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Med Sci (Paris). 37(12): 1139–1145.
doi: 10.1051/medsci/2021206.

Les vésicules extracellulaires
Un maillon essentiel du système immunitaire

Steffi Bosch1* and Grégoire Mignot1

1Laboratoire d’immuno-endocrinologie cellulaire et moléculaire (IECM), École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation de Nantes-Atlantique (ONIRIS), INRAE, USC (unités sous-contrats)1383 , 44000Nantes , France
Corresponding author.
 

Vignette (© Guillaume van Niel, Aurélie di Cicco, Graça Raposo, Daniel Levy).

Les vésicules extracellulaires mobilisées pour répondre aux défis de la veille immunitaire

La nouvelle perception des organismes en tant qu’holobiontes, c’est-à-dire constitués, en plus de leurs propres cellules (animales ou végétales), des microbiotes et virobiotes qu’ils hébergent, indispensables à leur survie et largement majoritaire en nombre, a profondément changé notre vision du système immunitaire. Au-delà de son action de défense contre les pathogènes, le système immunitaire veille en permanence au maintien de l’équilibre physiologique, en triant entre le « bon », que l’organisme doit tolérer, et le « néfaste », qu’il doit éliminer. L’idée, née dans les années 1960, d’un mécanisme de l’immunité reposant sur la discrimination du soi et du non-soi [ 1 ] a ainsi été remplacée par des théories plus évolutives, telles que la théorie « du danger » ou « de la discontinuité » qui peuvent survenir de l’intérieur ou de l’extérieur, au cours de la vie d’un organisme [ 2 , 3 ]. Vecteurs d’échange, les vésicules extracellulaires jouent un rôle important dans l’ajustement des réactions immunitaires que l’organisme développe face aux changements qui viennent perturber cet équilibre. À cet effet, les vésicules extracellulaires présentent des propriétés uniques : 1) leur taille réduite (de 30 nm à quelques mm), qui leur permet de se déplacer aisément et plus rapidement que leurs homologues cellulaires dans les voies lymphatiques et d’accéder aux organes lymphoïdes secondaires qui constituent les centres de contrôle de l’immunité périphérique [ 4 ] ; cette taille fait également des vésicules extracellulaires des « bouchées » facilement assimilables par les cellules immunitaires phagocytaires qui patrouillent et nettoient les tissus [ 5 ] ; 2) la composition de leur membrane leur permet de franchir des barrières biologiques, telles que la paroi intestinale ou la barrière hémato-encéphalique qui restreignent l’accès aux particules synthétiques de taille similaire [ 6 , 7 ]. La surface et le contenu des vésicules extracellulaires reflètent, plus ou moins fidèlement, le phénotype des cellules dont elles sont originaires : cela a conduit au concept que ces « mini-moi » pourraient se substituer aux cellules pour exercer certaines de leurs fonctions. Nous allons voir que c’est également le cas pour des fonctions immunitaires. Très nombreuses, il est concevable que cette armée d’unités ultra-mobiles agisse comme un accélérateur-amplificateur des réponses immunitaires, favorisant la concertation à l’échelle des organismes pluricellulaires et plurigénomiques.

Les réponses immunitaires résultent de la coopération entre multiples acteurs

Comment le système immunitaire fait-il la différence entre un agent pathogène et une bactérie bénéfique à la digestion des aliments ? Entre les cellules propres à l’organisme à éliminer, suite à une blessure ou une transformation tumorale, et les autres cellules à préserver ? Ou encore entre un corps étranger et un fœtus, qui lui est tout autant étranger ? L’enjeu est de taille et nécessite une éducation dynamique et active de ce système tout au long de la vie de l’organisme. Qu’elle soit de nature tolérogène ou immunogène, le développement d’une réponse immunitaire spécifique d’une substance nécessite l’interaction entre trois entités : la substance elle-même, l’antigène ; les lymphocytes, qui sont les effecteurs en charge de l’exécution de la réponse immunitaire ; et l’environnement tissulaire que ces cellules trouvent dans les organes lymphoïdes secondaires. Ces tissus concentrent les cellules immunitaires, notamment les cellules dendritiques. Ce sont elles qui internalisent et présentent l’antigène, et d’où émanent les signaux de co-stimulation qui orienteront la réponse immunitaire et son issue. Pour combattre le danger, le système immunitaire s’est doté de détecteurs reconnaissants certaines molécules qui lui sont étrangères ou qui sont les signaux d’une altération. C’est ce que l’on appelle les récepteurs de l’immunité. Parmi ceux-ci, les récepteurs de l’immunité innée sont capables d’interagir avec des motifs moléculaires du soi synonymes de danger, les DAMP ( danger-associated molecular pattern) , tels que des acides nucléiques, ou avec des éléments du non-soi, tels que les lipopolysaccharides présents dans les membranes bactériennes, les PAMP ( pathogen-associated molecular pattern ). Ces interactions conduisent à une réponse immunitaire immédiate, avec la sécrétion de médiateurs chimiques de l’inflammation, comme les cytokines, responsables de fièvre, de rougeur ou de gonflement. Cette alerte générale va ensuite attirer différentes populations de cellules immunitaires spécialisées dans l’élimination de l’agent causal. À l’inverse, il existe également des motifs moléculaires qui favorisent la tolérance immunitaire, comme les résidus de phosphatidylsérine, exposés par des cellules mourant par apoptose. Ces motifs participent au recrutement de cellules phagocytaires et à l’ingestion des cellules mourantes par ces dernières. Chaque jour, des milliards de cellules meurent, et leur élimination par les phagocytes constitue une des principales façons d’entretenir la tolérance immunitaire à l’égard des éléments qui les constituent [ 8 ]. En effet, il est estimé qu’un tiers à un quart des lymphocytes auto-réactifs échappent aux mécanismes de sélection de la tolérance centrale et gagnent la périphérie. En stimulant la production de médiateurs anti-inflammatoires en présence de l’antigène, les corps apoptotiques contribuent au contrôle de l’activité autodestructrice de ces lymphocytes. Il est maintenant acquis que les vésicules extracellulaires participent aux échanges entre cellules lors des phases de développement, d’exécution et de résorption des réponses immunitaires ( Figure 1 ) .

Premières découvertes du rôle des vésicules extracellulaires dans l’immunité

Peu de temps après la découverte de l’apprêtement ( processing , en anglais) des antigènes par les cellules présentatrices d’antigènes dans les années 1980, il a été mis en évidence le fait que certains lymphocytes B sécrétaient des vésicules présentant des antigènes liés aux molécules du CMH (complexe majeur d’histocompatibilité) à leur surface et que ces vésicules étaient capables d’activer des lymphocytes T CD4 + in vitro [ 9 ]. En plus de molécules des CMH de classe I et/ou II, les exosomes dérivés de cellules immunitaires héritent en effet de leur cellule d’origine des molécules d’adhérence et de co-stimulation présentes à leur surface, leur permettant d’interagir avec des cibles immunitaires spécifiques et de réguler leur activité [ 6 ]. Citons ici les contributions de Clotilde Théry et de Laurence Zitvogel qui ont montré que des vésicules extracellulaires de cellules dendritiques contribuaient à la diffusion de complexes CMH/antigène entre cellules immunitaires et à l’activation de lymphocytes T auxiliaires et cytotoxiques in vivo [ 10 , 11 ]. Ainsi, l’administration d’exosomes dérivés de cellules dendritiques chargées en antigènes tumoraux à des souris atteintes de tumeurs stimule le développement d’une réponse impliquant des lymphocytes T cytotoxiques, se traduisant par la régression de la tumeur. Ces résultats très prometteurs ont laissé envisager le développement d’un nouveau type de vaccins anti-tumoraux acellulaires. La France a été pionnière avec plusieurs essais cliniques interventionnels dans ce domaine [ 12 , 13 ] !

Les vésicules extracellulaires concourent à un continuum dans les mécanismes de présentation des antigènes

Prenons comme exemple le cas de l’infection d’un macrophage par un pathogène intracellulaire, tel que les mycobactéries responsables de la tuberculose, ou certaines bactéries à l’origine de salmonelloses, ou l’un des parasites vecteurs de la toxoplasmose. Spécialisés dans la phagocytose et la destruction des pathogènes, les macrophages sont connus pour être de piètres présentateurs d’antigènes, un rôle qui est endossé principalement par les cellules dendritiques. Or, lors de ces infections, un transfert d’antigènes dérivés de l’agent infectieux à l’intérieur de vésicules extracellulaires secrétées par les macrophages hôtes infectés vers des cellules dendritiques a été observé. Ce transfert de matériel stimule la maturation des cellules dendritiques receveuses, de même que leur migration vers les nœuds lymphatiques drainants où elles vont induire l’activation des lymphocytes T auxiliaires CD4 + et de lymphocytes T cytotoxiques CD8 + , ainsi que la génération de lymphocytes T mémoires [ 14 , 15 ]. En outre, des phénomènes de transfert d’antigènes captés par des cellules dendritiques migratrices vers des cellules dendritiques résidant dans les organes lymphoïdes secondaires ont été observés [ 16 , 17 ]. La captation d’antigènes par les cellules via leur interaction avec des particules apparaît bien plus efficace que celle d’antigènes solubles présents dans l’espace extracellulaire [ 18 ].

Nombre de nos connaissances sur le rôle des vésicules extracellulaires dans la présentation d’antigènes proviennent d’études qui ont été réalisées sur la transplantation d’organes. Dans les situations de greffe, les lymphocytes T du receveur peuvent réagir à un nouveau panel de complexes CMH/antigène dérivés du donneur. Les antigènes du donneur peuvent être présentés directement par les molécules du CMH du donneur ( présentation directe ). Mais les antigènes du donneur peuvent également être présentés après leur internalisation et leur apprêtement par des cellules présentatrices d’antigènes de l’hôte. On parle alors de présentation indirecte . Mais la diffusion des complexes préformés CMH/antigène du donneur ne nécessite pas forcément leur intégration au sein des cellules receveuses. Dans certains cas, il suffit que des vésicules extracellulaires portant ces complexes CMH/antigène du donneur restent attachées à la membrane plasmique des cellules dendritiques receveuses pour que les lymphocytes T puissent réagir [ 19 ]. Il s’agit dans ce cas d’une présentation semi-directe. Dans des modèles de souris d’allogreffes, l’imagerie par microscopie électronique a ainsi permis d’identifier des grappes de vésicules extracellulaires contenant des complexes CMH/antigène du greffon associés à la surface de cellules dendritiques de souris receveuses [ 20 ]. La découverte de ce mécanisme de transfert via des vésicules extracellulaires a fourni une explication plausible à la présence, au niveau des organes lymphoïdes secondaires, de complexes CMH/antigène du donneur sur de nombreuses cellules présentatrices d’antigènes du receveur, une observation qui posait question, le nombre de cellules dendritiques du donneur étant réduit dans ces tissus [ 21 ]. Si l’on détecte bien la présence dans le sang périphérique du receveur des marqueurs immunitaires du donneur (comme les molécules du CMH), ceux-là sont identifiés majoritairement sur des leucocytes du receveur, qui ont capté des vésicules provenant du donneur, plutôt que sur des leucocytes du donneur [ 22 ]. En cela, les nombreuses descriptions de transfert de matériel fonctionnel via des vésicules extracellulaires suggèrent une sorte d’élargissement de la continuité du système immunitaire, à côté d’autres mécanismes d’interactions et d’échanges de molécules, connus de plus longue date, tels que les synapses immunologiques et les nanotubes (des protubérances membranaires qui peuvent relier des cellules entre elles) [ 16 ]. Des vésicules extracellulaires présentant des complexes peptides-CMH peuvent aussi être déversées directement dans l’espace inter-synaptique [ 23 , 24 ]. Plus le lymphocyte T est activé, plus il sera alors à même de capter les signaux véhiculés par ces vésicules. L’expression de molécules d’adhérence intercellulaire (ICAM pour intercellular adhesion molecule ) et de cytokines associées à la surface de ces vésicules favorisent leur captation par les cellules en interagissant avec leurs récepteurs spécifiques [ 23 , 25 ].

Quelles sont les conséquences de ces échanges ?

Les effets sur la cellule receveuse semblent étroitement corrélés aux molécules qui lui sont transférées, elles-mêmes dépendantes de la nature et de l’état d’activation de la cellule donneuse ( Figure 2 ) . Ainsi, des cellules dendritiques matures secrètent des vésicules extracellulaires qui sont enrichies en molécules du CMH de classe II, en molécules de co-stimulation CD86 et en molécules d’adhérence ICAM-1, qui s’avèrent jusqu’à cent fois plus puissantes pour activer des lymphocytes T effecteurs que des vésicules extracellulaires dérivées de cellules dendritiques immatures [ 26 ]. Les cellules stromales, immobilisées à distance dans les ganglions lymphatiques, dont elles forment le tissu conjonctif, peuvent capter des vésicules extracellulaires provenant de cellules dendritiques migrantes. Les cellules stromales sont dépourvues de molécules de co-stimulation activatrices. Elles expriment en revanche des inhibiteurs de points de contrôles immunitaires, tels que le ligand du récepteur immunosuppresseur PD-L1 ( programmed cell death-ligand 1 ). En interagissant avec son récepteur de surface PD-1 ( programmed cell death protein-1 ), PD-L1 diminue l’activation des cellules immunitaires. La présentation aux lymphocytes T de complexes CMH/antigène nouvellement acquis par les cellules stromales joue un rôle important dans l’induction de la tolérance vis-à-vis des antigènes ainsi présentés [ 27 , 28 ]. Ce mécanisme est à l’œuvre aussi bien dans le contrôle de lymphocytes T auto-réactifs que dans l’évasion des cellules tumorales de la surveillance immunitaire. Dans des modèles murins de transplantation, il a été montré que les vésicules extracellulaires du greffon participent à la tolérance et au maintien de la greffe, hépatique notamment [ 29 ]. La tolérance facilitée de la greffe semble reposer sur la présence d’inhibiteurs de points de contrôle immunitaire : les cellules présentatrices d’antigènes travesties à l’aide de vésicules extracellulaires riches en PD-L1 dérivées du transplant peuvent ainsi induire la tolérance aux antigènes du donneur dans les lymphocytes du receveur [ 29 ]. Les lymphocytes T régulateurs du donneur sont également connus pour concourir à la tolérance envers le greffon. Il a été montré que les vésicules extracellulaires issues de lymphocytes T régulateurs pourraient prolonger la survie de la greffe, en particulier rénale [ 30 ].

L’acceptation du non-soi : rôle des vésicules extracellulaires au cours de la gestation

La gestation est un évènement immunitaire particulier : il s’agit pour le système immunitaire de la mère de tolérer les cellules du fœtus qu’elle porte, et qui constitue une greffe haplo-identique 1 portant en partie des molécules du CMH de la mère et en partie celles du père. Le placenta, d’origine fœtale, et notamment sa couche la plus externe, le syncytiotrophoblaste, isole et protège le fœtus du système immunitaire maternel, tout en assurant les échanges qui lui sont nécessaires. Chez une femme enceinte, la concentration plasmatique de vésicules extracellulaires augmente de façon drastique, un huitième à un quart des vésicules qui circulent dans le sang maternel étant d’origine placentaire [ 31 ]. Repérables grâce à l’expression spécifique de molécules telles que la phosphatase alcaline placentaire, ces vésicules extracellulaires placentaires ont une capacité de diffusion dans le corps qui complète leur action locale. Il est ainsi possible de les retrouver dans des macrophages pulmonaires ou des cellules de Küpffer hépatiques, les macrophages résidents du foie [ 32 ]. Les vésicules extracellulaires d’origine placentaire jouent un rôle important dans le maintien de la tolérance maternelle envers le fœtus (pour une revue voir [ 33 ]) ( Figure 3 ) . Cette tolérance repose, entre-autre, sur un désamorçage des capacités des lymphocytes T cytotoxiques maternels à cibler les cellules fœtales. Il est ainsi décrit que les vésicules extracellulaires placentaires peuvent moduler l’activité des lymphocytes T en transportant le PIBF (facteur de blocage induit par la progestérone) qui stimule la production d’IL(interleukine)-10, une cytokine anti-inflammatoire [ 34 ]. Les vésicules extracellulaires placentaires transportent également les ligands de récepteurs de mort, Fas-L et TRAIL ( tumor necrosis factor-alpha-related apoptosis-inducing ligand ), qui favorisent l’apoptose des leucocytes activés [ 35 ]. Le maintien de la grossesse nécessite également l’inhibition des lymphocytes NK ( natural killer ). Ces cellules cytotoxiques agissent en présence de signaux activateurs provenant principalement des molécules du CMH autologue, leur activité étant régulée par des récepteurs membranaires. Ces récepteurs peuvent être saturés par des molécules exposées par les vésicules extracellulaires placentaires qui transportent les molécules MIC-A/B ( MHC class I chain-related molecule ), et B7H6, apparentées à la superfamille des immunoglobulines, capables de se lier respectivement aux récepteurs NKG2D ( natural killer group 2D ) et NKp30 exprimés par les cellules NK [ 36 , 37 ]. Par un mécanisme similaire, les vésicules extracellulaires placentaires réguleraient l’activité des lymphocytes Tγδ ([ 36 ]. Si la présence de ces cellules dans le sang circulant est tout à fait mineure, elles sont nombreuses dans l’utérus au cours de la gestation, pendant laquelle elles participent au contrôle de la cytotoxicité et de l’inflammation locale. Ces mécanismes de régulation suggèrent que les vésicules extracellulaires contribuent à faire du placenta un organe clé dans le maintien d’une tolérance transitoire au cours de la grossesse, au-delà de ses fonctions dans la respiration et l’alimentation du fœtus.

L’évaluation de l’impact physiologique réel des vésicules extracellulaires sur les réponses immunitaires fait l’objet de questionnements

Nous ne sommes encore que dans la phase exploratrice de la participation des vésicules extracellulaires dans l’immunité et, par conséquent, dans la santé des organismes, et de nombreuses questions restent à étudier.

Le système immunitaire d’un organisme dénué de vésicules extracellulaires dysfonctionnerait-il ? On est tenté de le croire au vu des observations faites sur les vésicules extracellulaires de cellules souches mésenchymateuses : responsables pour partie des effets paracrines de leur cellule d’origine, ces vésicules sont douées de propriétés régénératrices, angiogéniques et anti-inflammatoires in vivo . À l’inverse, les études concordent aujourd’hui, tendant à démontrer une augmentation de la sécrétion de vésicules extracellulaires en situation de stress. Vecteurs de signaux de dangers et d’auto-antigènes, ces vésicules sont alors associées à la propagation de l’inflammation et à de nombreux dérèglements physiopathologiques.

Fait irréfutable : au cours de l’évolution, de nombreuses espèces virales et bactériennes ont su emprunter les voies de biogenèse des vésicules extracellulaires pour échapper à la surveillance immunitaire [ 38 ]. En ce qui concerne leurs effets en tant que vecteurs naturels, il est frappant de constater que les vésicules extracellulaires modulent la distribution de leur contenu dans l’organisme, notamment de molécules hydrophobes, peu solubles ou instables dans les fluides biologiques ( Figure 2 ) . Des expériences de dosage réalisées avant et après traitement par des détergents ou des enzymes protéolytiques, ont en particulier montré que ces vésicules pouvaient également transporter des cytokines, soit enfermées à l’intérieur de ces vésicules, soit liées à la surface de leur membrane [ 25 ]. L’association des cytokines aux vésicules extracellulaires augmenterait ainsi leur activité biologique en évitant leur dilution dans le milieu extracellulaire et leur permettrait d’étendre leur sphère d’influence vers des cellules exprimant leur récepteur spécifique situées à distance ! De même, des acides nucléiques, instables dans les fluides biologiques, tels que les ARN messagers et les micro-ARN, conservent leur activité codante ou de répression translationnelle dans une cellule réceptrice après transfert via des vésicules extracellulaires. Ainsi, des micro-ARN doués d’une activité immuno-régulatrice, protégés à l’intérieur d’exosomes présents dans le lait maternel, résistent, in vitro , aux conditions physico-chimiques qu’ils rencontreraient lors de la digestion et sont internalisés par des cellules intestinales épithéliales [ 39 ].

Conclusion

Les phénomènes de renouvellement, de scission et de fusion intra- et extracellulaires qui caractérisent les membranes représentent un moyen d’échanges dynamiques partagé par les cellules vivantes. Un « langage commun », fondé sur la fluidité des membranes via les vésicules extracellulaires, pourrait avoir une importance particulière dans le fonctionnement d’un organe diffus et interactif tel que le système immunitaire. Au sein de l’organisme, ce langage permettrait au système immunitaire de se coordonner avec les systèmes endocrinien et nerveux. Il ouvrirait également des possibilités d’échanges inter-espèces et inter-règnes au niveau des muqueuses à l’interface avec l’environnement extérieur, exposées à un flot continu d’antigènes (alimentaires, respiratoires, cutanés, etc.), un processus éminemment multifactoriel et complexe. Ainsi, certains effets de bactéries probiotiques, positifs pour la santé, reposent sur la capacité de leurs vésicules extracellulaires à induire le développement de lymphocytes T régulateurs et de cellules dendritiques tolérogènes (pour une revue voir [ 40 ]). La compréhension des mécanismes mis en jeu offre ainsi une feuille de route enthousiasmante pour envisager l’étape où l’on s’intéressera davantage aux applications thérapeutiques des vésicules extracellulaires dans le traitement des maladies auto-immunes et inflammatoires.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Une transplantation d’un donneur vers un receveur descendant ou ascendant (greffe parent/enfant). Les deux personnes partagent la moitié de leurs molécules du CMH.
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