition saisonnière de ces entrées est, elle aussi, frappante (tableau V). La population totale affecte une répartition saisonnière très caractéristique, à maximum verno-estival et () Nous entendons par là tous les sujets nés en dehors des limites géographiques de la France Métropolitaine, donc avant subi une transplantation à un moment queiconque de leur existence, à l’exception, bien entendu, des Nord-Africains qui font l’objet d’une étude particulière. Nous avons également, pour divers motifs d’ordre surtout pratique élminé de cette étude les sutets originaires des autres territoires de l’Union Française En dehors de ces deux restrietions, le présente statistique ne fait donc intervenir aucun critère, lmitatif ou discriminatoire basé sur l'origine particulière ou sur la nationalite de droit ou de fait, Par ailleurs, un certain nombre de placements directs, éffectués en dehors du service des admissions, mais pour le seul département de la Seine, ont été mncorporés à la présente statistique. 92 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRE minimum automno-hivernal,. Pour fixer les idées, nous avons donné ci-contre une courbe figurant en valeur absolue les entrées mensuelles totales et les moyennes mensuelles trimestrielles (graphique 3 7°). Les va¬ riations de celle-ci très apparentes sur la courbe, sont de l’ordre de 25 % de part et d’autre, de la moyenne trimestrielle globale, qui s’établit à 40,5. De fait, la discussion de ces chiffres permet (83) de rejèter les grosses va¬ riations saisonnières observées hors du domaine des variations fortuites d’échantillonnage. Le caractère significatif de ces variations doit faire envisager l’intervention d’un facteur au moins, qui est la variation saison¬ nière du solde migratoire. Nous y revenons ci-déssous, mais nous verrons qu’en fait, il n’existe pas de corrélation directe entre le chiffre brut des entrées, ou le solde migratoire, d’une part, et l’effectif des réactions patho¬ logiques, d’autre part, du moins dans la mesure où l’on limite cette corré¬ lation à un rapport simple de simultanéité. Il n’en existe pas plus avec les chiffres relevés pour les entrées globales, qui donnent un maximum nette¬ ment verno-automnal et des accidents très décalés par rapport aux nôtres. Il nous a paru intéresant de rapprocher de ces chiffres les donpées caractéristiques d’un échantillon pathologique nord-afficain polyvalept. GRAPHIQUE 3 Répartition saisonnière des entrées de Nord-Africains Hommes au service de l’Admission sur huit années. G. DAUMEZON, Y CHAMPION ET L. CHAMPON-RASST 93 GRAPHIQUE 4 Répartition mensuelle des entrées au service des Admissions de Sainte-Anne CRAPHIQUE A bs Répartition mensuelle des entrées de Nord-Africains Hommes parentes de ces deux échantillons comme identiques 94 ETUDES DE SOCIOPSYCHLAITRE Nouis avons pris conme retrence le travail de Marcel Colin (19 rr). portant sur 3187 fiches, correspondant aux Nord-Africains hospitalisés pendant l’année 1950, dans les différents établissements des hospices ci¬ vils de Lyon ("). Dans ce cas, la répartition saisonnière des entrées est beaucoup plus régulière que celle relevée à l’Admission. En dehors d’une brusque poussée en décembre et en janvier, précédée en octobre et en noyembre d’une baisse assez sensible des effectifs, la distribution se main¬ tient assez régulière durant les autres mois de l’année, à l’exception ce¬ pendant du mois de juillet, au cours duquel se trouve atteint l’effectif mi¬ nimum. Si l’on excepte cette poussée de décembre, phénomène normal et habituel dans les services de médecine générale qui réunissent le tiers des effectifs de cette statistique, on constate que les 4 accidents néanmoinps apparents sur la courbe (petite poussée en mars-avril et en août, chutes de juillet et octobre-noyembre) traduisent fidèlement et avec un parfait synchronisme, le profil de la courbe du solde migratoire. En somme, deux éléments semblent surtout déterminer cette répar¬ tition: d’une part, une distribution saisonnière du type hôpital général d’autre part, un facteur démographique marqué par l’influence directe de l’effectif de la population émigrée sur l’effectif de la population patho¬ logique. En outre, un caractère très intéressant est représenté par la nature des variations saisonnières au sein de la population globale du service des admissions. Des courbes établies par Sivadon et Veil à Sainte-Anne (27). pour les années 1944 à 1947, il ressort que les effectifs marquent trois clochers nets dans l’année, dont deux sont d’apparition et de résorbtion brusqués en mars et noyembre, dont, l'autre, est légèrement plus étalé sur les mois de mai, juin et juillet. Un temps mort caractérise par contre les mois d’août et septembre, qui répondent aux plus faibles effectifs de l’an¬ née. Nous verrons que cette distribution ne répond en rien à celle-obser¬ vée pour les malades nord-africains, que nous avons pu étudier et dont l’échantillonpage a pourtant été établi sur les mêmes bases que celui de la population globale de Sivadon et Veil. d) Décision aduninistratiute. — La comparaison des efferctits respec. tifs des divers modes de placement est, elle aussi très révélatrice de l’in¬ dividualité bien tranchée de la population asilaire nord-africaine, 480 sur 727, soit 66 0% des placements effectués à Sainte-Anne au cours des neuf années, sur lesquelles porte ce travail, l’ont été par voie d’office. 130, soit 182%, l’ont été sur réquisitoire. En revanche, r16 placements par voie volontaire, soit 16 9%. L’examen du tableau ci-contre (tableau VI fait ressortir, autant que la disproportion de ces chiffres, leur stabilité relative dans le temps tout au long de la période envisagée. Pour la popu¬ ) Rappelons que l’extraction de cet échantllon s’opère sur un département qui vient, pour le 4° trimestre de 1952, au quatrième rang pour la main-d’œuvre recensée avec 9 5%7 travailleurs déclarés, répartis essentiellement sur trois branches d’activités 3 et 34 (A) (bÂtiments et travaux publics: 3,161, soit 33 %): 19 à 29 (industries méca niques et électriques : 2627, soit 28 %): 47 et 48 (industries textiles : L.1’8, soit 12 %%). Pat ailleurs, le heut degré de concentrâtion urbaine et d’industrialisation de la région Ivonnaise en fait une infrastructure socio-économique très voisine de celle de la régior parisienne. Nous admettrons donc, pour toutes comparaisons ultérieures, les populations G. DAUMEZON, V. CHAMPION ET J. CHAMPION-RASSET 95 TABLEAU VI Bépartition des modes de placements pour les malades pentaux Nord-Africains Hommés entrés au service des Admissions de l’Hopital Psychiatrique Sainte-Anne de 1945 à 1953 lation globale masculine, la moyenne des pourcentages pour les huit années 1945-1052, s’établit à 40 2 de placements volontaires. La dispro¬ portion est là déjà considérable, avec un pourcentage presque triplé, en¬ core faut-il considérer, comme nous le verrons plus loib que les popula¬ tions mères des deux échantillons ainsi définis, sont très dissemblables de par leurs caractéristiques de base (dispersion des classes d’âge en par¬ ticulier), et que si une tranche de population asilaire doit faire l’objet de dispositions de prophylaxie mentale efficientes, c’est bien celle qui en¬ globe la quasi-totalité des réactions psycho-pathologiques du Nord-afri¬ cain. Par ailleurs, la position numérique du problème, permet de dégager l’un des traits qui contribue à caractériser la population asilaire nord-afri¬ caine, et qui ne manque pas de marquer d’un cachet très particulier la cli¬ nique psychiatrique des types de réactions présentées. Nous voulons parler de cet aspect fondamental de l’immense majorité des réactions mentales pathologiques du Nord-Africain qu’est son caractère antisocial. C’est du moins essentiellement en tant que réaction antisociale (") qu’est carac¬ térisé et appréhendé administrativement et par là même en partie médica¬ lement, l’ébisode psycho-pathologique du Nord-Africain. Ce grave pro¬ blème d’assistance, que nous ne pouvons qu’évoquer ici, suppose d’ail¬ leurs de nombreuses incidences. 2) Caractéristiques. a) Ages — La distribution des Âges de la population pord-africaipe transplantée pathologique, lui confère également une profonde origina¬ lité. Perdre de vue ce point parttculier dans une étude quelle qu’elle soit. serait sans doute, négliger l’expression la plus directe et la plus caracté¬ ristique d’un etat ue fant socIoIogque, qui ne peut manquer d’influer sur C) CE, joi du 30 juin 1833, article 18. 96 ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE G. DAUMEZON. Y CHAMPION ET J CHAMPON-BASE 97 les problèmes nosographiques et cliniques, autant que sur les problemes d’assistance posés par une telle population. Il s’agit d’une distribution asymétrique (graphique s) de moyenne 134,0 (4 0,82), d’écart type r9, T9 (4 0,58); de classe modale 30 ans La médiane se situe à 34,2; l’écart quartile est de 7,8, avec un quartile supérieur de 43,3 et un quartile inférieur de 27,7. Au total, il s’agit d’une population jeune dont pratiquement la moi¬ tié des effectifs se situent entre 30 et 40 ans, avec une nette majoration des effectifs des classes avoisinant le quartile inférieur, compensée par la nullité de ceux-ci pour les classes inférieures à rs ans Soit, une pajo¬ rité d’adultes jeunes, à l’exclusion des enfants et des adolescents. Par ailleurs, les effectifs de classe au dessué de 40 ans tombent très rapide¬ ment pour atteindre au-dessus de se ans des valeurs infimes. Il s’agit donc aussi d’une population active, pratiquement exclusive de tout apport sénile. C’est peut-être même là le caractère dominant de cette dis¬ tribution qui se manifeste d’emblée au simple examen comparatif des moyennes avec la population globale (34,0 contre 4r). Qutre la jeunesse de la population mère d’autres copclusions décou¬ lent de cette distribution. Il’s’agit, en effet, essentiellement d’une popu¬ lation de main d’œuvre professionnelle, d’une population de transit qui ne se fixe pas, qui ne vieillit pas sur place, enfin d’une population non structurée, sans vieillards, sans femmes, sans enfants, sans structure fa¬ miliale. La population lvonnaise définie plus haut, étudiée par M. Colin (O6, cit.) affecte une distribution très sensiblement comparable à celle obtenue chez les Nord-Africains de l’Admission: Il s’agit d’une distribution asymétrique de moyenne 31 ( 9,20). d’écart type ro, 63 ( 0.26) de classe modale 2%2 ans. La médiane se situe à 28, 3. L’écart quartile est de 7,4, avec une quartile supérieur de 37,6 et un quartile inférieur de 22,8. Au total, distribution de même type, de même dispersion, légèrement plus jeune en moyenne et peut-êtré aussi légèrement plus asymétrique dans ce sens. Nous citerons, en outre, quelques chiffres fournis par Alliez et De¬ combes (4), dans une étude portant sur cinquante et un dossiers de ma¬ lades nord-africains consultants ou hospitalisés pendant les années 1950 1O5T, 1952 à la clinique neurologique de la Faculté de Marseille et au Centre Médico-social de l’Aide aux Travailleurs d’Outre-Mer de Marseille. L’âge des sujets observés s’échelonne de 18 à so ans, avec une seule exception constituée par un adolescent de 13 ans. La moyenne de cette distribution s’établit à 33 ans 0 mois. Cette haute originalité des distributions d’âges des populations nord¬ africaines pathologiques, les distingue de toutes celles dont nous avons pu essaver de les rapprocher. L’analyse effectuée pour la population d’entrées globales du service des Admissions sur le collationnement des chiffres de 1952, met en évi¬ dence une distribution asymétrique de moyenne 49.s ( 0,66), d’écart¬ 98 ÉTUDES DE SOCIOPSYCHATRIE type 16,80 (4 0,46), de classe modale 4s ans. La médiane se situe à 41,0. L’écart quartile est de rr,88 avec un quartile supérieur de s2 Ts et un quartile inférieur de 28, 38. En résumé, population plus dispersée, de moyenne supérieure, de tendance symétrique plus nette, avec néanmoins rejet de la, classe modale dans les valeurs supérieures à la moyenne. 1a très pette différence qui apparait au premier coup d’œeil (voir graphique 5), entre cette distribution et celles de Nord-Africains ana¬ Iysées plus haut, tient avant tout à la participation dans ce cas des classes d’âges extrêmes. L’importance de l’apport sénile en particulier, très con¬ GRAPHIQUE s bis Distribution d’âges G DAUMEZON, Y. CHAMPION ET J. CHAMPION-RASSET 69 sidérable, entraine une translation vers les valeurs d’abcisses élevées des caractéristiques de tendance centrale, sans que ce mouvement soit tota¬ lement compensé par les placements d’enfants, d’où l’inversion de l’asy¬ métrie de la distribution. En ce qui concerne la population d’entrées de sujets transplantés au service des Admissions, l’analyse effectuée sur le collationnement des chiffres 1945, 1951 et 1952, représentant un effectif de 628 entrées, fait ressortir une distribution asymétrique de moyenne 46, 7 (4 L.20), d’écart¬ type 15,04 (4 0,84), de classe modale 52 ans. La médiane se situe à 47. l’écart quartile est de II avec un quartile supérieur de s7 et un quartile inférieur de 34,0. En résumé distribution du même type que pour la po¬ pulation globale, soit plus dispersée, de moyenne supérieure, de tendance symétrique plus nette que la distribution de la population nord-afriçaine. avec rejet de la classe modale dans les valeurs supérieures à la moyenne comme pour la population globale, mais de moyenne supérieure et de dispersion légèrement moindre que celle-ci. Donc population à tendances plus nettement et plus exclusivement séniles que celle-ci. b) Niueat social — Compte tenu des caractères assez incomplets des renseignements dont nous disposions, et en fonction de la répartition déjà définie ("), il ressort des chiffres obtenus (tableau VII, graphique 6) une incontestable prépondérance des catégories 0 (sans profession ou profession inconnue; 32 %% des effectifs), et I (manœeuvres, 42%). Le pourcentage dans la catégorie III (manœuvres spécialisés, ouvriers spécia¬ lisés, toute indication de spécialisation sans indication de son degré) tombe à 15 2%, il est très nettement moindre dans toutes les autres catégories. Tous ces pourcentages sont sensiblement ceux que font ressortir les statistiques de la main-d’œuvre nord-africaine déclarée. Au total, nous avons affaire à une population peu spécialisée, donc soumise à des revenus minimes. variables et souvent aléatoires, et ceci d’autant plus, que le Nord-Afri¬ cain, très en marge de la législation du travail, fournit un important con¬ tingent au marché parallèle du travail, sur lequel par définition aucune pression, aucun contrôle administratifs ne sont possibles. Ce bas niveau de qualification fait par ailleurs de la population nord-africaine, une popu¬ lation instable soumise au premier chef aux fluctuations du marché du tra¬ vail. C’est ainsi que, si nous considérons le rétrécissement de ce marche. donc la régression des offres d’emplois d’un trimestre à l’autre, au cours des quatre trimestres de 1952 (statistiques globales pour la Francs, main¬ d’œuvre nord-africaine, Ministère du Travail), nous vovons que celui¬ ci atteint 11, 71 26 du maximum des emplois offerts pour la catégorie ma¬ ÉTUDES DE SOCIOPSYCHIATRE 100 TABLEAL VII Répartition annuelle globale par catégories sociales des Nord-Africains Hommes entrés à l’Admissioh de l’Hopital Psychiatrique Sainte-AnI de 194s à 1953. (pour la définition des catégories voir dans le texte) pœuvre, 4 6% seulement, pour les catégories ouvriers spécialisés, et 02% pour les catégories ouvriers qualifiés et maitrise. Il existe dans ces deux dernières catégories, une stabilité pratiquement totale du marché de l’em¬ ploi pour tous les sujets nord-africains répondant à ce degré de qualifi¬ cation, Fort malheureusement, le pourcentage de ces deux dernières ca¬ tégories par rapport aux effectifs globaux de main-d’oeuvre nord-afri¬ caine sont respectivement de 0.05 9% pour les ouvriers qualifiés et de 0.0008 2% pour la maitrise. C’est dire, que la quasi-totalité de la main¬ d’œuvre nord-africaine déclarée dans la Métropole, appartient à des ca¬ tégories professionnelles éminemment vulnérables par toute crise, même partielle, de l’emploi. Et ceci ne préjuge pas de la main-d’œuvre non dé¬ clarée, dont il est plus que vraisemblable, que la stabilité profession¬ nelle est encore plus aléatoire.. Les hiffres de quatre Hépitaux Psychiatriques de province, dont nous avons pu obtenir le collationnement (tableau VIII) reproduisent fidèlement la répartition générale observée dans la Seine, encore que les proportions soient quelque peu faussées par l’apport massif à la caté¬ gorie I de Montperrin-Aix, comme signalé plus haut, Il ressort en tout état de cause des chiffres obtenus, une incontestable rrépondérance des catégories 0 (20 26 contre 32 26 dans la Seine) et II (34 26 contre 42 2). La catégorie III (ouvriers spécialisés) est nettement plus faible que dans la Seine (60%, contre r5 07). Les effectifs des autres catégories sont là aussi négligeables. En ce qui concerne l’échantillon d’Alliez et Decombes (loc, cit), en dehors de six dossiers concernant des femmes, « presque tous les sujets du sexe masculin sont des manœuvres, des journaliers et des ouvriers non 101 G. DAUMEZON, Y. CHAMPION ET L CHAMPION-BASSET ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 102 spécialisés; quelques-uns sont des chômeurs invétérés. Un seul concerne un étudiant évolué ». TABLEAL VUI Pmrtition par catcories coile de- eptcdes de Noca Aricnire HIomme transplantés, pour quatre hôpitaux psychiatriques EAN Pour la population globale d’entrées au service des Admissions (ta¬ bleau IX, graphique 6), l’analyse des chiffres obtenus pour rosz nous donne, en fonction de la répartition définie plus haut: catégorie o (sans profession ou profession inconnue): 050, soit 379%. Cette catégorie accuse donc un effectif supérieur à celui (32 2%) relevé pour la population nord¬ africaine. Peut-être ne doit-on pas attacher à ce fait une importance excessive étant donnée la fréquence des cas où la profession ne peut être précisée par les services intéressés en raison des conditions de placement. La catégorie II est nettement moins représentée (manœeuvres: 12 %% con¬ tre 42 %6). Mais, par ailleurs, les effectifs de toutes les autres catégories TARLEAU IX Répartition par catégories sociales de la population d’entrées globales au service de l’Admission de l’Hôpital Psychiatrique Sainte-Anne pour l’année 1952 (pour la définition des catégories, voir dans le texte) sont nettement plus importants : catégorie III: 20 0% contre rs 0%: caté¬ gorie IV; 7 20; catégorie VII: 7 2%; catégorie VIII; 7 26; catégorie VI 49%. De fait, si, négligeant la catégorie o comme n’avant qu’une valeur approximative, nous divisons notre distribution en trois tranches : T° catégories L. II. II1: 2° catégories IV. V. VI; 3° catégories VII. VIII. IXx; nous vovons que, alors que pour la population globale la somme des effectifs des deux dernières tranches (IV à IX) est sensiblement égale à ceux de la première (I à III) soit 78r contre 87s, cette même proportion pour la population nord-africaine, soit 78 contre 419, est de l’ordre de 103 G. DAUMEZON Y. CHAMPION ET L. CHAMPION-RASSET T à s. L’étude de l’éventail profesionnel de la population globale, fait donc ainsi resortir par contre-coup, le caractère hautement déséquilibré sur le plan professionnel et social de la population pathologique nord¬ africaine. En ce qui concerne la population d’entrées de sujets transplantés au service des Admissions (tableau X, graphique 6), le collationnement des chiffres pour les années 1945, 195r et 1052 nous donne, en fonction de la répartition définie plus haut: catégorie O. 36 2% contre 37 2a pour la population globale — Catégorie II; ro 26 contre 12 %% — Catégorie III 19% contre 20 %6 — Catgorie IV; r % contre 7 % —-Categorie VI. 7% contre 42% — Catégorie VIII; 82a contre 7 9%. Ainsi de même que par rapport à la population globale nous assistons à un glissement des effectifs dans le sens de la sénilité, nous observons sur le plan professionnel un déplacement vers les classes sociales stables. Alors que les catégories 1 à III sont nettement en recul, les catégories IV à IX marquent en effet. une nette augmentation relative (mises à part les catégories par défini¬ tion peu accessibles aux étrangers, telles les catégories V. VII et IX). Nettement tranchés pour la population pathologique transplantée de l’Admission, ces caractères l’opposent pratiquement, point par point, à la population nord-africaine. TABLEAU X Répartition annuelle et globale par catégories sociales des sujets nés hors de France entrés à l’Admission de l’Hlopital Psychiatrique Sainte-Anne pour les années 1945, 1951 et 1952 (pour la définition des catégories voir dans le texte) 3) Taux de mocbidité. : Le problème du taux de morbidité, ou indice de morbidité de la popu¬ lation pathologique envisagée, du fait de l’importance des conclusions susceptibles d’en découler, tant sur le plan de l’assistance, que sur celul des problèmes théoriques se rattachant à cette étude, n’a pas manqué de 104 ÉTUDES DE SOCIOPSYCHIATRIE pous retenir De fait l’établissement de cet indice se heurte à de grosses difficultés méthodologiques qui en limitent considérablement la portée théorique, surtout lorsqu’il s’agit d’établir un parallèle avec des rapports de même inspiration, tirés d’échantillons de populations différentes. considérées comme points de comparaisons. Pour des motifs que nous exposerons plus bas, nous avons cherché à établir, à partir de notre échantillon de l’Admission, trois indices. Le premier représente le rapport de la population d’entrées de sujets masculins nord-africains, au service des Admissions à la populations nord-africaine estimée pour le département de la Seine. Celle-ci a été calculée à partir de la deuxième estimation (350,000) de la population nord-africaine métropolitaine exposée plus bas, en admettant due le rap¬ port de la main-d’œuvre déclarée à la population totale nord-africaine est identique pour le département de la Seine et pour la totalité de la Métro¬ pole. Les effectifs relevés ou estimés entrant dans, le calcul sont ceux correspondant à l’année 1952. L’hypothèse justifiant la deuxième esti¬ mation considérée, d’une part, et l’identité des rapports main-d’œuvre déclaréepopulation totale, d’autre part, sont les deux seules restric¬ tions théoriques valables pour ce type de rapport (). Dans ces conditions. les chiffres pour 1952 sont les suivants; population totale estimée 350,000: main-d’œuvre totale déclarée : 137,244 (soit un rapport de 2755); main d ceuvre déclarée dans la Seine;, 3r,137. La population to¬ tale pour l’aire de drainage du service des Admissions s’établit à 70,300. Ayc un effectif d’entrées de 137, l’indice de morbidité est donc de 17,25 pour 10.000. Notons au passage que, pour une population totale estimée (voir ci¬ dessous, estimation r) de 266 000 (F), le rapport est de l’ordre de 23,2 pour 19,000, et qu’avec une population surestimée de 800,000 (voir estimation III), il tombe à 7, 57 pour 19,000. Il s’agit là d’un rapport pratique, se référant à une population totale réelle (ou supposée telle), donc d’un indice concret. Les deuxième et troisième indices que nous allons tenter d’établiri s’inspirent des conclusions statistiques que nous avons dégagées plus haut relativement à la distribution d’âge de notre échantillon. Ils visent à établir un rapport pour les classes d’âges les plus représentatives, soit celles avoisinant les valeurs des caractéristiques de cette distribution. Il faut remarquer à ce propos que : — 1° Le calcul par extrapolation de la population totale de l’aire de drainage à l'aide du rapport « main-d’œeuvre déclarée popu¬ lation totaley, et en fonction de la seconde estimation, mène à un effectif (79,399) très voisin de celui (84,000) avancé par le Ministère de l’Intérieur pour 1953 (cf. 25). E’indice de 17,25 est donc valable en fonction de ce chiffre. — 2° A l’opposé, la seconde estimation elle-même doit être considérée comr 3 majorative si l’on admet les chiffres de même source (350,000 en 1952 contre 253681 estimation publiée au 18 novembre 1953). Encore faut-il remarquer que l’estimation citée ne fait pas nommément état de la fraction migratoire annuelle qui n’apparait pas dans les statistiques habituelles (voir plus bas). Ceci pouvant peut-être expliquer celà. G. DAUMEZON, Y. CHAMPION ET J. CHAMPION-BASSET 105 Le deuxième de ces rapports, vise la population pathologique de l’Admission et la population totale nord-africaine estimée du département de la Seine pour les classes de 30 à 40 ans. Ces limites, bien que légère¬ ment restreintes, correspondent sensiblement à l’intervalle interquartile de la distribution d’âges. Dans ces conditions, et en prenant comme base de calcul l’estima¬ tion Il déjà envisagée ci-dessus ("), l’indice ainsi défini s’établit à: Le troisième de ces rapports est établi suivant les mêmes principes pour l’intervalle de classe 20 - 40 ans. Il est centré par la classe modale et inclut les trois caractéristiques de tendance centrale étudiées plus haut. en tenant compte de l’asymétrie de la distribution. Il s’établit ainsi à Il importe de remarquer que les deuxième et troisième indices ainsi définis supposent outre les deux restrictions relèvées pour le premier in¬ dice, l’identité de distribution de la population nord-3fricaine totale esti¬ mée et de la population pathologique. De plus, il s’agit là d’indices numé¬ riques théoriques, établis sur des tranches de population restreintes en fonction des caractéristiques propres de cette population particulière, et qui donc deviennent arbitraires pour toutes populations de distribution différente. Toute conclusion tirée de comparaisons avec des populations de référence non strictement identiques, doit donc être posée avec beau¬ coup de prudence. C’est ainsi que le maximum de difficultés préside à l’établissement d’un rapport relatif à la population globale et néanmoins suceptible de fournir un élément de référence suffisamment objectif pour permettre d’apprécier l’incidence des rapports identiques établis à partir du mouve¬ ment de malades nord-africains. Il ne pouvait en effet être question de jux¬ taposer purement et simplement deux pourcentages établis à partir des ef¬ fectifs bruts connus ou estimés des deux types de population pathologique et de population de base. Un tel usage, valable lorsqu’il s’agit d’estimer dans l’absolu ou dans ses variations chronologiques, les coefficients de morbidité d’une population donnée, discutable mais peut-être admissible quand il s agit d’établir une comparaison entre deux populations de ca¬ ractéristiques très voisines, devient un non-sens, lorsqu’on vise à tirer d’éventuelles conclusions de la comparaison de deux populations aussi différentes dans leurs caractéristiques fondamentales, comme nous ve¬ nons de le voir, que sont la population nord-africaine et la population globale de l’Admission. ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHLATRIE 106 Pour tenter de réduire le hiatus qui sépare de façon radicale les deux types de distribution d’âges caractéristiques de ces populations, et qui rend toute assimilation et donc toute tentative de comparaison illusoire. nous avons établi trois rapports dont chacun vise une tranche donnée de la population globale (population pathologique et population totale de l’aire de drainage) choisie de telle sorte, qu’elle constitue une approxima¬ tion aussi étroite que possible de l’une des caractéristiques envisagées dans chacun des trois rapports établis pour la population nord-africaine. Le premier indice ainsi établi, vise à répondre au rapport brut (pre¬ mier rapport) établi ci-dessus pour la population nord-africaine patholo¬ gique de l’Admission. Pour reduire la trop grande diff́rence de disper¬ sion de ces deux distributions, on a néanmoins amputé les effectifs de population globale de tous les effectifs de classes supérieures à 60 ans, et intérieures à 17 ans, en se basant sur ce caractère assez grossier mais fon¬ damental, que présente la population nord-africaine, d’être à peu près restreinte à ces limites. Dans ces conditions, nous avons pris pour effec¬ tif d’entrées globales, le chiffre de 2.508 obtenu en 1o52. La population masculine globale de l’aire de drainage du service des ’Admissions, a’ été arrondie à 2,000,000. Quant à la proportion relative des classes éli¬ minées, elle est pour la population totale métropolitaine de 49,22 0%, sui¬ vant les chiffres de l’L.N.S. E.E., arrêtés au premier janvier 19531 pourcentage que nous admettrons comme valable pour le département de la Seine. Pour ce qui est de ce même pourcentage relativement à la population d’entrées giobales à l’Admission, il varie très légèrement d’une année à l’autre, 10,102% (année 1952): 20,71 9% (année 1940). C’est ce dernier chiffre le plus élevé, que nous avons retenu. Notre pre¬ mier indice s’établit donc ainsi à 17.s6 pour 19 000 En dépit des res¬ trictions apportées plus haut, nous avons conservé une figuration concrête pour ce premier indice, afin de permettre de le rapprocher de l’indice correspondant établi sur la population nord-africaine. Qu’il nous soit permis de rappeler qu’en aucun cas, cette juxtaposition ne saurait entrai. ner à outrepasser cès restrictions. Ce rapport, bien que le plus concret et le plus évocateur est certainement des trois que nous avons établis, le moins précis et le moins rigoureux. Il ne peut faire mieux qu’évoquer un ordre d’idée et un aspect des diffifultés que soulève l’établecement d’uh indice de morbidité relatif. Les deuxième et troisième indices établis sont strictement calqués sur, ceux emplovés pour l’étude de la population nord-africaine:. Le deuxième vise le rapport des effectifs de classe entre 20 et 40 ans pour la population globale d’entrées et pour la population totale de l’aire de drainage. Les chiffres emplovés sont ceux de 1952 pour la popu¬ lation pathologique et l’extrapolation obtenue à partir des chiffres de l’I.N.S. E. E, relatifs à la population métropolitaine globale pour la po¬ pulation totale. Dans ces conditions, l’indice ainsi défini s’établit à: Le troisième rapport vise les effectifs de classe entre 20 et 49 ans Dour les mêmes populations, établis sur les mêmes données. G DALIMEZON Y CHAMPION ET ). CHAMPIUN-BASSET 107 Il s’établit ainsi. Ces deuxième et troisième indices, rappelons-le, ont été établis en fonction des valeurs des caractéristiques de notre distribution d’entrées de Nord-Africains. Ils perdent ce fondement théorique pour la popula¬ tion étudiée ici, et n’ont la valeur que d’un rapport abstrait établ sur une tranche de population arbitrairement choisie. Toute utilisation éven¬ tuelle des chiffres fournis se doit donc de tenir compte de cette restriction fondamentale qui vaut d’ailleurs pour des populations de types très dif¬ férents (cf. Dayton, loc, cit.). Nous n’insisterons pas sur l’indice de morbidité dégagé par M. Colin (loc, cit.), l’auteur avant fait la critique de sa validité Bappelons sim¬ ment, que les rapports bruts calculés respectivement pour les Nord-Afri¬ cains et la population globale des Hospices civils de Lyon par rapport à une estimation et la population nord-africaine et de la population globale de l’aire de drainage de cet appareil d’assistance, s’établissent à des taux sensiblement équivalents. Encore faut-il ne pas perdre de vue qu’il s’agit de chiffres établis sans discrimination, sur une population tant masculine que féminine, sans qu’il ait été possible de rapprocher les échantillons étudiés de par leurs caractéristiques fondamentales, comme nous avons essavé de le faire poir les distributions d’Âges, par exemple. Les rap¬ ports ainsi établis, n’ont donc, qu’un intérêt tout théorique, ce qui fait dire à leur auteur qu’en dépit de leur similitude apparente; a Ces consi¬ dérations nous inclinent à penser, bien que nous ne puissions pas en fournir la preuve mathématique, que l’indice de morbidité est plus élevé (une fois et demie ou deux fois) chez le Nord-Africain résidant dans la Métropole, que chez le Métropolitain », affirmation dont nous lui lais¬ serons l’entière responsabilité. Par ailleurs si pous nous basons sur les pourcentages relatifs de Nord-Africains dans la population asilaire, d’une part, dans la popula¬ tion globale, d’autre part, il apparait en fonction des chiffres définis plus haut, que les Nord-Africains, qui représentent 42 6% de la population to¬ tale de l’aire de drainage, entent pour environ s, dans la population psychiatrique totale. Ce type de rapport, utilisé par quelques auteurs (c. Carothers, loc, cit. Roberts et Mvers, 26), s’il donne un apercu du problème d’assistance, n’est guère plus eficace que ceux dégagés ci¬ dessus. ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 108 EVOLUTION DES CARACTERISTIQUES DEMOGRAPHIQUES DE LA POPULATION NORD-AFRICAINE TRANSPLANTEE DANS LES HOPITAUX PSYCHLATRIQUES DE LA SEINE 1) Evolueion de la morbidité en fonction des effectifs migratoires. Le rapport existant entre le développement des effectifs patholo¬ giques et l’évolution de la population mère de ces effectifs (population de l’aire de drainage), et qui fait que, toutes choses égales par ailleurs. une plus forte population mère suppose un effectif pathologique supé¬ rieur, amène à étudier la nature des variations incidentes de cette popu¬ lation mère (2) De fait, l’étude des variations logarithmiques des efectifs d’entrées. d’une part, du solde migratoire et des estimations pondérées de la popu¬ lation globale, d’autre part, mène à des conclusions à priori assez para¬ doxales. (") On ne possède pas encore, à l’heure actuelle, des chiftres certains de la popu lation giobale nord-africatne en France métropolitaine. La qualité de sutets francais des travailleurs algériens rend, en effet, excessivement déleate, pour les organisme offictels, toute tentative de recepsement. Force est dopc, sur ce point, de se baser gu des estimations en fait souvent très variables d’un auteur à l’autre. C’est ainsi que, même en laissant de côté des chiffres avances par M’Hamed Ferid Gha4 (23) et egalemen retenus par Abd-EI-Ghoni (1), qui accusent upe population giobale de 800,000 Nord Africains pour 1952, chiffre très généralement considéré comme excessit, un certain écar subsiste entre les évalugttons des divers spécinlistes. L’Institut National d’Etudes pémo graphiques avencait, pour bn 1949, un chiffre giobal probable d’Algériens de 170000 avec un mipimum de 140,000 et un mhximum de 200,000. À la même époque, les estimations pour le population algérienne, établies par le Ministère de l’Intérieur, se montaient à 210000. Le chiffre de l’Institut d’Etudes soclales nord-africaines (ESNA.), toujours pour le même époque, étatt de 30000 environ, chifre d’ailleurs considéré, par sés auteurs même, comme probablement compté un peu large. Pour le début de 1854, un article émanant également de l’équipe de l’ES NA, (16) avance un effectif giobai de 350,000 (Y compris quelques 15 à 20,000 Maroçains et quelques 5 à 10000 Tunisiens). Enfn, au terme des conclusions d’une enquête sociale récente prescrite par le Ministère de l’Iinté rieur. « Le chiffre globai des citoyens français de stâtut musulman originaires d’AIgérie a se sttue aux environs de 240 00 personnes, parmi lesquelles 5.000 femmes musulmanes K et 15000 enfants. Il faut y ajouter 11268 Marocains et 2413 Tunislens, » (25). A cette imprécision des données relatives à la population globale répond une égaie incertitude quant à l’importance de la ppulatton octive. Les chiffres publés par le pirection de la main-d’œuvre du Ministérédu Travail, en dépit d’eforts considérables faits pour éviter, toute lacune (loi 51,711 du 7 juin 1951 portant communication périodi¬ que par les organismes patronaux de renseignements statistiques sur la main-d’œuvre nord-africaine employee) ne sauraient porter que sur la main-d’œuvre effectivement déclarée Ils laissent dens l’ombre les travailleurs clandestins, st nombreux, de même que les indi vidus exercant une activité artisanale ou un emplot occasionnel. Aucun rensetgnement ne peut pon plus être rationnellement obtenu portant sur la population insctive Tous ces faits renden t extrèmement complexe levaluation statistique de laentite des échantillons considèrés Ces courbes permettent d’étudler en valeur relative les covariations de deux ou plu sieurs varlables dont on lgnore la valeur absolue, étant établle à n près n étant la carac téristique de l’échantllon traité. En conséquence, les ordonnes loxarilthmiques employées pour les courbes présentées ne sont pas dès valeurs absolues, et leurs différences ne sau la résistance de covariation que nous etudierons plus bas G. DAUMEZON, Y. CHAMPION ET L. CHAMPION-BASSEI 109 Si, en effet, solde migratoire et population globale évoluent suivant les mêmes tendances (phénomène normal puisque les variations de celle-ci sont l’expression de celui-là, à une certaine constante résiduelle près) la proportionnalité aux variations d’effectifs pathologiques est surtout effective pour le seul solde migratoire. Le seul examen des courbes de solde et d’entrées (graphique 1o) met en relisf ce parallelisme frappant. Ce phénomène souffre deux exceptions maieures. L’une se situe entre r947 et ro40, les pentes resrec¬ tives des deux courbes se reproduisant d’une année sur l’autre: Il appa¬ rait ainsi que la poussée d’immigration de 1948 ne se traduit sur la courbe des entrées qu’au cours de l’année 1940. L’autre, a trait à la brusque in¬ version de la courbe des entrées pour 1952, phénomène synchrone d’une augmentation légèrement en régression par rapport à lannée précédente. mais néanmoins nette, du solde migratoire. Nous reviendrons plus loin TABLEAU XI Evolution du solde migratoire cumulatif et de trois estimations de la population globale Nord-Africaine, de 1946 à 1954. Pour éviter de compliquer le tableau, les estimations log ua x-n sont données à K près. Pour l’étude des variations de la population globale, nous avons cherché à déterminer trois estimations (tableau X1) couvrant la plupart des hypothèses des auteurs et nous avons détermine les variations chronoloxiques d’après les effectifs connus du solde migra¬ toire. C’est ainsi que (voir ci-dessus) la première estimation, la plus faible, cadre sensi¬ blement avec les effectifs d’Aigériens avancés par l’LNE D, pour 1949 (168,836 contre 170000) et avec la population nord-africaine giobale évaluée par le Ministère de l’Intérieur pour 1653 (271,573 contre 253,681). La deuxième estimation mhajore légèrement les chiffres du Ministère de l’Intérieur pour" 1949 (256,886 contre 210,000 et cadre exactement avec l’estimation de l’ES NA, pour 1854 (350,000). La troisième estimation enfn majore nette ment les chiffres avancés par ce même organisme pour 1948 (356886 contre 300000), ce chifre étant lui-même, nous l’avons vu, délà considéré par ses euteurs comme un peu large. Cette troistême estimation dot donc être considérée comme maiorée à l’absurde et ne représentant nullement un effectit vraisemblable. Elle a pour seul oblet de teste 110 ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRE sur les problèmes que soulève leur interprétation. Entre 1940 et tosr. et 1052-1953 par ailleurs, les deux courbes sont sensiblement parallèles. en dépit d’une double variation inverse des pentes. Sous réserve donc des accidents considérés, et au moins pour la période ro40-1053, pour laquelle nous possédons des renseignements statistiques assez complets. il semble qu’on puisse admettre un parallélisme approximatif de nos deux courbes. Ce qui revient à dire, que les différences logarithmiques de leurs ordonnées respectives (en valeur absolue), ont une valeur sen¬ siblement constante, donc qu’il existe indépendamment de l’intervention d’autres facteurs, un rapport proportionpel constant eptre le total cumu¬ latif des entrées de Nord-Africains en France métropolitaine, et le nom¬ bre des réactions mentales pathologiques. 6i nous utilisons l’équation hypothétique avancée plus bas, nous obtenons, en admettant 1 égal à notre deuxième estimation de la popu¬ lation globale, upe dispersion de la valeur K de l’ordre de AR sensible¬ ment égale à 677. Inversement, cet indice de dispersion, pour L égal à la valeur absolue du solde migratoire cumulatif est, pour la période consi¬ dérée, de l’ordre de 1/6, valeur qu’on peut admettre comme significative. compte tenu de l’incidence des variations fortuites. Ainsi donc, l’effectif des réactions meptales pathologiques ne serait nullement, en rapport direct, contrairement à upe opipion à priori logique, avec la valeur absolue de la population nord-africaine totale. mais serait directement fonction de l’importance du mouvement d’apport récent au sein de cette population, ou au moins de la variation différen¬ tielle de son effectif. Il importe, en effet, d’insister sur le fait que les chiffres de solde mi¬ gratoire sur lesquels nous nous appuvons, ne sont établis que depuis 1947. et que le solde cumulatif utilisé exprime avant tout le mouvement d’apport récent de travailleurs nord-africains au sein de la population métropolitaine. Il n’en va pas de même des estimations de population nord-africaine globale, qui incluent un sédiment migratoire installé en Métropole depuis de nombreuses années (différence rendue encore plus nette par l’interruption de l’immigration nord-africaine contemporaine des dernières années des hostilités). On se trouve donc en face de deux tranches de population dont l’une, la plus fortement liée à l’incidence pathologique, est constituée d’éléments récemment transplantés, l’autre, hybride, incluant des élé¬ ments de transplantation plus ancienne. Cette distinction a d’autant plus de valeur que, comme nous le verrons plus bas, il semble que la déter¬ mination de l’incidence morbide doive s’établir en fonction d’un système de coordonnées relatives, basé pour chaque tranche de population sur la chronologie migratoire. Dans cette hypothèse, que semblent confirmer les faits exposés ci-dessous, il faudrait considérer la variable 1 (solde) comme une approximation gardant sa valeur dans les limites chronolo¬ giques relativement restreintes de cette étude. Ceci pous amène à prciser les rlatione chropologiqne nisant l’incidence pathologique et les phénomènes migratoires. se situe entre deux et trois mois. G. DAUMEZON, Y CHAMPION ET J CHAMPION -BASSET 111 2) Evolution chronologique de la morbidité. Les considérations précédentes amènent à penser que la différence de proportionnalité à la population pathologique dans les diverses tranches chronologiques de la population mère est l’expresion d’un rapport chro¬ nologique plus général. Un certain nombre de faits semblent plaider dans ce sens: C’est à savoir l’existence de périodes d’incidences maxima à échéance particulière, et l’évolution dans le temps de l’incidence morbide au sein de la population étudiée. a) Périodes d’incidence maxima — Dans le cadre des variations saisonnières de la morbidité, variations significatives nous l’avons vu. un point qui mérite d’être approfondi est l’importance des relations chro¬ nologiques existant entre les entrées et sorties de Nord-Africains de la Métropole, d’une part, et la fréquence des réactions pathologiques enre¬ gistrées, d’autre part. On constate ainsi, que l’augmentation de ces der¬ nières, étalée sur sept mois de mai à septembre, se décompose en gros en trois phases: — deux clochers d’intérnements d’une part d’appa¬ rition et de résorbtion assez brusques, dont les maxima se situent en mai et novembre:. — une augmentation importante, d’autre part, nettement plus étalée, couvrant les trois mois de juillet, août, septembre. Or, à l’analyse, deux faits primordiaux apparaissent impédiate¬ ment : r d’une part, la non-similitude de ces accidents avec ceux présen¬ tés par la courbe équivalente établie pour la population globale, ce qui élimine toutes possibilités d’intervention d’un facteur «climatique » ou écologique d’ordre général — 2° D’autre part, l’absence complête de synchronisme avec les clochers d’immigration, éliminant la simple réper¬ cussion directe d’une augmentation de la population mère. r° Les courbes établies par Sivadon et Veil (27) pour les entrées glo¬ bales à Sainte-Anne pour 1944 à 1947 accusent, nous l’avons vu plus haut, des accidents pratiquement inverses de ceux présentés par notre propre courbe, et de toute manière aucunement superposables. 2° Par ailleurs, il est saisissant de constater que le plus fort solde migratoire de l’année, donc la plus forte population réelle dans la Métro¬ Dole, se trouvent atteints au mois de mars qui représente le cœur de la période creuse pour les entrées, et que le mouvement inflationnel, puis déflationnel du solde qui l’entoure est tout entier compris dans cette pé¬ riode creuse Béciproquement les plus faibles soldes pigratoires corres¬ pondent aux périodes de poussée de morbidité mentale, le plus faible chiffre de solde répondant même à un clocher de la courbe de morbidité. Si donc nous étudions les variations synchrones des variables déter¬ minant l’importance et le mouvement de la population nord-africaine métropolitaine et leurs incidences pathologiques (tableau XIL, graphi¬ que 7), nous constatons plusieurs faits : Les deux clochers d’entrées de mai et novembre d’abord, appa¬ raissent calqués sur les deux clocbers d’immigration, dont les maxima se situent respectivement en mars et aout-septembre. L’hypothèse de cete corrélation fait donc intervenir un décalage qui, dans les deux cas ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATRE 112 TABLEAU XII Répartition mensuelle cumulative des arrivées en Métropole et des retours en Afrique du Nord, du solde migratoire; et des entrées à l’Admission de l’Hopital Psychiatrique Sainte-Anne des Nord-Africains Hommes. En outre, le clocher d’entrées d’août pourrait être considéré comme fonction du clocher de solde de mars, à condition d’admettre une transla¬ tion suivant l’axe des coordonnées de temps de l’ordre, de cinq à sept mois. Par analogie, cette hypothèse mène à attribuer une signification similaire au clocher d’entrées de, mai, par rapport au clocher de solde de septembre, avec un décalage de l’ordre de huit mois. Les covariations ainsi définies le sont donc, d’une part, entre les efectifs pathologiques, et d’autre part, les effectifs de soide migratoire c’est-à-dire de populations fraichement transplantées, ce qui cadre par¬ faitement avec les données qui ressortent de l’analyse effectuée plus haut des variations annuelles de la population pathologique. Par ailleurs, ce rapport fait intervenir un double décalage en fonc¬ tion du temps, évaluable à deux à tfois pois d’une part, à six à huit mois d’autre part, délai légèrement variable dans le sens d’un raccour¬ cissement en période verno-estivale (correspondant au maximum d’in¬ cidence saisonnière), d’un allongement en période automno-hivernale (correspondant au minimum d’incidence saisonnière). Il semblerait donc que, dans le développement des réactions psycho¬ pathologiques secondaires à la transplantation, on dût, dans le cas de la population étudiée faire intervenir deux phases privilégiées, sensiblement chiffrables en fonction du temps par un délai respectif de l’ordre de trois et six mois. Il est à cet égard intéressant de remarquer que, sur le plan des psy¬ choses réactionnelles en général. G. Heuver (18) insistait naguère sur cette notion de l’« intervalle libre p, qui lui paraît remarquable et très caracteristique de ce type de manifestâtions, Sur le plan plus particulier G DAUMEZON Y CHAMEION ET J CHAMPION BASSET 113 des manifestations psychopathologiques contemporaines de la transplanta¬ tion, des conclusions très voisines des nôtres ont par ailleurs été dégagées par Merloo (22) d’une étude sur les personnes déplacées et les prisonniers de guerre en Europe à la suite de la dernière guerre, par Curle et Trist (12), d’une étude sur les réactions des prisonniers de guerre en Angle¬ terre, par Libuse Tyhurst (21), de l’étude d’un échantillon de personnes déplacées dans la région de Montréal. L’un des intérêts majeurs de ces études, tient au fait qu’il s’agit de travaux poursuivis dans une perspec¬ tive méthodologique foncièrement différente de la nôtre. Ces trois tra¬ vaux sont des études psycho ou socio-cliniques, dont une à tendance mo¬ nographique, cherchant à analyser l’évolution des critères d’insertion sociale (Curle et Trist. Op. Cit.), où des attitudes rsychologiques ou com¬ portementales à l'’égard du nouveau milieu (Libuse Tvhurst Op. Cit). Or tous ces auteurs s’accordent à reconnaitre sur la foi de leurs propres résultats l’apparition à court terme, à la suite de la transplantation, d’une ou même de deux périodes critiques dont le développement en fonction du temps est exactement synchrone de celui des phénomènes étudiés ci-dessus. Les mêmes délais d’apparition sont également évalués par eux à trois et six mois après l’événement de transplantation. Boittelle et Boit¬ telle-Lentulo signalent également, dans un travail sur les malades d’ori¬ gine étrangère, placés à l’Hôpital Psychiatrique de Lorquin (6, 7), que les réactions pathologiques « éclosent presque toujours rapidement dès l’arrivée en France ». De fait, pour les treize observations rapportées (nous ignorons sur quelle base celles-ci ont été sélectionnées), les délais d’apparition des manifestations pathologiques à la suite de l’immigra¬ tion sont, dans un cas seulement, de 48 heures: dans 4 cas, soit 300%, de trois mois, rr sur r3 des entrées étudtées ont été enregistrées dans un délai d’un an. L’existence ainsi apparente de phases privilégiées dans le développe¬ ment des réactions psycho-pathologiques après transplantation, le fait que, de brusques clochers d’entrées semblent marquer des périodes cri¬ tiques où l’incidence pathologique est particulièremenr apparente, amè¬ nent à penser que la répartition dans le temps de ces réactions psychos pathologique développées au sein d’une collectivité transplantée n’est pas uniquement le fait du hasard ou de l’intervention aléatoire de fac¬ teurs fortuits. b) Epolution dans le tems de l’incidence morbrde — Il est à cet égard intéressant d’étudier l’évolution dans le temps de l’incidence mor¬ bide au sein d’une population donnée. Nous rapporterons ici des résul¬ tats obtenus par l’ahalyse de deux échantillons pathologiques très diffé¬ rents prélevés sur la population nord-africaine transplantée. Le premier est constitué par un ensemble de 38 malades prélevés au hasard dans la population d’entrées de Nord-Africains hommes au service des Admis¬ sions de l’Hôpital Psychiatrique Sainte-Anne, au cours du deuxième trimestre de ros3 Ces malades opt fait l’objet d’une étude détaillée et la situation chronologique de l’épisode pathologique par rapport à la date d’arrivée en France a pu être fixée avec une certaine rigueur. Dans tous les cas où plusieurs entrées ou sorties pouvaient être relevées dans les antécédents les calculs ont été effectués en fonction de la dernière arri¬ vée dans la Métropole. Le deuxième échantillon est constitué par un bleau XIII). 114 ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATRE GRAPHIQUE 7 Effectifs mensuels cumulés des arrivées en Métropole et des retours en Afrique du Nord, du solde migratoire, et des entrées à l’Admission de l’Hôpital Psychiatrique Sainte-Anne des Nord-Africains Hommes groupe de 83 cas, prélevés sur la population d’entrées de Nord-Africains hommes dans les services des Hospices civils de Lyon. Ces données. rapportées par M. Colin (Op. Cit.)" concernent, un échantillon patholo¬ gidue pobyalent, portant sur l’ensemble des spciaites médicale, (2 G. DAUMEZON, Y. CHAMPION ET J. CHAMPION-BASSET 115 TABLEAU XII Répartition des effectifs en fonction du délai de survenue de l’Admission hospitalière après arrivée en France métropolitaine pour deux échan¬ tillons pathologiques distincts. Daps ces conditions, il apparait que l’ipcidence pathologique dimi¬ nue de façon très caractéristique en fonction du délai d’apparition de l’admission hospitalière par rapport à l’événement de transplantation Le report des effectifs pathologiques cumulés (incidence pathologique cumulée, i) en fonction du temps dans nos deux exemples fait ressortir une variation avec saturation, de type exponentiel, du gemre Les variations précoces de l’effectif pathologique sont donc notoi¬ rement supérieures aux variations tardives, et ceci, tout ausi bien dans le cas de fa population psychopathologique que dans celui de la popula¬ tion pathologique polyyvalente. En particulier, dans les deux cas, 50 %% des réactions pâthologiques se sont produites de 12 à 24 mois après la trans. plantation, et 25 %% aux alentours du sixième mois. Il apparait intéresant d’étudier en parallèle la composition habi¬ tuelle de la population globale nord-africaine en métropole. Il est possible en fonction des renseignements que nous possèdons, d’y distinguer trois tranches théoriques bien individualisées d’effectifs. La premìre, ou tranche résidentielle, correspond sensiblement aux chiffres d’effectifs présents en métropole à la fin des hostilités. Elle repré sente, à une certaine marge d’imprécisions près, nous l’avons vu, une charge démographique incorporée assez anciennement à la population métropolitaine. La seconde, ou tranche liminaire répond aux eftectifs Nord-Afri¬ cains absorbés par la population métropolitaine depuis la fin des hosti¬ lités. Connue de façon assez précise, elle correspond sensiblement au solde migratoire cumulatif défini plus haut. La troisième enfin, ou tranche marginale, represente au moment considéré l’immigration effective, soit le total d’entrées de Nord-Africains en Métropole pour l’année considérée ÉTUDES DE SOCO-PSYCHIATRIE 116 GRAPHIQUE 8 Répartition des effectifs en fonction du délai de survenue de l’Admision hospitalière après l’arrivée en France métropolitaine pour deux échan¬ tillons pathologiques distincts. Ces trois tranches théoriques affectent des degrés de stabilite extré¬ mement divers: En particulier, les variations annuelles de la troisième tranche, sensiblement égale à 50% du total des deux autres (au minimum) sont de l'ordre de 9/10. Elles sont facilement chiffrables par le rapport: Immigration effective — solde migratoire net Immigration effective de la poplation efectivement présente, sont, l’objet d’un mouvement. 117 G. DAUMEZON, Y. CHAMPION ET J. CHAMPION-BASSET GRAPHIQUE O Evolution des dyerses tranche de la popuhuation pordricsis en Métropole de 1946 à 1953 Si l’on compare le poptapt numérique de cette variation annuelle à l’ensemble de ceux des deux autres tranches de population (les plus stables), on arive à la conclusion que, chaque année, 50 0% des effectifs de la population effectivement présente sont l'objet d'un mouvement. 118 ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATDIE migratoire. Si, par ailleurs, on incorpore cette tranche marginale dans le décompte des estimations de population ("), le pourcentage est encore supérieur. Dans ces conditions, il apparait que les variations d’effectifs d’un échantillon de population nord-africaine globale 2 immigrée au temps t sont une fonction exponentielle du temps de type; Ce fait, que nul sondage statistique des tranches d’immigration pour la population nord-africaine de base n’avait encore permis d’affirmei (il n’en existe pas actuellement encore à notre connaissance), fournit une explication simple des variations chronologiques de l’incidence morbide exposées plus haut, et de leur allure très particulière. Il explique le carac¬ tère très général du phénomène, valable pour des populations patholo¬ giques très diverses. c) Situation de l’exbrience de fransplantation — Si pous considé rons ce qui précède, la valeur déterminante de l’expérience de transplan¬ tation sur l’évolution des effectifs pathologiques apparait assez nette. Cette influence déterminante joue, précocément. Nous avons vu que les phases critiques se chifrent par quêlques mois, par rapport aux va¬ riations d’effectifs migratoires. Ultériéurement, l’évolution de la popula¬ tion mentale pathologique se rapproche de celle des autres populations pathologiques de même extraction, et semble surtout déterminée par les caractéristiques mgratoires des ertectifs. Il semble ainsi que l’incidence psycho-pathologique tende à s’épuiser avec le temps. Mira (op. Cit. avait déjà tait allusion à cette évolution caractéristique à l’occasion de l’étude d’une population et d’une situation très différentes des nôtres. mais faisant également intervenir un bouleversement social d’envergure réalisant un changement brusque de situation. Dans le cas de son échan¬ tillon, les variations significatives se produisaient dans un délai de 7 à 8 mois. Divers éléments tendent d’ailleurs à faciliter l’insertion des émi¬ grés dans le groupe récepteur, éléments fonction de la durée de séjour C’est ainsi que les chiffres cités par Bogart (s) pour la population nord¬ africaine de la Région parisienne, mettent en évidence l’amélioration de l’adaptation profesionnelle et des contacts sociaux avec la durée de sé¬ jour. La même différence apparait entre les diverses générations d’immi¬ grants. La statistique globale de Dayton (Op. Cit.) fait ressortir une pré pondérance très nette des admissions d’immigrés de première génération sur ceux de deuxième génération et sur le reste de la population. D’après les statistiques du Service social d’Aide aux Emigrants (20), 80 %% de étrangers avant recours au service social appartiennent à la prémière génération d’immigrants. Cette incidence, précoce, affecte également, nous l’avons vu, une certaine périodicité. Qutre que ce phénomène se fait jour avec une assez surprenante unité dans l’étude de plusieurs échantillons de populations G DAUMEZON Y CHAMPION ET L. CHAMPION-BASSET 119 transplantées de types divers, il semble être l’expression d’un processus beaucoup plus général, caractéristique de situations très diverses. Très en dehors de ces phénomènes de transplantation, nous rappellerons les chiffres fournis par Mira (loc, cit.) et relatifs aux effectifs d’entrées ini¬ tiales dans les services psychiatriques de Catalogne, à la suite dé la ré¬ bellion militaire du ro juillet 1936 (malades chez lesquels les troubles psychopathiques n’ont été décelés qu’après cette date, à l’exclusion d’épi¬ sodes antérieurs). Assez élevés de juillet à septembre, soit pendant deux mois et demi, les effectifs baissent brusquement après cette date ne mar¬ quant un nouveau clocher qu’en décembre, soit après un délai de s mois et demi, puis retombent rapidement à la normale. Enfin, le fait que les rapports de covariation de la morbidité soient spécialement sensibles à l’égard du solde migratoire cumulatif, expres sion à brève échéance de l’immigration effective, pose le problème de la signification de cette « tranche liminaire » de population. Il parait à ce égard intéressant de remarquer qu’il s’agit là d’une véritable « zond d’accroissement » de la population, éminemment instable, expression directe de la poussée démographique et des résistances qu’elle rençontre Il n’est donc pas tellement surprenant que les variations numériques de cette zone de conflit affectent très intimement les courbes de morbidité du moins si l’on veut bien adimetre l’hypothese suivant laquelle celle-c dépendrait dans une certaine mesure des possibilités d’adaptation au nou¬ veau milieu pour la population considérée. A cet égard, un autre facteur d’adaptation semble à priori important. Il s’agit de l’état du marché du travail dans l’aire d’immigration dont nous étudierons maintenant l’évo¬ lution. 3) Evolution de la morbidité en fonction de la situation du marché du travail. Les fluctuations observées dans les relations de proportionnalités apparentes à l’étude des variations synchrones des courbes d’entrées en Hôpital Psychiatrique et de solde migratoire pour la population étudiéc amènent à envisager l’intervention d’un troisième facteur actif, suscep¬ tible d’intervenir dans la détermination du rapport de morbidité. Etant donnée l’importance généralement admise des facteurs écono¬ miques dans le déterminisme et les modalités de l’immigration nord-afri¬ caine en Métropole il apparaissait intéressant de dégager l’incidence sur les fluctuations en question d’un aspect important de ces données éco nomiques, représenté par la situation du marché du travail. Les données numériques caractéristiques, établies par la Direction de la Main-d’Euvre du Ministère du Travail, n’existent pratiquement que depuis ro4o. Il nous a donc été impossible de couvrir les années 1047 ct 1948, pour lesquelles nous possédions les variations différentielles de po pulation. Mais, à partir de l’année ro40, les estimations deviennent de plus en plus rigoureuses, les états fournis par les emploveurs étant même soumis à une réglementation légale depuis ro5r (loi 5r-7II du 7 juin 1951). ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRE 120 Ces chiffres ne permettent en fait d’atteindre que la fraction régulie. rement déclarée de la main-d’œuvre nord-africaine du département de la Seine, et il est pratiquement impossible de connaitre l’importance rela¬ tive de cete fraction bien définie par rapport à l’effectif global de la main-d’œuvre en activité (main-d’œuvre clandestine, activités artisa¬ nales). Mais les données ainsi obtenues fournissent un indice non négli¬ geable, et présentent de plus l’avantage de caractériser une population relativement stable, régulièrement intégrée dans l’activitée économique du pays, bénéficiant en particulier des dispositions sociales prévues par la loi, et relativement moins exposée aux dificultés critiques de la con¬ joncture économique. C’est d’ailleurs surtout sur cette tranche de popu¬ lation que jouent éventuellement les secours publics de chômage aisé¬ ment evaluables susceptibles d’intervenir en combensation. TABLEAU XIV Dans ces conditions, si nous nous référons aux courbes logarithmi¬ ques de la population mentale pathologique nord-africaine pour la Seine (P), d’une part, du solde migratoire cumulatif (1), du travail recensé (T dans la Seine, d’autre part, nous observons : Pour les périodes 1940 To5r, d’une part, et 1952-1953, d’au¬ tre part, un sensible parallélisme déjà signalé des courbes de P et L, coin¬ cidant avec une variation très peu sensible de la courbe de T. Tout semble donc se passer comme si P diminuait lorsque T augmente. I restant constant. — Cette hypothèse est très visiblement confirmée pour la période 1951-1052 Nous observons là, en effet, alors que l continue à croitre une inversion très remarquable de P. Or cette régression des effectifs pa (hôlogiques dans la Seine, correspond pour la même année, dans le même périmêtre, à une augmentation frappante du travail recensé (qui double presque d’une année à l’autre au lieu de conserver la croissance régu lière habituelle au département de la Seine). G. DAUMEZON, Y. CHAMPION ET L CHAMPION-BASSET 121 Il semble donc qu’on puisse être fondé à admettre, pour la période envisagée, un rapport de proportionnalité du type: Par exemple; Si pous évaluons la dispersion de la constante dans une telle équation pour la période donnée, nous obtenons un écart maximum soit une marge d’erreur de l’ordre de 16,5 2%, avec une répartition des valeurs assez irrégulièrement distribuée pour faire admettre une variation fortuite. Une telle dispersion, sur une statistique effective de six années GRAPHIQUE 1O ÉTUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 122 (1940-1954) et daps le cadre d’un échantillon pathologique de 760 cas peut être, compte tenu de l’influence des facteurs fortuits, qui ne peuvent être éliminés d’une telle étude, considérée comme une approximation très remarquable. Il est, à cet égard, important de remarquer que l’influence du troi¬ sième facteur (T) n’est pas exclusive et ne doit pas entrainer à des con¬ clusions prématurées ou trop générales. Une série de facteurs dont il a été parlé plus haut (structure sociale du groupe considéré, mesures publi¬ ques palliatives, par exemple), bien qu’actuellement très accessoires, mais dont les statistiques récentes prouvent l’efficacité rapidement croissante au cours de ces toutes dernières années, est de nature à modifier radicale¬ ment, à assez brève échéance, les données actuelles du problème. Il n’est pas sans intérêt de rapprocher de ces données celles, extraites par Dayton (15) de son étude statistique des 80, 100 entrées enregistrées dans les services psychiatriques de l’Etat de Massachusetts pour les années 1017 à 1033, incluant donc la période de la grande dépression économi¬ que de l’entre-deux guerres. Une telle situation de sous-emploi massif frappant upe population entière (ici la population globale de l’aire de drainage de l’organisme d’assistance considéré) prend la valeur d’un phénomène en beaucoup de points comparable, de par son schématisme extrême, à la situation du marché de l’emploi vis-à-vis de la population nord-africaine- transplantée qui fait l’objet de la présente étude. Or l’analyse des chiffres de l’aateur pour les années postérieures à la guerre et contemporaines du régime de prohibition (Tth amendment). soit 1920-1033, permet d’arriver à des conclusions en tous points paral¬ lèles aux nôtres. Si, laissant de côté le facteur l défini ci-dessus, nous admettons négli geables les variations de la population totale de l’aire de drainage (). l’équation représentative se lit : L’évaluation de la dispersion de lasconstante dans cette équation pour la période donnée (1920-1933) nous fournit également, avec une distribu¬ tion irégulière des valeurs, un écart maximum %E-% 1% () La population globale de l’Etat de Massachusetts (ct, 29), est passée de 3352336 en 1920 à 4 249614 en 1930, soit un pourcentage d’augmentation de 10 3 (contre 16,1 pou l’ensemble des Etets-Unis continentaux). Les variations annuelles moyennes sont dont de l’ordre de 1 %, entre 1920 et 1930, et certainement encore inférieures entre 1830 et 193. G. DAUMEZON, Y. CHAMPION ET J. CHAMPION-BASET 123 RESU ME La population nord-africaine masculine individualisée par le place¬ ment en hôpital psychiatrique dans le département de la Seine pour la période considérée (ro4s-ros4) se distingue de façon très nette des popu¬ lations extraites sur les mêmes bases de la même aire d’origine (population asilaire et transplantée globales) par des caractéristiques démographiques originales. Cette originalité est, pour une part, le reflet des caractéristiques spéci¬ fiques de la population de base de l’échantllon étudié : distribution d’âges de type très asymétrique, de dispersion réduite, de caractère jeune : éven¬ tail d’activités professionnelles très fermé, essentiellement centré sur des activités peu stables, peu rentables, de bas niveau technique : nature de la décision administrative. A l’opposé, la progression chronologique et la répartition saisonnière des réactions pathologiques ne sont pas une fonction simple de facteurs primaires, telles les variations de l’effectif total de la population de base ou la répartition saisonnière générale. Les conditions sṕcifiques de l’immigration nord-africaine en Métro¬ pole, phénomène intense, brutal, relativement uniforme dans ses caracté¬ Fistiques générales, assez facilement chiffrable dans ses caractéristiques quantitatives et chronologiques, permettent l’individualisation à l’échelle statistique de variations qui apparaissent connexes à l’incidence morbide. C’est ainsi que, dans l’état actuel de nos copnaissances, une étude pragmatique parait devoir impliquer la prise en considération, en tant. que facteurs en rapport avec l’incidence morbide. T° de l’événement de transplantation qui détermine l’échelle de temps en fonction de laquelle apparaissent les manifestations pathologiques sui¬ vant un déterminisme pratiquement immuable : se détermine la fraction de population dont la proportionnalité à l’évolution des effectifs patholo¬ giques est la plus nette: s’expliquent les décalages chronologiques entre les variations d’effectifs totaux et pathologiques : 2° des possibilités d’adaptation au milieu nouveau; dont l’expression majeure est, dans le cas particulier, l’état du marché du travail. ETUDES DE SOCIO-PSYCHIATRIE 124 INDEX DES TRAVAUX cITÉS 1.- ABD ED GHANI: Le probleme de l’émigration algériemne en France Editions algériennes, Paris, 195r. 2. - ABELY (X.): Diminution de l’alénation mentale pendant la cuerre Prese médicale, 52, 12, 17 juin 1944, pp. 179-189. 3.- ABELY (X): Diminution des pychoses affctives pendant la guerre, Prese médicale, 52, 15, 5 aout 1044, pp. 227-228. 4. - ALLIEZ (J.) et DECOMBES (H.): Bédexions sur le comportement pevcbo pathologique d’une série de Nord-Africains musulmans immigrés. Annales médico-Asychologiques, 1952, 11, pp. 150-156. 5. - BOGART (L.) : Les Algriens en France. Adaptation russie et non réusie in « Francais et immigrés, nouveaux documients sur l’adaptation ». Travaux et documents de l’Institut National d’Etudes Démograbhiques. Paris, Presses Universitaires de France, 1954. 6. - BOITTELLE (G.) et BOITTELLE-LENTULO (CI.) : Psychoses réaction¬ nelles au dépaysement chez les travailleurs étrangers. Communication au XLVIIe congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française. Clermont-Ferrand, 1940. 7.- BOITTELLE (G.) et BOITTELLE-LENTULO (CI): Le probleme des troubles mentaux chez les travailleurs étrangers (2° nôte). Communication au Le congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française. Luxembourg, 1952. 8. - CAROTHERS (J.-C.)’ The African Mind in Health and Disease. Vonta Health Organigation Monograbh. Series, n° I7. Genève. Organisation mon¬ diale de la santé, 1954. 9. - COHEN (J.) : Mental Health of homeless and transplanted persons. Bulletin de la Fédération mondiale bour la santé mentale, août 1950. 0 bis. - COHEN (J.) : La santé mentale des personnes transplantées et sans foyer. Comptes rendus de la première réunion annuelle de la F. M. S. M., 1950. 19. - COLIN (M.) : La morbidité nord-africaine dans la métropole. Thèse de doctorat. Faculté de médecine de Lyon, 1952. II. - COLIN (M.) : Etudes sur la morbidité nord-africaine. E S.N.A, 1952. 12. - CURLE (A.) and TRIST (E.-L.) : Pransitional communities and social reconnection,. Human relations. J. 2, 1047, pp. 240-288. 13. - DAUMEZON (G.). CHAMPION (Y.) et CHAMPION-BASGET (1): Etude de quelques variables démographiques de la population de malades men¬ taux nold-africains passés au Service de l’admission de Sainte-Anne de 1045 à 1o52. Baulletin de l’Institut National d’Hygiène. VIII, 3, juillet¬ septembre 1953, pp. 434-444. 14. — DAUMEZON (G.). CHAMPION (Y.) et Mme CHAMPION-BASSET (J.) Etude démographique et statistique des entrées mascullines nord-africaines à l’Hôpital psychiatrique Sainte-Anne, de ro4s à ro5z. Place des réactions mentales dans la pathologie générale des émigrés nord-africains. Situation de la population nord-africaine par rapport à la population asilaire et transplantée globales. Hygiève mentale, 1934, L. Pp. 1 à 20 et 3. DD. 85-107, 1955. J. P. 35. 15 -— DAYTON (Nel-A.): Ney facts on mental disorders, Study of 8o too cases Charles C. Thomas. Springficld and Baltimore, 1949. G. DAUMEZON, Y. CHAMPON ET I CHAMPION-BASSET 123 16. - X.. : Essai d’évaluation numérique de l’efectif des Nord-Africains en France. EsbTit, 2, 1052, pp. 232-230. 17. - HARE (E. H.): The ccology of mental disease. A disertation on the tiotiuence 9t Environmnental Factors in dle Distription, Devclobment, an Variation of Mental Disease, Journal of Mental Science. XCVIII, 413. October 1952, pp. 570-594. 18 - HEUYER (G.) : Dscusion du rapport de psychiatrie du XLVI Congres des Médecins aliénistes et neurologistes de France et des Pays de langue française. Clermont-Ferrand, 1949. 19. - LE GUILLANT (L.) : Introduction à une psycho-patbologie sociale Eaol¬ tion Psychiatriaue, 1054, L. pp. 1-52. 29. - LE LIEPVRE (Th) et de BOUSQUET (M.-Th.). Etude de 4o0 dosiers du Service social d’Aide aux émigrants, In « Français et immigrés, nou¬ veaux documents sur l’adaptation ». Travaux et documents de l’Institut National d’Etudes démograbhiques, Paris, Presses Universitaires de France 1954. 21. - LIBUSE TYHURST : Dsplacement and migration, a study in social psychiatry. American journal of Psychiaty, 197. VII, February 1951. pp. 561508. 22.- MERLOO (A. M.) : Problems of displaced people. In « Aftemnath of Peace ». New-York, International Universities Press, 1946. 23.- M’HAMED FERID GHAZI: Le prolétariat nord-atricain en France, Esorit. 2, 1052, pp. 210-231. 24. - MIRA (E.) : Le rôle des conditions sociales dans la genèse des troubles mentaux. Rapport au II Congrès international d’Hygiène mentale. Paris, 1937. 25. - PIOLET (M.): Administrateur Civil à la Direction des Services de l’Algérie et des Départements d’Outre-Mer. Communication à la Commission Con¬ sultative Nationale pour l’Etude des Questions Nord-Africaines. Compte rendu de la réunion du 18 noyembre 1953. Paris, Ministère du Travail. 1953. 26. - ROBERTS (B. H.) and MVER (L. K.): Rcligion National Origin, immi¬ gration, and mental llness. American lournal of Psychiatry, 119, 19. ADril 1954, Dp. 750-764. 27. - SIVADON (P) : Géographie humaine et Psychiatrie. Rapport de Psychiatrie au XLVI Congrès des Médecins Aliénistes et Neurologistes de France et des Pays de langue française. Marseille, 1048. 28. - TIZARD (L.) : The prevalence of mental subnormality. Balletix de l’Orga¬ nisation mondiale de la Santé, 1953, 0,. pp. 423-449. 29. -— U. S Department of Commerce. Statistical Abstract of the United States 1933. U. S. Goyernment Printing Office. Washington, 1933. 30. - WEINBERG (A. A) : La santé mentale des personnes transplantées et sans fover. Remarques préliminaires à la troisième réunion annuelle de la Fédé¬ ration mondiale pour la Santé mentale. Fédération mondiale pour la santé mentale. 31. -— WEINBERG (A A) : La sante mentale des personnes transplantées et sans fover. Rapport à la première réunion annuelle de la Fédération mondialc pour la santé mentale. Rapport annuel de la F. M.S M. 1950. 1 TABIE DES MATIERES Introduction par H. DUCHÈNE La "Maladie mentale" comme phénomène social par P. CHOMBART de LAUWE ..... Répartition de trois groupes de maladies mentales dans certains quartierg de Paris et certaineg communeg de la Seine par Mme G. MAYER-MASSE.. 27 Contribution à une paychopathologie sociale (recherche aur la transplantation) par A. et H. TORRUBIA............. 34 L’Incidence peychopathologique sur une population trana¬ plantée d’origine Nord-Africaine. Etude de démographie hospitalière et d'écologie paychiatrique par G. DAUMEZON Y. CHAMPION et Mme J. CHIAMPION-PASSET......... 83 ACHEVE DIMPRIMER LE 2OSEPTEMRRE 1953 SUR LES PRESSES DE J. 6 R. SENNAC 24, Fba Montmanre, 34 PARIS (9 N ALNgigey 665 1 INSTITUT NALIONAL D’HYGIENE 3, RUE LÉON BONNAL, 3 A R 1 S X V 1 AIr 28